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09/11/2011 - Discours d’ouverture du colloque sur les Dix ans de la LOLF

Monsieur le Premier président,

Monsieur le Premier président honoraire,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Il y a 10 ans, le 1er août 2001, la Loi organique relative aux lois de finances a été promulguée pour entrer pleinement en application le 1er janvier 2006. C’est en effet la loi de finances pour 2006 qui a été la première à être intégralement préparée, adoptée et exécutée selon le nouveau cadre budgétaire.

Il y a 10 ans, à travers cet acte fondateur, une nouvelle Constitution financière a ainsi été créée. Elle a remplacé le précédent cadre, datant de 1959, pour moderniser la gestion de l’Etat.

Issue d’une proposition de loi de l’Assemblée nationale déposée en juin 2000, la LOLF a pu bénéficier d’un accord politique bâti avec un Sénat d’opposition et d’un soutien actif du Gouvernement. Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat, et Didier Migaud, alors rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, ont été les principaux acteurs de ce travail parlementaire ambitieux et tout à fait remarquable dans l’histoire de nos institutions.

Aujourd’hui, je suis donc heureux que cet anniversaire me donne l’occasion de vous accueillir ici, à l’Assemblée nationale, où est née cette loi organique relative aux lois de finances dont l’ambition première a, d’emblée, été de mieux définir les responsabilités et les objectifs des gestionnaires publics afin de renforcer le rôle du Parlement, lors du vote du budget et, dans ses missions de contrôle.

Je suis heureux également que l’Assemblée Nationale partage l’organisation de cet événement avec la Cour des comptes. Ainsi, grâce à la LOLF et à la révision constitutionnelle de juillet 2008, nos deux institutions travaillent ensemble de plus en plus souvent. La révision de 2008 a en effet placé la Cour des comptes, jusqu’alors indépendante des assemblées, au service des parlementaires pour contrôler l’action du gouvernement et évaluer les politiques publiques. Ceci va donc désormais bien au-delà du rôle que la Cour des comptes joue traditionnellement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et du financement de la sécurité sociale. Cette évolution majeure est, bien entendu, facilitée par le fait que, je ne vous l’apprends pas, son Premier président est un ancien parlementaire. Je veux saluer ici, encore une fois, le rôle responsable, constructif et souvent décisif qu’il a su jouer dans les différentes fonctions qu’il a occupées au cours de sa carrière politique.

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I – Je vous propose que nous commencions par réfléchir ensemble à ce que la LOLF nous a collectivement apporté. Je suis en particulier admiratif de la nature consensuelle des travaux qui ont entouré la préparation et la mise en œuvre de ce texte. Comme je vous l’ai dit, quand la réflexion s’est engagée, dans les années 1998 – 2000, les majorités de l’Assemblée nationale et du Sénat étaient opposées. Et pourtant, nous sommes parvenus à dialoguer et à aboutir au vote quasi unanime de cette nouvelle Constitution financière. Les parlementaires d’alors, de droite comme de gauche, étaient convaincus de la nécessité de moderniser en profondeur nos règles budgétaires et comptables afin de mieux utiliser l’argent public et d’améliorer la qualité du service rendu aux citoyens. C’est ce que montre très bien le rapport de la Cour des comptes publié sur ce sujet en début de semaine, comme d’ailleurs un autre rapport de la MILOLF de juillet 2011 qui est également à votre disposition à l’occasion de ce colloque.

Je veux aussi insister sur un autre point important. La loi organique a certes constitué un cadre nouveau permettant d’accueillir un processus de transformation de la gestion publique, sans être pour autant en elle-même ce processus de transformation qui est venu plus tard avec la RGPP. Mais elle a été aussi, et avant tout, porteuse d’un renforcement sensible de la démocratie parlementaire.

Le nouveau dispositif a en effet augmenté de manière notable les pouvoirs de contrôle des députés et des sénateurs.

Il en est d’abord ainsi au stade de l’élaboration du projet de loi de finances, par le biais du débat d’orientation budgétaire. Je pense également à l’obligation de vote des garanties de l’Etat dans les lois de finances. Nous l’avons encore mesuré lors de la discussion du dernier projet de loi de finances rectificative de novembre dernier, qui visait à accorder une garantie de l’Etat au refinancement et à certains engagements de Dexia.

Ce renouveau des pouvoirs du Parlement s’est aussi appuyé sur la multiplication des objectifs, des indicateurs de résultat et des informations annexées au projet de loi de finances, ceux-ci permettent au Parlement de voter dans les meilleures conditions sur les missions, les programmes et actions qui lui sont proposés.

La LOLF, enfin, a accru le pouvoir de contrôle et d’évaluation du Parlement, notamment à travers la pratique des rapports annuels de performance (RAP) associés au projet de loi de règlement. La MILOLF comme la Cour des comptes regrettent que cette loi de règlement ne soit pas encore ce grand rendez-vous qu’elle pourrait être en matière d’évaluation. Je me félicite néanmoins que, pour la première fois cette année, les parlementaires de la commission des finances aient adressé au Premier ministre 200 questions relatives à l’adoption de la loi de règlement, questions auxquelles le Premier ministre a apporté des réponses. Même si ceci n’a que peu de retentissement médiatique, ce que je regrette, ceci n’en inaugure pas moins un nouveau degré de contrôle et de dialogue entre le Parlement et le gouvernement dont notre démocratie parlementaire ressort grandie. Le contrôle du Parlement a également été renforcé grâce à la certification des comptes de l’Etat rendue obligatoire et aux synergies créées avec la Cour des comptes.

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II - Mesdames et Messieurs,

10 ans après son adoption, notre constitution financière a relevé ces principaux défis : la LOLF a fait de l’efficacité de la dépense publique un objectif numéro un. Elle a créé un langage commun entre le Parlement et le Gouvernement qui leur a permis de mieux se comprendre. Comme le montre le rapport de la Cour des comptes, les fonctionnaires interrogés estiment dans leur grande majorité que les objectifs de modernisation, de responsabilisation et d’une meilleure définition des objectifs ont été largement atteints.

Il s’agit là de défis difficiles, mais passionnants, qui ont ainsi été relevés.

Néanmoins, beaucoup reste à faire sur d’autres objectifs comme l’amélioration du service rendu à nos concitoyens ou encore dans le renforcement de l’agilité de nos services publics dans leur organisation et leur fonctionnement au quotidien.

Mais regardons déjà le chemin parcouru. Ce qui compte désormais, ce n’est plus le montant, mais l’efficacité et l’efficience de la dépense publique.

Ce qui compte désormais, c’est de savoir si chaque euro versé par le contribuable français est utilement dépensé ou non.

En ce sens, la RGPP, bien loin d’avoir oublié ou contrecarré les ambitions initiales de la LOLF, me semble au contraire avoir su s’appuyer sur ses outils pour en faire un véritable instrument de transformation de l’Etat. D’ici la fin 2013, ce seront ainsi près de 15 milliards d’euros qui auront été économisés dans notre pays grâce à l’action du Gouvernement de François Fillon et à la RGPP. Certes, le champ de la RGPP doit être étendu, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, notamment aux dépenses d’intervention. Cela représente une masse financière beaucoup plus importante que les 150 milliards d’euros sur lesquels s’est focalisée la RGPP à ce stade. Mais, grâce à cette première étape, c’est bien 10 % d’économies sur le champ actuel de la RGPP qui ont déjà été enregistrées. Cela est dû notamment à l’application rigoureuse de la règle rigide, mais efficace, du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite qui a permis d’économiser sur la durée du quinquennat 150 000 emplois et 3,5 milliards d’euros.

Aujourd’hui, je me réjouis de voir que ces deux réformes ont permis d’introduire davantage de transparence et de lisibilité dans la gestion publique. Elles ont aussi, et surtout, introduit dans la sphère publique une véritable culture du résultat.

Force est néanmoins de reconnaître que cette révolution doit être poursuivie car elle n’a pas suffi à endiguer la montée inexorable des dépenses publiques et de la dette publique. Celles-ci menacent aujourd’hui de nous submerger en raison de la crise des dettes souveraines dans la zone euro. Dans ce contexte, il est vital que nous respections notre engagement de réduction des déficits publics à 5,7 points de PIB en 2011, à 4,5 points de PIB en 2012, pour arriver enfin à 3% de PIB en 2013.

Par ailleurs, avec une dette de l’Etat avoisinant aujourd’hui les 1 700 milliards d’euros et un déficit annuel de l’ordre de 100 milliards d’euros, il nous faut chaque année mobiliser un programme d’emprunt de près de 200 milliards d’euros pour couvrir le besoin annuel de financement de l’Etat.

Ce sont donc, chaque jour, en moyenne 500 millions d’euros que la France doit émettre sur les marchés financiers pour couvrir l’écart entre nos recettes et nos dépenses.

Je garde, pour ma part, toujours en mémoire que le montant de notre endettement correspond au prix de la construction d’une autoroute de la terre à la lune, ou à 1 000 ans du budget du conseil général de la Haute-Savoie !

Bien sûr, la France n’est pas le seul pays à connaître cette situation. La crise de 2008 et le ralentissement de l’économie mondiale ont un impact sur tous les pays. Dernièrement, les hypothèses de croissance mondiale ont toutes été revues à la baisse par le FMI. Tous les Etats subissent plus ou moins intensément les conséquences de la crise économique et du durcissement des conditions de financement qui en résultent pour les Etats, comme pour tous les secteurs de l’économie.

N’oublions jamais, toutefois, qu’un Etat endetté, c’est un Etat dépendant de la confiance de ses créanciers. Un Etat endetté, c’est un Etat affaibli, un Etat vulnérable dont la souveraineté devient très largement virtuelle.

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III - Mesdames, Messieurs,

Ce dont nous avons aujourd’hui besoin, ce n’est donc pas seulement d’une gestion plus rigoureuse, mais aussi de plus de vision stratégique et d’un meilleur pilotage par la performance comme le soulignent à la fois le rapport de la Cour des comptes et le rapport de la MILOLF. Couplée à la RGPP, la loi organique relative aux lois de finances est, pour ce faire, un outil moderne et approprié qui doit être davantage utilisé pour mieux faire converger les exercices de préparation du budget d’une part, et d’évaluation de la performance des différentes politiques publiques d’autre part. La préparation du budget ne devrait plus être aussi déconnectée des analyses de performance qu’elle l’est encore très largement aujourd’hui.

Nous devons donc, à mon sens, agir politiquement de manière encore plus volontaire en gardant à l’esprit deux exigences.

La première, c’est la nécessité de tenir un discours de vérité et de transparence. Nous ne devons pas vivre dans le déni de la réalité : l’époque des financements bon marchés et abondants est désormais révolue, et pour longtemps. Nous ne pouvons donc plus vivre à crédit et au-dessus de nos moyens. Cette volonté doit se traduire par un comportement responsable, notamment dans le cadre des arbitrages entre dépenses publiques à opérer dans le cadre de la procédure budgétaire. Nous n’avons pas d’autre alternative que de diminuer notre dépense publique.

Merci, donc, à la LOLF de nous avoir offert un cadre approprié pour faciliter ces décisions et ces arbitrages. Merci, aussi, à la RGPP d’avoir porté un premier train de mesures au service d’une réforme de l’Etat courageuse et responsable. Mais le plus dur reste à faire car nous devons maintenant collectivement demander aux responsables politiques de tous bords des plans de réformes encore plus ambitieux dont la performance devra être appréciée à la lumière des outils offerts par la LOLF.

Car nous devons constamment garder en tête une seconde exigence. Cette exigence, c’est de montrer et de démontrer constamment la fiabilité de la France, la crédibilité de la dette française, ainsi que la solidité de sa politique économique.

Les prêteurs comme les investisseurs doivent continuer à avoir confiance dans la signature de notre pays. C’est un préalable indispensable qui conditionne notre capacité à conserver des taux d’intérêt parmi les plus bas au monde. Sinon, c’est le pouvoir d’achat de chacun d’entre nous, ainsi que la pérennité de notre modèle social qui seront menacés.

C’est pourquoi, je le dis et je le répète, je souhaite l’inscription d’une règle d’or dans la Constitution, comme c’est d’ailleurs obligatoire d’ici la fin 2012 dans tous les pays de la zone euro depuis le Sommet de Bruxelles du 26 octobre dernier.

Cette règle a d’ailleurs été votée à l’Assemblée nationale comme au Sénat avant l’été. C’est exactement le signal qu’il convient, à mon sens, d’envoyer aux investisseurs dans la période que nous traversons depuis quelques mois. Car n’oublions pas que nous sommes en concurrence avec les Etats-Unis, avec les autres pays industrialisés et avec les pays émergents pour attirer les investisseurs du monde entier pour l’achat de nos obligations. Une fois validée par le Congrès, une telle règle d’or viendrait utilement compléter la LOLF et la RGPP pour constituer une nouvelle ligne de défense face à la spéculation et maintenir la confiance dans notre capacité à tenir nos engagements pluriannuels budgétaires.

Mais cette ligne de défense ne saurait suffire à elle seule. Elle doit, à l’évidence, reposer également sur une gouvernance économique européenne solide.

C’est pourquoi j’ai souhaité, avec Norbert Lammert, le président du Bundestag, réunir à Berlin, le 31 octobre dernier, un groupe de travail réunissant des parlementaires français et allemands afin de travailler ensemble sur le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Avec, côté français, des parlementaires comme Gilles Carrez, Pierre Lequiller, Olivier Carré, Yves Bur, Christophe Caresche, Charles de Courson ou encore Jean-Pierre Brard, nous avons commencé à réfléchir avec nos partenaires allemands à une meilleure prévention des dérives budgétaires et financières, ainsi qu’à des sanctions plus crédibles en cas de dérapage. Il nous apparaît également nécessaire de travailler à une plus grande convergence en matière fiscale et de coût du travail au sein de la zone euro. Je me félicite que Jacques de Larosière, ancien Directeur général du Fonds monétaire international et Pierre de Boissieu, ancien Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne, aient accepté d’assister la délégation française dans ce travail parlementaire conjoint très important.

Le renforcement récent des moyens et des missions du Fonds européen de stabilité financière sera au cœur de cette gouvernance renforcée, qui conduira, j’en suis sûr, à un plus grand fédéralisme économique. C’est tout le sens de la création de l’euro qu’il nous faut retrouver aujourd’hui. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la LOLF a vu le jour en même temps que la mise en place de la monnaie unique. L’exemple de la Grèce doit constituer pour chaque pays de la zone euro un avertissement. Nous ne pouvons laisser une telle situation se recréer de nouveau. La mission conjointe du FMI et de la Commission européenne décidée pour l’Italie à l’occasion du G20 de Cannes est également à regarder de près. Elle conditionnera en effet la mise en place d’une éventuelle ligne de crédit préventive (LCP) par le FMI qui constituerait une nouvelle ligne de défense, venant s’ajouter au FESF, face à la spéculation et à la contagion.

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Mesdames, Messieurs,

À l’heure où nous célébrons le 10ème anniversaire de la loi organique relative aux lois de finances, je voudrais, pour conclure, vous faire partager une forte conviction :

Je crois en la capacité de la France à mener une politique responsable pour continuer à redresser ses finances publiques ;

J’ai confiance en la volonté politique de notre Gouvernement d’investir toujours davantage dans l’avenir, dans l’innovation et dans la recherche pour nous permettre d’être plus compétitifs ;

Je suis convaincu également que cela peut se faire en présentant de nouvelles ambitions industrielles et stratégiques au niveau européen pour relancer les investissements et la croissance. Car dans l’histoire, c’est toujours en surmontant les crises que l’Europe a progressé. C’est donc en s’appuyant sur un nouvel élan européen que nous pourrons offrir aux jeunes générations, trop souvent sceptiques, de nouvelles perspectives.

En s’appuyant sur le langage de la LOLF et sur l’outil de transformation qu’est la RGPP, je suis convaincu que le Gouvernement et la Cour des comptes, que vous présidez avec brio, Monsieur le Premier président Didier Migaud, auront un rôle éminent à jouer dans les années à venir, dans ce pilotage stratégique national et européen, crucial pour l’avenir de notre pays et de nos enfants.

Je vous remercie.