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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 10 juin 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 45
190ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie.

AVANT L'ART. 38

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances – L’amendement 721 est de coordination avec un amendement qui viendra plus tard en discussion.

L'amendement 721, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 38

M. Lionel Tardy – L’article 38 crée une Haute autorité de la statistique dans le but de garantir la fiabilité des statistiques publiques, régulièrement mise en doute par ceux-là mêmes qui redoutent qu’une autorité indépendante garantissant cette objectivité les empêche de se livrer à leur désinformation habituelle. C’est d’ailleurs une demande de l’Union européenne à laquelle il nous faut nous soumettre. Certains dans cet hémicycle ne semblent pas voir la nécessité de nous conformer aux directives européennes, proposant plutôt de ne rien faire. N’est-ce pas, Monsieur Chassaigne ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques – Ne le provoquez pas !

M. Lionel Tardy – Si je partage les objectifs de cet article, les moyens me laissent plus dubitatifs. Pourquoi, dès lors que l’on crée cette nouvelle autorité, maintenir le Conseil national de l’information statistique ? Demander de supprimer cet organisme n’est pas un désaveu de son travail ou de la qualité de ses membres, mais l’expression d’un souci de rationalisation. On a trop souvent créé de nouvelles structures sans supprimer les anciennes, créant ainsi un véritable mille-feuille, dans lequel on ne sait plus qui fait quoi. On peut d’ailleurs s’estimer heureux que ces organismes compétents sur un même domaine ne passent pas leur temps à s’entredéchirer !

Je note avec satisfaction que l’amendement 237 rectifié du rapporteur pour avis réorganise l’ensemble du secteur de la statistique publique en tenant compte à la fois des objectifs poursuivis par le Gouvernement et du souci de rationalisation qui est le mien. Je retirerai donc mon amendement 1210 pour me rallier à celui-ci.

M. Pierre-Alain Muet – Si tous les audits soulignent l’indépendance professionnelle de l’INSEE, qui est un élément fort de sa culture, il n’en reste pas moins que l’institut est également une direction du ministère de l’économie et des finances.

Il est certes important d’inscrire clairement dans la loi l’indépendance de la statistique publique. À cet égard, l'Assemblée nationale a décidé, il y a quatre mois, de créer une mission d’information, commune aux trois commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales, pour examiner les grandes données économiques du pays et donner un avis sur la gouvernance de l’INSEE. Cette mission est rapidement parvenue à deux conclusions : tout d’abord, qu’il ne fallait pas bouleverser le statut de l’INSEE, lequel doit rester une direction du ministère des finances et continuer de coordonner l’ensemble des services statistiques, et qu’il fallait, ensuite, le conforter par un conseil scientifique qui lui permette d’assumer son indépendance et l’aide dans certaines situations que nous avons connues, comme, par exemple, quand des statistiques divergentes ont été publiées sur le chômage.

Avec le rapporteur de cette mission, M. Mariton, nous nous sommes dit qu’il convenait de créer une autorité de la statistique indépendante, que nous proposons d’appeler Conseil supérieur de la statistique. Un consensus s’est dégagé pour que cette autorité soit placée au sein du CNIS, lequel devrait être conforté, notamment par une nomination de son président en conseil des ministres pour une période déterminée de cinq ans. Le CNIS possèderait un conseil des sages de neuf membres qui jouerait le rôle de conseil scientifique. Le rapport de M. Mariton a été adopté à l’unanimité des trois commissions. Sur un sujet de cette importance – on pourrait parler de LOLF de la statistique –, nous pensons que cette proposition améliore le texte initial, et nous espérons que le Gouvernement saura suivre la sagesse de l’Assemblée.

M. André Chassaigne – Cet article prétend assurer l’indépendance de la statistique publique en créant une Haute autorité chargée de veiller au respect du code des bonnes pratiques de la statistique européenne. L’intention est louable, car le rôle de la statistique, et notamment de l’INSEE, est essentiel pour diffuser l’information qui constitue la base des grandes décisions prises par nos assemblées. J’évoquerai néanmoins le sujet qui fâche : qu’en est-il de l’indépendance professionnelle de cet organisme ? Qu’en est-il, en effet, quand le directeur général de l’INSEE est brutalement débarqué parce qu’il propose des réformes déplaisant au pouvoir ?

M. Lionel Tardy – Mais non !

M. André Chassaigne – Il est vrai qu’il souhaitait définir un indice du coût de la vie plus pertinent, qui intègre non seulement les prix, mais aussi les loyers et les factures d’énergie. Le rapport d’information de M. Mariton, rendu public en avril, propose de maintenir le statu quo, à savoir un indice des prix que les statisticiens contestent. La boucle est bouclée !

De même, où est l’indépendance professionnelle, quand l’INSEE doit annoncer en catimini qu’il renonce à publier son enquête annuelle sur le chômage, à quelques mois de l’élection présidentielle ? M. Mariton regrette que le débat porte plus souvent sur le taux de chômage que sur les données relatives à l’emploi. Il est vrai qu’il est plus valorisant d’annoncer les nouveaux emplois créés que d’analyser l’effet sur le taux de chômage des vagues de licenciement que connaît notre pays !

C’est dans ce contexte que vous entendez créer une Haute autorité de la statistique. Offrira-t-elle une garantie d’indépendance ? Rien n’est moins sûr. Ses attributions ne sont pas définies. Et pour cause : va-t-on créer un corps d’inspection de la statistique publique qui enquêtera sur les réseaux d’influence ? Comme c’est un décret qui en décidera, on peut s’attendre à des compétences des plus floues. Qui enquêtera, par ailleurs, sur l’indépendance de cet organisme ? Un organisme chargé de veiller à l’indépendance de l’organisme chargé de veiller à l’indépendance de la statistique ?

Le CNIS, qui coordonnait les enquêtes statistiques et établissait un programme d’ensemble, sera désormais un lieu de négociation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique ; on peut s’attendre à toutes sortes d’arrangements ! Ce n’est pas de créer un nouveau comité Théodule qui garantira l’indépendance de la statistique. D’ailleurs, le code des bonnes pratiques ne recommande à aucun moment la création d’un organisme indépendant.

La meilleure garantie de cette indépendance est de fixer de manière claire, sous le regard des citoyens, des orientations conformes aux priorités nationales. L’indépendance de la statistique passe avant tout par un contrôle démocratique sur ses orientations ; à défaut, l’influence du pouvoir est toujours possible. Même imparfait, le CNIS constituait un tel instrument d’orientation. Or, ce projet de loi vise à lui retirer ce rôle. La statistique publique en sortira considérablement affaiblie. Je vous proposerai donc de supprimer cet article.

M. Michel Piron – Je voudrais juste faire part de quelques interrogations. Je m’interroge, tout d’abord, sur la propension à affubler toutes les autorités que nous créons du qualificatif de « hautes ». Que recouvre ce besoin d’altitude ?

De même, qu’est-ce qui garantit l’indépendance dont nous voulons doter ces autorités ?

M. André Chassaigne – Excellent !

M. Michel Piron – Le mode de désignation ou le financement ont leur importance, mais je crois que, dans le cas de la statistique, la pluralité des approches et des sources est probablement la meilleure garantie d’une certaine objectivité.

Enfin, sans avoir de réponse sur le sujet, je voudrais que l’on s’interroge sur les limites du contrôle du contrôle du contrôle des contrôleurs…

Il faudra essayer d’apporter une réponse conforme aux exigences communautaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe GDR)

M. Michel Bouvard – On peut s’interroger sur la fiabilité des statistiques ou sur l’indépendance des organismes. Pour ma part, je m’interroge plutôt sur le foisonnement des organismes publics. Pourquoi créer un nouvel organisme ?

Je rappelle que le « jaune budgétaire » dont nous disposons ne donne aucune indication sur le coût annuel de fonctionnement et sur le nombre de réunions du conseil national de l’information statistique. La LOLF nous donne un droit d’information, mais les documents qui nous sont communiqués ne sont pas remplis !

J’observe également qu’il existe d’autres organismes de nature similaire, comme par exemple le comité du secret statistique. Il y a sans doute d’autres possibilités de rapprochement. J’aimerais enfin savoir quel est le rôle de l’organisme actuel par rapport à celui de l’INSEE et en quoi la nouvelle autorité pourrait être plus performante et plus transparente.

Pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement adopté par la commission des finances, qui tend à transformer la structure actuelle sans créer un nouvel organe, dont les buts ne me semblent pas clairs. La situation actuelle ne me pousse guère à accepter l’évolution proposée par le Gouvernement.

M. Hervé Mariton – Il est légitime de débattre et parfois d’être en désaccord sur les choix politiques, mais il faut pour cela des informations quantifiées de qualité. Sans contester sur le fond l’indépendance de notre outil statistique, les institutions européennes nous demandent qu’elle soit plus explicitement établie. Compte tenu de certaines controverses, il me semble effectivement utile que nos statistiques soient entourées de meilleures garanties aux yeux de nos concitoyens.

Tels sont les principes qui ont inspiré la mission sur les grandes données économiques et sociales, qui a été placée sous la présidence de M. Pierre-Alain Muet, et dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Nous avons certes eu des divergences sur certains points, mais l’essentiel nous a paru être de trouver un consensus sur les conditions de mesure et sur les garanties que nous devons apporter à nos concitoyens.

Il y a dans ce texte des sujets qui ne font pas l’unanimité sur ces bancs, mais il me semble que nous avons besoin d’un accord aussi large que possible sur l’indépendance de notre appareil statistique. Celle-ci existe aujourd’hui de facto, mais nous devons la garantir de façon plus explicite.

La mission, qui rassemblait des membres des commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales, a établi un rapport adopté à l’unanimité. Un amendement, qui viendra tout à l’heure en débat, a ensuite été élaboré. La proposition du Gouvernement a un mérite évident : elle répond à la demande communautaire de clarification des conditions d’indépendance de notre outil statistique. Conformément aux analyses de la commission, cette indépendance serait inscrite dans la loi.

Comme d’autres collègues, je m’interroge en revanche sur la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante. Si nous ne sommes généralement pas très favorables à de telles structures sur ces bancs (Applaudissements de M. Michel Bouvard), c’est qu’elles manquent parfois singulièrement de transparence. Leur création peut également être un facteur de rigidité et de lourdeur, car l’articulation avec les structures préexistantes n’est pas toujours très claire.

C’est pourquoi la mission a proposé un dispositif plus simple, qui repose sur la rénovation du conseil national d’information statistique, qui serait désormais appelé conseil supérieur de la statistique. Son président serait nommé par l’autorité exécutive, mais un collège d’experts indépendants serait placé auprès de lui. C’est un dispositif simple qui permettrait d’unifier les structures actuelles sans créer un nouvel organisme. Nous pourrons ainsi débattre librement en nous appuyant sur des chiffres dans lesquels nos concitoyens auront une pleine confiance.

M. Alain Néri – Je trouve stupéfiante la prolifération des « autorités » de toute nature. Je croyais qu’il existait déjà une haute autorité indépendante dont la mission était d’exercer une mission de contrôle, à savoir l'Assemblée nationale. Avec la création de ces organismes, nous dépouillons peu à peu la représentation nationale de ses prérogatives.

Il me semble que ces hautes autorités, prétendument indépendantes, sont pour la plupart superflues. En tout cas, celle que vous nous proposez de créer ne s’impose pas nécessairement. Et puisque je suis Auvergnat, j’aimerais savoir combien ça coûtera aux contribuables (Sourires).

M. Michel Bouvard – Ce n’est indiqué nulle part…

M. Alain Néri – Cet organisme comptera certainement un président, des vice-présidents, des secrétaires, etc. Or, nos concitoyens n’en peuvent plus de payer leurs impôts, car leur pouvoir d’achat est en chute libre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP). Cela ne fait pas plaisir à tout le monde… Toutefois, il faudra bien rendre des comptes, un jour ou l’autre. Le peuple est encore souverain dans notre pays et il s’exprime parfois avec une certaine brutalité (Même mouvement).

Il faut simplifier la situation, et c’est pourquoi je ne voterai pas cet article. La haute autorité qui nous est proposée ne se justifie pas, et sa création remettrait en cause une des missions essentielles de la représentation nationale. Ce serait un déni de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. André Chassaigne – L’amendement 937 tend à supprimer l’article.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Pour que le peuple soit souverain, il doit pouvoir s’appuyer sur des éléments d’information impartiaux. C’est pourquoi toutes les démocraties ont eu l’intelligence d’instaurer des autorités indépendantes. La question est de savoir si elles sont vraiment totalement indépendantes dans notre pays…

Je rappelle également que ce n’est pas parce qu’elles sont indépendantes qu’elles n’ont pas à rendre des comptes au Parlement. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi L’article 38 a deux objectifs : inscrire dans la loi le principe d’indépendance de l’institut national de la statistique et créer une haute autorité nouvelle.

M. Alain Néri – Commencez par éviter de supprimer des postes dans l’éducation nationale, au lieu de créer des organismes nouveaux !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Pourquoi « haute » autorité ? Cet adjectif est tout à fait légitime, comme l’a reconnu le Conseil d’État. Cette institution nouvelle aura en effet un rôle déontologique.

« Combien ça coûte ? » demanderait-on dans mon pays. Aucune ligne budgétaire, aucun équivalent temps plein ne seront créés pour cette Haute autorité qui, du reste, ne se réunira que trois fois par an. Nous sommes loin de créer une énième instance dévoreuse de personnels, de fonds et de voitures de fonction !

La France est le seul pays d’Europe à ne pas avoir inscrit l’indépendance de son autorité statistique dans la loi, comme nous le rappellent Eurostat et nos partenaires européens. Nous souhaitons simplement combler cette lacune.

Le CNIS, chargé d’élaborer le programme de travail de la statistique publique et composé d’environ 120 membres issus de divers organismes représentatifs, se réunira sous ma responsabilité. Dès lors, faut-il intégrer la Haute autorité indépendante au sein du CNIS ? Je ne le crois pas : leurs missions sont différentes et des conflits d’intérêt pourraient surgir. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement 237 rectifié, mais favorable à celui de M. Mariton.

Les fonctionnaires de l’INSEE accomplissent un travail statistique remarquable. Certaines données – sur le chômage, par exemple – ont longtemps fait l’objet de contestations. L’INSEE, sur les recommandations de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, a réussi à mettre fin aux doutes. De même, j’ai mandaté une commission afin d’améliorer l’indice des prix à la consommation, qui faisait débat, et d’en ôter toute dépense contrainte. Ces progrès témoignent de l’indépendance de l’INSEE, que l’article 38 consacre dans la loi, tout en dotant l’institut d’une haute – et légère – autorité de la statistique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement 937.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances Comme vous, je souhaite le maintien de l’article 38. Notre outil statistique doit être indépendant et incontestable. Une mission rassemblant des députés de tous bords a formulé une proposition consensuelle. Pourquoi le Gouvernement refuserait-il la création d’une instance souhaitée à l’unanimité ? L’efficacité de l’outil statistique dépasse les clivages politiques. Or, cette structure mettra fin aux polémiques qui ne manquent pas de surgir à chaque publication du taux de chômage. Pourquoi hésiter, alors que cette proposition suscite l’unanimité des parlementaires et des experts ? Ce serait une bonne chose que le Gouvernement s’en remette à la sagesse de l’Assemblée.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Je tiens à rendre hommage à cette mission qui, par-delà les clivages, a accompli un travail remarquable (« Violons ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). J’ajoute que certaines de ses recommandations, concernant le chômage par exemple, sont d’ores et déjà adoptées.

M. Didier Migaud, président de la commission Ce n’est pas le sujet !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Si : cela prouve que nous sommes d’accord sur le fond. J’estime simplement qu’un conflit d’intérêts pourra naître entre une instance chargée de la prescription et une autre de l’indépendance. Il me semble donc judicieux de ne pas inclure la Haute autorité, structure légère, indépendante et sans budget, au sein du CNIS pléthorique. Pour autant, nous partageons tous le souci de créer un outil statistique indépendant et incontestable !

M. Pierre-Alain Muet – Le CNIS joue un rôle essentiel d’arbitre en cas de doute statistique. Nous proposons de lui intégrer une instance composée de neuf sages, dont deux sont désignés par le Parlement, propre à conforter davantage l’indépendance de l’INSEE. Vers qui celui-ci se tournera-t-il en cas de doute si les deux structures sont séparées ? Où aura lieu le dialogue avec les citoyens mettant en cause le taux d’inflation ou toute autre statistique ?

Je reconnais que M. Mariton et moi-même souhaitions d’abord proposer la création d’une structure indépendante. Cependant, l’ensemble des experts que nous avons auditionnés nous ont convaincus de l’intégrer au CNIS, garant de l’indépendance de l’INSEE. Je vous invite à les recevoir à votre tour, Madame la ministre : vous verrez l’ampleur du consensus ! L’Assemblée comprendrait mal que vous passiez outre sa recommandation unanime.

M. Hervé Mariton – Je me réjouis que le Gouvernement s’implique pour mieux garantir l’indépendance de notre outil statistique. Pour autant, Madame la ministre, notre proposition est meilleure car elle crée un lien entre les membres du CNIS et ceux du collège d’indépendance. Voilà qui nous évitera de créer une structure supplémentaire tout en rénovant le CNIS !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous nous félicitons tous de la création de cette Haute autorité indépendante, garante de l’impartialité des données statistiques publiques. Les nombreuses auditions qu’ils ont menées ont convaincu les membres de la mission parlementaire, à l’unanimité, qu’il valait mieux placer cette instance au sein du CNIS. Compte tenu de ce consensus qui rassemble des députés de tous bords, je soutiens l’amendement 237 rectifié.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Chacune des trois commissions qui formaient la mission d’information a approuvé son rapport et cette belle unanimité se reproduit ce soir dans l’hémicycle.

L'amendement 937, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – J’ai bien entendu les réticences du Gouvernement, mais la commission des finances maintient son amendement 237 rectifié, qui reprend les travaux de la mission d’information commune.

M. Hervé Mariton – Je me rallie à l’amendement 237 rectifié.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis favorable au 237 rectifié.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Dans le texte initial, le Gouvernement a proposé, pour la première fois, de reconnaître l’indépendance de l’INSEE. Je suis heureuse que tout le monde s’accorde sur ce point. C’est sur le positionnement de la Haute autorité de la statistique, qui a pour objet de s’assurer de cette indépendance, que nous divergeons. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée et j’ai beaucoup d’admiration pour le travail collectif effectué par les commissions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Gagnaire – Mme le ministre revient à la charge.

Plusieurs députés du groupe UMP – Mais non !

M. Jean-Louis Gagnaire – Il est une question qui est évoquée dans l’amendement 237 rectifié alors qu’elle ne l’était pas dans le texte initial : celle de la composition et des attributions. L’amendement est donc beaucoup plus abouti. Je suis heureux que la ministre ait émis un avis de sagesse.

L'amendement 237 rectifié, mis aux voix, est adopté et l’article 38 est ainsi rédigé.

Mme la Présidente – En conséquence, tous les autres amendements à cet article 38 tombent.

APRÈS L'ART. 38

Mme Frédérique Massat – Je vais défendre ensemble les trois amendements 1112, 1113 et 1107, qui portent sur le télétravail. On ne peut que s’étonner que ce texte ne comporte pas un article, pas un seul paragraphe sur ce qui est un enjeu pour la modernisation de notre économie. Le télétravail ne peut mieux trouver sa place que dans ce projet de loi. Il permet de réconcilier l’urbain et le rural, la croissance et le développement durable et il est dans la suite du Grenelle de l'environnement. À l'heure où le baril flambe, il est un enjeu majeur. Le télétravail répond à des évolutions lourdes, qui ont pour dénominateur commun la mobilité : physique et des mentalités certes, mais surtout professionnelle puisqu’à une carrière stable a succédé une vie rythmée par des ruptures géographiques et professionnelles. Répondre à ces évolutions est devenu une nécessité. Les pays qui s'adapteront avec le plus de facilité à un environnement sans cesse changeant seront les gagnants de la compétition mondiale.

Voilà qui pourrait être une chance pour notre pays, et en particulier pour les zones rurales. Le télétravail a pour l’instant inspiré de nombreux écrits, mais aucune mesure concrète. La France est très en retard, puisque seulement 7 % des travailleurs exercent par télétravail alors que les avantages, pour l’entreprise, sont nombreux : productivité accrue, frais de fonctionnement réduits, baisse de l'absentéisme, augmentation du temps réel travaillé, meilleure motivation, réduction des coûts immobiliers… Le télétravail contribuerait aussi à une dynamique de développement favorable au rééquilibrage socio-économique du territoire. Il peut constituer un élément structurel contribuant à la décongestion des centres urbains et à la revitalisation des zones rurales. Il favoriserait l’accueil de nouveaux actifs et l’accroissement de la population, la diminution des déplacements, l’embauche de personnes en situation de handicap, le développement de formations spécifiques et celui de l'emploi pour les femmes, par l'amélioration de la flexibilité. Il serait enfin en parfaite conformité avec le Grenelle de l'environnement, en réduisant l’émission de gaz à effet de serre.

Ces amendements ont donc pour but de proposer des dispositifs d’incitation fiscale en faveur du télétravail dans les zones rurales ou de montagne ou qui connaissent une situation économique difficile. C’est un objectif gagnant pour l’entreprise, pour le salarié et pour la planète. Le département de l’Ariège s’est énormément investi dans ce domaine. Il a mis en place des dispositifs propres, avec le concours des services du département, et a mis l’accent sur l’accès au haut débit. Il n’est d’ailleurs pas normal qu’un département pauvre doive à lui seul pourvoir à ces équipements. La solidarité et la péréquation doivent être une fonction première de l’État. Il est plus que temps de les assurer sur tout le territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Le département de l’Ariège a effectivement participé au développement du télétravail en développant son réseau haut débit, ce qui est une condition sine qua non. Or, le projet de loi va contribuer au développement du très haut débit.

M. François Brottes – Pas en milieu rural !

Mme Laure de La Raudière – Si !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Mais si ! Ce sera bien sûr plus difficile, mais il y a bien d’autres systèmes que la fibre optique. Par ailleurs, vous ne pouvez pas nier, Madame, que le télétravail s’est considérablement développé en France ces dernières années – et les nombreux rapports que vous évoquiez montrent qu’il n’a pas que des aspects positifs d’un point de vue humain. La commission a donc émis un avis défavorable, d’abord parce que s’il fallait une incitation fiscale, cela devrait figurer dans la loi de finances, et parce que ce n’est pas forcément nécessaire pour quelque chose qui servira de toute façon l’intérêt des entreprises, et parfois celui des salariés.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Même avis.

Mme Laure de La Raudière – Je rappelle qu’hier, nous avons adopté un amendement d’une importance majeure pour les territoires ruraux concernant le développement d’un réseau rural 3G, soit un flux de 3 mégabits, qui supporte largement le télétravail.

L'amendement 1112, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 1113.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 720 est de coordination.

L'amendement 720, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Frédérique Massat – J’ai bien entendu ce qu’a dit Mme de La Raudière sur le réseau haut débit, mais mes amendements concernaient surtout la possibilité pour les entreprises de recourir au télétravail. Elle peut en effet être une chance pour nos territoires ruraux, qui ont une faible capacité de développement. Le département de l’Ariège a beaucoup investi en ce domaine – et il l’a fait seul. Bref, le télétravail peut être un vecteur de développement.

L'amendement 1107 tombe.

AVANT L’ARTICLE 39

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 238 a été adopté par la commission des finances sur la proposition de M. Baert. Il tend à obliger les établissements de crédit à publier chaque année un rapport sur les crédits octroyés aux PME. Je précise que cet amendement a été adopté au début des travaux de la commission, et qu’il a été satisfait par la suite par d’autres amendements, dont un qui permet de disposer d’un rapport précis sur l’utilisation des fonds non centralisés par les banques. Le Gouvernement m’a également fait savoir que notre préoccupation était satisfaite. La portée de cet amendement s’en trouve relativisée.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 801 est identique. Nous nous apprêtons à discuter de la réforme du livret A, mais nous n’avons toujours pas connaissance des crédits octroyés aux PME. Lorsque j’ai défendu la question préalable, Madame la ministre, je vous ai demandé de nous donner le montant des crédits octroyés aux PME au titre du livret de développement durable – ex Codevi. Nous ne connaissons toujours pas ces sommes ! Je rappelle que 91 % de ces crédits sont décentralisés et que la loi a prévu que le livret de développement durable devait d’abord servir à financer les PME-PMI. Il faut tout de même qu’on sache de quoi on parle !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Vous proposez d’obliger les établissements de crédit à rendre public annuellement un rapport détaillant les prêts qu’ils octroient aux PME. Nous avons le même souci. Le Premier ministre a réuni l’ensemble des établissements bancaires en octobre dernier pour leur demander d’être particulièrement attentifs aux crédits aux PME. Nous leur avons même demandé de nous tenir informés chaque mois de l’état des encours auprès des PME. Vous trouverez donc sur mon site Internet les encours exacts de chacune des grandes banques françaises auprès des PME, qui ont tendance – contrairement à ce que l’on entend dire – à augmenter. En voici une version papier !

J’en viens à votre question, Monsieur Balligand. Selon le décret en vigueur, 70 % des sommes collectées par le Codevi devraient être consacrées au financement des PME. D’après un rapport de l’Inspection générale des finances de fin 2007, on serait plutôt à 55 %. J’ai donc écrit aux banques pour leur rappeler cette règle des 70 %, et je pense qu’il faudra actualiser le décret pour renforcer les obligations des banques.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Très bien !

M. Gérard Bapt – Quel aveu !

L'amendement 238 est retiré.

L'amendement 801, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE 39

Mme la Présidente – Il y a de nombreux inscrits sur cet article très important. Je vous invite donc tous à respecter votre temps de parole.

M. Damien Meslot – L’article 39 étend le livret A à tout établissement de crédit habilité, et non plus seulement à la Banque postale, aux caisses d’épargne et au Crédit mutuel. Le livret A est une institution : 47 millions de Français en possèdent un, rémunéré à 3,5 %. En votant cet article, nous doublerons le nombre des agences bancaires qui peuvent proposer un livret A : il passera de 22 000 à 44 000 au 1er janvier 2009.

M. Gérard Bapt – C’est un leurre !

M. François Brottes – C’est une illusion !

M. Damien Meslot – Je me réjouis de cette extension. Il n’était pas normal que seules trois banques bénéficient d’un monopole d’un autre âge dans la distribution de ce produit.

M. François Brottes – Faux argument !

M. Damien Meslot – Je me félicite aussi que les conditions de détention d’un livret A ne changent pas pour les épargnants : son obtention restera gratuite, possible à tout instant et défiscalisée. Cette réforme permettra aussi de renforcer le financement du logement social.

Mme Laurence Dumont – Cela reste à prouver !

M. Damien Meslot – Les sommes collectées seront toujours centralisées auprès des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts pour financer les prêts au logement social. L’article 39 dispose notamment que le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable sera fixé de manière à ce que les ressources centralisées dans le fonds d’épargne soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social par la Caisse des dépôts.

Enfin, un Observatoire de l’épargne réglementée est créé pour suivre la mise en œuvre de la généralisation de la distribution du livret A – notamment son impact sur l’épargne des ménages, le financement du logement social et le développement de l’accessibilité bancaire. Je voterai donc cet article qui restaure l’égalité bancaire et offre un produit d’épargne souple et accessible à tous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous vous serions reconnaissants de nous donner le temps nécessaire pour aller au fond de ce débat, Madame la présidente. Depuis près de deux siècles, le livret A joue un grand rôle pour nos concitoyens et pour la République. Le livret A, c’est l’épargne populaire ; c’est l’accessibilité bancaire ; c’est le financement du logement social. Son histoire est ancienne, et elle a marqué autant nos concitoyens que nos grandes institutions – Poste, Caisse d’épargne, Crédit mutuel, opérateurs du logement social.

Il est heureux que vous soyez là ce soir, Madame la ministre du logement. Le débat sur le livret A, c’est en effet aussi le doute qui nous habite quant aux capacités que l’État veut préserver pour financer le logement social. Point n’est besoin de faire des lois si nous n’admettons pas que le logement social est d’abord une question de moyens, et qu’au cœur de cette stratégie d’État, il y a eu le financement particulier qu’offrait le livret A.

Il y avait quelque chose d’incroyable dans le dispositif mis en place en 1816 et en 1837 : accessibilité sur tout le territoire, ouverture d’une épargne populaire sans limite de dépôt, centralisation auprès de la Caisse des dépôts, garantie de l’État pour préserver à tout moment la disponibilité des dépôts, engagement d’une grande partie de ces fonds dans le logement social, la politique de la ville, le renouvellement urbain et l’ingéniérie sur les stratégies de quartier, garantie de l’usage de ces fonds par la CGLS. Cette simplicité a eu pour corollaire une remarquable efficacité.

On nous demande aujourd’hui de revisiter cette architecture pour nous conformer aux exigences de la Commission européenne s’agissant du monopole de la distribution. Le Gouvernement a formé un recours sur les notifications qui lui ont été faites. Pourquoi ne pas attendre la décision de justice ?

Je rappelle que ce recours ne sera pas interrompu par la loi – au contraire, vous donnerez à la juridiction saisie l’occasion de vérifier la conformité de votre réforme avec les textes, ce qui sera intéressant.

Jamais la Commission européenne n’a évoqué la centralisation de la collecte comme étant un problème, ni abordé la question de la rémunération des banques. Mieux, ou pire : elle fait grief au Gouvernement de ne pas avoir été associée à la réforme que vous voulez mettre en œuvre, et de passer par pertes et profits le service d’intérêt général que constitue le livret A dans sa conception actuelle !

Voilà le décor tel qu’il est planté. En réalité, la précipitation que manifeste le Gouvernement dissimule d’autres stratégies que la seule réforme du livret A. Il vous revient de les mettre sur la table si vous souhaitez que nous accompagnions la réforme entreprise.

M. Alain Cacheux – Notre collègue Le Bouillonnec vient de le souligner à juste titre : jamais la Commission européenne n’a mis en cause ni la centralisation de la collecte ni le maintien des services d’intérêt général que sont l’accessibilité bancaire et le financement du logement social, permis par le dispositif français actuel. Le Gouvernement va donc très au-delà de ce qui lui a été demandé. L’épargne sur le livret A rassemblant riches et pauvres, la collecte est stable ; l’indépendance de la Caisse des dépôts rend le système parfaitement sûr et efficace, sa déconnexion des marchés le protégeant de leur volatilité et permettant au réseau des investissements de très long terme. Une fois la réforme accomplie, on peut escompter une augmentation, très temporaire, de la collecte, qui sera ensuite orientée par les banques vers des placements plus rémunérateurs. La concurrence sera rude pour le logement social, et le plancher fixé dans le texte n’est pas suffisamment protecteur.

Par ailleurs, en chargeant la seule Banque postale de préserver le principe de l’accessibilité bancaire, vous risquez de mettre à mal l’unicité du produit. M. Peyrelevade qui, dans ses anciennes fonctions, avait plaidé en faveur de la généralisation de la distribution du livret A, évoque le « cadeau » fait aux banques, qu’il évalue entre un et deux milliards de résultat supplémentaire ! De toute évidence, la réforme proposée, qu’il qualifie d’« illisible », servira certains intérêts, mais certes pas l’intérêt général, ni le logement social.

M. Daniel Goldberg – Cette réforme est difficilement compréhensible puisque, contrairement à ce qui est dit et répété, l’Union ne nous l’impose pas. Les Européens convaincus que nous sommes considèrent d’ailleurs qu’il faut en finir une fois pour toutes avec la pratique détestable qui consiste à accuser l’Europe de tous les maux pour justifier une politique.

Si rien n’oblige le Gouvernement à agir comme il le fait, quels sont donc ses objectifs réels ? Que reproche-t-on au système en vigueur ? Que c’est un monopole, a-t-on entendu sur les bancs du groupe UMP. Mais peut-on vraiment parler de monopole alors que cinquante millions de nos concitoyens sont concernés ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ils ne donnent pas le sentiment de se plaindre du dispositif actuel, transparent et efficace. Les choses seront tout autres quand vous aurez mené à bien votre réforme floue, et très compliquée. En effet, si les ressources issues du livret A sont actuellement centralisées en totalité à la Caisse des dépôts, celles qui sont collectées sur le LDD ne le sont qu’à 9 % ; l'objectif de la réforme est une centralisation de quelque 70 % pour les deux livrets, ce qui ne pourra se faire immédiatement, car les banques se refuseront, dans un premier temps, à consigner à la Caisse des dépôts 63 % des liquidités recueillies sur les LDD.

La réforme se traduira par un considérable cadeau fait aux banques, qui useront du livret A comme d’un produit d’appel pour proposer ensuite à leurs clients aisés d’autres souscriptions, asséchant du même coup le financement du logement social. L’absence de garde-fous met en péril le maintien, à terme, de l’accessibilité bancaire.

Rien ne justifie la réforme voulue et, s’il s’agit de réformer le financement du logement social, il aurait été plus utile de présenter, dans le projet que Mme Boutin nous soumettra un jour ou l’autre, un nouveau mécanisme garantissant une collecte centralisée, abondante et stable, destinée à financer le logement social sans discrimination sur tout le territoire. La réforme engagée ne garantit rien de tel.

Mme Laurence Dumont – Depuis un an, votre Gouvernement utilise sans modération le terme flou de « modernisation » pour faire passer ses réformes, en laissant penser aux Français qu’elles seront sans conséquences, notamment pour les plus modestes. En réalité, ce mot dissimule le plus souvent des objectifs inavoués (Protestations sur les bancs du groupe UMP) comme celui de mettre à mal des acquis et des particularismes qui cimentent notre société. Le livret A, symbole de l'épargne populaire depuis près de deux siècles, en fait partie. À vous voir répondre si rapidement à l’injonction faite par Bruxelles d'ouvrir la distribution du livret A, on peut se demander si elle ne tombait pas à point nommé – une occasion idéale pour vous permettre d'offrir un généreux cadeau aux banques qui connaissent la grave crise de liquidités que l’on sait (« C’est hors sujet ! » sur les bancs du groupe UMP). Non, ce n’est pas hors sujet ! Le livret A est un outil qui permet la mise en œuvre d’un véritable service public ; de ce fait, la banalisation de sa collecte et de sa distribution, telle que vous la concevez, constitue trois menaces.

En premier lieu, c’est une menace pour l'accès bancaire des plus modestes. Cinq millions de nos compatriotes sont concernés par l'exclusion bancaire et deux allocataires des minima sociaux sur dix ne possèdent ni chéquier ni carte de paiement. La Banque postale compte ainsi 1,2 million de clients particulièrement vulnérables, et la moitié de ses livrets ont un solde inférieur à 150 euros. Parce qu’il a les caractéristiques d'un compte courant, le livret A est le dernier outil de lutte contre l'exclusion sociale disponible pour ces foyers. Demain, après votre réforme, le livret A sera un produit d'appel pour les autres banques…

Mme Marie-Hélène des Egaulx – Et alors ?

Mme Laurence Dumont – …qui orienteront les clients les plus aisés vers d'autres placements plus rémunérateurs. Dans ce contexte, jusqu'à quand les caisses d'épargne et la Banque postale, qui ne pratiquent pas d'exclusion, pourront-elles accueillir uniquement les plus modestes ?

Votre réforme constitue aussi une menace pour les territoires. Présente partout en France, y compris dans les zones rurales et les quartiers sensibles, la Banque postale assure une véritable mission de service public. Si, demain, le volume global des fonds des livrets qu'elle collecte diminue et qu’elle se trouve cantonnée à la gestion des clients les plus fragiles, qu'adviendra-t-il de son réseau ? Qu'adviendra-t-il des foyers en difficulté ? La caisse d'épargne évoque la suppression, à terme, de mille agences – soit de cinquante à soixante agences par région – et de quelque 4 000 postes.

M. Damien Meslot – N’importe quoi !

Mme Laurence Dumont – Vraiment ? Votre réforme menace aussi le financement du logement social. Alors que le logement connaît une crise sans précédent, alors que chacun s'accorde à dire que le système de financement actuel du logement social, considéré comme l'un des meilleurs en Europe, doit être pérennisé et renforcé, votre projet peut compromettre son équilibre général et, très certainement, aggraver cette crise. Demain, le volume des fonds disponibles sera-t-il toujours aussi important ? Permettra-t-il, comme c’est le cas aujourd’hui, d’offrir des prêts à très long terme pour construire des logements sociaux ?

M. Patrick Roy – Pas sûr !

Mme Laurence Dumont – Ces fonds seront-ils exclusivement réservés à cet emploi ? On peut légitimement en douter, comme en doute l'Union sociale pour l'habitat. De fait, la captation possible d'une partie de l'épargne populaire, détournée vers d'autres produits plus rémunérateurs, diminuera de facto l’épargne disponible, dont 70 % seulement seront centralisés et affectés au logement social.

D’évidence, il semble plus facile pour votre Gouvernement de décréter théoriquement un droit opposable au logement que de préserver et de renforcer les moyens d'en construire. C’est pourquoi je voterai contre cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. André Chassaigne – Après avoir « modernisé » les relations entre les entrepreneurs individuels et l’administration, et avant de « moderniser » les règles d’implantation des grandes surfaces et les conditions générales de vente, nous voici donc invités « moderniser » du livret A ! Vos réactions indignées aux propos de Mme Dumont montre qu’ils étaient fondés : en la matière, vous frôlez l’overdose ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Elle ne vous menace pas !

M. André Chassaigne – Utilisé à tort et à travers, le terme vous ferait-il tourner la tête ? Madame la ministre, votre maîtrise de l’anglais, que nous admirons tous…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Vous, vous parlez russe !

M. André Chassaigne – …ne justifie pas de prendre de telles libertés avec la langue française ; il est vrai que ce mal touche tous les membres de la majorité !

Ainsi, vous parlez de généralisation du livret A, alors que vous ne faites que casser celui-ci et décentraliser sa collecte ; vous invoquez une réforme au service de l’économie, mais nous ne voyons qu’une réforme au service des banques privées – est-ce à dire que les termes d’économie et de banque seraient à vos yeux synonymes ? Vous ne cessez de jouer sur les mots, sans doute pour dissimuler vos intentions.

Car en réalité, vous vous soumettez au diktat de Bruxelles : le 10 mai 2007, en réponse à la plainte déposée par quatre banques françaises, la Commission européenne a ordonné qu’il soit mis fin au monopole de la Banque postale, du Crédit Mutuel et de la Caisse d'épargne sur la distribution du livret A, sous prétexte que les droits spéciaux sur la diffusion du livret A limiteraient la concurrence dans le secteur bancaire. En d’autres termes, Bruxelles demande à la France de démanteler son système d'épargne populaire, qui remonte à 1818 – date de création de la Caisse d'épargne de Paris –, au nom du respect de la concurrence ! Quel dogmatisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Continuez, mon cher collègue, ne vous laissez pas impressionner. Cela ne vous ressemble pas ! (Rires sur les bancs du groupe GDR)

M. André Chassaigne – C’est que la bonne foi de la majorité est impressionnante ! (Même mouvement)

Tous reconnaissent pourtant que ce système contribue efficacement au financement du logement social, lequel dépend aux trois quarts, comme l'a rappelé M. Balligand en défendant sa motion, des prêts consentis par la CDC. Mais, au nom de la concurrence, vous êtes prêts à le détruire, alors même que le Conseil de l'Europe critique comme contraire à la Charte des droits sociaux l’« insuffisance manifeste » de notre offre en logements sociaux accessibles.

En outre, Madame la ministre, vous allez au-delà des attentes de Bruxelles : en décidant de décentraliser les sommes collectées par l’intermédiaire du livret A – près de 130 milliards d'euros –, vous offrez aux banques des liquidités bienvenues en période de crise financière mondiale, en privant les Français détenteurs d'un livret A de la garantie de l'État sur 30 % des sommes déposées. Est-ce là votre conception de l'égalité ?

M. Patrick Roy – J’en ai bien peur !

M. André Chassaigne – Cette réforme est d'autant plus injuste qu'elle menace le logement social en France.

M. Damien Meslot – Non, c’est une chance pour le logement !

M. André Chassaigne – Comme pour le livret de développement durable – l’ancien Codevi –, les banques ne manqueront pas de détourner peu à peu les sommes versées sur les livrets A, soit en revendiquant leur droit à gérer elles-mêmes les sommes qu'elles collectent, soit en réorientant les livrets plus fournis vers des placements spéculatifs plus rentables. Vous ne réagissez plus ! Seriez-vous convaincus ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Cette réforme, que la présence de Mme Boutin ne légitime en rien, eût à elle seule mérité un débat : en démantelant le livret A, en réservant la garantie de l’État à 70 % des sommes collectées, vous créez une banque pour pauvres sans craindre de stigmatiser des millions de Français et de mettre en péril le financement du logement social. En somme, cette réforme illustre parfaitement l'action gouvernementale : des milliards pour les riches ou les banques, des clopinettes pour des millions de Français !

M. Damien Meslot – C’est complètement faux !

M. André Chassaigne – La simplicité de cette équation ne saurait lui assurer le soutien des députés communistes et républicains, qui voteront contre cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Daniel Paul – Cet article peut être résumé en quelques mots : il banalise la distribution du livret A et remet en cause la centralisation des fonds. Ces termes techniques dissimulent une décision politique majeure : vous vous attaquez au pilier de l'épargne populaire, mettant à mal et les épargnants et le financement du logement social, mission fondamentale de l'État.

Pour justifier ce démantèlement, vous invoquez des injonctions communautaires que vous outrepassez pourtant largement. Ainsi, alors que la décision de la Commission européenne ne concerne que l’extension de la distribution du livret A à toutes les banques, vous en décentralisez en outre la collecte, offrant ainsi aux banques un formidable cadeau – soit 30 % des sommes collectées ! Même Nelly Kroes n'est pas dupe de cette instrumentalisation.

M. Gérard Bapt – Eh oui !

M. Daniel Paul – Pourquoi cette décision ? Le logement social est-il si prospère, que l’on se permette de détourner ainsi une partie des fonds qui lui sont destinés ? Le mouvement HLM dénonce pourtant dans une pétition cette décision à laquelle seul le secteur bancaire a été associé, et l’adoption de la loi sur le droit au logement opposable a montré que les besoins croissants en la matière restaient en grande partie insatisfaits ! En outre, vous n’avez jamais réuni les associations de consommateurs et les représentants des organismes HLM. Ces institutions, plus proches que les banques de la France qui se lève tôt, n'intéresseraient-elles plus le Gouvernement ?

L’article favorise en réalité vos amis banquiers, qu’il dote de liquidités non négligeables en cette période de déstabilisation financière. C’est là engager votre responsabilité sur un sujet sensible. En effet, la réforme serait catastrophique pour le financement du logement social, qui dépend de la centralisation des fonds par la CDC, chargée d’octroyer aux organismes constructeurs des prêts de longue durée à des taux compatibles avec des loyers modérés.

En outre, la garantie de sécurisation de l'épargne populaire ne s’appliquera plus aux 30 % non transférés à la CDC, alors même que les récentes crises bancaires ont révélé la volatilité de certains fonds bancaires et ses conséquences néfastes pour les petits épargnants ! Enfin, rien n’assure aux 46 millions de détenteurs d’un livret A – dont de nombreux ménages dépendent pour avoir accès aux services bancaires – qu’ils bénéficieront de prestations bancaires satisfaisantes, d’autant que la charte de bonne conduite ne contraindra pas les banquiers. Si la signature par les entreprises des chartes sociales ou environnementales suffisait à leur faire respecter le droit du travail et de l'environnement, les maux dont souffre le monde du travail auraient déjà leur remède !

La décision de la Commission relative au livret A n'étant pas assortie d'une injonction-sanction – comme le rappelle le collectif « Pas touche à mon livret A » –, le Gouvernement peut prendre le temps de consulter tous les experts du secteur afin d’améliorer le financement du logement social et les conditions de l'accessibilité bancaire. Renoncez donc, Mesdames les ministres, à une réforme hâtive et dangereuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Jean-Louis Dumont – Mme Boutin s’est assise tout à l’heure à côté de Mme Lagarde, mais vient de changer de banc, montrant ainsi combien leurs intérêts divergeaient ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; Mme Boutin rejoint le banc de Mme Lagarde). Il est trop tard, Mme Boutin ! (Rires)

Vous avez été rapporteure du projet de loi sur le droit au logement opposable, beau combat au terme duquel la République se donnait enfin les moyens de faire preuve de solidarité en assurant un logement à toute personne qui en a besoin, quel que soit son niveau économique, social ou culturel. Aujourd’hui ministre, vous mesurez le manque de logements classiques, de PLAI, de dispositifs spécifiquement destinés aux populations les plus fragilisées. Vous savez mieux que personne que l’on a littéralement asphyxié le 1 % logement au profit de l’ANRU, dont nous mesurions ce matin encore les retards, le coût, le refus d’accorder des moyens suffisants à des projets pourtant essentiels.

M. Michel Bouvard – Ce n’est pas faute de trésorerie !

M. Jean-Louis Dumont – Pourtant, le 1 % abondait des plans de financement adaptés aux besoins et accordait les loyers de sortie aux capacités économiques et financières du demandeur.

Depuis longtemps, le livret A satisfaisait les mêmes objectifs. Les gouvernements successifs n’ont certes pas manqué de critiquer la CDC, jugeant trop élevé un taux d’intermédiation de 1,4 % ; et l’on se satisfait du taux de commissionnement de 0,6 % inscrit dans la loi, qui eût même pu descendre à 0,4 % ?

Madame la ministre du logement, si les amendements tendant à rectifier les erreurs contenues dans cet article ne sont pas adoptés, vous serez bientôt la victime de votre voisine, qui n’est que la voix de Bercy ! L’État ne financera plus le logement, dit-elle : tournez-vous vers les régions, les EPCI, voire les département ! Alors que le marché financier ne permet plus de contracter des prêts sans recourir à la CDC, que l’ingénierie financière est de plus en plus complexe, que le compactage des prêts et la renégociation de la dette exigent des interventions financières importantes, l’on assèche le 1 % ! L’épargne populaire devient un simple produit d’appel. Cette banalisation, qui va au-delà des exigences de la Commission, poursuit un seul objectif. Ce matin, dans une grande institution, le tableau des banques ayant perdu des milliards de dollars avec les subprimes nous était présenté ; y figurent des banques qui ont dénoncé à Bruxelles un « monopole exorbitant » et qui attendent à présent ce cadeau royal des 30 %.

Mme la Présidente - Il faut conclure, Monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont – Si vous étiez moderne, Madame Lagarde, vous auriez recouru à la technique de l’adjudication. À une certaine époque, on adjugeait les prêts à taux bonifié pour les jeunes agriculteurs ; c’était perçu comme moderne et efficace, et l’État y gagnait même un peu. Vous ne proposez aujourd’hui qu’une banalisation, dont le seul objectif est de servir les banques, au détriment du logement social ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Marc Dolez – Madame la ministre, la gravité du sujet exige que vous répondiez de manière très précise aux interpellations que de nombreux collègues vous ont adressées. L’article 39 est censé répondre à une décision – un ultimatum ! – de la Commission européenne. Sur cette décision, le Gouvernement avait déposé, le 23 juillet dernier, un recours devant le tribunal de première instance, à Luxembourg.

M. Patrick Roy – Eh oui !

M. Marc Dolez – Nous ne comprenons pas que vous n’attendiez pas la décision du tribunal, que vous ne défendiez même pas ce recours, qui faisait pourtant écho à certains propos tenus par le Président de la République au cours de la campagne électorale. Non seulement vous n’attendez pas la décision, mais vous allez même au-delà des recommandations de Bruxelles.

M. Patrick Roy – C’est incroyable !

M. Marc Dolez – Cet article 39, qui organise la banalisation du livret A, pose de graves questions quant à l’accessibilité bancaire et au financement du logement social.

En ce qui concerne l’accessibilité, chacun sait que les banques ne voudront pas des petits livrets A, considérés non rentables,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est évident !

M. Marc Dolez – …, ouverts par des personnes sans ressources qui s’en servent comme d’un compte bancaire, parce qu’un tel compte leur est refusé par les banques. Celles-ci laisseront à la Banque postale les comptes les moins alimentés. Quant au financement du logement social, nos collègues ont exposé les menaces qui pesaient sur lui, alors que les besoins sont considérables.

Il faut nous expliquer pourquoi vous maintenez cette contre-réforme, qui ne modernise nullement le livret A, mais le dénature ! Le bon sens, aujourd’hui, serait de retirer ce projet et d’attendre la décision du tribunal. Si vous ne le faites pas, votre gouvernement portera la responsabilité d’être le fossoyeur du livret A, auxquels les Français sont très attachés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Daniel Garrigue – Il est malvenu de faire à l’Europe le procès que nous entendons nos collègues lui faire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Gérard Bapt – Ce n’est pas le procès de l’Europe !

M. Daniel Garrigue – La Commission a simplement rappelé les règles de la concurrence et n’a d’ailleurs fait en cela qu’adopter une position qui a été exprimée à deux reprises par notre Conseil de la concurrence et que la plupart des experts en France jugent fondée. D’autre part, elle n’a pas remis en question le principe de la centralisation des ressources – l’Union européenne ferait d’ailleurs bien elle-même de se préoccuper de la canalisation de ressources à l’échelle communautaire vers des investissements à long terme.

Le projet de loi ne fait donc que s’inscrire dans le cadre défini par l’Europe, et il est faux de dire que l’élargissement de la collecte est un cadeau fait aux banques.

M. Patrick Roy – Mais si !

M. Daniel Garrigue – La partie décentralisée du livret A sera soumise aux mêmes règles d’emploi que celles qui s’appliquent aux livrets de développement durable. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’examiner un amendement visant à permettre la recentralisation des ressources qui ne seraient pas utilisées conformément à ces règles.

En outre, le projet maintient la centralisation, puisqu’il fixe à 1,25 le rapport entre ressources centralisées et montant des prêts en direction du logement social. Compte tenu des objectifs en termes de construction, de renouvellement urbain et de développement durable, un tel taux garantira une centralisation forte, à un moment où, qui plus est, la collecte du livret A n’a jamais été aussi importante.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est parce qu’il y a la crise !

M. Daniel Garrigue – J’ajoute que d’autres instruments de collecte sont décentralisés, comme le livret d’épargne populaire, décentralisé à 85 % et dont la collecte, qui représente plus de 50 milliards, conforte les fonds d’épargne.

Au-delà de ce qu’exige l’Europe, ce projet est riche de deux mesures importantes. La première est la limitation du coût de la ressource, puisque le taux de commissionnement sera diminué, tout de suite pour les banques, progressivement pour la Banque postale, les caisses d’épargne et le Crédit mutuel. Il serait également souhaitable que la rémunération complémentaire soit limitée, si nous voulons améliorer les prêts aux bailleurs sociaux. La seconde mesure concerne l’accessibilité bancaire, dont l’exigence est satisfaite par la Banque postale.

M. François Brottes – Vous la fragilisez !

M. Daniel Garrigue – Cette réforme modernise des instruments créés au XIXe siècle et qui ont besoin d’être adaptés à notre époque (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard – Nous avons tous des logements sociaux dans nos circonscriptions,…

M. Patrick Roy – Certains en ont plus que d’autres !

M. Michel Bouvard – …des personnes demandeuses, des files d’attente dans les organismes où nous sommes administrateurs. La principale source de financement du logement social est le livret A, ce produit qui transforme une épargne liquide en prêts à long terme. La Commission européenne a pris une décision concernant ce produit, que nous avons, dans un premier temps, contestée. Puis, le Président de la République a considéré que cette attitude ne faisait que reporter la solution du problème car, même dans l’hypothèse où la décision rendue nous serait favorable, un nouveau recours pourrait être déposé par les banques afin de demander une autre directive.

Notre système est-il si parfait qu’il ne faille absolument pas y toucher ? Je ne le crois pas. Le premier problème concerne le coût de la ressource. Nous savons – et M. Balligand l’a rappelé en défendant sa question préalable – que ce coût est trop élevé et que les frais ne couvrent pas la totalité des opérations, si bien que les collectivités locales doivent contribuer au financement à hauteur de 10 %, ainsi que les organismes eux-mêmes, sur leurs fonds propres, dans la même proportion.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mais pas pour cette raison !

M. Michel Bouvard – Le deuxième problème concerne la sécurisation de la ressource.

Chacun sait que les dépôts ont toujours été soumis à des fluctuations notables. Nous venons d’en avoir un nouvel exemple ces derniers temps, alors même que la réforme n’a pas encore été adoptée…

D’autre part, le risque de siphonnage n’existe-t-il pas déjà dans le système actuel ? Les caisses d’épargne, qui font malheureusement partie des établissements victimes de lourdes pertes sur les marchés financiers au cours des derniers mois, se comportent-elles toujours comme le faisait la Caisse d’épargne de Paris en 1818 ? Elles ont développé d’autres produits, à l’instar du Crédit mutuel et de la Banque postale. Dans ces conditions, on peut se demander si la libéralisation accroît les risques de siphonnage, ou bien si elle ne fait que nous confronter à un péril qui existe déjà.

M. André Chassaigne – Ce n’est pas un argument recevable !

M. Michel Bouvard – En ma qualité de membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, en compagnie de Jean-Pierre Balligand et Daniel Garrigue, il me semble que nous avons la responsabilité de garantir le niveau de la ressource et son bas prix pour les organismes qui en ont besoin, tout en préservant le principe d’accessibilité bancaire.

Nous savons tous comment le système évoluera à partir du moment où toutes les banques pourront offrir des livrets A : il y aura notamment une migration de livrets vers les banques ordinaires auxquelles certains de nos concitoyens ont confié leurs comptes, mais aussi des ouvertures de comptes dans les autres banques.

Dès lors que le chef de l’État a arrêté la position de notre pays, notre seul devoir est de nous doter d’outils de pilotage – à moins bien sûr que cet article ne soit rejeté. Nous en avons beaucoup débattu avec les ministres et au sein de la commission. Il est déjà acquis que les fonds d’épargne demeureront à l’intérieur de la Caisse des dépôts, sous l’autorité du Parlement par l’intermédiaire de la commission de surveillance ; la CDC restera également l’organisme central de distribution des prêts, et Mme Lagarde nous a assuré en commission qu’il n’y aura pas de « déliaison »

M. Michel Piron – C’est essentiel !

M. Loïc Bouvard – Nous préserverons ainsi la neutralité des prêts et l’exercice des fonctions de conseil auprès des organismes concernés.

M. Michel Piron – Tout à fait.

M. Michel Bouvard – Il restera à se pencher sur les prêts que pourront consentir les banques en utilisant la proportion des ressources qu’elles pourront conserver. Ce qui importe, c’est que l’on sache ce qu’elles en font. Un amendement a été déposé en ce sens, et l’on peut envisager une recentralisation en cas de besoin. On ne sait pas aujourd’hui ce que font les établissements bancaires des fonds issus de l’ancien Codevi, devenu LDD.

Nous avons également demandé, et c’est l’objet d’un autre amendement, que nous puissions nous prononcer sur le taux de commissionnement. Je rappelle enfin que la commission des finances a le droit d’exercer des contrôles en matière d’épargne défiscalisée. C’est notre droit et notre devoir de vérifier l’usage qui en est fait.

M. Michel Piron – Excellent argument !

M. Michel Bouvard – Un mot enfin sur les propos de M. Chassaigne, qui a cru assister à un « éloignement » entre les deux ministres. Nous avons tous lu ce matin une tribune cosignée par la ministre de l’économie et par celle du logement, qui annonçaient une baisse des taux sur les produits mis à la disposition des organismes HLM. Cela étant, nous avons besoin que le Gouvernement s’engage à ce que la baisse du taux de commissionnement ne soit pas empochée par l’État, mais répercutée sur les organismes concernés. Il faudra également confirmer dans la durée l’objectif de centralisation de 70 % au sein de la CDC. C’est un autre outil de pilotage essentiel.

Je me félicite que le Gouvernement ait accepté que certains outils de pilotage passent du domaine réglementaire à celui de la loi, et soient inscrits dans ce texte. Ce que je souhaite maintenant, c’est que nous puissions parfaire notre capacité de pilotage du dispositif grâce aux amendements dont nous allons débattre. C’est une nécessité pour le financement du logement social dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Patrick Roy – Le livret A n’est pas un produit bancaire comme les autres. Les Français se sont appropriés ce dispositif, qui fait pour ainsi dire partie de notre patrimoine national.

M. Jean Dionis du Séjour – Comme le foie gras !

M. Patrick Roy – Je ne comprends pas votre besoin de mener cette réforme aussi hâtivement et de manière aussi cavalière.

M. Michel Bouvard – Cela fait six mois que nous en débattons…

M. Patrick Roy – Le bouleversement qui nous est proposé va bien au-delà des exigences de la Commission européenne, et j’observe que vous n’attendez même pas de connaître le sort réservé au recours devant la CJCE. On pourrait croire que vous l’avez déposé pour la forme, sans souhaiter qu’il aboutisse.

M. Lionel Tardy – Déjà dit !

M. Patrick Roy – Je ne vois qu’une explication à votre hâte : vous souhaitez tout simplement faire un cadeau aux banques, qui pourront désormais utiliser le livret A comme produit d’appel. Or, le but principal de ce dispositif est de financer le logement social. Quand on connaît le nombre de logements insalubres ou surpeuplés dans nos circonscriptions, on mesure à quel point c’est une nécessité. Nous ne pouvons pas aujourd’hui satisfaire les demandes qui nous sont adressées.

La révolution que vous défendez donnera lieu à un détournement d’une partie notable des fonds actuellement collectés au profit du logement social. C’est pourquoi j’espère que la sagesse l’emportera et que les amendements de suppression de cet article seront adoptés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Gérard Bapt – Si tant de collègues ont tenu à intervenir sur cet article, dont nous avons déjà longuement débattu en commission, c’est qu’ils mesurent bien l’importance de l’enjeu.

M. Bouvard nous a présenté les garde-fous que nous pourrions instaurer. Chacun connaît l’indépendance d’esprit et l’objectivité de notre collègue, mais il faut reconnaître que la réforme du Gouvernement est bien aventureuse. Elle entre même en contradiction avec le recours qui a été déposé par notre pays.

Sur la requête de quatre banques, la Commission européenne nous a demandé de mettre fin aux droits spéciaux de distribution accordés à la Banque populaire, à la Banque postale, aux Caisses d’épargne et au Crédit mutuel. Dans son recours, la France a fait valoir que la banalisation des livrets nous exposait à un risque de décollecte. Pourquoi ne pas attendre que la CJCE se prononce, s’il y a un réel danger ? Et comment pouvez-vous prétendre que votre dispositif, avec le complément éventuel des amendements qui ont été déposés, permettra d’écarter ce risque ? Vous ne croyez même pas à vos propres arguments…

Parce qu’il touche à une institution dont dépend le droit au logement des plus modestes, ce projet heurte nos consciences républicaines (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. Bouvard lui-même s’interroge sur l’évolution du dispositif. L’engagement gouvernemental de ce soir vaudra-t-il encore demain ?

J’en viens au problème de la régulation. Où est la transparence du réseau bancaire quant à l’utilisation du produit du livret de développement durable ? Pourquoi, au lendemain des crises, des éclatements de bulle et autres errements de traders, les experts réclament-ils toujours davantage de transparence dans le système bancaire ? Réguler de manière aussi aléatoire revient à faire œuvre d’apprenti sorcier.

M. Michel Bouvard – Les précautions existent déjà !

M. Gérard Bapt – Certes, mais elles ne permettent pas de garantir l’utilisation du produit de l’épargne liquide en faveur du logement social.

On invoque le doublement du nombre des agences habilitées à délivrer un livret A : mauvaise foi ! Les plus modestes ne fréquentent souvent qu’une seule agence bancaire, qu’ils connaissent bien.

Si le Gouvernement n’a pas la sagesse de retirer cet article, tentons au moins d’y introduire un maximum de garde-fous pour préserver notre système de financement du logement social (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Charles de Courson – Oui, le livret A et le LDD doivent contribuer au financement du logement social et de la politique de la ville. Oui, tous nos concitoyens ont droit à l’accessibilité bancaire.

Qu’a dit la Commission ? Tout d’abord, que l’actuel monopole du livret A et les conditions de rémunération, d’exonération et de plafond qui l’accompagnent interdisent aux collecteurs de l’épargne liquide française de profiter de conditions de concurrence normales. Voilà qui est incontestable. Ensuite, que l’accessibilité bancaire est un service d’intérêt général, comme le sont le logement social et la politique de la ville. Enfin, que le monopole dont bénéficient certains pour le livret A n’est pas consubstantiel au financement du logement social ou à l’accessibilité bancaire : c’est le bon sens même. Dès lors, nous courrions un grave risque à attendre la décision de la Cour de justice européenne.

J’en viens au fond. L’opposition craint que la centralisation ne désamorce le financement du logement social et de la politique de la ville. Lisez donc le texte ! Le Gouvernement entend d’abord fixer à 70 % le taux de cette centralisation, soit la moyenne des taux actuellement pratiqués pour le livret A et pour le LDD, à quoi s’ajoutera un coefficient de 1,25 destiné à garantir la liquidité du financement du logement social. Si le contexte économique impose une décollecte, il sera toujours temps d’augmenter le taux de centralisation, de modifier le taux de rémunération relatif ou encore le régime fiscal des livrets A, actuellement exonérés alors que 50 % d’entre eux atteignent le plafond autorisé voire, dans certains cas, le dépassent. Quoi qu’il en soit, nous disposons d’une large palette de mesures qui permettront de compenser une éventuelle décollecte, comme il s’en est déjà produit plusieurs fois.

L’opposition craint aussi que les banques puissent vider les livrets A au profit de produits de substitution. Impossible : ce sont les épargnants qui décident ! Pourquoi videraient-ils leur livret A au profit de placements moins intéressants ? Et si d’aventure une décollecte engendrait la création de produits plus rémunérateurs, nous pourrions toujours ajuster la fiscalité, les taux d’intérêt ou le plafond du livret A. Là encore, l’éventail de solutions est large.

Le groupe Nouveau Centre est favorable à l’article 39. Pour autant, nous souhaitons instaurer un service bancaire universel qui s’impose à toutes les banques, de même que les mesures d’accessibilité pour les handicapés concernent toutes les entreprises. Les critiques de nos collègues sont infondées, puisque l’on peut leur opposer des mesures d’ajustement précises. Tout n’est pas soit blanc, soit noir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Jean-Pierre Balligand – Je ne crois pas à l’accroissement de la recette due à la banalisation de la collecte. D’une part, il existe aujourd’hui cinquante millions de livrets en France : difficile de faire mieux ! Ensuite, l’accroissement de la collecte est tributaire du contexte économique. Les marchés étant ce qu’ils sont, la collecte a dépassé quatre milliards au dernier trimestre. Cela étant, d’ici quelques années, les banques pourront proposer aux détenteurs de livrets pleins des produits de substitution mieux rémunérés. Comment garantir la pérennité du financement du logement social et éviter de mettre le doigt dans un dangereux engrenage ? Personne n’empêchera les banques de mettre à leur bilan l’argent collecté, quand on sait que 55 % seulement du produit des LDD vont aux PME-PMI.

Soyons francs : je n’ai aucune inquiétude quant au financement du logement social à court terme. C’est le long terme qui est préoccupant ! Or, vous allez démonter le dispositif vertueux qui permettait la centralisation de l’intégralité des sommes collectées, soit 150 milliards. Une crise de liquidités en affecterait près du tiers !

Enfin, sur l’accessibilité, je suis heureux de voir Charles de Courson rêver à un monde meilleur mais il me semble que les choses sont un peu plus compliquées. Parmi les 7 millions de déposants du Crédit mutuel, il y a 2,5 millions de livrets qui ne dépassent pas 150 euros. Comme l’a fait remarquer Etienne Pfimlin, ces livrets-là ne peuvent être rentables : appartenant à des gens qui ont besoin de cet argent, ils font l’objet de dix ou douze prélèvements par an et coûtent donc cher à l’établissement, en termes de services notamment. En revanche, les livrets qui atteignent le plafond de dépôt et ne servent pas régulièrement – le vrai « bas de laine » – vont certainement beaucoup intéresser les banquiers, parce qu’ils ne coûtent pas cher. C’est pourquoi il faut assurer une péréquation entre les deux. En attendant un monde meilleur qui garantisse un véritable droit au compte, le livret A est la meilleure solution pour l’accessibilité bancaire. C’est un sujet annexe, mais non mineur.

Si l’UMP propose des amendements qui vont dans notre sens, nous les voterons. Notre but est de sécuriser ce dispositif qui va fragiliser le logement social et la politique de la ville. Notre démarche reste constructive, mais je suis convaincu qu’on met le doigt ce soir dans un engrenage qui, à long terme, conduira au démantèlement du financement du logement social. Ce n’est pas une petite chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Nous venons d’entendre de grands spécialistes de ces questions et je me bornerai donc à quelques remarques. Je voudrais d’abord souligner que nous sommes tous attachés au logement social – qui compte d’ailleurs pour 38 % dans ma ville.

Plusieurs députés du groupe SRC – Très bien !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Je me suis toujours battu pour le logement social et je n’imagine pas qu’on puisse me suspecter d’embrasser une réforme qui le mettrait en danger. Or, je suis convaincu que celle qui nous est proposée, rendue obligatoire par l’Europe, permettra de moderniser notre système, sous réserve de quelques améliorations et garanties. Outre que la loi mentionne pour la première fois que le livret A a pour priorité de financer le logement social – le symbole est fort –, cette réforme bénéficie aussi au consommateur, puisque la banalisation rend le livret plus accessible. Le texte comporte d’ailleurs un certain nombre de mesures visant à renforcer l’accessibilité bancaire. Tous ces éléments sont positifs.

La commission des finances, qui a travaillé dans un excellent climat, dans le prolongement des travaux lancés par son président Didier Migaud sur ce sujet, proposera un certain nombre de garanties susceptibles de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées, et qui peuvent être légitimes. La première est l’élargissement de l’assiette du calcul de la centralisation aux crédits de la politique de la ville, qui est étroitement imbriquée avec la politique de logement social. Le financement de ce dernier s’en trouvera considérablement renforcé. Un autre amendement très important, résultat d’un travail collectif de la commission, impose des conditions d’utilisation très précises des fonds non centralisés – c’est-à-dire les 60 milliards qui resteront dans les banques. Certes, ces crédits servent déjà l’économie : je rappelle que la réforme n’entraînera pas de changement notable dans les volumes financiers, mais simplement dans les modes de calcul. Mais il est très important de dire clairement que les banques devront consacrer ces fonds au financement des petites et moyennes entreprises, et notamment à leur création et à leur développement : ce souci aura été un fil rouge pour les travaux de la commission des finances sur l’ensemble de ce projet. Nous y ajoutons l’investissement dans les économies d’énergie. Si les banques ne remplissent pas ces conditions, les fonds pourront être recentralisés à la Caisse des dépôts et consignations et servir ainsi au logement social ou aux autres objectifs qu’elle soutient.

Nous proposerons également de renforcer considérablement le texte s’agissant de l’accessibilité bancaire : ce que les associations d’insertion demandent sur ce sujet, ce n’est pas le livret A, mais le droit au compte ! Celui-ci est beaucoup plus avantageux. Il donne accès notamment à la carte bancaire. Dans ce domaine, il est essentiel, afin que la réforme soit équilibrée, d’inscrire dans la loi ce qui est aujourd’hui du domaine de l’engagement de la part de la Banque de France ou de l’Association des banques françaises. Enfin, tout cela ne réussira que s’il y a totale transparence. C’est la démarche que vous privilégiez sur tous les sujets, Madame la ministre, et la commission des finances se réjouit notamment d’avoir obtenu des réponses à toutes ses questions. C’est dans cet esprit que nous devons poursuivre.

Pour résumer, il me semble donc que ces amendements répondent aux inquiétudes qui se sont exprimées et garantiront le bon équilibre de cette réforme.

Mme la Présidente – Cette discussion sur l’article a été riche et passionnante. Je vous demanderai donc de vous montrer le plus concis possible sur les amendements.

Sur cet article, c’est le rapporteur de la commission des finances qui donnera son avis sur les amendements.

M. Jean-Pierre Balligand – Je voudrais rappeler que l’Europe n’est pas intervenue d’elle-même sur ce sujet, mais qu’elle a été saisie d’un recours par quatre banquiers français et un néerlandais.

À ce propos, permettez-moi de vous lire ces quelques lignes :

« Les autorités françaises insistent sur le caractère indispensable des droits spéciaux pour assurer un niveau suffisant et stable de collecte, destiné au financement du logement social.

S’agissant du niveau de l’encours, les autorités françaises considèrent que la suppression des droits spéciaux risquerait de diminuer l’incitation des établissements de crédit à proposer les livrets A et bleu, dont l’encours est centralisé à la Caisse des dépôts, au profit de leurs propres produits d’épargne, ce qui conduirait à une baisse du montant de l’encours des collectes nettes. Ce risque de “cannibalisation” peut être, selon les autorités françaises, étayé par trois éléments principaux. D’abord, elles considèrent qu’il n’y a pas de marge de progression de l’encours. Elles soulignent l’existence d’un phénomène de saturation, 80 % de la population détenant un livret A ou bleu. Dès lors, on assisterait, en cas de suppression des droits spéciaux, à un transfert de livrets des réseaux distributeurs vers d’autres banques, sans création de flux nouveaux de collecte. »

Ensuite, elles estiment que le facteur principal de collecte repose sur la politique commerciale des banques, et non sur le taux d’intérêt servi. Or les banques auraient intérêt à réorienter l’épargne vers d’autres supports plus rémunérateurs, soit qu’ils contribuent à leur propre financement, soit qu’ils leur assurent une meilleure commission de distribution. Les autorités françaises considèrent que ce risque peut être illustré par l’évolution des encours sur le LEP, le Codevi et le PEL. »

C’est le texte même du recours que la France a déposé ! La démonstration est faite, Madame la ministre : il faut supprimer cet article. C’est l’objet de l’amendement 612 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François de Rugy – L’amendement 925 est identique. Les Français sont très attachés au livret A, et beaucoup d’inquiétudes ont été exprimées. Elles sont fondées. Le gouvernement précédent avait changé le mode de calcul pour la fixation du taux du livret A : vous avez refusé de l’appliquer, car il induisait une trop forte hausse à vos yeux.

On nous dit que la généralisation du livret A permettra d’en distribuer davantage. Mais nous sommes déjà à un niveau très élevé – ce qui prouve que le système actuel fonctionne bien.

Est-ce parce que le système français n’existe pas dans les autres pays européens qu’on doit le modifier ? Il est vrai que nous parachevons un processus, qui a conduit à la fin du monopole de la Poste, que les banques étaient les premières à souhaiter. Elles ont ensuite demandé à pouvoir distribuer le livret A. Pour organiser cette généralisation, il faut d’abord rassurer le grand public et les acteurs du logement social par des critères clairs. Ne nous faisons pas d’illusions : demain, la Banque postale voudra augmenter ses frais bancaires comme les autres banques. Il deviendra moins facile de disposer d’un compte bancaire à frais modérés, et cela risque de menacer un certain nombre de bureaux de poste, qui sont un point d’accès aux services bancaires pour tous. Et vous ne proposez pour toute réponse qu’une charte ! Ce n’est pas sérieux…

Nous traversons une période de fortes inquiétudes quant au financement du logement social. Vous dites que tout le monde est attaché à celui-ci, Monsieur Forissier, mais ce n’est pas vrai. Il suffit de regarder la carte du logement social en France pour comprendre qu’il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Aujourd’hui, le livret A est attractif et draine de l’épargne. Mais demain, les banques privées qui le distribueront pourront orienter leurs clients vers d’autres placements.

Mme la Présidente – Il faut conclure.

M. François de Rugy – L’exposé des motifs de la loi… (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP) Je ne me laisserai pas interrompre !

Mme la Présidente – Il le faudra pourtant, car vous avez dépassé votre temps de parole.

M. François de Rugy – J’ai renoncé à m’exprimer sur l’article…

Mme la Présidente – Non : vous n’étiez pas présent.

M. Daniel Paul – L’amendement 938 est identique.

La banalisation du livret A a été voulue par les banques, et vous avez décidé de leur donner satisfaction, non sans avoir fait mine de vous y opposer pendant la campagne présidentielle. Mais les établissements financiers ne manquent pas d’aplomb : au moment où leurs errements financiers apparaissent au grand jour – et nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises –, on voudrait nous faire avaliser le transfert d’une grande partie des ressources issues du livret A à ces brillants gestionnaires ! Faut-il que le culte de la financiarisation de l’économie soit dominant dans votre idéologie pour que vous ayez l’audace de présenter une telle proposition ! À moins que l’objectif ne soit tout simplement de permettre à ces établissements financiers de se refaire une santé…

Nous pensons au contraire qu’il faut laisser à la Caisse des dépôts la responsabilité de l’utilisation de la totalité des fonds collectés par le livret A, sous le contrôle des représentants du Parlement.

M. Marc Dolez – Très bien.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Même avis.

1816, 1818, 1837 : ces dates ont jalonné l’histoire du financement du logement social par la Caisse des dépôts. Vous nous avez lu une partie de la décision de mai 2007 de la Commission européenne, Monsieur Balligand. Permettez-moi de vous lire son article 1er : « Les dispositions du code monétaire et financier français qui réservent à trois établissements de crédit – la Banque postale, les caisses d’épargne et de prévoyance et le Crédit mutuel – la distribution des livrets A et bleu – sont incompatibles avec l’article 86-1 du Traité, en liaison avec les articles 43 et 49 dudit traité. » C’est clair. Les paragraphes que vous nous avez lus reprennent l’argumentation en défense de la France. Nous sommes désormais en train de préparer l’avenir, sur la base de la décision rendue par la Commission.

La France a en effet formé un recours contre la décision de la Commission. Ce recours a un caractère conservatoire.

Je voudrais rendre hommage à Daniel Garrigue, à Michel Bouvard, à M. Forissier et à Jean-Pierre Balligand pour la qualité de leurs interventions.

Le Gouvernement entend donner un nouvel élan au livret A. Vous parlez de 50 millions de détenteurs, Monsieur Balligand, mais il n’est pas exclu qu’on puisse aller au-delà. Notre ambition est de développer une épargne populaire, de la mettre au moins autant qu’aujourd’hui au service du logement social, et de ne pas remettre en cause le principe de l’accessibilité bancaire. Cela étant, je considère que le droit au compte répond bien mieux que celle-ci à l’exigence d’offrir à tous l’usage du réseau bancaire.

Je le redis, nous voulons financer le logement social comme il l’est actuellement et faire même davantage, puisque l’article prévoit que le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du LDD est fixé à 70 %, de manière que les ressources centralisées soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social par la Caisse des dépôts, affecté d’un coefficient multiplicateur égal à 1,25. De plus, l’État continuera de disposer des quatre outils de pilotage décrits par M. de Courson pour s’assurer que la priorité est bien donnée au financement du logement social. Je souligne enfin que cette priorité est, pour la première fois, inscrite dans la loi. Tel est le contexte juridique, et tels sont les objectifs que nous visons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Je suis très heureuse que cette discussion ait eu lieu, car elle montre l’attachement de tous au financement du logement social. Les interventions percutantes de MM. Garrigue, Bouvard et Forissier… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et celle, plus nuancée, de M. Balligand, me dissuaderaient presque de prendre la parole. Il le faut, pourtant, au moins pour dire à M. Roy et à M. Dumont que ma préoccupation concernant le logement social est aussi forte que lorsque j’étais rapporteure du texte instituant le droit au logement opposable et que ma responsabilité ministérielle est de faire que chacun ait un toit.

M. Alain Néri – L’ennui, c’est que l’enfer est pavé de bonnes intentions…

Mme Christine Boutin, ministre du logement Non ! Nous voulons, par ce texte, assurer le financement du logement social, en réduire le coût et garantir l’accessibilité bancaire à tous. Je suis convaincue qu’attendre la fin de la procédure de recours nous aurait fait courir un risque démesuré sans qu’aucune des difficultés que nous connaissons n’ait été réglée dans l’intervalle. La réforme se fait dans le cadre du contentieux qui nous oppose à la Commission européenne depuis qu’elle nous a enjoint de supprimer la distribution oligopolistique du livret A. M. Chassaigne, même si le mot de « modernisation » vous pèse, vous devez être moderne ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) Pour ce qui nous concerne, notre objectif est de moderniser le circuit de financement du logement social, comme l’a souhaité le Président de la République, tout en garantissant l’accessibilité bancaire.

Parvenir à un équilibre entre ces aspirations parfois contradictoires a demandé des négociations avec les établissements bancaires, c’est exact, Monsieur Paul, mais aussi avec les associations, notamment pour ce qui est du droit au compte. Pour le reste, nous avons formé un recours contre l’injonction de la Commission européenne, vous le savez, et, dans le même temps, demandé à M. Camdessus d’élaborer des propositions, sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour avancer. En outre, de nombreuses réunions de travail ont rassemblé des représentants du ministère de l’économie et de mon ministère…

M. Alain Néri – Au point que vous en êtes venus à écrire des articles ensemble…

Mme Christine Boutin, ministre du logement C’est exact, et assez rare pour être signalé… Le texte est novateur puisque, pour la première fois, l’importance accordée au logement social y est mentionnée. De plus, l’article 39 garantit sa pérennité en assurant un taux minimum de centralisation des ressources du livret A et du LDD à la Caisse des dépôts, tout en favorisant la réduction du coût de son financement et en étendant l’accessibilité bancaire. Comme l’a indiqué Mme Lagarde, le niveau plancher, prévu à ma demande, est fixé à 1,25 % du montant des prêts actuellement consentis au bénéfice du logement social par la Caisse des dépôts, si bien que les organismes de HLM disposeront d’un matelas de sécurité. Outre cela, le taux plancher de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du LDD est fixé à 70 % de la collecte.

Autre nouveauté ; il est inscrit dans le texte que l’épargne ainsi collectée sera affectée en priorité au financement du logement social…

M. Alain Néri – C’est ce qui se fait couramment !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Pour la première fois, ce sera spécifié dans la loi. Voilà qui contribuera à résorber la crise du logement, tout comme la baisse du taux de rémunération des banques collectrices, qui sera répercutée sur le coût des emprunts consentis aux bailleurs sociaux. Les conditions qui leur seront faites seront donc meilleures qu’aujourd’hui. Je précise que le taux des prêts PLUS baissera de vingt points de base le 1er août, et de 50 points de base celui des prêts PLAI.

M. Michel Piron et M. Michel Bouvard – Très bien !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Cette mesure indispensable contribuera à financer le logement social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je rappelle enfin que pour remédier à la pénurie de logements, le Gouvernement a décidé 500 000 constructions par an dont 120 000 logements sociaux. En 2007, 430 000 mises en chantier ont eu lieu, dont 108 000 logements sociaux, ce qui ne s’était pas produit depuis vingt ans. À cet égard, la référence que vous avez citée fait allusion à la situation du logement social en France en 2006, avant l’adoption de la loi DALO ; je ne doute pas que le commentaire qui sera fait dans un mois lors du Conseil des ministres européens chargés du logement sera tout autre.

J’ai aussi souhaité étendre l’accessibilité bancaire aux plus démunis. Le projet y pourvoira, puisque la Banque postale continuera de jouer le rôle qui est le sien à ce sujet. Ce n’était pas acquis, vous le savez, et je remercie Mme Lagarde et le Gouvernement du résultat obtenu, qui conforte l’effectivité du droit au compte.

La ministre du logement que je suis est très préoccupée par le logement social. Je suis, ce soir, aux côtés de Mme la ministre de l’économie, car je suis convaincue que son financement est acquis. Nous devons nous moderniser. Puisque notre préoccupation est la même, je vous demande à tous d’outrepasser idéologies et clivages partisans (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et de voter cet article, dans l’intérêt des plus fragiles de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – M. Le Bouillonnec demande la parole. Je la lui donne pour une brève intervention (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Camille de Rocca Serra – Mais qu’a-t-il encore à dire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Pourquoi ne peut-on débattre ? Le problème de fond, c’est que vous faites sortir la collecte des ressources finançant le logement social des services d’intérêt économique général – les SIEG. S’il ne s’était agi que de généraliser la distribution du livret A tout en encadrant la rémunération des banques collectrices, nous y aurions consenti, mais le problème tient à ce que les banques ne sont pas capables de tenir une comptabilité séparée, et vous le savez. De ce fait, la Banque postale sera la seule qui conservera les contrats SIEG au sens de la réglementation européenne, ce que les représentants de la Commission n’ont pas manqué de souligner lors de leurs auditions. Autant dire que cette réforme va vous créer des problèmes et que ce sont les banques qui l’ont voulue. Alors qu’en formant leur recours, elles avaient expliqué à la Cour qu’elles ne s’en prendraient pas à la centralisation, elles sont revenues sur cette décision. La réforme voulue par votre majorité aboutira, bien sûr, mais il faut mesurer ce que nous laisserons derrière nous : le logement social sera sorti des SIEG, et nous le payerons cher.

Par ailleurs, Madame la ministre du logement, le financement du logement social repose sur deux instruments distincts : les subventions de l’État et des collectivités, d’une part ; le livret A, de l’autre. Or c’est aux PLAI que l’État accorde – moyennant des conditions très restrictives – le plus d’argent et aux PLUS qu’il en accorde le moins. Mais la construction de logements sociaux n’a jamais été entravée ni par un défaut de financement du livret A, ni du fait du Gouvernement – sous le gouvernement Jospin, les crédits n’étaient pas utilisés –, mais bien faute de subventions. Voilà pourquoi nous vous interrogeons sur l’engagement de l’État, dont je rappelle qu’il touche, au titre de la rémunération des garanties qu’il accorde à la CDC sur les placements de la Caisse d’épargne, des sommes supérieures aux subventions qu’il alloue au logement social ; nous y reviendrons.

Si la généralisation constituait certes une nécessité juridique, il eût été possible d’y pourvoir au nom du service d’intérêt économique général que constitue le logement social (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'amendement 612, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 925 et 938.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je défendrai les amendements 617, 614, 615 et 616, relatifs à la convention conclue entre l’État et les banques qui distribueront le livret A.

Aux termes de l’amendement 617, cette convention est conclue pour trois ans et fixe les engagements de chaque établissement en matière de collecte, afin d’en assurer le contrôle et l’évaluation.

Elle est en outre soumise, aux termes de l’amendement 614, à l’avis des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin que le Parlement continue de contrôler le dispositif, comme il le faisait dans le cadre du conseil de surveillance de la CDC ; aux termes de l’amendement 615, à l’avis de l’observatoire de l’épargne réglementée visé à l’article L. 221-9 du code monétaire et financier, afin de permettre à cet organisme, chargé de garantir la transparence des placements de l’épargne populaire, d’en contrôler l’application ; enfin, aux termes de l’amendement 616, à l’avis de la commission de surveillance de la CDC, afin de s’assurer à tout moment que les établissements bancaires respectent leurs engagements.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Avis défavorable à ces quatre amendements. D’autres amendements proposant des dispositions analogues, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Sur l’amendement 617, une durée de trois ans paraît trop courte ; en outre, il n’est pas réaliste de fixer les obligations des établissements en matière de collecte, car le comportement des épargnants ne se décrète pas.

Sur l’amendement 614, il n’appartient pas aux commissions des finances des deux assemblées d’émettre un avis sur la convention signée avec l’État. Nous y reviendrons à propos de l’article 41 : l’Assemblée et le Sénat siègent déjà à la commission de surveillance de la CDC, présidée par un membre de la commission des finances de l’Assemblée.

Quant à l’amendement 615, qui rejoint d’autres propositions sur lesquelles nous reviendrons, il n’appartient pas à l’observatoire de l’épargne réglementée d’appliquer la réforme, mais bien d’en surveiller l’application à des fins de transparence.

Enfin, s’agissant de l’amendement 616, il est légitime que la CDC donne son avis sur le taux de centralisation, qui affecte directement son activité, mais non sur des décrets portant sur son organisation interne. Ce principe vaut pour tous les établissements publics.

L'amendement 617, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 614, 615 et 616.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Aux termes de l’amendement 239 adopté par la commission des finances, toutes les banques distribuant le livret A sont dans l’obligation d’en ouvrir un à toute personne qui le demande. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

En effet, si l’idée est séduisante, en confiant à ces établissements une mission d’accessibilité bancaire par l’intermédiaire du livret A, on risque de remettre en cause l’équilibre général de la réforme. Le Gouvernement propose en effet de confier cette mission à la seule Banque postale, comme l’admet la Commission européenne et comme le justifie la taille de son réseau et sa capacité, revendiquée par le président Bailly lui-même, à accueillir des exclus qui n’oseraient pas s’adresser à d’autres établissements.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Absolument !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Je rappelle que la Caisse d’épargne et le Crédit mutuel ne sont pas soumis à la même obligation s’agissant du livret A pour la première et du livret bleu pour le second.

En outre, l’amendement obligerait le Gouvernement à accorder aux établissements une contrepartie, ce qui reviendrait à renchérir le financement du logement social.

M. Daniel Paul – Je m’inscris en faux contre les propos de M. Forissier, qui a certainement pris connaissance de la réponse surprenante du groupe La Poste aux parlementaires qui s’étonnaient de voir la Banque postale vouée à tenir lieu de banque des pauvres. En voici un extrait : « l’accessibilité bancaire par l’intermédiaire du livret A concerne d’abord les personnes les plus démunies, soit environ un million de clients à la Banque postale. Son coût net annuel s’élève à 500 millions – 428 selon la Commission européenne. Ces personnes, qui entretiennent avec l’argent un rapport complexe, continueront d’être clientes de la Banque postale quoi que l’on fasse, car elles n’oseront jamais franchir le seuil d’une agence bancaire, lieu intimidant où l’on ne rencontre que des gens normaux… (Approbation sur les bancs du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Lionel Tardy – Nous avons tous lu ce texte !

M. Daniel Paul – …où l’on ne fait que du commerce d’argent et dont des barrières physiques et psychologiques les séparent. »

Plusieurs d’entre nous doivent rencontrer M. Bailly dans quelques jours ; je profiterai de l’occasion pour lui dire que cette situation aurait pu être décrite en d’autres termes, dès lors qu’il s’agit d’un service public !

M. Michel Voisin – La Poste n’est plus publique !

M. François Brottes – Si !

M. Daniel Paul – La Poste est un établissement public, mon cher collègue, jusqu’à ce que l’on en décide autrement – peut-être ignorons-nous encore vos intentions à cet égard ?

Quoi qu’il en soit, contrairement au rapporteur de la commission des finances, nous souhaitons que tous les établissements bancaires soient soumis à l’obligation d’ouverture universelle d’un livret A. D’où l’amendement 940.

M. Jean-Pierre Balligand – Le rapporteur pour avis, alors qu’il aurait dû présenter la position de la commission sur l’amendement 239, nous a exposé son point de vue personnel. L’amendement 618 a le même objet. Que la Banque postale soit l’établissement qui permette à de nombreuses familles modestes d’accéder à des services bancaires est une réalité. Qu’un montant de compensation soit prévu dans le projet de loi pour ce service, c’est la logique même. J’observe cependant que tous les établissements de la Poste ne pourront pas ouvrir un livret A, car cela ne sera possible que dans les guichets « dûment organisés à cet effet ». D’un autre côté, seuls les gens qui ont des moyens intéressent les banques. Il serait donc opportun d’obliger les banques à ouvrir des livrets A pour les gens modestes qui le demanderaient. Un dispositif qui avantage systématiquement les banques n’est pas raisonnable.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 1046 est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Monsieur Balligand, j’ai bien rappelé que la commission avait adopté l’amendement, en précisant que je m’exprimais à titre personnel, car j’ai été battu en commission sur cette disposition. J’ajoute qu’aujourd’hui, les caisses d’épargne peuvent refuser d’ouvrir un livret A et le Crédit mutuel un livret bleu.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Ces amendements visent à étendre à toutes les banques l’obligation d’ouvrir un livret A. Cela peut paraître séduisant de prime abord, mais c’est une fausse bonne idée.

Avant de vous expliquer pourquoi, je vous rappellerai la politique du Gouvernement en matière d’accessibilité bancaire. Comme vous, Monsieur Paul, nous souhaitons que chacun puisse s’adresser à la banque de son choix. Cela n’est pas l’accessibilité bancaire, mais le droit au compte. Il est vrai que ce droit n’est pas particulièrement bien observé par les banques, mais nous nous attaquons au problème.

Le droit au compte est plus intéressant que la simple accessibilité bancaire, car les services sont plus étoffés pour ceux qui en bénéficient : ils peuvent disposer d’un compte chèque ainsi que d’une carte de paiement ; ils ne sont pas stigmatisés, car le droit donne accès aux mêmes services à chacun ; enfin, ce sont les banques qui financent le droit au compte, à concurrence de leurs parts de marché. Le Gouvernement souhaite donc donner la priorité au droit au compte. J’ai demandé qu’une charte d’accessibilité soit rédigée afin de renforcer l’effectivité de ce droit, et je vérifierai régulièrement la façon dont les banques s’acquittent de leurs obligations.

Le Gouvernement reconnaît en outre le rôle joué par le livret A en la matière et souhaite, pour les populations financièrement les plus fragiles, préserver le rôle de la Banque postale. Le livret A sert de soupape de sûreté pour l’accessibilité bancaire. Ce n’est pas le meilleur outil, celui-ci étant le droit au compte, mais c’est une garantie minimale.

Le droit actuel prévoit que seule la Banque postale a l’obligation d’ouvrir un livret A ; une telle obligation n’existe pas pour les caisses d’épargne, ni pour le Crédit mutuel. Nous maintenons cela. Imposer à toute banque une telle obligation aurait un coût…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il faut que les banques s’engagent par conventionnement avec l’État !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – En contrepartie, les banques demanderaient la rémunération de ce service d’accessibilité bancaire. En lieu et place du 0,6 % que nous avons pu négocier avec l’ensemble des banques, c’est un taux bien supérieur qu’elles demanderaient. Cette exigence grèverait le financement du logement social, dans la mesure où ces montants seraient prélevés sur l’épargne collectée.

La Banque postale est, quant à elle, la mieux à même de remplir cette obligation, et ce pour trois séries de raisons : des raisons comportementales – les personnes en difficulté d’insertion entrent plus facilement dans un bureau de poste que dans une banque – ; des raisons territoriales – la Poste est présente dans de très nombreux territoires ; si nous prévoyons que le livret A pourra être ouvert dans les guichets « dûment organisés à cet effet », c’est pour d’évidentes raisons de sécurité : il faut éviter que le personnel de guichets réduits à leur plus simple expression soit exposé – ; enfin, des raisons opérationnelles – la Banque postale est la seule à disposer d’une encaisse en pièces dans l’ensemble de ses guichets, donc à pouvoir effectuer des retraits et dépôts de très faible montant. Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis très défavorable à ces amendements.

M. Michel Bouvard – Je fais partie de ceux qui ont été initialement séduits par l’idée. Cependant, en tant que membre de la commission des finances, je ne peux laisser de côté des préoccupations relatives à la santé financière de la Banque postale. Celle-ci a commencé à se développer et son équilibre reste fragile. Si nous modifions les règles du jeu, notamment eu égard à la spécificité de l’établissement, reconnue par l’Union européenne, et au supplément de rémunération qui en découle, les autres établissements bancaires qui se verraient imposer la même charge se sentiraient fondés à exiger une répartition de cette majoration de rémunération, alors même que les frais de structure seraient les mêmes pour la Poste, dont le réseau est très dense, et qu’elle continuerait de gérer de très petits comptes. Il est donc préférable de s’en tenir au droit au compte et de rejeter les amendements.

M. François Brottes – Nous sommes au sommet de la gestion de la quadrature du cercle ! Monsieur Bouvard, ce que vous redoutez arrivera même si ces amendements ne sont pas adoptés.

Nous avons voté en 2005 la loi de régulation postale. J’avais indiqué à cette époque que la manière dont vous organisiez la Banque postale entraînerait automatiquement la banalisation du livret A.

Certains ont prétendu que j’exagérais et que je faisais un procès d’intention. Or, nous y sommes. Vous essayez maintenant de lancer des bouées de sauvetage, mais cela ne changera rien.

Nous avions déposé à l’époque toute une série d’amendements tendant à reconnaître le droit au compte et au chéquier. Nos propositions avaient malheureusement été repoussées d’un revers de main. Vous faites maintenant un pas en avant, mais il est bien regrettable que vous ne nous ayez pas suivi plus tôt sur ce chemin...

Comme l’a indiqué notre collègue Michel Bouvard, le premier risque est que la compensation prévue soit remise en cause si la Banque postale ne demeure pas le guichet le plus accueillant pour les personnes démunies.

Le deuxième risque est celui du siphonnage. Si les autres banques ne sont pas tenues d’accepter tous ceux qui voudraient ouvrir un livret, elles vont se concentrer sur les « gros livrets ». En l’absence de toute obligation de service public, les montants actuellement collectés en faveur du logement social iront ailleurs.

Cette situation inextricable résulte du choix que vous avez fait en 2005.

Mme la Présidente – Il nous reste à examiner une centaine d’amendements sur l’article 39. Puisque nous avons déjà eu une discussion très large, je vous propose d’avancer plus rapidement.

Les amendements 239, 940, 618 et 1046, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne – L’amendement 939 est défendu.

L'amendement 939, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 941 rectifié est également défendu.

L'amendement 941 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 619 est défendu, de même que les amendements 620 et 621.

Les amendements 619, 620 et 621, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Proriol – L’amendement 134 est défendu.

L'amendement 134, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 921 est défendu.

L'amendement 921, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 627 tend à fixer à 1,5 euro le montant minimal des opérations individuelles de retrait et de dépôt.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Cela relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement 627, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 622 est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement 622, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Proriol – L’amendement 21 est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Même avis.

M. Jean-Pierre Balligand – C’est un amendement intéressant : si le taux de 70 % de centralisation n’est pas atteint, une quote-part supplémentaire sera prélevée l’année suivante sur les livrets de développement durable.

M. Charles de Courson – C’est effectivement intéressant. Le taux de centralisation est actuellement de 100 % pour le livret A, contre 9 % pour les LDD. Face aux problèmes qui risquent de se poser à titre transitoire, le Gouvernement a proposé un dispositif progressif. Cet amendement permettra d’éviter ce type de mesures.

M. Michel Bouvard – Je rappelle que le taux de 70 % ne figure pas dans la loi, qui ne prévoit qu’un taux plancher. Or, que se passera-t-il si le taux de centralisation est compris entre le plancher et 70 % ?

Il n’est pas nécessairement souhaitable que l’amendement 21 soit adopté, mais j’aimerais savoir comment le Gouvernement entend agir. Il serait également utile de savoir comment l’Observatoire de l’épargne réglementée et le Parlement seront associés à cette question.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Les règles proposées par cet amendement sont intéressantes, mais bien complexes.

En effet, si le montant de centralisation des dépôts est inférieur à 70 % des sommes collectées au titre des livrets A et des LDD, vous demandez qu’une part supplémentaire des encours des LDD puisse être centralisée ; en cas d’augmentation de la collecte de plus de 15 % en douze mois, le ministre de l’économie pourrait restituer aux banques l’excédent de liquidités centralisées à la CDC, après avis de l’Observatoire de l’épargne règlementée et de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

C’est un dispositif qui est non seulement complexe, mais qui accorde également une simple faculté au ministre de l’économie. Son effet sera donc peu prévisible pour les banques, alors que le niveau de leur trésorerie en dépendra.

De son côté, le Gouvernement propose une mesure plus lisible et plus prévisible, qui répond à un principe de flexicurité. Notre dispositif est flexible, car un décret fixera le taux de centralisation qui permettra dans un premier temps de préserver le niveau de ressources centralisées par la CDC. Nous pourrons ainsi éviter les situations de sur-collecte, qui priveraient les PME d’autant de ressources ; en cas de sous-collecte, le taux pourra être augmenté en fonction des besoins du logement social.

Ce que nous proposons est également facteur de sécurité, car nous donnons une garantie législative au financement du logement social grâce à l’instauration d’un plancher : les ressources centralisées doivent être au moins égales aux besoins de financement du logement social et de la politique de la ville, affectés d’un coefficient de 1,25.

J’espère que l’amendement 21 sera retiré sous le bénéfice de ces observations.

L'amendement 21 mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – Tous les amendements suivants tombent jusqu’à l’amendement 477 inclus.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Je regrette l’adoption de l’amendement précédent, qui ne me semble pas servir l’objectif de la réforme.

M. Michel Bouvard – Et qui a fait tomber nombre d’amendements très utiles, qui plus est !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – J’en viens à l’amendement 242, qui reprend les travaux de la commission des finances visant à affecter l’épargne non centralisée au financement des PME, surtout lorsqu’elles sont en phase d’amorçage, et aux travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens. Outre cette obligation d’emploi, l’amendement prévoit la recentralisation obligatoire des sommes non affectées, ainsi qu’une information trimestrielle concernant l’emploi des sommes collectées.

M. Michel Bouvard – L’amendement 479, identique, a fait l’objet d’un consensus au sein de la commission des finances. L’usage du LDD par les banques ne fait l’objet d’aucun contrôle sérieux. Or, cette épargne défiscalisée doit être affectée à des dépenses d’intérêt général. Nous proposons donc d’aligner le livret A sur le LDD : c’est une mesure de transparence qui rendra plus lisible l’utilisation des sommes non affectées. Il va de soi que tout crédit non utilisé par les banques devra être rapatrié à la Caisse des dépôts.

Il nous faut être très attentifs à ce sujet, faute de quoi nous serons à la merci d’une remise en cause de l’épargne réglementée par la Commission européenne. La défiscalisation de l’épargne n’a d’autre raison d’être que son utilisation pour des missions d’intérêt général !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Exactement !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Avis favorable. Le Gouvernement soutient toute mesure qui améliore le financement des PME. Aujourd’hui, 91 % des ressources collectées sur le LDD restent au bilan des banques. Avec le livret A, cette part décentralisée atteint 55 millions d’euros. La loi prévoit qu’elle aille au financement des PME et aux travaux d’économie d’énergie.

M. Jean-Pierre Balligand – M. Bouvard à raison : faute de vérifier que les fonds décentralisés qui ne sont affectés ni aux PME ni aux opérations d’économie d’énergie sont bien rapatriés vers la Caisse des dépôts, nous nous exposerons à tout moment aux attaques de la Commission européenne. En effet, c’est parce qu’elles servent à des missions d’intérêt général que ces sommes sont défiscalisées.

Les amendements 242 et 479, identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 691 est défendu.

L'amendement 691, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 22 est défendu.

L'amendement 22, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 243, adopté par la commission des finances, propose que la Caisse des dépôts soit consultée sur le décret fixant les modalités de calcul de la rémunération des banques. J’attends néanmoins l’avis de Mme la ministre quant à savoir s’il est du ressort de la Caisse des dépôts d’interférer dans la relation entre les banques et le Gouvernement.

M. Michel Bouvard – L’amendement 478, identique, a été largement approuvé par la commission des finances. La question est légitime : pourquoi la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations devrait-elle être consultée sur le taux de rémunération des banques habilitées à distribuer le livret A ? La réponse est double. D’une part, elle est capable d’apprécier la charge réelle que fait peser sur les banques la gestion du livret A pour, le cas échéant, suggérer de baisser le taux en deçà du seuil de 0,6 %, facilitant ainsi la tâche du Gouvernement. D’autre part, si les ministres passent, la commission de surveillance, elle, demeure. Il n’est pas inutile qu’elle puisse vérifier que les économies réalisées sont bien répercutées auprès des emprunteurs.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 624 est identique.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Cette proposition m’embarrasse, car elle mélange les genres et crée un risque de conflit d’intérêts. L’État fixe le cadre de l’activité des fonds d’épargne, tandis que la Caisse des dépôts gère ces fonds.

Je sais votre attachement à la bonne gouvernance, Monsieur Bouvard. Il me semble qu’elle gagnerait à une distinction nette entre les rôles de chacun. Au risque d’être battue, j’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Michel Bouvard – J’entends votre argument, Madame la ministre. Pour autant, la Caisse des dépôts a un mandat de gestion de l’épargne réglementée. En l’espèce, la section générale de la Caisse n’est pas concernée ! Le risque de conflit d’intérêts n’existe donc pas dans la pratique, puisque nous ne gérons pas pour notre propre compte mais pour celui de l’État. En revanche, il est assez protecteur pour celui-ci de disposer de cet avis de son gestionnaire, puisque je rappelle que la totalité des résultats des fonds d’épargne va à l’État et que la Caisse des dépôts n’en conserve pas le moindre centime.

M. Daniel Garrigue – Madame la ministre, le taux de commissionnement n’est pas sans incidence sur l’équilibre des fonds d’épargne. On entre donc bien dans le domaine de la gestion. La commission de surveillance évoque régulièrement la question. Cet amendement ne propose qu’un simple avis, et ne ferait que mettre le droit en conformité avec la pratique.

M. Charles de Courson – La position de la ministre serait parfaitement défendable si la Caisse des dépôts était un organisme industriel et commercial ou une société anonyme : il serait alors choquant que le ministre prenne son avis. Mais dans son activité de gestion des fonds d’épargne, la Caisse a la nature juridique d’un service public délégué par l’État. Par ailleurs, le ministre n’est pas tenu de suivre l’avis qui sera donné ! Sinon que la commission de surveillance a manifestement raison lorsqu’elle demande de baisser le taux de rémunération… C’est d’ailleurs ce que vous avez décidé de faire, Madame la ministre. Cet avis représenterait donc plutôt une aide pour le ministre et ne crée pas de risque de conflit d’intérêts.

Les amendements 243, 478 et 624, identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Pierre Balligand – Les amendements 625 et 626 sont défendus.

Les amendements 625 et 626, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 1047 veut assurer la pérennité du financement du logement social grâce à une rémunération juste et équilibrée des réseaux collecteurs, tenant compte de la centralisation opérée, de l'accessibilité bancaire et des coûts de gestion. En effet, une rémunération trop basse pourrait engendrer à terme un siphonnage des livrets bien remplis vers des produits financiers plus rémunérateurs, mais qui ne profitent pas au logement social. Il faut donc favoriser cette mission de préservation de l’épargne des plus modestes – car si le solde moyen des livrets A et bleu est de l'ordre de 3 000 euros, plus de la moitié ont un solde inférieur à 500 euros.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Ce mécanisme fort élaboré aurait toutefois pour inconvénient d’augmenter considérablement le coût de la rémunération, donc de diminuer les économies que nous pouvons enfin réaliser grâce à cette réforme, qui doivent aller au logement social. Je vous invite donc très vivement à voter contre cet amendement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Je confirme !

L'amendement 1047 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi mercredi 11 juin 2008 à 15 heures.

La séance est levée à 2 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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