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19/10/2009 - Colloque : « 70 ans d’avancées scientifiques du CNRS »

Madame la Ministre,

Madame la Présidente du CNRS,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Chers amis,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici aujourd’hui pour célébrer le 70ème anniversaire du CNRS. Heureux et honoré pour deux raisons : la première est mon parcours professionnel personnel avant la vie politique et la seconde, essentielle, est ma conviction profonde que l’avenir de l’humanité dépendra de plus en plus de la dynamique exaltante du progrès de nos connaissances.

C’est dire l’importance que j’accorde à votre travail qui se tient au plus près de l’intelligence, dans toute sa pureté, et la décline au gré de ce goût insatiable pour la connaissance, fondement de l’humanité, du progrès et de la civilisation.

Nous fêtons aujourd’hui les 70 ans, jour pour jour, de la création du Centre National de la Recherche Scientifique. Qui aurait porté foi à ce projet lancé le 19 octobre 1939, au lendemain de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie ? Pourtant c’est au cœur des heures les plus sombres de l’histoire que le pari fou de Jean Perrin, prix Nobel, voit le jour : c'est l’aboutissement du projet d’organisation de la Recherche Française. Dans une période si troublée, le projet se concrétise immédiatement dans l'organisation des questions scientifiques militaires puis, sous l’occupation, dans la recherche de sources énergétiques de substitution en pleine pénurie. D’une façon étonnante, c’est donc dans une application de terrain qu'au cours de ces années noires le CNRS effectue ses premiers pas. Après la libération, le CNRS s'ouvre à la recherche fondamentale, et continue sa progression tandis que la recherche devient, à partir des années 60, sous l’impulsion visionnaire du général de Gaulle, une priorité nationale.

Si nous célébrons la longévité et la vitalité de cette institution, c’est à mon sens en vertu de deux principes qui la portent : la recherche et l'ouverture à la société civile. Le CNRS, et ses chercheurs, ont cette singularité de partager une conception très haute et je dirais presque très « pure » de la recherche fondamentale avec une approche ouverte, comme « dialoguante », de leur travail. Par delà l’excellence, c’est aussi cette ouverture d’esprit que je veux saluer aujourd’hui.

Depuis 70 ans et chaque jour davantage, les chercheurs du CNRS sont au cœur de la science moderne, et le moteur de la science du futur. Accueillant en son sein de plus en plus de départements, de la recherche fondamentale à l’industrie, le CNRS accroît sans cesse son aire de recherche. Du Big Bang au défi environnemental, des origines de la vie à la survie de l’homme, le CNRS est au cœur des enjeux vitaux qui sont à relever.

L’ouverture du CNRS, c’est d’abord la transmission du savoir et l’envie de progrès des connaissances. Elle repose sur une collaboration soutenue avec l’enseignement supérieur, autant que sur l’étroite concertation entre laboratoires et un foisonnement d’échanges interdisciplinaires et internationaux. Ce dialogue sans cesse plus rapide, incessant, insuffle un dynamisme précieux à la communauté que vous formez.

L’ouverture du CNRS c’est aussi la recherche appliquée, les brevets, la symbiose avec l’industrie, bref un dialogue avec les développeurs, avec la société en général, une société sans cesse plus informée et exigeante, en particulier de la science.

Comme les pépinières d'entreprises qu'il abrite dans chaque région du territoire national, le CNRS prépare ceux qui relèveront les défis de la société du futur, le dynamisme des 70 années que nous fêtons aujourd'hui est bien le meilleur garant du succès de cette immense mission aussi vitale qu’exaltante pour la communauté nationale.

Pour cette mission, je voudrais me faire l'écho de toute l'admiration, de la reconnaissance et de la confiance de l’Assemblée nationale, pour le CNRS.

Cette confiance, c’est aussi la confiance dans la science. Cette confiance est essentielle car il n’y a pas d’autre chemin pour relever les défis de notre époque. Sans doute cette idée est-elle une évidence, pour vous, pour la plupart des Français et bien sûr pour moi.

Mais nous vivons une époque paradoxale. Alors même que le monde a plus progressé scientifiquement, techniquement, au cours des cinquante dernières années que durant le reste de notre histoire, nous assistons, dans un certains nombre de domaines, à une montée irraisonnée des craintes. Craintes les plus diverses dont résulte la tentation grave  de l’abstention, de l’immobilisme, de la passivité. « Ne pas », « ne plus » seraient les devises des tenants de ces nouvelles peurs, comme s’il ne s’agissait pas, au contraire, et depuis la nuit des temps, d’écarter la peur, de repousser la nuit, pour comprendre, construire, et avancer.

A cette abstention qui se dit sage et que je juge régressive, à cet immobilisme qui se dit responsable que j’estime dangereux, s’opposent la curiosité, l’intelligence, la raison, la volonté, la création, c’est-à-dire la générosité du savoir, inépuisable source de progrès, tout, en somme, Mesdames et Messieurs, ce que vous incarnez, et que symbolise le CNRS.

Ce qui est en cause, ce sont les caractéristiques mal comprises de la vérité scientifique. Je veux croire qu’il s’agit d’une erreur d’appréciation, plutôt que de soupçonner, ici ou là, quelques manipulations intellectuelles ou autres escroqueries morales. Le propre d’une vérité scientifique, en effet, est de compter une part de doute, même infinitésimale. Un chercheur n’affirmera jamais de certitude scientifique à 100%. C’est dans cette « politesse » de la science, dans sa part de modestie, de prudence, d’honnêteté, que s’engouffrent sans nuance ou sans vergogne ceux qui transforment un doute marginal en une menace inquiétante.

Il s’agit là d’un enjeu d’importance, qui nous concerne tous, car l’opinion publique est légitimement sensible à ces discours, sincères ou non.

A cet instant, et d’un mot, ici, je veux évoquer le principe de précaution.

A l’époque où il fut introduit dans notre droit, à son plus haut niveau, dans la Constitution, j’ai favorisé, en tant que responsable politique, en ces murs de l’Assemblée nationale, son adoption.

Si j’avais des doutes, et j’en avais, je me suis laissé convaincre. Or l’interprétation extensive de l’article 5 de la Charte de l’environnement faite par beaucoup, y compris par certaines juridictions, ne correspond pas toujours, tant s’en faut, à la volonté des Constituants de 2005.

C’est pourquoi j’ai demandé au nouveau Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée, d’évaluer, dès cette année, la mise en œuvre qui est faite du principe de précaution.

Ainsi, en favorisant l’avancée de la connaissance et du progrès, l’Assemblée nationale comme le CNRS servira l’intérêt général et notre République.

Je vous remercie.