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24/11/2009 - Allocution pour le lancement de la collection « Tribuns »

Mesdames, Messieurs,

Excellences,

Chers collègues,

Quelle ville de France n’a pas sa rue Jean Jaurès, son avenue Georges Clemenceau ? L’Assemblée nationale elle-même est bordée par la rue Aristide Briand. Ces grands noms de la République sont familiers à tous. Mais la vie de ces hommes, leurs combats politiques, leurs réalisations, se résument souvent, dans la mémoire collective, à quelques hauts faits qui sont entrés dans la légende. Nos concitoyens ont peu à peu perdu de vue ces députés exemplaires, ces figures de notre vie parlementaire, qui ont pourtant tellement à nous dire et tellement à nous apprendre.

C’est pourquoi j’ai voulu que l’Assemblée nationale s’engage dans un ambitieux travail de vulgarisation historique. Avec la Documentation française, dont le directeur, Monsieur Xavier Patier, est ici présent et que je remercie chaleureusement, nous avons lancé la collection « Tribuns » : une série de biographies simples, vivantes, agréables à lire, accessibles à tous. Des petits livres élégants mais peu chers, dans lesquels le lecteur trouvera l’essentiel, mais aussi le sel même de ces existences si pleines – et parfois si romanesques – qui furent celles des pères fondateurs de notre démocratie.

Sous la plume de Samuël Tomei, revit dans toute sa vigueur le « Tigre », Georges Clemenceau, l’opposant irréductible à l’Empire, maire de Montmartre à vingt-neuf ans, représentant du peuple à trente ans : le tombeur de ministères, l’ennemi du colonialisme, mais aussi le « Père la Victoire » qui, à soixante-seize ans, trouve encore l’énergie d’arpenter les tranchées pour redonner courage à ses troupes.

Paul Marcus nous fait partager son amour pour Jean Jaurès, le normalien, le professeur agrégé de philosophie qui s’engage en politique, le puissant orateur capable d’improviser pendant deux ou trois heures à la tribune, le dreyfusard, le pacifiste enfin, lâchement assassiné le 31 juillet 1914.

Quant à Christophe Bellon, il restitue Aristide Briand dans sa vérité et dans sa complexité : Briand, c’est d’abord le disciple de Jaurès, mais aussi un homme qui a su se modérer, évoluer, constituer autour de lui un vaste rassemblement de bonnes volontés pour faire progresser des idées promises à un bel avenir, comme ce projet d’Union fédérale européenne qu’il a lancé il y a tout juste quatre-vingts ans.

Je suis heureux d’observer au passage que, sur les trois auteurs que je viens de nommer, deux ont été distingués très tôt par l’Assemblée nationale : Samuël Tomei a été lauréat de notre prix de thèse et Christophe Bellon, ancien allocataire de recherche dans cette maison, est docteur en histoire depuis quelques jours. Encourager la recherche tout en soutenant la vulgarisation des connaissances, telle est la double politique de l’Assemblée nationale.

La collection va se compléter, d’autant qu’elle ne se limite pas aux tribuns de la Troisième République. Au printemps va paraître une biographie d’Edgar Faure. Au fil des mois va se constituer une belle galerie de portraits, de la Révolution au début de la Cinquième République. De Mirabeau à Jacques Chaban-Delmas, de Danton à Césaire, toutes familles politiques confondues, c’est véritablement le talent oratoire qui sera mis à l’honneur.

Ces livres permettront, je le souhaite, aux lycéens, aux étudiants, aux curieux, à tous ceux qui s’intéressent à nos institutions parlementaires, de faire connaissance avec les principaux acteurs de notre histoire républicaine.

Redécouvrir ces grandes figures du Parlement, vous le sentez bien, ce n’est pas faire œuvre de nostalgie, mais de pédagogie. Comment comprendre ce qu’est aujourd’hui la laïcité à la française, entre fermeté et respect complet de la liberté de conscience, si on ignore tout d’Aristide Briand, qui fut le rapporteur de la loi de 1905 ? Comment tracer la limite entre liberté individuelle et devoir de solidarité, si on ne connaît pas la grande controverse qui opposa dans l’hémicycle Jaurès à Clemenceau, le 19 juin 1906, durant une mémorable séance d’interpellation ?

Ces tribuns, nous aurons ce soir la chance de les entendre. Après s’être plongés dans leurs discours authentiques, Bruno Raffaelli, de la Comédie-française, Serge Le Lay et Maxence Mailfort vont leur prêter leur voix. Et c’est donc avec une certaine émotion que je suis heureux de donner la parole à nos illustres collègues, Messieurs Jaurès, Clemenceau et Briand.