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02/10/2009 - 20ème Convention nationale de l’intercommunalité à Chambéry

Monsieur le Président de l’Assemblée des Communautés de France,

Madame le Maire,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs,

Je veux d’abord vous remercier de votre invitation. Si je suis là en voisin, vice-président d’une communauté d’agglomération moi-même, je veux avant tout rendre hommage aux élus intercommunaux nombreux ici ce matin à Chambéry. Je connais votre engagement et le poids de vos fonctions. Des fonctions que la décentralisation a rendues toujours plus accaparantes.

Si c’est en voisin que je suis ici, c’est aussi bien sûr en tant que Président de l’Assemblée nationale que je m’exprime devant vous, car c’est au Parlement qu’il reviendra, au cours de la session ouverte hier, de trancher la question de la réforme territoriale comme celle de la taxe professionnelle. Deux sujets au cœur même de vos préoccupations.

A cet égard je veux saluer le choix que vous avez fait d’en débattre aujourd’hui avec d’éminents Parlementaires, mes collègues Députés et amis : Didier Migaud, président de la commission des Finances, Michel Piron, membre du Comité des Finances locales.

Nous sommes à un moment clé dans l’histoire de la décentralisation. Les réformes annoncées s’inscrivent dans la modernisation indispensable de l’Etat, de notre pays, et par conséquent des collectivités locales qui en sont le tissu vivant.

La France est aujourd’hui confrontée à des défis majeurs : d’abord les effets de la crise économique et sociale dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences, mais aussi le vieillissement de la population, les exigences environnementales, la mondialisation, l’endettement public ; bref, un changement d’époque.

Autant de réalités qui nous conduisent à remettre en cause l’efficacité de l’organisation de l’État et de nos territoires pour les améliorer.

En cette semaine de présentation du budget en Conseil des ministres, la question du déficit et de la dette publique revient avec force dans le débat.

Il s’agit là d’un enjeu majeur. Certes, un enjeu économique et social, mais aussi un enjeu de cohésion et d’équité intergénérationnelle, puisqu’il n’est pas acceptable que nous vivions à crédit et ne laissions aux générations futures que des dettes, il y aurait là matière à remettre en cause le pacte intergénérationnel qui fonde cette solidarité nationale dont à juste titre nous sommes fiers.

En moins de 40 ans, la France a multiplié sa dette publique par 6.

Cette dette, c’est celle de tous les Français.

Si certains pointent les désengagements de l’État et de transferts de charges non compensées, d’autres stigmatisent des collectivités dispendieuses. Voilà bien un dialogue de sourds qu’il nous faut dépasser.

La réalité est que les déficits publics et la dette s’imposent à tous : à l’État d’abord, mais à la sécurité sociale et aux collectivités locales aussi. Mais, in fine, la dette publique pèse sur tous les citoyens.

Aujourd’hui les chiffres sont très clairs : la dette publique représentera 77,1% du PIB fin 2009 et 84% en 2010.

Si la dette des administrations publiques locales n’en représente qu’environ 10%, les collectivités locales ne peuvent se soustraire à l’effort collectif de réduction de la dépense publique. Leurs dépenses représentent en effet près de 10% du PIB et environ 20% de la dépense publique.

J’ajoute que les dotations de l’Etat aux collectivités locales s’élèveront cette année à 52 milliards d’euros, c’est-à-dire le produit de l’IRPP, tandis que les exonérations et dégrèvements à 16 milliards d’euros, c’est-à-dire un total de 67 milliards d’euros, c’est au total 130 % de l’IRPP.

Mesdames, messieurs,

Pour faire face à ces enjeux, l’État s’est engagé dans la profonde Révision Générale des Politiques Publiques de son administration territoriale, afin que nos territoires soient plus forts et plus légitimes, plus efficaces et plus démocratiques.

Mais pour nos collectivités locales, c’est la décentralisation qu’il faut simplifier et clarifier.

Le grand mouvement de la décentralisation, a été initié il y a 40 ans dans notre région, à Lyon, le 24 mars 1968 par le Général de Gaulle, je cite : « L’effort multiséculaire de centralisation qui fut longtemps nécessaire à notre pays ne s’impose plus, au contraire ce sont les activités régionales qui apparaissent désormais comme les ressorts de sa puissance économique de demain. »

14 ans plus tard, ce sont les lois Defferre qui en écrivent l’Acte I, et la réforme Raffarin en 2003, l’Acte II. C’est ainsi que la décentralisation est devenue un principe constitutionnel, structurant notre République.

Qui peut aujourd’hui nier que notre organisation territoriale souffre de lourdeur de prises de décisions, de dilution des responsabilités, avec pas moins de 5 échelons de responsabilités locales ? Qui peut nier que cela pèse sur l’efficacité et sur la fiscalité ?

Et alors que la décentralisation est évidemment incontournable, nos concitoyens en perçoivent trop souvent moins les vertus que les défauts.

Le temps est donc venu d’améliorer l’efficacité sociale et économique de l’action publique locale.

Mesdames, messieurs,

Pour toutes ces raisons, la réforme territoriale voulue et engagée par le Président de la République est une exigence pour notre pays.

Cette réforme n’aurait guère de sens si elle n’était qu’un enjeu financier et je regrette que trop souvent, prévale une approche dogmatique ou purement productiviste de l’organisation territoriale.

Pour aboutir, nous devons tenir compte des réalités du terrain et de l’attachement légitime des Français à l’héritage de notre longue histoire.

Parce que la réforme territoriale concerne l’organisation de la cité, c’est une réforme éminemment politique au sens premier et noble du terme.

Il ne doit pas y avoir d’un côté l’État et de l’autre les collectivités, d’un côté les régionalistes et de l’autre les départementalistes, d’un côté les urbains et de l’autre les ruraux, d’un côté les intercommunalités et de l’autre les communes, d’un coté les élus et de l’autre les citoyens. Car dans notre République, citoyens et égaux nous le sommes tous.

La réforme territoriale ne pourra aboutir que si elle parvient à transcender ces clivages, pour mieux fédérer l’action des uns et des autres sur le terrain, pour servir l’intérêt général.

La création du conseiller territorial ouvrira nécessairement le débat sur le cumul des mandats.

C’est pour cela que j’ai souhaité aborder cette question de front, en annonçant la mise en place, à l’Assemblée nationale, d’un groupe de travail pluraliste au sein duquel nous réfléchirons ensemble sur l’exercice des mandats, le cumul des fonctions, et non le cumul des mandats, et le statut des élus.

Mesdames et messieurs,

Le débat passionnant sur la réforme territoriale est essentiel pour l’avenir de notre pays.

Le débat s’annonce riche. Il commencera dès l’examen du budget pour 2010 avec la réforme de la taxe professionnelle.

Comment la France pourrait-elle garder ses entreprises, c'est-à-dire ses emplois, c’est-à-dire notre niveau de vie et de protection sociale en chargeant ces entreprises plus que partout ailleurs ? Face à la désindustrialisation qui affecte cruellement nos territoires, qui jette les hommes et les femmes au chômage, pouvons-nous rester inertes ? Puisque dans notre pays, la plus grande part de la fiscalité des collectivités locales vient des entreprises et que c’est la production qui finance l’essentiel de notre protection sociale.

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’autonomie financière des collectivités locales, qui est d’ailleurs un principe constitutionnel, mais de réformer cet impôt inefficace qui pèse sur l’appareil de production en France.

Cette question ne manque pas de soulever des inquiétudes bien légitimes chez les élus. Le Gouvernement a souhaité laisser les parlementaires décider des modalités pratiques de cette réforme.

Soyez certains que les parlementaires sauront proposer une solution conforme aux objectifs de la réforme, tout en garantissant le financement des collectivités locales et le dynamisme de leurs ressources. Pour ce financement, on évoque une fiscalité locale d’entreprise associant du foncier bâti et une part plafonnée de la valeur ajoutée ; pour le dynamisme de ces ressources l’affectation par strate des différentes taxes pourrait être écartée.

Mais c’est la Commission des Finances de l’Assemblée nationale qui travaille depuis plusieurs mois sur cette question avec des parlementaires de toutes sensibilités politiques. Je compte sur eux, sur leur Président, cher Didier Migaud, pour faire émerger un consensus !

En tout état de cause, les pouvoirs publics veilleront à éviter toute remise en cause brusque des recettes ou des charges, et au besoin, il les compensera.

Le Parlement examinera ensuite la réforme territoriale.

Je vous dis ma conviction : cette réforme ne sera en aucun cas une réforme de recentralisation.

Sauf à considérer que la décentralisation consiste exclusivement à transférer des compétences vers les collectivités territoriales sans se soucier de leur exercice, cette réforme constitue même un véritable Acte III de la décentralisation.

Le renforcement de l’intercommunalité en est un principe majeur.

170 ans après l’apparition des commissions syndicales, 120 ans après la création des syndicats de communes, 50 ans après l’institution des districts urbains, 17 ans après la création des communautés de communes, mais surtout 10 ans après la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, il convient d’achever et de rationaliser, enfin, la carte de l’intercommunalité française.

Il y a aujourd’hui un large accord sur cet objectif, même si ses modalités et la date de cet aboutissement seront au cœur du débat parlementaire.

Le but étant d’apporter un meilleur service au meilleur coût, la priorité est de rendre effective la mise en commun des moyens humains et matériels communaux, pour obtenir des économies d’échelle au sein des structures intercommunales, et de partager, c’est à dire mutualiser les charges et les risques. Tel est le sens de la coopération intercommunale.

Le succès de l’intercommunalité n’est pas contestable, ni les gains d’efficacité qu’elle a permis en matière de gestion des déchets, d’eau ou de développement des transports et des infrastructures.

S’agissant du développement économique, l’un des défis à relever est de garder la même ardeur collective que celles que les communes avaient individuellement avant l’instauration de la taxe professionnelle unique.

Toutefois, la loi Chevènement de 1999, que j’avais votée, n’a pas satisfait à toutes les espérances attendues, parce qu’il lui a manqué de fixer le but et l’objet même de la coopération intercommunale : offrir le meilleur service au meilleur coût.

Aujourd’hui, bien souvent les municipalités, qui se délestent d’un certains nombre de compétences sur les EPCI, ne diminuent pas à due proportion leurs propres dépenses et les économies d’échelle attendues ne sont pas là, car dans le même temps trop souvent se créent de nouvelles administrations et services.

Beaucoup d’EPCI créés depuis moins de 10 ans sont confrontés à des problèmes financiers, mais ceci est moins vrai pour les créations conduites par des collectivités déjà en difficultés financières lors de la création de l’EPCI.

Mais ce travers se retrouve aussi au niveau de l’État. Depuis 1982 l’État a transféré beaucoup de compétences aux collectivités locales, tout en conservant et surtout en augmentant, jusqu’en 2002, ses effectifs.

Pire encore, pour les compétences transférées, il a conservé des effectifs excessifs et même parfois pléthoriques pour superviser, pourrait-on dire, l’exercice de ces compétences.

Parce qu’il ne s’agit pas d’une bonne gestion de l’État il faut donc aller au bout de la révision générale des politiques publiques.

Les mesures de simplification et la mise en commun des services entre les EPCI et leurs communes membres, proposées par la réforme doivent apporter une réponse à cette situation. Leur contenu sera à coup sûr enrichi et renforcé par le débat parlementaire.

Enfin, sur la question de l’élection des conseillers communautaires, l’instauration du système de fléchage, que j’avais d’ailleurs défendu lors de mon audition devant le Comité Balladur permettra de renforcer la légitimité démocratique des élus intercommunaux sans pour autant affaiblir celle des autres élus communaux.

Mesdames et messieurs,

Outre les objectifs de simplification et d’adaptation des structures, raison même de la décentralisation, la réforme devra également clarifier les compétences et encadrer les financements croisés, à tous les niveaux.

Le débat sur la clause de compétence générale devrait être ouvert dans un texte ultérieur, ce sera un débat difficile.

Mais la multiplication des compétences croisées, la complexité et les lourdeurs administratives qui en résultent, sont autant de gaspillages en ressources humaines et en moyens financiers que nous devons corriger, à l’heure où la maîtrise de la dépense publique s’impose à tous.

Quelques soient les moyens employés, la clarification devra se faire, en concertation avec les associations d’élus locaux qui comprennent mieux que quiconque les effets négatifs de l’enchevêtrement qui prévaut aujourd’hui.

J’entends les interrogations ou les critiques sur le choix de conduire ces réformes avec plusieurs textes législatifs. Je les comprends.

Les raisons sont simples.

Rarement des réformes aussi difficiles et complexes pour la TP, et aussi sensibles pour la réforme territoriale, ont été menées.

C’est par souci d’efficacité et de clarté de débat que ce choix a été fait par le Gouvernement.

Mesdames et Messieurs,

Lors de mon audition le 15 janvier 2009 devant le Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé Édouard Balladur, ancien Premier ministre, j’avais insisté sur la nécessité de substituer aux intercommunalités d’aubaines des intercommunalités de projets, d’investissement et de services.

Je crois que les mesures d’approfondissement proposées par la réforme vont dans ce sens.

Après le temps des rapports d’experts, après le temps de la concertation avec les associations d’élus, va venir prochainement le temps du Parlement.

Assurément ce temps démocratique sera l’un des plus importants pour nos collectivités locales depuis bien longtemps.

Vous pourrez compter sur les parlementaires pour écrire cette nouvelle page de la démocratie locale et de la décentralisation, avec pour seul souci l’avenir de nos collectivités que vous servez au cœur de la République.

Je vous remercie.