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N° 1440

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2009.

DÉCLARATION

du Gouvernement sur l’attribution de fréquences de réseaux mobiles,

PRÉSENTÉE

PAR M. Luc CHATEL, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation
et
Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique
.

(Déclaration de M. Luc CHATEL, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation)

Madame la présidente,

Mesdames et messieurs les députés,

Je suis très heureux d’introduire cette séance de débat parlementaire, qui correspond à la réalisation d’un engagement que j’avais pris devant vous lorsque fut débattue la loi du 3 janvier 2008 sur le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ce débat a été promis, il a lieu aujourd’hui, je ne peux donc que m’en réjouir.

Nous sommes maintenant en mesure de décliner concrètement un certain nombre d’annonces faites récemment par M. le Premier ministre concernant les modalités d’attribution des fréquences d’une quatrième licence mobile de troisième génération, et plus généralement l’ensemble des orientations que nous vous proposons pour l’attribution des autres fréquences qui seront prochainement disponibles : il s’agit de la gamme des 2,6 gigahertz d’une part, et de la sous-bande des 800 mégahertz, dite du « dividende numérique », qui sera libérée avec l’extinction de la télévision analogique, d’autre part.

Ces orientations que vous propose le Gouvernement correspondent à une véritable ambition pour le secteur des télécommunications. Nous allons aborder des questions qui sont certes complexes mais éminemment stratégiques pour l’avenir économique de notre pays.

Il faut avoir en tête que les technologies de l’information et de la communication représentent, sur les dix dernières années, la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l’Europe. Elles comptent aussi pour 40 % de la hausse de la productivité de notre économie. Le secteur des TIC est donc économiquement déterminant, grâce aux innovations qu’il engendre pour l’ensemble de notre industrie. Celles-ci trouvent des applications dans des secteurs aussi divers que l’automobile, les éco-industries, l’aéronautique, la télémédecine, la formation, le maintien à domicile des personnes âgées, l’industrie des loisirs, etc. Leur impact est évident sur nos modes de vie et la relation des salariés à leur travail : je pense notamment au développement du travail à distance avec les possibilités de visioconférence et de portabilité des données.

Bref, les enjeux sont autant économiques que technologiques et sociaux – je dirai même sociétaux.

Dans cette période de crise économique, la volonté du Gouvernement, vous le savez, est de nous mobiliser pour faire face à l’urgence financière et économique, notamment grâce au plan de relance. Mais nous devons plus que jamais poursuivre les réformes pour préparer la France au monde d’après. La crise est dure, violente ; mais elle prendra bien fin un jour, et ce jour-là nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres.

Pour cela, il faut dès aujourd’hui identifier des relais de croissance stratégiques et investir.

Les technologies de l’information et de la communication en font évidemment partie. Le Gouvernement dessine donc depuis dix-huit mois une politique très ambitieuse en matière de technologies numériques ; nous avons notamment avancé dans le domaine du développement de la concurrence dans les télécoms.

Ce développement de la concurrence répond à mon sens à plusieurs enjeux. Le premier d’entre eux est industriel et économique : le gain pour les consommateurs ne se fera pas au détriment des investissements ni de la couverture nationale du territoire. La concurrence, on l’a vu sur tous les marchés, est saine ; elle stimule le marché. Les analystes tablent ainsi sur une croissance de 7 % du marché global de la téléphonie mobile. Les investissements engendrés par l’arrivée d’un éventuel nouvel entrant seront importants pour l’économie et pour l’emploi, du fait des investissements nécessaires, d’abord pour la construction d’un réseau nouveau, mais aussi pour la recherche de nouveaux services et la distribution des offres correspondantes. Il faut bien avoir à l’esprit qu’il ne sera pas dans l’intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure, c’est-à-dire les investissements, notamment pour la couverture du territoire – sous peine de perdre en compétitivité. Nous serons très vigilants sur ce point, afin que les engagements pris dans ce domaine soient tenus. L’ARCEP – l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – devra les contrôler. Ses pouvoirs de sanction ont d’ailleurs été renforcés.

Le deuxième enjeu est celui du pouvoir d’achat des consommateurs.

D’après les simulations réalisées par mes services, l’ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur au moins devrait représenter à terme une baisse de 7 % des tarifs. Ces simulations tiennent compte de l’observation de ce qui s’est passé à l’étranger, lors du passage de trois à quatre opérateurs. Cela fait tout simplement 1,2 milliard d’euros de pouvoir d’achat rendu aux Français chaque année, sur un marché qui devrait représenter, en 2015, quelque 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Le troisième enjeu est celui de l’innovation. Il est clair que l’entrée de nouveaux acteurs va bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Nous parlons ici de la prochaine génération de services : aujourd’hui, le triple play concilie dans une même offre la télévision, Internet et le téléphone ; demain, l’offre quadruple play ajoutera une nouvelle dimension, car il sera possible de consulter de n’importe quel terminal, chez soi, au bureau ou dans la rue, l’ensemble de ses documents et données personnelles. C’est un nouvel âge de la convergence qui s’ouvre ; c’est un véritable saut en matière d’innovation.

Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils n’ont pas pour autant pris une avance irrattrapable sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait donc à notre sens bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l’ambition fixée à la fois par l’Europe – avec la stratégie de Lisbonne – et par le Président de la République : faire de la France, d’ici 2012, un pays leader en matière de technologies de l’information et de la communication.

Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut savoir d’où nous venons.

Souvenons-nous : en 2000 et 2001, dans le contexte de l’emballement financier et économique créé par la bulle Internet, l’État avait fixé un prix de 5 milliards d’euros pour les licences 3G, qui représentaient alors la première étape vers le portable à haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre qui, avec le recul, paraît vertigineuse. Un troisième opérateur, Bouygues, avait renoncé à suivre. Deux éléments ont alors joué : d’abord le dégonflement de la bulle Internet, ensuite la volonté du gouvernement de l’époque d’éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser les prix. L’État a donc institué une redevance fixe à 619 millions d’euros, plus une redevance variable de 1 % du chiffre d’affaires.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation qui finalement n’est pas si différente : l’appel à candidatures lancé par l’État en 2007 pour l’attribution de nouvelles fréquences n’a pas trouvé preneur auprès de nouveaux acteurs. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner, tout en garantissant naturellement l’égalité de traitement de l’ensemble des opérateurs. Dans le même temps, l’État doit veiller à soutenir la croissance du secteur, à assurer la couverture du territoire et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences.

Cela représente, pour les finances publiques, de l’argent, beaucoup d’argent. Nous avons donc demandé à l’ARCEP de mener une consultation publique ; celle-ci a été menée au cours de l’été 2008. Je vous livre ici le fruit des réflexions du Gouvernement.

Nous pensons qu’il est souhaitable, afin de rebondir et de répondre à l’infructueux appel d’offres précédent, de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires, comme l’a indiqué récemment le Premier ministre, en trois lots : un lot de deux fois 5 mégahertz réservé à un nouvel entrant, à un tarif qui doit être par définition non discriminatoire par rapport aux offres précédentes, j’y reviendrai dans un instant – lot auquel s’ajoute l’accès à la bande de 900 mégahertz, essentielle pour les enjeux, qui vous préoccupent tout naturellement, de couverture du territoire –, et deux autres lots de deux fois 5 mégahertz chacun, ouverts à tous, pour lesquels tous les opérateurs, y compris les historiques, pourraient postuler.

Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, et sur quels critères ?

Il ne sera pas choisi sur un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont. Nous proposons une règle simple, guidée par un souci d’équité vis-à-vis des opérateurs existants, qui consisterait à fixer un prix correspondant au tiers du prix défini précédemment, puisque nous accorderons à ce nouvel entrant un tiers des fréquences envisagées antérieurement, soit environ 206 millions d’euros – 619 millions divisés par trois. Différents types de raisonnement pourraient justifier de demander plus, ou au contraire moins. Nous proposons la solution qui apparaît, de l’avis de nombreux experts, comme la plus juste et la plus sûre juridiquement, c’est-à-dire le tiers du prix pour le tiers des fréquences.

Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence pour l’attribution d’une nouvelle licence ? Nous procéderons à ce qu’on appelle, en termes techniques, une procédure de soumission comparative, ou, en termes plus parlants, un « concours de beauté ». Il s’agit de voir quels postulants présentent pour l’État les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière d’ampleur et de rapidité des déploiements ; de cohérence et de crédibilité de l’ensemble du projet ; de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice des consommateurs, sujet qui m’est particulièrement cher ; d’environnement ; de qualité de service ; de couverture de l’ensemble du territoire, sujet auquel les élus ici présents sont particulièrement attachés.

Afin de traiter équitablement les opérateurs existants et le nouvel entrant, il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d’attribuer les premières licences en 2001 et 2002. Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l’ensemble du territoire, dans le but de favoriser la concurrence, y compris dans les zones rurales. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s’oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que lors des précédents appels à candidatures.

À ce propos, je tiens à indiquer que la diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l’appel à candidatures pour la bande de 2,1 gigahertz n’a pas d’impact sur la capacité du nouvel entrant à déployer un réseau sur l’ensemble du territoire : le quatrième opérateur ne doit pas être un opérateur au rabais. C’est en effet à partir de la bande de 900 mégahertz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions tout aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.

Ainsi, dans cet appel à candidatures, nous ferons jouer la concurrence non pas sur les prix, mais sur la capacité à répondre à des engagements. Le but de cette méthode est d’obtenir des candidats des engagements allant bien au-delà des obligations minimales, notamment en termes de couverture du territoire. Je crois que ces éléments sont de nature à apaiser certaines inquiétudes légitimes. Pour le Gouvernement, l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché doit absolument être compatible avec un objectif ambitieux de couverture du territoire. Je le répète, nous ne souhaitons pas de quatrième opérateur au rabais.

Par ailleurs, afin de faciliter la couverture en téléphonie mobile de troisième génération, la loi de modernisation de l’économie que vous avez adoptée l’été dernier a prévu des dispositions pour imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L’ARCEP, chargée de définir les conditions de cette mutualisation des réseaux, devrait nous rendre ses conclusions prochainement. Il faut d’ailleurs avoir à l’esprit que partager les investissements à quatre et non plus à trois peut aussi être un avantage déterminant pour la couverture de l’ensemble du territoire.

Le partage des fréquences disponibles permet, en outre grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires aujourd’hui et qui se sont manifestés à ce sujet.

Pour ces deux lots, le prix sera, en revanche, un critère déterminant ; c’est en tout cas ce que vous propose le Gouvernement. La loi de modernisation de l’économie a ouvert la possibilité de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l’État de vendre ces deux lots au meilleur prix. Nous nous orientons donc, pour ces fréquences, vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d’envisager, au-delà du critère prix, que les opérateurs existants prennent des engagements de nature à favoriser le dynamisme du marché français. Ils pourraient être incités, par exemple, à s’engager à assouplir les conditions d’accueil des Mobile Virtual Network Operators car on constate aujourd’hui que, malgré leur nombre, les MVNO peinent à se déployer sur le réseau. Cela permettrait de stimuler la concurrence sur le marché.

Concernant la couverture du territoire, il n’y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d’aller plus loin que les engagements qui ont déjà été pris. Ce qu’il faut, c’est faire respecter les engagements en la matière, ce qui n’est pas encore pleinement le cas aujourd’hui ; croyez-moi, le Gouvernement y veillera. C’est notamment pour cela que nous avons choisi de renforcer, dans la loi de modernisation de l’économie que vous avez adoptée, les pouvoirs de sanction de l’ARCEP dans ce domaine.

Par ailleurs, je souhaite que l’attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après l’attribution du premier lot de fréquences, c’est-à-dire le lot « réservé » à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat de ce premier lot de se porter candidat, s’il le souhaite, aux autres lots. C’est à la fois, pour lui, une possibilité d’acquérir des fréquences supplémentaires, et, pour l’État, l’opportunité d’obtenir un meilleur prix.

Pour finir sur ce point, je voudrais dire un mot de la numérotation. Les premiers numéros en « 07 » devraient être lancés mi-2010. Il ne reste en effet qu’environ dix millions de numéros disponibles en « 06 ». Pour que le nouvel entrant ne soit pas trop pénalisé par ce changement de numérotation, l’ARCEP a décidé d’en préréserver 3 millions, qui lui seront destinés.

S’agissant des fréquences 3G pour l’Internet mobile à très haut débit, je voudrais insister sur l’importance d’une attribution rapide. Ce choix s’inscrit dans le cadre d’une politique plus large en faveur du développement de l’économie numérique et qui passera par l’attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l’Internet mobile à haut débit. Il s’agit, d’une part, de la bande de 2,6 gigahertz, qui devra être libérée par les militaires à partir de 2010, et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses. Il s’agit, d’autre part, des fréquences de la bande 790-862 mégahertz, qui seront libérées, dans le cadre du dividende numérique, avec l’extinction de la télévision analogique d’ici au 1er décembre 2011. Cela nous offrira d’excellentes opportunités pour la couverture du territoire.

Une attribution conjointe de ces fréquences permettra de traiter simultanément les problématiques liées aux zones denses et aux zones rurales et de réduire ainsi le risque de constitution d’une fracture numérique pour le très haut débit mobile.

Selon les premières études de la direction générale du Trésor et de la politique économique, l’impact macroéconomique de l’attribution d’une partie du dividende numérique aux communications électroniques pourrait atteindre 0,05 % du produit intérieur brut. La réutilisation proposée permettra ainsi de répondre aux besoins de développement de l’audiovisuel, tout en donnant aux communications électroniques les moyens nécessaires au déploiement de réseaux mobile à très haut débit sur l’ensemble du territoire.

Du point de vue de la structure du marché, la consultation publique que lancera l’ARCEP au mois de février devrait permettre d’étudier le découpage en lots des différentes bandes. De ce découpage dépendra le nombre d’autorisations à attribuer dans chacune de ces bandes.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je tenais à vous dire pour lancer le débat. Notre objectif est de lancer la procédure d’attribution d’ici la fin de l’année, pour une attribution des licences avant fin 2010 et une mise à disposition effective des ressources à partir de 2012, avec l’ouverture commerciale des nouveaux services proposés. Mais je serai intéressé par les différentes propositions que vous pourriez nous soumettre sur le sujet.

(Déclaration de Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique)

Madame la présidente,

Monsieur le président de la commission des affaires économiques,

Mesdames et messieurs les députés,

L’économie numérique représente le secteur le plus dynamique de l’économie mondiale. Dans la plupart des pays développés, son taux de croissance est le double de celui de l’économie globale. Elle représente désormais plus de 25 % de la croissance mondiale, et elle en représentera sans doute 30 % avant cinq ans. Les investissements dans l’économie numérique sont des plus productifs, car ils accroissent la compétitivité de l’ensemble des autres secteurs de l’économie. En outre, les emplois de l’économie numérique sont peu délocalisables.

Développer l’économie numérique peut donc nous permettre d’apporter une partie de la réponse à la crise économique actuelle, en transformant l’innovation en croissance pour maintenir et créer des emplois qualifiés.

Mes priorités pour le numérique se structurent autour de trois chantiers.

Le premier chantier sera celui des réseaux, avec le haut débit fixe et mobile pour tous les Français d’ici à 2012, et bientôt la fibre optique.

Le second chantier sera celui des technologies. Il s’agit de transformer toute l’innovation venue de la recherche et du développement en outil de croissance.

Le dernier chantier sera celui des usages numériques, qui doivent être développés au bénéfice du citoyen. Toutes les initiatives facilitant l’adoption de ces nouvelles technologies seront soutenues : la carte nationale d’identité électronique, le télétravail, la télémédecine, ou encore l’administration électronique.

Le débat d’aujourd’hui nous permet d’exposer la vision stratégique de notre pays non seulement en matière de fréquences, mais aussi en matière d’économie numérique. Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement pour les fréquences à 2,1 gigahertz et notre souhait de voir émerger un nouvel opérateur mobile au bénéfice des Français.

Je souhaite, pour ma part, exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l’économie numérique qui sont au cœur des projets territoriaux qui vous sont chers. J’évoquerai à ce titre le dividende numérique, le passage à la télévision « tout numérique », la télévision mobile personnelle et plus généralement, l’aménagement numérique des territoires.

S’agissant du dividende numérique, la France connaît une chance historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ». En effet, le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences, permettant de dégager ce qui est communément appelé le « dividende numérique » et de réduire considérablement le coût du déploiement des réseaux mobiles dans les zones peu denses.

Le dividende numérique, à l’image du GSM, est une occasion unique pour notre pays et pour l’Europe de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique. Il contribuera à l’aménagement du territoire et au développement social en développant sur l’ensemble du territoire l’Internet à très haut débit, grâce à l’affectation aux services de communication électronique de la sous-bande 790-862 mégahertz. La procédure d’attribution de ces fréquences sera lancée d’ici à la fin de 2009 selon plusieurs critères : valorisation du patrimoine immatériel de l’État, couverture du territoire et concurrence.

Le dividende numérique contribuera également au développement des nouveaux services de télévision – télévision haute définition, télévision mobile personnelle ; au développement grâce à la réaffectation des fréquences libérées en bande III, des nouveaux services de radio numérique, offrant une meilleure qualité de son et l’affichage d’informations sur des écrans – météo, état du trafic, identification des musiques et programmes, jeux interactifs ; à la croissance économique grâce aux nouvelles infrastructures qui seront déployées avec ces fréquences.

Quelles seront les étapes suivantes ? Des travaux sont menés avec les partenaires européens de la France pour que l’Europe toute entière bénéficie de ce dividende. Le Royaume-Uni vient ainsi de prendre une décision identique à celle du gouvernement français, et l’Allemagne devrait en faire autant dans les prochaines semaines. Dès lors, d’ici à quelques mois, le dividende numérique sera devenu une réalité européenne.

J’en viens au passage à la télévision tout numérique. Le dividende numérique ne sera perçu que si nous réussissons le déploiement sur l’ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique et l’arrêt de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011. C’est l’une de nos priorités.

La TNT offre davantage de choix pour le téléspectateur, plus d’information, plus de culture, plus d’ouverture sur le monde, en un mot : plus de qualité. La TNT, enfin, présente l’avantage de n’avoir pas à changer de téléviseur.

Les réseaux de TNT couvriront 95 % de la population, et les 5 % de foyers restants pourront s’équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT.

Mais, pour réussir le passage au tout numérique, il faut s’assurer que tous les foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. Il s’agit là, à mon avis, du défi le plus ambitieux.

J’observe que, trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 57,8 % des foyers sont aujourd’hui équipés d’au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 29,9 % seulement des foyers ont équipé l’ensemble de leurs postes de télévision. Il faut donc, dès maintenant, accélérer le rythme d’équipement des foyers. Tel est l’objectif du dispositif national d’accompagnement du public présenté le 6 novembre dernier, et qui sera complètement mis en place au 31 mai 2009.

L’accompagnement des publics sensibles, tels que les personnes âgées ou handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l’État. De leur côté, les ménages à faibles revenus seront eux aussi aidés pour l’acquisition et l’installation du matériel de réception.

Une opération pilote s’est achevée hier à Coulommiers. Cette ville et neuf communes alentour sont passées au tout numérique, de façon très satisfaisante grâce à la forte mobilisation de la municipalité, des associations et de bénévoles. C’est d’ailleurs sans doute le premier enseignement de cette opération : la mobilisation des élus et du tissu associatif est l’une des clés pour assurer la réussite du projet. Cela dit, les conditions de l’assistance financière doivent encore être simplifiées. De plus, un effort accru d’information reste à faire, notamment pour expliquer les problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf communes environnantes.

Un second site pilote sera mis en oeuvre à Kaysersberg, en Alsace, à partir du 14 avril et jusqu’au 27 mai 2009, avant le lancement, en juin, de la plaque du Nord-Cotentin, en vue d’une extinction de l’analogique au 18 novembre. À la fin de l’année seront lancés les processus d’extinction pour l’Alsace et la Basse-Normandie. La Lorraine, Champagne-Ardenne, puis la Franche-Comté, la Bretagne et les Pays de la Loire suivront en 2010.

Je réunirai, le 12 février prochain, le comité stratégique pour le numérique afin de finaliser rapidement l’ensemble du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique et de publier l’ensemble du calendrier de l’opération avant la fin du mois de mai 2009.

S’agissant de la télévision mobile personnelle, le dividende numérique permettra l’émergence de nouveaux services audiovisuels. Ainsi, la TMP représente une évolution majeure des modes de consommation télévisuels, de la même façon que le transistor a transformé l’utilisation de la radio.

La dynamique mondiale de la TMP se met en place et il est important pour la France de s’y engager. Derrière les pays pionniers tels que la Corée ou le Japon, les marchés de la TMP tendent à se multiplier, notamment en Europe – Italie, Autriche, Suisse. Pourtant, en France, nous marquons légèrement le pas, car la définition du modèle économique de la TMP est compliquée. Sera-t-elle gratuite ou sur abonnement ? Quel sera le mode de rémunération des distributeurs ?

Je lancerai donc dans les prochains jours une mission de médiation, qui durera jusqu’à la fin du mois de mars, entre les différents éditeurs et distributeurs de services, en y associant le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il s’agit d’examiner la possibilité de lancer les travaux d’investissement sur un réseau pilote de TMP, grâce à un « noyau dur » d’acteurs – principaux opérateurs de télécommunications et chaînes de télévision – afin de permettre à la chaîne de valeur de se construire.

J’évoquerai, enfin, l’aménagement numérique des territoires. Si le numérique est porteur d’innovation, de croissance et de nouveaux usages, il doit avant tout permettre aux territoires de se développer.

L’implication budgétaire de l’État est constante dans le domaine de l’aménagement numérique des territoires. Ainsi, les investissements sur les réseaux d’initiative publique depuis 2002 sont estimés à 2,5 milliards d’euros, pris en charge pour près de la moitié par les investisseurs privés et pour le tiers par les collectivités territoriales.

L’État et l’Europe, au moyen des fonds européens – 220 millions d’euros – et des contrats de plan État-régions – 220 autres millions–, ont assumé 16 % de ce financement. Sur la période 2007-2013, 300 millions d’euros seront consacrés par l’État à l’aménagement numérique des territoires.

Mes priorités dans ce domaine sont d’assurer le haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et de soutenir les collectivités dans leur rôle d’aménageur du territoire.

L’Internet à haut débit constitue aujourd’hui, comme l’eau ou l’électricité, une commodité essentielle. Les différents réseaux d’accès laissent non desservis, selon les données des opérateurs eux-mêmes, près de 2 % de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire. En d’autres termes, 1 à 2 millions de Français sont exclus de la société de l’information.

Un appel à manifestation d’intérêt a ainsi été lancé le 12 janvier dernier afin d’identifier des opérateurs universels du haut débit fixe. Chaque Français, où qu’il habite, bénéficiera ainsi d’un droit, opposable à ces opérateurs labellisés, à disposer d’un accès à l’Internet à haut débit – soit plus de 512 kilo-octets par seconde – à un tarif abordable – moins de 35 euros par mois, matériel compris. Le label sera mis en place avant la fin de l’année et plusieurs opérateurs se sont déjà portés candidats.

Par ailleurs, grâce aux dispositions de la loi de modernisation de l’économie, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements entre opérateurs, permettra d’assurer à tous les Français, d’ici à 2012, un accès au haut débit mobile. Je lancerai des expérimentations sur cette mutualisation dans les prochaines semaines.

Les collectivités locales sont fortement impliquées dans cette révolution numérique. Elles ont contribué à l’émergence de plus de cent réseaux d’initiative publique en investissant plusieurs centaines de millions d’euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues.

Ainsi, une circulaire mettra bientôt en place des instances de coordination État-collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. Une aide financière sera fournie par l’État pour la définition de ces schémas.

Par ailleurs, deux décrets qui seront publiés prochainement permettront d’accélérer l’aménagement numérique des territoires. Le premier porte sur le droit à la connaissance des réseaux, instauré par la LME ; le second favorisera une meilleure connaissance de la couverture des services.

Enfin, doter les collectivités locales d’un outil réglementaire supplémentaire, comme par exemple l’investissement minoritaire dans des gestionnaires neutres d’infrastructures, pourrait faciliter leur intervention dans le très haut débit. J’ai donc lancé, avec la Caisse des dépôts et consignations, une étude sur ce sujet et, plus généralement, sur la place des réseaux neutres et de l’investissement public pour le très haut débit. Je souhaite pouvoir donner rapidement suite aux conclusions de cette étude.


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