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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 22 mai 2008

3ème séance
Séance de 21 h 30
166ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE – (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

APRÈS L’ARTICLE 1er

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 252 vise à remédier à une lacune de notre Constitution. Si la presse ne constitue pas stricto sensu un pouvoir, son pluralisme et sa liberté sont essentiels à la formation de l’opinion publique et à sa libre expression. Nous proposons donc d’ajouter à la Constitution un article 4-1 ainsi rédigé : « Les médias concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. La loi garantit leur indépendance ». Ainsi, une loi qui risquerait d’entraîner une concentration excessive dans les médias, de les influencer ou de restreindre leur pluralisme se heurterait à un obstacle constitutionnel.

Il est essentiel que la loi garantisse l’indépendance des médias, sans quoi la mainmise de grands groupes économiques, financiers ou industriels sur un moyen de communication propre à influencer les électeurs – notamment ceux du Parlement ou des collectivités locales – leur permettrait de peser sur les décisions politiques. J’ai du reste déposé une proposition de loi simple en ce sens.

Mme la Présidente – M. Bayrou étant absent, son sous-amendement 593 n’est pas défendu.

M. Bernard Derosier – Notre amendement 274 poursuit un objectif similaire. Nous reconnaissons tous l’importance de la communication et le droit de l’opinion à être convenablement informée par les médias. Tel était le sens de la proposition de loi du groupe SRC que nous avons examinée ce matin : faire reconnaître le droit de nos concitoyens à l’information. Mais, une fois de plus, malgré les belles déclarations d’intention du Gouvernement et de la majorité, nous n’avons malheureusement pu passer à la discussion des articles. En proposant d’inscrire officiellement ce principe dans la Constitution, nous offrons donc au Gouvernement et à la majorité une nouvelle occasion de prouver leur volonté d’ouverture.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Non seulement je comprends les raisons des auteurs de ces deux amendements, mais je les partage. Pour autant, la commission ne les a pas adoptés, car le principe qu’ils évoquent est déjà garanti par la Constitution : il figure à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 2 du Traité constitutionnel européen tel que modifié par le traité de Lisbonne.

Que je sache, le Conseil constitutionnel n’a jamais censuré une loi au motif qu’elle concourrait trop à la libre information des citoyens ! Peut-être faut-il améliorer la loi sur ce point ; à chacun d’en juger ; en tout cas, aucun obstacle constitutionnel ne l’empêche !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Même avis, pour les mêmes raisons. J’ajoute que la question du pluralisme dans les médias est expressément citée dans la lettre de mission adressée à Simone Veil ; il semble donc opportun d’attendre la publication des conclusions du comité Veil de réflexion sur le préambule de la Constitution.

M. François Bayrou – Je souhaite défendre mon sous-amendement 593.

Mme la Présidente – En votre absence, il est tombé.

M. François Bayrou – Je n’étais pas loin, et j’aimerais le défendre brièvement, puisque l’amendement 252 n’a pas encore été voté.

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est bien parce que c’est vous ! (Sourires)

M. François Bayrou – L’indépendance des médias doit être garantie vis-à-vis des intérêts économiques - du fait du phénomène de concentration qui affecte ce secteur – et vis-à-vis de l’État, par exemple dans le cas où les entreprises actionnaires bénéficient de marchés publics. Étant donné l’importance de cette question et pour le bon déroulement de nos travaux, je souhaite que ce sous-amendement soit soumis au vote.

Mme la Présidente – Je vous ai laissé vous exprimer, mais nous ne saurions procéder au vote sur un sous-amendement que vous n’étiez pas là pour défendre lorsqu’il a été appelé.

M. Bernard Derosier – Monsieur le rapporteur, si vous êtes d’accord avec nous, pourquoi émettre un avis défavorable à nos amendements ?

Madame la garde des sceaux, votre réponse montre que nous avions raison de souhaiter débattre de la révision constitutionnelle à la lumière des conclusions du comité Veil ; mais le Gouvernement et la majorité ne l’ont pas permis.

Enfin, je tiens à rassurer M. Bayrou : notre amendement va dans le même sens que son sous-amendement.

Les amendements 252 et 274, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jacques Myard – L’amendement 149 tend à compléter l’article 5 en précisant que le Président de la République a pour mission de défendre les intérêts de la nation au sein des organisations internationales, notamment de l’Union européenne. Ainsi prendrait-on acte du discours prononcé par le Président de la République à Strasbourg le 2 juillet 2007, selon lequel l’arrangement de Luxembourg est toujours en vigueur au sein de l’UE : lorsque ses intérêts fondamentaux sont en jeu, la nation peut opposer son veto à une décision, qui devra dès lors faire l’objet d’un consensus ou d’un compromis.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cet amendement n’est pas illégitime… mais il est inutile. Nous avons déjà débattu de cette question lors de la modification de l’article 15. L’article 5 de la Constitution est un élément « dur » de celle-ci, suffisamment clair et établi pour que l’on ne le modifie pas.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Même avis.

L’amendement 149, mis aux voix, n’est pas adopté.

ARTICLE 2

M. Bernard Debré – La décision qu’a prise Nicolas Sarkozy de limiter le nombre de mandats présidentiels est digne d’une véritable république, qui concorde avec les traditions démocratiques de nombreux autres pays européens. Je voterai cet article.

M. Jacques Domergue – Je le voterai aussi, mais je regrette que cette limitation ne soit pas étendue à l’ensemble des mandats exécutifs. L’exercice de la démocratie s’en trouverait amélioré, les citoyens se sentiraient mieux représentés et les collectivités seraient moins confrontées à des difficultés de renouvellement, ainsi que l’a souligné M. Lagarde.

M. Marc Dolez – L’article 2 complète l’article 6 de la Constitution, sans pour autant le modifier. Il faut le regretter : cet article important, définissant le mode d’élection du Président de la République et la durée de son mandat, pèse considérablement sur l’équilibre des pouvoirs.

Il est le fruit des deux révisions constitutionnelles de 1962 et de 2000. Le déséquilibre, institué en 1958, a été amplifié par le passage à l’élection au suffrage universel de 1962 et l’instauration, selon Jean-Marie Denquin, d’une monarchie « aléatoire », du fait des possibilités de cohabitation. Mais, avec la réforme de 2000, nous sommes passés à une nouvelle phase, celle de l’hyper-présidentialisme.

Qui plus est, les deux révisions se sont faites sans même que des pouvoirs supplémentaires soient attribués au Président de la République. Or aujourd’hui, le Président de la République, irresponsable politiquement, s’en est bel et bien arrogé, au-delà de la lettre même de la Constitution. Les propositions qui nous sont faites apparaissent donc bien dérisoires pour rééquilibrer les pouvoirs et rendre sa place au Parlement.

Je fais partie de ceux, peu nombreux ici, qui estiment que cet objectif ne pourra être atteint qu’en remettant en cause l’élection du Président de la République au suffrage universel. Je regrette que cela ne soit pas d’actualité aujourd’hui, mais c’est, je crois, un passage obligé.

En tout état de cause, le retour à un régime parlementaire passe par la réaffirmation du rôle du Premier ministre et par le transfert d’un certain nombre de prérogatives du Président vers le chef du Gouvernement. Nous n’aurons une véritable démocratie parlementaire à l’égal des autres pays européens que si le Gouvernement, pleinement responsable, s’astreint à obtenir systématiquement l’investiture du Parlement, et si le Premier ministre, en retour, se voit transférer le droit de dissolution.

M. Jacques Myard – Le mimétisme de la constitution américaine gagne du terrain, au point que l’on pourrait appeler cet article « l’article Potomac » ! Pourquoi formater par avance des situations imprévues – il pourrait arriver qu’un Président de la République soit amené, au nom de l’intérêt national, à se présenter une troisième fois, quitte à démissionner par la suite ? Pourquoi encadrer ce qui doit être tranché par le peuple ? N’est-ce pas aux électeurs de décider du renouvellement politique ? Cet article constitue une faute gravissime : l’amendement 153 vise à le supprimer.

L’amendement 153, rejeté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – Le comité Balladur n’avait pas retenu l’idée d’une telle limitation, estimant qu’elle entamerait la liberté de choix du suffrage universel. Étant donné l’étendue des prérogatives présidentielles, nous croyons au contraire qu’il est nécessaire de limiter le nombre de mandats consécutifs, à l’exemple de ce qui se pratique ailleurs en Europe.

Même adoptée, cette mesure ne remettrait hélas pas en cause l’anomalie démocratique fondamentale que constitue l’élection du Président de la République au suffrage universel. Le Président de la République se trouve en effet investi d’un pouvoir exorbitant, en dehors de tout principe de responsabilité et de contrôle. L’élection présidentielle au suffrage universel entretient l’illusion d’un rapport immédiat entre le peuple et son chef – d’où n’est pas absente une certaine défiance à l’égard du Parlement – et attise un conflit permanent de légitimité entre le Président de la République et l’Assemblée nationale.

En 2000, l’inversion du calendrier électoral a donné la primauté au chef de l’État, avec des effets désastreux pour le pluralisme démocratique. Nous avions alors dénoncé cette réforme avec vigueur. Nous continuerons de le faire, comme nous persisterons à demander la suppression de l’élection du Président de la République au suffrage universel.

En aucun cas on ne peut prétendre renforcer les pouvoirs du Parlement et maintenir l’élection au suffrage universel d’un Président de la République irresponsable devant lui. En adoptant l’amendement 377 qui vise à faire élire le Président de la République par le Parlement réuni en congrès, vous balaierez la chimère d’un homme providentiel et rapprocherez la France des standards européens.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Les Français sont très attachés au suffrage universel ; nous aussi. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – L’élection du Président de la République au suffrage universel est un élément fondamental de la Ve République. Lien explicite, signe de la confiance placée dans le chef de l’État, il confère à ce dernier autorité et légitimité. Il n’est pas question de revenir sur cet acquis considérable. Avis défavorable.

M. Pierre Lellouche – Il ne s’agirait ni plus ni moins que de revenir à un régime parlementaire. Or nous souhaitons majoritairement rester dans l’optique de la Constitution telle que modifiée par la révision de 1962, par l’instauration du quinquennat et par l’inversion du calendrier, avec toutefois un rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Certes, le quinquennat a provoqué une hyperprésidentialisation du régime, mais la règle des deux mandats consécutifs crée une première limite. Elle est d’ailleurs pratiquée dans les faits par la plupart des États démocratiques – et pas seulement sur le Potomac…

M. Jacques Myard – On s’en fout !

L’amendement 377, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Gérard Charasse – Tel qu’il est rédigé, cet article prévoit que nul ne peut « accomplir » plus de deux mandats consécutifs, ce qui n’empêcherait pas un président de se faire élire une troisième fois sans aller au bout de son mandat. L’amendement 117 rectifié corrige cette ambiguïté en prévoyant, que « nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement ».

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cette rédaction est incontestablement plus claire, je vous en donne acte. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux C’est une contribution très utile. Avis favorable.

L’amendement 117 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L’article 2, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 2

M. Jean-Claude Sandrier – L’article 7 de la Constitution ne permet qu’à deux candidats de se maintenir au second tour de l’élection présidentielle. La conséquence en a été une bipolarisation particulièrement nuisible à l’expression du pluralisme démocratique. L’appauvrissement du débat public s’explique facilement dans un système où, « au premier tour on choisit, au second on élimine », favorisant le phénomène du vote utile… Que certains envisagent l’organisation de « primaires », que d’autres aient choisi de s’intituler Union pour une majorité présidentielle, voilà qui en dit long sur la transformation des « grands » partis politiques en de simples machines de guerre électorale, qui n’ont d’autre préoccupation que de remporter le duel du second tour – pour préparer immédiatement le suivant. Notre République n’a pas beaucoup à gagner à cette démocratie des plateaux de télévision, nous en sommes tous convaincus. Pour changer les choses, il faut faire sauter le verrou de l’article 7. C’est pourquoi l’amendement 379 propose que tous les candidats ayant obtenus plus de 10 % des suffrages à l’issue du premier tour puissent se maintenir au second.

L’amendement 379, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

ART. 3

M. Bernard Debré – La commission a souhaité supprimer cet article, qui propose de façon surprenante qu’une loi organique fixe le nombre des membres du Gouvernement – une disposition issue de la volonté personnelle du Président de la République et du Premier ministre. Je rejoins, pour ma part, la position de la commission, et c’est pourquoi j’ai déposé un amendement 438 de suppression.

M. Bernard Derosier – J’ai, moi aussi, déposé un amendement 277 de suppression, que la commission, une fois n’est pas coutume, a adopté. Je m’en réjouis – tout en soulignant que, si la réforme institutionnelle était applicable aujourd’hui, nous n’en discuterions même pas, puisque nous serions en train d’examiner le projet dans le texte de la commission ! Fixer dans la Constitution le nombre des membres du gouvernement comporte un risque de présidentialisation du régime : c’est une disposition qui figure, par exemple, dans la constitution des États-Unis, régime présidentiel par excellence. L’Assemblée, en supprimant cet article, confirmera que notre régime n’est pas présidentiel.

M. Jérôme Chartier – Je voudrais tout de même engager le débat sur cette question. Dans un livre que j’avais commis il y a deux ans, je suggérais de fixer par une loi organique un nombre maximum des membres du gouvernement, ainsi que les compétences de chaque ministre. En effet, la taille d’un gouvernement peut varier du simple au triple – de 15 à 49 membres pour la Ve République – en fonction des circonstances. Mais est-ce vraiment un gage d’efficacité du gouvernement, de cohésion de la majorité ? Songez que, lorsque le président des États-Unis veut augmenter le nombre de ses ministres, il doit obtenir l’aval du Congrès, qui débat à la fois de la nécessité de créer un département supplémentaire, de la fixation de ses compétences – et de son périmètre budgétaire, c’est-à-dire de son coût.

Certes, il faut laisser au fonctionnement du gouvernement la souplesse nécessaire, mais l’article 3 ne propose que de fixer le nombre maximum de ses membres. Aujourd’hui, il est possible de doubler du jour au lendemain le nombre des membres du gouvernement – et donc les locaux, les effectifs des cabinets, etc. L’opinion publique apprécierait davantage de rigueur. Le recours à la loi organique présente l’avantage d’être plus rigide qu’une loi simple et plus souple que la Constitution.

Mme Martine Billard – Je ne suis pas convaincue par cette argumentation. L’article 3 règle le cas des ministres et secrétaires d’État mais il serait sans doute possible de le contourner en créant, par exemple, des postes de « haut commissaire ». Une telle disposition n’est donc pas très utile. C’est plutôt par la volonté politique qu’on peut atteindre l’objectif recherché – car il est vrai qu’un gouvernement pléthorique n’est pas souhaitable. Il faut sans doute restreindre le nombre de ses membres pour des raisons d’efficacité, ainsi que pour limiter les dépenses – mais cette considération n’est que secondaire.

J’approuve donc la commission d’avoir voté la suppression de l’article. Il est du reste incongru de passer autant de temps à discuter du nombre des membres du Gouvernement, tout en refusant d’avancer sur la question du cumul des mandats, qui intéresse bien davantage les Français. En outre, une loi organique reste une procédure lourde, qui irait à l’encontre du but recherché.

M. Bertrand Pancher – Il faut en finir avec la tendance à accroître le nombre des membres du Gouvernement, non en fonction des missions régaliennes de l’État, qui sont constantes, mais des contingences politiques du moment. Si nous voulons une démocratie irréprochable, il faut que ses règles soient intangibles, et cela d’autant plus que l’État central veut en permanence s’occuper de tout. En commission, nous évoquions la possibilité pour le Parlement de déterminer le nombre des membres du Conseil économique et social ; pourquoi ne pas graver aussi dans le marbre le nombre de ministres ? L’opinion publique ne supporte plus l’explosion des coûts, l’inflation ministérielle source d’inefficacité. Je souhaiterais même, pour ma part, fixer le nombre des membres du Gouvernement dans la Constitution elle-même.

M. Pierre Lellouche – Malgré toute l’estime que j’ai pour le président Warsmann, je crois qu’il fait fausse route en présentant un amendement de suppression. Pour les mêmes raisons que MM. Chartier et Pancher, il me paraît important de donner le signal que l’esprit de cette réforme est de tendre à une République plus efficace et moins onéreuse pour les citoyens. Dire qu’il y aura moins de ministres pour plus d’efficacité, dire que pour toute augmentation de leur nombre il faudra un débat au Parlement, c’est un signe de grande maturité. Le dernier gouvernement de M. Prodi, en Italie, comptait près d’une centaine de ministres ; en Bosnie, pays parmi les plus pauvres d’Europe, ils sont quelque trois cents ! Un système politique qui ne fonctionne pas tend à proliférer, dans une forme de parasitisme. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut y avoir besoin, demain, d’un ministre de l’économie numérique, par exemple ; mais le Parlement devra l’autoriser. Cela va aussi dans le sens du renforcement de notre institution.

M. Philippe Folliot – J’approuve pour ma part l’amendement de la commission. Plus on se fixe de contraintes, plus les choses deviennent difficiles à gérer. En outre, le périmètre des ministères évolue avec la société : il y a vingt ou trente ans, les questions environnementales n’avaient pas la même importance, et je pourrais multiplier les exemples. Le vrai problème est celui de l’efficacité des ministres ; ceux-ci peuvent être nombreux et efficaces…

M. Pierre Lellouche – C’est rare !

M. Philippe Folliot – … comme ils peuvent être peu nombreux et inefficaces. Il me paraît préférable qu’une volonté de réforme soit portée par le politique, donc par les membres d’un Gouvernement, plutôt que par la haute administration.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Madame la présidente, la commission demande la réserve de l’article 12.

L’article 12 est réservé.

Mme la Présidente – Nous en arrivons à plusieurs amendements de suppression de l’article.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’avais défendu en commission un amendement limitant, dans la Constitution même, le nombre de membres du Gouvernement, et j’ai été battu à une très large majorité.

M. Pierre Lellouche – Vous étiez donc de notre avis ! C’est la faute à M. Montebourg !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je me vois à présent dans la situation de vous présenter un amendement 43 de suppression, adopté par les voix de l’opposition et d’une partie de la majorité.

M. Gérard Charasse – L’amendement 119 est défendu.

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Nous sommes ici dans le symbole, et les symboles n’ont pas leur place dans la Constitution.

M. Jacques Myard et M. Christian Vanneste – Et le drapeau ?

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis – C’est pourquoi j’ai également proposé un amendement 34 de suppression de cet article.

M. Jacques Myard – L’argument 154 est défendu. Ceux de nos collègues qui veulent limiter le nombre des membres du Gouvernement dans la Constitution se trompent sur ce qu’est la responsabilité politique. Le souci de réaliser des économies est louable, mais il peut y avoir des situations où davantage de ministres sont nécessaires. On ne va tout de même pas réviser à longueur de temps la Constitution ou la loi organique pour modifier le nombre des ministres ! Ce serait ridicule et ce serait une faute ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Bernard Derosier – Quand aurons-nous le courage de reconnaître que la démocratie a un coût ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) S’il y a une responsabilité que je ne dénie pas au Président de la République, c’est bien celle de se donner les moyens de conduire la politique pour laquelle il a été élu en constituant un gouvernement. Les membres du Gouvernement sont assez responsables pour ne pas s’engager dans des dépenses inconsidérées, et l’exécutif doit pouvoir déterminer librement leur nombre. Tel est l’objet de l’amendement 277.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 381 est également de suppression. L’article 3 fait partie de ces articles inutiles, qui ne renforcent ni le Parlement, ni la démocratie. Sur les cinquante dernières années, le nombre de ministres a oscillé entre 15 et 39.

M. Jérôme Chartier – Quarante-neuf !

M. Jean-Claude Sandrier – Cela n’a rien de dramatique.

M. Jérôme Chartier – Cela varie seulement du simple au triple !

M. Jean-Claude Sandrier – Les circonstances peuvent exiger plus ou moins de ministres. La décision doit rester à l’appréciation du pouvoir politique. C’est sans doute parce que les responsabilités de l’État sont de plus en plus limitées qu’on a envisagé de limiter la taille du gouvernement. Et pour cette seule raison-là, cet article doit être supprimé.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Certains gouvernements de la Ve République ont compté jusqu’à 49 ministres, ce qui n’est pas raisonnable. Cela multiplie en effet les risques de chevauchement des portefeuilles ministériels. Plafonner le nombre de ministres, c’est donner plus de stabilité à l’organisation gouvernementale, rendre l’action du gouvernement plus lisible pour nos concitoyens et renforcer l’exigence de responsabilité. Nous avons donc pensé qu’il serait utile de limiter le nombre de ministres et que ce devrait être l’objet d’une loi organique. Nous sommes donc défavorables à ces amendements de suppression, mais nous nous en remettons à la sagesse du Parlement.

M. Christian Vanneste – Le comité Balladur, sans retenir l’idée d’un plafonnement du nombre de ministres, avait tout de même souligné que la moyenne s’établissait sous la Ve République à trente-cinq ministres, soit beaucoup plus que dans les autres pays comparables. Dix-sept gouvernements, dont quinze de droite, ont compté entre vingt et quarante ministres ; dix, dont sept de gauche, en ont compté plus de quarante. Un plus grand nombre de ministres n’a jamais été une garantie d’efficacité. Ainsi, le gouvernement de Mme Cresson en 1991 en comptait-il quarante-six, de même que celui de M. Mauroy en 1981. Les ruptures qui ont marqué la Ve République ont au contraire toujours été le fait de gouvernements resserrés et dynamiques – je pense par exemple aux gouvernements Debré, Pompidou, Balladur (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui comptaient tous moins de trente ministres. Ce souci de limiter le nombre de ministres, loin d’être superficiel, est au contraire tout à fait conforme à l’esprit de la Ve République.

L’inflation ministérielle sous les gouvernements de gauche est toujours allée de pair avec un alourdissement inutile de l’État, avec un État-sumo là où il aurait fallu un État-athlète. Le développement de l’État-providence s’accompagne toujours d’une augmentation du nombre des ministres alors que, devant les difficultés, il faut disposer, non d’un « casting », mais d’une équipe resserrée et soudée, gage d’efficacité.

En second lieu, l’exemple de la rigueur doit venir d’en haut. Nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens de faire des efforts si nous ne sommes pas les premiers à donner l’exemple.

Ensuite, la multiplication des ministères crée une confusion des rôles, un chevauchement des compétences, qui ne facilitent ni le travail des parlementaires ni la lisibilité de l’action gouvernementale.

Enfin, puisque l’on souhaite un rééquilibrage entre le législatif et l’exécutif, il est logique d’augmenter le nombre de commissions parlementaires et de diminuer le nombre de ministères. Notre collègue de Courson propose une excellente règle d’or en matière de finances publiques. Je propose, pour ma part, une toise d’or pour le nombre de ministres.

M. Jacques Myard – Démagogie !

M. Jean-François Copé – Je remercie Mme la garde des sceaux de s’en être remis à la sagesse de l’Assemblée sur un sujet comme celui-ci, où les points de vue des uns et des autres sont tous éminemment respectables (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

Sur le fond, je suis, pour ma part, plutôt partisan d’équipes ministérielles resserrées, mais il appartient au chef de l’État et au chef du gouvernement d’en décider en fonction des circonstances et des besoins.

M. Jacques Myard – Tout à fait !

M. Jean-François Copé – C’est pourquoi je ne suis pas certain qu’une telle disposition ait sa place dans la Constitution, et n’y suis donc pas très favorable.

M. Gilles Cocquempot – Mon expérience de maire et de responsable de structure intercommunale m’a appris que le nombre d’adjoints ou de vice-présidents était fonction du nombre d’élus, lui-même fonction de la population de la collectivité.

Si je comprends bien, on voudrait aujourd’hui déterminer a priori le nombre maximal de ministres. Or celui-ci me paraît devoir être fixé en fonction des missions que le Président de la République confie à son Premier ministre, lequel n’est pas son collaborateur mais conduit la politique de la nation. Un tel article n’a donc pas sa place dans la réforme constitutionnelle que nous examinons.

Les amendements de suppression 43, 34, 119, 154, 277 et 381, mis aux voix, sont adoptés, et l’article 3 est ainsi supprimé.

M. Accoyer remplace Mme Génisson au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Bernard ACCOYER

APRÈS L’ARTICLE 3

M. Jean-Claude Sandrier – Le Président de la République, dont le rôle est de garantir la continuité de l’État et la séparation des pouvoirs, doit cesser de disputer le pouvoir législatif au Parlement et le pouvoir exécutif au Gouvernement. Sous la Ve République, le Gouvernement ne dispose, hélas, pas de pouvoir décisionnel autonome, sauf en périodes de cohabitation –lesquelles n’ont plus vocation à advenir depuis la subordination systématique du scrutin législatif au scrutin présidentiel. Pourtant, en toute logique démocratique, le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, a seul vocation à définir et à conduire la politique de la nation. Le Premier ministre ne saurait être un simple exécutant, encore moins un fusible. Il doit animer la politique gouvernementale, exercer le pouvoir réglementaire, nommer aux emplois civils et militaires. C’est pourquoi nous demandons, par notre amendement 378, que ce soit lui qui préside le Conseil des ministres, et non plus le Président de la République.

L’amendement 378, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jacques Myard – L’amendement 150 vise à créer un référendum d’initiative populaire, lequel, à condition, bien sûr, d’être encadré, renforcerait notablement la démocratie dans notre pays. Le référendum est une pierre angulaire de la Ve République, et je souhaiterais d’ailleurs, pour ma part, que la présente modification de la Constitution, qui est loin d’être une réformette, soit soumise à référendum.

M. Bertrand Pancher – L’amendement 232 vise à élargir le champ de la démocratie en permettant à nos concitoyens, par le biais d’une pétition, de demander un référendum. De cette façon, les dispositions de l’article 7 de la convention d’Aarhus que nous avons ratifiée en juillet 2002, ainsi que celles de l’article 7 de la Charte de l’environnement, adossée à notre Constitution, seraient encore mieux respectées.

Des garanties sont toutefois indispensables : par exemple recueillir les signatures d’au moins 10 % des inscrits sur les listes électorales, signatures dont le Conseil constitutionnel vérifierait la validité.

Si nous souhaitons réduire le fossé entre une opinion de plus en plus éclairée et les décideurs, il faut faire participer les citoyens. Pourquoi avoir peur du peuple ?

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Bertrand Pancher – Ce type de référendum permettrait en outre aux mouvements associatifs de sortir d’une culture d’opposition, pour jouer un rôle constructif d’entraînement de l’opinion, dont nous avons besoin.

M. Arnaud Montebourg – Notre amendement 526 a également pour objet de faire participer les citoyens à la vie législative, de leur permettre d’intervenir en sachant qu’il leur est possible de transformer la société, peut-être même l’histoire, et qu’en tout état de cause ils ne sont pas réduits à la pa ssivité. Et si j’ai, mardi, évoqué Pierre Mendès-France, c’était bien pour rappeler que le citoyen qui délègue son pouvoir peut aussi stimuler l’élu et participer au débat national. Ce n’est pas le cas actuellement, alors que beaucoup de pays européens recourent au referendum d’initiative populaire. La Confédération helvétique en a fait un usage immodéré ; en Italie, les citoyens s’en emparent lorsque le Parlement n’arrive pas à régler certains problèmes.

Permettre à des citoyens, en agissant d’abord dans leur voisinage, de contribuer au bien du pays : chacun ne peut que reconnaître que c’est un progrès.

M. Manuel Valls – Très bien !

M. Arnaud Montebourg – Je prévois, et j’ai voulu prévenir, les objections de certains, dont les convictions sont liées à la naissance de la Ve République, et qui crieront peut-être à l’aventure. Naturellement, il faut un quorum significatif : nous avons repris la proposition du comité Balladur de 10 % des électeurs inscrits, soit environ 4 500 000 signataires. La proposition serait rédigée par avance et, avant même le collationnement des signatures, soumise au Conseil constitutionnel, selon des modalités à définir.

Une autre objection semble avoir ému la commission des lois : la possibilité qui serait offerte d’abroger ainsi certaines réformes – les franchises médicales par exemple – dont on sait à quel point elles sont impopulaires. Nous suggérons donc que la proposition de loi soumise à référendum d’initiative populaire ne puisse contenir de disposition abrogative sans contenir aussi une contre-proposition constructive. Je souligne enfin que la procédure s’articule avec un droit de pétition : c’est seulement si la proposition n’est pas inscrite à l’ordre du jour du Parlement qu’elle est soumise à référendum (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC).

M. le Président – Nous en venons maintenant à une autre série d’amendements, identiques entre eux, portant sur le même sujet.

M. René Dosière – Mais moins bons… (Sourires)

M. Christian Vanneste – Pour une fois, je suis en plein accord avec M. Montebourg. En France, pays des révolutions, il est difficile de réformer sereinement. On parle même de « légitimité de la rue », et c’est là une tâche pour la démocratie.

M. Yves Durand – Il y en a d’autres.

M. Christian Vanneste – Dans une démocratie adulte, il faut que le pouvoir soit donné au peuple, tranquillement, et le plus souvent possible. En effet, en raison même de leur rareté, les référendums servent à se prononcer pour ou contre le Gouvernement plutôt qu’à répondre à la question posée. Plus fréquent, et portant sur des questions émanant du peuple lui-même, le référendum prendrait toute sa valeur. Il existe en Suisse – et j’y vois un modèle, Monsieur Montebourg – comme en Italie et en Californie. Donner plus de pouvoir au peuple : telle est la démocratie semi-directe dont je suis un ardent partisan, tel est l’objet de mon amendement 215.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 253 est identique. Il est exceptionnel de voir émaner de tous les groupes des propositions visant à permettre à nos concitoyens d’être à l’origine d’une loi. À l’UDF et au Nouveau centre, nous avons toujours milité pour cette nouvelle conception de la démocratie. Jusqu’à présent, le peuple élisait périodiquement un Président de la République et des députés, mais, dénué de réelle initiative entre temps, il ne jugeait ses élus que sur leur bilan. En reprenant l’intégralité des propositions du comité Balladur, nous lui donnons la possibilité d’intervenir activement et de se saisir de sujets dont nous ne nous serions pas saisis.

Contrairement à ce que dit M. Dosière, l’amendement 526 n’est pas mieux rédigé. Il n’y est pas prévu la mise en forme juridique de la proposition de loi, ni le contrôle de sa constitutionnalité ; surtout il prévoit que, si le Parlement ne se saisissait pas de la proposition, le Président de la République « pourrait » la soumettre à référendum. Nous voulons, nous, qu’il y soit obligé.

M. Noël Mamère – L’amendement 312 est identique. Vouloir associer plus étroitement les citoyens à la loi, c’est un fondement de la démocratie participative, qui n’est pas incompatible avec la démocratie représentative. Ces amendements n’ont rien de populiste ou de démagogique.

M. Claude Goasguen – À peine !

M. Noël Mamère – Il s’agit en fait d’élaborer des projets en commun. De simple sujet, le citoyen deviendra acteur de la politique.

Ces amendements recevront, je n’en doute pas, l’agrément du rapporteur, car ils insufflent une nouvel élan à notre démocratie.

Je regrette néanmoins que nos collègues n’aient pas poussé l’audace jusqu’à associer les étrangers résidant en France à cette procédure, puisque les citoyens signataires de l’initiative doivent être inscrits sur les listes électorales. Encore une discrimination de plus, alors même que l’un des objets de ce texte est de renforcer le rôle des citoyens dans la vie politique…

M. Jean-Claude Sandrier – La « rue » ferait tache, nous dit-on. Je rappelle que le droit à y manifester est une liberté !

Nous nous réjouissons de l’accueil qui est fait à ces amendements instaurant le référendum d’initiative populaire, mais l’encadrement du dispositif est encore trop rigide.

M. Jean-Christophe Lagarde – Pourquoi avoir déposé l’amendement, dans ce cas ?

M. Jean-Claude Sandrier – Ainsi, le seuil d’un dixième des électeurs, soit quatre millions et demi de personnes, est trop restrictif. Nous souhaiterions le ramener à un million d’électeurs.

D’autre part, il faut revenir sur les suites à donner à cette procédure qui, pour l’instant, ne prévoit qu’une transmission au Parlement. Ceux qui, à l’UMP, craignaient des débordements démagogiques, sont sans doute rassurés : en l’état, nos concitoyens auront le droit de demander un référendum, mais pas celui de l’obtenir.

M. le Président – Nous en venons à l’amendement 511 rectifié de M. Montebourg.

M. Arnaud Montebourg – Je souhaiterais, avant de défendre l’amendement 511 rectifié, connaître la teneur du sous-amendement déposé par le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Sur ce sujet comme sur d’autres, nous avons largement avancé, convenez-en. De nombreux problèmes ayant cependant été soulevés en commission, je soumets à l’Assemblée un sous-amendement 604 rectifié, qui n’a pas été examiné par la commission, mais qui apporte plusieurs précisions.

Tout d’abord, il prévoit que l’objet de la pétition sera défini par une proposition de loi. Ensuite, il délimite le champ de cette initiative, que nous voulons constructive, et qui ne pourra donc pas avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Cela évitera qu’un groupe ayant perdu un vote à l’Assemblée relance la machine quinze jours plus tard pour s’offrir une deuxième chance.

Par ailleurs, nous proposons de renvoyer la fixation de la procédure à une loi organique. Il était en effet prévu de confier la collecte des signatures au Conseil constitutionnel, mais, en dépit de la forte capacité de travail de nos onze sages, la collecte de plus de quatre millions de signatures est une tâche colossale… De même, il convient de renvoyer à une loi organique le délai dans lequel les Assemblées seront saisies de l’initiative, car plusieurs questions d’ordre matériel ou protocolaire ne manqueront pas de se poser.

En conséquence, je formule un avis défavorable aux amendements 150, 232 et 526, en espérant que leurs auteurs se rallieront aux amendements identiques 215, 253, 312, 382 et 511 rectifié, auxquels je donne un avis favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement 604 rectifié.

M. Claude Goasguen – C’est une véritable usine à gaz que vous allez créer. Le rapporteur tente de nous persuader que le référendum d’initiative populaire serait soudain devenu la pierre philosophale de la démocratie participative. Or en fait de dispositif moderne, c’est une idée vieille de plus de deux siècles. Rousseau décrivait comment elle était appliquée en son temps dans les cantons suisses, où elle existe aujourd’hui encore – mais un canton suisse ne compte que quelques dizaines ou centaines de milliers d’habitants tout au plus. La République française est à une autre échelle !

J’ajoute que l’initiative populaire a déjà été inscrite dans l’une de nos Constitutions, celle de 1793.

M. Arnaud Montebourg – Qui n’a jamais été appliquée parce que la Terreur l’a engloutie !

M. Claude Goasguen – Cette Constitution, rédigée dans des circonstances particulières et rendue célèbre par ses excès davantage que ses qualités, permettait en effet la remise en cause des décisions conventionnelles par le droit de pétition.

M. René Dosière – Un droit resté virtuel !

M. Claude Goasguen – Il est vraisemblable que, si cette mesure est adoptée de nouveau, les pétitions se multiplieront dans un premier temps, mais les difficultés d’encadrement et de fonctionnement, que vous n’avez pas manqué de relever, s’accumuleront vite, ne serait-ce que parce que les nouvelles technologies de la communication permettront à n’importe quel parti ou groupement bien organisé de réunir quatre millions de signatures dans les délais les plus brefs.

Enfin, les référendums d’initiative populaire porteront sur de graves sujets de société. Qu’aurions-nous fait si l’un d’entre eux avait été organisé pour rétablir la peine de mort ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Ou pour instaurer l’immigration zéro, au plus fort du populisme que vous étiez, à gauche, les premiers à dénoncer ? Pourriez-vous empêcher un référendum d’être organisé sur de telles questions de société, malgré le délai d’un an introduit par l’amendement du rapporteur ? Chacun sait que les référendums d’initiative populaire porteront sur des questions de morale. Comment les empêcherez-vous alors ?

M. Didier Migaud – Vous n’avez pas lu les amendements !

M. Claude Goasguen – Mais si ! Sous couvert de modernité, vous employez des arguments dangereux pour faire passer une mesure qui, en tout état de cause, ne sera jamais appliquée : les obstacles constitutionnels sont tels que le texte sera certainement envoyé aux oubliettes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Hervé de Charette – Je m’associe aux observations de M. Goasguen. Le besoin de démocratie directe existe, comme en témoignent les innombrables occasions qu’ont nos concitoyens d’exprimer leurs opinions sur internet comme à la radio ou ailleurs.

Pour autant, le référendum d’initiative populaire ne repose sur aucune tradition en France, contrairement à d’autres contrées comme la Suisse ou certains États américains. Dans notre pays, l’expérience prouve que cette procédure ne fonctionne pas.

M. Jacques Myard – Si ! Elle a très bien fonctionné pour le traité constitutionnel !

M. Hervé de Charette – Dans la quasi-totalité des cas, c’est à une autre question que celle qui était posée que les électeurs répondent.

Au fond, ce type de référendum consacre le triomphe de la démagogie, aux dépens de l’esprit de réforme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Si d’aventure ce texte était appliqué – ce qui est peu probable, compte tenu des difficultés d’application qu’il pose…

M. Manuel Valls – Alors votez-le !

M. Hervé de Charette - S’il était appliqué, disais-je, il ne manquerait pas d’entraîner de fâcheuses conséquences.

À preuve : de M. Montebourg à certains membres de l’UMP, tous les amendements ne visent au fond qu’à multiplier les précautions. Permettez-moi de souligner celles que je juge vraiment indispensables. Tout d’abord, la pétition devrait avoir pour seule conséquence de nous obliger à inscrire à notre ordre du jour l’examen d’une proposition de loi. Ensuite, nous devrions procéder le moment venu – c’est-à-dire au moment où la pétition sera examinée – à une vérification constitutionnelle, conformément à nos règles. En outre, un délai minimal devrait séparer l’élaboration de la pétition de son examen par le Parlement. Si l’on avait consulté les Français par référendum pendant la crise du Tibet, ils auraient été des millions à approuver la rupture de nos relations diplomatiques avec la Chine, qui eût été une grave erreur ! Enfin, si toutes ces conditions étaient réunies, c’est au Président de la République, chef de l’État et seul juge et arbitre des choix engageant la nation, qu’il appartiendrait de décider d’organiser ou non le référendum.

Si je tiens à rappeler ces indispensables précautions, c’est afin d’encadrer par avance une disposition qu’une majorité d’entre nous risque de voter. Mais il n’est pas raisonnable, Monsieur le président, de décider d’une question de cette importance à cette heure tardive. Prenons donc notre temps, et laissons au Gouvernement quelques jours pour y réfléchir.

M. Pierre Lellouche – En écoutant MM. Goasguen et de Charette, je songeais à la « société de défiance » qu’invoquait Alain Peyrefitte voilà plus de trente ans, dans son ouvrage Le Mal français, pour caractériser nos mœurs politiques.

M. Christian Vanneste – Exactement !

M. Pierre Lellouche – Quelle frilosité face au peuple !

M. Jacques Myard – Il a raison !

M. Pierre Lellouche – Quel conservatisme face au mouvement ! On est bien loin du fondateur de la VRépublique, qui croyait, lui, au référendum et faisait confiance au peuple !

M. Claude Goasguen – Si c’était le cas, il aurait quitté le pouvoir en mai 1968 !

M. Pierre Lellouche – Pourquoi faire l’hypothèse que la parole du peuple ne saurait produire qu’âneries démagogiques et exposer la République à un péril…

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. Pierre Lellouche – …que ni le Parlement ni le Président de la République ne pourraient contrôler ? Lorsque je vous entends invoquer 1793 et la Terreur, les bras m’en tombent !

M. Hervé de Charette – La tête plutôt !

M. Jacques Myard – Oui, la tête ! (Rires)

M. Pierre Lellouche – Monsieur de Charette, peut-être êtes-vous influencé par votre histoire familiale…

Au contraire, nous ferons progresser notre démocratie en donnant la parole au peuple – à condition de prévoir certains garde-fous ; de ce point de vue, M. de Charette a raison d’inviter le Gouvernement à réfléchir à un dispositif propre à éviter tout débordement. Car il ne s’agit pas de permettre aux extrémistes absents de cet hémicycle de refaire irruption dans la vie politique française, mais bien de donner au peuple le droit de se saisir des questions essentielles.

En outre, comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, le référendum d’initiative populaire serait une heureuse alternative à l’amendement inutile et calamiteux qu’a adopté la commission des lois à propos de la Turquie et de l’article 88-5 (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC).

Mme Chantal Brunel – Il a raison !

M. Pierre Lellouche – Il permettrait aux Français, comme l’envisageait le Président de la République, de se prononcer selon la procédure relative à la ratification prévue à l’article 11, alinéa 1. Ainsi le référendum d’initiative populaire ferait-il progresser non seulement notre République, mais notre diplomatie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe SRC).

Mme Martine Billard – Ce débat, qui transcende les clivages classiques – chose rare –-, est passionnant. Mais je suis moi aussi surprise de la crainte qu’inspire à certains l’expression populaire, qu’ils opposent à la raison, au bon sens et à la modération des parlementaires.

M. Hervé de Charette – On ne peut donc rien dire ?

Mme Martine Billard – Lors d’un référendum, assurez-vous, l’on ne répondrait jamais à la question posée.

M. Jacques Myard – Faux !

Mme Martine Billard – Le référendum sur le Traité constitutionnel européen en fournit un contre-exemple. En outre, n’est-ce pas parce que le référendum ne fait pas partie de nos habitudes démocratiques que le peuple a tendance à en saisir l’occasion pour exprimer sa défiance ?

M. Lellouche nous met en garde contre le risque de donner des moyens d’expression aux extrémistes. Pourtant le sous-amendement de M. Warsmann porte non pas sur l’amendement 526, mais sur l’amendement 511, qui précise qu’« un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa du présent article peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». En d’autres termes, l’organisation d’un référendum dépendrait non seulement de 4,5 millions d’électeurs, mais de 29 députés, nécessairement issus du groupe UMP ou du groupe SRC : avouez qu’il s’agit moins de donner la parole aux extrémistes que de limiter la pluralité politique !

M. Claude Goasguen – Mais c’est un attrape-couillon !

Mme Martine Billard – Quant à la peine de mort, interdite par les textes européens, elle ne pourrait faire l’objet d’un référendum faute d’être conforme à la Constitution.

M. Claude Goasguen – Et l’immigration ?

Mme Martine Billard – Si un sujet qui ne nous plaît pas est soumis à référendum, il nous appartiendra de nous battre pour convaincre le peuple !

M. Jean-Christophe Lagarde – Bien sûr !

Mme Martine Billard – C’est cela, la démocratie ! À moins que vous ne préfériez rétablir le suffrage censitaire ?

Quoi qu’il en soit, l’amendement 511 ainsi sous-amendé est insuffisant, car il exclut une partie de l’éventail politique – qui n’a rien d’extrémiste (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Jean-Christophe Lagarde – Je vous remercie, Monsieur le président, de nous permettre de nous exprimer sur cette question cruciale. Le vote de cette disposition ferait date dans l’histoire de la République et montrerait à nos concitoyens qu’en exerçant notre pouvoir constituant, nous lui rendons une partie du pouvoir qu’il nous a délégué.

Monsieur Goasguen, la constitution de 1793 n’a jamais donné lieu à l’organisation d’un référendum…

M. Claude Goasguen – Vous plaisantez ? Elle prévoyait bien le droit de pétition !

M. Jean-Christophe Lagarde – Cet argument est donc aussi vain que l’était le refus de l’élection du président au suffrage universel direct au nom du précédent de Napoléon III !

M. Claude Goasguen – Ignorez-vous l’histoire ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Non, justement !

D’autre part, c’est parce qu’il appartient au seul Président de la République de poser une question au peuple que celui-ci a tendance à lui répondre, plutôt qu’à sa question. Désormais, les Français n’auront aucune difficulté à répondre à la question qu’ils se seront eux-mêmes posée.

Quant à l’argument selon lequel certains sujets seraient trop complexes pour faire l’objet d’un référendum, le référendum sur le traité de Maastricht – et sur le traité constitutionnel européen, Monsieur Myard – a montré combien il était spécieux : les Français se sont saisis de la question qui leur était soumise, ont compris ce que l’on attendait d’eux et assumé les conséquences de leur vote, fût-il négatif.

Enfin, je me tourne vers mes collègues de gauche : ne serait-ce que pour permettre cette avancée essentielle que nombre d’entre nous, par-delà les clivages politiques, appellent de leurs vœux, cela ne vaut-il pas la peine de voter la réforme constitutionnelle ?

M. Manuel Valls – On va réfléchir !

M. Bernard Derosier – Lisez Le Monde de demain ! (Rires)

M. Arnaud Montebourg – Il importe de répondre à toutes les objections pour éclairer nos concitoyens sur les termes d’un débat dont l’issue pourrait métamorphoser notre système politique.

Je rappelle que le Premier ministre a déclaré hier que cette question ferait l’objet d’un arbitrage gouvernemental ; or le Gouvernement ne s’est pas encore exprimé sur ce point.

M. Goasguen nous a vigoureusement mis en garde contre les dérives inhérentes au dispositif proposé, oubliant que celui-ci suppose le soutien d’un dixième des parlementaires, soit quelque 200 députés et sénateurs.

M. Claude Goasguen – Il n’y aura donc jamais de référendum !

M. Arnaud Montebourg – En outre, Monsieur de Charette, vous n’avez aucune raison de craindre la foudre populaire, qui vous permet d’être député depuis fort longtemps ! (Rires)

M. de Charette pourra toujours voter contre une proposition référendaire, il pourra même monter à la tribune et expliquer les raisons de son opposition : ce faisant, il se sera saisi du sujet, ce que les citoyens attendaient du Parlement en prenant une telle initiative.

M. Claude Goasguen – Une usine à gaz !

M. Arnaud Montebourg – On dit souvent que le peuple ne répond pas aux questions posées par les référendums. Dans ce cas précis, il s’agira d’une question que le peuple se pose à lui-même. On prête souvent aux référendums une tentation plébiscitaire : elle sera absente des référendums d’initiative populaire. Il s’agit d’une avancée significative ; je remercie les orateurs de la majorité d’être dans ce combat.

M. Bertrand Pancher – Je souhaite que la France évolue en douceur. Pourquoi cette assemblée est-elle parfois si violente ? Pourquoi les décisions gouvernementales sont-elles aussi durement rejetées ? C’est parce qu’on n’a cessé de vouloir prendre des décisions malgré la volonté de nos concitoyens. Nous ne sommes plus dans une démocratie à la Benjamin Constant, notre modèle démocratique a profondément changé. Le niveau de culture de nos concitoyens a évolué.

M. Claude Goasguen – Plutôt vers le bas !

M. Bertrand Pancher – Avec 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, on ne peut plus continuer de dire « circulez, y’a rien à voir » ! Les moyens d’information et de communication font que le citoyen de base connaît souvent mieux le sujet que les experts de la question (Murmures sur les bancs du groupe UMP). En raison notamment des troubles liés à l’environnement, nos concitoyens ne nous font plus confiance dans un certain nombre de domaines. Il faut tenter de les associer au processus de décision lorsque c’est possible, sans quoi nous continuerons de passer en force ou en catimini, et le gouffre entre l’opinion publique et les décideurs que nous sommes s’élargira toujours davantage.

Le 20 mai, le Président de la République a déclaré à Orléans qu’il souhaitait une nouvelle gouvernance en matière environnementale. Cela passe par la participation des citoyens au processus de décision.

M. le Président – La parole est à M. Copé.

M. Bernard Derosier – La voix de son maître !

M. Jean-François Copé – Des points de consensus se dessinent, preuve que la réflexion, dans ce domaine, peut dépasser les clivages politiques traditionnels (« Ah… » sur les bancs du groupe GDR). Comme le rappelait Arnaud Montebourg, la démarche part du Parlement pour y revenir : il s’agit donc d’un dispositif encadré, dont ne peut émerger je ne sais quelle tentation extrémiste.

Pour ce qui me concerne, je suis favorable à l’amendement 511 rectifié sous-amendé par la commission des lois. Cela va dans le sens de ce que nous pouvons souhaiter. Cela peut être entendu depuis tous les bancs de notre assemblée, pour maintenant et pour la suite.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur les amendements identiques 215, 253, 312, 382 et 511 rectifié.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’un des axes majeurs de cette réforme réside dans le renforcement des droits des citoyens : création du droit de pétition devant le CES, création du défenseur des droits des citoyens, exception d’inconstitutionnalité. Par les amendements 150, 232 et 526, vous souhaitez aller plus loin, avec la tenue d’un référendum à l’initiative d’une dixième du corps électoral.

Le Gouvernement n’est pas opposé à une telle disposition, mais préfère se rallier à l’amendement 511 rectifié sous-amendé par la commission : celui-ci reprend une proposition plus équilibrée du comité Balladur, qui associe 20 % des parlementaires et ne prévoit un référendum que si le Parlement n’a pas souhaité se saisir de la question. Elle renforce les droits des citoyens, sans pour autant affaiblir le Parlement.

M. Jacques Myard – L’amendement 150 est retiré.

M. Bertrand Pancher – L’amendement 132 est retiré.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 526 est retiré.

Le sous-amendement 604 rectifié, mis aux voix, est adopté.

À la majorité de 113 voix contre 10 sur 125 votants et 123 suffrages exprimés, l’amendement 511 rectifié est adopté. (Mmes et MM. les députés applaudissent)

M. Pierre Lellouche – Belle victoire pour la République !

M. Bertrand Pancher – L’article 11 ne prévoit pas qu’un projet de loi portant sur la politique environnementale puisse être soumis à référendum. Du fait de la nouvelle place de l’environnement dans l’organisation globale – si un troisième conflit mondial devait se produire, il émergerait du champ environnemental – et dans nos politiques publiques, il convient de remédier à cette lacune. Tel est le sens de l’amendement 133, qui, s’il devait être adopté, permettrait à la gauche de demander un référendum sur les OGM.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Nous venons d’étendre les possibilités d’initiative populaire. En élargissant le champ de l’article 11, nous donnons une nouvelle occasion à nos concitoyens de se prononcer. Cette initiative est tout à fait justifiée. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Même avis.

M. Bernard Debré – Il n’y aura donc plus d’Assemblée !

M. Noël Mamère – M. Pancher, que je remercie, va nous faire regretter de ne pas avoir présenté un tel amendement ! Il nous permettra, en effet, d’organiser un référendum d’initiative populaire sur la question, non pas des OGM, mais des OGM en plein champ. Par ailleurs, M. Pancher a eu raison d’invoquer dans son exposé sommaire la convention d’Aarhus, souvent négligée en France comme bien d’autres conventions internationales et directives concernant l’environnement.

L’amendement 233, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Vanneste – Je suis heureux que le recours à la démocratie semi-directe ait été introduit dans la Constitution. Je dis bien : semi-directe, car nous sommes restés prudents. Il s’agira d’une « co-production » entre le Peuple et le Parlement.

M. Bernard Derosier – Les homosexuels pourront voter !

M. Christian Vanneste – M. Lellouche a évoqué Alain Peyrefitte et la société de confiance. Nous avons souvent des préjugés sur la sagesse populaire. Pourtant beaucoup de pays ont résolu des problèmes précisément en y faisant appel, l’Italie par exemple. Il ne faut donc pas avoir peur d’y recourir, sans ouvrir la porte trop large pour autant : c’est pourquoi je pense que le référendum devrait être ouvert aux sujets sociétaux d’intérêt national. Celui des langues régionales, qui est manifestement lié à la pérennité de la nation, en est un et dans ce cas, c’est au peuple de trancher. Tel est l’objet de l’amendement 214.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Il n’est pas possible de donner une définition de ces « sujets engageant la pérennité de la nation ». Le champ de l’article 11 est déjà suffisamment large, il n’est pas souhaitable d’y introduire cette notion. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

L’amendement 214, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Christian Vanneste – L’amendement 216 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 575 est identique.

M. Arnaud Montebourg – Le 576 aussi. C’est un amendement de coordination.

M. Noël Mamère – L’amendement 313 est un amendement de coordination.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis favorable sur les trois amendements identiques. Avis défavorable sur le 313, qui pose un problème rédactionnel.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Même avis.

Les amendements 216, 575 et 576, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - L’amendement 313 tombe.

M. Noël Mamère – Après l’échec du traité constitutionnel européen, le Président de la République a défendu un traité simplifié qui reprenait nombre de ses dispositions. Certains d’entre nous y étaient favorables, mais sous réserve que ce traité soit, comme le premier, soumis à référendum. Nos concitoyens avaient en effet exprimé leur choix de façon très majoritaire et le respect démocratique exige que leur décision ne puisse être défaite que par la même voie. C’est l’objet de l’amendement 314.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 383 est identique. À l’occasion d’une proposition de loi que nous avons déposée il y a peu de temps, M. Mariani m’avait dit qu’il voterait volontiers cette disposition si elle ne faisait pas partie d’un texte de circonstance. Aujourd’hui, l’amendement n’est plus de circonstance mais l’objectif reste exactement le même : empêcher que l’on revienne sur une décision prise par le peuple par une autre voie qu’un nouveau référendum. Allez dans le même sens que M. Mariani : il est juste de respecter la voix du peuple lorsqu’elle s’est exprimée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Nous en avons longuement débattu lors de l’examen de cette proposition de loi du groupe GDR : cette mesure pose une multitude de problèmes de forme – que sont par exemple des « dispositions analogues » ? – et de fond. Deux procédures coexistent, le référendum et le vote des deux chambres, et le Parlement reste légitime tant qu’il respecte les règles qui lui sont fixées.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

Les amendements 314 et 383, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gérard Charasse – L’amendement 120 tend à supprimer l’article 12 de la Constitution, qui permet au Président de la République de dissoudre l’Assemblée. Une réelle revalorisation du Parlement passe en effet par l’instauration d’un régime présidentiel et donc d’une séparation stricte des pouvoirs exécutif et législatif, ce qui amène à supprimer la motion de censure d’une part et le droit de dissolution d’autre part. C’est seulement si nous en finissons avec le régime hybride actuel, qualifié tour à tour par les constitutionnalistes de « semi-parlementaire » ou de « semi-présidentiel », que le Parlement se verra conférer de réels pouvoirs et qu’il pourra assumer pleinement ses deux missions traditionnelles de législation et de contrôle de l’exécutif.

M. Noël Mamère – L’amendement 315 est identique. Nous sommes un certain nombre à avoir combattu l’inversion du calendrier, qui a renforcé les pouvoirs du président et nous a conduits à cette situation hybride. Aujourd’hui, la majorité est déduite de l’élection présidentielle, qui devient la clef de voûte du système, mais nous continuons à nous dire dans un régime parlementaire – le « parlementarisme rationalisé » des constituants de 1958. L’élection du président au suffrage universel et la concordance de son mandat avec celui des députés lui donnent une telle primauté que la dissolution devient inutile. Cette situation n’a rien à voir avec celle qu’a trouvée M. Chirac à son élection en 1995.

D’autre part, vous proposerez aussi de donner la possibilité au Président de la République de s’exprimer devant l’Assemblée nationale. N’étant pas élu par elle mais par le peuple, il n’a aucune raison de le faire, contrairement au Premier ministre qui engage sa responsabilité devant elle. S’il veut pouvoir venir, et que son intervention soit suivie d’un débat, qu’il renonce au droit de dissolution ! Il ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Cet amendement s’inscrit dans une logique imparable.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Nous souhaitons conserver les équilibres de nos institutions.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

M. Hervé de Charette – Ces amendements ont le mérite de permettre à la majorité d’affirmer solennellement, en les rejetant, qu’elle ne veut pas changer la nature de notre Constitution et qu’elle veut en garder les équilibres principaux.

Les amendements 120 et 315, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 4

M. Bernard Debré – Après tous ces votes, je ne suis pas sûr que l’Assemblée nationale conserve un quelconque pouvoir ! Ce que l’on oublie, c’est que les députés sont les représentants du peuple et que celui-ci est déjà fréquemment amené à voter – législatives, cantonales, régionales, européennes. On vient d’ajouter un faux-semblant, mais peut-être est-ce le prix à payer pour obtenir les voix socialistes.

L’article 4 me semble le résultat d’une mauvaise approche. Il y a quelques années, François Mitterrand avait augmenté considérablement – beaucoup trop – les nominations dépendant du Président de la République. Beaucoup auraient pu être rendues aux ministres et aux administrations, mais d’autres sont par nature de l’autorité du Président… et voici qu’il va demander l’avis d’une commission ! N’en doutons pas, il n’y aura jamais de droit de veto. Et comment la majorité des trois cinquièmes sera-t-elle obtenue ? Par des marchandages entre opposition et majorité. Ces nominations seront donc par définition politiques : on donnera à l’un le CSA, à l’autre le Conseil constitutionnel… C’est une dénaturation des institutions. Dans ma naïveté, je faisais confiance au Président de la République, quel qu’il soit : je pensais qu’il était au-dessus des partis – et par ailleurs, rien ne l’empêchait de demander le cas échéant l’avis de spécialistes ! Mais qu’une commission politique nomme des personnalités aussi importantes me semble excessivement dangereux et donne un tour politicien à ces nominations.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – C’est inexact.

M. Jean-Christophe Lagarde – Cette disposition marque une avancée, même si elle est insuffisante. Les nominations aux fonctions principales de la République ou des grandes entreprises nationales seront débattues publiquement, ce qui évitera les soupçons récurrents sur des motivations plus ou moins avouables.

Cela concerne d’ailleurs aussi bien les nominations du Président de la République, que celles des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il est sain que ces nominations soient transparentes, pour que les Français puissent se dire que les personnes nommées à des positions arbitrales – Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature, Conseil supérieur de l’audiovisuel… – l’ont été en raison de leurs compétences et non grâce à leurs connivences avec le pouvoir en place.

La rédaction de l’article me semble toutefois insuffisante, et j’approuve donc les amendements de la commission. Je sais que le veto à la majorité des trois cinquièmes ne plaît pas à tous nos collègues. Certes, il est difficile de réunir une telle majorité – on le voit pour les révisions constitutionnelles (Sourires) –, mais je crois qu’il ne faut pas s’en tenir à ce seul chiffre. Imaginons que le Président propose un nom pour le Conseil constitutionnel et que, sans attendre d’obtenir l’accord de trois cinquièmes de ses membres, la commission vote un avis défavorable à la simple majorité. Le Président aura le droit de nommer la personne en question, mais, en responsabilité, il ne le fera pas, car ce serait passer outre la volonté d’une commission parlementaire, quand celle-ci exprime ses doutes ou ses soupçons à la majorité de ses membres.

Le texte initial n’était pas satisfaisant non plus en raison de la proposition d’une commission ad hoc. L’intervention des commissions permanentes, dont les membres se spécialisent dans leurs domaines respectifs, est en effet préférable. Ceux qui se spécialisent dans l’audiovisuel, par exemple, sont qualifiés pour donner des avis sur les nominations au CSA, tandis que cela n’a pas de sens de se spécialiser dans des nominations en général.

M. Hervé de Charette – Les dispositions de cet article ne sont pas une surprise, puisque le Président de la République avait annoncé pendant la campagne électorale qu’il souhaitait que le pouvoir de nomination présidentiel soit partagé avec le Parlement. Cela ne m’empêche pas d’avoir les plus grands doutes.

Tout d’abord, le texte du Gouvernement est mauvais.

M. Jean-Pierre Brard – Si c’était le seul ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Hervé de Charette – Imagine-t-on en effet une commission uniquement chargée de rendre des avis sur les nominations, c’est-à-dire quinze ou vingt parlementaires discutant entre eux sur le mode « passe-moi la rhubarbe, je te passe le séné » (Sourires), autrement dit : « passe-moi ce poste, tu auras celui-là » ? Ce serait un abaissement de la République. La nomination aux hautes fonctions engageant les droits et libertés de nos concitoyens mérite mieux qu’une telle procédure.

Je me félicite donc que la commission ait accompli un travail utile, d’abord en déclarant que l’avis serait public : comment croire qu’un tel avis pourrait de toute façon rester confidentiel ? La commission a également proposé de réunir deux commissions, l’une de l’Assemblée nationale, l’autre du Sénat, donc de rassembler entre 100 et 150 parlementaires pour délibérer, et cela change singulièrement la nature des choses. Cependant, l’idée que la majorité d’un groupe ainsi constitué puisse s’opposer au Président de la République me paraît difficilement acceptable. Nous avons déjà accepté que le Parlement soit associé à certaines nominations : président de la Commission de régulation de l’énergie, président de l’Autorité de régulation des télécommunications, contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je ne suis donc pas opposé au principe, mais le texte de la commission est allé au-delà de ce qui me paraît être raisonnable en donnant au Parlement la capacité de bloquer les nominations du Président, qui doit rester l’arbitre et l’autorité suprême.

M. Arnaud Montebourg – Nous mesurons la difficulté rencontrée vis-à-vis de ce que l’on pourrait appeler la « République des autorités objectives », celle qui nomme, non des fonctionnaires d’exécution au service d’une politique – préfets, recteurs, directeurs d’administrations centrales, qui doivent rester à la main du pouvoir exécutif pour que celui-ci mette en œuvre la politique pour laquelle il a été élu –, mais ces autorités – Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu’un certain nombre d’autorités administratives régulatrices de pans entiers de notre économie ou en rapport avec l’exercice des libertés fondamentales – qui soulèvent des problèmes de responsabilité et de confiance. Si ces autorités sont indépendantes du Gouvernement, nul ne sait devant qui elles répondent, si ce n’est devant le juge en cas de possibilités de recours. Dès lors, tout le dispositif de cette « République appartenant à tous », comme on pourrait encore l’appeler, repose sur la qualité des personnes qui dirigent ces autorités. C’est la seule garantie offerte aux citoyens. Sans être inamovibles, ces personnes sont en place en raison de leurs compétences.

Le Président de la République, dans son discours du 14 janvier, porte de Versailles…

M. Jean-François Copé – Excellent discours !

M. Arnaud Montebourg – …, affirmait : « La démocratie irréprochable, ce n’est pas une démocratie où les nominations se décident en fonction des connivences et des amitiés, mais en fonction des compétences ». Or le passage du discours aux actes nous pose problème. Nous pensons certes que le texte est un progrès, car une commission vaut mieux que pas de commission du tout…

M. Jean-Pierre Brard – Clemenceau le disait déjà !

M. Arnaud Montebourg – …, un débat vaut mieux que pas de débat du tout. Mais on se trouve malheureusement, au final, devant un excès de verrouillage. Qu’implique, ainsi, le veto à la majorité des trois cinquièmes ? Pour s’opposer à une nomination, il faudrait que les députés socialistes convainquent 11 sénateurs et 27 députés de la majorité, soit 38 personnes.

M. Jean-François Copé – Il faut aimer les défis ! (Sourires)

M. Arnaud Montebourg – Dans ces conditions, cette disposition ne trouvera jamais à s’appliquer. Comment croire que nous privilégions des « compétences » à des « connivences » si nous replaçons le fait majoritaire dans l’avis sur les nominations ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Très bien !

M. Arnaud Montebourg – C’est pourquoi nous proposons de revenir à la majorité simple. Nous avions en commission proposé la majorité des trois cinquièmes pour le cas où il faudrait réunir cette majorité afin de ratifier. La commission a repris ces trois cinquièmes mais de façon à rendre le veto inapplicable !

M. Philippe Folliot – J’exprimerai également quelques réserves. Comme MM. Debré et de Charette, je crois que cet article introduit un changement profond de notre culture de la haute fonction publique. Ce changement aura peut-être, à terme, des répercussions sur l’ensemble de nos mécanismes de nomination, en faisant que ceux qui sont susceptibles d’accéder à des postes à responsabilité se positionnent dans des écuries politiques, alors que la force de notre système tient à ce que les personnes parviennent à ces postes en raison de leurs compétences et de leur volonté de servir l’État. L’important est que les personnes qui possèdent les compétences nécessaires, mais qui ne se situent ni dans un camp ni dans l’autre, puissent quand même accéder à des postes de responsabilité.

M. Pierre Lellouche – Il m’étonne tout autant de voir certains dans nos rangs effrayés par les nouveaux pouvoirs confiés au Parlement qu’il m’étonnait de les entendre exprimer tout à l’heure leur peur du peuple s’agissant du référendum. Alors que le Président de la République a lui-même proposé, dans son fameux discours du 14 janvier, de limiter de manière drastique ses pouvoirs de nomination et de faire confirmer celles-ci par le Parlement, voilà que des parlementaires, effrayés, crient à la dénaturation de la Ve République.

Je le dis bien volontiers à M. de Charette et à M. Debré, je suis, pour ma part, heureux de ce nouveau pouvoir accordé au Parlement, à l’instar de ce qui existe dans de nombreux parlements étrangers. La formule retenue d’une grande commission auditionnant tous les candidats à tous les emplois ne me paraît pas en revanche une bonne idée. Je serais plutôt favorable à ce que les candidats soient auditionnés par les commissions permanentes des deux assemblées en fonction de leurs domaines de compétences – ce qui serait d’ailleurs beaucoup plus sain – et à ce qu’une majorité simple suffise pour opposer un veto. En effet, si une majorité de députés, même simple, va contre l’avis du Président de la République, c’est que le candidat pressenti n’est pas crédible au poste concerné et que sa nomination ne passera ni dans l’opinion ni dans les médias. L’objectif est d’obliger le Président de la République à proposer des personnalités incontestables et à faire en sorte que les compétences l’emportent définitivement sur le copinage et les affinités (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec – Ce débat est surréaliste. Cet article n’est qu’un leurre. Je suis en effet certain que ce droit virtuel accordé au Parlement ne s’exercera jamais. Jamais nous ne pourrons aller contre une décision de nomination du Président de la République. Je regrette sincèrement que nous passions autant de temps à débattre de cet article d’habillage, alors qu’ont été tout à l’heure balayés d’un revers de main nos amendements sur l’importante question du droit de vote des étrangers aux élections locales.

M. Noël Mamère – Très bien !

M. François Bayrou – Machiavel assurait que « gouverner, c’est faire croire. » Le point positif de cet article est que les personnalités seront auditionnées, ce qui contraindra à privilégier la compétence, l’audition risquant, à défaut, de révéler la supercherie d’éventuels copinages. Prévoir en revanche qu’un veto ne puisse s’exprimer qu’à la majorité des trois cinquièmes, c’est se moquer du monde. Exiger une telle majorité pour qu’une nomination soit ratifiée aurait un sens, car cela signifierait que la personnalité emporte l’adhésion au-delà de la majorité. Mais appliquer ce même critère pour un veto revient, de fait, à ce que seul le parti majoritaire ait le droit de l’exercer. D’un seul coup d’un seul, par cette disposition, vous refermez la porte entrouverte. Si le Gouvernement est de bonne foi, il doit accepter le principe d’une audition des personnalités pressenties, avec soit un vote d’adhésion à la majorité des trois cinquièmes, soit un droit de veto à la majorité simple. Sinon, cet article ne sera qu’un leurre.

M. Jacques Myard – L’amendement 155 tend à supprimer cet article qui est loin d’être anodin. Il remet en effet en cause le principe de la séparation des pouvoirs. Que le Président de la République doive recueillir l’avis de commissions parlementaires pour un certain nombre de nominations qu’il effectue en son âme et conscience est contraire à l’esprit de la Ve république et crée une confusion regrettable. Je suis favorable à un Président de la République qui exerce pleinement ses pouvoirs et un Parlement qui exerce pleinement les siens, pas à un mélange des genres.

M. Bernard Debré – J’ai déjà défendu mon amendement 439 qui est également de suppression.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission est défavorable à ces amendements. J’ai été choqué d’entendre certains dénoncer un leurre. Aucun Président de la République depuis le début de la Ve République n’a jusqu’à présent proposé de soumettre ses nominations à l’avis d’une commission.

Le projet initial du Gouvernement était que l’audition de toutes les personnalités ait lieu devant une même commission spéciale, composée de députés et de sénateurs. Nous pensons, pour notre part, qu’une commission spécialisée dans les auditions risquerait de devenir un lieu hautement politisé où ne se trouveraient pas nécessairement les compétences pour juger de celles des personnes entendues étant donné la diversité des domaines. C’est pourquoi nous pensons plus judicieux de faire procéder à ces auditions par les deux commissions permanentes réunies de l’Assemblée nationale et du Sénat, compétentes dans le domaine concerné. À l’issue de ces auditions, les commissions émettront un vote et en soi seul, cela constitue une révolution. En effet, le Président de la République hésitera à nommer certains candidats, s’il n’est pas sûr qu’ils passent le cap de l’audition. D’un autre côté, certains candidats eux-mêmes refuseront d’être nommés, craignant de n’être pas assez solides pour passer la rampe de leur audition par les parlementaires. Cette disposition aura donc un effet préventif considérable.

Je voudrais essayer de convaincre ceux qui prétendent que le vote de la commission n’aura pas réellement d’importance. Imaginons une commission réunissant cent parlementaires, soixante de la majorité et quarante de l’opposition. Si le candidat recueille quatre-vingts voix en sa faveur, c’est qu’il est incontesté et sa nomination se trouve confortée. Si au contraire il ne recueille que 51 voix pour, sa candidature se trouve très affaiblie. Et s’il recueille cinquante-cinq voix contre lui, le Président de la République pourra certes le nommer, la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés exigée pour le veto n’étant pas atteinte, mais le Parlement aura fortement tiré la sonnette d’alarme.

Pourquoi avoir retenu une majorité des trois cinquièmes pour le veto ? Notre idée était que si un candidat réunit contre lui toutes les voix de l’opposition plus une part non négligeable des voix de la majorité, cela signifie qu’il ne remplit pas les conditions. Ce dispositif n’est sans doute pas parfait et pourra bien sûr être amélioré dans le futur, mais quel progrès déjà ! Sans porter atteinte aux compétences du Président de la République qui conserve son pouvoir de nomination, nous faisons qu’il l’exerce sous les feux des projecteurs, après une audition par les parlementaires et un vote à bulletin secret. Quel pas en avant !

Pour le reste, la commission a proposé que cet article soit élargi aux emplois « et fonctions » car dans certaines instances, il s’agit plus de fonctions que d’emplois. Ce sera l’objet de l’amendement 44.

Quels seront les postes concernés ? Il semble qu’il s’agira des personnes nommées dans le cadre d’autorités administratives indépendantes et les présidents d’entreprises publiques. Qu’un candidat à la direction d’une entreprise publique vienne devant une commission parlementaire expliquer quels sont ses compétences et ses projets, c’est un changement considérable.

Tel est le contenu des amendements votés par la commission et que nous appelons l’Assemblée à soutenir (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’article 4 est inspiré par un souci de transparence et d’efficacité. Monsieur Myard, il ne s’agit pas de transférer une responsabilité de l’exécutif au législatif, mais de donner un droit de regard au Parlement. Procéder aux nominations importantes en toute impartialité ne peut que renforcer la confiance de nos concitoyens dans la démocratie. Avis défavorable sur les amendements de suppression.

M. Didier Migaud – Nous ne sommes pas favorables à la suppression de cet article. Il est bon que le Parlement ait son mot à dire sur des nominations à la tête d’institutions qui doivent être irréprochables. Il ne s’agit pas d’une atteinte à la séparation des pouvoirs puisque la nomination des préfets, ambassadeurs et à d’autres fonctions nécessaires à l’exécution d’une politique n’est pas concernée. En revanche, pour les membres du Conseil constitutionnel, du CSM, d’autorités indépendantes, il est très important que le Parlement ait son mot à dire. C’est je crois, le sens des propos du Président de la République : « les nominations de ce type doivent être confirmées par un vote des commissions parlementaires concernées. Le fait du prince n’est pas compatible avec la République irréprochable ».

M. Jacques Myard – Ce n’est pas le fait du prince, c’est le principe d’autorité !

M. Didier Migaud – Mais, monsieur le rapporteur, le fait majoritaire est-il également compatible avec une République irréprochable ? Je n’en suis pas sûr. Ce n’est pas la même chose de demander une majorité des trois cinquièmes pour approuver une nomination et d’exiger une majorité des trois cinquièmes pour exercer le droit de veto. Ce faisant, vous n’associez pas l’opposition au choix des nominations. Nous souhaiterions qu’on améliore la rédaction de cet article pour qu’on ne puisse pas douter de la sincérité de votre démarche. Il représente une avancée par rapport à la situation actuelle. Mais pour lui donner tout son sens, il faut que, pour un certain nombre de nominations, l’opposition ait son mot à dire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Hervé de Charette – Je ne voterai pas cet article en l’état, tout en réservant mon vote sur la rédaction finale, car la discussion va se poursuivre. Je ne suis pas hostile au principe de la proposition qui nous est faite. Mais d’abord, s’agissant d’un droit constitutionnel, il n’est pas normal de renvoyer à une loi la liste des postes concernés. Nous voudrions la connaître avec précision. En second lieu, que le Parlement puisse exercer un droit de veto sur une partie des fonctions du Président de la République…

M. Jacques Myard – Ce n’est pas normal.

M. Hervé de Charette – … me paraît incompatible avec la conception actuelle de nos institutions. Certains veulent les changer. Pour ma modeste part, j’essaye d’en conserver l’esprit.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Nous inscrivons l’obligation dans la Constitution lorsque l’organe concerné est de nature constitutionnelle, comme le CSM. En revanche, lorsque le pouvoir de nomination du président émane d’une loi organique ou d’une loi ordinaire, nous nous en remettons aussi à la loi. Une disposition constitutionnelle serait trop rigide et interdirait par exemple de faire évoluer un organisme comme le CSA.

M. Noël Mamère – Nous ne sommes pas favorables à la suppression de l’article 4. Mais le rapporteur reprend ce que le texte du Gouvernement donnait, à savoir un pouvoir de contrôle du Parlement sur certaines nominations, en renforçant le fait majoritaire.

Les amendements 155 et 439, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gérard Charasse – L’amendement 121 soumet à un avis conforme du Parlement les nominations prévues au troisième alinéa de l’article 13 : conseillers d’État, grand chancelier de la Légion d’honneur, ambassadeurs et envoyés extraordinaires, conseillers maîtres à la Cour des comptes, préfets, représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, officiers généraux, recteurs d’académie et directeurs des administrations centrales.

Il ne s’agit pas ici de créer une commission ad hoc comme pour la nomination aux emplois mentionnés au quatrième alinéa de l’article 13, mais de confier aux commissions permanentes des deux assemblées la responsabilité de rendre cet avis. Par exemple, les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat devraient chacune se prononcer à une majorité des trois cinquièmes pour la nomination des conseillers d’État. Si au moins l’une des deux commissions émet un avis défavorable, la nomination en question ne peut avoir lieu.

L’amendement 121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – Cette réforme est de prime abord intéressante. Mais les dispositions proposées sont trop floues et ne vont pas assez loin. Qu’en est-il des emplois plus importants politiquement ? Notre amendement 385 dispose que l’ensemble des emplois auxquels nomme le Président de la République est soumis à avis conforme d’une commission constituée de membres des deux assemblées. Cela doit valoir pour les directeurs d’administration centrale, les préfets, les diplomates, afin d’encadrer les nominations de complaisance. Par ailleurs, il est essentiel que la composition de la commission soit inscrite dans la Constitution, afin de respecter l’équilibre des forces politiques.

L’amendement 385, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 44 a été défendu : il s’agit de mentionner les emplois « ou fonctions ».

L’amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jérôme Chartier – Je défends l’amendement 198 dans le but de me faire confirmer que les emplois du secteur culturel sont bien dans le champ de cet article. En effet on parle du domaine économique et social sans mentionner explicitement le culturel.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Notre interprétation et la tradition sont que le culturel est toujours inclus dans l’économique et le social. L’amendement est donc satisfait. J’en souhaite le retrait, ou le rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Ce secteur est bien couvert. La loi organique fixera la liste des postes. L’amendement est donc satisfait.

M. Jérôme Chartier – L’amendement 198 est retiré.

M. Gérard Charasse – L’amendement 122 ne change qu’un seul mot, mais il est d’importance : en remplaçant « l’avis » de la commission par son accord à la majorité des trois cinquièmes, on encadrera davantage le pouvoir de nomination du Président de la République à certains postes-clé, et l’on confiera un réel pouvoir aux parlementaires.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable : accepter cet amendement reviendrait à transférer le pouvoir de nomination du Président de la République à l’opposition !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 279 vise à étendre la disposition aux nominations des présidents ou directeurs des autorités administratives de régulation. Ces dernières années, certaines de ces nominations furent contestables – je pense notamment à l’autorité des marchés financiers. Nous avons parfois vu des membres éminents de cabinets ministériels – y compris de celui du Premier ministre – passer en toute discrétion à la tête de l’une de ces autorités prétendument indépendantes, mais au fond très politisées. Notre amendement apporterait au moins un peu de lumière et encouragerait à davantage de neutralité.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. L’amendement est satisfait par la rédaction de l’article. J’ajoute que la présence d’un adverbe tel que « notamment » dans le texte constitutionnel n’est jamais souhaitable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

M. Hervé de Charette – Cet amendement aboutira à politiser peu à peu l’ensemble des nominations administratives.

M. Jacques Myard – C’est évident !

M. Hervé de Charette – Faudra-t-il que l’opposition donne un jour son avis sur les nominations de préfets ?

M. Manuel Valls – Dans le Maine-et-Loire, par exemple ?

M. Hervé de Charette – Voilà où la IVe République est en train de poindre son nez : précisément là où elle avait pourri ! (Exclamations sur divers bancs)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Rassurez-vous : la Constitution prévoit un verrou nous protégeant de ce danger, puisque c’est une loi organique qui détermine les emplois autres que ceux mentionnés au troisième alinéa.

M. Jacques Myard – Le ver est dans le fruit !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Sont ainsi protégés les conseillers d’État, les ambassadeurs, les conseillers-maîtres à la Cour des comptes, les préfets et autres représentants de l’État, les officiers généraux, les recteurs des académies et les directeurs d’administrations centrales.

M. Hervé de Charette – Et pourtant, à terme, c’est bien l’opposition qui jugera !

M. Arnaud Montebourg – Touchés par les arguments du rapporteur et ne voulant heurter personne, nous retirons l’amendement.

L'amendement 279 est retiré.

L’amendement 384 est retiré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 45 est défendu.

L'amendement 45, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 47 rectifié est défendu : il résume le dispositif que propose la commission.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 278 rectifié vise à revenir à la règle de la majorité simple afin d’atténuer le fait majoritaire. C’est une proposition raisonnable autour de laquelle nous devrions tous nous retrouver.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je retire les amendements 255 rectifié et 254 rectifié au profit de celui du rapporteur, mais je précise tout de même que si la commission émet un avis négatif à la majorité simple, le Président de la République ne pourra pas se permettre d’effectuer la nomination concernée.

Les amendements 255 rectifié et 254 rectifié sont retirés.

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis – Je retire également les amendements 35 et 36.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable sur l’amendement 278 rectifié.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis. Favorable sur le 47 rectifié.

M. le Président – L’amendement 47 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En effet, le sous-amendement 527 rectifié vise à supprimer la règle de la majorité des trois cinquièmes. Cela vaut tout particulièrement pour les personnalités qualifiées désignées au Conseil supérieur de la magistrature, et notamment le défenseur des droits des citoyens. Il serait singulier qu’une telle règle soit utilisée pour sa nomination. Elle reproduirait un blocage déjà ancien auquel seule la règle de la majorité simple peut remédier, surtout si elle est associée à l’avis public que vous proposez.

Le sous-amendement 527 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 47 rectifié, mis aux voix, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Président – En conséquence l’amendement 278 rectifié tombe. Nous en venons donc à l’amendement 183.

M. Jérôme Chartier – La procédure d’avis pose problème pour deux nominations : celle du défenseur des droits des citoyens, la seule à être constitutionnalisée, et celle du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci est placée sous la protection du Parlement, mais son directeur général est nommé par l’exécutif. Les auditions des responsables d’EADS ont soulevé la question suivante : l’exécutif influence-t-il la CDC, même si sa direction s’en défend ? Nous avons là l’occasion de confirmer leur séparation en soumettant la nomination du directeur général à un avis conforme des commissions parlementaires.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il a raison !

M. Jérôme Chartier – Je propose que cet avis conforme s’applique également au défenseur des droits des citoyens.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement…

M. Hervé de Charrette – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – …, pour ne pas ajouter une nouvelle procédure à celle à laquelle nous avons longuement travaillé, et que nous améliorerons encore au cours de la navette.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Même avis.

M. Hervé de Charrette – M. le rapporteur a raison, même si je comprends le point de vue de M. Chartier. Parce que la Caisse des dépôts est essentielle à notre économie, n’en bouleversons pas le fonctionnement, ne remettons pas en cause l’équilibre relativement satisfaisant que l’article 4 permet de préserver. En tout état de cause, sur cette question dont notre débat montre la complexité, toute réforme devrait être précédée d’une phase d’expérimentation. Mais l’on ne saurait laisser coexister plusieurs systèmes différents, qui risqueraient de déteindre les uns sur les autres.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Je partage le point de vue de M. de Charette : ne créons pas un précédent en transférant au Parlement un pouvoir de nomination qu’il est appelé à encadrer, mais non à exercer. Qu’en sera-t-il alors de la nomination du président d’une entreprise publique telle EDF ?

M. Jérôme Chartier – Ce n’est pas la même chose : EDF n’est pas placée sous la responsabilité du Parlement !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Les décisions économiques de la Caisse des dépôts demeurent parfaitement indépendantes. S’il est essentiel de désigner un directeur général efficace et compétent, l’on ne saurait en passer par une procédure dérogatoire.

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 183, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Monsieur Chartier, souhaitez-vous retirer votre amendement ?

M. Jérôme Chartier – Madame la garde des sceaux, la Caisse des dépôts est dotée d’un statut particulier : elle ne relève pas de l’exécutif, mais est placée sous la responsabilité du Parlement – comme doit l’être le Défenseur des droits des citoyens, autorité « constitutionnalisée » –, alors que c’est l’État qui est responsable du directeur de l’entreprise dont il est actionnaire.

De fait, si le directeur général de la Caisse des dépôts est nommé par l’exécutif, sa commission de surveillance est traditionnellement présidée par un parlementaire et le directeur du Trésor, qui y représente l’exécutif, est régulièrement amené à s’en retirer lorsqu’il y est procédé à des choix stratégiques.

Voilà pourquoi je propose de distinguer clairement la nomination du directeur général de la Caisse des dépôts de celles qui relèvent du seul exécutif et pour lesquelles un avis non conforme n’est pas requis.

M. Daniel Garrigue – Tout d’abord, évitons, comme l’a dit Mme la garde des sceaux, de créer un précédent. Ensuite, le fait que la commission de surveillance de la Caisse des dépôts soit présidée par un parlementaire donne déjà des garanties au Parlement. Enfin, l’examen du projet de loi portant modernisation de l’économie nous fournira une meilleure occasion de réfléchir à la gouvernance de la Caisse des dépôts.

M. Jean-Pierre Brard – Les arguments de M. Chartier sont tout à fait pertinents ; sans vouloir faire preuve d’injustice, il n’en va pas de même de Mme la garde des sceaux, qui s’est montrée pour le moins impertinente…

Si M. Chartier est quelque peu ingénu, car il semble croire que les textes sont appliqués, il est exact que la loi place la Caisse des dépôts sous la protection du Parlement, lui conférant ainsi un statut spécifique. M. de Charette suggère de ne rien y changer ; mais M. Garrigue, très informé de l’actualité parlementaire, n’ignore pas que le texte qui nous sera bientôt soumis vise à désarticuler la Caisse afin de banaliser encore davantage cet établissement, lequel n’est pourtant pas un établissement bancaire au sens classique du terme.

En votant l’amendement de M. Chartier, nous apporterions ainsi par avance une réponse positive au mauvais texte que l’on s’apprête à nous soumettre. Le directeur général de la Caisse des dépôts ne doit plus se sentir écartelé entre la commission de surveillance, dont il dépend en théorie, et le ministère des Finances, où il est régulièrement convoqué pour recevoir des instructions visant non à défendre les intérêts de la Caisse, mais à résoudre les problèmes de trésorerie du Gouvernement ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Monsieur Brard, le fin linguiste que vous êtes voulait sans doute dire que les arguments de Mme la garde des sceaux ne vous semblaient pas pertinents.

M. Jean-Pierre Brard – Naturellement, je donnais au terme « impertinente » son sens étymologique !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement Je me permets d’insister : nous demandons à M. Chartier de retirer son amendement…

M. Jean-Pierre Brard – S’il le retire, je le reprendrai !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Libre à vous ! Mais, en réservant un système particulier à deux nominations, vous remettriez en cause notre longue discussion sur la possibilité laissée au Parlement d’encadrer, dans certains cas, le pouvoir de nomination du Président de la République. Cette question mérite un débat distinct.

M. Jean-Pierre Brard – Si nous co-signions l’amendement ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est sur les droits de la majorité que nous allons devoir statuer ! (Sourires)

M. Jérôme Chartier – Malgré mon attachement à la majorité, je souhaite faire valoir ma liberté sur ce point essentiel. La nomination du Défenseur des droits des citoyens, bientôt constitutionnalisé, et celle du directeur général de la Caisse des dépôts relèvent incontestablement du Parlement, et non de l’exécutif. Les ordonnances de constitution de la Caisse sont claires sur ce point.

L’exécutif dispose-t-il d’un moyen de pression sur la Caisse ? Monsieur le ministre, si vous aviez eu le temps d’assister aux auditions de la commission des Finances à propos de l’affaire EADS, vous auriez constaté que cette question était récurrente. De fait, dès lors que la nomination relève du Gouvernement, tous les doutes sont permis !

M. Arnaud Montebourg – Très bien !

M. Jérôme Chartier – Je maintiens donc mon amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – De grâce, ne mettez pas à bas le dispositif que nous travaillons à bâtir, depuis plusieurs semaines, avec le Président de la République et le Gouvernement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Mais oui !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Imparfait sans doute, mais cohérent, il permet au Parlement d’encadrer le pouvoir de nomination du Président. Il est en revanche parfaitement infondé et incohérent de soumettre la nomination du Défenseur des droits des citoyens à un avis conforme qui n’est pas requis pour celle du président du Conseil constitutionnel ou du CSM !

Je vous demande donc de retirer cet amendement, en vous promettant que nous nous efforcerons d’améliorer encore le texte et que nous reparlerons de la Caisse des dépôts. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Christophe Lagarde – À mon sens, la nomination du Défenseur des droits des citoyens n’a pas sa place dans cet amendement ; mais, si nous l’adoptons, le Sénat pourra en limiter la portée à la Caisse des dépôts. Je le voterai donc, car les arguments de M. Chartier m’ont convaincu : la Caisse des dépôts appartient aux Français, ce qui explique qu’elle soit placée depuis deux siècles sous la responsabilité du Parlement, lequel devrait par conséquent, au-delà d’un droit de regard, disposer d’un pouvoir de codécision en la matière.

M. le Président – Monsieur Chartier, retirez-vous votre amendement ?

M. Jérôme Chartier – L’argumentation de M. Warsmann me séduit…

M. Jean-Pierre Brard – Oh non ! Il est pire qu’un tapis persan ! (Sourires)

M. Jérôme Chartier – La nomination du directeur général de la Caisse des dépôts, qui relève seule de la responsabilité du Parlement, mérite en effet un traitement séparé. Un amendement sénatorial pourrait le permettre ; de fait, nombre de nos amis sénateurs partagent mon point de vue. D’autres dispositions constitutionnelles s’appliqueront au Défenseur des droits des citoyens. J’accepte donc de retirer mon amendement.

M. Jean-Pierre Brard – Je le reprends !

M. Arnaud Montebourg – Je souhaite le sous-amender.

M. le Président – Non, nous devons procéder au scrutin public.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Des droits de qui s’agissait-il, déjà ? Quelle inélégance !

À la majorité de 47 voix contre 27 sur 74 votants et 74 suffrages exprimés, l’amendement 183 n’est pas adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 26 mai à 16 heures.

La séance est levée à 1 heure 15 le vendredi 23 mai.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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