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08/06/2010 - Allocution d’ouverture de la « Lecture croisée franco-russe »

Monsieur le Vice-président de la Douma,

Monsieur le Président du groupe d’amitié France-Russie,

Monsieur l’Ambassadeur,

Madame l’Administratrice générale de la Comédie-française,

Mesdames et Messieurs les députés,

Chers amis,

Avec 350 événements programmés, l’année France-Russie 2010 se révèle particulièrement riche et l’Assemblée nationale a voulu donner à ce rendez-vous un éclat particulier. Samedi dernier, six enfants russes ont pris part au Parlement des enfants. Hier soir, la projection du film Est-Ouest de Régis WARGNIER nous a rappelé l’intérêt d’une pleine coopération au plan culturel. Enfin, la réunion de la Grande Commission parlementaire France-Russie nous donne l’occasion cette semaine d’examiner, dans tous les domaines, y compris politiques, économiques et scientifiques, les perspectives qui s’ouvrent à nos deux pays.

Notre entente est ancienne, puisque dès le XIe siècle, le roi de France Henri Ier épousait une princesse russe, Anna IAROSLAVNA, et que de leur fils, couronné en 1059 sous le nom de Philippe Ier, est issue toute la lignée des souverains suivants.

Six siècles plus tard, cette lointaine alliance n’est pas rompue quand Pierre POTEMKINE se rend en ambassade auprès de Louis XIV pour négocier – déjà ! – un traité de commerce. En 1717 enfin, pour la première fois, un tsar se rendait à Paris, un homme d’État pour lequel l’ouverture au monde allait de pair avec la modernisation de son pays : en France aussi, ce voyage de Pierre Ier fut un événement qui marqua le début d’une véritable fascination pour la Russie. Voltaire écrira la vie de Pierre Ier, Diderot se rendra en Russie pour s’entretenir avec Catherine II, l’attrait sera si fort que les historiens parleront du « mirage russe » des écrivains français. Notre langue, à la même époque, se répand à Saint-Pétersbourg et dans les milieux lettrés, des Français de toutes conditions partent s’établir dans les villes russes, tandis que l’écrivain KARAMZINE proclame, dans ses Lettres d’un voyageur russe : « Je t’ai quitté, cher Paris, je t’ai quitté à regret et plein de gratitude. […] Je veux vivre et mourir dans ma chère patrie ; mais après la Russie je ne connais pas de pays plus agréable que la France, où un étranger s’oublie, et parfois se croit parmi les siens. »

Ainsi, aux échanges formels des diplomates s’est ajouté un double mouvement d’influence culturelle, si puissant que les guerres napoléoniennes elles-mêmes ne l’ont pas interrompu.

Les cavaliers français aux portes de Moscou incendiée, les cosaques du tsar sur les Champs-Elysées, sont des souvenirs dont chacun des deux peuples n’a voulu retenir que la dimension héroïque et universelle – celle-là même que discerna le grand Tolstoï, disparu il y a tout juste un siècle, et dont le magistère moral s’est exercé sur les intellectuels et hommes politiques français tout autant que sur ses propres compatriotes.

Non, il n’est pas anodin que Tourgueniev ait été l’ami de Flaubert, ni que Tchékhov, au cours d’un voyage à Paris, ait poussé la francophilie jusqu’à venir au Palais-Bourbon pour assister à une séance, dans les galeries du public. Je ne sais si les débats des députés français inspirèrent le grand dramaturge russe, mais je suis certain qu’ils avaient en commun le même amour des mots, de la culture et de l’échange fraternel.

Cette relation singulière entre nos deux cultures s’est traduite, tout au long du XXe siècle, par la venue de nombreux russes en France, où certains reposent encore, dans les cimetières de Nice, de Saint-Hilaire-le-Grand ou de Sainte-Geneviève-des-Bois : ils témoignent d’une présence ancienne et multiforme, celle des aristocrates qui inventèrent la Côte d’Azur, celle des deux brigades russes qui vinrent combattre aux côtés des soldats français en 1916, ou encore celle des nombreux exilés qui s’établirent à Paris après la révolution bolchevik et dont certains, comme Ivan BOUNINE ou Gaïto GAZDANOV, nous ont laissé des pages si touchantes et si vraies sur la France et les Français.

Les archives de l’Assemblée nationale nous apprennent que, depuis 1789, trois députés français sont nés en Russie, six y ont fini leurs jours et treize furent ambassadeurs de France à Saint-Pétersbourg ou à Moscou. Et je ne peux oublier que deux de nos anciens collègues, Pierre POUYADE et André MOYNET, firent partie de la légendaire escadrille Normandie-Niémen, fer de lance de l’effort franco-russe contre le nazisme.

Vous le voyez, quand se réunit la Grande Commission parlementaire France-Russie, c’est une longue et belle amitié qui se perpétue, c’est une Histoire aux racines vives et profondes qui continue.

C’est donc avec plaisir que j’accueille ici une délégation de députés russes conduite par M. Oleg MOROZOV, premier vice-président de la Douma d’Etat.

L’amitié franco-russe, je l’ai dit, les écrivains, les penseurs, les hommes politiques ont été nombreux à la consolider : je vous propose maintenant de les entendre. La troupe de la Comédie-française va partir en tournée en Russie, mais elle nous fait ce soir l’honneur d’une lecture croisée franco-russe. Je cède donc la parole à Muriel MAYETTE, Laurent STOCKER et Grégory GADEBOIS qui, accompagnés au violon par Floriane BONANNI, vont nous faire revivre, à travers quelques textes, trois siècles d’histoire partagée.