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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 17 juin 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
196ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉTECTEURS DE FUMÉE (DEUXIÈME LECTURE)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Les incendies domestiques provoquent environ 500 morts par an, auxquels s’ajoutent de nombreux blessés. Je partage la peine des familles endeuillées, et je transmets mes plus vives pensées aux victimes.

Cette proposition de loi de MM. Damien Meslot et Pierre Morange participe au souci qui est le nôtre de garantir aux personnes une sécurité raisonnable dans tous les aspects de la vie domestique. S’agissant des incendies, il faut d’abord lutter contre le feu – et je tiens à exprimer ma reconnaissance aux hommes et aux femmes des services départementaux d’incendie et de secours pour leur mobilisation exemplaire et leur capacité d’intervention dans des situations dangereuses. Il faut ensuite adapter les immeubles, qu’ils soient neufs, construits selon des normes strictes, ou anciens, en procédant alors à des travaux de réhabilitation, notamment dans les cas d’habitat vétuste. Il faut enfin avertir les ménages : c’est l’enjeu de cette proposition de loi.

L’exemple étranger, confirmé par les avis de la Sécurité civile, montre l’intérêt du déploiement de systèmes d’avertissement. Ils ne constituent pourtant ni un remède miracle, ni une protection absolue, comme l’a montré en particulier le rapport établi par MM. Doutreligne et Pelletier en 2005, qui préconisait l’incitation plutôt que l’intervention législative.

Pour être efficace, l’obligation d’équipement des foyers doit s’accompagner d'une part, de la définition du dispositif à mettre en place ; d'autre part, d'une bonne identification de la personne responsable de l'installation et de la maintenance ; et enfin, d'un accompagnement dans la mise en place et d'une information sur la conduite à tenir en cas d'incendie.

L’obligation d'installer des détecteurs responsabilise les personnes ; pour autant, il faut veiller à ce que toute la responsabilité d'un incendie ne soit pas rejetée sur les particuliers. Il faut protéger les personnes avant de protéger les biens : c'est pour moi un choix essentiel.

Les premières lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat ont proposé des analyses différentes : le texte présenté aujourd'hui, enrichi des amendements du rapporteur, permettra de préciser l'approche et les modes d'intervention.

Il faut bien définir la nature des équipements. Les « détecteurs autonomes avertisseurs de fumée »…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Qui les fabrique ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement – …sont des appareils autonomes, fonctionnant sur pile, qui ne sont donc pas raccordés à des réseaux électriques ou de communications électroniques. Ils ont un rôle d'avertisseur sonore pour les occupants des locaux, mais ne sont pas reliés à un centre d'incendie et de secours.

Les caractéristiques techniques des matériels font l'objet de normes CE et NF. La qualité technique des appareils sera précisée par décret afin de garantir le bon fonctionnement des appareils, tout en veillant à ce que le prix reste raisonnable.

Un amendement du rapporteur propose de revenir à la rédaction initiale adoptée par l'Assemblée nationale : c’est l'occupant du logement – le locataire ou le propriétaire occupant – qui est chargé de l'installation et de la maintenance de l'équipement. Cette disposition assure la cohérence avec la réglementation relative aux assurances ; c’est aussi une mesure pratique, car les propriétaires n'ont pas le droit de pénétrer chez les locataires et ne peuvent pas garantir la maintenance d'un appareil.

Dans certains cas particuliers, voire exceptionnels, le propriétaire pourrait être responsable de l'équipement et de la maintenance des détecteurs. Il s'agit principalement des logements dont l'occupation est temporaire, notamment des résidences foyers ou des logements de vacances. La liste exhaustive de ces cas particuliers sera précisée par décret en Conseil d'État.

L’obligation d’installation n’est toutefois pas suffisante. La population doit être parfaitement informée des dispositions techniques à mettre en œuvre, tant pour l'achat de l'appareil – quelques dizaines d'euros au plus – que pour son installation et sa maintenance, c'est-à-dire essentiellement le changement de piles. L'information doit aussi porter sur le comportement à tenir en cas d'incendie : l'alarme du DAAF n'est pas une alarme d'évacuation, c'est une alarme d'information.

Le délai de cinq ans prévu par le texte permettra l'équipement de tous les logements, ainsi qu'une bonne préparation de la mise en œuvre de ces dispositions. La campagne d'information conduite en 2006 sera renouvelée et amplifiée. L'ensemble des partenaires intervenant dans la politique de l'habitat (bailleurs, constructeurs, fabricants mais aussi assureurs) ainsi que les autres ministères concernés (intérieur, santé, consommation) doivent y être associés. En effet, l'intérêt et l'efficacité de ces détecteurs sont liés à l'information des utilisateurs, sans laquelle le remède pourrait être pire que le mal.

La proposition de loi prévoit enfin, et c’est une bonne chose, une évaluation de la mise en place des équipements.

Je forme le vœu qu'à terme, chaque foyer prenne conscience que le détecteur avertisseur autonome de fumée est tout simplement un bien d'équipement personnel ordinaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – Je tiens à saluer l’initiative du groupe UMP. Nous sommes confrontés en effet à une urgence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 10 000 victimes d’incendie chaque année, et parmi elles plus de 500 décès. Le taux de mortalité par le feu en France est l’un des plus élevés d’Europe.

Pourtant, la solution existe. Les comparaisons internationales montrent la corrélation entre le taux d’équipement en détecteurs de fumée dans les habitations et le nombre de victimes : lorsque le taux d’équipement dépasse 80 %, la mortalité est réduite de moitié. Or, moins de 1 % de nos logements sont équipés d’un détecteur de fumée, contre 98 % en Norvège, 95 % aux États-Unis, 89 % au Royaume-Uni, 50 % aux Pays-Bas et 33 % en Belgique. Je rencontre régulièrement les acteurs de la sécurité des consommateurs. Ils sont unanimes : la première étape passe par l’obligation d’installer des détecteurs de fumée dans les habitations, et je salue la pugnacité de MM. Damien Meslot et Pierre Morange.

On entendra pourtant soulever des arguments contre cette proposition : la loi serait intrusive, le législateur entrerait dans les foyers pour imposer un système de sécurité. D’autres évoqueront le coût pour l’occupant. Mais nous avons un sentiment d’urgence : il faut agir pour préserver la vie de nos concitoyens.

Nous aurons à faire preuve de pédagogie, afin que les Français soient les premiers acteurs de leur sécurité. Ils auront à s’approprier ce nouvel objet, l’acheter, l’installer, lire le mode d’emploi, l’entretenir. Les pouvoirs publics devront les accompagner par une information claire.

Il nous faut aussi garantir au consommateur que les détecteurs proposés à la vente sont fiables et efficaces. La Commission de sécurité des consommateurs a rendu, le 20 mars dernier, un avis sur les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée : tout en demandant l’adoption de la proposition de loi de MM. Meslot et Morange, elle souhaitait que soient intensifiées les opérations de vérification de la conformité à la norme européenne NF-EN-14604. De mon côté, j’ai demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d’enquêter sur la conformité de ces détecteurs, et une réglementation plus exigeante s’applique depuis le 1er mai. Les résultats de cette enquête seront bientôt disponibles et je ne manquerai pas de vous les communiquer.

En ce domaine, la protection du consommateur passe par l’assurance que les autorités de surveillance du marché vérifient régulièrement la conformité des produits. C’est pourquoi je demanderai aux services de contrôle de faire preuve d’une vigilance accrue dès que les obligations s’appliqueront.

La lutte contre les incendies nous éclaire sur celle contre les accidents de la vie courante en général, dont la prévention constitue l’une de nos priorités. Tous les services compétents sont actuellement mobilisés en vue de prendre des recommandations concernant tous les domaines de la vie courante, en particulier pour ce qui concerne la sécurité des enfants, des sportifs, des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap. Comme je l’avais préconisé en 2003 dans un rapport sur l’information et la protection du consommateur, il convient aussi d’améliorer la collecte statistique sur les accidents survenus et de mieux coordonner la lutte.

Ces travaux feront l’objet d’un livre blanc, qui me sera remis en septembre pour compléter le plan national de lutte contre les accidents de la vie courante en cours d’application. Cette démarche est d’autant plus utile que nous aurons l’honneur, durant la présidence française, d’accueillir à Paris la deuxième conférence européenne sur la promotion de la sécurité et la prévention des blessures, Eurosafe, les 9 et 10 octobre prochains. Ce rendez-vous nous donnera l’occasion de mettre en avant la politique française de prévention des accidents de la vie courante, issue de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui fixe comme objectif de réduire de moitié la mortalité des enfants de moins de quinze ans et de diminuer d’un quart le nombre de personnes âgées ayant fait une chute dans l’année.

Même si beaucoup reste à faire, je salue l’initiative parlementaire qui permet à ce texte utile d’aboutir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Très bien !

M. Damien Meslot, rapporteur de la commission des affaires économiques – Permettez-moi tout d’abord de vous faire part de mon émotion. Notre assemblée examine aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi que nous avions, avec mon collègue Pierre Morange, déposée en 2005, en vue de diminuer sensiblement le nombre de décès par incendies domestiques. Il n’est pas acceptable de voir des familles entières décimées ou endeuillées parce qu’un incendie s’est déclaré à leur domicile.

Il ne se passe de semaine sans qu’un fait divers dramatique vienne rappeler les conséquences effroyables de tels drames. À Nantes, le 30 avril dernier, il est 9 heures 30 quant un incendie se déclare dans une maison. Des ouvriers qui travaillent dans la rue voient une épaisse fumée sortir de la cheminée. Ils se précipitent. Une jeune femme est en train de prendre son petit-déjeuner au rez-de-chaussée. Son fils, âgé de trois ans, dort à l’étage. Elle monte rapidement l’escalier. Elle ne redescendra jamais. D’épaisses fumées ont envahi la maison et son fils est déjà décédé ; elle-même décédera peu après, mortellement intoxiquée.

Nous devons compléter sans plus tarder notre législation car de tels cas ne sont pas rares. Les statistiques l’attestent : quelque 90 000 incendies d’habitations ont lieu chaque année, causant 500 décès, dont 30 % d’enfants. Au total, les incendies domestiques font plus de dix mille victimes et 70 % des décès surviennent la nuit : surprises dans leur sommeil, les victimes n’ont pas le temps de fuir. Selon l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’incendie domestique représente la seconde cause de décès accidentel pour les enfants de moins de cinq ans. Dans ces conditions, chacun de nous est concerné. L’incendie domestique peut survenir dans n’importe quel foyer : une maladresse, et c’est la vie de toute une famille qui bascule.

Comment fonctionne le détecteur ? Il s’agit d’un dispositif simple et peu coûteux qui permettra de sauver 300 à 400 vies par an. C’est pourquoi il est urgent de le rendre obligatoire. Lors d’un départ d’incendie, l’avertisseur sonore se déclenche aussitôt. Pour poser l’appareil, deux vis suffisent, et, pour la maintenance, il suffit de changer une pile tous les ans. Peut-on imaginer plus simple ? Le tout est peu onéreux, 15 à 20 euros par appareil, pour une durée de vie de cinq à sept ans. En outre, une fois le texte adopté, les fabricants produiront en grande quantité des appareils conformes à la norme NF, ce qui provoquera mécaniquement une baisse des prix.

L’installation d’un détecteur de fumée dans nos foyers ne résoudra pas tous les accidents domestiques mais elle épargnera de nombreuses vies. Cette loi représente par conséquent une étape capitale dans la stratégie globale que les pouvoirs publics et les professionnels doivent mettre en œuvre pour mieux prévenir le risque incendie.

Aujourd’hui, la maîtrise du feu est bien assurée par l’ensemble des secours. Si trop de particuliers décèdent encore, c’est donc qu’ils n’ont pu les alerter à temps, dès le début de l’incendie. Cette situation est révélatrice des véritables enjeux. La solution ne consiste pas à améliorer encore la rapidité d’intervention des secours, mais à garantir la détection et l’alerte précoces. À cet effet, seul un appareil destiné à suppléer la vigilance humaine, de jour comme de nuit, peut être efficace.

Contrairement aux entreprises, administrations et collectivités, les logements français ne sont soumis à aucune réglementation permettant d’être alerté dès la naissance d’un incendie. Cette lacune est d’autant plus regrettable que tous les exemples étrangers montrent l’efficacité des détecteurs automatiques. Dans les pays où la législation en impose l’installation et où le taux d’équipement des foyers est supérieur ou égal à 85 %, le nombre des décès est réduit de moitié, de même que celui des incendies nécessitant l’intervention des secours.

Au cours des dernières années, deux pays européens ont rendu obligatoires les détecteurs de fumée dans les logements : les Pays-Bas, aussi bien dans l’habitat collectif qu’individuel, et la Belgique, qui a légiféré en 2004 et 2005. Dans ces pays, on voit que les foyers non équipés sont très exposés au risque, puisque 50 % des incendies s’y déclarent et qu’y surviennent 75 % des décès.

Aux États-Unis, l’adoption de la loi a permis de faire chuter le nombre annuel de décès par incendie domestique de 6000 en 1978 à 3 640 en 1995. Il en va de même en Grande-Bretagne où les décès ont régressé de 700 par an, dans les années 1980, à 450 en 1994.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. C’est pourquoi je regrette tout particulièrement l’action souterraine de certains lobbies. Je ne puis accepter que certains refusent d’équiper les logements en mettant en avant le prix des détecteurs ! Je ne puis accepter que la vie humaine ait un prix. Je ne puis accepter que sous prétexte d’économies de pacotille, certains prennent le risque de mettre en danger la vie d’autrui.

En France comme partout ailleurs, le détecteur automatique jouera un rôle décisif en limitant sensiblement les effets des 40 % d’incendies d’habitation qui nécessitent l’intervention des secours. Selon le Home office britannique, 68 % des incendies détectés par une alarme peuvent être limités à l’endroit où ils ont pris naissance, contre seulement 41 % en l’absence d’alarme.

Alors, pourquoi légiférer ? Depuis plus de trois ans que Pierre Morange et moi avons engagé le débat, j’ai rencontré de nombreux acteurs de la prévention et de la lutte contre l’incendie. Leur avis est unanime sur l’intérêt d’obliger à installer au moins un détecteur par habitation. L’appareil doit être certifié, ce qui permet une meilleure traçabilité de la production à la distribution et offre une garantie de qualité.

Nombre de campagnes d’incitation ont déjà été lancées, comme en Loire-Atlantique, où le SDIS a édité une plaquette d’information tout à fait remarquable. Il reste cependant nécessaire de légiférer pour obtenir en peu de temps un taux d’équipement convenable, car l’on part d’un niveau dérisoire, à peine 1 % des foyers étant équipés. Parallèlement, le Gouvernement doit lancer une grande campagne d’information pour apprendre à nos concitoyens comment réagir lorsqu’un détecteur de fumée signale un incendie. Puis il restera à mobiliser les pouvoirs publics, les SDIS, les assureurs et les fabricants pour diffuser le plus d’informations possible.

Comment s’opposer à un tel texte alors que la Commission de la sécurité des consommateurs a encore exprimé son soutien le 17 avril dernier ? Sans attendre cette obligation légale, elle encourage vivement les consommateurs à installer des détecteurs de fumée dans leurs logements.

Permettez-moi enfin d’adresser mes remerciements à Mme Boutin, à Mme Alliot-Marie, à M. Chatel, à M. Ollier et à M. Copé pour le soutien qu’ils nous ont apporté tout au long de la préparation de ce texte. Je remercie aussi les associations de victimes et les associations professionnelles de fabricants de matériels de prévention qui, par leurs conseils précieux et leur action de sensibilisation des pouvoirs publics, ont facilité l’émergence du débat parlementaire.

Mes chers collègues, j’en appelle à votre bon sens car je ne doute pas de votre volonté de voir diminuer le nombre de décès par incendies domestiques. Nul ne peut s’en désintéresser. C’est l’esprit de ce texte, que je vous demande d’adopter en pensant à la douleur des familles de victimes et aux centaines de vies qui seront sauvées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Morange – Je suis particulièrement heureux de l’examen de ce texte, dont la première lecture avait eu lieu en octobre 2005. En dépit de très nobles objectifs, cette proposition avait créé une polémique sur nos bancs ; j’observe qu’avec le temps, et après quelques drames supplémentaires parfois médiatisés, les esprits évoluent.

Notre unique objectif est de sauver le plus de vies possible, grâce à un dispositif simple, peu coûteux et dont l’efficacité a largement fait ses preuves à l’étranger, sans toutefois que l’on puisse la garantir à 100 % comme pour tout ce qui touche à une activité humaine. Il n’est pas admissible de remettre cette évidence en question, mais il est de notre responsabilité d’envisager toutes les modalités d’application du dispositif, en se demandant notamment comment aider les foyers les plus démunis à s’équiper.

Ici encore, la prévention est indispensable. Depuis notre dernière rencontre, dans la commune dont je suis l’élu, des équipes pédagogiques ont sillonné les écoles primaires pour sensibiliser les plus jeunes aux gestes essentiels à connaître pour éviter le risque d’incendie mais aussi pour réagir au mieux en cas de survenance. Le délai de cinq années avant que le dispositif ne devienne obligatoire laissera le temps nécessaire pour généraliser cette prévention et permettre que les gestes vitaux à connaître se transforment en réflexes chez chacun de nos concitoyens.

Ces réactions adaptées renforceront encore l’efficacité des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée qui devront faire partie intégrante, à terme, de l’équipement élémentaire des ménages. C’est pour cela notamment qu’ils doivent être à la charge de l’occupant. Quand un locataire déménagera, il devra pouvoir emporter avec lui son DAAF, au même titre que son électroménager. Ce sera un bien meuble au sens du code civil.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de retenir en deuxième lecture la version adoptée par notre Assemblée le 13 octobre 2005 et non celle du Sénat, qui préconise que l’installation et l’entretien incombent au propriétaire pour des raisons juridiques et assurantielles.

Les expériences étrangères l’ont démontré de façon incontestable, l’installation obligatoire de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée dans tous les logements d’habitation à usage privatif a permis de réduire de plus de moitié la mortalité liée aux incendies. Sachant que ceux-ci occasionnent chaque année quelque 800 morts et 10 000 blessés dans notre pays, nous pouvons raisonnablement escompter sauver 400 personnes de la mort et plusieurs milliers d’autres de séquelles parfois irréversibles.

Au delà de ces vies et souffrances épargnées, il faut également souligner les gains à attendre en matière de moyens humains, techniques et financiers pour les services de secours et d’incendie, les professionnels de santé, mais aussi l’équilibre de nos comptes sanitaires et sociaux. La réduction des sinistres devrait parallèlement s’accompagner d’une diminution significative des primes d’assurance, que nous appelons de nos vœux.

Cette proposition de loi constitue la première étape concrète d’une politique de prévention de l’accidentologie domestique, responsable de 20 000 décès par an. La simplicité de la disposition, la modicité du coût d’installation et l’efficacité prouvée de ces détecteurs sont à mettre en regard des dispositions prises pour limiter le nombre et la gravité des accidents de la route.

À titre personnel, en tant qu’auteur et dépositaire, avec mon collègue Damien Meslot, de cette proposition de loi et au nom du groupe UMP, j’appelle à voter ce texte tant attendu, tel qu’amendé par la commission, et je forme le vœu que l’ensemble de la représentation nationale y soit favorable. Enfin, je m’associe bien entendu à tous les remerciements formulés par le rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – La première responsabilité du législateur n’est pas seulement de compatir à l’émotion suscitée par les drames, mais de prendre les dispositions législatives les plus pertinentes pour éviter qu’ils ne se reproduisent. Mais s’interroger sur l’efficacité d’un dispositif est aussi de sa responsabilité, et ce n’est pas là faire insulte à l’objectif commun qui est d’éviter les drames et à en limiter autant que possible les conséquences. Enfin, si cette proposition de loi n’est examinée en deuxième lecture que trois ans après son examen en première lecture, ce n’est pas parce que le groupe socialiste à l’Assemblée s’y est opposé, contrairement à ce qu’ont pu écrire certains journalistes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). J’avoue m’être senti insulté par cette grave accusation car il n’y a pas d’un côté les bons, soucieux d’éviter les drames, et les méchants, qui souhaiteraient davantage de victimes.

Sans contester en rien l’objectif de cette proposition de loi, nous avons de sérieux doutes sur le dispositif retenu au départ, et confirmé ici, en dépit de la position du Sénat. Nous étions prêts à nous rallier à celle-ci car elle lève toutes les ambiguïtés. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous souhaitons travailler : loin des anathèmes, nous cherchons à trouver, avec la majorité, la solution la plus pertinente pour obtenir le plus rapidement possible des résultats concrets.

Les chiffres sont terribles. Chacun a encore en mémoire les dramatiques incendies d’immeubles insalubres survenus durant l’été 2005 à Paris et ayant fait de nombreuses victimes, ainsi que le terrible incendie survenu en septembre de la même année dans un immeuble, pourtant totalement réhabilité, de L’Haÿ-les-Roses, commune voisine de la mienne, et qui avait fait dix-huit morts – je ne l’oublie jamais lorsque je me rends sur la tombe des deux Cachanais qui y avaient trouvé la mort. C’est à la suite de toutes ces tragédies que nous avions examiné cette proposition de loi en première lecture.

La difficulté tient à ce qu’il faut faire réagir les habitants sans que cette réaction n’accentue leur panique. À L’Haÿ-les-Roses, les dix-huit victimes sont toutes décédées intoxiquées dans les escaliers, tandis que ceux des habitants qui ont eu la présence d’esprit et la possibilité de rester dans leur appartement, calfeutrant leurs portes par des linges humides et signalant leur présence aux fenêtres, tout en les laissant fermées, comme le préconisent les pompiers, ont eu la vie sauve. Je m’en suis encore entretenu ce matin avec mon collègue maire de L’Haÿ-les-Roses, comme nous l’avions fait à l’époque avec les autres maires du secteur et les pompiers : chacun en convient, le lourd bilan du drame a tenu à cette précipitation panique dans les escaliers. Il est difficile de prévenir une telle réaction, que chacun d’entre nous, en de telles circonstances, pourrait avoir. C’est de cette réalité-là qu’il faut partir, et non du comportement rationnel théorique des individus.

Nous avions voté contre cette proposition de loi en première lecture, non que nous contestions l’objectif, tout à fait louable, de réduire le nombre des victimes d’incendie, mais parce que la méthode préconisée, à savoir l’installation obligatoire de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, ne nous paraissait pas à la hauteur de l’enjeu et ne répondait que partiellement à l’objectif recherché.

À cet égard, MM. Doutreligne et Pelletier, dans le rapport que leur avait commandé à l’époque M. Borloo et qui nous avait été remis quelques jours avant le débat, estimaient « vain, voire imprudent de rendre obligatoire dès à présent l’installation de tels équipements », car ceux-ci ne sauraient suffire à assurer la sécurité des personnes dans les logements et auraient pour effet pervers de démobiliser l’opinion et les pouvoirs publics.

Ainsi, rendre obligatoire par la loi l’installation d’un certain type de matériel, sans s’interroger sur l’avantage d’autres matériels existants, non plus que sur l’évolution des techniques en ce domaine, les conditions d’équipement, de maintenance et de contrôle s’agissant de la sécurité collective et le renouvellement de ces équipements, est pour le moins troublant, et demeurera inopérant, si ce n’est dangereux. Ne pas prendre en compte les enjeux primordiaux de sensibilisation, d’information et d’éducation du grand public sur les précautions, les pratiques et les comportements susceptibles de réduire très significativement, voire de supprimer, le nombre de victimes en cas d’incendie dans un immeuble collectif, est irresponsable, comme le laisse d’ailleurs entendre le rapport Doutreligne-Pelletier. Peut-on sérieusement croire que la présence d’un détecteur avertisseur de fumée n’aurait pas accentué la panique à L’Haÿ-les-Roses ? Sincèrement, je ne le crois pas. Peut-être puis-je me tromper, mais pour avoir visité les lieux, je ne peux même l’imaginer.

MM. Doutreligne et Pelletier prônaient préalablement à toute obligation d’installation de détecteurs de fumée – ils ne parlaient pas de détecteurs avertisseurs – « une sensibilisation massive des populations suivie d’une incitation à l’installation de ces équipements ». Le détecteur n’est en effet qu’un outil dont l’efficacité dépend de l’usage.

Pour éviter que l’installation de détecteurs ne conduise à déresponsabiliser le public, il faut faire œuvre de pédagogie, de façon concertée et coordonnée, au moyen d’une campagne nationale, à l’école et dans les médias, pour apprendre à nos concitoyens comment prévenir les incendies et que faire lorsqu’ils surviennent. De même, pour éviter que cette installation ne provoque de mortels mouvements de panique, il est indispensable que cette campagne leur apprenne aussi les gestes qui sauvent, lorsque l’incendie est déjà déclaré. C’est à ces seules conditions que la mise en place de détecteurs de fumée pourra épargner des vies.

Il convient enfin que tous nos concitoyens aient une même garantie concernant la sécurité de leur logement. Or, il est évident que dans les immeubles insalubres, véritables taudis, les détecteurs de fumée ne seront pas installés. Cette rupture d’égalité n’est pas acceptable.

Pour toutes ces raisons, nous avions voté contre la proposition de loi en première lecture, tout en invitant la majorité à trouver de meilleures solutions. Je rappelle ici brièvement le dispositif alors retenu : il s’agissait de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée fonctionnant sur piles et possédant une alarme intégrée, équipement dont il semble qu’une seule entreprise en France le fabrique et qu’une autre l’importe, ce qui assurément posait un problème. En outre, l’obligation d’équipement était mise à la charge de l’occupant, ce qui posait un problème pour les ménages modestes.

En troisième lieu, le texte adopté par l’Assemblée, suivie par le Sénat, fait obligation à la personne tenue d’installer le dispositif d’en informer son assureur. Celui-ci pourra alors diminuer la prime d’incendie. En revanche, il ne pourra se prévaloir d’un défaut d’installation, d’entretien ou de fonctionnement des détecteurs ou de l’absence de déclaration d’installation pour s’exonérer de son obligation d’indemnisation.

La loi devait entrer en vigueur dans un délai de 5 ans maximum, et un rapport sur son efficacité être présenté un an plus tard.

Le Sénat a amélioré le texte. D’abord, celui-ci n’impose plus un modèle unique de détecteurs de fumée. Mieux vaut laisser le Conseil d’État définir les types d’appareils qui satisfont aux exigences de la loi, d’autant que les normes vont évoluer, peut-être de façon substantielle, à la suite du Grenelle de l’environnement. De plus, rien ne prouve que les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée sont plus sûrs. C’est dans quelques semaines seulement que leur fiabilité technique sera totalement validée, nous a dit M. Chatel. Ne l’inscrivons donc pas dès aujourd’hui dans la loi. Ce serait d’ailleurs mettre « hors la loi » les personnes qui ont installé d’autres équipements. Doivent-elles les supprimer ? Mieux vaut donc s’en remettre au décret du Conseil d’État pour définir les normes techniques, d’autant que cette voie permettra de les modifier plus rapidement. Pensez que nous examinons ce texte en deuxième lecture trois ans après son dépôt. S’il faut modifier par la loi des normes dépassées, il faudra bien encore deux ans. Si vous allez dans ce sens, nous vous suivrons.

Le Sénat a transféré aux propriétaires des locaux les obligations d’installation et de maintenance. Nous préconisons une solution plus équilibrée : les propriétaires doivent être responsables de l’installation, dans le neuf avant livraison, et dans l’ancien à mesure des rénovations et renouvellement de bail. Ce faisant, ils préserveront aussi leur bien. En revanche, à la différence du Sénat, nous voulons laisser la responsabilité de la maintenance aux locataires, comme pour d’autres équipements d’usage, tels que les chauffe-eau. Les bailleurs sociaux qui ont installé des avertisseurs autonomes ont constaté que la moitié ne fonctionnaient plus, à la suite d’incidents, de manipulations, parce qu’on n’avait pas remis les piles… Si l’occupant a la charge de la maintenance, dont il doit justifier chaque année auprès de son assureur, il se sentira plus responsable de sa sécurité, et aussi de celle de tous les habitants de l’immeuble. Nous avons proposé des amendements en ce sens.

S’agissant enfin de l’information, nous avons déposé un amendement, qui a été adopté, selon lequel un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles les propriétaires et bailleurs sont informés. La campagne de l’institut national de la prévention et de l’éducation pour la santé à l’automne dernier, dont le coût a été évalué à un million, a eu très peu d’impact. Personnellement, j’en ai appris l’existence par hasard. Au Royaume-Uni par exemple, on n’a imposé l’obligation de s’équiper qu’après plusieurs années de sensibilisation. En première lecture, M. Borloo avait bien insisté sur le fait que l’obligation sans information préalable ne serait pas efficace. Il ajoutait que c’était aux pouvoirs publics de manifester la volonté et de donner les moyens propres à faire émerger une culture de la prévention et de coordonner l’action de tous les partenaires.

Sur un plan plus général, la prévention des risques d’incendie est indissociable de la politique du logement, ainsi que du combat contre l’habitat indigne et insalubre, que vous menez, madame la ministre. À ce titre je regrette la baisse continue depuis cinq ans des crédits PALULOS. On avait aussi programmé la réhabilitation de 400 000 logements entre 2004 et 2013. Pour l’instant, nous sommes loin du compte. Pourtant les immeubles insalubres ou simplement vétustes sont plus vulnérables et plus dangereux. Le Gouvernement se doit donc de mener une politique du logement ambitieuse, sans se contenter de lois de circonstance.

S’agissant de la présente proposition de loi, nous vous proposons de conserver le texte du Sénat et de le compléter par nos amendements. Si c’est le cas, nous voterons pour, sinon nous nous abstiendrons, car le parti que vous avez choisi empêche d’atteindre l’objectif, que nous partageons (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont – En première lecture, étant donné les lacunes de cette proposition, nous avions voté contre, tout en reconnaissant bien volontiers qu’elle soulevait une vraie question. Le Sénat y a introduit nombre d’améliorations, qu’il ne faut pas remettre en cause. Notre débat se déroule dans un contexte plus serein qu’à l’été 2005, marqué par des incendies meurtriers. Il devrait permettre d’adopter des amendements qui amélioreront le texte.

Un incendie domestique se déclare en France toutes les deux minutes et ce rythme ne cesse de croître. Chaque année, les victimes se comptent par milliers, les décès directs par centaines, auxquels s’ajoutent ceux causés par les intoxications au monoxyde de carbone. Le feu est une des principales causes de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans et un nouveau drame est encore survenu cette nuit.

Cette proposition vise à combler notre retard, en s’appuyant sur des exemples étrangers. Mais une politique d’obligation ne sera efficace que si elle s’accompagne d’une vaste entreprise de communication et de sensibilisation sur les risques domestiques en général. Dans leur rapport de 2005, MM. Doutreligne et Pelletier soulignaient déjà qu’imposer une obligation immédiate serait vain, voire dangereux, car l’opinion, comme les pouvoirs publics, imaginant la sécurité désormais assurée, se démobiliseraient. Lors du terrible sinistre de L’Haÿ-les-Roses, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2005, l’alarme a provoqué une panique mortelle, les gens se précipitant hors de chez eux au lieu de s’y calfeutrer pour attendre les secours comme le demandent les pompiers. Les auteurs du rapport préconisaient donc une sensibilisation massive et préalable de la population.

Dès lors, et exemple britannique à l’appui, l’installation de détecteurs de fumée ne saurait être une fin mais un commencement. Pour que la présence de ce qui n’est qu’un dispositif technique ne déresponsabilise pas les gens, il faut mener une campagne d’information nationale, dans les médias, et dès l’école, en particulier pour éviter les mouvements de panique mortels et pour apprendre les gestes qui sauvent. Sans doute est-il souhaitable d’y impliquer les assureurs.

Par ailleurs, nous refusons que l’obligation concerne un seul type d’équipement. Les pompiers s’inquiètent aussi d’une probable multiplication des alertes. Étant donné leur charge de travail et le coût des services de sécurité et d’incendie pour les départements, il faut s’en soucier.

Un incendie domestique, même s’il ne cause que des dégâts matériels, est toujours un traumatisme. Nous partageons donc le souci d’améliorer la sécurité dans ce domaine. Nous pourrions voter ce texte si vous acceptiez les amendements du groupe socialiste. Mais je voudrais souligner aussi que l'installation de ces détecteurs, même si elle est une avancée, ne réglera en rien la question de l'habitat vétuste qui, en dépit de votre volonté personnelle indiscutable, Madame la ministre, n’est pas en voie d’être résolue (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean Grellier – Les 250 000 incendies domestiques qui se produisent chaque année entraînent plus de 500 décès ; 70 % d’entre eux se produisent la nuit, et contrairement aux idées reçues, l'odeur de fumée non seulement ne réveille pas mais produit l'effet inverse.

Rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation semble donc une bonne idée. Actuellement le taux d'équipement n'est que de 1 % en France, contre plus de 90 % dans les pays qui l’ont rendue obligatoire, lesquels ont constaté une baisse de 50 % du nombre de décès dus aux incendies d'habitation.

L'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ne concerne que les logements construits après son entrée en vigueur. Or 96 % des décès se produisent dans les immeubles qui n’y sont pas assujettis. Cette proposition de loi est donc intéressante, à condition de prendre certaines précautions complémentaires qu’avaient recommandées, dans leur rapport d'octobre 2005, MM Pelletier et Doutreligne.

Il faut aussi prendre en compte le fait qu'un incendie sur quatre est dû à une installation électrique défectueuse. D’après le groupe de réflexion sur la sécurité électrique dans le logement, sept millions de logements sont équipés d'une installation électrique présentant des risques, et même d’une installation très dangereuse dans 2,3 millions d’entre eux. Le décret d'application de la loi instituant un diagnostic obligatoire des installations électriques dans les immeubles à usage d'habitation a été publié au Journal officiel le 24 avril dernier, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2009 pour les ventes de logement dont l'installation électrique a plus de 15 ans. Il reconnaît la responsabilité du propriétaire. Nos collègues sénateurs ont modifié en ce sens la proposition de loi initiale. De même que le propriétaire doit assurer la conformité de l'installation électrique du logement qu'il offre à la location, c'est à lui que doit incomber la charge du nouvel équipement.

De plus, des progrès sont nécessaires dans la prise de conscience des risques. 30 % des enfants victimes d'incendie étaient sans surveillance au moment du sinistre. Il convient de mener des campagnes d'information et de sensibilisation de même ampleur que celles conduites en faveur de la sécurité routière.

Par ailleurs, les indemnités versées pour chaque personne décédée dans un incendie s’élevant, d’après certaines estimations, à 1,1 million d'euros, il y a là un enjeu économique majeur pour les compagnies d'assurance; il faut donc veiller à ce que l'obligation d'installer des détecteurs ne les dégage pas de leur responsabilité en cas de sinistre.

Il se pose aussi un problème de coût des détecteurs. Selon les professionnels, le détecteur optique serait préférable au détecteur ionique parce qu’il réagit aux incendies à progression lente qui peuvent couver pendant de nombreuses heures et parce qu’il risque moins de provoquer des fausses alarmes, mais il est plus onéreux. Restera donc à concilier prévention et justice sociale.

Enfin, il faut que le pouvoir réglementaire encadre très précisément la nouvelle obligation, afin que la demande de détecteurs n'encourage pas les fabricants à des comportements spéculatifs. La question de la maintenance pour les personnes fragiles ne doit pas être oubliée.

En conclusion, nous devons relever le défi de la pédagogie : les détecteurs d'incendie ne sont que des outils, dont l'efficacité dépend de leur usage. Pour éviter que leur installation ne déresponsabilise, il est indispensable qu'une campagne d'information nationale, mobilisant l'école et les médias, apprenne à nos concitoyens comment prévenir les incendies et comment ne pas céder à la panique lorsqu’un incendie se déclare.

Enfin, certains logements étant plus vulnérables que d'autres, les décrets d'application pourraient prévoir un échéancier conforme à la hiérarchie des dangers. On pourrait également envisager la création de groupements d'intervention de sécurité des personnes dans les immeubles et la création d'un fonds d'urgence pour réaliser les travaux de première nécessité dans les immeubles très dégradés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Christine Boutin, ministre du logement Je remercie tous les orateurs de leurs interventions.

Monsieur Meslot, je voudrais saluer votre engagement très fort sur ce texte. Le Gouvernement vous suit pour, contrairement à ce que défend l’opposition, affirmer la responsabilité de l’occupant et raisonner en termes de personne plutôt que de patrimoine.

Monsieur Morange, je vous remercie de votre implication déjà ancienne sur ce sujet, sur lequel je m’étais investie avec vous lorsque j’étais sur vos bancs.

Monsieur Le Bouillonnec, vous avez souligné avec raison le risque de monopole ; nous devrons veiller dans les textes d’application à faire en sorte qu’il puisse y avoir concurrence, autrement dit à ne pas édicter des normes trop exigeantes.

À la logique patrimoniale du Sénat, que vous semblez approuver, le Gouvernement préfère néanmoins celle du rapporteur, qui affirme la primauté de la personne occupante.

Vous avez également insisté sur la nécessaire sensibilisation de nos concitoyens. Il y aura une grande campagne d’information, qui mobilisera plusieurs ministères. Il faudra aussi, bien sûr, faire œuvre de pédagogie pour expliquer les gestes qui sauvent. Je souligne le fait que l’obligation d’équipement sera effective dans cinq ans, c’est-à-dire à l’issue de cette campagne d’information.

Mme Pérol-Dumont et vous-même avez évoqué le problème de l’habitat indigne ; je vous remercie d’avoir salué ma volonté de le combattre. J’espère bien que dans cinq ans, il n’y aura quasiment plus de logements insalubres. Dans ce but, le projet de loi sur le logement que j’aurai l’honneur de vous soumettre à la rentrée comportera des moyens destinés à la réhabilitation des quartiers anciens.

Vous plaidez pour une installation de l’équipement par le propriétaire et sa maintenance par le locataire : c’est une solution intéressante, mais trop complexe, car le bail est conclu pour plusieurs années, tandis que l’appareil n’a qu’une durée de vie d’un an. Après en avoir discuté avec le rapporteur, je soutiens l’idée de responsabiliser l’occupant. L’objectif est que, dans cinq ans, il soit aussi naturel d’installer un détecteur de fumée que d’acheter un grille-pain ou un réfrigérateur.

Madame Pérol-Dumont, je suis bien sûr d’accord avec vous pour dire que le détecteur n’est qu’un moyen. La campagne d’information sera accompagnée d’une pédagogie des gestes qui sauvent ; il serait bon que les communes et l’école s’investissent sur ce sujet.

Monsieur Grellier, les propriétaires et les locataires ont souvent été opposés les uns aux autres ; dans le contexte actuel de crise du logement, il est indispensable de comprendre qu’un locataire a besoin d’un propriétaire et qu’un propriétaire a besoin d’un locataire. Or, de très nombreuses charges incombent déjà aux propriétaires. Ils arrivent à saturation. Nous devons en tenir compte si nous voulons les encourager à mettre leurs logements en location.

Je comprends par ailleurs votre préoccupation – qui est aussi la nôtre – d’assurer à la fois prévention et justice sociale.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Damien Meslot, rapporteur – Quoique rédactionnelles, les modifications apportées par le Sénat aux intitulés du code de la construction et de l’habitation ne sont pas pleinement satisfaisantes : elles donnent à penser que la loi vise à protéger les équipements des immeubles collectifs, et non leurs occupants. Afin de prévenir toute ambiguïté, l’amendement 1 propose donc de rétablir le texte de l'Assemblée nationale.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous n’avons pas d’observations particulières à faire sur cet amendement, mais je voudrais revenir sur la réponse de Mme la ministre. Loin de renvoyer dos à dos propriétaires et occupants, nous sommes convaincus que c’est leur concours qui pourra faire avancer les choses. Le souci du propriétaire de préserver son bien immobilier ne nous semble pas incompatible avec celui du locataire de préserver sa vie, bien au contraire !

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, et l’article premier est ainsi rédigé.

ARTICLE 2

M. Damien Meslot – Nous avons longuement parlé de l’amendement 2 dans la discussion générale. Le Sénat a procédé sur cet article à une importante modification du texte et de son esprit, en faisant peser sur le propriétaire l’obligation d’installer un détecteur de fumée et en excluant les caractères avertisseur et autonome de ce détecteur. Cette réécriture n’est pas satisfaisante.

Il semble en effet nécessaire, pour des raisons de sécurité, de préciser explicitement que le détecteur doit être autonome, c’est-à-dire non relié au secteur.

Quant à l’obligation d’installation, elle doit porter sur l’occupant des lieux. Le texte vise en effet d’abord à alerter la population sur les terribles conséquences que peut avoir l’incendie d’un logement. Il est fondamental que celui qui réside dans les lieux – propriétaire ou non – soit le garant du bon fonctionnement du dispositif, qu’il sache le faire fonctionner et qu’il soit à même de comprendre la signification d’une détection de fumée. Déplacer la prescription législative vers le propriétaire ne permet pas d’atteindre ces objectifs. Il est en outre fréquent qu’un propriétaire ne pénètre pas dans le logement pendant des mois, voire des années. Comment garantir alors la bonne application de la loi ?

Cet amendement vous propose donc de rétablir le texte de l’Assemblée.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Le retour au texte de l’Assemblée permet de réaffirmer que l’obligation doit être à la charge de l’occupant, qu’il soit propriétaire ou locataire. Il s’agit en effet d’un équipement de sécurité, qui doit prévenir l’occupant d’un danger et donc être entretenu par lui. Dans quelques cas qui seront précisés par décret, le propriétaire procédera à l’installation et à la maintenance du détecteur, par exemple lorsque le bien concerné fait l’objet d’une location saisonnière. Par ailleurs, il est important qu’il soit avertisseur – puisqu’il est censé prévenir l’occupant, notamment pendant la nuit – et autonome, c’est-à-dire non lié à un dispositif d’alarme générale comme c’est le cas dans les établissements recevant du public. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Vous avez parlé d’un an, Madame la ministre. Mais si j’ai bien compris, c’est pour cinq ans que le matériel est installé, et la pile doit faire l’objet d’un renouvellement chaque année.

Le problème de l’accès du propriétaire dans les lieux est connu : il se pose déjà pour les chauffe-eau ou l’obturation des circuits de circulation d’air. Notre proposition de faire installer le détecteur par le propriétaire et assumer la maintenance par le locataire était donc réfléchie.

Je précise par ailleurs que la fixation par vis au plafond transforme le détecteur en immeuble par destination. Or, dans le texte, la responsabilité de l’installation incombe à l’occupant, ou le cas échéant au propriétaire : on sait à quels contentieux s’attendre ! Je persiste donc à penser – même si ce n’était pas le cas en première lecture – qu’il faut un partage de responsabilités. Comment allez-vous contraindre les occupants à installer ce dispositif ? Quelle sera la sanction de l’inobservation de cette obligation ?

Pour notre part, nous vous proposons de conserver le texte du Sénat et d’adopter notre amendement, qui met à la charge de l’occupant une obligation de maintenance. Votre rédaction est trop complexe : si l’occupant ne remplit pas son obligation d’installation, la seule solution sera d’aller devant le juge pour pouvoir pénétrer dans les lieux !

Toujours dans un but de simplicité, j’ai déposé un autre amendement qui prévoit que les copropriétaires et les bailleurs s’assurent chaque année du respect des normes en vigueur par les propriétaires ou les occupants.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Vos observations me permettent de préciser ma pensée. Le détecteur est en effet installé pour cinq ans, mais il faut changer ses piles tous les ans. Ce que vous proposez est donc trop complexe : le propriétaire installerait le détecteur, mais ce serait au locataire de changer les piles.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Dans cinq ans, il n’y aura plus de piles !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Vous êtes par ailleurs trop fin juriste pour ignorer que ce n’est pas parce qu’on met un clou dans un mur que l’objet devient un immeuble. Pensez aux tableaux ! Du reste, le détecteur de fumée fonctionne très bien si on le pose sur un meuble haut. Enfin, vous parlez de sanctions. Mais ce que nous cherchons, c’est d’abord la responsabilisation : il s’agit d’aider chacun à sauver sa vie. Or dissocier l’installation et la maintenance, c’est diluer les responsabilités. Pour sauver des vies, il faut simplifier le système !

M. Pierre Morange – M. Le Bouillonnec souhaite un dispositif simple et redoute les contentieux. J’ai du mal à admettre que la simplicité puisse se trouver dans une division de la responsabilité entre un propriétaire installateur et un occupant chargé de la maintenance et de l’entretien. La simplicité se trouve plutôt dans l’amendement qui rétablit le texte voté par l’Assemblée en octobre 2005.

Je rappelle que le détecteur autonome de fumée coûte en moyenne 15 euros, prix qui diminuera encore lorsqu’il sera produit en masse. Quant à la maintenance, il s’agit de changer une pile tous les ans ! Là encore, c’est simple – et il s’agit de sauver 400 vies chaque année.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 6 tombe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 6 employait le terme d’ « avertisseur de fumée normalisé ». Laissons le soin au Conseil d’État de faire en sorte que le décret permette qu’on en vienne un jour aux systèmes totalement autonomes.

L’amendement 7 a pour objet d’assigner à chacun – propriétaire et occupant – sa responsabilité ; le propriétaire doit notifier à son assureur les modalités d’exécution de ses obligations, et l’occupant notifier l’accomplissement de ses obligations. Contraindre ce dernier à faire chaque année une déclaration sur l’honneur est une bonne manière de lui rappeler qu’il doit vérifier le fonctionnement du dispositif. Cette technique est d’ailleurs utilisée avec succès par certains bailleurs – nous avons conduit une expérience de ce genre dans ma commune.

M. Damien Meslot, rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement engendrerait une masse considérable de notifications aux assureurs.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Même avis.

M. Pierre Morange – C’est à l’occupant de contracter une assurance incendie, et non au propriétaire. Dès lors, comment celui-ci pourrait-il adresser une attestation sur l’honneur à une société d’assurance qu’il ne connaît pas, et qui est susceptible de changer avec chaque occupant ? En outre, cet amendement nuirait à l’objectif de simplicité que nous partageons tous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je rappelle que le texte initial impliquait le propriétaire et la compagnie d’assurances. Le propriétaire n’est-il pas concerné par la vie des locataires autant que par l’intégrité des locaux qu’ils occupent ?

Quant à l’argument de la simplification, il ne me semble pas recevable. Dans ce domaine comme en d’autres, nous ne sommes plus à une attestation sur l’honneur près. À problème complexe, solution complexe ! Songez à ce que vous avez fait du livret A…

Quoi qu’il en soit, il me semble nécessaire de responsabiliser les occupants, mais aussi les propriétaires.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Damien Meslot, rapporteur – L’amendement 3 acte la responsabilité première de l’occupant dans l’installation d’un détecteur avertisseur autonome de fumée, et la responsabilité subsidiaire du propriétaire dans certains cas précis.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, les amendements 8 et 9 tombent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Damien Meslot, rapporteur – Pourquoi ?

M. le Président – L’amendement 3 que l’Assemblée vient d’adopter modifie l’alinéa 6 de l’article, sur lequel portent ces deux amendements.

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Damien Meslot, rapporteur – L’amendement 4 apporte une précision.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Damien Meslot, rapporteur – L’amendement 5 vise à aligner le délai de remise du rapport gouvernemental sur celui de l’entrée en vigueur de la loi, soit cinq ans. Nous disposerons ainsi d’un bilan précis des campagnes de sensibilisation avant que le dispositif ne devienne impératif, comme le souhaitait M. Le Bouillonnec et à l’image de ce qui a été fait au Royaume-Uni.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Avis favorable. J’ajoute que, sur l’amendement 8 de M. Le Bouillonnec à l’article précédent, le Gouvernement s’en serait remis à la sagesse de l’Assemblée s’ils n’étaient pas tombés.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – La commission n’accepte qu’une poignée de mes amendements chaque année, et voici que l’un d’entre eux tombe pour une question de forme ! C’est rageant. J’ajoute qu’il ne portait pas seulement sur les délais, mais sur les modalités du respect de l’obligation d’équipement.

Notre groupe s’abstiendra sur ce texte, en attendant son réexamen en commission mixte paritaire. Néanmoins, nous regrettons l’utilisation de l’expression « détecteur avertisseur automatique ».

D’autre part, la rupture d’égalité entre propriétaires et occupants ne manquera pas d’entraîner des complications.

Enfin, il faut multiplier les campagnes d’information en direction des écoles et du grand public, afin de diffuser les règles de comportement à adopter en cas de sinistre, pour éviter que des drames tels que celui de L’Haÿ-les-Roses se reproduisent.

Aujourd’hui, nous nous inclinons donc devant la volonté de la majorité et assumerons ensemble la responsabilité de ses conséquences sur le terrain. Je regrette cependant que l’a priori sur lequel se fonde cette proposition fausse l’objectif de prévention que nous partageons tous.

M. Damien Meslot, rapporteur – Je me félicite de l’état d’esprit qui a régné au cours de ce débat. Je n’ai jamais songé, Monsieur Le Bouillonnec, à mettre en cause la qualité de votre contribution ou la nature de votre engagement sur les questions de logement, pas plus que je n’ai insinué que l’opposition du groupe SRC illustrait son manque de détermination à sauver des vies, bien au contraire.

Ce texte confie aux occupants l’obligation de l’installation des détecteurs, afin de mieux les responsabiliser. Le dispositif ne deviendra obligatoire que dans cinq ans : ce délai permettra à l’ensemble des acteurs impliqués d’organiser les campagnes d’information et de sensibilisation nécessaires, comme le souhaitait M. Le Bouillonnec et comme cela a été fait avec succès au Royaume-Uni.

Je regrette que l’amendement 8 de M. Le Bouillonnec soit tombé, d’autant que la commission l’avait adopté. Pour autant, il me semble que ce texte, loin d’être de nature politicienne, fait une large place aux avis de tous. Notre objectif commun est de réduire les risques et de sauver des vies. C’est ce que nous permettra cette loi !

M. Pierre Morange – Je me félicite du caractère exhaustif et relativement consensuel de ce texte, qui permettra de sauver 400 vies et d’éviter d’innombrables blessures chaque année. Il propose des mesures simples pour un coût modique. Il n’est cependant qu’une étape qui s’inscrit dans une vaste politique de prévention et de réduction des accidents domestiques, dans laquelle, outre les dispositifs de nature règlementaire, l’information du public tient une place essentielle.

Enfin, je remercie Mme la ministre pour le soutien sans faille qu’elle a apporté à cette proposition de loi. Nous serons attentifs à la célérité avec laquelle le décret d’application sera publié, afin qu’elle entre en vigueur au plus vite.

L'ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée.

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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