Accueil > Présidence > Les discours du Président de l'Assemblée nationale

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

13/01/2011 – Journée d’étude de l’Association française de Droit Constitutionnel. « La révision constitutionnelle de 2008 : Bilan et perspectives »

Monsieur le Président de l’Association Française de Droit Constitutionnel,

Mesdames et Messieurs les Professeurs,

Chers collègues,

Madame et Messieurs les Secrétaires généraux des assemblées,

Mesdames, Messieurs,

En toute chose, tout est, avant tout, affaire d’hommes, de femmes et de circonstances.

La lecture, qui peut être faite aujourd’hui de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle de 2008, est fonction des hommes et des femmes qui, dans la majorité comme dans l’opposition impriment, pour cette législature, leur lecture, leur interprétation, leur action, leur concrétisation de la réforme.

Sous une autre législature, avec un autre chef de l’État, les choses pourraient se passer différemment, tel est le génie de nos institutions. L’histoire l’a démontré, avec des pratiques présidentielles différentes selon les hommes, voir avec le même président au cours de ses mandats successifs. La souplesse est une des particularités remarquables de nos institutions en dehors de leur solidité bien utile en cette période de crise, que ce point là.

Je veux vous dire que je suis heureux que ce soit ici à l’Assemblée nationale dans cette salle Lamartine que se tienne cette journée d’études consacrée au bilan et aux perspectives de la révision constitutionnelle de 2008. Celle salle Lamartine, je l’évoquerai tout à l’heure, est destinée à devenir une sorte de petit hémicycle. Il s’agit de donner plus de vivacité, aux échanges entre les députés et les membres du gouvernement au cours des séances de contrôle. Que vous vous y réunissiez, est réellement pour moi quelque chose d’extrêmement positif. De vos analyses, des perspectives que vous tracerez, pourront découler des améliorations que nous aurons à mettre en œuvre.

La réforme constitutionnelle de 2008, une révision profonde, est largement issue des travaux remarquables du comité pour la réforme des institutions, présidé par Édouard Balladur, auxquels plusieurs d’entre vous ont apporté leur concours, et toute la lucidité, la pertinence de leurs analyses et de leurs propositions ; je les en remercie et je les en félicite.

Vos travaux de ce matin, issus de colloques décentralisés organisés par l’Association française de droit constitutionnel, dédiés à la « nouvelle » fonction législative et à la « nouvelle » fonction de contrôle, ont été, je le sais déjà, fructueux. Je regrette sincèrement de n’avoir pu y participer.

Mobilisé dès le mois de juillet 2007 par la réforme de nos institutions, j’ai, en échangeant avec vous, toujours le sentiment de progresser, dans l’analyse de la situation, dans l’analyse des textes qui régissent nos institutions, et en particulier le Parlement, sa vie, son action, son rôle. Et l’instant que je vis est de ceux-là. Parce que la manière dont vous percevez nos réflexions, nos initiatives et nos actes, nous a éclairés, elle continue, sachez-le, à être précieuse pour nous et l’institution. Elle m’a éclairé, et elle va continuer de m’éclairer pour écrire d’une certaine façon la jurisprudence et infléchir ce qui doit encore être, parce que c’est nécessaire, modifié et amélioré.

Après une révision constitutionnelle d’une telle ampleur, déclinée par des textes organiques et une réforme profonde du Règlement de notre Assemblée, les décisions que je suis conduit à prendre dans l’exercice de la mission que m’ont confiée mes collègues, sont des décisions qui vont d’une certaine façon faire office de précédents et elles ont besoin de la contribution de vos réflexions et de vos messages.

Aussi, je voudrais partager avec vous mes propres réflexions sur la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles et sur les améliorations qui sont aujourd’hui encore nécessaires, j’en suis persuadé.

Légiférer mieux, en organisant plus efficacement le travail législatif, tel était l’un des principaux objectifs de la révision constitutionnelle de 2008.

La discussion dans l’hémicycle du texte adopté en commission, changement important apporté par cette révision, a renforcé considérablement, cela n’est pas discutable, le rôle des commissions permanentes dans l’élaboration de la loi, au point que ce mécanisme nouveau rend la procédure dite désormais « accélérée », dénommée jusque là « procédure d’urgence », fragile et à mon avis insuffisante lorsque les textes sont d’une portée importante. Je veux dire par là que la commission saisie au fond de la Deuxième assemblée, qui examine le texte, dispose d’un pouvoir nouveau considérable, que l’assemblée plénière de cette Deuxième assemblée ne pourra probablement pas revenir véritablement sur son travail. Il y a là un problème d’équilibre entre les deux chambres et même d’équilibre au sein de l’une des deux chambres.

Cette réforme a incontestablement augmenté le rôle du Parlement et elle a, par là-même, rééquilibré les pouvoirs au sein de nos institutions, suite aux déséquilibres engendrés par le du référendum de 1962, et évidemment le quinquennat et la synchronisation du calendrier électoral.

L’apport, désormais considérable, du travail des députés, plus assidus, en commission, est mieux pris en compte. 3 636 amendements ont été adoptés en commission, ils ont été directement intégrés aux projets de loi examinés, ce qui est évidemment un changement majeur, ceci au cours de la session 2009-2010.

Cette avancée en appelle, à mon sens, une autre : c’est celle de la publicité des travaux en commission.

En effet, désormais, des changements considérables sont apportés aux textes en commission, et il convient bien entendu que tout cela soit public et que les citoyens, comme les spécialistes que vous êtes, puissent suivre attentivement les raisons et les intervenants qui conduisent à ces modifications.

Je veux citer l’exemple de la suppression en commission, l’unanimité, de l’article 7 du Code électoral au cours de l’examen d’un texte. Quelques jours après, l’opinion a pris connaissance de cette suppression, vécue comme une facilité pour les parlementaires, et ses réactions ont amené les parlementaires à rétablir, avec la même unanimité, cet article 7. La publicité des débats en commission avait, en l’espèce, cruellement manqué.

Puisque c’est désormais en commission, en présence des ministres, que s’élabore une grande partie de la loi, il m’apparaît légitime que les citoyens aspirent à une plus grande transparence de ces travaux.

Certes, la publicité de ces délibérations est assurée par des comptes-rendus désormais exhaustifs, très rapidement publiés. Certes, depuis la réforme du Règlement en 2009, le bureau de chaque commission peut, comme il le souhaite, organiser la publicité des séances.

Mais, dans le cadre du Comité paritaire sur le suivi de l’application du Règlement, que j’ai installé le 17 novembre 2010 et que je préside, nous souhaitons franchir un pas supplémentaire.

Ainsi, la publicité audiovisuelle des travaux en commission deviendrait-elle la règle, et le huis clos l’exception, décidé le cas échéant par le bureau de la commission.

Je suis certain que l’Assemblée gagnerait à cette avancée et que nos concitoyens pourraient, ainsi, disposer d’une autre vision du travail parlementaire.

L’autre réforme majeure de la procédure législative est le temps législatif programmé.

Cette réforme, je l’ai moi-même proposée au cours de mon audition par le comité Balladur, certains ou certaines ici s’en souviennent. Son adoption était souhaitée, depuis des années, pour lutter contre l’obstruction qui évidemment affaiblissait l’Assemblée nationale et le Parlement.

En outre, les nouvelles dispositions constitutionnelles, aussi bien le partage de la maîtrise de l’ordre du jour entre le Gouvernement et les assemblées que la limitation de l’usage de l’article 49-3 de la Constitution, souvent employés, à mauvais escient mais faute d’autre moyen, pour contrer l’obstruction, rendaient indispensable la mise en œuvre du temps législatif programmé.

Sans cette réforme, tout Gouvernement aurait risqué de se trouver privé des moyens de faire discuter et adopter, dans des délais raisonnables, le programme législatif validé par les électeurs.

Dans les périodes telles que celle que nous traversons, des périodes de crise, où les défis nationaux sont majeurs, les gouvernements ont une impérieuse nécessité de pouvoir agir, forts de la légitimité populaire qui est la leur. Sur des textes d’une portée importante, il n’était plus acceptable que l’Assemblée nationale soit dessaisie de ses pouvoirs par l’obstruction, le blocage au profit de la rue. C’est en tout cas l’expérience qui a été la mienne, le constat que j’ai fait pour un certain nombre de textes importants débattus ces dernières années.

Désormais, avec le temps législatif programmé, le temps n’est plus un enjeu, c’est désormais le fond des textes qui prime.

Et sous cette législature, les parlementaires qui siègent, ont été comme moi formatés par la lutte, la guerre du temps. Je ne doute pas un instant que la prochaine législature oubliera cette époque. Et que probablement les textes seront discutés plus rapidement qu’ailleurs, comme cela se fait dans tous les parlements des pays démocratiques du monde.

Il en est ainsi fini des manœuvres d’obstruction, pratiquées sur tous les bancs, j’en fais la confession, depuis 30 ans, et qui dégradaient le travail parlementaire.

Alors qu’ils pouvaient auparavant dépasser la centaine sur certains textes, les incidents de procédure sont devenus des événements rares et fondés.

Le droit d’amendement n’est plus dénaturé par ces milliers d’amendements répétitifs, dont le seul but était d’enliser les débats. Cette dérive paralysait l’institution parlementaire, affaiblissait et remettait en cause le bon fonctionnement de nos institutions elles-mêmes.

Les textes les plus importants font, désormais, l’objet de quatre à cinq cents amendements en moyenne, c’est probablement encore nettement trop, mais, désormais, il y a de véritables débats dans l’hémicycle sur leur contenu. Nous sommes loin des 137 000 amendements déposés en 2006 sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie. 137 000 amendements : vous vous souvenez de la photo choc de mon prédécesseur, Jean-Louis Debré, avec une montagne de piles de papiers, blancs heureusement pour la pollution, posée sur le perchoir.

Les groupes parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, fixent désormais préalablement leur stratégie de discussion sur les textes.

Je suis convaincu que les majorités qui se succèderont à l’avenir à l’Assemblée ne remettront pas en cause cette réforme, que j’ai eue à conduire dans des circonstances parfois difficiles, quasiment même sur le plan physique. Tel était même probablement le prix à payer.

Je suis particulièrement attentif à ce que l’esprit de ce dispositif du temps législatif programmé, destiné à mieux organiser nos travaux, ne puisse être détourné ni par la majorité, ni par l’opposition.

En particulier, son application ne saurait être combinée avec la mise en œuvre systématique de dispositions telles que le vote bloqué, prévu à l’article 44-3 de la Constitution, et la réserve de vote pour pallier une mobilisation insuffisante de la majorité dans l’hémicycle.

J’ai donc décidé que, dans cette hypothèse, les travaux dans l’hémicycle seraient systématiquement suspendus par le président de séance, afin que les conditions normales d’un débat démocratique contradictoire soient réunies et qu’un vote intervienne sur chacun des articles et des amendements au projet de loi.

Il y a eu, cela était pour la majorité, mais il y a eu également, cela c’est pour l’opposition, deux tentatives de détournement de l’article 49-13 du Règlement, lequel article prévoit la possibilité d’explications de vote individuelles après le vote du dernier article d’un texte.

À chaque fois, notamment sur la réforme des retraites à travers l’inscription de 167 députés, en dernière minute, pour des explications de vote personnelles, à chaque fois il s’agissait de retarder un vote solennel fixé par la Conférence des Présidents.

Ces tentatives visaient, en réalité, à réintroduire l’obstruction dans les travaux de notre assemblée, cette obstruction qui s’était imposée, à mon sens, depuis trente ans à force d’accommodements et de petits renoncements.

Je ne laisserai donc pas l’obstruction, tant que je présiderai, que j’aurai l’immense honneur de le faire, cette grande institution, je ne laisserai pas l’obstruction, par le biais de manœuvres stériles, à nouveau paralyser et dévaloriser notre Parlement.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 9 novembre 2010 sur la loi portant réforme des retraites, a d’ailleurs considéré que, je cite : « En l’espèce, la décision du président de l’Assemblée nationale d’interrompre les explications de vote personnelles n’a pas porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ».

Pourtant, l’application du temps législatif programmé requiert encore certaines améliorations, c’est ma conviction.

Garant de la bonne organisation de nos travaux, je suis soucieux d’éviter que des articles ou des amendements substantiels ne soient, ici, suffisamment discutés, faute d’une maîtrise efficace de la répartition du temps de parole au sein des groupes.

Ce sujet sera prochainement débattu dans le cadre du Comité paritaire de suivi de la réforme du Règlement.

Certaines règles, en particulier de la Chambre des Communes, pourraient être sources d’inspiration. Des « motions de programme » issues d’un accord entre la majorité et l’opposition permettent à la chambre des Communes, notamment de diviser la discussion d’un texte et d’allouer à chacune de ses parties un temps précis de discussion, afin, vous l’avez compris, d’éviter que le temps manquant, telle ou telle disposition ne soit examinée de façon succincte, voire ne soit pas examinée.

En outre, un temps suffisamment long pour permettre de nombreuses explications de vote personnelles, ou dissuader de trop nombreuses, est désormais prévu entre la fin de l’examen du texte et le vote solennel. Ce qui s’est passé pour la réforme des retraites a été lié à une habile série de manœuvres de l’opposition destinée à coincer, j’emploie ce terme un peu trivial parce qu’il exprime bien la situation, à coincer le gouvernement, afin de pouvoir repousser, par manque de temps entre le vote du dernier article, le vote solennel ; c’est cela qui s’est passé. Pour pallier cette faiblesse, en tout cas cette fragilité, il suffit que l’examen et le vote du dernier article intervienne avant, par exemple, la fin de la semaine, le week-end, qui précède un vote solennel et la question ne se posera pas Je dois même vous faire la confession que je pense qu’il y aura relativement peu d’explications de vote personnelles dans de telles circonstances.

Au-delà de l’organisation efficace de nos travaux, la programmation préalable de la durée des débats constitue un argument pour convaincre des gouvernements de renoncer à un usage évidemment toujours trop fréquent, à une tentation toujours trop forte, de mettre en œuvre la procédure accélérée.

D’autant qu’avec le temps législatif programmé, la seconde lecture à l’Assemblée, comme la première, n’est plus synonyme, pour le Gouvernement, d’un risque d’enlisement de la procédure parlementaire.

La Conférence des Présidents a d’ailleurs pris l’habitude de retenir, pour l’examen des textes en seconde lecture, un temps législatif programmé équivalent à la moitié de celui fixé en première lecture. Reste à inscrire définitivement cette pratique parmi les conventions de la Conférence des Présidents.

C’est ainsi que j’ai pu convaincre le Gouvernement de renoncer à la procédure accélérée pour des textes aussi importants que ceux relatifs à la sécurité intérieure, à la maîtrise de l’immigration ou bien encore, ce qui fait actualité, à la réforme de la garde à vue.

Mesdames, Messieurs,

La mise en œuvre du temps législatif programmé permet de faire, enfin, respecter l’esprit et la lettre de la réforme portée, il y a quinze ans, par Philippe Seguin, de la session unique.

La fixation au préalable de la durée des débats permet, en effet, de programmer les séances nécessaires à l’examen d’un texte les mardi, mercredi et jeudi, sans être contraints, sauf exception, de déborder en séance de nuits ou sur la fin de la semaine.

***

Second objectif pour renforcer le Parlement, un Parlement moderne, c’est aussi un Parlement qui contrôle l’action du Gouvernement et qui évalue les politiques publiques.

La révision constitutionnelle de 2008 a conforté notre rôle en ce domaine.

Nos pouvoirs de contrôle ont connu une première avancée considérable. En application de l’article 13 de la Constitution, le contrôle parlementaire s’exerce désormais sur certaines nominations de l’exécutif.

Chacun a pu mesurer le soin apporté par les commissions permanentes concernées aux auditions des personnalités pressenties.

Par ailleurs, l’article 24 de la Constitution dispose désormais que le Parlement évalue les politiques publiques.

Nos commissions permanentes, délégations et missions, effectuent déjà un travail considérable : soixante-quinze rapports d’information et d’évaluation ont ainsi été publiés au cours de la dernière session.

Pour remplir cette mission constitutionnelle, nous avons créé : le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, que préside le président de l’Assemblée lui-même.

La qualité des premiers rapports du Comité est incontestable, qu’ils portent sur la mise en œuvre du principe de précaution, la politique en faveur des quartiers défavorisés ou les Autorités Administratives Indépendantes, au cœur de l’actualité.

En matière d’évaluation et de contrôle, ce ne sont ni les moyens, ni les rapports qui manquent.

Nous devons surtout mieux rendre compte publiquement des résultats de ces évaluations, notamment lors de la semaine mensuelle consacrée à l’évaluation et au contrôle.

Pour cela, en plus des travaux dans l’hémicycle, il convient d’inventer une nouvelle forme de séance publique d’évaluation et de contrôle, dans des espaces plus restreints, de véritables petits hémicycles dotés de moyens multimédia récents, performants.

Des séances plus interactives et contradictoires, au cours desquelles les députés pourront interpeller les ministres concernés jusqu’à ce qu’une suite appropriée soit donnée à leurs recommandations.

Ici même, dans cette salle Lamartine, pour cette raison, j’ai souhaité que les conclusions du premier rapport du Comité d’évaluation et de contrôle sur l’application du principe de précaution soient discutées, en présence des ministres concernés. Cette expérience a été un succès. Elle sera renouvelée prochainement et, probablement, si j’ose ce mot devant cette assemblée, et en ces lieux, et autour de la thématique qui nous rassemble, probablement « institutionnalisée ».

*

En matière d’évaluation et de contrôle, l’opposition a un rôle déterminant à jouer et doit, à cet effet, bénéficier des mêmes prérogatives que la majorité.

Le champ de l’évaluation et de contrôle me paraît être le plus propice à la mise en œuvre des « droits spécifiques » reconnus aux groupes d’opposition par le nouvel article 51-1 de la Constitution.

C’est la raison pour laquelle j’ai voulu qu’en plus de l’égalité du temps de parole et des postes de co-rapporteurs pour toutes les activités de contrôle, l’opposition puisse bénéficier de droits spécifiques en matière de création de commissions d’enquête.

La mise en œuvre de ce que l’on appelle communément « le droit de tirage » a connu des débuts difficiles.

J’ai été conduit à prononcer l’irrecevabilité de la proposition de résolution créant une, je cite : « commission d’enquête sur les études commandées et financées par la présidence de la République ».

Elle était, au plus profond de mes convictions, contraire aux règles et aux principes constitutionnels en ce qu’elle risquait de conduire à la mise en cause de la responsabilité politique du Président de la République devant l’Assemblée nationale. Or, le Chef de l’État n’est politiquement responsable que devant le peuple.

De la même façon, examinant une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête sur « les suicides au sein de France Télécom », tel en était le titre, la commission des Affaires sociales a amendé cette résolution, sans exclure bien entendu le champ de l’entreprise citée, pour éviter que ce titre ne stigmatise une entreprise, risquant, d’une part, de compromettre son avenir économique et, d’autre part, de le faire sans aucune responsabilité en raison même de l’immunité parlementaire, qui protège les auteurs de ces propositions de résolutions.

Mais, le champ d’application de ce « droit de tirage », maintenant précisé, est désormais effectif.

En témoigne la création de deux commissions d’enquête : sur la spéculation financière à l’initiative du groupe Socialiste Radical et Citoyen, et sur la situation de l’industrie ferroviaire à l’initiative du groupe de la Gauche Démocratique et Républicaine.

C’est la première fois, sous la Ve République, que l’opposition obtient la création de commissions d’enquête, sans que lui soit nécessaire l’accord de la majorité. C’est, indiscutablement une avancée majeure.

Il y a dans cette réforme, je le maintiens, de substantiels droits nouveaux qui ont été octroyés aux groupes et parlementaires de l’opposition. Je maintiens que ces droits sont supérieurs à ce qu’ils sont dans beaucoup de parlements. La polémique en la matière venant du fait que le nombre de séances réservées aux initiatives législatives parlementaires, en particulier celles de l’opposition, a triplé. Or, les textes déposés par l’opposition sont souvent rejetés, dans aucun parlement du monde, l’opposition ne fait la loi, mais c’est l’occasion pour elle d’ouvrir des débats qui sont du poil à gratter pour l’exécutif et pour sa majorité. Il y a donc là, c’est vrai, c’est en tout cas mon avis, une certaine forme d’ambiguïté qui, mise en avant, peut amener à dire « voyez, ces droits de l’opposition ne sont pas aussi importants en réalité ». Telle n’est pas vous l’avez compris ma conviction.

***

Mesdames, Messieurs,

Tels sont les enjeux que je voulais évoquer avec vous.

Au sein du Comité paritaire de suivi de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, nous travaillons constamment, quotidiennement, avec l’aide des services que je salue, à l’amélioration des conditions de la mise en œuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles déclinées dans notre nouveau Règlement.

Vos travaux nous sont particulièrement utiles, à mes collègues, à moi-même, à ceux qui nous aident dans notre mission, afin de poursuivre et de parfaire cette mission d’élus de la Nation.

Il est, par ailleurs, un autre point que je souhaitais évoquer aujourd’hui, sur lequel vos analyses nous seront particulièrement utiles.

L’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, par la révision de 2008, est incontestablement un droit nouveau pour les citoyens, une avancée importante pour les justiciables.

Les questions soulevées et l’importance des décisions d’abrogation prononcées ont des conséquences sur l’ordre du jour des assemblées. J’ai déjà eu l’occasion de le dire publiquement.

La multiplication des dispositions abrogées, à l’initiative de requêtes généralement individuelles, nécessitant une nouvelle intervention du législateur, vient mettre à mal un ordre du jour des assemblées consacré aux priorités, par définition, d’intérêt général portées par l’exécutif et le législatif.

J’ajoute que lorsque le Conseil constitutionnel abroge des dispositions importantes, en particulier dans le champ des libertés publiques, il est indispensable que le Parlement puisse travailler dans la sérénité, sans urgence, sur des sujets sensibles et évidemment bien souvent complexes.

C'est-à-dire qu’il est souhaitable que les délais d’application des décisions d’abrogation législative soient suffisamment longs.

Mesdames, Messieurs, il y a bien d’autres sujets que j’aurais voulu évoquer avec vous et même en débattre, quoiqu’il en soit, sachez que votre travail, vos réflexions et vos conclusions seront utiles aux parlementaires, à l’institution, c’est-à-dire à notre pays. Je vous remercie.