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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du lundi 26 mai 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
168ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA VE RÉPUBLIQUE (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

ART. 8

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – La commission a voté à l’unanimité un amendement 50 tendant à supprimer cet article. S’agissant de la défense nationale, la Constitution a bien fonctionné depuis 1958, y compris pendant les périodes de cohabitation : le Premier ministre et le Président de la République se sont alors entendus sur l’intérêt général. Un certain nombre de nos collègues de gauche estimaient par ailleurs que cet article renforçait le déséquilibre des pouvoirs entre Président de la République et Premier ministre. Majorité et opposition sont ainsi parvenues à la même conclusion, par des chemins différents.

M. Christophe Caresche – L’amendement 282 a le même objet.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 413 également. Cet article visait à ôter des pouvoirs au Gouvernement pour les confier au Président de la République. C’était de nature à renforcer la présidentialisation du régime, ainsi que le non-respect de la Constitution, car il n’y est écrit nulle part que le Président de la République ait la responsabilité exclusive des affaires de défense et des affaires étrangères. Pour nous, ces domaines doivent relever de l’entière responsabilité du Premier ministre et du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée mais dans un esprit favorable…

M. Pierre Lellouche – Je suis satisfait d’une certaine façon de la disparition de cet article, mais en même temps, je ne suis pas tout à fait sûr que nous fassions œuvre utile. Le toilettage de la Constitution nous offrait en effet l’occasion d’y inscrire la réalité des choses, qui est que, s’agissant de la défense nationale, notre système est hyperprésidentiel – et l’était d’ailleurs, en pratique, bien avant l’introduction du quinquennat.

Le Président de la République est ainsi le seul détenteur de la force de frappe nucléaire – François Mitterrand lui-même le proclamait. Le livre blanc sur la défense, présenté la semaine dernière par le Gouvernement, traduit en fait la pensée du Président de la République et de lui seul, de même que la loi de programmation. La décision d’engager nos forces dans des opérations extérieures dépend de lui seul également, l’intendance incombant au chef d’état-major des armées et non au Premier ministre ou au ministre de la défense. Il en va de même du renseignement, pour lequel il est nommé un coordonnateur auprès du Président de la République. C’est encore pour ce dernier, et pour lui seul, que travaille le secrétariat général de la défense nationale. Et je pourrais citer les accords de défense, les ventes d’armes, ou notre place dans les grandes organisations comme l’Alliance atlantique…

Or, la Constitution ne reflète pas cette réalité. En laissant en l’état le texte de 1958, nous dissimulons le fait que le Président de la République détient la totalité du pouvoir en matière de défense et que le Premier ministre ne joue aucun rôle. Ce n’est pas lui faire injure que d’en faire le constat. Je regrette que nous n’ayons pas saisi l’occasion de rétablir la vérité des choses.

M. Noël Mamère – Je me félicite de la suppression de cet article. En effet, si l’on avait inscrit dans la Constitution que le Premier ministre met en œuvre la politique de défense dont le Président de la République est responsable, plus personne n’aurait été responsable de la politique de défense devant le Parlement. Sous couvert de renforcer les pouvoirs du Parlement, nous aurions conforté, en réalité, la présidentialisation et le domaine réservé, que nous combattons, et qui ne se limite d’ailleurs pas à la politique de défense, mais couvre aussi la politique étrangère, et notamment la « Françafrique ».

Reste que la véritable audace aurait consisté à confier au Premier ministre et au Gouvernement la politique de défense.

M. Arnaud Montebourg – Je me félicite que le rapporteur ait repris les amendements de suppression de MM. Mamère et Sandrier et du groupe SRC. Cet article amoindrissait en effet les compétences du Premier ministre, nuisant de la sorte à l’exercice de la responsabilité et du contrôle parlementaire. Imaginez qu’il nous réponde, dans l’hémicycle, qu’il n’est pour rien dans la situation et que tout relève du Président de la République ! Ce serait une consécration constitutionnelle de son irresponsabilité, et de l’impossibilité pour le Parlement d’exercer ses fonctions de contrôle dans leur plénitude. En cas de cohabitation, qui plus est, tous les ingrédients d’une crise de régime seraient réunis.

C’est pourquoi nous nous sommes vigoureusement battus contre cette disposition et avons été heureux que le Premier ministre annonçât à cette tribune que l’affaire était terminée. L’article 21 de la Constitution, du coup, ne change pas : ce n’est donc pas un progrès, mais d’un autre côté, le statu quo est préservé alors que nous redoutions une augmentation des pouvoirs du président. Nous sommes au moins satisfaits que les choses n’aient pas empiré. Pour les avancées, rendez-vous aux autres articles.

Les amendements 50 et 413, mis aux voix, sont adoptés, et l’article 8 est ainsi supprimé.

APRÈS L'ART. 8

M. René Dosière – Les amendements 512, 513 et 514 visent à interdire, avec des variantes, le cumul des fonctions de ministre et d’un mandat local. C’est d’abord une mesure de bon sens : qui pourrait soutenir qu’on peut être ministre de la République à temps partiel ? Pourtant, près de 60 % des membres de l’actuel gouvernement le sont ! Surtout, un ministre de la République est censé toujours viser l’intérêt de la nation, alors qu’un élu local a l’obligation de défendre les intérêts particuliers de sa circonscription. Il y a donc une incompatibilité foncière. À l’occasion de la récente grève des enseignants, par exemple, le ministre du travail a vanté sur toutes les ondes les vertus du service minimum, qui n’a pourtant pas été mis en place par la commune dont il est maire adjoint, Saint-Quentin ! Quelle crédibilité conserve-t-il ?

Plusieurs députés du groupe UMP – Il n’est pas maire !

M. René Dosière – Ainsi que le disait le général de Gaulle, « le ministre-maire est juge et partie ; il confond les genres. Le cumul de fonctions a quelque chose de contraire à la bonne marche des institutions, et même d’immoral ». Pourquoi, me direz-vous, n’a-t-il donc pas interdit le cumul ? Parce qu’en 1958, le seul mandat important était celui de parlementaire : le mandat local n’intéressait guère le général de Gaulle… Mais aujourd’hui, la décentralisation est passée par là, et les responsabilités d’un élu local valent bien celles d’un parlementaire.

J’ajoute qu’après la révision constitutionnelle, c’est le texte adopté en commission qui sera discuté en séance publique. Le ministre devra donc être bien plus présent en commission pour défendre son propre texte, et les députés n’accepteront pas qu’il se contente de lire les notes de ses collaborateurs ! Il leur faudra consacrer davantage de temps à leur mission.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable.

M. Arnaud Montebourg – Qu’en pensez-vous, Madame la ministre ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Cet amendement veut empêcher les membres du Gouvernement de détenir quelque mandat électif que ce soit, y compris celui de maire d’une petite commune. Pourtant, les Français leur reprochent souvent – et M. Montebourg me l’a reproché à une époque – d’être éloignés des réalités. Il est utile qu’un ministre ait un ancrage local. Il doit certes disposer d’un temps suffisant pour exercer ses responsabilités nationales, mais il n’est pas impossible de les concilier avec celles d’une collectivité. Avis défavorable, donc.

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est un peu court !

M. Jean-Christophe Lagarde – Ces amendements seraient d’une profonde absurdité s’ils n’étaient pas d’abord des modèles d’hypocrisie, puisque leurs auteurs cumulent eux-mêmes, tout naturellement, des responsabilités importantes – maire de grande ville ou président de conseil général – avec leur mandat de député… Bref, ils prétendent se montrer vertueux en prônant le non-cumul, mais seraient plus vertueux encore de ne pas pratiquer le cumul sous prétexte qu’il n’est pas interdit ! Mme Royal a tenté de donner l’exemple aux dernières élections législatives, mais on ne peut pas dire qu’elle ait fait école dans son parti.

Si l’on vous suivait, un maire nommé ministre se transformerait en simple conseiller municipal, mais il y a fort à parier – cela s’est déjà vu, sous les gouvernements de gauche comme de droite – qu’il conserverait le bureau du maire, son cabinet et son influence ! Plus hypocrite encore, l’amendement 513 interdit le cumul d’une fonction de ministre avec le mandat de maire d’une ville de plus de 20 000 habitants – comme s’il était plus facile de diriger une petite commune, qui a peu de personnel et bien moins de moyens qu’une grande municipalité ! – ou avec celui de président de conseil général ou régional. Fixer cette limite est parfaitement ridicule, et je suis donc résolument hostile à ces amendements.

Vous pouvez rire, Monsieur Ayrault, mais je crois qu’être président d’un groupe parlementaire est un travail à plein temps, surtout quand ce groupe a une vie agitée – parce que démocratique. Pourquoi n’avoir pas proposé qu’on ne puisse pas être en même temps maire d’une grande ville, ou président d’une grande communauté d’agglomération, et président d’un groupe parlementaire ? Les défenseurs du mandat unique ne peuvent pas impulser l’action économique et surveiller l’action sociale d’un territoire, tout en siégeant ici la nuit !

Ce que je crois, c’est que nous devons laisser aux électeurs la responsabilité de décider si quelqu’un est capable d’assumer à la fois des fonctions ministérielles et locales. Certains parmi nous, qui défendaient l’interdiction du cumul, se sont présentés aux élections cantonales. L’électeur est souverain, il a tranché ; pourquoi voulons-nous lui ôter la possibilité de le faire ?

M. François Sauvadet – Très bien !

M. Jean Jacques Urvoas – Monsieur le président, Monsieur le ministre, Madame la maire (Sourires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), nous traitons pour le moment de l’incompatibilité de la fonction ministérielle avec celle de maire ; la question du mandat unique pour les parlementaires viendra en discussion tout à l’heure.

Il est incongru que l’on en soit encore à demander aux ministres de se consacrer à temps plein à leurs activités ministérielles. C’était pourtant une affaire entendue : M. Jospin l’avait imposé à ses ministres, M. Chirac avait poursuivi dans cette voie, et c’est à la demande de M. Sarkozy, en 2005, que cette règle a été abandonnée.

Aux dernières élections municipales, 21 ministres se sont présentés, dont onze comme têtes de listes ; cinq disaient qu’ils n’étaient pas très occupés à Paris, n’étant que secrétaires d’État, et que l’essentiel de leur temps serait consacré à leur mandat de maire. Les amendements de M. Dosière, et en particulier celui qui a été adopté en commission, posant en principe l’incompatibilité entre la fonction de ministre avec celle de maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, ou de président de conseil général, concernent six ministres. D’après un sondage publié en février, les deux tiers des Français estiment que le cumul dans une ville de plus de 10 000 habitants est une mauvaise chose.

Je me ferai donc l’avocat de MM. Balladur et Sarkozy, qui ont tous deux défendu cette mesure. M. Balladur écrit en effet dans son rapport que « rien ne justifie qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche ». De même, le Président de la République, dans sa lettre de mission au Premier ministre, se dit favorable à la proposition du comité Balladur interdisant « le cumul d’une fonction ministérielle avec tout mandat électif, à tout le moins avec tout mandat exécutif ». Contrairement à la commission des lois, le Gouvernement ne l’a pas écouté. Je souhaite que l'Assemblée nationale suive le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Martine Billard – M. Lagarde ne pourra me taxer d’hypocrisie, puisque j’ai fait le choix de ne pas me présenter aux élections municipales.

M. Jean-Christophe Lagarde – Et Mme Voynet ?

Mme Martine Billard – Il faut en finir avec le discours sur le thème de l’ancrage local. Je vous parle en tant qu’élue parisienne : en quoi le fait qu’une ministre soit conseillère d’arrondissement, dans l’opposition, lui donne un ancrage local ?

M. Jean-François Copé – Et vous prétendez militer pour les droits de l’opposition ?

Mme Martine Billard – Comme elle n’a pas le temps de se rendre au conseil d’arrondissement, où nous ne la voyons jamais, je ne vois pas ce que peut être son ancrage local… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En outre, alors que l’on considère, à l’UMP, qu’il faut absolument réformer le pays en profondeur, comment des ministres à temps partiel le pourraient-ils ? (Mêmes mouvements) Que certains tiennent des discours sans les appliquer, je l’ai toujours regretté. Mais tant que nous ne modifierons pas la loi, en interdisant le cumul – et en introduisant une dose de proportionnelle –, il y aura des élus pour cumuler.

Le cumul d’un mandat électif avec des fonctions ministérielles est l’archaïsme le plus flagrant, une singularité en Europe. M. Lagarde affirme que le choix revient aux Français ; or, lorsqu’il n’y a qu’un candidat UMP, et que ce candidat a déjà un autre mandat, les électeurs de ce parti n’ont d’autre choix que de voter pour lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

L'amendement 512, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. René Dosière – Monsieur Lagarde, il ne s’agit pas de porter un jugement moral sur l’un ou l’autre. Tant que le cumul ne sera pas interdit, il restera pour ainsi dire une obligation – Michel Debré parlait même de « règle non écrite ». Nous ne stigmatisons personne, mais nous pensons que nous pouvons progresser sur cette question.

L’argument selon lequel le cumul garantirait une présence sur le terrain me paraît insultant pour les ministres des pays européens voisins, où le cumul est interdit, car je ne crois pas qu’ils soient moins présents sur le terrain que les nôtres ; je crois même qu’ils arrivent à travailler mieux.

Notre amendement 513 est de repli.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a émis un avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

L'amendement 513, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement ! Monsieur le président, l’amendement 513, qui méritait d’être discuté comme les précédents, même s’il s’agissait d’un amendement de repli, a fait l’objet d’une demande de scrutin public de ma part, qui n’a pas eu le temps de vous parvenir ; je pensais en effet que vous donneriez la parole à M. Lellouche, qui l’avait demandée. Cet amendement du groupe socialiste avait reçu le soutien de la majorité de la commission des lois, et donc d’une partie notable de nos collègues de la majorité…

M. le Président – Monsieur Montebourg, à partir du moment où j’avais annoncé que le scrutin était ouvert, aucune demande de parole n’était plus recevable. D’autres amendements, similaires, restant en discussion, vous aurez l’occasion de vous exprimer, mais un rappel au Règlement ne peut porter sur un amendement qui vient d’être rejeté par l’Assemblée.

M. Arnaud Montebourg – Le rapporteur, qui avait émis un avis favorable, a été battu par sa propre majorité, laquelle vient ainsi de s’opposer à une avancée importante, et nous considérons que c’est de très mauvais augure pour la suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. René Dosière – L’amendement 51 rectifié de la commission, qui va venir tout à l’heure en discussion, reprend les termes de notre amendement 513, que le rapporteur avait approuvé et que l’Assemblée, sans doute un peu perturbée, vient de repousser. Il fera l’objet de deux sous-amendements, dont un de M. Lagarde, qui en renforcent les dispositions.

Notre amendement 514 est de repli.

L'amendement 514, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 341 vise à préciser que la fonction de ministre est incompatible avec un mandat électif. Un article ultérieur permet aux ministres quittant le Gouvernement de retrouver, le cas échéant, leur siège de député, c’est-à-dire leur ancrage local.

Les membres de la majorité parlent souvent de modernité : voici l’occasion de transformer vos propos en actes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé – Croyez-vous vraiment que votre discours soit moderne ?

Mme Martine Billard – Davantage que le vôtre : n’est-il pas temps que le groupe UMP propose la limitation du cumul des mandats ? (Mêmes mouvements)

M. Jean-François Copé – Qui propose de réviser la Constitution ?

Mme Martine Billard – Hélas, sur les questions de cumul, vous verrouillez le débat. Même si notre amendement, par les temps qui courent, risque le rejet, je me rallierai à toute proposition limitant le cumul des mandats !

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 414 est identique. Dès lors que l’on s’interroge sur le cumul des mandats pour les parlementaires, pourquoi ne pas le faire aussi pour les ministres ? C’est une question d’efficacité.

Nous travaillons à modifier la Constitution, et pourtant les députés sont peu nombreux dans l’hémicycle. N’est-ce pas en partie à cause du cumul ?

M. Bernard Deflesselles – Vous êtes ce soir seul membre de votre groupe !

M. Jean-Claude Sandrier – Je rappelle qu’interdire aux ministres de détenir une fonction élective est une proposition essentielle du comité Balladur. Arrêtons l’hypocrisie ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé – Oui, nous vous y aiderons !

M. Jean-Christophe Lagarde – Faites-vous allusion à M. Bocquet ?

M. Jean-Claude Sandrier – Non, à la majorité : il est injuste de demander à ceux qui le réclament de s’appliquer le non-cumul alors que ce n’est pas la règle ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Frédéric Lefebvre – Mme Royal l’a pourtant fait !

M. Jean-Claude Sandrier – Enfin, une grande majorité de nos concitoyens est défavorable au cumul. Limitons-le pour les parlementaires, mais un ministre ne devrait pas avoir d’autre responsabilité !

M. le Président – Je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public sur les amendements 341 et 414.

M. René Dosière – Supposons que, comme cela s’est déjà produit, le ministre de l’intérieur dirige par ailleurs un exécutif local – mairie ou conseil général, par exemple. Les délibérations de ces instances sont visées par le préfet, qui peut les contester. Or, le préfet est nommé par le ministre de l’intérieur. Quelle marge de manœuvre aura-t-il ? C’est pour éviter de telles contradictions que l’amendement 199 vise à empêcher les ministres de présider des pouvoirs exécutifs locaux.

M. le Président – Nous en venons à l’amendement 51 rectifié de la commission.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – C’est un amendement rédigé par M. Dosière. Je lui laisse donc le soin de le défendre…

M. Christophe Caresche – Adopté par la commission des lois, il reprend telle quelle une proposition du comité Balladur. J’ajoute que le Président de la République lui-même y est favorable. Je ne comprendrais pas que la majorité, qui a voté cet amendement en commission des lois, ne le vote pas en séance.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le sous-amendement 603 est retiré (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. René Dosière – Le sous-amendement 528 vise à compléter l’amendement 51 rectifié en ajoutant aux maires de communes de plus de 20 000 habitants et aux présidents de conseils généraux les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, collectivités qui ont souvent un poids financier supérieur à celui d’une grande ville.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission ne l’a pas étudié, mais j’y suis défavorable à titre personnel, ainsi qu’aux amendements 341, 414 et 199.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements et sous-amendements.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 51 rectifié a été adopté en commission par une partie de la majorité et l’ensemble de l’opposition. Certains y verront une précision de second ordre, mais c’est un progrès considérable pour les droits du Parlement. Pour une fois, suivez non pas le Gouvernement, mais votre commission des lois !

M. Jean-François Copé – Arrêtons-nous un instant sur ce point, qui ne manquera pas de susciter certains désaccords. M. Montebourg a sans doute voulu faire monter les enchères : ce calcul n’a pas lieu d’être, car la question du cumul des mandats n’a que peu à voir avec les droits du Parlement. Nos familles politiques, Monsieur Montebourg, divergent sur ce sujet, bien que nous semblions nous accorder depuis peu à titre personnel…

Ici comme ailleurs, il y a des gens éminemment respectables qui défendent la thèse, tout aussi respectable, du mandat unique. Ce principe, qui se fonde sur une argumentation parfaitement défendable, prévaut dans d’autres pays. Je n’y suis pas favorable ; selon moi, le cumul doit plutôt être strictement encadré et limité à deux mandats, l’un local, l’autre national… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC)

M. Christophe Caresche – Il s’agit des ministres !

M. Jean-François Copé – Cela vous concerne, Monsieur Caresche, vous qui êtes député et élu local : vous pourriez être promis à un autre destin… dans un lointain avenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jacques Myard – Mais où est M. Ayrault ?

M. Jean-François Copé – Ce qui vaut pour les députés peut également valoir pour la fonction ministérielle. Au cours des cinq ans que j’ai passés au Gouvernement, j’ai été très heureux d’exercer parallèlement des responsabilités locales (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). En effet, nous devons pouvoir soumettre à nos administrés, dans les villes dont nous avons la charge, les décisions techniques, voire technocratiques, élaborées dans les ministères parisiens, afin d’en prendre la juste mesure.

M. Jacques Myard – Bravo !

M. Jean-François Copé – Ce point de vue n’est pas moins respectable que la défense du mandat unique. Mais permettez-moi d’exprimer l’agacement que j’éprouve à entendre des membres du groupe GDR ou du groupe SRC défendre celui-ci, la voix vibrante d’émotion, tout en fermant les yeux sur ceux de leurs amis qui n’en ont cure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Madame Billard, vous savez avec quelle attention je vous écoute défendre des positions « modernes » ; mais que n’en parlez-vous à Mme Voynet ?

M. Jean-Pierre Brard – Bonne idée ! (Rires)

M. Jean-François Copé – Venez donc en aide à M. Brard ! (Mêmes mouvements)

À ceux qui ne cessent de nous donner des leçons de morale, je réponds que je ne crois pas que la seule mission des responsables politiques serait de s’excuser d’exister ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quant à vous, Monsieur Mamère, qui trépignez d’impatience de me répondre, vous connaissez bien, vous aussi, le cumul des mandats !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Ah oui !

M. Jean-François Copé – Je ne doute donc pas que vous trouverez les mots pour le défendre – et pour exprimer votre satisfaction d’être également avocat… (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Nous devons repousser ces amendements, qui portent atteinte à ce que notre mission a de plus noble – le service de la nation à Paris, le service des Français au niveau local ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Pierre Lellouche – Je suis heureux que notre président de groupe ait si bien parlé – d’autant que je ne partage pas son point de vue (Sourires). En effet, les deux thèses en présence sont également respectables, et nous n’avons pas à nous donner les uns aux autres des leçons. Parce que la Constitution est pour nous tous un sujet essentiel, je suis fier de prendre part à ces débats en parlementaire et en homme libre. La France me semble depuis longtemps, peut-être du fait de mon expérience internationale…

M. Jacques Myard – Oh, ça suffit ! (Rires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. le Président – Monsieur Myard, un peu de calme, je vous prie.

M. Pierre Lellouche – …un bien étrange pays, le seul au monde où le cumul est pratiqué. Si M. Copé a défendu celui-ci avec talent, la commission Balladur a souligné à juste titre l’incohérence qui consiste à demander à un ministre de se consacrer à sa fonction tout en lui permettant d’exercer un mandat local.

En modifiant la Constitution afin de permettre aux ministres de retrouver leur siège au Parlement, on réduira la pression qui obère la suite de leur carrière politique et qu’a évoquée M. Copé ; il sera ainsi plus facile d’interdire de cumuler la fonction ministérielle avec la présidence d’un exécutif municipal, régional ou départemental. Je sais que tous mes collègues ne partagent pas mon point de vue, mais je regretterais que nous ne progressions pas sur ce point. À cet égard, la formule retenue par la commission des lois constitue un compromis plutôt satisfaisant, même si le seuil de 20 000 habitants est quelque peu arbitraire ; l’interdiction du cumul pour les ministres devrait être inscrite dans la Constitution.

M. René Dosière – La manière dont le président du groupe UMP a abordé ce débat est tout à fait détestable… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé – En l’absence du président du groupe SRC ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – Il est représenté !

M. René Dosière – Il n’y a là rien de personnel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je l’ai dit voici un instant : non seulement le cumul n’est pas interdit, mais il est politiquement obligatoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

MM. Michel Bouvard et Pierre Lellouche – Il a raison !

M. René Dosière – Je ne saurais donc stigmatiser ceux qui le pratiquent. Je regrette que le président du groupe UMP place le débat à ce niveau, car il s’agit d’un débat de principe…

M. Claude Goasguen – Très bien !

M. René Dosière – Naturellement, si la loi était modifiée, il faudrait en tirer les conséquences. La question du cumul des mandats pour les parlementaires est trop importante pour être abordée en catimini…

M. Frédéric Lefebvre – Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !

M. René Dosière – L’amendement que nous avons déposé n’est nullement hors sujet. Comment un ministre pourrait-il défendre à la fois l’intérêt de la nation et celui de sa collectivité ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je suis surpris que Mme la garde des Sceaux refuse de nous répondre, se contentant de lire les notes que ses collaborateurs lui transmettent ou de nous opposer un avis défavorable non argumenté… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – C’est juste !

M. Claude Goasguen – Voilà qui n’est pas correct, Monsieur Dosière !

M. le Président – Si vous vous en teniez à des considérations générales au lieu de vous livrer à des attaques personnelles, quelle qu’en soit la cible, notre débat en sortirait grandi. Nous sommes le législateur, ne l’oubliez pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Afin de me conformer à cette invite, Monsieur le président, j’éviterai de répondre aux déclarations de M. Copé. Sans doute certains d’entre vous vont-ils pousser des cris d’orfraie : oui, c’est un cumulard qui vous parle (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Mais, sauf à sombrer dans la démagogie, le populisme et les attaques ad hominem (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Goasguen – Quelle vertu !

M. Noël Mamère – …reconnaissons que si l’on réforme nos institutions, ce doit être afin d’améliorer la représentativité du Parlement. À la lumière de l’accident politique auquel nous venons d’assister, pour la première fois depuis longtemps, sur la question des OGM… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié – Un incident, voulez-vous dire !

M. Noël Mamère – …alors même que le Parlement ne compte que quatre députés et cinq sénateurs écologistes, peut-on faire confiance au système uninominal majoritaire à deux tours pour assurer une juste représentation ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) Les questions que nous soulevons depuis trente ans s’avèrent désormais décisives !

M. Claude Goasguen – Quelle vertu, Monsieur Mamère !

M. Noël Mamère – En outre, je suis d’accord avec M. Dosière : tant que le cumul n’est pas interdit, il est pratiquement obligatoire pour certains d’entre nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Deux parlementaires verts également maires d’une commune…

M. Richard Mallié – D’une grande ville !

M. Noël Mamère – …n’est-ce pas quantité négligeable au regard des nombreux cumulards de tous bords ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

Ainsi, la possibilité d’être à la fois législateur et membre d’un exécutif constitue une exception française en Europe, que le débat sur l’interdiction du cumul des mandats – nécessité démocratique – ne saurait passer sous silence (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). En outre, la stricte limitation du cumul est indissociable de l’introduction de la proportionnelle (Protestations sur les bancs du groupe UMP), car aussi longtemps que le système électoral n’assurera pas une juste représentation de toutes les forces politiques, certains devront cumuler s’ils ne veulent pas affaiblir leur parti !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis – C’est parfaitement spécieux !

M. Jacques Myard – Le cumul, c’est vrai, est une exception française mais foin du mimétisme vis-à-vis de l’étranger ! La République a tout à gagner du cumul : c’est en s’enracinant dans un terroir que l’on connaît le terrain et que l’on n’en reste pas à la théorie. Privés de cette possibilité, les parlementaires étrangers sont totalement inféodés à leur parti : l’interdiction du cumul renforce les appareils, au détriment de la représentation du peuple que vous prétendez incarner. En interdisant le cumul, loin de renforcer les pouvoirs du Parlement, on l’affaiblit au profit du fait majoritaire !

À la majorité de 115 voix contre 47 sur 163 votants et 162 suffrages exprimés, les amendements 341 et 414 ne sont pas adoptés.

L'amendement 199, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 528, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 106 voix contre 52 sur 162 votants et 158 suffrages exprimés, l’amendement 51 rectifié n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Ça progresse !

ARTICLE 9

M. René Dosière – Permettez-moi quelques mots sur le cumul de mandats locaux avec un mandat parlementaire. Entre la fonction de député, représentant de la nation et à ce titre défenseur de l’intérêt général, et celle d’élu local, représentant d’un territoire, les intérêts ne coïncident pas, et c’est souvent le point de vue local qui l’emporte. C’est la raison pour laquelle il est particulièrement difficile de réformer, entre autres, la fiscalité locale.

M. François Sauvadet – Mais non !

M. René Dosière – Loin de moi l’idée de stigmatiser ceux qui, en l’absence d’une loi et en fonction des circonstances locales, cumulent les mandats et défendent les intérêts de leur territoire. Mais cela n’est pas satisfaisant et nous devons désormais progresser sur la voie du non-cumul ; pour paraphraser Caton l’Ancien : Delenda est cumulatio (Sourires).

M. le Président – Mon cher collègue, je vous fais observer que l’article 9 ne traite pas du cumul des mandats,…

M. Christophe Caresche – Je parlerai, pour ma part, de la représentation des Français de l’étranger à l'Assemblée nationale. C’est une proposition intéressante, mais nous ne savons rien des intentions du Gouvernement en la matière.

Il ressort du rapport du comité Balladur que « s’il fallait assurer l’élection de députés de l’étranger à l'Assemblée nationale, cela ne pourrait se concevoir que par le biais d’un scrutin de liste, appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde ». Madame la ministre, Monsieur le ministre, avez-vous l’intention de recourir au scrutin de liste ? Et si oui, selon quel découpage ?

En outre, le comité Balladur estime que « cela supposerait l’élection d’une vingtaine de députés au moins ». Madame la ministre, Monsieur le ministre, combien de circonscriptions entendez-vous créer pour assurer cette représentation ? Le nombre de députés de l’étranger, qui plus est, s’imputerait sur le nombre total de députés, puisqu’un amendement précise que celui-ci doit rester inchangé.

Et le comité Balladur de conclure : « Compte tenu des contraintes qui ont été rappelées quant à l’impossibilité d’augmenter le nombre de députés et aux difficultés inhérentes aux opérations de découpage des circonscriptions, il est apparu qu’il était inopportun de modifier le mode de représentation des Français de l’étranger ». Comment le Gouvernement entend-il lever ces obstacles ?

M. Jean-Pierre Soisson – En 1958, Michel Debré définissait ainsi la Constitution : « Un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second ». Cette structure me paraît devoir être maintenue.

M. Jacques Myard – Bravo !

M. Jean-Pierre Soisson – Dès lors que les réformes et la pratique ont renforcé les pouvoirs du Président de la République, il est normal que nous renforcions ceux du Parlement. Sans remonter à Carré de Malberg et à sa Contribution à la théorie générale de l’État, le comité Vedel, en 1993, est allé dans ce sens : ce sont ses propositions qui ont été reprises par le comité Balladur.

Les deux principes qui doivent nous guider sont de renforcer les pouvoirs du Parlement et d’obtenir l’accord de l’opposition, cette réforme devant être votée par le Parlement réuni en Congrès. C’est la raison pour laquelle j’ai voté l’amendement de M. Montebourg visant à limiter le cumul des mandats et que je soutiendrai l’amendement de M. Ollier, prévoyant que le Parlement contrôle l’évaluation des politiques publiques.

M. Jean-Claude Sandrier – Si vous souhaitez bâtir une démocratie plus équilibrée, pourquoi avoir exclu le Sénat du chantier de votre réforme ? Pour paraphraser Jaurès, il y a un intérêt capital à ce que le Sénat soit en harmonie avec la démocratie. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, comme le reconnaît d’ailleurs la majorité sénatoriale, qui admet la nécessité d’une réforme du mode de scrutin.

Les zones rurales sont surreprésentées, en méconnaissance des évolutions survenues ces dernières décennies et de la réalité démographique actuelle. Le statu quo est maintenu, car le Gouvernement et la majorité entendent conserver ce bastion historique et interdire toute alternance. Est-ce une attitude républicaine que de refuser toute modification de scrutin, pour des motifs étrangers à l’intérêt général ?

Le Sénat ne doit pas se limiter à représenter les collectivités locales, mais a vocation à devenir la chambre de l’initiative législative et de la participation citoyenne. Saisi en priorité des initiatives des collectivités locales ou de nos concitoyens, il jouerait un rôle plus important que celui, purement instrumental, que lui confèrent nos institutions.

Il conviendrait donc de réunir rapidement un groupe de travail mixte, afin de redéfinir les missions et le mode d’élection des sénateurs, et d’évoquer l’abrogation de leur droit de veto suranné sur les textes de loi organiques et de révision constitutionnelle.

M. Jean-Pierre Brard – Chacun sait que notre excellent collègue Soisson est un conservateur. S’il approuve votre texte, c’est parce qu’il ne change pas grand chose ! Vous pouvez y ajouter toutes les fariboles que vous voulez : leur mise en œuvre est bloquée par le fait majoritaire ! On l’a bien vu avec la loi sur les OGM – et vous êtes un expert, Monsieur le ministre : dès qu’un de nos collègues de la majorité bouge une oreille, on le remet à sa place. Nous n’avons d’ailleurs pas revu M. Grosdidier, et j’ignore ce qu’est devenu le sénateur Le Grand…

M. Pierre Lellouche – Il est en Sibérie ! Karoutchi s’en est occupé personnellement ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Pour renforcer les pouvoirs du Parlement et s’assurer que les nouvelles prérogatives qui lui sont accordées jouent à plein, il faudrait faire disparaître le fait majoritaire – ce que vous refusez. Nous avons pourtant l’un des systèmes les plus autoritaires de l’Union européenne. Le Gouvernement invoque volontiers les exemples étrangers lorsqu’il s’agit de démanteler le droit social. Eh bien, je l’invite à aller voir ce qui se passe chez nos voisins allemands, où le système est bien plus démocratique. Tant que le fait majoritaire demeurera, nous n’aurons pas de Parlement véritablement démocratique. On nous dit que ce Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement. Mais en matière financière, par exemple, les députés – à l’exception il est vrai du président de la commission des finances et du rapporteur général, qui ne refuseraient sans doute pas de partager ce privilège – se voient opposer le secret fiscal.

Vous nous dites que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République « en tenant compte de leur population ». Qu’est-ce à dire ? S’agit-il d’introduire une sorte de mandat impératif, ou d’écouter les conversations de bistrot du dimanche matin ?

Rappelons enfin que M. Raffarin nous a fait adopter en son temps une réforme de la décentralisation qui prévoit que les projets de loi touchant les collectivités territoriales sont examinés d’abord par le Sénat. Vous gardez ainsi un droit de veto au Sénat pour le cas où un gouvernement de gauche reviendrait au pouvoir et voudrait modifier substantiellement la législation sur les collectivités territoriales !

M. Arnaud Montebourg – Cet article 9 est important. Enfin, il est dit à quoi sert le Parlement – voter la loi et contrôler l’action du Gouvernement. De ce point de vue-là, l’opposition n’a rien à dire.

En revanche, il innove sur deux points sur lesquels nous attendons des éclaircissements du Gouvernement. Il est d’abord dit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République – c’est le texte actuel – mais « en tenant compte de la population ». L’avant-projet de loi qui a été soumis au Conseil d’État était rédigé différemment : il disposait que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en fonction de leur population », ce qui renvoyait à l’idée de proportionnalité. La modification opérée nous donne à penser que contrairement à ce qui nous a été affirmé lors de la présentation de notre proposition de loi mardi dernier, la modification du collège électoral du Sénat est inscrite dans la Constitution. Mme Alliot-Marie nous a opposé que c’était aux sénateurs de dire ce qu’ils voulaient pour eux-mêmes. Comme si la Constitution n’appartenait pas à tous, et le Sénat à tous les Français – même s’il en représente bien peu !

Monsieur le président, vous avez reconnu que notre proposition de loi sur le temps de parole du Président de la République avait été écartée de façon un peu expéditive. Que dire alors de celle sur l’élection des sénateurs ?

Comment, Madame la garde des Sceaux, Monsieur le ministre, allez-vous faire évoluer le collège électoral des sénateurs ? L’article 34 de votre projet dispose que « les dispositions de l’article 24 de la Constitution relatives à l’élection des sénateurs, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent à compter du deuxième renouvellement partiel du Sénat suivant la publication de cette loi constitutionnelle. » Il y a donc bien un projet en préparation ! Et pourtant, nous ne connaissons rien des intentions du Gouvernement ni de celles de la droite sénatoriale affiliée à l’UMP. Je demande donc solennellement au Gouvernement de nous éclairer sur ses intentions.

M. le Président – Votre temps de parole est presque écoulé.

M. Arnaud Montebourg – Venons-en à l’affaire des Français de l’étranger. On nous dit qu’il y aura 20 ou 12 députés de plus – il faudrait tout de même que nous sachions combien ! Nous implorons le Gouvernement : qu’il veuille bien répondre enfin à la représentation nationale ! Nous aurons donc au moins 12 députés de plus, élus dans des circonscriptions qui seront délimitées dans des conditions qui restent inconnues. On me dit que nous avons été majoritaires au Canada : si la circonscription va jusqu’à la Suisse, je crains le pire !

Bref, nous voulons des réponses à nos questions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. le Président – Je rappelle à certains orateurs qu’ils ne sont pas obligés d’utiliser tout leur temps de parole. Plus l’intervention est courte, plus elle est percutante, Monsieur Montebourg !

M. Noël Mamère – Cet article ne concerne pas seulement le mode d’élection du Sénat, mais aussi le rôle de l’Assemblée, aujourd’hui limité puisque la Constitution ne dit rien du contrôle de l’administration et de l’évaluation des politiques publiques.

En ce qui concerne le Sénat, je rejoins mon collègue Montebourg. C’est un petit progrès que de prévoir dans la Constitution que la composition du Sénat tiendra compte de la population. Reste à savoir comment vous allez mettre cette disposition en œuvre. La question qui se pose est bien celle de la proportionnelle. Que je sache, il n’est pas écrit sur le frontispice du Sénat « réservé à la droite » ! Il n’y aura pas de rééquilibrage – terme que vous employez à tout propos depuis quelques mois – entre l’Assemblée et le Sénat tant qu’il n’y aura pas de possibilité de renouvellement du Sénat et d’alternance.

Quant au vote des étrangers… Il y a là un habile dosage entre le clientélisme et la république bananière. Encore une exception française !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Le fond de cette réforme, c’est de donner plus de pouvoirs au Parlement. Je comprends que certains veuillent plus, posent leurs conditions ou émettent des critiques qui n’ont rien à voir avec la révision constitutionnelle. Nous avons déjà débattu avant l’article premier du mode de scrutin au Sénat, du vote des étrangers ou du cumul des mandats. Nous y revenons – c’est votre droit. Mais la Constitution, c’est la maison commune, c’est un cadre supérieur à la loi. Pour la réformer, il faut être le plus consensuel possible. Je comprends la tentation de demander tel ou tel point supplémentaire. Mais vouloir ajouter une disposition dont on sait qu’elle n’obtiendra pas une majorité des trois cinquièmes, c’est en quelque sorte renoncer à toute réforme.

M. Jean-Pierre Soisson – Vous avez raison.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Il faut en être bien conscient.

L’objectif de cet article est de réaffirmer les pouvoirs traditionnels et légitimes du Parlement. Il faut aussi lui permettre de concourir à l’évaluation des politiques publiques, nous dit-on. Nous accepterons certains amendements en ce sens.

M. Pierre Lellouche – Très bien.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  On nous propose ensuite, par d’autres amendements, d’introduire une dose plus ou moins forte de proportionnelle à l’Assemblée. Nous avons déjà dit que nous ne sommes pas en situation pour le faire et il n’y a pas d’accord. Vous pouvez donc continuer à argumenter, mais comme il n’y aura pas de consensus, la réponse est non. Sur le mode de scrutin au Sénat, nous avons répondu lors du débat avant l’article 1er. En ce qui concerne la représentation des Français de l’étranger, je ne sais d’où sort le chiffre de 20 députés. Nous nous en tenons au texte du projet. Il y a environ 2 millions de Français à l’étranger, dont 1 300 000 à 1 400 000 immatriculés dans les consulats. Cela fait grosso modo entre 10 et 12 députés, si l’on s’en tient à la taille des circonscriptions de métropole. Quant à savoir s’il y aura une circonscription du Canada à la Suisse, qui intéresserait les amis de M. Montebourg, c’est une loi organique qui définira les circonscriptions et les modalités de l’élection.

Cet article apporte des modifications sur l’évaluation des politiques publiques. Si vous voulez relancer le débat sur tous les sujets évoqués avant l’article 1er, à votre guise. Mais cela ne fait pas progresser le débat constitutionnel.

M. le Président – Nous allons passer aux 27 amendements. À l’issue de la discussion sur l’article, Monsieur Ayrault, on ne répond pas au Gouvernement. Vous pourrez intervenir sur un amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Auparavant, je voudrais indiquer les précisions qui nous ont été données par le Gouvernement lors des travaux en commission. Pour les Français de l’étranger, on nous a indiqué que le nombre de députés serait au plus de 12, que le nombre d’immatriculés servirait de base comme on utilise en France les données de recensement, et qu’enfin l’élection se ferait au scrutin majoritaire à deux tours.

M. Jean-Marc Ayrault – Rappel au règlement.

M. le Président – Vous connaissez mieux que quiconque le règlement. Il y a eu sept interventions sur un article et le Gouvernement a répondu. Vous voulez lui répondre à votre tour. Nous sommes nombreux ce soir, et c’est une chance, mais en même temps, nous faisons la démonstration que lorsque nous sommes nombreux, nous ne pouvons pas avancer car le règlement n’est pas respecté.

Vous avez demandé la parole pour un rappel au règlement. Vous l’avez.

M. Jean-Marc Ayrault – Votre commentaire était inutile, Monsieur le président. Je ne veux pas répondre au Gouvernement, puisque lui-même ne répond pas. Dans ces conditions, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe. Cela, c’est le règlement, je crois.

M. le Président – La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 30.

M. Jacques Myard – L’amendement 159 est de suppression. Dire que le Parlement contrôle l’action du Gouvernement est inutile puisque les articles 49 et 50 le font déjà. Surtout, ce qui me gêne, c’est d’introduire la notion de population pour la désignation du Sénat. C’est l'Assemblée nationale qui représente le plus correctement la population. C’est une erreur fondamentale que de vouloir appliquer les mêmes critères au Sénat. Celui-ci a une autre destination : la représentation des territoires, qui ne peut être assurée aussi bien à l’Assemblée depuis que le Conseil constitutionnel a indiqué que les circonscriptions devaient être homogènes en termes de population.

Enfin, la représentation des Français de l’étranger peut procéder d’une intention louable mais franchement, songez à la taille de certaines circonscriptions ! Il va en falloir, des billets d’avions, pour aller rencontrer les électeurs… Il est inutile de faire entrer dans la Constitution des dispositions de cette nature.

L'amendement 159, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Le rôle du Parlement est certes de voter la loi et de contrôler l’action du gouvernement, mais aussi de concourir à l’évaluation des politiques publiques. C’est une fonction essentielle, qui va se développer considérablement. L’amendement 52 vise donc à compléter le texte sur ce point (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lellouche – Très bien !

M. le Président – Les amendements 2 et 39 de MM. Copé et Apparu sont identiques.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Le Gouvernement est favorable à ces trois amendements.

M. Didier Migaud – La rédaction de l’amendement 5 est légèrement différente, mais l’esprit est le même. Il a été signé par tous les membres du bureau de la commission des finances. En plus de voter la loi et de contrôler l’action du Gouvernement, le Parlement doit aussi évaluer les politiques publiques – une fonction qui prend de plus en plus d’importance. Nous n’avons pas le monopole de l’évaluation – le Gouvernement et la Cour des comptes par exemple s’y attachent aussi – mais il est essentiel que cette fonction soit inscrite dans la Constitution, sachant qu’elle n’a pas qu’une dimension financière : on peut très bien par exemple évaluer une politique pénale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 283 est identique. La seule différence entre ces deux amendements et les trois précédents est que pour nous le Parlement « contribue » à l’évaluation des politiques publiques, et non qu’il y « concourt ». Dans son exposé des motifs, le rapporteur souligne que le Parlement exerce cette fonction aux côtés d’autres organes. Il nous semble que c’est le terme « contribuer » qui traduit le mieux cette idée.

M. Jean-Pierre Brard – L’article 9 définit enfin dans la Constitution les missions du Parlement. Dans ce cas, autant ne pas les restreindre ! Le Parlement ne doit pas être une machine à enregistrer les lois. L’amendement 415 précise donc qu’il contrôle l’administration, en plus du Gouvernement, qu’il évalue les politiques publiques et s’assure de la bonne application de la loi. Par ailleurs, les questions internationales n’étant pas sans conséquences sur la politique intérieure, il est essentiel de préciser que le Parlement est obligatoirement informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international.

Vous savez que la commission des finances, grâce au dynamisme sans borne de son président, s’intéresse déjà à l’utilisation de l’argent public. Songez donc à cette affaire de l’Imprimerie nationale et du centre international des conférences de l’avenue Kléber – une gabegie invraisemblable : certes, ce n’est pas grand-chose par comparaison à M. Bouton, qui a perdu 5 milliards, mais 400 millions se sont tout de même volatilisés ! Et la seule conclusion qu’en a tiré le haut fonctionnaire que nous avons auditionné est… qu’ils avaient au moins appris qu’il faut faire appel à des gens compétents pour ce genre d’opération ! Un peu cher, pour une action de formation… Tout cela pour dire qu’une évaluation qui n’entraîne aucune conséquence, c’est comme enfiler des perles sans avoir la moindre intention de faire un collier. L’argent public a été gaspillé, il y a des responsables et ils ne seront pas sanctionnés ! Votre texte ne fait qu’officialiser la possibilité de faire des évaluations qui n’entraînent toujours aucune conséquence. Dans les faits, rien ne change.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ces amendements étant alternatifs à ceux qu’a adoptés la commission des lois, je leur donne un avis défavorable, tout en étant bien sûr d’accord sur le fond avec ceux de la commission des finances, et de M. Le Bouillonnec.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Le Gouvernement a accepté les trois amendements selon lesquels le Parlement « concourt » à l’évaluation des politiques publiques. Je n’ai rien contre le terme « contribue », mais il n’est pas possible de donner un avis favorable aux deux rédactions. Quant à l’amendement 415, il est pour l’essentiel satisfait par l’ensemble du projet. En ce qui concerne les négociations internationales, le Parlement en est déjà informé dans la pratique mais je ne pense pas que cette précision soit du niveau constitutionnel. Avis défavorable.

M. Jean-François Copé – Je voudrais dire combien mon groupe est attaché à cet amendement, qui est le résultat du travail très approfondi que nous avons mené sur la mission en fait nouvelle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Certes, des choses ont déjà été faites, notamment avec les missions d’évaluation et de contrôle, mais nous voulons aller plus loin. Nous voulons assurer la transversalité de notre action – étude d’impact avant la loi, contrôle d’application pendant sa mise en œuvre et évaluation a posteriori – et y associer l’ensemble des commissions, avec des parlementaires de toutes les sensibilités. Car il est indispensable que le contrôle et l’évaluation procèdent d’une logique transpartisane, que la majorité et l’opposition y travaillent ensemble, comme cela se fait dans les autres grands parlements du monde. Pour cette raison, je pense que le mot « concourt » correspond mieux à cette mission que celui de « contribue ». Il nous conduira à nous appuyer sur les travaux de la Cour des comptes et des corps d’administration, voire le cas échéant de cabinets privés.

M. Jean-Pierre Brard – Il ne manquait plus que ça !

M. Jean-François Copé – Ce serait une bonne manière de donner un nouvel élan aux relations entre le Parlement et le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Soisson – Le droit public utilise le mot « concourt », pas « contribue ».

M. Noël Mamère – Pour reprendre un critère qu’utilise souvent M. Bayrou, l’amendement 415 ne parle ni de concours, ni de contribution, mais emploie un verbe actif. Le Parlement contrôle l'administration. Il contrôle et évalue les politiques publiques.

M. Jean-Pierre Soisson – Il ne contrôle pas seul !

M. Noël Mamère – Il s’assure de l’exécution des lois. Il est informé des accords internationaux. Cette formulation évite bien des débats sémantiques et nous y gagnerions.

M. Karoutchi nous a reproché tout à l’heure de refuser tous les consensus qu’on nous proposait parce que nous n’avions pas envie de voter ce projet de réforme. Mais il y a à peine vingt minutes, nous avons soumis au vote un amendement qui avait été adopté par la commission des lois et son rapporteur… et rejeté en séance parce que le Gouvernement l’avait demandé. Ne dites donc pas que c’est nous qui faisons obstacle au compromis ! Refuser l’amendement 415, c’est encore une manière ravaler le rôle du Parlement à la « contribution ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous retirons l’amendement 283 pour nous rallier à l’amendement 52 ; « concourt » paraît en effet préférable à « contribue ».

L'amendement 283 est retiré.

M. Didier Migaud – Nous retirons également l’amendement 5, pas tant, d’ailleurs, pour des raisons sémantiques. L’essentiel est de reconnaître cette compétence au Parlement sans la mettre sur le même plan que le vote de la loi ou le contrôle de l’action du Gouvernement. Car ces dernières sont le monopole du Parlement, tandis que l’évaluation des politiques publiques est une compétence partagée avec le Gouvernement et la Cour des comptes.

MM. Jean-Pierre Soisson et Michel Bouvard – Très bien !

M. Didier Migaud – J’ajoute que le contrôle et l’évaluation, ce n’est pas seulement une question de texte, mais d’abord une question de volonté.

L'amendement 5 est retiré.

M. le Président – Monsieur Brard, vous souhaitez prendre la parole pour retirer votre amendement ? Vous l’avez déjà défendu.

M. Jean-Pierre Brard – Nous maintenons l’amendement 415. Il y a déjà le pouvoir d’évaluation de la Cour des comptes. Qu’en faites-vous, Monsieur Copé ? Rien du tout !

M. le Président – Nous avons créé au début de la législature un comité d’évaluation et de contrôle, doté de moyens. J’attends encore la désignation d’un certain nombre de ses membres.

Les amendements identiques 52, 2 et 39, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 415 tombent.

M. Jean-Pierre Brard – Dommage que notre amendement soit tombé alors que c’était de tous celui qui tenait le mieux debout ! (Sourires)

La Ve République, par le biais du parlementarisme rationalisé, ou plutôt corseté, a relégué le Parlement dans un rôle mineur, à tel point que ses missions ne sont même pas définies dans la Constitution. Cet article vise à y remédier, mais sa rédaction ne revient que sur le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement. Le Parlement doit également, en accord avec le Premier ministre, conduire la politique économique et sociale du pays, comme le propose l’amendement 416. L’omnipotence présidentielle soumet le Parlement au bon plaisir du Président. Sous couvert d’une simple ratification de la pratique existante, nous assistons à un bouleversement de l’équilibre de nos institutions. Dans ces conditions, une définition minimaliste des missions du Parlement ne peut nous satisfaire ; nous souhaitons les élargir pour donner davantage de prérogatives au pouvoir législatif, en refusant de prendre acte du domaine que s’est taillé le Président.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Ce serait un changement complet des institutions.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  L’amendement est contraire à l’article 20 de la Constitution, que M. Brard ne souhaite pas modifier. En outre, la seule période de notre histoire dans laquelle le Parlement ait conduit la politique économique, sociale ou autre fut la Convention. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure référence pour des Républicains.

M. Jean-Pierre Brard – C’est une bonne référence !

L'amendement 416, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Gest – L’amendement 269 est défendu.

M. le Président – L’amendement 126 est également défendu.

M. Jean-Pierre Brard – Les amendements 548 et 549 visent à introduire un mode d’élection des députés pour moitié au scrutin uninominal de circonscription et pour moitié au scrutin proportionnel sur des listes régionales, dans l’amendement 548 ; nationales, dans l’amendement 549, de repli.

Le scrutin de liste est d’autant plus nécessaire qu’il est le seul à garantir le respect du principe désormais constitutionnel de parité. Le système allemand, duquel nos propositions s’inspirent, a su résoudre la difficulté de l’éloignement des candidats des préoccupations de la population, en offrant aux électeurs de choisir, d’une part, un courant d’opinion au plan national, d’autre part, d’une personnalité chargée de les représenter. Ce système permet ainsi de concilier la proximité du terrain et la nécessité d’aborder les questions avec distanciation.

Monsieur Myard, les députés allemands ne sont pas tous dans la main des partis, car il y a les votes directs : même sans franchir la barre des 5 %, avec trois mandats directs, il est possible de participer à la redistribution générale. C’est ainsi que le parti Die Linke a pu siéger au Bundestag et que, grâce aux ex-communistes, le pluralisme a existé dans la première chambre allemande.

M. Noël Mamère – Lorsque nous avons évoqué le cumul des mandats, tout à l’heure, nous avons relevé la pertinence d’introduire une dose de proportionnelle. Avec l’amendement 331, nous proposons que le fonctionnement de notre assemblée ne se réduise pas à l’hégémonie de deux grands partis, mais s’ouvre à des forces politiques émergentes. M. Brard a évoqué le cas de Die Linke en Allemagne ; nous pourrions également parler des Verts, qui avaient obtenu 7,5 % aux élections générales en 1997, ce qui était suffisant pour obtenir 51 députés au Bundestag ainsi qu’un ministre des affaires étrangères, Joschka Fischer, qui fut le plus important d’après-guerre en Allemagne. En France, avec des résultats identiques, les Verts n’ont obtenu que sept députés.

Il faut que les Français soient représentés de manière juste à l'Assemblée nationale. Et que l’on ne nous dise pas que l’introduction de la proportionnelle conduirait au retour de l’extrême-droite à l’Assemblée, car le parti allemand comparable à celui de M. Le Pen, après avoir été réduit à 2 %, n’existe plus à présent, malgré la proportionnelle.

M. Richard Mallié – Vous aurez Besancenot !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 284 vise à modifier la Constitution en prévoyant qu’un dixième des députés est élu « au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi ». Le seul scrutin uninominal à deux tours ne permet pas de satisfaire l’intégralité des souhaits et des idées de nos concitoyens. L’introduction de la proportionnelle rend possible une meilleure représentativité de notre assemblée. Le Président de la République lui-même a affirmé que c’était une nécessité. Nous vous invitons à tenir cet engagement, à défaut de quoi une promesse du Président et de votre majorité ne serait pas respectée. Nous n’organisons pas le mode de scrutin – ce qui n’est pas du domaine de la loi constitutionnelle – mais nous fixons les règles par lesquelles il est introduit.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Nous avons déjà eu ce débat, et j’ai déjà eu l’occasion de dire que, selon notre ligne de conduite, le mode de scrutin des députés n’a pas à figurer dans la Constitution. La commission a donc rendu un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements, qu’ils tendent vers davantage de scrutin majoritaire ou de proportionnelle.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il n’y a que deux catégories d’assemblées qui ne possèdent pas la moindre dose de proportionnelle pour l’élection de leurs membres : l’Assemblée nationale et les conseils généraux. Nous sommes favorables sur le fond aux amendements 548 et 549, car il est mauvais qu’une partie de l’opinion publique n’ait pas droit de cité dans ces assemblées. Les 10 % de M. Le Bouillonnec seraient déjà une avancée.

Néanmoins, attentifs à la hiérarchie des normes, nous estimons que la Constitution ne peut pas fixer un mode d’élection, a fortiori pour un seul type de scrutin. C’est pourquoi notre amendement 357 se limite à poser des principes. Le mode d’élection des sénateurs devra cependant faire l’objet d’une réflexion à l’occasion d’une future loi ordinaire.

M. André Vallini – Quand ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Je ne suis pas maître de l’ordre du jour, mais un juriste comme vous, Monsieur Vallini, ne peut ignorer que c’est impossible dans la Constitution. J’ajoute que le groupe Nouveau Centre est favorable à une forte dose de proportionnelle, sans pour autant menacer le fait majoritaire : nos voisins ont su l’adopter, la France doit y parvenir elle aussi (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. le Président – Sur les amendements 549 et 331, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. François Bayrou – Aussi étrange que cela paraisse, n’importe quel taux de proportionnelle aboutira au même résultat. Il suffit que le volant permette de corriger les effets du scrutin majoritaire, comme c’est le cas en Allemagne, pour obtenir un résultat proportionnel satisfaisant. Avec seulement 10 % de sièges soumis à ce mode de scrutin, on aurait obtenu, sous la Ve République, une moitié proportionnelle de l’Assemblée. Jamais cela n’aurait empêché une majorité de se constituer – sauf en 1988, où même le scrutin majoritaire n’y parvint pas. Il ne s’agit donc que d’un effet d’optique. J’ajoute qu’en Allemagne, le volant de proportionnelle varie de telle sorte que l’on aboutit à un résultat parfaitement proportionnel. Ainsi, comme l’a rappelé M. Mamère, un parti qui rassemble 7 à 8 % des suffrages obtient environ 50 sièges au Bundestag. Hélas, je peux témoigner que la situation est bien différente en France.

Les amendements 269, 126 et 548, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

À la majorité de 80 voix contre 24 sur 107 votants et 104 suffrages exprimés, l’amendement 549 n’est pas adopté.

À la majorité de 69 voix contre 19 sur 89 votants et 88 suffrages exprimés, l’amendement 331 n’est pas adopté.

L'amendement 284, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 53, adopté en commission à l’unanimité, vise à fixer à 577 le nombre maximal de députés en l’inscrivant dans la Constitution. Si nous pouvons, comme le souhaite le Gouvernement, créer un mandat de représentant des Français de l’étranger, cela ne doit impliquer aucune augmentation du nombre total de députés. Il ne faut pas laisser croire que le Parlement estime urgent d’accroître le nombre de parlementaires (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Par ailleurs, la commission s’est interrogée sur le sort que le Gouvernement réserve aux députés de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

M. Arnaud Montebourg – Excellente question !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La création de ces postes a été votée pour 2012, malgré l’opposition d’un grand nombre d’entre nous. Alors que le Gouvernement s’apprête à effectuer un redécoupage électoral, nous soulignons notre opposition à leur création.

M. Jean-Pierre Brard – Ainsi que pour les sénateurs !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je n’ai pas d’avis sur les sénateurs, mais la représentation de ces deux îles à l'Assemblée nationale n’est pas conforme à nos principes (Approbation sur divers bancs).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis favorable à l’amendement 53 : il correspond à la pratique dans de nombreuses démocraties et à la volonté du Président de la République. Le Gouvernement souhaite que les députés des Français de l’étranger figurent parmi ces 577 députés.

S’agissant de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, vous savez qu’un redécoupage électoral est en cours, et qu’une commission indépendante doit se prononcer en la matière. Nous en discuterons donc le moment venu. En attendant, ne mélangeons donc pas les débats.

M. Jean-Jacques Urvoas – Nous avons adopté l’amendement 53 en commission mais, après réflexion, nous allons voter contre ce soir. Le nombre de députés n’a pas vocation à être constitutionnalisé – il ne l’a d’ailleurs été que quatre fois, pour douze Constitutions appliquées.

Je précise que, contrairement au Sénat, la tendance n’a jamais été à l’inflation du nombre de députés, au contraire : ils étaient 782 sous la Ire République, 750 sous la IIe, 600 sous la IIIe et 627 sous la IVe. D’autre part, la France élit moins de députés que ses partenaires européens : un pour 110 000 habitants environ, comme en Espagne, contre un pour 92 000 en Italie, un pour 83 000 en Pologne, un pour 70 000 en Belgique et même un pour 30 000 au Danemark. Il n’y a donc pas de raison de limiter l’Assemblée nationale à un nombre de membres précis, arbitraire qui plus est.

M. André Vallini – Et insuffisant !

M. Jean-Pierre Brard – Permettez-moi de vous décrire une pratique parmi d’autres en cours à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Un fonctionnaire des impôts a envoyé, sous le timbre du ministère, 16 000 avertissements fiscaux, qui sont tous revenus barrés de la mention : « N’habite pas à l’adresse indiquée ». Imaginatif, notre fonctionnaire les a renvoyés sous enveloppe vierge : miracle ! Ils ont tous trouvé leur destinataire.

M. Pierre Lellouche – Le futur député aura du travail ! (Rires)

M. Jean-Pierre Brard – C’est un rapport inacceptable aux règles normales de la République. Nous avons là l’occasion de revenir à la norme en mettant fin à ce genre de petits arrangements.

Quant à Saint-Barthélemy, le Gouvernement ne peut ignorer que c’est le seul territoire de la République où règne l’apartheid.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard – Non : les gens dits de couleur sont reconduits au bateau une fois leur journée de travail accomplie, car ils ne sont pas acceptés dans l’entre-soi. Tout le monde le sait ! Il va de soi que j’approuve la remarque de M. Warsmann.

L'amendement 53, mis aux voix, est adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing – L’amendement 271 vise à préciser que « les dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral s’appliquent aux élections législatives », afin de compléter, au sein de notre dispositif de contentieux électoral, les règles sur lesquelles le Conseil constitutionnel se fonde pour déclarer un député inéligible. En effet, celles-ci ne prennent pas en considération la bonne foi de l’élu dont les comptes de campagne sont fautifs. Cette question essentielle a toute sa place dans ce débat.

M. le Président – Elle fait l’objet d’une mission confiée à M. Pierre Mazeaud.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. S’il est parfaitement légitime d’étendre aux députés, par une loi organique, une disposition de la loi ordinaire, cela ne relève pas de la Constitution.

M. Arnaud Montebourg – C’est évident !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Même avis.

M. Louis Giscard d'Estaing – À la lumière des éclaircissements du rapporteur, et en attendant l’inscription de cette disposition dans la loi organique, je retire l’amendement.

L'amendement 271 est retiré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 54 de la commission propose de définir un nombre maximal de sénateurs.

En maintenant le même nombre de sénateurs dans deux départements, la loi adoptée au cours de la précédente législature afin de tenir compte du nouveau recensement a accru le nombre total de sénateurs ; en outre, les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui jouissent désormais du statut de collectivités, disposeront chacune d’un représentant au Sénat, puisque celui-ci est chargé de représenter les collectivités territoriales. En décidant qu’il ne pourra y avoir plus de 348 sénateurs, nous prenons simplement acte de ces nouvelles dispositions.

En outre, puisque nous avons arrêté un nombre maximal de députés, il est cohérent d’inscrire dans la Constitution les dimensions respectives des deux assemblées parlementaires, élues l’une au suffrage universel direct, l’autre au suffrage universel indirect, qui sont appelées à se réunir en Congrès.

M. Jean-Pierre Brard – Et la Chambre introuvable ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Après avoir émis un avis favorable à l’amendement 53, le Gouvernement s’en remettra sur l’amendement 54 à la sagesse de l’Assemblée, car les membres de la Haute assemblée ne manqueront pas de s’exprimer sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard – Quel fin connaisseur du Sénat ! (Sourires)

M. René Dosière – Aux yeux du groupe SRC, les arguments qui valaient pour les députés s’appliquent de même aux sénateurs. En outre, pour être élus, les 12 sénateurs désignés à la représentation proportionnelle par les 150 membres du Conseil supérieur des Français de l’étranger ont besoin de 25 à 30 voix. Quant aux îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les collèges électoraux y étant respectivement composés de 19 et 23 membres, il faut 10 voix pour être élu sénateur de la première, 23 voix pour la seconde (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – C’est scandaleux ! Quelle imposture !

M. René Dosière – Monsieur le ministre, quel est donc le prix – en euros ou en dollars, comme vous voudrez – d’un électeur sénatorial dans ces collectivités ?

M. Pierre Lellouche – Bravo !

M. René Dosière – Voilà ce qui arrive lorsque l’on multiplie les élections au suffrage indirect !

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous voterons contre la limitation du nombre de sénateurs, comme tout à l’heure s’agissant des députés.

M. Maurice Leroy – Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde – Outre qu’il n’y a pas lieu d’inscrire une telle disposition dans la Constitution, que n’avons-nous fait obstacle par notre vote à l’augmentation du nombre de sénateurs ? D’aucuns ont évoqué un verrou sénatorial sur la Constitution ; mais les chambres peuvent également exercer ce pouvoir l’une sur l’autre. Pourquoi donc constitutionnaliserions-nous un rapport de forces que nous avons déjà modifié en faveur du Sénat, notamment en cas de révision constitutionnelle par les deux assemblées réunies en Congrès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il a raison !

M. Jérôme Chartier – Le groupe UMP votera cet amendement. Certes, M. Dosière a raison de soulever le problème des grands électeurs ; et l’on pourrait ajouter l’exemple de Wallis et Futuna, qui en désigne 23. Faut-il pour autant remettre en cause la désignation de la haute assemblée par les grands électeurs (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) et sa mission de représentation des territoires ? Ne vaut-il pas mieux, comme le propose l’amendement, inscrire définitivement dans la Constitution le nombre de parlementaires afin de l’empêcher d’augmenter à l’avenir ?

M. Lagarde a rappelé l’augmentation récente du nombre de sénateurs ; mais, par cet amendement, nous pouvons arrêter ce soir le cours de l’histoire (Rires sur les bancs du groupe GDR). L’Italie a courageusement entrepris de réduire le nombre pléthorique de ses députés ; à raison d’une diminution de 1 % à chaque renouvellement, cela prendra 15 ans ! Il est plus difficile de réduire le nombre de parlementaires que de l’accroître... En inscrivant dans la Constitution le nombre maximal de députés et de sénateurs, nous ferons œuvre utile ; les Français nous en seront reconnaissants.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – C’est afin de tenir compte du recensement que l’on a décidé, lors de la précédente législature, d’accroître le nombre de sénateurs plutôt que de procéder à un redécoupage à nombre constant. Sans revenir sur cette décision, tirons-en les conséquences et préparons l’avenir : en inscrivant dans la Constitution le nombre maximal de sénateurs, nous ne laisserons plus ce choix au législateur.

Plusieurs députés NC – Cela ne relève pas de la Constitution !

M. Jérôme Chartier – Mais si !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ainsi, désormais, les éventuels redécoupages seront nécessairement opérés à l’intérieur d’une enveloppe constante de sièges.

M. Jean-Pierre Brard – À Saint-Martin et à Saint-Barth, il s’agit vraiment d’une enveloppe ! (Sourires)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – En outre, comme tous en ont convenu en commission, il est logique de déterminer un nombre maximal de membres pour les deux chambres appelées à composer le Congrès.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg – Je défends l’amendement 285. Je ne reviens pas sur l’augmentation du nombre de sénateurs, qui crée un déséquilibre entre le Sénat et l'Assemblée nationale, notamment au sein de la commission chargée de contrôler les nominations par le Président de la République (Approbation sur les bancs du groupe NC).

M. Guy Geoffroy – Il a raison !

M. Arnaud Montebourg – Mme la Garde des sceaux ne semblant pas daigner nous répondre, nous nous tournons vers M. Karoutchi (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Vous ne changerez donc jamais ?

M. Arnaud Montebourg – … pour lui demander quelles sont ses intentions s’agissant de la modification du collège sénatorial. Pour notre part, nous souhaitons revenir à l’avant-projet de loi, qui disposait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population ». Ainsi la représentativité du collège serait-elle mieux assurée. C’était une proposition du comité Balladur. Nous souhaiterions que le Gouvernement nous dise dans quels délais il présentera un projet de loi organique sur le collège sénatorial et quel en sera le contenu. C’est un point important, en fonction duquel la Gauche peut faire évoluer sa position sur ce projet, pour le moins hésitante à l’heure où je vous parle.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Je vous le dis avec sincérité…

M. Jean-Pierre Brard – Et componction !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  …vos propos concernant la garde des Sceaux sont à la limite du convenable.

M. Arnaud Montebourg – Je suis prêt à les retirer.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Le nombre maximum de députés sera fixé dans la Constitution.

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous y reviendrons.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Mais comme vous n’avez pas voulu y inscrire le nombre maximum de sénateurs, l’équilibre auquel vous tenez pour le Congrès sera loin d’être assuré.

M. Arnaud Montebourg – Voyez avec votre majorité !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Le Gouvernement est défavorable à l’amendement 285. Nous vous avons déjà dit ce que nous pensions de la réforme du mode de scrutin sénatorial. Des discussions auront lieu au Palais du Luxembourg. Naturellement, nous n’irons pas plus loin ici ce soir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous voudrions savoir pourquoi le Gouvernement a changé la rédaction de l’article. En substituant aux termes « en fonction » l’expression « en tenant compte de », vous avez atténué la relation qui existe entre le nombre d’électeurs et le nombre de sénateurs. Nous ne sommes pas les seuls à nous poser la question : les membres du comité Balladur, M. Balladur lui-même s’interrogent.

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avisL’une des communes de ma circonscription compte six électeurs. Si l’on y applique le dispositif de l’amendement Montebourg, elle aura, comme toute commune, un grand électeur. Rapporté à l’ensemble du territoire, cela fera dix millions au moins de grands électeurs. L'Assemblée nationale perdra alors sa légitimité supérieure face à la Chambre haute.

L'amendement 285 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – Monsieur le ministre, vous avez eu raison de montrer qu’il était contradictoire de limiter le nombre de membres dans l’une des deux chambres seulement. Mais il faut vous en prendre à votre propre camp, qui a voté différemment sur les deux amendements.

M. Jean-Pierre Brard – M. Copé s’était absenté ! (Rires)

M. Patrick Braouezec – L’amendement 587 prévoit une représentation proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs, au lieu de quatre aujourd’hui. Par ailleurs, il tend à instaurer un seuil de 300 habitants pour élire un délégué, et un délégué par tranche de 300 habitants. Cela nous amène à un calcul bien différent de celui auquel vient de se livrer le rapporteur pour avis.

M. Jean-Christophe Lagarde – Contre l’amendement. Quand on veut traiter des modes de scrutin dans la Constitution, on arrive à l’absurde. La rédaction de l’amendement ne précisant pas que l’élection des délégués des communes se fait à la proportionnelle, le mode de scrutin sera majoritaire…

Puisque nous nous sommes trompés en limitant le nombre de députés, adressons-nous aux sénateurs et demandons-leur, dans le cadre de la navette, de supprimer cette disposition, laquelle demeure du domaine de la loi, et non de celui de la loi fondamentale.

L'amendement 587, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste – Mon amendement 218 tend à suivre l’avis du comité Balladur en ne modifiant pas la représentation des Français de l’étranger. La disposition prévue conduirait à l’introduction de la proportionnelle – ce que nous refusons – ou à un découpage absurde de grandes circonscriptions. Or je ne pense pas qu’une circonscription allant de la Patagonie au Groenland permette de bonnes relations entre l’élu et ses électeurs.

M. Jean-Christophe Lagarde – Un peu de considération pour les manchots ! (Sourires)

M. Christian Vanneste – Il faudrait en outre augmenter le nombre de députés – hypothèse que nous venons de rejeter – ou procéder à un nouveau découpage pour supprimer douze circonscriptions de métropole. Cela accentuera encore le déséquilibre entre les circonscriptions des départements peu peuplés, comme la Lozère, et celles de départements en pleine expansion démographique, comme le Val-d’Oise. C’est la raison pour laquelle, par l’amendement 218, je vous invite à abandonner cette idée.

Député frontalier, j’ai beaucoup d’admiration pour nos sages voisins, les Belges, qui se contentent de faire voter leurs compatriotes résidant à l’étranger dans des bureaux de communes belges.

L'amendement 218, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste – Grâce à la Gauche !

M. Louis Giscard d'Estaing – L’amendement 212 vise à donner une réalité géographique à la représentation des Français de l’étranger, aujourd’hui représentés par des sénateurs élus par un collège du Conseil supérieur des Français de l’étranger. Il est important, afin de rétablir l’égalité entre citoyens, que les Français de l’étranger puissent élire les représentants de leur zone géographique. Il me paraît important que les sénateurs des Français de l’étranger, et par contre coup les députés concernés, puissent ainsi être régionalisés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’avis de la commission est défavorable. Nous refusons que les députés représentant les Français de l’étranger soient issus d’un autre mode de scrutin que les autres députés, et nous avons obtenu du Gouvernement l’engagement qu’ils relèveraient d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. L’élection par zone géographique n’atteindrait d’ailleurs pas le but que vous recherchez. Compte tenu de l’engagement du Gouvernement, je souhaite donc que vous retiriez cet amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Je vous demande vraiment de retirer votre amendement. Nous venons de nous mettre d’accord sur le fait que les modes de scrutin n’avaient pas à figurer dans la Constitution. La disposition que vous proposez n’a pas davantage lieu d’être dans la Constitution. Le rapporteur vous a informés du mode de scrutin envisagé pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger. Nous n’avons pas pour autant l’intention de l’inscrire dans la Constitution.

M. Louis Giscard d'Estaing – Je ne vois pas en quoi le fait d’inscrire dans la Constitution qu’il s’agit d’une représentation par zone géographique pose problème. Il ne s’agit pas du mode de scrutin : je propose simplement de permettre aux Français de l’étranger de s’identifier à leurs représentant. Je maintiens donc mon amendement.

M. Pierre Lellouche – Je suis contre cet amendement, pour des raisons exactement inverses à celles qu’a avancées mon ami Roger Karoutchi. Je connais un peu nos compatriotes de l’étranger et la façon dont il sont représentés au Sénat. L’idée de faire élire des députés par le capharnaüm géographique et humain que représentent ces 2 millions de Français de l’étranger me laisse pantois. Avec toute l’amitié et tout le respect que je porte au Président de la République, je considère que c’est tout simplement infaisable ! L’amendement de M. Giscard d’Estaing a le mérite de le montrer.

M. Jacques Myard – Bien sûr !

M. Pierre Lellouche – Il y a aujourd’hui 60 000 Français en Californie, 300 000 à New York et environ 60 000 dans les États du sud des États-Unis. On pourrait donc avoir deux circonscriptions aux États-Unis. Mais quid des 300 000 Français de Londres, des 2 000 de Dubaï, des 800 de Nouvelle-Zélande ? Comment un Français habitant Minsk pourrait-il être représenté par le même député que celui qui réside à Istanbul ? Que devient le lien personnel entre l’élu et ses électeurs ?

M. Didier Migaud – C’est une aberration !

M. Pierre Lellouche – C’est infaisable ! Je regrette, mais cela ne tient pas la route ! (Applaudissements sur plusieurs les bancs)

L'amendement 212, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 357 vise à inscrire dans la Constitution que « les modes de scrutin pour l’élection du Parlement respectent la diversité politique de la Nation » et qu’ils « garantissent le pluralisme et l’équité de sa représentation parlementaire. » Cela permettra ensuite de moduler les modes de scrutin là ou ils doivent l’être : dans la loi.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable, comme sur tous les amendements relatifs aux modes de scrutin.

L'amendement 357, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 337 vise à rendre le mandat de parlementaire « incompatible avec l’exercice d’un autre mandat électif prévu par la présente Constitution. » Il va dans le sens de la stricte limitation du cumul des mandats que nous réclamons depuis longtemps. Il vient à la suite de celui que nous avons défendu tout à l’heure sur la proportionnelle. La limitation du cumul des mandats doit en effet être adossée à la proportionnelle et à une réforme du statut de l’élu. Nous en sommes encore loin, mais nous ne pourrons continuer longtemps avec une Assemblée qui n’est pas représentative de la diversité sociale et politique de notre pays et avec la confusion des fonctions de législateur et des fonctions exécutives. J’observe d’ailleurs que nous avons complètement oublié les intercommunalités lorsque nous avons évoqué la limitation du cumul des mandats.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – M. Mamère ne s’est peut-être pas aperçu de son bonheur, mais son amendement est satisfait : la Constitution prévoit en effet trois mandats électifs – député, sénateur et Président de la République – qui sont incompatibles ! (Rires et applaudissements sur quelques bancs) Dans un souci de concision, je me vois donc contraint de donner un avis défavorable à cet amendement, à moins que M. Mamère ne le retire…

M. Noël Mamère – Quelles que puissent être les observations du rapporteur sur la rédaction de cet amendement, je ne peux le retirer.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Avis défavorable.

Mme Aurélie Filippetti – Depuis le départ de Mme Billard il y a trois heures, je n’ai pas entendu une seule voix féminine dans cet hémicycle !

M. le Président – Nous avons entendu la garde des Sceaux (« Très peu ! » sur les bancs du groupe SRC).

Mme Aurélie Filippetti – Ce n’est sans doute pas sans lien avec l’amendement qui vient d’être défendu. En finir une fois pour toutes avec le cumul des mandats – et en particulier avec le cumul du mandat parlementaire avec un autre mandat électif – favoriserait le renouvellement du personnel politique. Comment prétendre réformer nos institutions, accroître les pouvoirs du Parlement et améliorer la représentativité de notre Assemblée sans limiter le cumul des mandats ? Je soutiendrai donc l’amendement de M. Mamère malgré son défaut de rédaction. Nous défendrons un amendement sans doute mieux rédigé à l’article 10.

L'amendement 337, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance ce matin, mardi 27 mai, à neuf heures trente.

La séance est levée à 0 heure 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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