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07/10/2008 – Discours prononcé à l’occasion du Cinquantenaire de la Ve République

Mesdames, Messieurs,

Mes chers collègues,

Il y a cinquante ans, sous la pression des événements, notre pays se dotait d’une nouvelle Constitution. Les Français, par référendum, approuvaient à 80% les institutions voulues par le général de Gaulle pour mettre fin à l’impuissance et à l’instabilité de ce qu’il appelait « le régime des partis ».

Avec la Quatrième République, c’était une certaine conception du parlementarisme qui s’effondrait : celle d’un régime d’assemblée, aux majorités mouvantes, aux gouvernements révocables, dans lequel le pouvoir législatif intervenait dans les moindres détails, mais pouvait éluder par une crise ministérielle les décisions importantes.

Un demi-siècle plus tard, nous ne pourrions citer sans sourire ceux qui accusaient le général de Gaulle d’aspirer à la dictature ! La Cinquième République, au contraire, a montré sa capacité à résister aux crises sans jamais rien perdre de son inspiration démocratique. Certes, une logique plus stricte de séparation des pouvoirs a limité le domaine d’intervention du Parlement. Mais celui-ci s’est ainsi recentré sur l’essentiel, comme ce doit être le cas dans une démocratie en bonne santé. Ce Parlement de la Cinquième République, qu’on a tant décrié, qu’on a si souvent dénigré, n’a pas hésité à s’emparer des sujets les plus graves et les plus sensibles. Avec la loi « Neuwirth », la loi « Veil », les lois bioéthiques, la mission du législateur est allé jusqu’au point ultime où il s’agit de définir en droit ce qu’on entend par la « vie » et la « mort ». Avec la loi « informatique et libertés », ce sont les principes fondamentaux de la société de l’information qui ont été posés dès 1978. Avec l’abolition de la peine capitale, les députés de la Cinquième République ont mis fin à un débat aussi ancien que la Représentation nationale elle-même. Enfin, l’institution parlementaire a su se saisir très précocement de la question primordiale que constitue la protection de l’environnement, présente aujourd’hui dans tous les esprits.

Parmi les grands débats de la Cinquième, je m’en voudrais d’oublier la loi sur la filiation, que nous devons à un homme de courage et de conviction : je veux parler de Jean Foyer, disparu vendredi dernier. Au Garde des sceaux du général de Gaulle, au législateur et à l’homme, il est juste de rendre hommage ce soir en saluant sa mémoire.

Avec des personnalités de son mérite et de si grandes lois, les historiens de la Cinquième République ne manqueront pas d’ouvrage. Les archives sont abondantes, d’autant qu’elles comprennent ces documents d’une nature particulière – et d’une force singulière – que sont les archives audiovisuelles.

On peut écrire une histoire de la Troisième ou même de la Quatrième République en négligeant les sources filmées, mais on ne pourrait le faire s’agissant de la Cinquième République. Depuis 1958, les caméras font partie de notre paysage politique, au point que les temps forts du dernier demi-siècle ont été saisis au vol et retransmis sur des millions d’écrans. Ces images ont une véritable valeur patrimoniale, et par là affective : c’est par elle qu’il nous est possible de montrer aux jeunes générations ce que furent les cinq dernières décennies de notre vie publique.

C’est pourquoi je remercie l’Institut national de l’audiovisuel et son président, Emmanuel Hoog, de s’être associés à l’Assemblée nationale pour valoriser ce patrimoine, à travers deux initiatives audacieuses : un clip et un portail sur internet.

Le clip a été coproduit avec La Chaîne Parlementaire, qui le diffuse actuellement : réalisé par François Hanss, ce court métrage intitulé Le Message donne à voir en quelques minutes toutes les « images de légende » de la Cinquième République. Mixée à une musique originale, la belle voix grave de Michel Duchaussoy nous rappelle le texte du premier message adressé par le général de Gaulle aux députés : « délibérer avec dignité, élaborer de bonnes lois, dégager des choix politiques et les exprimer clairement », telle était la haute mission qu’il leur assignait, avec l’espérance que les nouvelles institutions garantiraient « un grand avenir » à la nation.

Outre le clip, l’Assemblée nationale et l’Ina ont réuni leurs forces pour mettre en ligne des dizaines d’archives audiovisuelles retraçant les moments forts de notre histoire parlementaire. Déclarations mémorables, moments d’émotion, incidents de séance : nos deux sites, jumelés pour l’occasion, donnent accès à tous ces instants de notre vie politique que les caméras présentes dans l’hémicycle ont immortalisés. Chacun pourra ainsi se promener dans le temps et revivre les belles passes d’arme dont la Cinquième ne fut pas avare. Après une brève présentation des sites, une sélection de ces documents va vous être présentée.

Avant de vous laisser la découvrir, je voudrais dire que la Cinquième République, si elle nous a laissé de splendides images, ne saurait pourtant se résumer à celles-ci. L’image, nous le savons, peut être trompeuse ou tronquée : il faut l’analyser, la décrypter, l’expliquer. Or, si nous allons au-delà de l’image, il apparaît que la Cinquième République ne manque pas de contenu : un demi-siècle de vie démocratique, de réalisations scientifiques et technologiques, de construction européenne, c’est là une réalité dont nous pouvons, collectivement, être fiers. Les députés, au quotidien, consacrent leurs efforts à améliorer la société, à réguler le monde dans lequel nous vivons, et c’est avant tout le reflet de cette réalité que je veux voir dans ces images que je vous propose de redécouvrir.