Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques de la session > Compte rendu analytique de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 12 juin 2008

2ème séance
Séance de quinze heures
194ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à quinze heures.

MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie.

AVANT L’ART. 21 (AMENDEMENTS PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉS) (SUITE)

M. Pierre Gosnat – Par l’amendement 1436, nous proposons d’inscrire dans la loi le pouvoir donné dans les faits au juge de déclarer une clause abusive dans les cas que nous explicitons.

M. Jean Gaubert – L’amendement 998 rectifié, identique, vise également à intégrer dans le code une liste de clauses réputées abusives, comme le proposait la commission des clauses abusives dans un avis du 20 septembre 2001. Depuis cette date, sept ans se sont écoulés, et ces clauses demeurent – et demeurent abusives ! J’ajoute que le respect du parallélisme des formes devrait conduire à ce que l’engagement du fournisseur soit toujours irrévocable, comme l’est celui du consommateur.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques – Avis défavorable, car la commission a adopté ce matin deux amendements de M. Tardy et de M. Dionis du Séjour qui devraient vous donner satisfaction.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – Même avis. J’ajoute que, dans la rédaction que vous lui avez donnée, l’article nouveau que vous voulez introduire dans le code de la consommation poserait des problèmes de coordination et des problèmes juridiques. Je vous invite donc à retirer les deux amendements, auxquels je devrai, sinon, donner un avis défavorable.

Les amendements 1436 et 998 rectifié sont retirés.

M. Pierre Gosnat – L’amendement 1019 rectifié est défendu.

M. Lionel Tardy – L’amendement 1193 est identique.

M. Jean Dionis du Séjour – L’amendement 1294 également.

Les amendements 1019 rectifié, 1193 et 1294, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Gosnat – Bien que ses pouvoirs aient été récemment renforcés, la DGCCRF, faute d’impulsion, ne traque pas autant qu’il le faudrait les pratiques illicites ou abusives. Il en résulte que, pour de nombreux professionnels, le droit de la consommation n’a aucun caractère dissuasif. Dans le même temps, les associations agréées de consommateurs peuvent engager des actions en justice pour faire cesser et sanctionner les agissements illicites qu’elles détectent, mais cette activité consomme une part importante de leurs ressources, d’autant qu’elles doivent établir la preuve des agissements fautifs. De son côté, la commission des clauses abusives recherche et dénonce les clauses abusives, mais ses recommandations n’ont aucun effet juridique.

Par l’amendement 1020, qui s’inspire de la procédure dite de supercomplaint adoptée en 2002 au Royaume-Uni, nous proposons donc d’allier, pour une plus grande efficacité, les efforts des organisations de défense des consommateurs et ceux de l’administration. Les premières transmettraient leurs informations à la seconde, qui remplirait alors sa mission naturelle de constatation, de sanction ou de soumission au juge des agissements préjudiciables aux consommateurs. En outre, le mécanisme de publicité proposé permettrait aux consommateurs de mieux connaître la politique poursuivie en leur faveur par les pouvoirs publics.

M. Jean Dionis du Séjour – L’amendement 1296 a le même objet, et le même inspirateur : le mouvement des consommateurs, qui s’exaspère que des freins juridiques entravent une action qui devrait être commune. Qu’attend-on pour permettre qu’administration et consommateurs travaillent de conserve ? Si les Britanniques ont adopté ce mécanisme, c’est qu’il n’est pas forcément inutile, et il est significatif que la mesure soit défendue par tous les groupes ; l’adopter serait permettre un progrès réel, et aussi donner un signal politique fort.

M. Lionel Tardy – Il serait temps, en effet, que l’administration cesse de considérer les associations de consommateurs comme des auxiliaires, des gêneurs ou des concurrents, au choix. Des relations de confiance doivent s’instaurer, et les signes encourageants donnés par le ministre doivent se traduire dans la loi. C’est le sens de l’amendement 1194.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – La commission est particulièrement favorable aux dispositions proposées, mais elles sont d’ordre réglementaire. De plus – et je tiens à le dire en présence du directeur général de la DGCCRF, par ailleurs commissaire du Gouvernement au sein de la commission des clauses abusives –, personne, bien au contraire, n’interdit aux consommateurs de saisir la DGCCRF de pratiques illicites, et ils le font. Les amendements sont donc plus que satisfaits et je vous invite à les retirer.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement considère qu’il n’y a pas lieu de prévoir la saisine directe de la DGCCRF par les associations de consommateurs, car c’est déjà le cas. Par ailleurs, il n’est pas possible d’envisager la publicité des décisions de la DGCCRF, car cela ouvrirait la porte à des poursuites. Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements, que je vous invite à retirer.

M. Jean Dionis du Séjour – Je retire l’amendement 1296 au bénéfice de celui qu’a défendu M. Tardy et je suggère à M. Gosnat de faire de même mais je pense, Monsieur le ministre, que l’on vous fait faire quelque chose qui va contre vos convictions.

L’amendement 1296 est retiré.

L’amendement 1020, mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que l’amendement 1194.

M. Jean Gaubert – L’amendement 1089 vise à ce que les contrats de vente ou de location-vente de véhicules terrestres à moteur ne puissent invoquer comme cause exonératoire de garantie par le réseau de concessionnaires qui a vendu le véhicule l’entretien régulier dudit véhicule par un professionnel extérieur à ce réseau. On pourrait comprendre que soient exclus de la garantie les véhicules entretenus chez un non-professionnel, mais non cette disposition qui entrave la concurrence. Nous avons déjà abordé ce problème à l’occasion d’autres textes. Nous souhaiterions qu’il soit une bonne fois pour toutes résolu, ce qui nous éviterait d’avoir à déposer de nouveau des amendements à ce sujet.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – De telles clauses relèvent du dispositif des clauses abusives, lequel va être réformé par décret. Je prends l’engagement de demander à la commission des clauses abusives d’examiner cette question afin que ces clauses figurent bien dans la liste qui sera publiée.

M. Jean Gaubert – Soit, mais j’insiste pour que l’on prenne en considération les relations entre les artisans garagistes locaux et les concessionnaires. Une partie de la redevance acquittée par ces derniers est en effet liée à l’exclusivité qui leur est donnée sur les véhicules de la marque. Il faut veiller à garantir une liberté de choix plus grande au consommateur et à ne pas léser les artisans.

L’amendement 1089 est retiré.

Mme Frédérique Massat – L’amendement 1010 vise à éviter que certains de nos concitoyens, souvent les plus démunis, soient abusés par certaines publicités sur les crédits à la consommation, en exigeant que le coût total du crédit, son taux effectif global ainsi que le montant des remboursements, figurent dans des caractères de même taille que l’offre de crédit.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous allons aborder toute une série d’amendements relatifs aux crédits à la consommation, dont nous avons déjà eu l’occasion de traiter, et sur lesquels ma réponse sera brève – mais pertinente (Sourires). La transposition de la directive européenne sur le crédit à la consommation, qui vient d’être publiée, a commencé. Votre amendement sera donc satisfait.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – L’article L. 311-4 du code de la consommation dispose déjà que dans toute publicité écrite, quel qu’en soit le support, relative à un crédit, les informations essentielles – nature de l’opération, durée, taux effectif global, montant des échéances – doivent figurer dans une taille de caractères au moins aussi importante que celle utilisée pour décrire l’offre et s’inscrire dans son corps même. L’amendement est donc satisfait.

M. François Brottes – Dans l’énumération que vous venez de donner, ne figure pas le coût total du crédit, toujours difficile à calculer alors qu’il devrait être un critère déterminant. Est-ce un oubli de votre part ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – C’est en effet un oubli de ma part. L’article L. 311-4 dispose bien que cette mention est obligatoire.

L’amendement 1010 est retiré.

M. Jean Gaubert – Nous savons tous les ravages que provoquent les crédits revolving dans de nombreux foyers, en particulier les plus modestes, pour lesquels sont ensuite appelés à la rescousse les CCAS ou les services sociaux des conseils généraux. Nous souhaiterions que toute publicité sur ces crédits soit interdite ou, à tout le moins, très sévèrement encadrée. Tel est l’objet de notre amendement 1005.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous portons la plus grande attention aux publicités pour ces crédits renouvelables, visés à l’article L. 311-9 du code de la consommation. La transposition de la directive européenne dont j’ai déjà fait état répondra à votre souci légitime. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – S’il faut en effet veiller à prévenir le surendettement, le crédit n’en est pas moins utile, surtout – justement – pour les consommateurs les moins favorisés. Comment acquérir un bien comme un téléviseur quand on gagne le smic ou moins, si ce n’est en recourant à un crédit ? Et dans certains cas, le crédit renouvelable se révèle le moyen le mieux adapté. La publicité pour ces crédits, si elle est bien encadrée – et le Parlement a pris ces dernières années des dispositions importantes en ce sens – permet de mieux faire jouer la concurrence, ce qui profite au consommateur. Par ailleurs, la mesure préconisée nous paraît disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, la plupart des consommateurs qui ont recours à ces crédits n’étant pas en situation de surendettement.

Enfin, avec Christine Lagarde, nous venons d’installer le nouveau comité consultatif du secteur financier, qui a reçu mission, entre autres, de travailler sur le crédit revolving. Il doit nous remettre ses conclusions d’ici à la fin du mois. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement.

L’amendement 1005, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – Nous avons tous eu connaissance de cas où, dans un couple, l’un des deux s’est trouvé devoir rembourser un crédit ouvert par l’autre sans qu’il en ait été préalablement informé, et ce par le simple jeu de la solidarité résultant du régime de la communauté dans le mariage ou de l’indivision dans le PACS. J’avais déjà proposé un amendement disposant qu’en cas d’ouverture d’un crédit revolving, l’établissement prêteur soit tenu d’obtenir l’accord des deux membres d’un couple, de façon à éviter des situations parfois dramatiques. En effet, comment punir une personne pour une faute qu’elle n’a pas commise, ce qui est bien le cas en l’espèce si l’une n’a pas été informée de l’engagement pris par l’autre ? Vous aviez été à l’époque favorable à cet amendement, Monsieur Chatel, mais, après le vote négatif du Sénat, on m’avait objecté qu’une telle disposition pourrait pénaliser la consommation dans notre pays ! Toujours est-il que nous demandons au moins que la personne qui n’a pas été préalablement informée ne puisse être tenue pour débitrice de la créance. Tel est l’objet de l’amendement 1031.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Ce n’est pas parce que nous sommes favorables au développement du crédit, qui a permis à un certain nombre de ménages de s’équiper, que nous acceptons certaines dérives liées aux crédits revolving. Nous avons entendu votre préoccupation. Mme Lagarde a elle-même demandé au comité consultatif du secteur financier de réfléchir sur le sujet, et une réponse sur le fond devrait être apportée d’ici à la fin 2008.

Mieux vaut laisser les acteurs atteindre l’objectif que vous poursuivez, plutôt que l’écrire dans la loi. Avis défavorable, donc.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Il y a trois ans, la commission des affaires économiques avait adopté sur ce sujet un amendement qui, finalement, n’a pas figuré dans la loi. J’ai demandé au comité consultatif du secteur financier de constituer un groupe de travail « finances et famille » ; celui-ci fonctionne depuis plusieurs mois et traite de sujets comme celui-ci ou comme celui des comptes joints, particulièrement épineux dans le cas des familles recomposées.

Le CCSF a confié à M. Thiolon, ancien médiateur des caisses d’épargne, une étude qui devrait aboutir avant la fin de l’année ; nous pourrons alors vous en communiquer les résultats.

M. François Brottes – Je maintiens néanmoins l’amendement, car je souhaite que l’Assemblée nationale donne un signal fort, comme il y a trois ans ; sur un sujet aussi crucial, on ne peut compter sur la seule bonne volonté des partenaires.

L’amendement 1031, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Frédérique Massat – Notre amendement 1004 vise à interdire l’ouverture de crédits à la consommation sur le lieu de vente des biens. En effet le fait de pouvoir souscrire un crédit dans le magasin est une incitation aux achats irréfléchis et au surendettement ; en outre, il empêche le consommateur de comparer les conditions de crédit offertes par divers établissements. L’ouverture des magasins le dimanche risquerait d’amplifier encore le phénomène…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur  Nous sommes pour le crédit à la consommation, mais contre ses dérives ; et l’on ne peut nier que certains consommateurs se laissent abuser. Dans quelle mesure peut-on interdire la commercialisation du bien et du crédit dans un même lieu ? Sur ce sujet, les souhaits du groupe UMP rejoignent l’argumentation du groupe socialiste ; on ne peut tout résoudre par voie législative, mais il faudrait, Monsieur le ministre, que vous vous engagiez à proposer des solutions avant la fin de l’année.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le CCSF est au travail sur le crédit revolving, je l’ai dit. Cela dit, je ne pense pas que l’adoption de l’amendement serait un progrès pour les consommateurs : leur demander, lorsqu’ils achètent un appareil électroménager, de traverser la rue pour obtenir le crédit, c’est un peu hypocrite… Avis défavorable.

M. Jean Gaubert – Monsieur le rapporteur, vous ne pourrez pas continuer tout l’après-midi à nous dire que vous êtes d’accord avec nous tout en refusant nos amendements !

Monsieur le ministre, vous souhaitez la concurrence. Or, comment le consommateur peut-il mettre en concurrence plusieurs établissements de crédit à la consommation si le vendeur de l’appareil électroménager peut aussi lui vendre le crédit – sur lequel il touchera une commission ? Peut-être cette question ne relève-t-elle pas de la loi, peut-être mérite-t-elle d’approfondir la réflexion, mais la seule solution, c’est de disjoindre la vente du crédit de la vente du produit.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – On peut très bien poursuivre les mêmes objectifs que vous, Monsieur Gaubert, mais ne pas vouloir légiférer.

Actuellement, le prêteur doit maintenir son offre pendant quinze jours ; quant au souscripteur, il a la possibilité de se rétracter pendant sept jours – ramenés à trois en cas de prêt associé à une vente. Le problème, c’est que tous les consommateurs ne le savent pas ; mieux vaudrait travailler à leur information que modifier la loi.

L’amendement 1004, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 1006 est défendu.

L’amendement 1006, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 1009 est défendu.

M. Jean Dionis du Séjour – Monsieur le ministre, vous avez raison de dire qu’il ne faut pas diaboliser le crédit ; mais il est temps de se doter de dispositifs permettant de réduire le nombre de dossiers de surendettement.

C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement 1282, de créer un répertoire national recensant les crédits accordés aux personnes physiques, géré par la Banque de France.

M. François Goulard – Comme pour les entreprises !

M. Jean Dionis du Séjour – En effet. D’autre part, nous souhaitons – c’est l’objet de l’amendement 1281 – que tout établissement de crédit envisageant d’accorder un crédit à une personne doive s’informer préalablement de sa situation.

Ce système a été adopté par plus de dix pays européens ; et nous, depuis quatre ans – M. Chatel était alors à nos côtés –, nous faisons du sur place…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Les amendements 1009 et 1281 seront satisfaits par l’article 8 de la directive européenne, qui prévoit que les États membres veillent à ce qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur évalue la solvabilité du consommateur à partir d’un nombre suffisant d’informations fournies le cas échéant par ce dernier.

Quant à l’amendement 1282, il porte objectivement atteinte aux libertés publiques. Qui échappera à ce fichier positif ? Quelles dettes y inscrira-t-on ? Les effets pervers de ce type de fichiers conduisent d’ailleurs de plus en plus d’associations de consommateurs à s’opposer à leur mise en place. J’ajoute que Laure de La Raudière travaille actuellement sur ce sujet au sein de la commission des affaires économiques.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Avis défavorable. La directive relative aux contrats de crédit à la consommation, qui vient d’être publiée, demande en effet aux prêteurs d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur avant de conclure tout contrat. Elle n’est certes pas encore transposée, mais la jurisprudence définit précisément les contours de la responsabilité des prêteurs.

M. Jean Dionis du Séjour – Il y a deux façons de « tuer » un amendement : soit on dit que cela ne marchera pas, soit on répond qu’il est déjà satisfait. Vous venez d’en inventer une troisième en nous répondant que nos amendements vont être satisfaits par la directive. On croit rêver ! C’est précisément cette disposition de la directive que nous proposons de mettre en œuvre, et vous nous demandez d’attendre qu’elle soit transposée – autrement dit, d’attendre trois ans ! Un peu de sérieux ! Dites-nous que vous ne voulez pas le faire parce que les banques s’y refusent, si c’est cela, mais dites-nous la vérité !

M. Jean-Pierre Brard – Oui, la vérité !

Les amendements 1009 et 1281, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Gosnat – L’amendement 1028 rectifié vise à instaurer devant le tribunal d’instance une procédure de mainlevée similaire à celle qui existe pour la suspension de l’interdiction d’émettre des chèques en cas de contestation sérieuse. En effet, le FICP a souvent été détourné de son objectif. La CNIL a ainsi dénoncé le fait que des établissements de crédit maintiennent l’inscription sur ce fichier longtemps après que les dettes ont été remboursées. L’amendement vise donc à mettre en place une procédure simplifiée devant le tribunal d’instance, afin que le consommateur puisse faire vérifier la créance à l’origine du fichage et obtenir la mainlevée de l’inscription.

M. François Brottes – L’amendement 1117 rectifié est identique.

Les amendements 1028 rectifié et 1117 rectifié, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour – J’ai déjà défendu l’amendement 1282.

M. François Brottes – L’amendement 994 a le même objet. Le terme de fichier a certes une connotation désagréable, mais nous n’en avons pas trouvé d’autre… Nous proposons que ce soit le consommateur qui consulte le fichier et qui communique les informations le concernant à l’établissement prêteur. Cela aura l’avantage de responsabiliser ce dernier. Lequel d’entre vous n’a jamais entendu un vendeur dicter à son client ce qu’il faut écrire sur le formulaire pour que « ça passe » ?

Les amendements 1282 et 994, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Gosnat – L’amendement 1045 est défendu.

L’amendement 1045, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 997 prévoit que les services après-vente, d’assistance technique ou tout autre service chargé du traitement des réclamations se rapportant à un contrat de vente ou de louage sont accessibles via un numéro de téléphone gratuit.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Le sous-amendement 1471 substitue à la gratuité de ces numéros l’absence de surtaxation. Sous cette réserve, avis favorable à l’amendement.

M. François Brottes – Je crains que le sous-amendement ne réduise considérablement la portée de l’amendement… Entre la gratuité et l’absence de surtaxation, il y a la taxation.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est évident !

M. François Brottes – Néanmoins, il représente quand même une amélioration par rapport à la situation actuelle. Je ne m’y opposerai donc pas.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Avis favorable à l’amendement tel que sous-amendé par la commission.

Le sous-amendement 1471, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 997 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Vous avez la parole pour défendre l’amendement 749, Monsieur Brard. Peut-être pourriez-vous défendre les deux suivants en même temps ?

M. Jean-Pierre Brard – Non, car tout cela mérite explication. Notre ligne est claire : expliquer, expliquer et encore expliquer, pour montrer ce que le Gouvernement cherche à dissimuler.

Je ne pense pas que l’amendement 749 suscite l’enthousiasme de M. Chatel. Il s’agit en effet d’abroger sa loi, et je ne sache pas qu’il soit spontanément porté à l’autocritique…

La loi Galland de 1996 n’était pas parfaite, mais elle avait le mérite de protéger le petit commerce en empêchant les grandes surfaces de répercuter la totalité des ristournes et rémunérations des prestations commerciales consenties par leurs fournisseurs sur les prix de vente aux consommateurs. Cette interdiction a permis de mettre un terme à la pratique des prix d’appel abusivement bas.

En réintégrant la totalité des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte, la loi Chatel risque d’encourager le retour à cette pratique. Le seuil de revente à perte va en effet baisser, entraînant – pour un temps seulement – une chute des prix qui aura de graves conséquences sur les PME, les entreprises de distribution et l’emploi. La guerre des prix risque alors de conduire à la disparition du petit commerce de proximité, qui ne pourra faire face aux prix d’appel. Cette loi trouve son aboutissement dans la fin des restrictions à l’implantation de grandes surfaces que propose le présent texte.

L’artisanat et le commerce alimentaire de proximité, qui représente 25 % des parts de marché dans le secteur alimentaire, emploient 428 000 personnes contre 636 000 pour la grande distribution. Si la grande distribution n’a permis que 1 200 créations d’emplois nettes en 2006 – le plus souvent à temps partiel et sous-qualifiés – l’artisanat et le commerce alimentaire de proximité, eux, créaient 3 600 emplois selon les chiffres de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution.

Après avoir éliminé ses petits concurrents, la grande distribution pourra augmenter de nouveau ses prix de vente, d’autant plus facilement qu’il n’existe pas de concurrence réelle entre les distributeurs, qui disposent d’un monopole de fait dans chaque zone. Le consommateur n’en retirera aucun bénéfice.

Pendant ce temps, les marges arrière viendront à nouveau gonfler les bénéfices des grandes centrales d’achat, dont je rappelle les résultats pour 2006 puisque vous avez omis de le faire : vous aimez bien vos amis, mais vous n’aimez pas qu’on dise qu’ils ont les poches pleines…

M. Franck Gilard – C’est indécent !

M. Jean-Pierre Brard – Est-ce si indécent que cela de dire la vérité ? Carrefour : 1,857 milliard d’euros ! Casino : 600 millions d’euros !

Mais le dispositif mis en place nuit également aux fournisseurs. La baisse des prix à la vente est déjà inégalement partagée entre distributeurs et fournisseurs, le rapport de forces étant défavorable aux seconds.

Savez-vous, cher collègue qui m’accusez d’être indécent, que cinq centrales gèrent plus de 86 % des achats de la grande distribution…

M. Michel Piron – C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard – …en s’approvisionnant notamment auprès de 190 000 exploitations agricoles qu’elles prennent littéralement au collet ? Dans ces conditions, ce sont les centrales d’achat qui fixent les prix de leurs fournisseurs et les producteurs peuvent être conduits à vendre en dessous de leurs coûts de production, au risque de mettre en cause la survie de leur exploitation.

Les rémunérations consenties pour la coopération commerciale participent de cette domination économique. Or la prétendue suppression des marges arrière orchestrée par la loi Chatel n’a eu aucun effet. Nouveau Clemenceau qui enterre chaque problème en réunissant une commission, vous donnez aussi, Monsieur le ministre, tel Pujol, dans le trompe-l’œil ! Le tour de passe-passe que vous avez mis au point consiste à conserver des rémunérations qui atteignent parfois près de la moitié du prix – sans correspondre à une quelconque coopération commerciale –, simplement pour les intégrer dans le seuil de revente à perte. Lors de l’examen de l’article 21, nous proposerons de supprimer purement et simplement les contreparties financières de cette « coopération ».

Allons, Monsieur le ministre, on se grandit toujours en reconnaissant qu’on a eu tort : admettez que votre loi a fait du mal aux petits commerçants et acceptez notre proposition de l’abroger.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable, ce qui ne signifie pas, Monsieur Brard, que je ne partage pas un certain nombre de choses que vous avez dites…

M. Jean-Pierre Brard – Comme toujours !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Le fait est qu’il serait pour le moins prématuré de remettre en cause un équilibre qui n’a été atteint que récemment, sous l’impulsion de M. Sarkozy, alors ministre des finances, puis de M. Chatel.

Il faut savoir que, grâce à la loi Chatel, la pratique des prix d’appel a régressé… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Marylise Lebranchu – Nous ne fréquentons pas les mêmes magasins !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Il n’est pas contestable que les prix ont commencé de diminuer (Même mouvement), passant de l’indice 102 à l’indice 98.

M. Jean-Pierre Brard – On rigole dans les tribunes !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – M. Brard met en doute l’efficacité de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs…

M. Jean-Pierre Brard – Ce dont je doute surtout, c’est de votre capacité à la faire respecter.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Ce texte a pourtant lancé une dynamique de baisse des prix (Même mouvement). Deux grandes enseignes nationales se sont engagées à faire baisser la note du consommateur, l’une en remboursant la TVA à ses clients sur certains produits, l’autre en baissant les prix de manière significative sur un panier de produits de consommation courante. Dans les deux cas, il s’agit de répercuter l’intégralité des avantages fiscaux obtenus. En outre, le texte comporte des avancées notables dans le domaine de la défense des consommateurs, pour ce qui concerne notamment la téléphonie mobile, les relations avec les banques et la vente à distance.

Bien entendu, le Gouvernement est opposé à l’abrogation de cette loi et donc défavorable à l’amendement 749.

M. Jean Gaubert – Monsieur le rapporteur et Monsieur le ministre, les Français, s’ils vous écoutent cet après-midi, vont vraiment avoir du mal à en croire leurs oreilles en entendant de votre bouche que les prix des produits alimentaires baissent ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Il est vrai que l’on voit fleurir des publicités sur la baisse de la TVA que consent une – et une seule – enseigne. Mais il faut savoir que, sur les 120 000 références que compte un supermarché, cela ne concerne au mieux que 200 produits. Monsieur le ministre, la réalité, c’est que la loi qui porte votre nom a pour effet de renforcer la pratique des prix d’appel et que nous gagnerions du temps, Monsieur Charié, si vous nous dispensiez d’arguments aussi tirés par les cheveux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Brard – Nous venons d’avoir confirmation que M. Chatel n’avait aucune disposition pour l’autocritique… Quant à notre rapporteur, il a trahi ses véritables motivations en refusant le crime de lèse-majesté que constituerait le fait de s’attaquer à un texte conçu sous les auspices du ministre de l’économie Nicolas Sarkozy…

M. Jean Gaubert – Éphémère ministre s’il en fut !

M. Jean-Pierre Brard – Oh, la constance n’est pas le fort de M. Sarkozy et gageons qu’il sera tout aussi éphémère dans ses fonctions actuelles… (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Peut-être les prix baissent-ils chez Fauchon ou Hédiard, mais je puis vous garantir que tel n’est pas le cas sur les marchés de Montreuil.

Quant aux grandes marques dont vous vous faites les supplétifs, ce ne sont pas les quelques ristournes qu’elles consentent sur une part infime de leurs références qui vont changer la donne. 1,8 milliard de bénéfices et vous nous demandez de sortir nos kleenex ? Mais peut-être Carrefour baisse-t-il aussi la TVA sur les mouchoirs jetables… (Sourires) Ce sont les marges de ces grands distributeurs qui font la vie chère.

Je ne sais, Monsieur le ministre, si vous vous êtes rendu récemment sur un marché…

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Pas plus tard que vendredi dernier !

M. Jean-Pierre Brard – Eh bien, je vous mets au défi de trouver une salade à moins d’un euro !

Un député du groupe UMP – Les vôtres sont gratuites ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Dire aux Français que le coût de la vie a baissé, c’est insulter tous ceux pour qui la fin du mois commence dès le 15. Ce sont de tels propos qui sont indécents ; ils donnent à croire que vivez dans une bulle qui n’a rien à voir avec le quotidien de nos concitoyens.

M. Pierre Gosnat – Très bien !

L’amendement 749, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Pierre Gosnat – Si la baisse de la TVA sur certains produits mise en œuvre par une grande surface enthousiasme tant le Gouvernement, qu’attend donc l’État pour la généraliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Franck Gilard – Avec quel argent ?

M. Pierre Gosnat – Notre amendement 953 vise à éviter la généralisation du travail dominical, dont nul n’est en mesure de dire qu’il concourt à la relance de l’économie…

M. Franck Gilard – Ni par conséquent d’affirmer le contraire !

M. Pierre Gosnat – Le problème prioritaire n’est pas d’étendre les horaires d’ouverture des magasins, mais de faire en sorte que tous les Français accèdent à un pouvoir d’achat suffisant pour consommer. Dans nos villes, plus encore sans doute qu’autour des grandes métropoles, l’ouverture dominicale fait souffrir les commerces de proximité. Et les salariés concernés ne sont pas libres de choisir de travailler le dimanche. Enfin, ce mode d’organisation déstructure la vie de famille et compromet la vie sociale. Chers collègues, le dimanche – l’argument devrait porter auprès de certains d’entre vous – est le jour du Seigneur et nous ferions bien de le respecter ! (Exclamations et rires sur divers bancs)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable. Je salue l’effort de tous les parlementaires qui ont déposé des amendements pour rester strictement dans le cadre de la présente loi. S’agissant du travail dominical, un grand débat aura lieu et le Parlement sera saisi dans un avenir proche d’une proposition de loi…

M. Jean-Pierre Brard – Avec M. Mallié comme rapporteur ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Sans préjuger de l’issue de nos travaux futurs, force est d’admettre que nul ne peut être totalement opposé à l’ouverture des magasins le dimanche, de même que nul ne peut prôner une ouverture totale, quelle que soit la situation locale. Dans un département aussi rural que le mien, interdire aux magasins qui dépannent les propriétaires de résidences secondaires de travailler le dimanche, c’est les condamner à fermer à brève échéance, une part non négligeable de leur chiffre d’affaire étant réalisée en fin de semaine. Sur le littoral ou dans les stations de sports d’hiver, chacun sait que l’ouverture dominicale s’impose. Mais il ne faut rien généraliser. Attachons-nous à trouver un équilibre susceptible de satisfaire tout à la fois, hors de tout clivage partisan, les consommateurs, les travailleurs indépendants et les salariés. Pour toutes ces raisons, nous sommes, à cette heure, opposés à cet amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Dans le cadre de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, le Sénat avait souhaité assouplir les dispositions relatives à l’ouverture du dimanche pour le secteur spécifique de l’ameublement. Cela répondait à l’attente des consommateurs, des professionnels et des salariés – qui, lorsqu’ils travaillent le dimanche, sur la base du volontariat, ont des avantages. Le Gouvernement a souhaité lancer le débat et a constitué un groupe de travail, où tous les points de vue sont représentés, car les problèmes de la région parisienne ne sont pas ceux des petites villes, et le groupe UMP a également souhaité travailler sur cette question.

M. Jean Gaubert – Sans vouloir rouvrir la discussion générale, je voudrais faire quelques observations. D’abord, Monsieur le rapporteur, à ma connaissance, le groupe socialiste n’a pas déposé de proposition de loi sur ce sujet – et, s’il l’avait fait, elle n’aurait pas été de même nature que celle de l’UMP… Essayer de faire croire qu’ouvrir les magasins le dimanche augmentera le pouvoir d’achat est vraiment extraordinaire : les prix ne seront pas moins élevés ce jour-là, alors même qu’on paye plus les salariés du commerce – pour l’instant en tout cas.

En revanche, cette ouverture peut provoquer un véritable déplacement de la consommation, et ce n’est pas pour rien que nos collègues de la zone commerciale de Plan-de-Campagne se battent : il s’est créé là un pôle de développement au détriment des autres villes de la région. Surtout, quelle société voulons-nous ? Une société de pure consommation, ou une société dans laquelle les jeunes pourraient avoir d’autres loisirs que de lécher les vitrines où sont exposés des biens qu’ils ne peuvent se payer ? Et croit-on que c’est en faisant travailler des mamans sept jours sur sept, avec des coupures, que l’on contribuera à résoudre les problèmes sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, du groupe GDR et du groupe NC)

M. Philippe Folliot – Nous sommes tous convaincus de la nécessité de la réforme. Mais est-ce une raison pour s’attaquer à ce qui fonctionne bien ? Sur cette question d’ouverture du dimanche, l’équilibre actuel est satisfaisant, et il ne faut pas le remettre en cause. En outre, je suis choqué par l’argument du pouvoir d’achat. Parce qu’ils iraient à un autre moment consommer ailleurs, les gens consommeraient davantage ? Bien sûr que non. Nous reviendrons sur le problème dans quelques semaines, mais le groupe du Nouveau centre est hostile à ce que l’on abandonne l’équilibre actuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC, du groupe SRC et du groupe GDR)

L’amendement 953, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, vous n’êtes pas enclin à l’autocritique, mais cela ne signifie pas que vous êtes immodeste au point de refuser que l’on évalue la loi qui porte votre nom. On nous a rebattu les oreilles avec la nécessaire évaluation des politiques publiques. Le projet va plus loi que la loi Chatel dans la libéralisation des relations commerciales, alors que cette loi n’a pas encore été évaluée.

L’intégration de l’ensemble des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte a pu relancer la pratique des prix d’appel prédateurs, et cela a eu des conséquences graves pour les PME et les petits distributeurs. Il faut avant toute chose dresser le bilan de cette guerre des prix qui, vous le savez, permet surtout aux grandes surfaces d’éliminer la concurrence pour pratiquer ensuite des prix de monopole. Le consommateur a-t-il seulement retiré de la loi Chatel les bénéfices promis ? Le savoir permettrait de juger ce ceux à attendre de la nouvelle loi.

Décidément, ce gouvernement pêche par aveuglement. Lorsque le premier président de la Cour des comptes dit que les gouvernements ont, depuis 2002, privé les caisses publiques de 60 milliards par leur politique d’exonération des charges sociales, vous n’en tirez pas les conclusions. Nous proposons, nous, par l’amendement 750, de le faire pour une autre politique, celle mise en place par la loi qui porte votre nom. Les rémunérations consenties pour la « coopération » commerciale traduisent en fait une domination à l’encontre des fournisseurs. Le nouveau texte les institutionnalise. À défaut d’autocritique, serez-vous assez modeste pour accepter qu’on évalue la loi qui porte votre nom ? J’y insiste car, jusqu’à présent, vous ne m’avez pas paru très réceptif à mes propositions.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable, pour les arguments que va développer M. le ministre… (Rires)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Monsieur Brard, ne feignez pas d’être surpris qu’après la loi du 3 janvier 2008, nous réformions à nouveau. Nous avions annoncé en décembre que nous procèderions en deux temps, en permettant d’abord la remontée totale des marges arrière – ce qu’a fait la loi de janvier –, puis la négociabilité, qui vous est proposée aujourd’hui.

Pour autant, nous ne refusons pas toute évaluation. C’est pourquoi le Gouvernement acceptera, après l’article 28, l’amendement 459 présenté par M. Méhaignerie, auquel vous pourriez vous joindre. Cet amendement prévoit la création d’une structure souple, légère, associant des parlementaires et des représentants des services de l’État, et qui travaillerait en étroite relation avec la commission d’examen des pratiques commerciales, pour suivre l’évolution de ces pratiques suite à la mise en œuvre de ces deux lois. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Mme Sandrine Mazetier – Nous avons tous reçu un premier document nous permettant d’évaluer les premiers effets de la loi du 3 janvier 2008 et de la guerre des prix. De fait, il nous permet d’en juger pour ce qui est non seulement des fournisseurs, mais aussi des consommateurs. Il s’agit d’un dépliant publicitaire vantant les pratiques commerciales de la grande distribution qui, avec ses prix d’appel, se fait fort de proposer des chariots de produits à moins de 30 euros pour une semaine. Mais les produits qu’on y propose nous plongent, de par leur nature et leur qualité, au-delà de l’horreur économique, dans l’horreur diététique. En termes de santé publique, les prétendus gains de pouvoir d’achat entraîneront en fait des dépenses ultérieures pour la communauté. Dans ce chariot à 30 euros, sur 30 produits proposés, dont 27 produits alimentaires, il y a une seule boîte de légumes ! On propose aux familles de se nourrir de chips, de lardons, de raviolis, de bâtonnets aromatisés au crabe, de riz, de produits sucrés. Mais, avec un humour involontaire, on les avertit également : « pour votre santé, évitez de manger trop sucré, trop salé », « évitez de grignoter entre les repas », et « consommez au moins cinq fruits et légumes par jour. » !

M. Philippe Folliot – C’est de la provocation !

Mme Catherine Coutelle – De la publicité mensongère !

Mme Sandrine Mazetier – Parmi les choses dont il était fier, M. Chatel a cité le remboursement de la TVA sur certains produits et ces chariots bon marché. Je ne vois pas, pour ma part, de raison de se réjouir de ce désastre qui s’annonce dans les assiettes et les organismes, alors que nous essayons de lutter contre l’épidémie d’obésité qui s’annonce. Ce genre de document est déjà un élément d’évaluation de votre loi de janvier qui en dit long.

Enfin, à la faveur de la loi sur la concurrence au service de la consommation, un amendement autorisant l’ouverture de magasins d’ameublement le dimanche à la périphérie des villes a été adopté au Sénat. Légiférant en urgence, nous n’avons pas eu notre mot à dire sur cette grave entorse au repos dominical ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, vous nagez dans les eaux glacées du calcul égoïste des grands groupes. Nous avons bien senti la gêne du rapporteur, qui est resté muet. Vous étiez vous-même gêné, mais guère perturbé. Alors que la majorité nous a gratifiés d’un grand spectacle appelé « Grenelle de l’environnement », dans lequel il a été question de cultiver et de manger sainement, et alors qu’une campagne est diffusée en ce moment à la radio et à la télévision pour que les Français mangent cinq fruits par jour, pourquoi le Président de la République, qui a des solutions pour tout, ne nous dit-il pas où trouver ces fruits ?

Notre collègue vient d’évoquer le problème de l’obésité. Nous savons quelles seront les conséquences de la politique commerciale et du modèle de consommation que vous favorisez : une espérance de vie réduite de treize ans pour les personnes obèses ! L’égalité devant l’espérance de vie n’est-elle pas un droit républicain fondamental ? Vous niez ce droit, de manière insidieuse.

Monsieur Chatel, vous nous avez dit que vous procéderiez en deux temps. Je vous invite à une démarche plus intéressante : comme en musique, le rythme à trois temps est plus riche que celui à deux temps. Au lieu de passer de Chatel à Lagarde-Chatel, que ne passez-vous pas d’abord par l’évaluation de Chatel, pour que nous soyons certains que nous ne prendrons pas de plus grands risques ? Or, vous préférez retenir l’amendement de M. Méhaignerie, dont nous connaissons bien le goût pour l’eau tiède : ni trop chaud, ni trop froid, il ne faut surtout fâcher personne ! Ainsi – sans parler du fait qu’il y a un certain sectarisme de votre part à ne retenir que les amendements de l’UMP –, vous vous apprêtez à créer une structure « souple et légère » ; vous auriez aussi bien fait de dire « aérienne », car cette mesure ne servira qu’à abuser les gogos !

M. Christian Jacob – Les cocos !

M. Jean-Pierre Brard – Vous voulez mettre du miel un autour de votre potion amère !

Il va nous être proposé de suivre les pratiques. Monsieur le Président, vous qui êtes médecin, vous savez que lorsqu’un médecin observe un patient,…

M. Christian Jacob – C’est ce qu’il est en train de faire !

M. Jean-Pierre Brard – …il ne se limite pas au diagnostic ; il formule un pronostic et prescrit une thérapie. M. Chatel, quant à lui, en reste au diagnostic. Monsieur le ministre, si vous aviez du respect pour l’esprit républicain, vous auriez accepté cet amendement, en faveur de l’évaluation (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

L’amendement 750, mis aux voix, n’est pas adopté.

ART. 21 (PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉ)

M. Lionel Tardy – Avec la négociabilité des conditions générales de vente, nous abordons un vrai problème. Je ne reviens pas sur la loi du 3 janvier 2008 ; à l’époque, nous avions clairement refusé cette négociabilité. Cet article me dérange en ce qui concerne un sujet qui m’est cher : la clarté de la loi. Alors que, dans le titre I, nous avons simplifié, nous complexifions dans le titre II. Par exemple, l’alinéa 5 de l’article prévoit la remontée sur facture des services distincts. Tous les juristes que j’ai consultés y voient une aberration et une impasse juridique.

Mme Marylise Lebranchu – Absolument !

M. Lionel Tardy – On est en train de monter une usine à gaz ! Les acteurs ne demandent pas grand-chose : ils veulent des règles compréhensibles et stables. Je crains que cet article ne leur apporte ni l’un ni l’autre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Philippe Folliot – Alors que je m’interrogeais sur la raison de ces dispositions, je crois avoir trouvé la réponse dans un article de journal, dans un « J’accuse », qui vient peut-être en écho à celui de Zola dans L’Aurore, un « J’accuse » lancé par un certain Michel-Édouard Leclerc… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Brard – Comparer Leclerc à Zola : il ne faut pas charrier, si j’ose dire ! (Sourires)

M. Philippe Folliot – …l’« hyper-bonimenteur », comme l’a appelé récemment un quotidien. M. Leclerc a lancé dans la revue Linéaires : « J’accuse la loi Chatel d’être criminogène ». J’ai donc ouvert mon dictionnaire : « criminogène : qui contribue à l’extension de la criminalité, à la propagande du crime ». Monsieur le ministre, quelle infamie pèse sur votre nom ! (Sourires)

Je vous lis un passage de cette interview : « Question : Nicolas Sarkozy vous a promis la négociabilité des conditions générales de vente au printemps, mais vous avez déclaré récemment douter de l’obtenir. Pourquoi ? Réponse : Je connais bien les coulisses du pouvoir et je sais combien la décision du politique est aléatoire. Question : Si le Président lui-même est convaincu, pourquoi n’avez-vous pas obtenu gain de cause cette année ? Réponse : C’est paradoxal, mais le Président de la République – l’hyper-président – nous dit être bloqué par sa majorité (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). L’explication est un peu courte. Ceci dit, il faudrait donner à lire aux étudiants en sciences économiques les comptes rendus de l’Assemblée pour qu’ils se rendent compte du fossé qui sépare nos élites politiques du monde économique. Il y a eu erreur de casting : on demande à ceux qui ont fait la loi Galland de se tirer une balle dans le pied : les Christian Jacob, Jean-Pierre Raffarin et autres Jean-Paul Charié qui pilotent aujourd’hui les débats de la commission des affaires économiques ont du mal à se déjuger. Ce n’est pas un hasard si, en son temps, Édouard Balladur, anticipant les réticences parlementaires, procéda par ordonnance. »

Ces propos nous interpellent. Je tiens à dire à M. Leclerc que les élus de la République ne sont pas à son service, mais à celui de l’intérêt général (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe SRC).

En légiférant trop souvent, nous légiférons mal (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC). Il ne faut pas donner aux entreprises et aux consommateurs le signal que l’environnement juridique est incertain. Si nous ne pouvons qu’être d’accord pour aller plus loin dans la transparence, avec notamment la suppression des marges arrière, qui sont une forme de racket organisé par la grande distribution au détriment des producteurs, et particulièrement des PME, nous ne devons pas pour autant perdre de vue les conséquences de la négociabilité sur la différenciation tarifaire.

Nous défendrons des amendements pour moraliser les relations entre la production et la distribution, car c’est le problème essentiel. Nous savons que les plus grandes fortunes de ces dernières années se sont constituées dans la grande distribution.

M. Jean Gaubert – Eh oui !

M. Philippe Folliot – Les relations entre les grandes centrales d’achat et les PME s’apparentent à celles qui existaient entre seigneurs et serfs (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Or, cela ne suffit pas à certains, qui voudraient en revenir aux relations de maître à esclave !

Cette politique a eu des conséquences dramatiques en termes de désindustrialisation du territoire. Dans le secteur textile, les industriels nous disent que 98 % des produits vendus par la grande distribution sont importés. C’est la conséquence de ce déséquilibre dans la relation des uns et des autres. Le général de Gaulle disait : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Elle ne doit pas se faire non plus dans le caddie de M. Leclerc !

M. Jean-Pierre Brard et Mme Sandrine Mazetier – Très bien !

M. Michel Piron – L’objectif que nous visons est de maîtriser les prix de vente – à propos desquels nous ne sommes pas les plus mal placés si l’on s’en tient aux indicateurs Eurostat ou aux analyses de l’INSEE – tout en sachant qu’il ne suffirait pas que les distributeurs achètent moins cher pour qu’ils restituent au consommateur final l’intégralité de la baisse. Le contexte, nous le connaissons tous, c’est l’explosion du prix de l’énergie, qui se répercute sur toute la chaîne des prix et tous les secteurs, en France comme dans le reste de l’Europe.

Pour faire baisser les prix, il faut aiguiser la concurrence ; c’est l’objet de ce texte. Mais de quelle concurrence s’agit-il ? Parle-t-on de la concurrence entre fournisseurs ? À cet égard, on doit admettre qu’il n’y a rien de commun entre les PME et Procter & Gamble ou Danone. On se félicite donc que l’excellente loi qui porte votre nom, Monsieur le ministre, ait imposé la restitution de l’intégralité des marges arrière. Parle-t-on de la concurrence entre distributeurs ? Le problème de fond, en ce domaine, est le poids immense d’une poignée de centrales d’achat. Que constate-t-on, si l’on compare la situation du commerce en France à celle de l’Italie, où l’urbanisme commercial est bien plus satisfaisant ? Une superficie de grande distribution double de celle de notre voisin, mais trois fois moins de points de vente ! Toute la question est de savoir comment agir contre la cartellisation de la grande distribution pour favoriser la diversification des formes de commerce ; c’est aussi l’objet du texte. S’agissant de la négociabilité, qu’on parle d’obligations ou de contreparties vérifiables, la voie est étroite entre l’étouffement provoqué par l’économie administrée, système auquel nous ne souscrivons pas, et la brutalité de l’économie de marché non régulée, à laquelle nous ne souscrivons pas davantage. La loi Chatel a de grands mérites, mais elle ne suffisait vraisemblablement pas, et son application demande une évaluation continue. Si une loi parvient à établir un meilleur équilibre entre fournisseurs et distributeurs, c’est par la voie du contrat que nous pouvons espérer atteindre à la souplesse nécessaire. Il reste donc à analyser, dans le débat qui s’engage, quelle souplesse les articles laissent aux négociateurs.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Nous sommes entièrement favorables à une plus grande transparence dans la négociation entre fournisseurs et grands distributeurs mais, comme M. Tardy, nous avons le sentiment que les dispositions prévues compliqueront la vie des petits fournisseurs. D’autre part, on se joue des Français en alléguant que ce nouveau texte fera baisser les prix (M. le rapporteur proteste).Voyez les relevés de prix dans la grande distribution, Monsieur Charié ! Le beefsteak haché a augmenté de 40 % en quelques mois, les pâtes de plus de 30 %, l’eau minérale d’à peu près autant, et le taux d’inflation moyen, pour les produits de première nécessité, s’établit à 11,5 % ! Par ailleurs, vous nous proposez un nouveau texte sans que nous ayons le recul suffisant pour évaluer l’impact de la loi Chatel et même des précédentes, ce qui nous empêche d’appréhender correctement ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire. Ainsi, on n’a pas le sentiment que la restitution intégrale des marges arrière, dont le président de la République s’était fait le chantre, ait véritablement fait baisser les prix.

Le nouveau texte ne prévoyant aucune réelle contrepartie pour les fournisseurs, on peut craindre l’aggravation du déséquilibre en faveur de la grande distribution. De plus, rien ne vient corriger le pouvoir exorbitant des grandes centrales d’achat, en position de force face aux PME et aux coopératives agricoles. Le projet ne dit rien non plus des monopoles qui se sont constitués dans certaines zones de chalandise.

Pour avoir été chargée, pendant dix ans, de la formation des prix de revient dans une PME qui vendait à la grande distribution, je puis vous dire que tous les prétextes – anniversaires en tous genres, ristourne du 31 décembre… – sont bons, quels que soient les termes de la loi, pour soumettre les fournisseurs à de nouvelles pressions. C’est cela qui doit cesser.

M. Jean-Pierre Brard – Si vous choisissez de ne pas écouter les arguments de la gauche, Monsieur le ministre, peut-être devriez-vous être attentif à l’opposition qui sourd de vos rangs. M. Piron aussi considère que l’on aurait dû commencer par évaluer la loi qui porte votre nom. Il pense d’autre part que le nouveau texte est perfectible et, même s’il ne l’a pas dit – mais ses silences sont éloquents – très perfectible…

M. Michel Piron – Si vous en venez à interpréter mes silences… (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Au fil des ans, la différenciation tarifaire a pris la forme des fameuses « marges arrière ». Depuis longtemps, elles ne sont plus la contrepartie d’une quelconque coopération commerciale, mais simplement un moyen pour les distributeurs et les fournisseurs de produits de marque nationale de contourner le cadre légal de la négociation commerciale en imposant des versements aux fournisseurs. Comme le note Mme Hagelsteen dans son rapport, cette fausse coopération n’a nullement diminué. Au contraire : les marges arrière, qui constituaient 33,5 % du prix net en 2005 atteignaient 37 % en 2006, une proportion considérable qui continue d’augmenter. Si vous vous refusez à entendre les députés, Monsieur le ministre, écoutez vos hauts fonctionnaires, dont la compétence n’est pas à démontrer ! Ces dérives ont évidemment suscité un tollé de la part des producteurs, et la Fédération nationale des producteurs de légumes vient de gagner un procès devant la cour d’appel de Caen face à une grande enseigne de distribution qui imposait de fausses coopérations. Devant ces critiques croissantes, le Gouvernement s’est senti contraint de réagir. Dans un premier temps, la loi Chatel a réintégré les marges arrière dans le seuil de revente à perte ; le présent projet va plus loin, en proposant de faire figurer les prestations en pied de facture.

Le credo du Gouvernement tient donc aujourd’hui en un mot : « moralisation ». Mais, puisque l’on continue de parler de « coopération » là où il s’agit ni plus ni moins que de domination, il y a loin du credo affiché à la morale véritable. C’est qu’il fallait compter avec une obsession majeure : comment apparaître relancer le pouvoir d’achat sans augmenter les salaires ? Il est apparu au Gouvernement qu’il pourrait résoudre la quadrature du cercle en prétendant confier à la grande distribution la mission historique de faire baisser les prix. Comment ? En faisant payer par les grands distributeurs un prix net très bas aux producteurs, prix qui serait répercuté sur le prix de vente – ce que rien ne prouve, puisque les distributeurs en profiteront essentiellement pour augmenter leurs marges...

Avec cet objectif, le projet veut rendre « libre » la négociation entre fournisseurs et distributeurs mais, chacun le sait, dans une « libre » négociation où le rapport de force est à ce point inégal, on aboutira à pressurer un peu plus les producteurs.

Pour parvenir à ses fins, le Gouvernement vide de leur substance les conditions générales de vente – un socle certes imparfait mais qui constituait néanmoins une protection – en permettant des dérogations sans limite et une différenciation tarifaire quelles que soient les catégories d’acheteurs. Et nous verrons que l’article 22 accentue encore ce détricotage. C’est le principe des vases communicants : on libéralise la négociation pour permettre aux distributeurs de conserver les marges qu’ils s’octroyaient sur l’arrière ! Dans ces conditions, faire figurer la coopération en pied de facture ne servira pas à grand-chose, puisque l’ajustement se fera ailleurs.

Pour nous, la solution est tout autre. Il faudrait, d’une part, renforcer les conditions générales de vente pour les rendre plus protectrices. Une négociation devrait donc conduire à faire évoluer le cadre légal, après que les organisations professionnelles auront été consultées, ce qui n’a pas été le cas.

D’autre part, il faudrait supprimer définitivement les contreparties financières à ce qui est une fausse coopération commerciale. Nous défendrons un amendement en ce sens, car il faut en finir avec les faux semblants et les dispositions perverses que vous nous proposez.

M. Jean Gaubert – Comme d’autres, je ne pense pas qu’il soit de bonne pratique de rédiger de nouvelles lois tous les six mois pour traiter les mêmes problèmes. Mais c’est qu’il fallait annoncer quelque chose avant les élections municipales – ce qui ne vous a d’ailleurs pas servi à grand-chose ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) De même, après avoir annoncé l’introduction fracassante de l’action de groupe dans notre droit, vous la repoussez à nouveau…

La première chose que demandent les entrepreneurs de notre pays est la stabilité législative. Ils en ont assez de lois qui changent tous les six mois – ils doivent, comme à nous, vous le dire, vous qui prétendez être si proches d’eux. Il aurait au moins fallu procéder à l’évaluation de la loi de janvier dernier avant d’en proposer une nouvelle. Vous aurez du mal à nous convaincre que celle-ci n’en est que la suite logique car, avant même que les entreprises aient eu le temps de s’adapter au nouveau contexte, vous bouleversez tout de nouveau.

Je le redis plus calmement que l’autre jour mais avec la même conviction, nous sommes devant un système mafieux, c’est-à-dire d’après le Larousse, un système où les victimes ne portent pas plainte par peur des représailles. Tel est bien le cas avec des PME lésées, rackettées, mais qui n’osent pas se plaindre car alors les distributeurs ne leur achèteraient plus rien et ce serait leur mort économique – le patron et ses salariés ayant ici partie liée. Or, vos propositions ne sont pas de nature à changer grand-chose à ce système inacceptable. Il est même à craindre qu’elles n’aggravent la situation. Ainsi, l’institution de catégories de conditions générales de vente ne fera qu’accroître l’opacité, ce qui faussera encore davantage la concurrence.

Comment pourrait-il d’ailleurs y avoir concurrence « libre et non faussée » quand il y a d’un côté cinq centrales d’achat qui dictent leurs conditions, et de l’autre, des dizaines de milliers de PME, dont le sort se trouve entre les mains des dirigeants de ces centrales ?

Le rapporteur, le président de la commission, le ministre nous assurent qu’un accord a été trouvé avec les petits fournisseurs. Le problème est que ceux-ci n’ont jamais donné leur accord à quoi que ce soit. Ils reconnaissent que des améliorations ont été apportées ici ou là, mais la situation générale ne les satisfait toujours pas. En un mot, on les avait menacés de leur couper la tête et on ne leur coupera finalement qu’un membre, ils devraient donc s’estimer heureux ! Voilà le résultat de votre « négociation ».

Le déséquilibre est total entre fournisseurs et distributeurs. J’en veux pour preuve le renvoi des marchandises sous un prétexte fallacieux – il suffit de laisser des fraises au soleil une heure pour prétendre qu’elles étaient impropres à la consommation ! –, ou bien encore le référencement payant – il suffirait d’interdire celui-ci pour gagner d’emblée 2 %. C’est l’argent des consommateurs français qui part ainsi à l’étranger pour servir le développement des grands groupes de la distribution. Mais tant que vous refuserez de vous attaquer à ce système, vous ne pourrez rien changer. Eh bien, que M. Leclerc qui nous demande de lui laisser faire son métier de commerçant, le fasse effectivement, c’est-à-dire achète, réceptionne les marchandises, les mette en rayons, les vende et s’il n’y parvient pas, fasse son affaire des invendus. Or, tel n’est pas le cas : il renvoie les marchandises si elles ne lui plaisent pas, se fait payer de suite pour la mise en rayons, remet à plus tard le paiement des fournisseurs et leur retourne les éventuels invendus. Cela, ce n’est pas faire du commerce, c’est gérer un dépôt-vente !

Je crains, hélas, que vos propositions n’aggravent encore les difficultés rencontrées par les PME. Oui, il existe un problème de prix. Une PME de mon département se plaignait à moi que des produits qu’elle fournissait pourtant au même prix soient vendus moins cher aux États-Unis que dans des grandes surfaces distantes de quelques kilomètres seulement. Est-ce normal ? Pensez-vous que c’est en accentuant la pression sur les PME que vous réglerez ce type de problème ? Ne faudrait-il pas regarder sérieusement ce qui se passe dans les grands groupes de distribution dont, Philippe Folliot l’a dit, l’enrichissement est parfois sans cause ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Marylise Lebranchu – La grande difficulté pour les PME est de comprendre les dispositions que nous allons prendre – ou ne pas prendre, je l’espère, en tout cas amender pour tenter de les améliorer. Ce domaine est éminemment complexe. Les plus petites d’entre elles, qui sont loin d’être les dernières en matière de valeur ajoutée, de salaires ou de bonnes relations avec les fournisseurs, agricoles par exemple, sont très inquiètes de ce nouveau texte, alors qu’elles n’ont même pas eu le temps de s’adapter à la loi précédente.

Le problème est qu’on continue de faire comme s’il n’y avait qu’un match entre les grands groupes et la grande distribution. Voilà des années qu’ils se battent sur ces questions de conditions générales de vente et de marges arrière ! Mais ces deux secteurs se portent tous deux extrêmement bien. Au nom de quoi appartiendrait-il à la représentation nationale d’arbitrer ce match ?

Cet article va encore aggraver la situation des PME en créant des catégories pour les conditions générales de vente. Jamais la petite entreprise de ma région ou de celle de Jean Gaubert ne connaîtra les conditions générales accordées aux grands groupes pour des produits analogues aux siens. À distinguer ainsi des catégories, on renforce la position dominante de l’acheteur, sans pour autant instiller davantage de concurrence sur un territoire donné. Une PME de conserves de poissons de ma région me disait n’avoir aucune chance, n’étant jamais convoquée qu’après les deux grands groupes qui se partagent 70 % du marché, et sur les prix desquels elle ne peut bien sûr que s’aligner. Les PME qui n’ont pas les moyens d’embaucher un conseiller juridique spécialiste des conditions générales de vente ne peuvent se battre à armes égales, d’autant que l’opacité sera encore plus forte.

Je vous invite à bien y réfléchir, chers collègues : ce n’est pas à nous d’arbitrer entre les grands groupes et la grande distribution. Si vous souhaitez vraiment, Monsieur le ministre, diminuer les prix, sans même parler d’abaisser la TVA, pourquoi ne pas taxer les marges ?

Au motif de régler un problème macro-économique de prix, qui mérite débat, nous sommes en train de trancher dans un combat qui ne nous regarde pas, à savoir qui réalisera le plus de marge, des grands groupes ou de la grande distribution. Nous avons tout faux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Ce titre II du texte aurait pu, à lui seul, faire l’objet d’un projet de loi tant il traite de sujets importants, comme la négociabilité, l’urbanisme commercial, les soldes, la TACA… Nous avons, Madame Lebranchu, un devoir d’ingérence dans les rapports entre fournisseurs, quelle que soit leur taille, et distributeurs. Très attachés, comme vous si je vous ai bien comprise, à l’exercice d’une concurrence non faussée au service du consommateur, nous considérons qu’un minimum de règles est nécessaire et qu’il appartient bien à la représentation nationale de les fixer. Le ministre comme moi nous étions engagés il y a quelques mois à revenir devant le Parlement pour traiter de cette question de la négociabilité.

Les enjeux sont considérables. Il s’agit bien d’abaisser les prix, mais pas à n’importe quel prix si je puis m’exprimer ainsi. Nous sommes attachés à la recherche du juste prix. Celle, systématique, du moindre prix peut coûter fort cher à la société et le consommateur a parfois intérêt à acheter un peu plus cher un produit de meilleure qualité ou qui durera plus longtemps. L’enjeu est de stopper la hausse continue des prix du fait de fausses factures, ou plus exactement de vraies factures de fausses coopérations – que nous avons qualifiées de racket.

Dès lors qu’on va garantir l’exercice d’une concurrence libre et loyale, on redonnera des capacités d’entreprendre et de créer de la valeur ajoutée, dont de nombreuses entreprises sont aujourd’hui privées à cause des pratiques commerciales.

Nous allons libérer la croissance. Enfin, et ce n’est pas le moindre enjeu, il est urgent de redonner un sens à l’économie de marché : la manière dont les fournisseurs sont traités par certains acheteurs ne relève pas d’une économie au service de l’homme, mais d’une économie mafieuse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Au sein du groupe UMP – et j’avais cru comprendre qu’il en était de même au groupe socialiste –, nous avons beaucoup évolué. J’ai souhaité dès le début me placer hors des clivages politiques car sur ces sujets, depuis 1973, à gauche comme à droite, nous nous trompons.

Il est par exemple nécessaire de revenir sur l’interdiction de la discrimination tarifaire : il est normal que celui qui paie plus tôt le fournisseur achète moins cher, de même que celui qui s’engage à acheter un certain volume.

Pour moi qui me bats depuis quelques années en faveur d’un système de libre et loyale concurrence à dimension humaine, il est quelque peu émouvant d’être le rapporteur de ce projet. Je salue la confiance que vous avez, les uns et les autres, bien voulu m’accorder pour ma ténacité.

J’ai conscience de la défiance d’un certain nombre de fournisseurs ; vous vous faites l’écho de leurs craintes, mais gardez-vous de les attiser. Leur réaction est normale, les promesses qui leur ont été faites ne s’étant jamais réalisées : on leur avait promis qu’ils seraient de moins en moins soumis à des pratiques déloyales, ils l’ont été de plus en plus ; on leur avait aussi promis que les marges arrière allaient diminuer… Je le reconnais dans mon rapport ; j’ai eu le courage de me remettre moi-même en cause.

Il est de notre devoir de faire évoluer la situation : si nous laissons perdurer des pressions inadmissibles sur les fournisseurs, ce sont des pans entiers de notre économie qui vont disparaître. La volonté politique existe : sous l’impulsion du Président de la République, le Premier ministre, Mme la ministre de l’économie et vous-même, Monsieur le secrétaire d’État, avez pris des engagements clairs. Le groupe UMP tient à saluer la qualité de votre travail et se félicite d’avoir pu collaborer à l’élaboration de ce projet. Je tiens également à saluer, au sein de la commission présidée par M. Patrick Ollier, l’attitude des commissaires socialistes.

Que changeons-nous ?

Tout d’abord, nous n’interdisons plus les discriminations tarifaires.

Ensuite, nous posons le principe de la négociabilité des tarifs, qui existe partout sauf dans les relations avec la grande distribution. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’on laisse le renard entrer dans le poulailler : négocier, ce n’est pas étrangler ; c’est s’engager de manière réciproque. C’est pourquoi nous parlons d’« interdiction des déséquilibres significatifs » et – dans l’amendement que je présenterai tout à l’heure – d’« obligation réciproque » dans le contrat préalable unique.

Fin avril, les fournisseurs étaient inquiets ; aujourd’hui, ils partagent notre analyse.

Mais il ne suffit pas d’inscrire des règles dans la loi, il faut faire en sorte qu’elles soient appliquées ; d’où le maintien de l’autosaisine du ministère public, l’appel aux commissaires aux comptes et notre volonté de développer les actions de groupe, de spécialiser les tribunaux et d’augmenter les amendes.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Sur tous ces bancs, vous avez très bien décrit l’impasse dans laquelle se trouve la grande distribution française, qui est victime d’un manque de transparence et d’un manque de concurrence.

Ce projet a précisément pour objet de rendre les relations entre distributeurs et fournisseurs transparentes et de mettre davantage de concurrence dans le système, au bénéfice des consommateurs.

La loi Galland a été structurellement inflationniste. En dix ans, la hausse des prix des produits de grande consommation a été deux fois plus forte en France que dans la moyenne des pays européens ; le consommateur en a été la première victime.

Nous proposons donc une réforme très importante, consistant à s’aligner sur la pratique des autres pays développés. Le commerce, me semble-t-il, c’est la négociation ; or en France, on négocie dans toute l’économie sauf dans la grande distribution. Ce système a conduit au développement du système absurde des marges arrière, et par conséquent à l’inflation : si les fournisseurs ont beaucoup augmenté leurs tarifs, c’est en anticipant sur les marges arrière qu’ils auraient à rétrocéder aux distributeurs.

Bien entendu, la liberté de négocier ne doit pas signifier la loi de la jungle. C’est pourquoi nous ménageons des garde-fous.

Tout d’abord, nous maintenons l’interdiction de revente à perte : nous sommes contre la baisse de prix provoquée par un îlot de perte dans un océan de profits.

Ensuite, nous considérons que la négociation commerciale doit s’opérer sur la base des conditions générales de vente du fournisseur, lesquelles s’appuient sur la réalité économique du prix de revient.

Nous proposons par ailleurs de renforcer les garanties et les sanctions, avec l’institution d’une autorité de la concurrence.

Ce texte est donc équilibré. Ne l’oublions pas, les premières victimes du système des marges arrière ont été les PME fournisseurs de la grande distribution.

Cette réforme constitue la dernière étape d’un travail collectif, commencé en 2004 par M. Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’économie, et qui a conduit à l’adoption de la loi Dutreil, préparée par Christian Jacob, et à celle que vous avez adoptée en janvier dernier, relative à la concurrence au service des consommateurs. Nous y avons beaucoup travaillé avec Jean-Paul Charié. Patrick Ollier, président de la commission, avait constitué un groupe de travail qui a contribué à faire évoluer les positions de chacun. Je rends d’ailleurs hommage aux parlementaires qui y ont participé : en deux ou trois ans, nous avons su rapprocher nos positions, ce qui nous permet de vous présenter aujourd’hui un texte qui marque la sortie du système des marges arrière. C’est une réforme très importante pour l’assainissement des relations entre distributeurs et fournisseurs, mais aussi pour la baisse des prix. N’oublions pas que l’inflation a surtout bénéficié aux grands distributeurs et aux industriels, et que c’est le consommateur qui a payé la facture ! C’est à tout cela que nous allons mettre un terme.

M. Jean-Pierre Brard – Vous y croyez ?

M. François Brottes – Rappel au Règlement sur le déroulement de nos travaux. Je tiens en effet à répondre à la commission et au Gouvernement.

L’hypocrisie est grande. Ce n’est pas parce qu’un système est mauvais qu’il faut en inventer un pire, Monsieur le ministre ! La grande illusion, c’est de faire croire aux consommateurs qu’ils vont être gagnants avec cet article, et aux fournisseurs qu’ils vont enfin pouvoir valoriser leurs produits à un niveau convenable.

M. le rapporteur est un homme d’une grande sincérité et d’une grande honnêteté, dont l’engagement est sans faille…

M. Jean-Pierre Brard – Il est candide !

M. François Brottes – … mais il est en train de se faire avoir.

M. Jean-Pierre Brard – Il est naïf !

M. François Brottes – Pour négocier, il faut déjà être référencé dans une centrale d’achat. Or – et ni M. le rapporteur ni M. le ministre ne l’ont dit – pour être éligible au référencement, il faut verser un bakchich. Cela se passe avant la libre négociation. Et ce système mafieux, pour reprendre l’expression de Jean Gaubert, n’est pas remis en cause.

Vous nous dites que le commerce, c’est la libre négociation. J’en appelle donc à tous les consommateurs de notre pays pour qu’ils entament une libre négociation avec leur distributeur lorsqu’ils iront faire leurs courses samedi !

Bref, Monsieur le ministre, on se moque de nous ! Je tenais à le dire avant d’aborder la discussion des amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR).

La séance, suspendue à 17 heures 35, est reprise à 17 heures 55.

M. le Président – Nous en venons à l’amendement 570 qui supprime l’article 21. Bien entendu, s’il était adopté, nos travaux connaîtraient une notable accélération ! (Rires)

 François Brottes – Vous m’enlevez, Monsieur le président, le premier argument que je voulais développer… (Même mouvement)

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le démontrer, la suppression de cet article s’impose car la négociabilité sans contreparties, c’est le pot de terre contre le pot de fer. Les victimes seront les fournisseurs, privés de la capacité de négocier et forcés de continuer à payer des bakchichs pour être référencés. Je souhaiterais du reste que M. le ministre puisse dire un mot du référencement, car le problème est bien réel et je sais que notre rapporteur y est sensible. Nous considérons que le dispositif proposé sera sans effet durable sur les prix car lorsqu’un certain nombre de fournisseurs auront disparu du paysage, les prix recommenceront à augmenter, les marges des distributeurs également et c’est le consommateur qui paiera les pots cassés.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable. Que l’on parle de contreparties, d’engagements ou d’obligations, il n’est pas question que la négociabilité se fasse dans n’importe quelles conditions… (M. François Brottes s’exclame) C’est pour cela qu’il sera interdit de créer des déséquilibres significatifs entre le fournisseur et le distributeur.

M. François Brottes – Allons donc !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Vous avez parfaitement le droit de ne pas être d’accord mais, de fait, vous serez satisfait sur la forme comme sur le fond et je m’engagerai personnellement, Monsieur le ministre, à ce que cette loi soit appliquée.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – La négociabilité n’est pas la loi de la jungle. Dans ce texte, nous nous inspirons du rapport de Mme Hagelsteen, ancienne présidente du conseil de la concurrence, qui proposait plus de liberté mais aussi des garanties pour les fournisseurs. Nous avons donc mis des garde-fous en renforçant l’abus de puissance d’achat, en donnant au juge la possibilité de rechercher les déséquilibres significatifs entre droits et obligations, en remontant le plafond de l’amende civile, en proposant des astreintes et la publication des jugements et en renforçant le rôle de la CEPC. Ce texte accroîtra la transparence du système. Avis négatif sur l’amendement.

Mme Catherine Coutelle – Dans son rapport, page 33, M. Charié écrit : « Aucune entreprise n’est totalement libre. Il est illusoire de légiférer sur la nature même des lois du marché. La libre concurrence ne protège pas les rentes de situation. La libre concurrence ne couvre pas les incompétences. La libre concurrence permet aux plus faibles de concourir. La libre concurrence permet de sanctionner les pratiques déloyales, non éthiques. » Mais en tête de ce développement, il disait d’abord que « les relations commerciales seront toujours empreintes de rapports de force, de dépendances économiques, de positions dominantes… » Nous ne sommes pas du tout sûrs qu’avec ce texte vous allez infléchir ce rapport de forces en faveur des plus faibles.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nos opinions divergent.

M. Jean Gaubert – Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, vous êtes sans doute de bonne foi. Mais quels moyens aurez-vous de vérifier que l’équité sera assurée ? Les conditions générales de vente sont applicables aux acheteurs d’une même catégorie. Celles qui seront faites à une centrale d’achat ne le seront pas aux grossistes qui desservent les petits commerçants.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Pourquoi ?

M. Jean Gaubert – Ils relèvent de catégories différentes. Et comme ces conditions ne pourront pas être communiquées entre catégories, personne ne pourra savoir qu’il est traité différemment. Surtout, vous ajoutez que les conditions particulières de vente ne sont pas soumises à communication. Il est évident qu’elles vont primer et qu’en fait, il n’y aura plus de conditions générales de vente. Il y aura des conventions de conditions particulières de vente avec chaque centrale d’achat et sans doute même, à l’intérieur d’une même centrale, avec certains grands magasins. Vous faites exploser le système. Chaque petit fournisseur sera seul face à la grande surface. Tout ce qu’il aura à décider, c’est s’il accepte ou non les conditions générales d’achat qu’on lui fera, et qui seront baptisées conditions particulières de vente.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Je souligne simplement que l’ensemble des obligations, des engagements et des contreparties sera mentionné dans un document unique, la convention préalable. Ce sera fait de façon globale plutôt que ligne à ligne – sauf si cela se justifie – car cette dernière formule a été à la source de toutes les dérives. Grâce à ce contrat, nous pourrons, avec les services du ministère, vérifier qu’il n’y a pas de déséquilibre entre les parties. Demain, certes il y aura toujours des rapports de force, mais je m’y engage, l’équilibre sera rétabli et ce ne sera plus, comme c’est le cas depuis 15 ans, la loi de la jungle.

M. François Brottes – Nous ne vous croyons pas.

L’amendement 570, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Catherine Coutelle – Notre amendement 571 supprime les alinéas 1 à 3. L’alinéa 2 dispose que « les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. » Entre ces catégories, il n’y aura pas de communication. Figurent-elles dans le code de commerce ? Comment sera-t-on classé dans l’une ou l’autre et qui va en décider ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous avons parfaitement conscience qu’il y a des différences, et des discriminations entre catégories d’acheteurs, que ce soit sur les volumes, sur la qualité, sur la façon de travailler. En fonction des catégories, il peut y avoir des conditions différentes. Ce qu’il ne faut pas, c’est que ces catégories créent des déséquilibres entre le fournisseur et le revendeur. Au lieu de nous appuyer sur des sécurités juridiques, nous nous appuyons sur le bon sens économique. Les acteurs doivent redevenir des partenaires. C’est ce qui se passe dans tous les autres secteurs ; il est urgent que cela redevienne le cas dans la grande distribution à dominante alimentaire.

Mme Catherine Coutelle – Je ne comprends toujours pas qui est dans une catégorie : distingue-t-on entre les bouchers et les vendeurs de légumes, entre les petites et les grandes entreprises, entre les coopératives et les indépendants ? Il me faudrait des exemples. Je ne comprends pas non plus pourquoi on ne peut pas rendre publiques les conditions différentes faites aux uns et aux autres. Un producteur local n’aura certes pas les mêmes conditions qu’un groupe international. Mais pourquoi cacher aux autres les conditions qui lui sont faites ?

M. Pierre Gosnat – Notre amendement 751 est identique. Cet article ôte tout contenu aux conditions générales de vente. Certes, elles sont peu protectrices, puisqu’elles ne sont qu’une base de négociation. Au moins celle-ci s’engage-t-elle à partir des propositions des fournisseurs, et le producteur peut s’y référer pour dénoncer une discrimination. Le fait que ces conditions soient communiquées à tout acheteur professionnel permet parfois à de petits producteurs de s’entendre pour fixer un prix plus élevé. Et les avantages qui y figurent ont vocation à être octroyés aux autres producteurs dans la même situation.

À l’inverse, avec la négociabilité totale, les distributeurs peuvent s’en donner à coeur joie pour exiger des rabais et des ristournes de leurs fournisseurs, qui risquent de se transformer en simples sous-traitants.

Quant à la relance de la concurrence entre distributeurs, c’est un leurre, du fait des monopoles sur les zones de chalandise. Or votre réforme de l’équipement commercial renforcera les positions locales déjà fortes des grandes surfaces.

Il faut renforcer les conditions générales de vente, et nous appelons le Gouvernement à lancer une vaste consultation des organisations professionnelles pour leur fixer un nouveau cadre légal. Mais vous tournez le dos à la concertation.

La loi de 2005 en faveur des PME prévoyait que les conditions générales de vente puissent différer selon les catégories, notamment entre grossistes et détaillants. Il n’y a pas eu de décret d’application. Désormais, on met donc sur un pied d’égalité des multinationales comme Danone et des petits paysans.

D’autre part, on pourra recourir à des conditions particulières de vente sans avoir à le justifier par la spécificité des services rendus : c’est remettre en cause le principe même des conditions générales de vente. Vous vous inspirez en cela du rapport de Mme Hagelsteen pour laquelle les conditions générales de vente n’ont pas vocation à protéger des concurrents, aussi petits soient-ils, d’opérateurs plus importants, d’opérateurs dominants. Quel aveu ! Dans ce cas, allez au bout de votre logique ultra-libérale, en les supprimant purement et simplement !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux amendements qui vont à l’encontre de la logique poursuivie, à savoir favoriser la différenciation. Faire du commerce, ce n’est pas vendre à tout le monde au même prix, mais adapter ses conditions de vente à l’intérêt de chaque relation commerciale. En l’occurrence, le projet fait référence à des catégories, par exemple un grossiste par rapport à un grand distributeur vendant à des particuliers. Ces catégories, qui devaient être définies par décret, seront en définitive laissées à la liberté des fournisseurs.

M. Jean-Pierre Brard – C’est digne de la loi Le Chapelier !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Nous considérons enfin que les conditions de vente ne doivent pas être communiquées au-delà de chaque catégorie, car le risque est alors que se produise un alignement, au détriment de la différentiation que nous souhaitons développer.

Mme Marylise Lebranchu – Je ne comprends pas que nous évoquions dans la loi des « catégories », tout en disant qu’il n’y en a pas et qu’il n’y en aura jamais. Le rapport, à la page 297, est clair là-dessus : « La seconde modification supprime le renvoi au décret sur les différentes catégories d’acheteurs, qui n’a jamais été pris. L’avis 07-01 de la Commission d’examen des pratiques commerciales recommandait déjà de renoncer à la préparation d’un tel décret. Le rapport de Mme Hagelsteen développe la même analyse en préconisant de laisser au fournisseur toute marge de manœuvre pour définir ces catégories d’acheteurs. » L’article est donc sans portée !

M. François Brottes – Il ne sert à rien !

Mme Marylise Lebranchu – La loi doit être normative ; or, cette notion de « catégorie » n’a aucune valeur. Si je souhaite attaquer devant une juridiction le fait que je n’ai pas bénéficié des conditions générales de vente propres à ma catégorie, le juge me répondra que les catégories n’existent pas en droit, ou alors que les personnes que je croyais être de ma catégorie ne le sont pas… Il ne s’agit pas d’une norme, nous n’écrivons pas du droit.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Vous êtes bien conscients que nous pouvons passer une heure sur chaque mot, surtout si nous ne nous écoutons pas les uns les autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Mme Marylise Lebranchu – Vous évacuez l’argument !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Je vais vous répondre, en prenant l’exemple d’un fournisseur d’huile végétale. Ce fournisseur a une première catégorie d’acheteurs, qui sont les revendeurs directs, à qui il vend en bouteilles d’un litre. Il a une deuxième catégorie, qui sont les grossistes, dont il a besoin, car sans eux il n’aurait plus à faire qu’à de grandes surfaces. Il a, enfin, une troisième catégorie, qui sont les industriels, qui lui achètent son huile par gros bidons et avec qui il crée une toute autre chaîne économique.

Un certain secret des affaires doit être préservé ; l’équilibre au niveau du coût de fabrication ne peut être divulgué à tout le monde. Certains acteurs sont sans foi ni loi ; l’un d’eux a même affirmé qu’il ne détournait pas la loi, mais s’asseyait dessus ! La transparence totale serait une arme pour eux. Cependant, ce n’est pas parce que ce n’est pas totalement transparent que c’est opaque. L’ensemble des documents pourra être demandé par la DGCCRF, qui sera chargée de faire appliquer le principe de non-discrimination, c’est-à-dire, dorénavant, l’équilibre entre les fournisseurs et les acheteurs.

Mme Marylise Lebranchu – Le fondement juridique fera défaut !

M. François Brottes – Nous ne sommes pas dans un débat politicien. J’invite l’ensemble de nos collègues à relire la page 548 du rapport, avec les colonnes du texte en vigueur et du texte proposé. Ils verront que la nouvelle rédaction supprime toute référence à des catégories ; il n’existe donc plus aucune base législative pour une action juridictionnelle. La personne évoquée par M. Charié, qui s’assied sur la loi, tombera par terre, car il n’y a rien dedans ! Ce que vous allez adopter ne sert à rien, et il ne convient pas de laisser croire que cela a la moindre portée normative.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Notre débat porte sur deux sujets. Tout d’abord, la communication des conditions générales de vente. Il est proposé de créer des catégories de clients, dont j’ai rappelé ce qu’elles étaient. Le décret qui était prévu pour en dresser la liste n’a jamais été pris. Or, nous pensons à présent que les mieux à même de définir ces catégories sont les fournisseurs eux-mêmes, qui savent quels clients peuvent être subsumés sous une catégorie homogène eu égard aux conditions de vente.

Mme Lebranchu s’interroge en second lieu sur les moyens de recours. L’article L. 442-6 dispose que la DGCCRF peut introduire ce type d’actions devant la juridiction civile, de même que le Conseil de la concurrence.

Mme Marylise Lebranchu – Avec quel moyen ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – C’est une disposition qui a été ajoutée à la loi sur la concurrence au service des consommateurs adoptée le 3 janvier.

M. Michel Piron – J’ai bien compris l’enjeu de la différenciation. À partir du moment où nous l’admettons, nous n’avons pas forcément besoin de faire référence à des catégories dont on admet que nous ne les définirons pas…

M. François Brottes – Cela a le mérite d’être clair !

M. Christian Jacob – Nous ne pouvons naturellement pas voter des amendements de suppression sur des dispositions de cette importance. Toutefois, compte tenu de ce que vient de dire M. Piron, le Gouvernement ne pourrait-il mettre à profit la navette parlementaire pour améliorer la rédaction du texte ?

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Il n’y aura pas de navette !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Cette disposition a été adoptée dans le cadre d’un accord entre l’ensemble des fournisseurs et des distributeurs. Les premiers y voient une protection, car ils ne souhaitent pas avoir à communiquer les conditions générales de vente à l’ensemble des acteurs. Si je suis prêt à ce que nous l’examinions de nouveau au cours de la navette, je tenais à rappeler l’accord global qui s’est dégagé la concernant.

M. Jean Gaubert – La co-production législative peut encore faire des progrès ! En tout cas, le débat que nous venons d’avoir montre que votre texte est pour le moins inabouti. Il n’est pas satisfaisant juridiquement.

Vous ne semblez pas savoir la façon dont les choses se passent : à partir du moment où c’est le fournisseur qui définit ces catégories, un distributeur puissant, comme Leclerc, pourra demander à tel ou tel fournisseur de créer une catégorie pour lui ! En réalité, vous créez des conditions générales d’achat, et non des conditions générales de vente, qui devraient, quant à elles, s’appuyer sur un texte normatif.

Les amendements 571 et 751, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Gaubert – L’amendement 1318 est défendu.

L’amendement 1318, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – Par l’amendement 970, nous proposons la transparence complète des conditions générales de vente.

L’amendement 970, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean Gaubert – L’amendement 971 est défendu.

L’amendement 971, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur L’amendement 352 est rédactionnel.

L’amendement 352, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Lionel Tardy – Je retire l’amendement 328. Par l’amendement 1197 je propose de réintroduire les garde-fous qui ont été supprimés. Il faut éviter que, dans une négociation qui met face à face des parties à la puissance très inégale, les producteurs ne se fassent écraser. Ne pas spécifier que l’octroi d’avantages supplémentaires dans le cadre des conditions particulières de vente doit se justifier par des contreparties de la part du client, c’est accepter le capitalisme sauvage, qui n’a rien à voir avec la vraie conception libérale des relations commerciales.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Avis défavorable. Nous considérons que le producteur doit être libre de moduler ses tarifs s’il trouve intérêt à vendre à un distributeur plutôt qu’à un autre. Rétablir l’obligation que nous avons supprimée conduirait en réalité à maintenir les marges arrière, qui prendraient la forme de fausses contreparties. Je vous invite à retirer l’amendement.

M. Lionel Tardy – Je le retire.

M. François Brottes – Il est repris, et nous demandons un scrutin public.

M. Jean Gaubert – Par l’argument que vous avez avancé pour repousser la proposition de M. Tardy, vous vous êtes démasqué, Monsieur le ministre. En refusant d’inscrire dans la loi qu’il doit y avoir des contreparties précises aux avantages consentis, vous acceptez en réalité qu’il n’y ait pas de négociation réelle. Voilà qui démontre de manière éclatante le caractère déséquilibré d’une loi écrite pour M. Leclerc et ses complices.

L’amendement 328 est retiré.

À la majorité de 40 voix contre 19 sur 59 votants et 59 suffrages exprimés, l’amendement 1197, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 573 est défendu.

L’amendement 573, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Au fil des ans, la différenciation tarifaire a pris la forme des fameuses « marges arrière ». Depuis longtemps, elles ne sont plus la contrepartie d’une quelconque coopération commerciale mais simplement un moyen pour les distributeurs et les fournisseurs de produits de marque nationale de contourner le cadre légal de la négociation commerciale en imposant des versements aux fournisseurs. Comme je l’ai indiqué précédemment sans que le ministre y trouve matière à commentaire, Mme Hagelsteen a noté que cette fausse coopération n’a nullement diminué, tant s’en faut, puisque les marges arrière, qui constituaient 33,5 % du prix net en 2005, atteignaient 37 % en 2006. En quoi le fait de mentionner les prestations en pied de facture améliorera-t-il la transparence ? Étant donné les faibles moyens de la DGCCRF, comment la qualité des prestations sera-t-elle vérifiée ? L’interrogation est d’autant plus légitime que vous réduisez continûment les effectifs de la direction générale des impôts et que vous multipliez les consignes destinées à empêcher les fonctionnaires du fisc de procéder à ce type de contrôles. De ce fait, les distributeurs continueront de trouver des « prestations » non encadrées. Le meilleur moyen de remédier à ces dérives est de supprimer définitivement les contreparties financières à ce qui est une fausse coopération commerciale. Il est anormal que les fournisseurs payent ce qui relève des charges normales du distributeur : mises en tête de gondole, promotions des enseignes, référencements, etc.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur La réécriture de l’article L. 441-7 du code de commerce que vous proposez a pour conséquence de supprimer la convention unique. Par ailleurs, une petite entreprise qui n’a pas les moyens de financer à elle seule une campagne de publicité télévisée peut trouver intérêt, si cela ne lui est pas imposé, à cofinancer des têtes de gondoles chez des revendeurs. C’est pourquoi je m’oppose à l’adoption de l’amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Vous souhaitez que les coopérations commerciales ne soient plus facturées, les tenant pour des charges incombant aux distributeurs. Ce n’est pas le cas, puisque les prestations fournies pourraient l’être par un autre prestataire que le distributeur. Le vrai problème est autre : c’est celui de la fausse coopération commerciale, due à ce que, puisqu’on ne pouvait plus négocier sur l’avant, on a négocié sur les prestations annexes. Nous vous proposons de tout remettre à plat et de revenir au cœur de la négociation, qui doit porter sur le prix du produit et non sur les prestations annexes. Avis défavorable.

M. Jean Gaubert – Je suggère que l’on remplace dans cet amendement le mot « gondole » par le mot « galère » (Sourires).

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, vous ne croyez pas un instant à la négociation car il n’en est jamais de possible entre le puissant et le faible. Il n’y a que d’un côté un diktat, de l’autre un acte de reddition.

Vous semblez découvrir la lune aujourd’hui mais qu’avez-vous fait depuis six ans que vous êtes au pouvoir pour moraliser une situation aussi immorale ? En réalité, vous cherchez des habillages pour protéger les intérêts de ceux que vous défendez. Vous faites semblant de protéger les fournisseurs et les consommateurs, quand vous ne faites que beurrer davantage la tartine de ceux qui n’en ont nul besoin. Je suis bien entendu tout à fait favorable à la suggestion de M. Gaubert…

L’amendement 876, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Pierre Gosnat – L’amendement 768 est défendu.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Une véritable coopération commerciale, loyale et justifiée, doit être possible entre grossistes et revendeurs, sans pour autant qu’elle ait à être directement orientée vers les consommateurs. Tel est l’objet de l’amendement 353.

M. Philippe Folliot – Le ministre a insisté tout à l’heure sur la nécessité d’accroître la transparence des négociations entre fournisseurs et distributeurs. L’amendement 1344 renforcerait cette transparence en permettant d’identifier clairement sur la facture du fournisseur le poids des services distincts dans le prix d’achat effectif. Il préciserait que « la coopération commerciale permet aux parties d’affirmer leur volonté commune de travailler ensemble, de convenir des modalités de leur collaboration et de fixer les avantages différés correspondant à leur accord. »

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – La commission est très défavorable à la redéfinition de la coopération commerciale, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

M. Philippe Folliot – C’est dommage !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement est favorable à l’amendement 353, et défavorable aux 768 et 1344.

L’amendement 768, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’amendement 353, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 1344 tombe.

M. Pierre Gosnat – L’amendement 769 tend à supprimer l’alinéa 5 qui vise à permettre la rémunération des services distincts sous forme de réductions de prix portées sur la facture du fournisseur. En effet, la remontée sur facture des services distincts pose un problème juridique de conformité au regard des règles de facturation et crée une incertitude quant à leur traitement fiscal, notamment en matière de TVA. Elle fait peser un risque de contentieux inacceptable sur les opérateurs qui rémunéreraient des prestations de services sous forme de remise ou de ristourne. Ces nouvelles modalités de facturation pénaliseraient par ailleurs particulièrement les entreprises de la distribution professionnelle qui facturent des prestations réelles, détachables de l’acte d’achat-vente, proposées pour répondre aux attentes spécifiques de la clientèle professionnelle et des fournisseurs. En outre, ces services spécifiques ne peuvent être concrètement rapportés aux factures d’achat émises par les fournisseurs. Les distributeurs professionnels reçoivent de leurs fournisseurs des centaines de factures par mois portant sur des milliers de références. La facturation des prestations de services est, pour sa part, le plus souvent bisannuelle. Et leur coût est établi au prorata du nombre de fournisseurs qui ont participé à l’opération. Ainsi la rémunération de ces services n’est-elle pas en relation directe avec les factures d’achat des produits. Il serait donc artificiel et très complexe de rapporter la rémunération de ces services au prix du produit sur chacune des factures émises par le fournisseur.

M. Lionel Tardy – L’amendement 1198 est identique. Je comprends parfaitement l’objectif recherché de transparence mais sur ce point précis, nous risquons une incohérence juridique. L’article L. 441-3 du code de commerce dispose que doivent figurer sur la facture les réductions de prix acquises à la date de la vente et directement liées à cette vente. Or, l’alinéa 3 de l’article L. 441-7 du même code définit les services distincts comme les services existant entre un client et son fournisseur, sans lien direct avec l’acte d’achat-vente. Faire figurer sur les factures les services distincts exigerait donc de modifier l’article L. 441-3 du code de commerce. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point comme sur la question des taux de TVA ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Je parle, moi, de la rémunération d’une véritable coopération commerciale menée dans l’intérêt de tous. Ses éléments devront figurer dans le contrat préalable, ce qui permettra d’ailleurs à la DGCCRF et au ministère public de vérifier qu’il n’y a pas de déséquilibre. Il n’est dès lors plus aussi important qu’auparavant de savoir qui rémunère, du fournisseur ou du revendeur. Voilà pourquoi la commission a repoussé ces amendements.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Nous souhaitons changer radicalement de système en dégonflant, grâce à la négociabilité, le dispositif absurde des marges arrière et en donnant la possibilité de négocier les services distincts en avant. Tout cela permettra une plus grande transparence.

Monsieur Tardy, les services distincts feront l’objet d’une négociation annuelle et le tarif négocié sera intégré dans la convention par le biais d’une facture globale.

Les amendements 769 et 1198, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour – Je profite de la présentation de l’amendement 1283 pour m’exprimer sur l’article.

Mme Catherine Vautrin – Ah non !

M. Jean Dionis du Séjour – Au Nouveau centre, nous sommes, nous, cohérents, contrairement à d’autres. Nous souhaitions le démantèlement des marges arrière, lequel n’était pas possible sans la négociabilité – à laquelle nous sommes par conséquent favorables. L’approche a été progressive de la loi Dutreil à la loi Chatel puis au présent projet. Il est vrai que le point d’arrêt de la loi Chatel sur cette question était maladroit – nous l’avions souligné à l’époque, mais l’affaire était politique. Il s’agissait de ne braquer personne avant les municipales. Cela n’a rien changé au résultat de ces élections tout en permettant à l’opposition de reprocher au Gouvernement de légiférer de nouveau sur le sujet six mois après ! J’invite mes collègues à ne pas être hypocrites : si on veut le démantèlement des marges arrière, il faut organiser le basculement en marges avant et donner de la souplesse à la négociation.

Notre amendement 1283 vise à assurer la cohérence de ce projet avec l’article L. 441-3 du code de commerce, qui contraint tout prestataire de services à émettre une facture afin de se faire rémunérer pour les services rendus.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur  Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Cet amendement reprend la version initiale du projet, tel qu’il avait été adressé au Conseil d’État. Celui-ci a relevé qu’il avait l’inconvénient de faire sortir les services distincts du périmètre de la convention unique, et donc de les faire échapper à tout formalisme et à toute obligation de négociation annuelle. C’est la raison pour laquelle je vous invite à retirer votre amendement, Monsieur Dionis du Séjour.

L’amendement 1283 est retiré.

M. Philippe Folliot – Mon amendement 1452 vise à préciser qu’au titre des services distincts non détachables de l’acte d’achat-vente, les réductions de prix acquises devront figurer, exprimées en pourcentage, sur la facture émise par le fournisseur lors de la vente de ses produits.

L’amendement 1452, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 1319 est défendu.

L’amendement 1319, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Lionel Tardy – Je retire mes amendements 792 et 1199.

M. François Brottes – L’amendement 1085 rectifié est défendu.

L’amendement 1085 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le Président – Nous en arrivons à quatre amendements pouvant être soumis à discussion commune.

M. Philippe Folliot – L’assouplissement du recours aux conditions particulières de vente par la suppression de la référence à la spécificité des services rendus par le client doit être équilibré par une véritable contrepartie, faute de quoi la négociabilité tarifaire risquerait de se faire aux dépens des fournisseurs. Je propose donc dans mon amendement 1345 qu’à compter du 1er janvier 2009, les engagements réciproques des parties soient formalisés dans la convention.

M. François Brottes – Notre amendement 1077 tend à indiquer dans la convention les contreparties, substantielles et vérifiables, aux avantages consentis : cela nous paraît indispensable, et c’est le seul sujet qui nous préoccupe dans ce débat. Nous demandons un scrutin public.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Tous les acteurs ont compris qu’il fallait un équilibre dans la libre négociation, autrement dit une négociation loyale. Mais plutôt que le mot « contreparties », qui risquerait d’être interprété « ligne à ligne », nous avons retenu, après avoir songé au mot « engagements », le terme « obligations » : l’amendement 354 de la commission, qui est essentiel, précise que la convention « indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix convenu à l’issue de la négociation commerciale ».

D’autre part, nous ne souhaitons pas inscrire dans le texte une date de mise en œuvre au 1er janvier 2009 : des accords conformes à cette loi doivent être possibles dès sa promulgation.

M. Lionel Tardy – Plus le mot « obligations » recouvre de choses, plus la relation commerciale risque d’être déstabilisée en cas de souhait du fournisseur de faire évoluer son prix. Ce souhait peut résulter, par exemple, de la volatilité des cours des matières premières.

Mon sous-amendement 1569 tend donc à préciser que les obligations dont il s’agit sont celles qui ne sont pas détachables de l’acte d’achat, c’est-à-dire celles visées au 1° de l’article L. 441-7 du code de commerce ; ainsi, les services de coopération commerciale et les services distincts, visés au 2° et au 3° de cet article, ne risqueraient pas d’être remis en cause.

D’autre part, je retire l’amendement 329.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Ces trois amendements et ce sous-amendement traitent de la question des contreparties. Je tiens à saluer la brillante explication de M. Charié : il y aura toujours des contreparties, mais nous ne voulons plus du fameux « ligne à ligne » qui a nourri le système des marges arrière. Le Gouvernement soutient donc l’amendement 354 du rapporteur – mais pas le sous-amendement 1569 de M. Tardy.

Les amendements 1345 de M. Folliot et 1077 de M. Brottes traitent en outre de la date de mise en œuvre de la réforme, qu’ils proposent de fixer au 1er janvier 2009. Le Gouvernement entend permettre aux acteurs concernés d’accélérer la mise en œuvre de la réforme s’ils le souhaitent. Il faut donc qu’ils puissent négocier dès la promulgation de la loi. Avis défavorable.

M. François Brottes – L’amendement du rapporteur marque un petit progrès par rapport à l’absence de toute capacité de négocier pour les fournisseurs. C’est donc mieux que rien. Mais il n’évoque que des « obligations » là où le nôtre parle de « contreparties substantielles et vérifiables ». Que recouvre exactement ce terme d’obligations, Monsieur le rapporteur ? S’agit-il bien de contreparties ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est tout l’équilibre entre les parties qui est ici en cause. Ou c’est la loi de la jungle, et certains distributeurs imposent leurs conditions d’achat – comme aujourd’hui – en négociant par ailleurs toutes les conditions de vente, ou il y a libre négociation et donc équilibre. Je vous relis le texte de mon amendement : la convention « indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix convenu à l’issue de la négociation commerciale. »

M. François Brottes – Mais que sont ces obligations ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Le client s’engage par exemple à acheter tel produit dans telles conditions, à rendre tel service au fournisseur… Le fournisseur, lui, s’engage à vendre telle qualité de produit en telle quantité, à telle date, à consentir telle ou telle remise… Nous pouvons passer beaucoup de temps sur le choix du terme – contreparties, obligations, engagements – et nous l’avons fait en commission. Mais le plus important, c’est que tous les acteurs économiques et politiques refusent que les contrats créent des déséquilibres significatifs entre fournisseur et revendeur. Ce sera donc écrit dans la convention.

Je précise par ailleurs que la commission est défavorable au sous-amendement 1569.

L’amendement 329 est retiré.

L’amendement 1345, mis aux voix, n’est pas adopté.

À la majorité de 35 voix contre 21 sur 56 votants et 56 suffrages exprimés, l’amendement 1077 n’est pas adopté.

Le sous-amendement 1569, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’amendement 354, mis aux voix, est adopté.

M. Lionel Tardy – L’article L. 441-7 du code de commerce fixe au 1er mars la date limite de signature de la convention devant être conclue entre un vendeur et son distributeur. Cette date convient à la grande distribution alimentaire, mais n’a pas de sens pour d’autres secteurs comme ceux des équipements de sports d’hiver ou du jouet. L’amendement 1200 propose donc que chaque branche du commerce fixe la date de signature la plus pertinente au regard du rythme saisonnier de son activité.

L’amendement 1200, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 355 est rédactionnel.

L’amendement 355, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 1196 est retiré.

M. Philippe Folliot – L’amendement 1346 vise à inclure parmi les produits à statut particulier les produits transformés bénéficiant d’une AOC ou d’une IGP. Ces produits sont en effet soumis à des contraintes de production particulières, dont la délimitation des zones géographiques dont sont issues les matières premières. Ils constituent des éléments majeurs de notre patrimoine gastronomique, dont le Président de la République souhaite l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité. Nous devrions donc tous voter cet amendement !

Pour mémoire, les distributeurs et prestataires de services ne peuvent bénéficier de remises, de rabais ou de ristournes sur les produits à statut particulier – parmi lesquels figurent certains produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses, ou certains produits de la pêche et de l’aquaculture.

M. François Brottes – Et sans OGM ! Très bien !

M. Philippe Folliot – Sans faire de procès d’intention au rapporteur et au ministre, je remarque que jusqu’ici, aucun de mes amendements n’a reçu l’accueil qu’il méritait…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – À titre personnel, il y a beaucoup d’amendements auxquels j’aurais aimé ne pas avoir à donner un avis défavorable. Je le ferai pourtant ici encore (Protestations sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe SRC). Les produits agricoles frais sont soumis à des commercialisations au jour le jour. Il existe donc des contrats spécifiques, et nous aurons à évoluer là-dessus au profit du mode agricole. Mais les produits de la mer ou les fruits et légumes – dont les pommes de terre, qui étaient le seul légume à ne pas être intégré dans les produits périssables – obéissent à des contraintes spécifiques qui ne sont pas applicables aux produits transformés. Inclure les produits transformés bénéficiant d’une AOC ou d’une IGP dans cette liste serait en fait les desservir, puisqu’elles ne bénéficieraient pas des dispositions que nous venons de voter sur la libre et loyale négociation.

M. Christian Jacob – Il a raison !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Les produits agricoles non transformés ne sont en effet pas concernés par les dispositions dont nous débattons. Vous proposez d’inclure un certain nombre de produits transformés dans la liste des produits ainsi exclus du champ d’application du texte. Cela part d’un bon sentiment. La réserve, c’est que ces produits que vous souhaitez protéger ne seraient pas soumis aux conventions annuelles qui permettent aux producteurs d’obtenir des garanties de longue durée. L’absence de visibilité à un an risque de placer les opérateurs dans une situation d’insécurité préjudiciable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

M. Jean Gaubert – J’aimerais que l’on me précise ce que sont les produits agricoles non transformés. Je me suis demandé par exemple si c’était le cochon vivant par rapport à la viande de porc… Qu’en est-il des feuilles de salade emballées sous vide ? Est-ce un produit transformé ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Oui, absolument.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Monsieur Gaubert, aux termes de l’article L. 441-2-1, les produits non transformés sont les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, dont la liste figure dans un décret que nous aurons le plaisir de vous transmettre.

M. Jean-Pierre Brard – Qu’est-ce qu’un produit agricole impérissable ?

L’amendement 1346 mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean Gaubert – L’amendement 574 est défendu.

L’amendement 574, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Mon amendement 771 est important car il s’appuie sur l’histoire. Je sais bien que, sur les bancs de l’UMP, il ne reste pas beaucoup de gaullistes fidèles à l’héritage du général…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Cela vous va bien de l’invoquer !

M. Jean-Pierre Brard – C’est une résurgence, Monsieur Ollier, des vieilles complicités de la Résistance…

M. Christian Jacob – Je croyais que M. Brard avait renié le PCF !

M. Jean-Pierre Brard – C’est par fidélité à mon idéal que j’ai fait des choix particuliers et vous savez mieux que personne, Monsieur Jacob, qu’il vaut mieux être battu qu’infidèle à ses convictions.

M. Christian Jacob – J’ai apprécié votre défaite !

M. Jean-Pierre Brard – Je vous en remercie.

Dans les années 1930, l’Europe a connu une crise alimentaire sans précédent donnant lieu à une intense spéculation. Aussi, à la Libération, le Conseil national de la résistance a-t-il décidé de mettre en place un dispositif pour contrer la spéculation sur les produits alimentaires, afin que les petits producteurs puissent vivre du produit de leur travail. Le mécanisme fut appelé « coefficient multiplicateur » entre le prix au producteur et le prix au consommateur. Et puisque cela a marché, je ne vois pas pourquoi on y a renoncé.

Je décris brièvement le dispositif. Admettons que le coefficient multiplicateur soit de 1,5 : un distributeur qui payait une salade 10 centimes au paysan ne pouvait la vendre plus de 15 centimes au consommateur. Résultat, si le distributeur voulait bénéficier d’une meilleure marge sur le produit, la seule possibilité était d’augmenter le prix au producteur. En effet, en achetant la salade 20 centimes, il la vendait ensuite 30 centimes et bénéficiait donc d’une marge de 10 centimes au lieu de 5.

Ce mécanisme a perduré jusqu’en 1986, date où il a été supprimé du fait de l’ouverture des frontières aux importations agricoles.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Eh oui, voilà la vraie raison !

M. Jean-Pierre Brard – Or, du fait de la réapparition d’une crise alimentaire depuis quelques années, le Gouvernement a dû faire des concessions et il s’est résolu, par la loi de 2005 sur les territoires ruraux, a rétablir ce procédé en France, très précisément en cas de crises conjoncturelles ou en prévision de celles-ci, avec une durée d’application ne pouvant excéder trois mois.

M. Patrick Ollier, président de la commission – C’est exact.

M. Jean-Pierre Brard – Les modalités d’application de ce mécanisme de contrôle des prix n’ayant jamais été définies, ces dispositions sont hélas restées lettre morte. Le présent amendement propose d’étendre ce dispositif au-delà des situations de crise conjoncturelles, afin de permettre son application réelle et pour prendre en compte le fait que les déséquilibres auxquels il voulait remédier sont aujourd’hui généralisés au-delà d’une période particulière. Chacun s’accorde du reste à considérer que la crise alimentaire va durer.

Trois objections sont généralement opposées à la généralisation du coefficient multiplicateur. D’abord, il est prétendu que cela aurait un effet délétère sur les prix à la consommation. À cela, nous répondons que le taux doit être établi de façon suffisante pour garantir un minimum de marge aux distributeurs, grands et petits, mais pas trop élevé non plus, pour éviter la hausse des prix. À cet effet, nous proposons qu’une fois le principe adopté, une large consultation des associations de consommateurs, des producteurs et des distributeurs soit organisée pour fixer le coefficient. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de ce mécanisme que de permettre une vaste négociation nationale pour assurer un bon équilibre des intérêts des uns et des autres.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard – Ensuite, il est objecté que le coefficient multiplicateur, parce qu’il ne s’applique pas aux importations, les favorise au contraire. Cet argument est faux puisque le mécanisme s’applique à tout produit revendu en France.

Enfin, il est prétendu que Bruxelles s’y oppose. Or, l’on constate que de nombreux pays européens ont déjà mis en place des dispositifs similaires sans que la Commission n’y trouve rien à redire. Ainsi, l’Espagne a mis en œuvre un système très proche de « cliquet » qui, dès qu’une crise apparaît, déclenche la fixation automatique des prix. De même, en Allemagne, des outils de protection des fournisseurs ont été développés pour corriger les mécanismes du marché.

L’an dernier, M. Barnier a menacé de remettre en place le coefficient multiplicateur en dénonçant les abus de la grande distribution. Au vu du comportement actuel des centrales d’achat, je propose à présent de le prendre au mot. Une menace ne vaut que par la faculté que l’on a de passer à l’acte !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable. Par cet amendement, vous proposez de généraliser le coefficient multiplicateur à l’ensemble des produits agricoles périssables, y compris en dehors des périodes de crise conjoncturelle. Or, si le mécanisme fonctionne, c’est précisément parce qu’il est strictement circonscrit au traitement de crises ponctuelles dont la durée ne peut excéder trois mois. L’étendre se ferait aux dépens des agriculteurs français. Songez que les coûts de production de la fraise espagnole seront toujours inférieurs aux coûts français, du fait des écarts de rémunération de la main d’œuvre. En appliquant aux fraises nationales un coefficient multiplicateur forçant à les vendre à un certain prix, ce sont les marges d’exploitation des agriculteurs espagnols que l’on favorise directement. Nous avons travaillé le sujet de manière approfondi et nous sommes arrivés à la conclusion que c’était le type même de la fausse bonne idée.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le dispositif du coefficient multiplicateur tel qu’il existe aujourd’hui n’a jamais été mis en œuvre car il est très complexe. Comme cela a été rappelé, il vise à traiter des crises conjoncturelles et son extension ne semble pas opportune. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard – Il faut tout de même une sacrée dose de mauvaise foi pour tenir de tels propos ! Le rapporteur et le ministre font assaut de mauvaise foi. Monsieur le rapporteur, si j’ai parlé de l’Espagne, j’ai aussi évoqué l’Allemagne, confrontée aux mêmes problèmes que nous face aux fraises espagnoles. Votre argument est donc irrecevable.

Quant au ministre, il nous explique qu’un système qui a fonctionné pendant quarante ans serait subitement devenu trop compliqué pour être appliqué. Vraiment, nous avons des gouvernements dont le Q.I. baisse ! La vérité, c’est que vous avez tellement embrouillé les cartes pour des raisons idéologiques que vous préférez aujourd’hui vous cacher derrière votre petit doigt. Tout cela est fallacieux et le président Ollier, qui avait travaillé sur cette question…

M. Patrick Ollier, président de la commission – Ça, c’est vrai.

M. Jean-Pierre Brard – …sait bien que j’ai raison. Si vous aviez la volonté politique de protéger les revenus des paysans, notre amendement serait accepté. Las, peu vous chaut !

L’amendement 771, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean Dionis du Séjour – L’amendement 1284 demande que les dispositions de l’article soient applicables à compter du 1er janvier 2009, de manière à ce que la prochaine campagne tarifaire bénéficie de ces nouvelles mesures. Il serait stimulant de se fixer cette échéance car le secteur a besoin d’un environnement juridique clair et stable.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Même avis. Je l’ai dit, le Gouvernement n’est pas favorable à ce décalage. Il faut en effet que, dès la promulgation de la loi, les consommateurs puissent bénéficier des avantages négociés dans le cadre du nouveau dispositif.

L’amendement 1214, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’article 21, modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale