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02/12/2009 – Cérémonie de remise du Prix Ilan Halimi

Monsieur le Président de la République [Jacques Chirac],

Madame le Ministre, chère Simone Veil,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur le Président du Fonds Juif Social Unifié [Pierre Besnaïou],

Monsieur le Recteur de la Mosquée de Paris [Dalil Boubakeur],

Mesdames et Messieurs les députés,

Madame [Ruth Halimi, mère d’Ilan]

Mesdames et Messieurs,

Il est une présence qui nous honore singulièrement, ce soir. C’est la vôtre, bien sûr, Monsieur le Président de la République. Permettez-moi, en mon nom personnel, en celui de l’Assemblée, de nous tous qui sommes réunis aujourd’hui, de vous dire notre émotion, notre joie, à vous accueillir ici, à l’Assemblée nationale.

Si votre présence ce soir est un honneur, elle aussi, elle est d’abord, un symbole.

Nul en effet ne peut oublier le combat qui fut toujours le vôtre contre l’intolérance, contre la haine, contre le racisme, contre l’alliance, féroce, de la bêtise et de la violence.

Adversaire résolu de la barbarie, vous n’avez cessé de la combattre, qu’elle appartienne au passé, en la nommant, en la reconnaissant, ou au présent, en la condamnant toujours, en oeuvrant sans cesse contre elle, sans faiblir ni faillir.

Il est autre grande figure de la République et de la Tolérance qui nous honore ce soir de sa présence. [Simone Veil] Il n’est sans doute, Madame, de ministre de la République, de personnalité politique, qui n’incarne mieux la générosité, le courage et la grandeur de la politique.

Et c’est bien de générosité et de politique qu’il s’agit ce soir.

Car ce qui nous rassemble, à l’occasion de ce prix qui porte le nom de ce jeune homme, Juif, victime du « gang des barbares », de ce jeune Français victime d’autres Français, ce sont ces valeurs de Tolérance et de Fraternité qui sont au cœur de notre idée de la République, de ses valeurs, de ses devoirs, de son histoire et surtout, et c’est là notre responsabilité, de son avenir.

Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs, les lieux ont un sens. Certains plus que d’autres.

Je suis très heureux que ce soit ici, à l’Assemblée nationale, que soit remis pour la première fois le Prix Ilan Halimi de la tolérance et de la fraternité.

Car l’Assemblée nationale, plus que tout autre lieu, plus que tout autre monument, incarne la République.

Elle l’incarne dans son Histoire.

L’Assemblée nationale de 2009 est fille de l’Assemblée Constituante. Les députés que nous sommes, chaque jour, entre réunions de commission et séances dans l’hémicycle, sont les héritiers de Clermont-Tonnerre et de l’Abbé Grégoire, de cette Assemblée de 1791 qui accorda la citoyenneté Française aux Juifs de France.

Sans doute notre République et notre Assemblée eurent des jours moins glorieux. Nous n’oublions rien. Mais cette loi d’émancipation des Juifs, adoptée quand la République se constituait, est fondatrice de ce qu’est, précisément, la République Française, de ce qu’elle doit être chaque jour davantage. Elle incarne cette générosité qui fait et doit faire la France, ce qu’en termes plus philosophiques on appelle l’universalisme des droits de l’Homme. Elle incarne cette fraternité, conclusion de notre devise et objet de votre prix, qui nous oblige à tenir parole, à mieux tenir parole.

L’Assemblée incarne aussi la République dans sa réalité politique et démocratique.

Elle est par définition le lieu des divergences, des différences et des oppositions.

Elle est par définition le lieu de la discussion, du débat.

Et c’est cela la démocratie, c’est quand le dialogue remplace la violence, quand le droit remplace la guerre, quand la civilisation remplace la barbarie.

L’Assemblée nationale incarne enfin la République dans son avenir. La République n’est pas un marbre immuable. Elle change, elle s’adapte, elle vit.

Le supplice horrible et mortel d’Ilan Halimi a bouleversé la France entière. Sachez, Madame, combien, très humblement, très sincèrement, nous partageons votre peine immense. Il y a ce qui ressort de la folie, de la crapulerie, de l’atrocité du fait divers, du Mal absolu. Mais il y a aussi, évidemment, dans cette tragédie quelque chose qui concerne la République. Les responsables publics que nous sommes, à titres divers, ne peuvent éluder la question de leur responsabilité. Qu’avons-nous fait, ou laissé faire, pour qu’un tel événement, aussi singulier soit-il, ait pu avoir lieu dans la France de 2006 ? Que faisons-nous en 2009 pour qu’il ne se reproduise pas ?

C’est une question que nous devons nous poser chaque jour. De même que chaque jour nous devons repousser l’oubli qui guette toujours, plus ou moins.

En faisant vivre la mémoire d’Ilan Halimi, en distinguant chaque année une initiative qui fait « apparaître une possibilité concrète de coexistence fraternelle entre citoyens français d’origine, de religion ou d’opinion politique différentes » vous y contribuez.

La République est une réalité qui court depuis deux siècles derrière un idéal. A nous, comme à chaque génération de Français, de poursuivre la course, de nous rapprocher du but. La barbarie n’a aucune place dans cette France généreuse et tolérante que nous aimons.

Monsieur le Recteur de la Grande Mosquée, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Messieurs les hauts représentants de la communauté musulmane, votre présence ce soir, à cette cérémonie constitue, et je m’en réjouis, de favorables auspices.

Comme vous, je suis convaincu que la République ne se divise pas en communautés qui s’opposent, mais que la République au contraire rassemble, dans une même citoyenneté, dans une communauté de valeurs et dans un destin partagé, des Français d’origines, d’opinions, de religions différentes, des Français qui participent par le dialogue à la définition contemporaine de la République, c’est-à-dire de la France.

Je vous remercie.