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02 et 03/10/2008 – Journées parlementaires du groupe UMP à Antibes

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur le ministre des Relations avec le Parlement,

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Secrétaire Général de l’UMP,

Messieurs les Présidents des groupes UMP,

Mes chers collègues,

D’abord, je veux vous dire tout le plaisir que j’ai à être ici à Antibes, dans la ville et le département de mes amis Jean Leonetti et Christian Estrosi. Je remercie Jean-François Copé et Henri de Raincourt d’avoir fait ce choix pour nos journées parlementaires, en ce lieu magique par sa beauté.

C’est en tout cas ce que je pense. J’ai une indulgence particulière pour le comté de Nice et de Savoie.

Je veux féliciter tous ceux qui ont participé à l’organisation de ces Journées Parlementaires.

Mes chers collègues,

Depuis un an, nous modernisons la France. Ce n’est pas une formule d’autocongratulation. C’est une réalité. C’est ce à quoi nous travaillons chaque jour. Chacun à notre place, au gouvernement, au Parlement.

Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, avec François Fillon, nous donnons à la France les moyens d’avoir sa place, toute sa place, dans un monde toujours plus rapide et plus complexe, un monde confronté à une crise majeure, d’une ampleur que la mondialisation rend sans précédent.

Cette crise rend nos réformes encore plus nécessaires et plus urgentes.

C’est le sens de l’intervention du Président de la République à Toulon jeudi dernier. Nicolas Sarkozy dont nous devons saluer le courage, le même que celui dont il a fait preuve cet été lors de l’affaire Géorgienne, ou encore la semaine dernière devant les Nations Unies.

C’est avec une hauteur de vue, un sens des responsabilités qui sont la marque des grands hommes d’Etat que le Président de la République a réagi pour la France, pour l’Union Européenne. Nous pouvons en être fiers.

Nous, parlementaires de la majorité, sommes mobilisés derrière le Président de la République, derrière le gouvernement, et, mes chers collègues, dans un contexte tel que le monde n’en a pas connu depuis bien longtemps, le Parlement doit se montrer exemplaire.

Exemplaire pour le débat démocratique, car c’est à nous d’éclairer les Français sur les enjeux de cette crise, d’apporter des réponses à leurs interrogations, à leurs inquiétudes.

C’est pour cela que Christine Lagarde a été auditionnée par notre commission des Finances.

C’est pour cela que, mercredi prochain, le gouvernement fera une communication suivie d’un débat, dans l’hémicycle, sur la crise financière.

Le Parlement doit également être exemplaire par son travail. Tous les députés, de la majorité comme de l’opposition, sont concernés.

Face à de tels enjeux, le temps n’est pas aux chicaneries, aux manœuvres d’enlisement ou d’obstruction. Elles ne sont pas à la hauteur de ce qu’attendent nos compatriotes aujourd’hui.

Pour tendre à cette exemplarité, la réforme à venir de notre règlement, conséquence de la révision constitutionnelle adoptée grâce à vous le 21 juillet dernier, est une chance. Nous devons la saisir.

Cette réforme constitutionnelle, voulue par le Président de la République, nous a donné de nouvelles responsabilités.

Des responsabilités considérables telle que celle que nous venons d’exercer, en autorisant la prolongation de l’engagement des forces françaises en Afghanistan.

Dès lors, le Parlement ne peut plus continuer à travailler, à débattre, de la même manière.

Je vous le demande, chers amis, quelle image ont les Français de leur Parlement ?

Trop souvent celle d’une institution brouillonne et inefficace. Pour beaucoup de nos concitoyens, l’Assemblée ce sont des lois adoptées dans un hémicycle peu rempli, c’est le brouhaha des questions au gouvernement, c’est le jeu caricatural de l’obstruction parlementaire.

Bien sûr, mais nous sommes trop peu à le savoir, les parlementaires travaillent. Tous ici nous pouvons témoigner du temps et de l’énergie que nous consacrons à notre mandat. Et pourtant cela ne suffit pas.

Pourquoi ? Parce que l’organisation de nos travaux n’est plus adaptée. Réhabiliter le parlement c’est d’abord rendre notre travail quotidien de parlementaire plus efficace, et ce faisant il sera plus facile.

Réhabiliter le parlement, cela signifie légiférer différemment, évaluer et contrôler efficacement, c’est-à-dire utilement.

Soyons clairs, il ne s’agit pas de tourner le dos à l’esprit et aux grands principes de la Ve République, des institutions solides et souples qui ont fait la preuve de leur efficacité quelles que soient les circonstances.

Réhabiliter le Parlement, ce n’est pas revenir au régime d’assemblée, ce n’est pas affaiblir l’exécutif, c’est permettre un travail plus efficace entre des pouvoirs exécutif et législatif plus responsables.

Tel est l’objectif du partage de l’ordre du jour, des études d’impact, de l’évaluation.

Tel est bien l’enjeu de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale que nous devons engager sans tarder et conclure avant la fin janvier 2009.

Bien sûr, notre travail devra accompagner celui du Sénat.

Réhabiliter le Parlement, c’est d’abord revaloriser le travail législatif.

Sur ce point, nous avons eu, hier matin, autour de Jean-Luc WARSMANN et Bruno LE MAIRE, un débat très intéressant

Cette revalorisation passe par un meilleur partage du travail entre les commissions et l’hémicycle.

L’examen en séance du texte issu de la commission s’inscrit dans cette perspective.

Actuellement, les débats en séance ne sont pas satisfaisants. Les conditions d’examen des textes, le caractère totalement aléatoire de la durée des débats, de leur rythme, rendent le travail parlementaire, votre travail, quasi impossible.

Nous pouvons passer des heures à discuter de dispositions techniques ; Et voter précipitamment des articles, des amendements importants. Comment défendre nos amendements, quand on ne peut savoir à l’avance quand ils viendront en discussion ?

Nous ne pouvons pas continuer ainsi. L’image du Parlement, celle des élus, en souffrent ; comme en souffrent, ce qui n’est pas moins grave, la qualité des textes que nous votons, des décisions que nous prenons.

L’hémicycle doit être recentré sur sa fonction essentielle d’agora politique. Aux séances les débats les plus importants, aux commissions les discussions les plus techniques.

Ainsi la revalorisation du travail des commissions, l’examen dans l’hémicycle du texte adopté par la commission, permettront-ils de réserver les séances publiques aux débats les plus importants, dans un hémicycle mieux rempli.

Puisque le choix et l’élaboration de la plupart des textes relèveront toujours de la fonction gouvernementale, les travaux en commissions vont prendre une grande importance, comme dans beaucoup de parlements.

Le gouvernement ne pourra s’en désintéresser. Il ne pourra les regarder comme la cour de récréation des parlementaires, car c’est en commission que les ministres défendront leur texte.

Nous aurons donc, comme il en a été beaucoup question hier, à définir, avec le gouvernement, en particulier avec notre Secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Roger KAROUTCHI, une nouvelle manière de travailler en commission.

Si notre travail est mieux organisé, nos emplois du temps mieux répartis, les scrutins solennels regroupés, en particulier après les questions d’actualité, il sera alors possible d’envisager les mesures qui existent déjà dans le règlement contre l’absentéisme excessif.

Les périodes de crise nourrissent, hélas, l’antiparlementarisme. Nous devons agir contre l’absentéisme parlementaire. Les Français qui nous observent en permanence dans l’hémicycle, à la télévision et sur Internet, ne le comprendraient pas.

Si nous avons le courage, comme je le souhaite, de nous saisir de ce problème, de le régler en tenant compte des réalités du travail parlementaire, alors, mes chers amis, nous en sortirons grandis.

Revaloriser le travail législatif, c’est aussi mettre un terme au spectacle désolant de l’obstruction parlementaire. Nous en avons vu une fois de plus l’illustration, la semaine dernière, lors du texte sur les revenus du travail.

Je ne jette pas l’opprobre sur l’actuelle opposition : elle use des mêmes armes que nous lorsque nous étions dans l’opposition. Mais il est temps de travailler – et donc de s’opposer – autrement.

D’autant que, désormais, le gouvernement devant l’obstruction n’aura plus l’arme du 49-3, dont l’usage au fil du temps et de la montée de l’obstruction était détourné de son objectif initial.

C’est pourquoi je propose de rétablir une ancienne disposition réglementaire, inspirée par Léon BLUM en 1935, et imprudemment supprimée en 1969, qui permettait de fixer, pour certains textes, une durée maximale à leur examen.

Entendons nous bien, il ne s’agit en aucune façon de restreindre les droits de l’opposition. Il ne s’agit pas non plus de s’en prendre au droit d’amendement, mais, au contraire, de redonner à ce droit toute son importance.

Trop d’amendements tue l’amendement ! Quand on sait qu’il y a eu autant d’amendements déposés sous la XIIe législature, à l’Assemblée nationale, que sous l’ensemble des onze législatures précédentes - plus de 241 000 – on mesure combien ce droit dévoyé s’est vidé de son sens.

Si la durée des débats est préalablement déterminée, ce sont les parlementaires eux-mêmes, avec leurs groupes, qui définiront une stratégie politique, une stratégie d’amendements.

Nécessairement, l’introduction de ce « temps global » devrait laisser plus de temps, hors discussion générale, à l’opposition. C’est d’ailleurs déjà, très largement, le cas aujourd’hui.

Adoption du temps global, définition des droits de l’opposition, ainsi que l’a souhaité le Président de la République, tels sont les éléments d’un équilibre à trouver, ensemble dans la réforme du règlement. La majorité comme l’opposition doivent bénéficier des nouveaux pouvoirs donnés au parlement.

Nous débattrons de tout cela. Parce que nous devons toujours avoir présents à l’esprit que chaque groupe politique, chaque parlementaire, est appelé à siéger tout à tour dans la majorité et dans l’opposition, c’est avec une approche la plus consensuelle possible, un dialogue constructif avec tous les groupes que nous devons aborder cette réforme, et le faire, bien sûr, en cohérence entre les deux assemblées.

Après le travail législatif, l’autre enjeu parlementaire majeur de la réforme du règlement, est le contrôle et l’évaluation.

La réforme du 21 juillet confirme et renforce ce second pouvoir du Parlement.

Il s’agit d’une avancée importante, et nous sommes nombreux à partager le souhait de Jean-François COPE d’aller le plus loin possible en ce domaine.

Le Parlement dispose déjà de moyens importants en matière de contrôle et d’évaluation, mais ils ne sont pas assez connus, pas assez mobilisés, pas assez exploités, pas assez coordonnés et nos initiatives ne sont pas assez médiatisées, ni suivies d’effets. Ainsi, y a t-il beaucoup d’améliorations possibles, beaucoup de choses à faire.

C’est d’abord aux commissions permanentes, bientôt au nombre de huit à l’Assemblée nationale, qu’il revient d’évaluer et de contrôler. C’est déjà une part importante de leur travail. Il ne saurait être question de les dessaisir, même partiellement de ce pouvoir essentiel, qu’il faut au contraire, en leur sein, renforcer.

Nous avons tous, depuis le début de la législature, réfléchi à l’évaluation et au contrôle. Le groupe UMP a fait sur ce thème un travail important. Le débat d’hier matin, autour de Louis Giscard d’Estaing et Claude Goasguen, a été riche.

De ce travail, il ressort que nos actions de contrôle et d’évaluation, conduites par les commissions, associant un député de la majorité et de l’opposition et le cas échéant un rapporteur budgétaire spécial, doivent faire l’objet d’une large diffusion publique, qu’elles doivent être coordonnées, bien souvent prendre une dimension transversale, et pour cela, disposer des moyens nécessaires.

Certes la meilleure des publicités sera celle de la mise à l’ordre du jour en séance publique de la présentation des rapports de missions. D’autant que, désormais, le quart de l’ordre du jour pourra être consacré à l’évaluation et au contrôle.

Ces quatre exigences pourront relever d’une instance, comité de pilotage ou comité d’évaluation et de contrôle, peu importe le nom.

La composition de cette instance, déjà validée dès la fin 2007 par le Bureau de l’Assemblée nationale, rassemblant les présidents des commissions permanentes, les présidents des délégations et des représentants des groupes politiques.

- Le comité pourrait arrêter une liste de contrôles à engager et définir si besoin la coordination entre plusieurs commissions et la transversalité.

- Le comité pourra gérer et mettre à disposition des commissions les moyens d’un centre de ressources : -- de fonctionnaires parlementaires, de fonctionnaires des grands corps de contrôle de l’Etat mis à disposition du parlement dans des conditions qui pourraient être prévues éventuellement par la loi, de contractuels en tant que de besoin.

- Le comité veillera à la meilleure publicité des travaux et à leur suivi c’est-à-dire aux réponses apportées, dans le temps, par le gouvernement aux remarques et recommandations des rapports ou à l’application des lois, notamment lors des séances publiques d’interpellation du gouvernement.

Ainsi se trouveraient grandement renforcées nos pratiques et nos initiatives antérieures en ce domaine.

Nous aurons aussi à nous interroger pour améliorer l’intérêt et l’efficacité d’autres moyens de contrôle : les questions au gouvernement : écrites, orales avec ou sans débat.

S’agissant des études d’impact qui accompagneront désormais les projets de loi, c’est aux commissions permanentes saisies au fond de les évaluer, en réfléchissant aux blocages possibles en cas de conflit entre une commission et le gouvernement. Souvenons nous de la IVe République.

Plus généralement, chers amis, j’entends renforcer l’usage de l’outil télévisuel et d’Internet pour donner une diffusion plus large et permanente à nos travaux.

Dans les prochaines semaines, sera installé, en cette période de présidence française de l’Union européenne, un lien télévisuel permanent entre l’Assemblée nationale et les institutions de l’Union européenne, indiquant leur ordre du jour prévisionnel et quotidien. Ces images et ces textes seront accessibles des bureaux de chaque député.

Rapprocher les parlements nationaux, l’Assemblée nationale, des institutions européennes n’a que trop attendu alors que beaucoup de notre travail dépend de décisions prises à Bruxelles.

Mes chers amis, cette réforme est un immense chantier. Derrière ces règles de procédures, derrière ces points techniques, se joue la capacité pour notre parlement d’apporter toute sa valeur ajoutée au fonctionnement de nos institutions. C’est aussi l’image que les Français ont de ceux qui les représentent. Cette image pèse sur la classe politique toute entière. Elle pèse sur la démocratie.

Cette réforme, chers collègues, nous ne pouvons pas la conduire sans tenir compte de la crise que nous traversons. Nous devons donc la faire en maîtrisant, comme toutes les instances publiques, la dépense publique, c'est-à-dire à budget constant. C’est parfaitement possible, soyez-en sûrs.

Comme le Président de la République a eu besoin de nous, de chacun d’entre nous, cet été pour faire aboutir la réforme de la Constitution, j’ai besoin de vous, de chacun d’entre vous, pour que notre nouveau règlement nous offre les moyens d’offrir aux Français le parlement qu’ils attendent : le parlement du XXIe siècle.