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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 18 décembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Pouvoir d’achat

Exception d’irrecevabilité

MM. Jérôme Cahuzac, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, MM. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, Pierre-Alain Muet, Jean-Claude Sandrier, Philippe Vigier, Frédéric Lefebvre. – Rejet.

Question préalable

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme la ministre du logement et de la ville, MM. Michel Issindou, Jean-François Lamour, Jean-Claude Sandrier, Philippe Vigier. – Rejet.

2. Ordre du jour des prochaines séances

Présidence de Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Pouvoir d’achat

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le pouvoir d’achat (nos 498, 503).

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, madame la ministre du logement et de la ville, mes chers collègues, j’ignore si c’est l’effet de l’étrange lueur qui tombe de cette coupole, ou si c’est la fin de l’année qui donne l’impression que les jours fuient en se dilatant, mais qu’il me semble loin le temps où on nous soumettait un projet présenté comme décisif, non seulement pour régler le problème du pouvoir d’achat, mais plus globalement pour faire revenir dans notre pays la confiance et les émigrés fiscaux.

Jadis, en effet, on nous a présenté un projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, TEPA ; ce n’était pas vous qui étiez alors au banc du Gouvernement, monsieur le ministre du travail, dont je salue l’arrivée, ni vous, madame la ministre, mais Mme Lagarde. Il s’agissait d’abord de mettre en œuvre une promesse faite à l’occasion de deux campagnes électorales, dont l’une a vu la victoire de Nicolas Sarkozy, le 6 mai au soir, et l’autre celle de votre majorité, mes chers collègues, le 17 juin suivant.

Mais il s’agissait aussi de créer un choc de confiance, censé entraîner un choc de croissance et, pour faire bon poids, le retour des émigrés fiscaux. À ce propos, Mme Lagarde avait très obligeamment indiqué à la commission des finances l’horaire de l’Eurostar qui devait ramener de Londres les contribuables prodigues par wagons entiers.

Mme Marisol Touraine. Véridique !

M. Jérôme Cahuzac. J’ignore où est en ce moment Mme Lagarde, dont j’ai naturellement beaucoup apprécié la présence parmi nous cet après-midi, mais je ne pense pas qu’elle soit à la gare du Nord. Peut-être s’est-elle rendue, en dépit de l’heure tardive, dans une entreprise, pour expliquer aux salariés en quoi le dispositif qu’elle a fait adopter – on se souvient dans quelle urgence et quelle précipitation – est un bon dispositif ; à moins qu’elle ne tente de comprendre pourquoi, malgré toutes les qualités qu’elle lui prête, il ne donne pas les résultats qu’elle en attendait.

Quant à la confiance, où est-elle ? Elle ne semble pas en tout cas avoir été placée en Mme Lagarde, en dépit de sa présence au banc du Gouvernement, dont je me suis félicité. Nous avons pu constater en effet qu’elle était en réalité dessaisie, au moins en partie, de ce texte, puisque c’est vous, monsieur Bertrand, qui en assumez la paternité politique au nom du Gouvernement, du moins dans cette enceinte.

Quant à la croissance, où avez-vous vu qu’elle soit de retour, mes chers collègues ? On nous annonçait pour cette année une croissance d’au moins 2 % : elle sera de 1,9 dans le meilleur des cas, et plus probablement de 1,8. En tous les cas, elle sera en deçà de ce qu’on nous avait annoncé, garanti, encore tout dernièrement, et elle sera bien moindre encore l’année prochaine : lapsus ou révélation soudaine, Mme Lagarde nous a indiqué tout à l’heure qu’il ne fallait pas compter sur les 2,25 % de croissance attendus pour l’année 2008. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Ni confiance, ni croissance, ni retour des émigrés fiscaux – cela se saurait – pour notre pays, dont vous devez reconnaître qu’il n’est pas dans une situation favorable : ce texte a eu pour seule conséquence la création d’un « Monsieur heures supplémentaires ». Il est difficile d’y voir le signe que le dispositif qui a été adopté est simple, facilement compréhensible et d’application immédiate. C’est même la preuve de l’inverse, quand un gouvernement juge nécessaire d’envoyer des missi dominici expliquer à celles et ceux qui manifestement ne comprennent pas ce qu’on souhaite qu’ils comprennent en quoi ils se trompent, et ce qu’ils devraient comprendre.

Mais il semble que malgré cela le dispositif ne fonctionne pas très bien. J’en veux pour preuve la déclaration faite aujourd’hui par Mme Laurence Parisot, qu’on ne peut quand même pas suspecter de faire preuve d’une opposition virulente à votre égard, elle qui, au contraire, ne vous a jamais mesuré son soutien. Elle a pourtant déclaré que le dispositif des heures supplémentaires voté cet été ne fonctionnait pas en raison d’une complexité excessive, au mieux décourageante, au pire totalement incompréhensible pour les chefs d’entreprise.

M. Patrick Roy. Mazette !

M. Jérôme Cahuzac. Entre nous, reconnaissons que la situation n’est pas très brillante. Nous qui rallions chaque fin de semaine nos circonscriptions, nous le savons : le peuple gronde. Et si le peuple gronde, c’est à cause de ce qu’il avait pressenti avant qu’une étude récemment publiée par un hebdomadaire, même s’il ne s’agit pas d’une étude officielle de l’INSEE, ne le confirme : les prix des produits alimentaires de première nécessité ont augmenté de 40 %.

Si le peuple gronde, c’est parce que le fioul a augmenté de 56 % ces six derniers mois ; c’est parce que le prix du super à la pompe a augmenté depuis le 1er janvier de 10,3 %, et le gazole de 11,9 %. Le peuple gronde parce que les loyers et les charges locatives ont augmenté de près de 30 % ces dernières années.

M. Patrick Roy. Le peuple a faim !

M. Jérôme Cahuzac. Le peuple gronde enfin parce qu’on lui annonce qu’une hausse du prix du gaz de près de 6 % est probable, car il faut bien remplir la corbeille du mariage entre Suez et Gaz de France, sous l’égide de M. Mestrallet et M. Sirelli. À cela s’ajoutera, pour faire bon poids là encore, un cadeau fiscal d’un milliard d’euros que se rapprochement vaudra à chacune de ces deux entreprises. Un milliard d’euros ! Cela donne la mesure des arbitrages rendus par le gouvernement de notre pays, quand on sait que vous refusez d’accéder à notre demande de maintenir l’exonération de la redevance audiovisuelle en faveur de 800 000 personnes de plus de soixante-cinq ans, qui vous coûterait 50 millions d’euros : comparons ces 50 millions avec le milliard d’euros de cadeaux fiscaux dont va bénéficier la fusion de Suez et de Gaz de France, au détriment, en dernier ressort, de l’ensemble des contribuables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

C’est parce que le peuple gronde qu’au retour de Chine et avant de recevoir un chef d’État aussi célèbre que bouffon, on nous a annoncé, à l’occasion d’un entretien télévisé – la qualification d’interview serait évidemment excessive (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) –, qu’on allait soudain, et dans une urgence un peu suspecte, présenter au Parlement un projet de loi sur le pouvoir d’achat.

M. Frédéric Lefebvre. C’est urgent pour les Français !

M. Jérôme Cahuzac. L’honnêteté nous oblige à dire que les conditions dans lesquelles ce texte est soumis à l’Assemblée nationale et bientôt au Sénat ont été jugées tout à fait inadmissibles sur tous ces bancs.

On peut en rappeler très brièvement l’historique : annoncé lors d’une conversation télévisée avec deux journalistes, ce texte a été, le mercredi suivant, présenté et adopté en conseil des ministres, puis soumis au Parlement dans la foulée. Vous êtes venu expliquer ce texte en commission, monsieur le ministre, alors même qu’il n’avait pas encore été distribué à tous les députés !

Je mets au défi les parlementaires chevronnés présents parmi nous de trouver dans ces dernières années un précédent à une telle précipitation et à une telle désinvolture à l’égard de la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous le disons tous, même si c’est de façon différente, et je sais que là-dessus au moins nous sommes d’accord au fond.

On ne peut pas nier l’inflation du prix des produits de première nécessité. Or, s’agissant de dépenses contraintes, les économistes nous apprennent que la demande de ces produits ne présente aucune élasticité par rapport aux prix : quel qu’en soit le coût, on est obligé de se déplacer de se loger, de se chauffer, de se nourrir. Là encore, les chiffres sont parfaitement connus : ces dépenses, auxquelles les ménages sont contraints car elles satisfont des besoins vitaux, représentent 40 à 75 % de leur budget.

Il fallait donc faire quelque chose devant l’échec patent du projet TEPA adopté cet été, et dont nous constatons six mois après son adoption que, contrairement à ce qui avait été annoncé, il n’a eu aucune incidence positive, ni sur la croissance économique de notre pays, ni sur le pouvoir d’achat, en dépit du titre trompeur dont il est affublé.

Qu’en est-il, monsieur le ministre, des cinq articles que compte votre projet de loi ?

Le premier a fait dans un premier temps l’objet d’une présentation que j’ai jugé tronquée et manifestant une volonté d’illusion pour tout dire suspecte. En effet, pourquoi ne pas dire tout simplement que les jours de réduction du temps de travail seraient convertis en heures supplémentaires, et que ce ne serait qu’une fois ces heures supplémentaires réellement effectuées qu’un complément de revenu serait versé aux salariés ? Une telle formulation aurait été beaucoup plus simple, directe et franche, et je persiste à ne pas comprendre pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous obstinez à parler de « rachat » de jours de réduction du temps de travail : il s’agit en réalité de les convertir en heures supplémentaires, le paiement de ces heures supplémentaires se faisant naturellement dans les conditions que nous connaissons, selon qu’existe ou non un accord d’entreprise ou de branche. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Entre une formulation claire et votre présentation, qui vise quelque peu à faire illusion, il y a toute la différence, monsieur le ministre, entre le magicien que vous n’êtes pas et l’illusionniste qu’il ne vous déplaît pas d’être à l’occasion. Il faut bien dire, et c’est un hommage qu’on doit vous rendre, que cela peut marcher à l’occasion.

À cet égard, vous me permettrez de rappeler que vous nous avez déjà présenté il y a trois ans, dans cette enceinte et du banc du Gouvernement, une réforme de l’assurance maladie dont vous nous assuriez, avec les mêmes accents de sincérité qu’aujourd’hui, la même détermination, probablement la même connaissance des textes et la même certitude de bien faire, que c’était « la der des ders », celle qui permettrait de la sauver. Rappelez-vous, mes chers collègues, qu’on vous promettait en 2004 qu’en 2007 l’équilibre des comptes de l’assurance maladie serait définitivement assuré, pour toujours et pour tout le monde. Nous connaissons le résultat : l’année où l’équilibre des comptes de l’assurance maladie devait être assuré est précisément celle qui a vu l’assurance maladie connaître le déficit le plus grave depuis sa création en 1945.

Pourtant, et c’est là que l’illusionnisme a pu fonctionner quelque temps, vous avez su faire accepter aux Français des sacrifices présentés comme le prix de cette réforme. Dois-je rappeler que, sous prétexte de sauver cette sécurité sociale, qui connaît cette année, je le répète, le déficit le plus grave de son histoire, vous avez imposé aux Français le forfait d’un euro par consultation, une augmentation de plus de 15 % du forfait hospitalier, une franchise – déjà ! – d’une dizaine d’euros sur les actes médicaux onéreux.

Surtout, monsieur Bertrand, c’est alors qu’a été institué le fameux dossier médical personnel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), présenté comme la pierre angulaire de cette réforme structurelle qui devait remédier à tout. Or, mes chers collègues, aujourd’hui, en 2007, ce dispositif ne fonctionne toujours pas, et il ne fonctionnera, dans le meilleur des cas, qu’en 2017.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quelle réussite !

M. Jérôme Cahuzac. Avouez, monsieur le ministre, que pour parvenir en 2004 à confondre 2007 et 2017, et pour en convaincre les Français, il fallait de vrais talents d’illusionniste.

M. Patrick Roy. De VRP !

M. Jérôme Cahuzac. Ceux-là, en toute objectivité, nous sommes nombreux à vous les reconnaître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Faut-il vous croire quand, fort d’un tel passé, vous nous expliquez que l’article 1er du projet de loi que vous défendez va régler la question du pouvoir d’achat ? Je crains que non car, au-delà de cette présentation tronquée de façon à faire illusion, cet article souffre d’une malfaçon congénitale, qui n’a pas échappé au demeurant à certains de ceux qui siègent sur les bancs de la majorité.

Le problème est assez simple : les jours de réduction du temps de travail qui ne sont pas pris au 31 décembre 2007 sont en fait annulés. Sans le secours d’un amendement parlementaire dont on doit reconnaître la lucidité, même s’il a été déposé un peu rapidement, pour tenter de sauver un projet de loi qui était bien mal engagé, cet article 1er était sans objet, puisqu’il n’y aurait pas eu de jours de réduction de temps de travail à convertir en heures supplémentaires. En un mot, cette disposition dont vous nous dites qu’elle va doper le pouvoir d’achat d’un certain nombre de salariés serait impossible à appliquer.

Il s’agit donc d’une mesure mal conçue, ce qui s’explique en particulier par l’urgence et la précipitation dans lesquelles ce projet a été imaginé, rédigé, présenté et soumis au Parlement. On devine qu’avec un peu plus de temps une telle erreur n’aurait pas été commise, encore que je ne sois pas certain que les entreprises aient apprécié la chose – je vous renvoie, là encore, à une déclaration faite aujourd’hui par Mme Parisot, qui juge tout à fait invraisemblable que des jours de récupération de temps de travail qui n’auraient pas été pris en 2007 puissent être ainsi transformés rétroactivement en heures supplémentaires en 2008. J’ignore, monsieur le ministre, comment vous vous arrangerez avec les entreprises. Peut-être nommerez-vous un « Monsieur Rachat des jours de récupération du temps de travail ».

M. François Hollande. Il est à Disneyland !

M. Jérôme Cahuzac. Si tel est le cas, il nous faut former le vœu que « Monsieur Heures supplémentaires » et « Monsieur Rachat des jours de récupération du temps de travail » voyagent ensemble – l’État fera des économies – et se rendent de conserve dans les entreprises afin d’expliquer en quoi telle mesure peut être préférable à telle autre. De grâce, ne les faites pas voyager séparément ! Les entreprises ont déjà du mal à s’y retrouver : que serait-ce alors ?

La mesure que vous proposez, mal conçue, est également très temporaire, puisqu’elle est en réalité votée pour les premiers mois de l’année prochaine et doit prendre fin dès l’été prochain. Pourquoi se donner tant de mal pour si peu ? S’il ne s’agit que de franchir le cap des six premiers mois de l’année 2008, pourquoi une telle urgence pour présenter ce projet de loi et, le cas échéant, le faire adopter par notre assemblée et, probablement, par le Sénat ?

Mal conçue et temporaire, cette disposition est aussi partielle, et sans doute l’est-elle beaucoup trop. Je dois avouer, monsieur Bertrand, qu’en vous entendant expliquer quels seraient les salariés qui en bénéficieraient, j’ai admiré la façon dont vous présentiez les choses, exposant ce qu’il adviendrait selon que les entreprises avaient ou non conclu des accords, qu’elles comptaient plus de 50 ou de 100 salariés ou qu’il existait ou non des jours de récupération du temps de travail et, s’il en existait, pour quel montant. J’ai toutefois remarqué que, lorsque les pourcentages sont décevants, vous vous exprimez en millions et, lorsque les millions sont insuffisants, vous vous exprimez en pourcentage. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En additionnant millions et pourcentages, je me suis dit tout d’abord que vous deviez avoir raison et que tous les salariés seraient concernés. Toutefois, je me suis repris et, en regardant ces chiffres en détail, je me suis rendu compte que, là où vous parliez de millions, les pourcentages étaient décevants et que, là où vous parliez de pourcentage, le nombre de salariés concernés était relativement faible.

En réalité, si un salarié sur deux est concerné par ce dispositif, ce sera déjà beaucoup, car celui-ci ne s’applique évidemment pas aux salariés d’entreprises dans lesquelles les modalités des 35 heures ont été mises en œuvre avec une vraie annualisation, c’est-à-dire où le temps de travail, qui peut varier selon les semaines, est toujours de 35 heures en moyenne. Les salariés qui travaillent dans les entreprises où il n’y a eu aucun accord de 35 heures, c’est-à-dire la quasi-totalité des petites entreprises, ne sont pas davantage couverts par cet accord.

En outre, la mesure est d’autant plus partielle que, si le secteur marchand est concerné, les fonctions publiques ne le sont pas – ou du moins pas dans le cadre du projet de loi que nous examinons, de telle sorte que, si elles doivent l’être, il faudrait, monsieur le ministre, nous indiquer quand, de quelle façon et selon quelles modalités.

J’ignore si les déclarations que nous avons entendues et les chiffres avancés par M. Lefebvre, député des Hauts-de-Seine, rassurent ou inquiètent nos collègues de la majorité, car ces chiffres sont proprement extravagants. Les milliards d’euros pleuvent, et cela naturellement au détriment du budget de l’État, qui n’a pas de quoi les financer. Rien n’est prévu en effet à cette fin dans la version définitive du budget 2008 que nous venons d’adopter. Cela signifie donc qu’à supposer que les mesures prises en faveur des fonctionnaires de l’État aient bien le coût évoqué, elles ne seront financées que par la dette, et que les deux promesses de respecter les déficits publics et de ne pas augmenter, à terme, les prélèvements obligatoires ne pourront pas être tenues.

Quant à la fonction publique hospitalière, dont vous vous êtes occupé longtemps, monsieur Bertrand, comment pourrait-on y estimer le coût de ce que vous appelez joliment le « rachat des jours de récupération du temps de travail » ? Le budget des hôpitaux s’élève à environ 55 milliards d’euros, sur lesquels la masse salariale compte environ pour 70 %, les jours de RTT représentant environ, selon la Fédération hospitalière de France, 3 % de ce montant. En d’autres termes, 3 % de 70 % de 55 milliards d’euros représenteraient, si l’on devait supposer que tous les jours de récupération du temps de travail étaient transformés en heures supplémentaires – ce qui sera sans doute loin d’être le cas –, une charge supplémentaire de 1 à 1,2 milliard d’euros pour les hôpitaux. Or, je le rappelle, le déficit cumulé des hôpitaux se situe à ce jour entre 500 et 600 millions d’euros. Je ne vois donc vraiment pas comment, à supposer que les directeurs n’aient pas la possibilité de s’opposer à ce que les comptes épargne temps soient « décrémentés » des jours de récupération du temps de travail afin que ceux-ci soient transformés en heures supplémentaires, les hôpitaux pourraient assumer un tel coût – et nous savons tous très bien, d’ailleurs, qu’ils ne le pourraient pas.

La mesure proposée est donc tout à fait partielle car, en réalité, pour la fonction publique d’État comme pour la fonction publique hospitalière, ni l’État, ni les hôpitaux n’ont aujourd’hui les moyens de votre politique et, s’ils ne les ont pas, c’est parce que les 15 milliards d’euros du paquet « Travail, emploi et pouvoir d’achat » pèsent lourdement et grèvent d’une manière tragique et inquiétante les finances publiques de notre pays, qu’il s’agisse du budget de l’État ou des finances de la sécurité sociale.

M. Patrick Roy. Il faut le rappeler !

M. Jérôme Cahuzac. La mesure présentée d’une façon illusoire et quelque peu tronquée dans l’article 1er, cette mesure temporaire, partielle et mal conçue, comporte en outre une autre caractéristique, qui est probablement la plus grave : elle permet de rompre avec un principe acquis dans notre pays depuis des décennies, celui de la négociation collective. Il est assez surprenant, monsieur le ministre, que ce soit vous, qui avez sans doute pu apprécier au cours des dernières semaines les avantages respectifs d’une négociation collective et de négociations menées au cas par cas, qui portiez une telle mesure.

M. Alain Néri. Il n’y croit pas !

M. Jérôme Cahuzac. Tant les chefs d’entreprise que les pouvoirs publics savent en effet que, dans les entreprises comme au niveau de l’État, une négociation collective avec des syndicats représentatifs sera toujours préférable à une négociation atomisée avec des gens pour qui il est difficile de parler au nom de leurs collègues ou des autres salariés.

Je vous demande instamment, mes chers collègues, de faire très attention à cette disposition qui remet en cause un principe sur lequel s’est longtemps fondé – et heureusement – notre modèle social. Permettre à des salariés de s’affranchir individuellement d’accords collectifs pourra peut-être, dans un premier temps, plaire à certains, mais cela recèle en germe de véritables dangers – pour le dialogue social, bien évidemment, et pour la vie des entreprises, mais aussi, plus globalement, pour la vie sociale et probablement pour la vie démocratique de notre pays. Cet article ne rencontre donc pas, vous le comprendrez, d’assentiment de ce côté-ci de notre hémicycle.

Le deuxième article porte sur le déblocage de la participation. Pour vous, la chose est plus facile, puisque cette mesure ne fait que reproduire, à quelques détails près, une mesure déjà prise par la majorité précédente – à l’initiative d’ailleurs d’un ministre de l’économie et des finances qui a connu depuis lors un sort politique particulièrement glorieux puisqu’il est devenu Président de la République. Nous savons donc à peu près ce qu’il en est.

Tout d’abord, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une augmentation du pouvoir d’achat, à moins d’estimer que le fait de permettre à des salariés de bénéficier de l’épargne qu’ils ont consentie en soit une. En réalité, les salariés gardent ce qu’ils avaient et peuvent le placer ailleurs, mais il ne s’agit en rien d’une augmentation de pouvoir d’achat. C’est au demeurant ce qui s’était passé en 2004 car, sur les 7 milliards d’euros débloqués au titre de la participation par les mesures dites « Sarkozy », 5 à 5,5 milliards d’euros avaient été épargnés d’une autre façon, même si cette autre épargne était probablement plus fluide que celle qui relevait de la participation dans les entreprises.

Il n’y a probablement rien à attendre de cette disposition en termes de consommation. En revanche, et comme l’avait, je le crois, très justement souligné un rapport parlementaire rédigé par François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain – rapport qu’au demeurant la majorité précédente avait, me semble-t-il, adopté –, cette disposition présente de très nombreux inconvénients.

Le premier de ces inconvénients est qu’elle fragilise l’actionnariat d’entreprise. La participation est une chose à laquelle notre pays, les salariés et les entreprises se sont habitués depuis longtemps. C’est pour les salariés une façon d’épargner qui consolide la structure actionnariale des entreprises. Modifier les règles du jeu tous les deux ou trois ans ne me semble pas être une bonne manière à faire à des entreprises pour lesquelles on sait que la stabilité de l’actionnariat est essentielle, surtout dans les temps relativement troublés que nous connaissons, où fleurissent des offres publiques d’achat qui, le plus souvent, loin d’être amicales, sont tout à fait hostiles. Le premier inconvénient est donc, je le répète, la fragilisation d’un système de participation dont une des caractéristiques était de stabiliser l’actionnariat des entreprises.

Un deuxième reproche que l’on peut faire à ce déblocage est qu’il est intempestif et tout à fait impossible à anticiper. Cette mesure, dont les ministres présents au banc du Gouvernement ignoraient eux-mêmes, voici quinze jours, qu’elle serait prise, prive les entreprises d’une véritable visibilité financière et peut compromettre jusqu’à leur stabilité financière.

Troisième inconvénient : les organismes de gestion de la participation des salariés ont besoin, comme tout organisme de gestion de l’épargne, d’une vraie visibilité pour être en mesure de faire des choix, non de court terme, mais de moyen et long terme. Or, là encore, modifier les règles du jeu tous les deux ou trois ans empêche cette visibilité de long terme nécessaire à une bonne gestion. Pas plus que la précédente, donc, cette mesure ne me semble donc être une bonne manière à faire aux salariés ou aux entreprises, et certainement pas pour ce qui est de leur avenir.

Pour ce qui est du quatrième inconvénient, vous avez en partie répondu, monsieur le ministre, mais je n’ai pas entièrement compris vos propos et j’espère que vous aurez à cœur de me répondre plus complètement. J’avais cru comprendre – mais le temps m’a peut-être manqué – que cette disposition allait finalement au rebours de ce que vous sembliez souhaiter, à savoir de permettre aux salariés d’épargner pour leur retraite, et donc de disposer d’une épargne de long terme qui ne puisse être débloquée comme elle l’a été en 2004 et le sera bientôt de nouveau en 2008. Vous avez indiqué, me semble-t-il, que cette épargne consacrée à la retraite ne pourrait être mobilisée.

Permettez-moi de vous demander quelques précisions à cet égard. Quel est le pourcentage de l’épargne salariale qui sera consacré à la retraite et dont vous estimez qu’il ne peut être débloqué ? Quelle est, par conséquent, la part – il s’agit, je suppose, de la différence – qui peut l’être et quel est le volume que vous en attendez ? Peut-être aurons-nous ainsi une plus juste idée, sinon du pouvoir d’achat supplémentaire que vous donnez aux salariés ou que vous leur permettez d’avoir, du moins du montant de l’épargne que vous leur permettrez de déplacer d’une structure vers une autre, sans naturellement en profiter au titre notamment de la consommation.

Troisième mesure : la prime. Cette prime exceptionnelle – qui, par définition, ne pourra être utilisée qu’une fois –, d’un montant de 1 000 euros, reste à la totale appréciation des entreprises, qui ne la délivreront que si elles l’estiment possible. Sur le principe, la chose est relativement peu choquante, mais il est abusif de présenter cette mesure comme si elle devait être inévitablement appliquée. Cette prime sera sans doute décidée au cas par cas et même un ministre plein de fougue et d’élan, convaincu que ce projet sera déterminant – dans le portrait duquel je suis heureux, monsieur Bertrand, que vous vous reconnaissiez –, ne peut dire combien d’entreprises le décideront, combien de salariés en bénéficieront,…

M. Patrick Roy. Un certain nombre, sans doute !

M. Jérôme Cahuzac. et, au bout du compte, quels espoirs on peut en concevoir en termes d’augmentation de la consommation des ménages et donc de croissance de notre économie.

Nous avons vu que le rachat des jours de récupération du temps de travail est pour le moins ambigu. Pour ce qui est de la participation, le dispositif nous semble présenter beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Quant aux primes, leur attribution est aléatoire.

Avant de laisser à M. Jean-Yves Le Bouillonnec le soin de développer, probablement devant Mme Boutin, nos réflexions sur les deux dernières mesures, qui ont trait au logement, je ferai tout de même une remarque : ces mesures concernent-elles le flux ou le stock ? En d’autres termes, les contrats en cours sont-ils, ou non, concernés par ces dispositions ? S’ils ne le sont pas, on peut craindre que ces dispositions ne manquent leur cible. S’ils le sont, on peut craindre que, comme cet été, le Conseil constitutionnel ne juge pas conforme à notre loi suprême cette forme de rétroactivité qui modifie des contrats conclus sous l’empire d’une autre législation. M. Le Bouillonnec développera bien mieux que moi ces arguments, je le répète, mais l’ambiguïté demeure : si le stock n’est pas concerné, n’espérons pas grand-chose de ces mesures en termes de pouvoir d’achat ; s’il est concerné, craignons la censure du Conseil constitutionnel.

Cette mesure, partielle parce qu’elle ne concerne pas tous les salariés et qu’elle ne concerne pas les fonctionnaires des trois fonctions publiques, l’est aussi parce qu’elle ne concerne pas les retraités – mais j’ai toutefois le sentiment qu’on va peut-être bientôt se pencher sur leur sort, car c’est peut-être là une des raisons de votre absence programmée demain après-midi, monsieur le ministre. Ce n’est pas nous, au demeurant, qui sommes responsables du fait que cette réunion ait été programmée demain – réunion dont l’esprit de la loi Fillon, qui la commande pourtant, aurait voulu qu’elle eût lieu plutôt avant qu’après l’examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Quoi qu’il en soit, cet embouteillage…

M. Michel Vergnier. Ce cafouillage !

M. Jérôme Cahuzac. …entre l’examen de ce projet de loi et ladite réunion prouve bien la précipitation avec laquelle vous avez décidé de saisir le Parlement pour examiner ces dispositions.

C’est très regrettable, car de nombreux retraités, notamment ceux qui perçoivent des retraites ou pensions très faibles, ont vraiment cru que le nouveau Président de la République les augmenterait. Or nous savons ce qu’il en sera.

Monsieur Bertrand, vous avez eu tout à l’heure des mots d’une très grande pudeur pour évoquer ce que serait la revalorisation des retraites et de l’allocation adulte handicapé – vous n’en avez d’ailleurs cité le chiffre ni en pourcentage ni en valeur absolue. Pourquoi une telle pudeur ? Nous le savons, mes chers collègues, cette revalorisation ne sera que de 1,1 %. Cela veut dire que les retraités, notamment ceux de l’agriculture ou du commerce, qui ne touchent que 600, 700 ou 800 euros par mois – les cas sont nombreux –, ne bénéficieront à partir du 1er janvier que d’une revalorisation de 6 à 8 euros par mois. J’ai indiqué quelle est l’augmentation des prix des produits de première nécessité : on mesure, en comparant cette évolution avec les augmentations de retraites que vous acceptez de consentir, la gravité du problème. Quel dommage tout de même !

Quel dommage, dis-je, parce que nous vous avons proposé des mesures. Certes, toutes n’étaient probablement pas acceptables, elles ont d’ailleurs été critiquées, parfois vertement et pas forcément toujours à tort ; mais tout de même ! Certaines mesures étaient, me semble-t-il, tout à fait envisageables et auraient probablement fait l’objet d’un certain consensus. Je pense bien sûr à la prime pour l’emploi. M. Lefebvre nous a reproché de l’évoquer, estimant que c’était la majorité à laquelle il appartient qui l’avait créée.

M. Pierre Cohen. Ah ça ! Il s’est trompé !

M. Frédéric Lefebvre. Elle a été doublée !

M. Jérôme Cahuzac. Je m’inscris en faux contre son affirmation : la prime pour l’emploi fut créée avant 2002 ; mais il est vrai qu’elle a été notablement augmentée depuis. Bref, nous avons travaillé ensemble pour la même chose. Nous vous proposions de recommencer. Pourquoi refuser d’augmenter de 50 % la prime pour l’emploi ? Cela coûterait moins cher que beaucoup des mesures que vous avez déjà fait adopter, notamment cet été, et au moins une telle mesure concernerait tous les salariés, qu’ils soient à temps partiel ou à temps complet, quelle que soit l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Et elle aurait, quant à elle, un effet puissant en termes de pouvoir d’achat.

Nous vous avons proposé également la baisse de la TVA. La chose aurait été possible si les finances publiques n’avaient pas été malheureusement grevées par les dispositions tout à fait déraisonnables de cet été. Il est vrai que, pour accepter une baisse de la TVA, vous auriez dû avoir la lucidité et le courage de revenir sur des dispositions votées à la hâte cet été. Mais, après tout, il y a plus d’honneur à reconnaître une erreur qu’à persévérer par fierté mal placée, et vous vous seriez grandis, six mois après avoir commencé à gérer les affaires du pays sous l’empire d’un nouveau Président de la République, en reconnaissant clairement les erreurs commises, pour prendre enfin des mesures qui, elles, auraient profité à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Enfin, nous vous avons proposé le chèque-transport, et, là aussi, nous aurions parfaitement pu, mes chers collègues, travailler ensemble,…

M. Pierre Cohen. Restons-en là !

M. François Hollande. Le message est passé, monsieur Cahuzac !

M. Jérôme Cahuzac. …tout simplement parce que vous l’avez créé et que nous vous proposions de le financer par une taxe exceptionnelle sur les profits des compagnies pétrolières.

M. François Hollande. Ils sont convaincus !

M. Jérôme Cahuzac. Les choses ont déjà été dites. Il semble que, non pas sur vos bancs mais sur ceux de mon groupe, certains trouvent que je sois un peu long. Je vais donc, monsieur le président, conclure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. Cahuzac est formidable !

M. le président. Mon cher collègue, il vous faut en effet terminer.

M. Jérôme Cahuzac. Mes chers amis du groupe SRC, il semble que le président Accoyer confirme votre impression. (Sourires.)

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette exception d’irrecevabilité, comme toute motion de procédure, est en réalité un moyen d’exposer les vues de l’opposition sur la politique économique et sociale menée par le Gouvernement. Je l’ai fait en espérant n’avoir choqué personne. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je l’ai fait également en ayant l’intime conviction de n’avoir rien dit d’inexact.

M. François Hollande. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac. J’espère très sincèrement, sinon vous avoir convaincus, au moins vous avoir fait douter suffisamment pour examiner en conscience les dispositions que nous vous proposons. Elles seraient beaucoup plus utiles aux Français que celles que vous leur suggérez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Patrick Roy. Si le Gouvernement a ses munitions, qu’il en fasse la démonstration ! Il est temps que nous votions ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jérôme Cahuzac. Le Gouvernement n’a pas de munitions !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Pour voter sur une démonstration, encore faudrait-il qu’elle soit talentueuse et convaincante. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je rappelle à M. Cahuzac qu’il est plus facile d’être procureur qu’avocat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Pierre Cohen. Surtout par les temps qui courent !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur Cahuzac, vous n’avez pas fait une grande démonstration, mais je sais que vous n’êtes pas avocat de profession. Sans me prononcer dès maintenant sur les motifs d’irrecevabilité que vous avez soulevés sans parvenir à être convaincant, je voudrais vous répondre d’abord en rappelant l’intérêt du présent texte.

La loi TEPA du 21 août 2007 a assoupli certaines règles, que je qualifierai de malthusiennes car liées aux 35 heures. Et je sais que bien souvent, en privé, certains députés de l’opposition ne sont pas tendres avec ce dispositif ; c’est un aveu de sincérité que l’on peut saluer.

M. Alain Vidalies. Parlez sans notes, monsieur le ministre, faites comme M. Cahuzac !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Oh, vous savez, monsieur Vidalies, j’ai été porte-parole à une époque, je veux bien l’être à nouveau.

Le projet de loi en faveur du pouvoir d’achat que nous présentons marque bien une étape supplémentaire…

M. François Hollande. De régression !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. …pour permettre à ceux qui le souhaitent de travailler davantage, donc de libérer des énergies.

M. Jérôme Cahuzac et M. Patrick Roy. Par exemple, les chômeurs, les RMIstes, les retraités !

M. le président. Vous avez déjà utilisé tout votre temps de parole, mon cher collègue. Veuillez ne pas interrompre M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Ce sont des énergies qui, nous le savons, demeuraient et demeurent emprisonnées dans le carcan des 35 heures.

S’agissant de la méthode, j’ai indiqué en commission que ma disponibilité est totale pour répondre aux questions des parlementaires sur le projet de loi pour le pouvoir d’achat. Car je rappelle que notre philosophie, c’est la discussion et la concertation, contrairement aux 35 heures, qui ont été imposées d’en haut ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Là où vous avez voulu à l’époque imposer d’en haut, nous voulons, nous, rendre possible au niveau des entreprises. C’est un vrai changement de philosophie. C’est certainement ce qui garantit le succès de notre dispositif, à la différence de celui des 35 heures imposées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez signalé que les journées de RTT non prises étaient perdues, et que notre projet de loi allait permettre de les payer, avec une majoration. Je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur Cahuzac. C’est un véritable aveu de votre part, que je tiens à souligner. Vous reconnaissez donc que notre projet permettra au salarié de percevoir une rémunération majorée et qui va, compte tenu des exonérations de charges pour l’employeur et des avantages que j’ai évoqués cet après-midi – un coût de 148 euros au lieu de 170 euros –, bénéficier à l’un et à l’autre. Vous avez aussi reconnu que la moitié des salariés du secteur concurrentiel étaient potentiellement concernés par cette monétarisation.

M. Alain Vidalies. Sont-ils concernés réellement ou potentiellement ? Ce n’est pas la même chose, monsieur le ministre !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Puisque vous avez parlé de pourcentages, monsieur Cahuzac, parlons chiffres : près de 9 millions de salariés, cela ne représente peut-être pas grand-chose à vos yeux, monsieur Roy, mais, pour eux, cette monétarisation va représenter une avancée bien plus importante que les fausses propositions ou que les grands discours en matière de pouvoir d’achat. Nous, nous sommes dans le concret, nous passons aux travaux pratiques, et les salariés ont bien compris de quoi il s’agissait : une véritable avancée en termes de pouvoir d’achat.

Vous avez aussi évoqué la question des 35 heures et des heures supplémentaires non payées à l’hôpital. Le Président de la République a demandé à mes collègues, Éric Woerth pour la fonction publique, en lien avec André Santini et Roselyne Bachelot-Narquin, d’ouvrir la concertation avec les organisations syndicales.

M. Jérôme Cahuzac. Il n’y a pas d’argent !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Le stock d’heures supplémentaires en question était, au 31 décembre 2007, de 23 millions d’euros. 3 300 000 jours sont stockés sur des CET. La première réunion de concertation sur les heures supplémentaires et les CET aura lieu en janvier 2008. Nous ne renvoyons pas cela aux calendes grecques : c’est au tout début de l’année 2008 que nous le ferons. Il s’agit de fixer un cadre national pour établir un diagnostic et les règles applicables. Je pense que nous avons tout intérêt, les uns et les autres, à le faire en lien avec les organisations syndicales. À partir de ce cadre national, nous aurons des cadres locaux pour agir au plus près du terrain et des attentes…

M. Pierre Cohen. On vous attend !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. …des agents.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Vous dites également ne pas croire que modifier les règles du jeu tous les deux ou trois ans soit de nature à résoudre les problèmes. Parlez-vous d’or ou d’expérience ? C’était pourtant la logique des deux lois sur les 35 heures, distantes de deux ans,…

M. François Hollande. Avec vous, c’est six mois !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. …et qui ont mis en place ce fameux carcan dans lequel aujourd’hui nous évoluons – si tant est qu’on puisse utiliser le terme « évoluer » –, carcan qui est la source de la majorité des difficultés actuelles que rencontrent, dans les entreprises, les employeurs, les organisations syndicales, les représentants du personnel et les salariés.

M. Jérôme Cahuzac. Boniments !

M. Alain Vidalies. Ça fait six ans que vous êtes au pouvoir !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. S’agissant du déblocage de la participation, vous avez dit craindre une déstabilisation de l’épargne salariale alors que, dans le même temps, vous prônez, vous souhaitez et appelez de vos vœux – comme nous d’ailleurs, mais nous, nous le faisons – le renforcement du dialogue social.

M. Alain Vidalies. Mais vous, c’est avec le patronat !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Je veux être clair sur ce sujet, même s’il ne s’agit pas ce soir d’anticiper le débat qui aura lieu lors du rendez-vous des retraites. Nous sommes sensibles à la nécessité de l’épargne longue, mais nous ne croyons absolument pas que cette mesure de déblocage soit un facteur de déstabilisation. N’oubliez pas qu’en 2004, 7 milliards d’euros sont sortis des fonds de participation, au titre du déblocage, et cela n’a pas empêché les en-cours d’épargne salariale de s’élever à 57 milliards d’euros à l’époque et, à la fin de l’année 2007, à 100 milliards d’euros. Il y a donc de la marge. Les mesures prises en 2004 ont renforcé le pouvoir d’achat mais n’ont en rien mis en péril les fonds liés à l’épargne salariale. Vous savez, de surcroît, que sur toutes ces questions, nous avons une logique : il faudra des accords de façon à pouvoir bien prendre en compte la réalité de ce qui se passe dans les entreprises concernées.

Avant de laisser Christine Boutin répondre sur la question du logement, je voudrais insister sur un autre aspect de votre intervention : l’aspect constitutionnel. Je rappelle que c’est à l’occasion des deux lois sur les 35 heures que la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les relations entre la loi et les accords collectifs a pu se développer. Nous y sommes particulièrement attentifs, soyez-en certain. Je suis sûr que vous aurez à cœur de poser nombre de questions sur ce sujet au Conseil constitutionnel, comme vous l’avez fait sur d’autres textes par le passé. Mais je tiens à vous dire une chose : sur toutes ces questions, les Français sont pleins de bon sens. Ils sont aussi à la recherche de sens. Et le sens que nous leur proposons, c’est une société davantage fondée sur le travail, pour valoriser ceux qui travaillent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), pour aider ceux qui n’ont pas de travail à en retrouver un (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais aussi pour agir en permanence pour celles et ceux qui ne peuvent pas ou qui ne peuvent plus travailler.

M. Patrick Roy. Une société où le travail n’est même pas valorisé !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Nous en débattons ce soir, mais les Français, en votant pour Nicolas Sarkozy, ont fait le choix de cette société du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Michel Ménard. Et que faites-vous pour les retraités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de la ville. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d’abord saluer le talent de M. Cahuzac ; son intervention a vraiment été de très grande qualité.

M. Patrick Roy. C’est un bon début !

Mme la ministre du logement et de la ville. Je vous remercie. (Sourires.) Je pense que M. Le Bouillonnec interviendra plus directement sur le logement, mais puisque, monsieur Cahuzac, vous avez posé des questions à ce sujet, je me dois, par courtoisie, de vous répondre.

Vous avez parlé de l’efficacité des mesures sur le stock ou le flux, en considérant qu’aucune de nos propositions ne pouvait être efficace : Vous avez dit que si nous touchions au flux, la mesure serait insuffisante, et que si nous touchions au stock, nous serions censurés par le Conseil constitutionnel. Je ne partage pas votre point de vue. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir, mais il faut examiner les mesures qui sont prévues dans ce projet de loi : la première, à l’article 4, porte sur une modération des loyers, dont l’augmentation sera indexée sur l’indice des prix de la consommation ; la seconde, à l’article 5, porte sur une réduction du dépôt de garantie à un mois.

Le flux, dans le domaine du logement, ce sont les nouvelles constructions. Je vous rappelle que nous arrivons cette année à 429 000 mises en chantier, ce qui n’est pas arrivé depuis trente ans ! Le stock, c’est l’ensemble des logements disponibles, et c’est bien sûr sur l’ensemble que les mesures vont porter. Tous les locataires bénéficieront d’une hausse modérée de loyer grâce à cette indexation, et tous les nouveaux baux auront un dépôt de garantie d’un mois au maximum. Ce sont donc, excusez du peu, un million de familles, de foyers, qui vont bénéficier de ces mesures, et 500 millions d’euros qui seront redonnés aux locataires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allez, au vote !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Est-ce bien utile ?

M. Patrick Roy. Il faut être aussi rapide qu’en commission, monsieur Méhaignerie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, je pensais ne pas devoir parler, mais comme M. Migaud m’a interpellé – certes, avec beaucoup de courtoisie –, je me dois de lui répondre de la même manière. Comme lui, j’aime les choses simples, économiquement efficaces et socialement justes. Or, et je ne suis pas le seul, je n’ai jamais aimé la rigidité des 35 heures et les conséquences nuisibles qui en ont découlé.

M. Michel Ménard. Supprimez carrément les 35 heures ! Assumez !

M. Patrick Roy. Vous avez peur !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Supprimer les 35 heures ? Mais nous ne voulons pas avoir le même dogmatisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) que ceux qui les ont mises en œuvre.

M. Patrick Roy. Ce n’est donc pas si mal que ça !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Il y a des gens qui souhaitent travailler 30 heures, d’autres 35 heures et d’autres 40 heures.

M. Michel Vergnier. Et même 60 heures !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Si vous voulez terminer seuls, je veux bien ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Aujourd’hui, il y a des hommes et des femmes qui souhaitent travailler 40 ou 42 heures et, avec les textes actuels, ils ne le peuvent pas !

Certes, le système est complexe. Mais la complexité, nous aurions pu la réduire. C’était le sens de la proposition de loi présentée par quelques-uns d’entre-nous. D’ailleurs, M. Jérôme Cahuzac m’avait déclaré être favorable à notre proposition de loi…

M. Jérôme Cahuzac. Ah non ! Ce n’est pas correct !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Ah bon ? Sans doute ai-je mal compris.

M. Jérôme Cahuzac. C’est très incorrect !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Il y avait quelque chose de positif, quand même !

M. François Hollande. Ce n’est pas grave, allons vite au fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Cette proposition de loi aurait permis de laisser la liberté aux salariés de choisir d’aller jusqu’à 220 heures, dès lors que les délégués du personnel ne s’opposaient pas à cette solution. (Brouhaha sur les bancs du socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je ne comprends pas cette agitation dans l’Assemblée.

M. Patrick Roy. On a compris, vous êtes de bonne foi !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Certains répliquent que les salariés peuvent déjà faire des heures supplémentaires.

Mme Michèle Delaunay. Mais oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Non, madame, je suis désolé de rappeler que le nombre d’heures supplémentaires est limité à 40 heures ou 80 heures dans beaucoup de branches. Dans des secteurs qui ont besoin de main-d’œuvre, des salariés ne peuvent pas s’exprimer. (Plusieurs députés UMP entrent dans l’hémicycle, salués par des « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

C’est la raison pour laquelle le texte actuel, quelle que soit sa complexité, répond à l’exigence de la diversité des attentes. Certes, il s’agit d’une mesure conjoncturelle. Mais, dans tous les pays européens et dans le monde entier, nous constatons une angoisse nouvelle face à la montée des prix des produits alimentaires et de l’essence. C’est pourquoi, par respect pour les salariés et les négociations salariales, et compte tenu du fait que la loi de janvier 2007 ne permet pas de négocier librement les heures supplémentaires, le Gouvernement a proposé ce projet qui répond à l’attente et au besoin de pouvoir d’achat.

M. Julien Dray. Quelle agitation à l’entrée de l’hémicycle !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Pour vous répondre, M. Didier Migaud, je n’aime pas les 35 heures et la rigidité qu’elles ont imposée à la société française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le ministre, madame la ministre, après le brillant exposé de mon collègue Jérôme Cahuzac sur les raisons qui nous conduisent à soulever cette exception d’irrecevabilité, je vais être bref.

Mais je voudrais dire que nous sommes choqués par la méthode. Après deux mois de discussion d’un projet de loi de finances déjà vidé de son contenu par la loi TEPA de l’été, vous nous proposez encore – alors que la discussion n’est pas achevée – une nouvelle loi sur le pouvoir d’achat, sans la moindre étude d’impact. Des chiffres sont évoqués dans la presse : 30 à 35 milliards d’euros de pouvoir d’achat seraient injectés dans l’économie, paraît-il ! Cela n’est pas sérieux ! Ces chiffres repris par Mme Lagarde ne reposent sur aucune étude de ses services.

Votre politique n’aura aucun effet sur le pouvoir d’achat pour des raisons simples. D’une part, les mesures contenues dans ce projet de loi se substituent à des hausses de salaires. D’autre part, celles qui ont été votées cet été avec la loi TEPA vont peut-être conduire certains salariés à toucher plus, mais cela se fera au détriment de l’emploi et, au total, la masse salariale n’augmentera pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Chers collègues socialistes, faut-il hâter l’heure de l’expression démocratique de l’Assemblée ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Alors, je dirai simplement que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera cette motion d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre…

M. François Hollande. Jean-François Copé cherche des clients !

M. Michel Vergnier. Ça court dans les couloirs !

M. Alain Néri. Le bateau UMP coule !

M. Philippe Vigier. … ne s’associera pas à cette exception d’irrecevabilité. (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cela vous surprend peut-être ? En entendant mes voisins bruyants, je trouve ce débat un peu irréaliste.

M. Cahuzac – que j’ai écouté avec attention – nous disait labourer sa circonscription. Nous ne devons pas avoir les mêmes électeurs, lui et moi ! Les miens me demandent tous les jours : que faites-vous pour le pouvoir d’achat ? De ce point de vue, ce texte représente une avancée incontestable – y compris en Corrèze, monsieur Hollande ! –, j’aurai l’occasion d’y revenir.

Deuxième apport essentiel de ce texte : il permet une meilleure reconnaissance de la valeur travail dans ce pays.

Troisième chose à laquelle vous devriez être sensibles aussi, puisque nous représentons tous des travailleurs : l’accord chez Continental, dévoilé par le journal Les Échos ce matin, montre bien qu’il existe une vraie attente des salariés, désireux de se faire payer leurs journées de RTT et de travailler plus.

M. Alain Néri. M. Copé tremble !

M. Philippe Vigier. Donc, nous ne voterons pas cette motion proposée par M. Cahuzac et ses amis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (« Cinq minutes ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Frédéric Lefebvre. J’espère que le groupe socialiste va faire preuve d’un peu d’écoute, même s’il n’a pas pris cette peine avec son propre orateur, Jérôme Cahuzac. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je pense que la moindre des choses, dans cet hémicycle, c’est de s’écouter.

M. Julien Dray. Vous étiez meilleur comme conseiller de Nicolas Sarkozy !

M. Frédéric Lefebvre. Le premier secrétaire du parti socialiste a déclaré, il y a quelques jours, qu’il entendait aborder ce débat de manière constructive.

M. François Hollande. On peut même le raccourcir ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Frédéric Lefebvre. Nous souhaitons tous que cela se passe de manière constructive. La première condition est d’écouter ses amis parler.

Moi qui ai écouté M. Cahuzac avec attention, j’ai envie de lui répondre un certain nombre de choses, notamment que l’exception d’irrecevabilité qu’il présente n’est pas fondée en droit. Il le sait bien et ne s’est d’ailleurs pas attardé très longtemps sur cette question.

M. Yves Bur. Comme d’habitude !

M. Frédéric Lefebvre. Il a saisi l’occasion pour nous rappeler un certain nombre de dispositions qu’il avait déjà évoquées. Je voudrais vous dire, monsieur Cahuzac, que la majorité travaille aussi sur plusieurs sujets que vous avez abordés et plusieurs amendements déposés par le parti socialiste. Ce texte comporte des mesures d’urgence sur le logement, les RTT ou la participation. Mais d’autres textes seront examinés au cours des prochains mois, et le groupe UMP est bien décidé à déposer des amendements sur des sujets importants. Jean-François Copé nous a demandé de constituer …

M. François Hollande. Que fait-il debout, M. Copé ?

M. Yves Bur. Pauvre François Hollande ! C’est tout ce que vous trouvez à dire ?

M. Frédéric Lefebvre. …un groupe « pouvoir d’achat ». Avec mon collègue Jérôme Chartier, rapporteur de ce texte, et une trentaine de parlementaires UMP, nous travaillons sur le sujet.

Je voudrais essayer d’analyser, de manière très modeste, les différents amendements que vous avez déposés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Monsieur Hollande, si vous désirez vous montrer constructif, écoutez notre avis ! Soyez un peu respectueux des parlementaires qui s’expriment !

La question des salaires minimum est soumise à la négociation sociale. On vous demande de respecter les parlementaires mais respectez aussi les partenaires sociaux : il faut attendre le résultat des négociations. Sur le rachat des RTT, nos amendements – Jérôme Cahuzac a apprécié un certain nombre d’entre eux – vont peut-être vous rassurer. J’espère que vous allez pouvoir les voter !

M. Patrick Roy. Il vous reste 40 secondes de temps de parole !

M. Frédéric Lefebvre. D’ailleurs, vous savez parfaitement que ces rachats de RTT concernent beaucoup de Français : entre 7 et 9 millions, selon l’estimation donnée tout à l’heure par M. le ministre, en fonction des dispositifs retenus.

Patrick Roy. 30 secondes !

M. Frédéric Lefebvre. Il faut que vous y pensiez au moment où vous allez voter ! (Plusieurs autres députés UMP pénètrent dans l’hémicycle, de nouveau salués par des « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Le bonus-malus, que nous avons défendu, est lui aussi soumis à la négociation sociale. Alors, attendez. Soyez patients ! Nous avons vu vos amendements.

Je vais faire plaisir à François Hollande. Lors de la discussion de la proposition de loi socialiste, Yves Cochet et la majorité vous ont trouvé peu performants sur un certain nombres de sujets comme la TIPP flottante.

Plusieurs députés socialistes. Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro !

M. Frédéric Lefebvre. Mais, en découvrant vos amendements, nous avons eu la bonne surprise de constater que le parti socialiste avait abandonné l’idée de la TIPP flottante. J’ignore si vous y êtes pour quelque chose, monsieur Hollande ! (De nouveaux députés UMP entrent dans l’hémicycle, accueillis par des applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Il faut conclure, monsieur Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Sur la réversibilité totale, votre ami le sénateur Jean-Pierre Bel est beaucoup plus constructif que vous : comme nous, il la veut, alors que vous allez beaucoup moins loin.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles le groupe UMP entend refuser en bloc cette exception d’irrecevabilité, ce qui ne signifie pas qu’il ne se montrera pas constructif lors de la discussion des amendements. Contrairement à vous, monsieur Hollande, nous sommes respectueux des débats dans cet hémicycle !

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

(Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. Donnez-nous le score !

M. le président. Il y a plus de dix voix d’écart ! (Les protestations persistent sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Je suspends la séance !

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2002, les Français s’étaient vu promettre la fin de la fracture sociale. En 2007, ils sont encouragés à augmenter leur pouvoir d’achat : plus dure encore sera leur désillusion. Car le pouvoir d’achat est une de leurs principales préoccupations ; il est au cœur de leur vie ; pour certains d’entre eux, il s’agit même aujourd’hui d’une question de survie.

M. Jean-François Copé. Mais où sont les députés socialistes ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comment la désillusion ne serait-elle pas insinuée dans l’esprit de nos compatriotes lorsque le président de l’amélioration du pouvoir d’achat et sa majorité ont adopté le paquet fiscal dès juillet dernier ? En dilapidant ainsi 15 milliards, ils étaient à mille lieues des attentes de la grande majorité des Français, à qui ces mesures n’étaient évidemment pas destinées.

Le choc de confiance prédit par Nicolas Sarkozy n’a pas eu lieu, et encore moins le choc de croissance. Bien au contraire ! Le moral des Français n’a jamais été aussi bas. La consommation des ménages a nettement reculé ces derniers mois, la croissance a fléchi et l’inflation a atteint en novembre dernier son plus haut niveau depuis trois ans : 2,4 %. Le prix de l’énergie s’envole avec une hausse de 4,1 % en novembre également, et de 10,2 % sur les douze derniers mois. Les prix des produits alimentaires ne cessent de progresser dans des proportions alarmantes. C’est la vie quotidienne de nos concitoyens qui est affectée.

L’idéologie libérale qui vous inspire n’a fait qu’aggraver les conditions de vie des Français car les mesures que vous avez prises ont pesé directement sur le pouvoir d’achat. Vous avez introduit les franchises médicales, refusé un coup de pouce au SMIC et aux retraites, dont les bénéficiaires les plus modestes devront désormais payer la redevance. Et ce n’est sans doute qu’un début puisque l’institution d’une franchise sur l’aide juridictionnelle, la récupération sur les petites successions des sommes versées au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie et la TVA sociale figurent parmi les pistes que vous explorez, en attendant que soient passées les élections municipales.

Vous feignez, avec ce projet de loi, de prendre en compte les doléances des citoyens dans les conditions ubuesques, qu’a eu raison de rappeler Jérôme Cahuzac. Pourquoi avoir attendu la fin de l’année pour le déposer ? N’êtes-vous donc pas aussi attentifs que vous le prétendez à la situation de nos concitoyens, ne l’avez-vous pas comprise ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Sinon, pourquoi ne pas avoir voté nos amendements au projet de loi de finances ? Pourquoi avoir refusé avec mépris d’examiner les articles de notre proposition de loi destinée à soutenir le pouvoir d’achat des ménages ? Elle proposait l’augmentation de 50 % de la prime pour l’emploi, le relèvement des petites retraites, la baisse de la TVA, la mise en place du chèque transport et d’un « bouclier logement » pour plafonner les dépenses de logement à 25 % du revenu ? Aujourd’hui, dans l’urgence, procédure désormais classique, vous nous soumettez un projet qui, sans solliciter le budget de l’État, comporte une série de mesures aléatoires, approximatives, voire incertaines quant à leur résultat, et qui excluent les retraités, les chômeurs, les travailleurs précaires, et même de très nombreux salariés : précisément ceux qui ont des problèmes de pouvoir d’achat. Il s’agit d’un marché de dupes, encore plus insupportable lorsqu’il concerne le logement, comme c’est le cas pour les articles 4 et 5 de votre projet.

Vous annoncez l’indexation des loyers sur le coût de la vie et un dépôt de garantie ramené de deux à un mois de loyer. Ne mesurez-vous donc pas le ridicule de telles propositions à l’aune de la politique libérale et du travail de casse que vous avez menés depuis 2002 ? Vous avez nourri la spéculation avec l’exonération d’impôt sur les sociétés d’investissement immobilier lors des ventes à la découpe, avec les déductions fiscales colossales du dispositif de Robien, accordées sans aucune contrepartie sociale, avec la déduction des intérêts d’emprunt immobilier – qui n’avait rien d’urgent –, pour ne citer que quelques exemples. Et le pire reste à venir avec la libération annoncée du livret A.

Au lieu de s’engager dans une véritable politique d’aide à la construction de logements accessibles au plus grand nombre, le Gouvernement se défausse et se réfugie derrière un écran de fumée, un saupoudrage de mesurettes , qui ne peut masquer sa conception libérale du logement. Ce que vous proposez dans ce domaine n’aura aucun effet sur le pouvoir d’achat. Pour juguler la flambée des loyers, nous avions nous-mêmes proposé l’indexation des loyers sur l’évolution des prix à la consommation.

Mme la ministre du logement et de la ville. Vous devriez donc être contents !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous avez donc fini par reprendre un peu tardivement une proposition socialiste ( « Alors ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), sans comprendre encore l’essentiel, à savoir que, pour être durablement efficace, il faut élaborer un dispositif d’ensemble, plus large et plus cohérent.

M. Bernard Deflesselles. Arrêtez de donner des leçons !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous avez attendu janvier 2006 pour cesser d’indexer les loyers sur le coût de la construction. Vous avez mis du temps pour mesurer l’inanité d’un tel indice. Le nouvel indice aujourd’hui applicable, l’indice de référence des loyers, que l’on nous avait présenté comme la panacée pour parvenir à une revalorisation équilibrée des loyers, s’est révélé aussi désastreux, puisqu’il a progressé de 2,76 %. Quant à l’indice des prix à la consommation, que vous souhaitez désormais retenir, il a augmenté de 2,4 %. Le différentiel du nouvel indice apparaît dérisoire pour générer un gain de pouvoir d’achat.

Mme la ministre du logement et de la ville. Mais c’est ce que vous avez vous-même proposé !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On est loin, très loin des annonces grandiloquentes du Président ! Cette mesure ne divisera pas par deux les loyers.

M. Bernard Deflesselles. Il s’agissait de la hausse des loyers, non des loyers eux-mêmes !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle n’aura qu’une portée très limitée puisqu’elle ne concerne que la revalorisation annuelle des loyers pour les baux en cours. Le locataire ne sera donc nullement protégé d’une augmentation importante du loyer lors du renouvellement du bail. Il en sera de même au changement de locataire, circonstance la plus propice, madame la ministre, vous le savez bien, à la revalorisation excessive des loyers. Le fait que le Président de la République n’en tienne pas compte dans une déclaration portant sur le logement, on peut le comprendre, puisque ce n’est pas là, nous le savons tous, un de ses sujets de prédilection, mais qu’on n’ait pas réussi à lui expliquer que la hausse des loyers intervenait surtout au renouvellement du bail ou au changement de locataire, voilà bien la preuve que la situation des locataires n’intéresse que médiocrement un gouvernement pour lequel ne comptent que de vulgaires stratégies d’affichage. En outre, l’indexation des loyers sur l’inflation n’aura qu’un impact limité, alors même que, personne n’en doute, l’inflation va malheureusement s’aggraver.

Par ailleurs, aucune mesure de rattrapage n’est prise en matière de revalorisation des aides personnelles au logement. Depuis 2002, elles n’ont été que marginalement revalorisées et ont donc perdu une grande part de leur efficacité. On considère que la perte du pouvoir d’achat liée à l’érosion des aides est supérieure à 10 %. Préalablement à toute autre initiative, pour un effet direct et immédiat sur le pouvoir d’achat, il aurait fallu que la loi de finances pour 2008 revalorise l’APL sur des bases compensatrices de la perte de solvabilisation, seule mesure susceptible de recréer du pouvoir d’achat. Plus de 6 millions de ménages sont directement bénéficiaires de ces aides, et les trois quarts d’entre eux ont des revenus inférieurs au SMIC. Alors que les loyers ont augmenté de plus de 25 % en cinq ans et davantage encore pour les loyers les plus modestes, le montant des aides distribuées n’a augmenté que de 4 % entre 2002 et 2005. Il a même diminué en 2005 ! Les conséquences d’une telle situation sont connues : entre 2003 et 2006, la part des revenus que les bénéficiaires de minima sociaux ont réservée au logement, compte tenu de ces aides, est passée de 16 % à 20 %. Elle se trouve bien là, la perte du pouvoir d’achat ! Ce qu’il aurait fallu décider, c’est une revalorisation plus importante des aides au logement car le retard pris est énorme. L’augmentation de la part des revenus consacrée au logement s’est accélérée ces deux dernières années. Pour les bénéficiaires des minima sociaux, que je viens d’évoquer, elle est passée de 19, 5 % en 2005 à 21,1 % en 2007, et pour les étudiants boursiers de 23,8 % à 24,6 %. Quant à celle des salariés, elle progresse régulièrement et inexorablement. Je ne dirai rien de la progression des charges !

Le collectif budgétaire de 2007 a pourtant annulé près de 76,2 millions d’euros sur les crédits du programme « Aide à l’accès au logement ». Pourquoi ne pas avoir réinjecté cette somme directement dans le pouvoir d’achat des ménages ?

Mme Élisabeth Guigou et Mme Marisol Touraine. Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comment justifier cette annulation dans un tel contexte ? Surtout comment prétendre après cela qu’on veut améliorer le pouvoir d’achat des ménages ? Et pourquoi ne pas élargir les critères d’attribution de l’aide au logement ?

Faut-il également rappeler que le logement est le premier poste budgétaire des familles, devant l’alimentation et au détriment de l’éducation, de la culture, de la santé et des loisirs ? Les aides à la personne jouent un rôle social essentiel puisqu’elles permettent de solvabiliser les locataires et donc de prévenir les exclusions.

Du reste, les impayés sont de plus en plus fréquents et la progression des expulsions, estimée à 22 % ces cinq années, a connu une brusque accélération dans les semaines qui ont précédé la trêve hivernale. Mais cela ne va pas assez vite pour le Président de la République, qui souhaite que toutes les décisions d’expulsion soient rapidement exécutées ! « L’État, a-t-il affirmé dans son discours de Vandœuvre-lès-Nancy, ne doit pas être défaillant.»

M. Richard Mallié. Nous sommes dans un État de droit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Que ferez-vous, madame la ministre, des personnes jetées à la rue ? Allez-vous les orienter vers des centres d’hébergement d’urgence déjà saturés ou, provisoirement, vers des hôtels dont les coûts pour les collectivités publiques sont astronomiques ? Dois-je vous rappeler qu’en cas d’exclusion elles pourront invoquer le droit au logement opposable ?

Vous prétendez vouloir améliorer le pouvoir d’achat des ménages : pourquoi, dans ces conditions, avoir augmenté d’un euro la contribution obligatoire minimale des bénéficiaires des aides au logement, sinon en vue de réaliser sur les plus modestes une économie budgétaire ?

Mme Élisabeth Guigou. C’est inadmissible !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourquoi persistez-vous dans votre refus de revenir sur le dispositif qui consiste à ne pas verser les droits lorsque ceux-ci sont inférieurs à 15 euros, en alléguant « la difficulté et la lourdeur administrative d’effectuer un paiement aussi modique » ? Modique pour vous, peut-être, mais pas pour les bénéficiaires de ces allocations ! Le principe, pourtant, devrait être simple : les droits auxquels peuvent prétendre les bénéficiaires doivent leur être versés. Voilà ce que devrait être une politique favorisant réellement le pouvoir d’achat !

Mme Élisabeth Guigou. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On peut aussi légitimement regretter que rien ne soit fait en ce qui concerne les charges locatives, qui ont pourtant augmenté de 5,7 %, le chauffage restant le premier poste de ces dépenses.

M. Patrick Roy. Quel bilan !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je veux du reste mettre en garde le Gouvernement contre toute tentative d’alourdir le poids des charges locatives par le biais de décrets qui en modifieraient l’imputation.

Pour faciliter l’accès au logement, vous envisagez de réduire à un mois le montant du dépôt de garantie que peut exiger le bailleur. Or ce dispositif n’aura lui aussi qu’un effet limité sur le pouvoir d’achat puisqu’il ne sera pas rétroactif. Ces mesures imposées sans concertation et réflexion préalables avec tous les acteurs concernés interdisent d’envisager un dispositif plus complet, rendant compatibles l’accès à un logement pour les locataires et la garantie du risque locatif pour le propriétaire.

Conscients de la nécessité de concilier les intérêts du propriétaire et du locataire, nous avons proposé un service public de la caution. Votre mesure, qui ne s’inscrit pas dans une action publique d’ensemble, ne produira pas l’effet escompté : permettre aux ménages de dépenser moins pour leur logement. En effet, la crise est d’une telle ampleur qu’il faudrait tout simplement une pause. Nous avons proposé le gel des loyers limité à un an dans certaines zones tendues.

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette mesure, si elle était bien encadrée, permettrait d’arrêter l’hémorragie et de redonner du souffle au budget des ménages en pleine asphyxie. Elle permettrait également de dégager le temps nécessaire à la conduite d’une vaste réflexion sur la question de la solvabilisation des ménages modestes.

Ainsi vos mesures, qui peuvent a priori séduire les ménages et leur faire espérer un gain ponctuel de pouvoir d’achat, sont décevantes parce qu’elles ne s’attaquent pas au cœur du problème : la pénurie de logements aux loyers accessibles. C’est en effet sur ce terrain-là qu’il aurait fallu agir en profondeur si vous aviez voulu améliorer de façon durable le pouvoir d’achat des ménages.

De fait, l’orientation politique de la majorité au pouvoir depuis 2002 dément votre volonté affichée de trouver des solutions pérennes pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Afin de remédier à la pénurie de logements qui, en entretenant la hausse des loyers, participe à la baisse du pouvoir d’achat, il aurait d’abord fallu construire des logements adaptés aux attentes et aux besoins de nos concitoyens, car seul un nombre suffisant de logements à prix abordable permettra d’agir directement sur le pouvoir d’achat des ménages.

Aussi faudrait-il commencer par « booster » la construction des logements sociaux et très sociaux…

M. Patrick Roy. Même à Neuilly !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …au moyen de larges subventions. Vous vous vantez d’avoir mis en chantier 420 900 logements en 2006 . Mais de quels logements s’agit-il, madame la ministre ? S’agit-il de logements sociaux et très sociaux ?

M. Patrick Roy. Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous savez bien que non ! Tel est d’ailleurs votre problème. Car pour faire baisser le prix des loyers, il faudrait commencer par ne plus considérer le logement comme une banale marchandise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Or, depuis 2002, le pouvoir d’achat des ménages n’étant pas la première de vos préoccupations, vous avez considéré le logement comme un produit fiscal, un objet de spéculation : c’est cela votre conception du logement. Depuis 2002, nous n’avons eu de cesse de vous alerter sur les effets dévastateurs de votre politique, qui a aggravé la pénurie de l’offre locative. Hélas, vous êtes restés sourds à nos interpellations !

Aujourd’hui, il vous faut reconnaître que ce sont bien des dispositions fiscales inappropriées, au premier rang desquelles l’amortissement « Robien », qui sont à l’origine de l’emballement du marché immobilier. Le « Robien » est symptomatique de la marchandisation du logement puisqu’il est, en fait, purement et simplement un produit financier, avec un impératif de rendement garanti à un niveau de 6 % hors de toute considération d’intérêt général.

M. Jean-François Copé. Détendez-vous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Satisfaisant pour les investisseurs, il est d’un coût disproportionné pour la collectivité. La mesure, dont l’objectif prétendu était d’abonder l’offre locative, fait surtout le bonheur des promoteurs et des investisseurs dont l’avantage fiscal peut atteindre 25 000 euros. Il favorise donc les Français suffisamment aisés pour acheter un logement qu’ils n’habiteront pas, au détriment des propriétaires occupants, dont le Gouvernement, pourtant, prétend qu’il se préoccupe avant tous les autres. Ainsi, alors que l’État donne en moyenne 33 000 euros à chaque propriétaire pour construire un logement et le louer sans imposer un réel plafond de loyer, alors qu’il dépense ainsi chaque année 675 millions d’euros, l’aide qu’il apporte à la construction du logement social ne dépasse pas en moyenne 15 000 euros par logement, alors que les loyers sont plus contraints et rendent donc le logement accessible au plus grand nombre.

En permettant d’aider à guichets ouverts les investisseurs privés, le « Robien » renforce la hausse des prix fonciers et immobiliers et celle des loyers, contribuant ainsi à aggraver le poids du logement dans la dépense des ménages au détriment du pouvoir d’achat et de la croissance.

De fait, loin de permettre le développement d’une offre locative sociale nouvelle, le « Robien » renforce les obstacles déjà nombreux que rencontrent les bailleurs sociaux : terrains coûteux, entreprises accaparées, appels d’offre infructueux.

Enfin, du fait que l’État n’a pas ciblé les territoires en forte pénurie, les logements « Robien » se sont multipliés là où le foncier est rare tout en se positionnant sur le marché du standing, avec des loyers inaccessibles aux populations locales alors que l’essentiel des besoins en logements porte sur une offre abordable. On voit ainsi apparaître aujourd’hui des logements financés par le « Robien » qui restent vides : c’est un scandale, madame la ministre !

Nous avons à maintes reprises demandé la suppression de ce dispositif. Vous vous entêtez à le maintenir sans plus, du reste, contester la pertinence de nos critiques. Supprimez le « Robien » et ajoutez dans la loi de finances 2008 les crédits correspondants ! Vous verrez alors les effets de cette décision sur la construction de logements accessibles ! Ce jour-là, madame la ministre, vous inscrirez votre nom en haut de l’édifice du logement social ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre du logement et de la ville. Peu m’importe !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si vous ne le faites pas, vous ne parviendrez même pas à régler vos problèmes d’hébergement d’urgence, car vous savez aussi bien que moi que le véritable problème est celui de la sortie de l’hébergement d’urgence ! Or, pour le régler, il faut avoir du logement très social en quantité suffisante, faute de quoi ceux que vous abritez aujourd’hui dans des hôtels ne retrouveront jamais un véritable logement !

Mme Élisabeth Guigou. C’est évident !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De façon plus générale, toutes les exonérations fiscales alimentent la hausse des prix, laquelle appauvrit fortement les ménages qui souhaitent acheter. On fait miroiter à tous le rêve de devenir propriétaires, mais la réalité est moins flatteuse, car si les loyers ont explosé, les prix d’achat, eux aussi, ont progressé ! Il est aujourd’hui quasiment impossible à une famille aux revenus moyens d’acheter un appartement ou une maison dans les agglomérations et les centres villes. Devenir propriétaire, soit, mais qui est concerné et à quel prix ? Car il convient également de rappeler que les résultats obtenus par la droite depuis 2002 en matière d’accession sociale à la propriété sont très mauvais.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En 2005, sur les 753 000 accédants à la propriété, seuls 25 % appartenaient à la moitié la moins riche de la population. Cela signifie bien que vous ne favorisez pas l’accession sociale à la propriété. Et ce pourcentage est toujours en baisse : alors que 330 000 familles au revenu mensuel inférieur à trois SMIC s’étaient lancées en 2001 dans l’accession à la propriété, elles n’étaient plus que 256 000 en 2005 : c’est bien la preuve que, permettez-moi la redondance, l’accession sociale à la propriété n’est plus accessible aux revenus faibles ou moyens !

En outre, le prêt à taux zéro a été détourné de son objectif premier : permettre aux foyers modestes ne disposant pas de ressources suffisantes d’accéder à la propriété. La réforme du prêt à taux zéro n’a nullement bénéficié à ces foyers. En ouvrant les prêts gratuits à des ménages pouvant gagner jusqu'à 7 000 euros par mois, le nouveau PTZ a d’abord profité aux tranches supérieures de la classe moyenne. Nous proposons donc de recentrer et d’élargir l’attribution de ce prêt au profit des ménages les plus modestes. Il faut bien évidemment rendre plus facile l’accession à la propriété.

M. Patrick Roy. Ils ne savent pas comment faire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, des solutions existaient, en matière de logement, pour favoriser le pouvoir d’achat. Je viens d’en évoquer quelques-unes et nous vous proposons plusieurs pistes pour aller au-delà des effets d’annonce et des stratégies d’affichage auxquels vous avez à nouveau cédé.

Le dispositif que vous proposez est inconsistant. Il sera sans effet pour augmenter le pouvoir d’achat. Il illustre ce que les Français savent désormais : ce n’est pas le problème du logement ni leur niveau de vie qui vous préoccupe, mais les économies que vous pouvez faire sur leur dos. Vous prenez, je vous le dis, le risque de ne pas les aider et vous allez commettre la faute d’aggraver leurs difficultés ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur quelques bancs de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre du logement et de la ville.

M. Patrick Roy. Avec Le Bouillonnec, le Gouvernement boit le bouillon !

M. Céleste Lett. Que c’est drôle !

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Vraiment, monsieur Le Bouillonnec, pendant votre intervention, j’ai été inquiète. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-François Copé. Nous aussi !

Mme la ministre du logement et de la ville. J’ai craint que vous ne soyez frappé d’apoplexie. Nous avons l’habitude de nous opposer sur la politique du logement, mais ce que vous avez dit ce soir, je ne peux pas l’accepter, je vous le dis avec gravité.

M. Michel Ménard. M. Le Bouillonnec connaît très bien la question du logement !

Mme la ministre du logement et de la ville. Je vais répondre à vos questions de façon précise, mais je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos en oubliant la part de responsabilité qui est la vôtre, puisque vous n’avez pas construit de logements pendant vingt ans ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si nous nous trouvons dans une situation si difficile, c’est à cause d’un retard très important dans la construction de logements, réalité particulièrement imputable à la gauche.

M. Patrick Roy. Vous avez eu six ans !

Mme la ministre du logement et de la ville. Je ne veux pas entamer une polémique stérile car il est question d’hommes, de femmes et d’enfants qu’il convient de loger. Vous le savez : la chaîne du logement est une chaîne de solidarité humaine qui va de celui qui n’a pas de logement jusqu’à celui qui en a un. Aujourd’hui, nous n’avons pas à considérer un type de logement plutôt qu’un autre,…

M. Marc Dolez. Ben voyons !

Mme la ministre du logement et de la ville. …il faut fluidifier l’ensemble de la chaîne car tout est frappé d’embolie. Cette situation est le résultat de l’incurie qui affecte le secteur de la construction depuis des années.

Vous savez que l’homme a besoin de deux jambes pour se tenir debout et pour marcher. Ainsi, nous défendons la valeur du travail – partie intégrante des orientations définies par le Président de la République – et je suis, pour ma part, convaincue qu’à côté du travail il convient d’avoir un logement.

M. Michel Ménard. Oui, il vaut mieux !

Mme la ministre du logement et de la ville. Si aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, il est si difficile de se loger, c’est en effet que l’offre n’est pas suffisante et qu’on constate un renchérissement des biens tout au long de la chaîne du logement.

M. Michel Ménard. Et pourquoi ?

Mme la ministre du logement et de la ville. Eh bien, parce qu’on n’a pas suffisamment construit, monsieur Ménard, et que vous y avez votre part de responsabilité, vous aussi ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Céleste Lett. Cessez de jouer aux aboyeurs, messieurs les députés socialistes !

Mme la ministre du logement et de la ville. Sans logement, pas de travail ; sans logement, pas de famille !

Vous avez parlé, monsieur Le Bouillonnec, de la loi sur la vente à la découpe, des déductions fiscales liées à l’investissement locatif social. Nous avons en effet pris de nombreuses mesures. Vous avez seulement oublié de mentionner le droit au logement opposable, qui a marqué un moment très important de la politique du logement dans notre pays ; et c’est notre majorité qui l’a proposé puis voté, vous le savez fort bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez beaucoup insisté sur le fait que nous ne saurions pas financer des logements sociaux et très sociaux…

M. Patrick Roy. À Neuilly !

Mme la ministre du logement et de la ville. Laissez-moi tout de même vous rappeler qu’en 2000, alors que vous étiez aux affaires, 38 000 prêts locatifs à usage social et prêts locatifs aidés d’intégration ont été budgétés ; en 2007, on en comptait 67 000 et le budget pour 2008 en prévoit 100 000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous n’avez donc pas de leçons à nous donner en ce qui concerne le logement social et très social.

M. Michel Ménard. N’importe quoi !

Mme la ministre du logement et de la ville. C’est presque un doublement de la production de logements sociaux et très sociaux qui est prévu pour le droit au logement opposable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Il faut poursuivre la mise en œuvre de tous ces dispositifs, et le Président de la République a d’ailleurs annoncé leur refonte pour l’année prochaine.

M. Michel Ménard. C’est totalement faux !

Mme la ministre du logement et de la ville. C’est tout à fait exact, au contraire ! Nous devons bien sûr lier les dispositions relatives à la caution et au dépôt de garantie, afin d’assurer le meilleur équilibre possible entre locataires et bailleurs. Vous le savez mieux que quiconque, monsieur Le Bouillonnec, puisque vous êtes un spécialiste du logement au parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), que si l’équilibre n’est pas respecté entre le locataire et le propriétaire, nous aurons moins de logements. Notre objectif n’est pas de montrer l’un ou l’autre du doigt mais, au contraire, d’encourager propriétaires, constructeurs et locataires à coopérer.

Nous ne pouvons pas faire porter toute la charge sur les petits propriétaires privés, car le logement constitue un patrimoine utile pour leur retraite. Cet équilibre, à nous de le trouver. Grâce au dispositif relatif au dépôt de garantie – négocié avec les partenaires sociaux –, nous répondrons à une de vos critiques sur un sujet qui n’en fait pas moins également partie de nos préoccupations : l’expulsion. Non, monsieur Le Bouillonnec, nous ne souhaitons pas mettre les gens dehors ! C’est faux !

Grâce à la garantie du risque locatif, le propriétaire sera assuré de ne plus avoir de loyers impayés et de retrouver ses logements dans leur état initial. Il est bien évident que si le propriétaire bénéficie de cette garantie, il y aura beaucoup moins d’expulsions. Cette mesure sera proposée dans le courant du premier trimestre.

En outre, le texte prévoit des mesures pour aider les locataires à trouver un logement. Notre priorité est de construire des logements, et de toutes sortes. Vous le reconnaissez vous-même : c’est toute la chaîne du logement qu’il faut dynamiser pour drainer l’ensemble de la demande, des logements les plus sociaux aux logements même haut de gamme, car aujourd’hui, j’y insiste, tout est gelé, tout est frappé d’embolie.

Diminuer les avantages fiscaux pour certains produits diminuera la production de logements. En ce qui concerne le dispositif « Robien », nous sommes en train de réfléchir à sa suppression dans les zones C. Les crédits ainsi récupérés pourront être réaffectés à d’autres actions en faveur du logement.

Voilà ce que je puis vous répondre, monsieur Le Bouillonnec. Je trouve vraiment inacceptable la passion sans mesure avec laquelle vous nous avez mis en accusation alors que vous connaissez, vous, particulièrement, la situation difficile dans laquelle nous sommes. On ne peut pas faire jaillir du jour au lendemain les centaines de milliers de logements qui n’ont pas été construits depuis des années, et vous savez quelle est, en la matière, votre responsabilité. Cette politique-là, que vous défendez encore du haut de cette tribune, n’est naturellement pas la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Issindou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, Jean-Yves Le Bouillonnec vient de nous démontrer avec conviction qu’il existait une politique plus courageuse, plus efficace pour régler la crise du logement (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Céleste Lett. Mieux vaut entendre cela que d’être sourd !

M. Michel Issindou. …logement dont le coût grève si lourdement le budget des ménages les plus modestes. Hélas, votre projet est bien peu ambitieux. Il ne concernera, au mieux, que le million de personnes qui déménagent tous les ans, s’agissant de la caution, et ne réduira en rien le mal causé par l’augmentation du montant des loyers, de 30 % en six ans, tandis que les APL baissaient de 10 %. Je vous laisse constater les dégâts.

Quant à l’ensemble des mesures que vous avez prises depuis le mois de juillet, on nage dans une incohérence et une inefficacité totale. Les 15 milliards d’euros généreusement distribués aux plus favorisés devaient produire un choc de confiance et donc un choc de croissance. Où sont-ils ? On va vraisemblablement finir péniblement l’année avec une augmentation du PIB de 1,8 %. « Tout ça pour ça », ai-je envie de dire.

Tout l’automne, vous avez joué de malchance, c’est vrai, et cumulé les mesures négatives pour le pouvoir d’achat. La malchance, c’est l’augmentation du baril de pétrole ; la hausse des aliments de première nécessité, le lait, le blé ; la trop forte évaluation de l’euro par rapport au dollar. À cela, vous ne pouvez rien.

Vous en avez cependant rajouté, avec les franchises médicales, véritable taxe sur les plus démunis.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Michel Issindou. Encore tout récemment, vous avez imposé la redevance audiovisuelle à 800 000 foyers modestes ! Et vous allez augmenter au 1er janvier les tarifs GDF.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Michel Issindou. Bref, vous n’en loupez pas une ! Alors, fort justement, la France gronde et grogne. Le Président Sarkozy, Président du pouvoir d’achat, s’inquiète et, dans sa précipitation habituelle, propose les mesures que nous examinons ce soir.

Ces mesures ne lui coûtent d’ailleurs pas grand-chose, pas un centime, et pour cause, il le dit lui-même : les caisses sont vides, notamment à cause des 15 milliards d’euros qu’a coûtés la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. De manière habile, M. Sarkozy renvoie donc les acteurs à la négociation ou, plus sûrement, à la confrontation. Ainsi celle à venir entre employeurs et employés, à propos des RTT et de la participation : ce ne sera pas simple. Confrontation aussi entre propriétaires et locataires, au sujet des loyers et des cautions : ils trouveront bien des moyens détournés pour contourner les blocages prévisibles. Confrontation enfin entre commerçants et consommateurs à cause de la libéralisation de la concurrence. Nous pouvons vous remercier au passage, au nom du petit commerce, pour l’ouverture des magasins le dimanche : drôle de société en perspective !

On le pressent : tout cela n’aura qu’un impact limité. Les négociations sur les RTT et la participation seront difficiles et les employeurs auront finalement le dernier mot. Surtout, on ne touchera pas tout le monde. Beaucoup de salariés ne verront rien venir. Et quid des CDD, des travailleurs à temps partiel, celui non choisi en particulier ? Quid des chômeurs ? Quid des retraités – véritable scandale du moment – dont le niveau de vie, pour les plus modestes, est véritablement indécent ? On peut s’attendre au pire avec ces mesures provisoires destinées à donner l’impression qu’on s’occupe de ces catégories, mais qui, en raison de leur inefficacité programmée, vont replonger le pays dans la grogne dès le printemps.

Il aurait fallu conserver les 15 milliards pour d’autres mesures plus redistributrices et plus justes. Le parti socialiste en propose – mais oui ! –, simples à mettre en œuvre et avec effet immédiat, mais vous ne les entendez pas. On peut citer la majoration de la prime pour l’emploi de 50 %, qui serait efficace immédiatement ; la réintroduction de la TIPP flottante ;…

M. Frédéric Lefebvre. Vous l’avez vous-mêmes abandonnée !

M. Michel Issindou. …la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, autre mesure qui aurait un effet direct ; la généralisation du chèque transport… et j’en passe. Seulement, vous n’entendez rien, sûrs que vous êtes de la réussite de vos mesures excessivement libérales, et de leur impact sur le pouvoir d’achat.

Vous avez certes réussi à augmenter le pouvoir d’achat : celui des plus riches. Pour le reste, le pays s’enfonce dans la précarité et l’exclusion.

M. Richard Mallié. Bon, quel sera votre vote ?

M. Michel Issindou. Vous comprendrez dès lors, mes chers collègues, mais vous l’avez sans doute déjà compris, que je vous demande de voter la question préalable défendue par Jean-Yves Le Bouillonnec, qui est assortie de vraies propositions de nature à sortir de l’impasse de la crise du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Lamour. Vos arguments, monsieur Le Bouillonnec, et l’objet même de votre démarche sont parfaitement iniques. Par vos propos, en effet, vous souhaitez purement et simplement empêcher que nous discutions du pouvoir d’achat. Voilà une drôle de façon de soutenir le président de la commission des finances, qui expliquait encore ce matin sur LCI qu’il ne souhaitait pas d’obstruction de la part du groupe socialiste mais bien une attitude constructive.

M. Alain Néri. C’est le cas !

M. Jean-François Lamour. Drôle de façon de reprendre ce que chacun d’entre vous disait la semaine dernière, lors du débat que nous avons eu à ce sujet. Mais finalement, avec vous, c’est : « En parler parfois, mais agir, jamais ! » Eh bien nous, nous agissons.

Par votre question préalable, chers collègues, vous démontrez aux Français que vous préférez vous abriter derrière des faux-fuyants. Nous, nous prenons le dossier à bras-le-corps, et nous avançons.

Vous nous reprochez le caractère non reconductible de la mesure. C’est ignorer la volonté du Gouvernement, soutenu par les parlementaires de la majorité, d’engager dès le premier trimestre 2008 le débat sur la durée et les conditions de travail, afin de dégager, là aussi, des pistes à explorer pour augmenter le pouvoir d’achat des Français.

Aujourd’hui, le texte dont nous débattons concerne plus d’un salarié sur deux,…

M. Marc Dolez. Mais non !

M. Jean-François Lamour. …et ouvre des perspectives en matière de logement jamais entrevues jusqu’à ce jour.

Mme Martine Billard. C’est la foi du néophyte !

M. Jean-François Lamour. Une fois encore, vous démontrez aux Français que vous n’avez rien à proposer. Nous sommes prêts, nous, à renforcer ce texte, comme nous avons travaillé sur celui de la loi TEPA, lequel commence d’ores et déjà, contrairement à ce que vous venez de dire, à produire des résultats.

Au cours des prochains débats, nous allons aborder toutes ces questions de façon plus approfondie. Mais je peux vous dire dès à présent la volonté des députés du groupe UMP à répondre aux attentes des Français.

Enfin, et c’est peut-être là le plus dommageable, vous démontrez aux Français vos propres contradictions sur le sujet. En effet, la semaine dernière, c’est bien le groupe UMP qui a utilisé sa niche parlementaire pour organiser un débat sur la question. Et quel dommage, soit dit en passant, que vous n’ayez pas pris vous-mêmes cette initiative ! Au cours de cette séance, vous déclariez ceci – écoutez bien : « La lutte pour le pouvoir d’achat, ce n’est pas le rendez-vous d’un jour, ce n’est pas le projet d’un jour, c’est la politique au cours des années que nous aurons, les uns et les autres, et tout particulièrement les Français, à juger sur pièces et sur place. » Eh bien, mes chers collègues de l’opposition, les Français, par deux fois, ont jugé que votre politique des 35 heures avait suffisamment plombé leur pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Christian Eckert. Vous êtes au pouvoir depuis six ans !

M. Jean-François Lamour. Écoutez bien, vous êtes devant vos contradictions. La semaine dernière, vous déclariez que l’indexation des loyers sur l’inflation et la suppression d’une partie des cautions – deux propositions du Gouvernement – étaient des mesures « recevables ». Vous alliez même jusqu’à prétendre que les socialistes les portaient depuis des années.

Mme Martine Billard. Ça fait surtout des années que vous n’écoutez pas !

M. Jean-François Lamour. Tout cela est très clair, tellement clair que j’ai moi aussi une question préalable à ce débat : serez-vous cohérents avec vous-mêmes en votant ce texte, ou continuerez-vous à vous contenter de hurler au feu sur votre balcon sans rien faire d’autre ?

Le groupe UMP, quant à lui, ira jusqu’au bout de sa démarche au service de nos concitoyens, et votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. J’ai bien compris, monsieur le président, que, pour l’expression de la démocratie, on pouvait attendre quelques minutes supplémentaires. Je vais donc, cette fois, utiliser pleinement mon temps de parole.

Je commencerai par citer le Premier ministre,…

M. André Flajolet. Très bonne lecture !

M. Jean-Claude Sandrier. …qui, la semaine dernière, déclarait ici même : « Le pouvoir d’achat dépend de la croissance. » Dans une certaine mesure, c’est vrai, il a raison. Mais il n’est pas faux non plus d’inverser les termes : la croissance dépend aussi du pouvoir d’achat. Il faut signaler que 75 % de la croissance, dans un pays comme le nôtre, est due à la consommation. Cela donne bien la mesure de l’effort à produire en matière de pouvoir d’achat, effort que vous ne faites pas avec ce projet de loi.

Enfin, le pouvoir d’achat du plus grand nombre ne dépend pas seulement de la croissance, il dépend aussi de la répartition de ses fruits. Je n’en citerai que deux exemples.

En cinq ans, le pouvoir d’achat des 10 % les plus pauvres, dans notre pays, a baissé de 0,1 % par an, pendant que celui des 5 % les plus riches a augmenté de 1 % par an.

Second exemple, plus frappant encore : en quatre ans, les profits des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 250 %, et les salaires dans ces entreprises de 6,6 %.

Mme Martine Billard. Intéressant !

M. Daniel Paul. Remous dans la salle !

M. Jean-Claude Sandrier. Cela, vous voulez l’ignorer. Or c’est une question essentielle, car elle détermine les choix politiques et économiques à effectuer pour répondre de façon efficace à l’attente de nos concitoyens en termes de pouvoir d’achat.

En effet, si le pouvoir d’achat ne compte pas, ou peu, dans la croissance, comme tend à le faire croire le Premier ministre, pourquoi augmenter de manière forte et durable le pouvoir d’achat, et donc les salaires ? Si vous ne voulez pas entendre parler de la question cruciale de la répartition des richesses, ni prendre en compte le fait que le partage de la valeur ajoutée est de plus en plus favorable au profit et au capital au détriment des salariés,…

M. Richard Mallié. C’est surtout vrai en Chine !

M. Jean-Claude Sandrier. …pourquoi donc faire un effort pour ces derniers ? Voilà comment vous en arrivez à des mesurettes sans lendemain et qui, pour une grande part, ne seront pas mises en œuvre, ou seront de peu d’effet. Voilà pourquoi nous voterons cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Le groupe Nouveau Centre ne s’associera évidemment pas à vos propos, monsieur Le Bouillonnec.

M. Patrick Roy. Une fois de plus !

M. Philippe Vigier. Mais cela ne vous surprendra pas.

M. Patrick Roy. On a l’habitude !

M. Philippe Vigier. J’ai été quelque peu surpris par le caractère excessif de vos accusations, qui frisaient souvent la caricature. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Marc Dolez. Pas de leçons !

M. Philippe Vigier. Je n’ai certainement pas votre expertise, mais pour avoir, depuis quelques années, l’expérience du logement social, je peux vous dire que les choses étaient particulièrement difficiles dans les années 1997-2002. Je ne dis pas que la situation est maintenant idéale, mais elle s’est largement améliorée depuis cette époque, je tiens à le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

D’autre part, j’ai été quelque peu étonné que vous ne trouviez aucune vertu aux avancées contenues dans ce texte, parmi lesquelles les mesures relatives au dépôt de garantie ou à l’indexation des loyers. Avoir une vision aussi caricaturale ne peut en aucun cas servir la cause du logement, qui est essentielle pour nos concitoyens, et appelle une réponse s’inscrivant dans la durée.

Vous comprendrez donc, monsieur Le Bouillonnec, que nous ne votions pas votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 19 décembre 2007, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour le pouvoir d'achat.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)