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N° 73

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2007.

DÉCLARATION
DU GOUVERNEMENT

débat d’orientation budgétaire pour 2008,

par M. Eric WOERTH,

ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Monsieur le Président,

Monsieur le Président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Monsieur le Rapporteur général,

Mesdames et Messieurs les députés,

En dépit de l’agenda chargé de cette session extraordinaire, j’ai souhaité – tout comme le Premier ministre évidemment – que nous ayons un débat d’orientation budgétaire cette année, comme les années précédentes.

C’est essentiel ; notre discussion de ce matin l’a montré plus que jamais. Ce débat permet, en effet, d’avoir une discussion féconde avec le Parlement sur l’orientation donnée à nos finances publiques, qui servira de cadre à l’élaboration des projets de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Vous avez, au cours de cette session, à vous prononcer sur bon nombre de lois qui mettront en œuvre les réformes annoncées par le Président de la République et par le Premier ministre et choisies par les Français, qu’il s’agisse de revaloriser le travail, d’aider à l’accession à la propriété, de réformer les universités, d’assurer un service minimal dans les transports ou de lutter contre la récidive.

Parmi tous les engagements contenus dans ce projet présidentiel, il en est un tout aussi important que les autres, qui donne sa cohérence et sa crédibilité à l’ensemble de la politique économique que nous allons poursuivre : la réduction du déficit et de la dette publics. Ce débat d’orientation budgétaire est justement l’occasion de réaffirmer cette orientation majeure de notre politique : revenir, par une maîtrise résolue des dépenses, à l’équilibre de nos comptes publics avant la fin de la législature, sans sacrifier aucun autre engagement.

Il n’y a pas de réforme possible dans l’incertitude et l’insécurité de finances publiques non maîtrisées. Il ne s’agit pas seulement de respecter nos engagements européens – je le disais en répondant aux orateurs de ce matin – mais de se comporter de façon responsable : qui d’entre nous souhaite léguer des dettes à ses enfants ou à ses petits-enfants ? Il s’agit aussi de faire preuve de bon sens : qui d’entre nous pense qu’on peut revenir sur l’exception française des prélèvements élevés si on ne revient pas sur cette autre exception française, tout aussi remarquable, de la dépense publique la plus élevée de l’OCDE en proportion de la richesse nationale ?

En dépit des efforts indéniables de mes prédécesseurs, le déficit et la dette que nous supportons aujourd’hui, hypothèquent notre capacité à relever les défis de l’avenir, qu’ils soient liés au vieillissement, à l’environnement, à l’ouverture croissante du monde aux échanges d’idées, de marchandises ou de services. Ils pèsent également sur notre crédit vis-à-vis de nos partenaires européens.

Le niveau atteint par la dépense publique dans notre pays nous prive de marges de manœuvre pour faire face à la concurrence, pour investir dans l’innovation et la recherche ou réagir aux fluctuations conjoncturelles de l’économie mondiale. C’est pourquoi une politique ambitieuse en matière de relance de l’emploi et de la croissance, ambitieuse en matière de réformes structurelles, en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation ne peut produire pleinement ses effets que si elle est, presque en parallèle, accompagnée d’une politique ambitieuse en matière de réduction du poids de la dépense publique, de reflux de la dette publique et de résorption des déséquilibres des comptes publics. C’est pourquoi le Président de la République nous a assigné l’objectif d’un retour à l’équilibre des finances publiques en 2012 au plus tard, le retour de la dette publique en deçà de 60 % du PIB en 2012 au plus tard et plus tôt, si possible.

Cet objectif s’impose, je le répète. La crédibilité de la France est en cause et surtout – pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas – le sort de nos enfants. Pour y parvenir, il convient de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique par rapport à ce que nous avons connu dans le passé. Ce moyen s’impose lui aussi. Pour réduire les déficits, il n’y a qu’une alternative : réduire le poids de la dépense ou accroître celui des prélèvements. La seconde option est envisageable dans des pays faiblement imposés ; elle ne l’est pas dans un pays dont le taux de prélèvements obligatoires excède de quatre points la moyenne européenne.

C’est donc bien – et vous me pardonnerez de le répéter inlassablement, aussi longtemps que cette charge me sera confiée – par la baisse du poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut chaque année d’ici à 2012 que nous parviendrons à inscrire enfin notre pays dans une trajectoire de désendettement durable.

Nous y parviendrons tout à d’abord en infléchissant la courbe de la dépense publique. Je vois tout de suite la critique fuser : « Vous allez dégrader le service public ! » « Vous n’aurez plus un service public de qualité ! » J’ai, quant à moi, examiné le montant des dépenses liées au service public depuis un certain nombre d’années et j’ai remarqué que les signaux d’alarme sur la qualité de nos services publics se multiplient.

Ce n’est donc pas un problème de moyens, parce que, dans ce cas, il n’y aurait pas de problème du tout. C’est bien la preuve que nous devons changer radicalement notre culture de la dépense. Aujourd’hui, aussi paradoxal que cela puisse encore paraître à certains, c’est en ralentissant la croissance de nos dépenses que nous préserverons la qualité de nos services publics, parce que ce ralentissement exigera une modernisation en profondeur de nos politiques publiques. Nous y parviendrons ensuite par des réformes profondes : en réformant le marché du travail et en simplifiant les réglementations, en conférant plus d’autonomie aux universités, en redéployant des moyens vers l’enseignement supérieur et la recherche, en supprimant les verrous réglementaires qui entravent le développement de l’emploi et de l’activité, bref, en appliquant avec détermination tous les engagements présidentiels.

Cette démarche doit concerner, bien évidemment, l’ensemble de nos finances publiques, celles de l’État, celles des collectivités territoriales et celles de la sécurité sociale. Cette année, et pour la première fois, un seul ministre, et non plus deux, voire quatre, est chargé de vous présenter la stratégie du Gouvernement pour l’ensemble des comptes publics. Ce n’est pas une innovation légère, mais bien la marque d’une volonté politique forte de prendre à bras-le-corps nos problèmes de déficit et d’endettement.

Il y a un seul ministre responsable de l’ensemble des finances publiques parce que seules une vision d’ensemble et une stratégie cohérente peuvent nous permettre de rééquilibrer de façon durable nos comptes publics.

Je voudrais détailler au moins deux raisons qui justifient la création d’un tel ministère.

La première, c’est que les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les finances publiques sont globales : ce qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages ou la compétitivité de nos entreprises, ce n’est pas seulement l’impôt sur les sociétés ou les cotisations maladie, c’est l’ensemble des prélèvements obligatoires ; ce que nous léguons à nos enfants et petits-enfants, ce n’est pas seulement la dette de l’État ou le déficit de la sécurité sociale, c’est la situation de l’ensemble des comptes publics.

C’est donc sur l’ensemble de ces comptes que porte notre engagement. On ne le dira jamais assez, les engagements européens ne sont que des règles de bonne gestion qu’il conviendrait de respecter même, et surtout, s’il n’y avait pas le cadre européen. C’est une question d’honnêteté vis-à-vis de nous-mêmes.

La seconde raison, c’est qu’il doit permettre de clarifier les relations entre l’État et l’ensemble des acteurs, qu’ils relèvent de la sécurité sociale ou des collectivités locales. Ces relations, vous le savez, ne se sont pas toujours caractérisées par la transparence.

J’ai pu m’en apercevoir lors de la commission des comptes de la sécurité sociale : la question de la dette de l’État envers la sécurité sociale envenime les relations entre les acteurs. Or elle est souvent mal comprise. On dit parfois, à tort, que cette dette participe au déficit de la sécurité sociale. Cela n’est pas vrai, et il ne faudrait pas que cette analyse erronée serve d’alibi pour éluder les vraies raisons de nos difficultés financières. Si un ministère des comptes publics a un sens, c’est bien pour apporter une clarification en la matière.

Cette clarification a commencé avec la reconnaissance des créances des régimes de sécurité sociale dans le bilan de l’État en 2006. Il n’y a plus de bataille de chiffres en la matière : les créances sur l’État enregistrées dans les comptes du régime général sont les même, au centime d’euro près, que la dette reconnue par l’État.

La clarification ne doit pas s’arrêter là et j’ai bien l’intention d’engager l’apurement de la dette de l’État dès cette année. Je souhaite également mettre en place des règles de gouvernance et des procédures pour que cette dette ne se renouvelle pas. Il faut notamment que l’autonomie de gestion permise par la LOLF ne conduise pas à l’utilisation à d’autres fins des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations. Gilles Carrez l’a rappelé dans son rapport à la Conférence nationale des finances publiques. J’y veillerai.

Nous avons longuement parlé de 2006 ce matin et je vais détailler l’horizon 2012 dans un instant ; mais, au préalable, je voudrais rapidement faire un point sur 2007 puisque notre programme en matière de finances publiques s’applique dès maintenant.

Certains ont pu douter de notre capacité à honorer les engagements pris par le précédent gouvernement pour 2007. Le Président de la République a rappelé à Bruxelles, notre objectif d’un déficit de 2,4 points de PIB pour l’ensemble des administrations publiques, soit une légère amélioration par rapport à 2006. Cet objectif sera respecté et nous conserverons une discipline sans faille sur les dépenses de l’État.

Quant aux recettes fiscales, elles devraient dépasser de 2 à 5 milliards d’euros le niveau prévu en loi de finances, en particulier grâce au dynamisme de l’impôt sur les sociétés. Le déficit budgétaire devrait donc être inférieur à celui prévu en loi de finances initiale.

Ce surplus de recettes fiscales fait réapparaître, ici ou là, l’expression de « cagnotte ». Très franchement, comment peut-on encore parler de cagnotte quand le déficit de l’État avoisine les 35 ou 40 milliards d’euros ? Comment parler de cagnotte quand on vient d’annoncer une très mauvaise nouvelle pour la sécurité sociale, à savoir la dégradation de la situation financière du régime général ? Le déficit attendu est proche de 12 milliards d’euros, soit 4 milliards au-dessus de ce que vous avez voté en loi de financement.

La maîtrise des finances sociales est un exercice très difficile. Tous ceux qui s’y sont essayés peuvent en témoigner, et ce n’est pas la peine de donner des leçons. C’est un véritable travail de Sisyphe, sans cesse à refaire, qui demande beaucoup de ténacité.

Contrairement à ce qu’imaginait Albert Camus, il n’y a pas de Sisyphe heureux en la matière. Cette situation de déficit structurel est proprement inacceptable. Elle montre qu’il n’y a pas de réforme miracle, qu’il faut un effort continu, quotidien, sans relâche, pour mieux réguler les dépenses d’assurance maladie et se donner les moyens de financer de nouveaux besoins.

Le retour à l’équilibre est pour nous un impératif absolu, un impératif financier, un impératif de responsabilité. Que dirions-nous, là encore, si nous avions aujourd’hui à rembourser les dettes de nos aînés ?

J’en viens maintenant à la stratégie du Gouvernement pour la législature qui s’ouvre.

Notre objectif est de revenir, dès que possible, c’est-à-dire avant 2012, à une dette inférieure à 60 % du PIB et à un solde public équilibré. Cette stratégie volontariste s’appuie sur deux piliers, que j’ai déjà mentionnés : des mesures fiscales ambitieuses, qui revalorisent le travail et vont créer un choc de confiance permettant de relancer durablement la croissance, créatrice de richesses ; une maîtrise sans précédent de la dépense publique, qui participera tout autant au rétablissement de la confiance en permettant de réduire la dette, d’améliorer l’efficacité des services publics et de préserver la solidarité juste et nécessaire entre les générations.

La clé de l’assainissement des finances publiques réside donc dans la maîtrise de la dépense. Pour réussir, il faut plusieurs conditions : cette maîtrise doit être partagée par l’ensemble des acteurs ; elle ne doit souffrir aucun report ; elle doit s’inscrire dans la durée.

L’objectif que nous nous sommes fixé pour la législature, c’est, je le disais en introduction de mon propos, de diviser par deux la progression de la dépense publique par rapport aux tendances passées.

Cela correspond à une évolution moyenne légèrement supérieure à 1 % par an en volume sur l’ensemble de la sphère publique – État, sphère sociale, collectivités territoriales –, contre 2,25 % en moyenne sur les dix dernières années. C’est bien un effort sans précédent que nous devons fournir.

Cet effort permettra, dès 2008, d’amorcer une baisse du déficit. Un ralentissement de la croissance de la dépense publique à hauteur d’un point, c’est près de 10 milliards d’euros de dépenses en moins dès 2008 par rapport aux tendances passées. L’effort sur la dépense est ainsi du même ordre que le choc fiscal en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et il permettra même de poursuivre une légère baisse du déficit public en 2008, comme s’y est engagé le Président de la République.

Dès 2009, la maîtrise de la dépense nous engagera dans une trajectoire de désendettement plus rapide. Son rythme dépendra néanmoins de la croissance du produit intérieur brut. Si elle est au rendez-vous et atteint 3 %, le double objectif d’une dette inférieure à 60 % du PIB et d’un équilibre des finances publiques pourra être atteint dès 2010. Sinon, il sera décalé, mais au plus tard en 2012, pour peu que la croissance atteigne 2,25 %.

En fait, nous appliquons les règles qu’a présentées encore ce matin Gilles Carrez : des prévisions de recettes prudentes, l’affectation des plus-values au désendettement, le respect de la norme de dépenses sur l’État et, plus généralement, la maîtrise des dépenses publiques.

Pour parvenir à cette maîtrise de la dépense, tous les acteurs devront s’impliquer.

S’agissant de l’État, une norme « zéro volume » – au plus s’appliquera sur un périmètre élargi puisqu’il inclura les prélèvements sur recettes, notamment ceux qui sont destinés aux collectivités locales. Cette norme élargie est un objectif ambitieux, qui n’a jamais été demandé à l’État jusqu’à présent.

Il faut bien prendre en compte aussi le fait que l’évolution des dépenses inéluctables – charge de la dette et pensions – est désormais défavorable : la remontée des taux d’intérêt fait croître la charge de la dette, jusqu’alors quasiment stable depuis quatre ans ; les pensions, quant à elles, progressent fortement avec le choc démographique majeur que connaît la fonction publique.

L’effort sur les autres dépenses devra donc être encore plus exigeant. Cela sera perceptible dès le budget 2008 et les entretiens que j’ai pu avoir avec chacun de mes collègues ministres – je les ai terminés vendredi – me confirment que l’objectif de 0 % en volume quand on n’a pas le secours de la baisse des taux d’intérêt nécessite, de la part de chacun, une stricte discipline en matière de gestion des effectifs comme en matière d’efficacité des dépenses d’intervention.

Quant aux administrations de sécurité sociale, elles bénéficieront de la maîtrise des dépenses de santé et de la poursuite de l’amélioration de la situation de l’emploi.

Nous ne pouvons continuer à faire financer nos dépenses de santé courantes par nos enfants ou petits-enfants, nous devons prendre nos responsabilités. C’est une question d’éthique et de morale.

En moyenne, la croissance de l’ONDAM devra être au plus de 2 % en volume sur la période, soit environ 3,5 % en euros courants.

C’est un objectif ambitieux, qui implique que le Gouvernement examine et renforce dès maintenant les leviers de la maîtrise médicalisée avec l’ensemble des acteurs. C’est aussi un objectif réaliste, supérieur du reste à celui qui avait été assigné en 2007, car il est inutile d’afficher des cibles trop difficiles à atteindre. De telles cibles ne sont plus crédibles pour les acteurs de la dépense de santé et perdent d’emblée toute signification. L’instauration de la franchise devrait permettre, quant à elle, de financer les nouveaux besoins.

La maîtrise des dépenses d’assurance maladie est d’autant plus nécessaire que nous devons faire face à la dégradation des comptes de la branche vieillesse. Ce sera l’objet du rendez-vous de 2008. Nous devrons poursuivre la démarche engagée en 2003 et programmer la réforme des régimes spéciaux.

Mais, il faut le redire, la clé en matière d’équilibre des régimes de retraite, c’est l’emploi des seniors. Le Gouvernement mettra tout en œuvre pour lever les obstacles financiers, réglementaires et parfois culturels, au développement de ces emplois. Les dépenses de la branche famille devront, enfin, participer également à l’effort global de maîtrise de la dépense publique.

Les collectivités locales ne peuvent pas rester à l’écart de cette obligation. Personne ne le comprendrait. Elles devront donc stabiliser leur endettement, en modérant leurs dépenses. C’est tout le sens du nouveau pacte que nous voulons passer avec elles afin d’améliorer leurs relations financières avec l’État, dans le respect, bien évidemment, de leur autonomie de gestion. C’est un dialogue de responsabilité qu’il faut établir.

Étant moi-même élu local, je sais que, dans des domaines très divers, l’État impose souvent de nouvelles dépenses aux collectivités locales, à travers, par exemple, des normes techniques ou environnementales ou la revalorisation du point d’indice de la fonction publique. C’est pourquoi nous devons mieux associer les élus à l’élaboration de ces normes contraignantes, qui entraînent une forte augmentation des dépenses.

En contrepartie, les règles gouvernant l’évolution des dotations aux collectivités locales devront être réformées : dès 2008, les concours qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verront appliquer la même norme que celle qui s’imposera aux autres dépenses de l’État.

C’est avec ces exigences sans précédent, qui doivent être partagées, que nous arriverons à atteindre les objectifs d’assainissement des finances publiques au cours de cette législature. C’est ainsi que nous ferons refluer notre ratio de dette sous les 60 % du PIB.

Je voudrais terminer mon propos en évoquant devant vous quelques-uns des moyens que nous mettrons en œuvre pour appliquer notre stratégie budgétaire.

Une stratégie aussi ambitieuse réclame bien évidemment des réformes nombreuses et efficaces. Le Président de la République et le Premier ministre les ont annoncées et expliquées à de nombreuses reprises au cours de ces derniers jours. Ce sont des réformes justes et d’une ampleur sans précédent pour restaurer nos finances publiques : le remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’État, ou le non-remplacement, ce qui revient au même, la réforme des régimes spéciaux, la fin de l’indexation sur la croissance des concours de l’État aux collectivités locales ou encore les mesures visant mettre fin à la dérive des dépenses d’assurance maladie par l’instauration d’une franchise.

Je concentrerai mon propos sur l’une des plus importantes, dont mon ministère sera la cheville ouvrière, c’est-à-dire la révision générale de l’ensemble des politiques publiques.

Depuis 2005, sous l’impulsion de Jean-François Copé, plusieurs vagues d’audits de modernisation ont été lancées. Elles ont accompagné le processus de mise en place de la LOLF, et ont permis de commencer à rationaliser la dépense publique et à améliorer le service public.

Avec la révision générale des politiques publiques lancée par le Premier ministre il y a quelques jours, nous passons désormais à la vitesse supérieure.

C’est une démarche très novatrice pour notre pays, inspirée des meilleures pratiques étrangères. Il ne s’agit pas d’un énième étage d’un processus de réformes dont on ne verrait pas la fin. Il s’agit d’une étape décisive, celle qui permettra de sortir de l’empilement permanent de dépenses et de politiques publiques qu’on ne réexamine jamais, et de mettre un terme au réflexe selon lequel il suffit d’augmenter les moyens publics pour que l’usager ait un meilleur service, celle qui fera de l’efficacité le mot d’ordre et la fierté de l’action publique.

Nous allons passer au crible l’ensemble de la dépense publique. Chaque politique publique sera réexaminée de fond en comble, à partir de questions simples : à quoi sert-elle, répond-elle aux besoins des usagers, pourrions-nous la conduire différemment, avec moins de moyens, en la ciblant davantage ? Autant de questions – et il y en a bien d’autres – de bon sens. Ce réexamen de fond permettra d’identifier et de programmer des réformes intelligentes et structurantes, assurant une maîtrise durable et bien ciblée de la dépense de l’État. Il permettra en particulier d’atteindre l’objectif de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’État, sans porter préjudice à la qualité du service rendu aux usagers, et souvent même en l’améliorant.

Les rapporteurs généraux des deux commissions des finances seront associés à cet exercice de révision générale des politiques publiques.

Toutes les dépenses de l’État seront concernées par cette révision, y compris les dépenses d’intervention, sur lesquelles on ne s’est pas encore penché bien qu’elles représentent 40 % des dépenses budgétaires. Le champ d’examen ne s’arrêtera d’ailleurs pas à l’État stricto sensu et pourra inclure des politiques dans lesquelles celui-ci intervient à côté d’autres partenaires, telles que les politiques sociales et de sécurité sociale, ou les politiques des collectivités territoriales : même si elles exigent d’autres moyens, d’autres méthodes, elles doivent être elles aussi examinées.

C’est à un Conseil de la modernisation des politiques publiques, présidé par le Président de la République, et dont je serai le rapporteur général, qu’il reviendra ensuite de décider de l’option à retenir. Comme vous le voyez, le changement de méthode est profond, et nous franchissons là une étape décisive dans l’examen de nos politiques publiques : jamais les plus hautes instances politiques n’auront été autant impliquées dans la modernisation de l’État. Il ne faut d’ailleurs pas se payer de mots : sans cette implication, il n’y aura pas de réelle modernisation de l’État, pour laquelle la légitimité politique est absolument nécessaire : on l’a vu dans tous les États qui ont procédé à une modernisation en profondeur de leurs procédures comme de leurs politiques. C’est ce qui a fait défaut aux démarches précédentes, quelle que soit leur qualité, et c’est ce qui fera la différence dans celle-ci.

Les résultats auxquels nous parviendrons serviront ensuite à établir une programmation pluriannuelle détaillée des dépenses – vous en avez souligné la nécessité ce matin, et je partage ce sentiment – qui donnera aux gestionnaires davantage de visibilité sur leurs crédits et davantage de responsabilité dans l’ensemble de leur gestion.

Cette révision générale sera menée tambour battant puisqu’elle devrait être achevée début 2008, avant le prochain débat d’orientation budgétaire. Nous mettrons alors en place un contrôle régulier de la mise en œuvre des réformes décidées, en lien avec les commissions compétentes des assemblées et avec la Cour des comptes.

Permettez-moi, en conclusion, de dire un mot d’un sujet auquel je suis très attaché : la lutte contre la fraude fiscale et sociale.

Avec ma collègue Roselyne Bachelot notamment, pour ce qui est des comptes sociaux, nous en faisons une priorité, car elle constitue un élément important de la légitimité de l’intervention publique. La baisse des prélèvements et la lutte contre les dépenses inutiles doivent être accompagnées de la plus grande transparence et surtout de la plus grande équité dans la perception des prélèvements et le versement des prestations. C’est une question de morale publique : ceux qui acquittent leur dû ne doivent pas payer pour ceux qui fraudent ou qui trichent. C’est un point essentiel de l’acceptabilité du prélèvement public.

Je veillerai à poursuivre et à accélérer la mobilisation de tous les services publics, administration fiscale ou organismes de sécurité sociale, au service de cette priorité de justice.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes de travail structurants que le Gouvernement entend suivre pour mener à bien notre chantier commun : l’assainissement durable de nos finances publiques.

Celui-ci n’est ni de droite, ni de gauche ; ce n’est pas l’obsession d’un camp, ni un oubli délibéré de l’autre : c’est une nécessité collective, qui exigera l’engagement de tous et de chacun. On peut discuter des moyens, encore que le niveau atteint aujourd’hui par notre endettement et nos dépenses publiques en limite fortement le nombre ; mais on ne doit pas discuter de l’objectif, qui s’impose à chacun d’entre nous parce que l’avenir de la France est notre bien commun, et parce que la solidarité entre les générations fonde notre éthique commune.

Les Français sont très sensibles à ces enjeux : ils savent que ne sont pas des enjeux simplement comptables, mais de véritables enjeux politiques, qui conditionnent la capacité de notre pays à rester dans l’avenir un grand pays, prospère, influent et respecté. Ils ne veulent plus de politiques de l’autruche, ils ne veulent plus de fausses assurances ; ils veulent que nous assumions collectivement nos responsabilités. Nous n’esquiverons rien et nous tiendrons nos objectifs, parce que nous n’avons pas le droit de les décevoir.


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