Madame la Présidente de l’Association de la presse parlementaire, Chère Sophie HUET,
Mesdames, Messieurs,
Ce sont des vœux personnels que je tiens d’abord à adresser à chacun et chacune d’entre vous, des vœux de santé, mais aussi de bonheur, pour vous et ceux qui vous sont chers. En ces temps de mutation profonde du monde de l’information, ce sont aussi des vœux pour vos rédactions et vos équipes. Mes pensées vont à vos confrères qui, dans l’exercice de leur métier, ont été pris en otage, blessés, ou, hélas, ont trouvé la mort en 2011.
En ces temps difficiles, ce sont aussi des vœux pour la France et nos compatriotes que je forme. Face aux craintes et aux impatiences bien légitimes, je veux leur dire que, malgré les coups assenés par cette crise brutale qui n’en finit pas de secouer l’Europe et le monde, la France a des atouts, des atouts que nous devons mettre en valeur et dont nous devons être fiers.
2011 que j’avais souhaitée, ici même, « réaliste et active » fut exigeante. Malgré les heures difficiles, rien ne nous a empêché d’agir. L’exécutif et le Parlement ont accompli un travail considérable.
Pour le serviteur passionné de la France - qui présida l’Assemblée nationale de 1993 à 1997, et qui nous a quittés il y a déjà deux ans, Philippe SEGUIN, la France était « affaire de volonté ». La volonté est là, intacte, constante et en mouvement. Depuis cinq ans, elle se traduit par de profondes et courageuses réformes, des réformes adoptées avec un seul objectif : préserver la France et protéger les Français.
Ces cinq années auront été des années d’importants changements structurels et institutionnels. Et pour l’Assemblée nationale, cette XIIIe législature aura été une législature de modernisation. A quelques mois de son terme, il me paraît utile de mettre en perspective ce travail et les progrès accomplis.
Moderniser l’Assemblée nationale fut, dès ma prise de fonction, ma volonté. C’est, depuis, un engagement quotidien.
En cinq ans, l’assemblée est devenue une assemblée interactive, plus proche de nos concitoyens. La rénovation de notre site Internet permet désormais de retransmettre, comme de télécharger, séances publiques, auditions et travaux des commissions permanentes. J’ajoute que, depuis quelques semaines, les rapporteurs de projets et de propositions de lois peuvent recueillir l’avis de nos compatriotes, via la toile. C’est le cas également pour les missions d’information et les commissions d’enquête, ainsi actuellement par exemple sur le RER A qui fait l’objet d’une mission. Ce sont autant d’avancées pour la démocratie représentative, qui s’appuie sur une dynamique participative.
Désormais, Mesdames et Messieurs, votre monde ne se limite plus aux Quatre Colonnes, puisque j’ai ouvert, le plus largement possible, les débats des missions d’information et des commissions à la presse. La publicité est devenue la règle et le secret, l’exception. Ces débats ouverts sont de plus en plus nombreux : près de 400 rien qu’en 2011.
Mesdames et Messieurs,
Parce que l’une de mes plus fortes convictions est qu’il faut, sans cesse, s’adapter à un monde qui change de plus en plus vite, j’ai conduit, simultanément, modernisation et réduction du budget de l’Assemblée. Dans le contexte financier général actuel, aucune collectivité, aucune institution publique ne peut méconnaître cette exigence. C’est ainsi que j’ai décidé du gel du budget de l’Assemblée sur cinq ans, ainsi que d’une baisse de 3 % cette année. Ceci représentera une économie de 180 millions d’euros.
Des avancées inédites dans notre histoire parlementaire ont jalonné cette législature exigeante, parfois tumultueuse. La révision constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy, d’une ampleur inégalée depuis le début de la Ve République, a donné l’élan. Dans son sillage, avec la réforme du Règlement de l’Assemblée, c’est une nouvelle page de l’institution qui s’est ouverte.
Outre la profonde réforme de la procédure législative qui a mis un terme à l’obstruction, je veux en souligner deux points importants, répondant à deux exigences démocratiques : l’évaluation et le contrôle d’une part, les droits de l’opposition d’autre part.
L’Assemblée dispose désormais d’un réel pouvoir de contrôle. Et c’est bien une nouvelle culture parlementaire qui émerge, tel que le Constituant l’a voulu en 2008.
Je veux ici souligner la valeur ajoutée considérable des travaux du Comité d’Evaluation et de Contrôle en attirant votre attention sur deux sujets inscrits à l’agenda de la prochaine semaine de contrôle du 31 janvier. D’abord, une résolution sur la mise en œuvre du principe de précaution. Ensuite, un débat organisé, en présence du Gouvernement, sur le rapport du CEC consacré aux performances comparées des politiques sociales en Europe.
Au sein du Comité d’Evaluation et de Contrôle, l’opposition joue un rôle inédit avec le droit d’obtenir des missions d’information conduites par deux co-rapporteurs, dont l’un est issu de l’opposition, sur tout sujet de son choix, y compris bien sûr les priorités gouvernementales dont elle contesterait la pertinence.
Ainsi, depuis mars 2009, ce ne sont pas moins de dix-sept débats d’évaluation et de contrôle qui ont été organisés à l’initiative de l’opposition, qui dispose, en ce domaine, des mêmes prérogatives que celles de la majorité.
Dans un Parlement moderne, c’est dans le travail de contrôle que l’opposition doit exercer un réel pouvoir : c’est désormais le cas.
***
Je veux ainsi revenir sur les droits de l’opposition. C’est l’un des grands acquis du quinquennat et de la législature. C’est sous l’impulsion de Nicolas SARKOZY que le principe de « droits spécifiques » de l’opposition a été inscrit dans la Constitution. Depuis trente ans, aucun Président de la République n’aura été aussi loin en ce sens. Ces droits, déclinés dans notre Règlement, sont un incontestable progrès démocratique.
Pour la première fois de l’histoire parlementaire, l’opposition dispose d’un accès complet aux comptes de l’État, avec l’attribution de la présidence de la commission des Finances à un élu d’opposition : Didier MIGAUD, dès juillet 2007, avant de devenir Premier président de la Cour des comptes, puis Jérôme CAHUZAC, depuis janvier 2010.
Pour la première fois sous la Ve République, l’opposition peut obtenir de droit la création de commissions d’enquête, sans l’accord de la majorité. Trois exemples :
• la commission d’enquête présidée par Henri EMMANUELLI, sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies,
• la commission d’enquête présidée par Alain BOCQUET, sur la situation de l’industrie ferroviaire en France,
• et la commission d’enquête présidée par Claude BARTOLONE sur les emprunts toxiques des collectivités locales.
L’opposition bénéficie de l’égalité du temps de parole avec la majorité, pour tous les débats consacrés à l’évaluation et au contrôle, notamment pour les Questions au Gouvernement, égalité qui avait été supprimée en 1981.
Et avec trois fois plus de séances d’initiative parlementaire, les groupes d’oppositions ont pu, au cours de cette législature, discuter quatre fois plus de propositions de loi et de résolutions que sous la précédente.
Ces droits substantiels donnent à l’opposition parlementaire la possibilité d’affiner sa critique et de proposer des alternatives. Ces progrès démocratiques sont majeurs. Cet ensemble inédit de « droits spécifiques » de l’opposition lui confère un véritable statut.
Ces changements prennent peu à peu tout leur sens et leur force. La crise a d’ailleurs démontré la solidité de nos institutions. C’est un atout majeur en période de turbulences. Grâce à ces institutions, sous l’impulsion de son Président, la France a, dès le début de la crise, joué au plan mondial, au G20 comme lors des derniers Sommets européens, un rôle décisif.
Nos institutions garantissent à l’exécutif la capacité de réagir et d’agir vite, d’autant qu’avec le scrutin majoritaire à deux tours, l’exécutif peut s’appuyer sur une majorité cohérente et homogène.
Souvenons-nous des Présidents du Conseil de la IVe République qui devaient provisoirement quitter la table des négociations internationales pour s’assurer que leurs majorités composites et précaires existaient toujours…
Et méditons sur la situation à laquelle l’Union européenne a été confrontée, en octobre dernier, quand la mise en œuvre de décisions du Conseil européen fut bloquée au Parlement slovaque par le refus d’un parti charnière, élu à la proportionnelle.
Pour ces raisons, je reste convaincu qu’introduire et instiller de la proportionnelle pour les élections législatives, comme le prévoit l’accord conclu entre le Parti Socialiste et Europe-Écologie Les Verts, serait un fort mauvais coup porté à la stabilité et à l’efficacité de nos institutions.
Cela reviendrait à favoriser l’émiettement des majorités gouvernementales, à livrer des assemblées instables au bon vouloir de groupes charnières et à la surenchère des extrêmes. Regardons l’Histoire, regardons autour de nous : ce sont toujours les premiers bénéficiaires de la proportionnelle.
« L’action, disait le général de Gaulle, ce sont les hommes au milieu des circonstances ». En temps de crise, plus encore qu’en période de calme, l’action rapide et efficace est nécessaire. Les difficultés du moment ne doivent occulter ni les réformes engagées, ni les avancées accomplies. Au nom de l’intérêt général, des décisions cruciales ont été prises, des lois majeures ont été adoptées, parfois momentanément impopulaires, mais qui à terme porteront leurs fruits.
Au cœur de la crise, ces réformes ont été engagées pour moderniser le secteur public et l’État, parce que le monde a changé, parce que dans un monde ouvert où la compétition est de plus en plus âpre, il n’y a pas d’autre choix pour sauvegarder nos entreprises et nos emplois, notre niveau de vie comme notre pacte social.
Il faut saluer l’engagement de tous les députés et le travail considérable qu’ils ont accompli. Depuis le début de la législature, nous avons ainsi siégé près de 5 000 heures et adopté plus de 250 projets ou propositions de lois. Ces textes touchent à tous les domaines essentiels que sont la formation et la Recherche, la modernisation de notre économie, la défense de l’environnement, le pouvoir d’achat, la sauvegarde de la protection sociale…
Et la session ordinaire n’est pas à son terme. A l’ordre du jour sont encore inscrits plusieurs textes. Et comme vous le savez, pour répondre aux exigences les plus pressantes, le Parlement sera encore saisi, après le Sommet social du 18 janvier, de textes concernant les priorités que sont l’emploi et la protection sociale, et donc la compétitivité.
Face à une crise aussi violente, les réponses sont à la fois nationales et européennes et l’esprit de responsabilité doit prévaloir.
À l’échelle de la zone euro, d’abord. Car la crise de confiance frappe l’ensemble des États de la zone euro. C’est grâce à l’engagement personnel du Président de la République, et de la Chancelière allemande, que les décisions du Sommet des 9 et 10 décembre dernier ont apporté des réponses adaptées. Des réponses qui seront affinées dans un nouveau Traité de l’Union européenne, d’ici les Sommets européens du 30 janvier et de début mars. Ce sont là des moments historiques. Le renforcement de l’intégration européenne et de la gouvernance économique de la zone euro se construisent, en ce moment même, sous nos yeux.
Dans ce monde multipolaire, c’est bien à l’échelle de l’Europe que nous devons désormais raisonner et agir pour préserver notre modèle. C’est pourquoi j’ai mis en place avec le Président du Bundestag, Norbert LAMMERT, un groupe de travail franco-allemand. La réflexion engagée en septembre dernier sera poursuivie le 20 janvier à Berlin, puis le 13 février à Paris. Ces deux séances de travail se concentreront sur nos priorités : la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Pour autant, que nul ne se méprenne : la convergence européenne vient renforcer notre action nationale, elle ne s’y substitue pas. L’inscription d’une règle d’or dans la Constitution, est incontournable. La France doit impérativement assainir ses finances. Face à la gravité de la situation, rien ne peut dispenser de poursuivre, au rythme prévu, l’effort de réduction des déficits : 5,7 % du PIB en 2011, 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013.
Mesdames, Messieurs,
2012 sera une année de vérité. Notre pays est à l’heure des choix. Il peut soit poursuivre une politique courageuse de modernisation et de restauration de notre compétitivité, soit exhumer un programme archaïque et utopique ; ce qui mettrait en danger notre modèle social, notre niveau de vie, comme la place de la France dans le monde.
La gravité de la situation nous oblige. Elle nous oblige au courage de l’action et de la vérité. Elle nous oblige à rester mobilisés et vigilants, car l’immobilisme, même pré-électoral, serait dangereux. A cet égard, à l’heure où le quotient familial est remis en cause par l’opposition, il faut savoir - comme l’on dit - ménager ce qui marche, ce qui est reconnu par tous comme des atouts de notre pays, à commencer par notre politique familiale, notre pacte social, et notre industrie nucléaire. La gravité de la situation exige un cap et ne saurait s’accommoder ni de flou, ni de valses hésitations sur des sujets essentiels.
Ne nous y trompons pas : si nous ratons ce rendez-vous de la responsabilité et du courage, les conséquences économiques et sociales pourraient être comparables à celles provoquées par une guerre.
Ce dont la France a besoin, ce sont des choix d’avenir et non des choix partisans. Ce dont la France a besoin, c’est d’une stratégie de croissance ambitieuse, d’une stratégie de justice et d’emploi. Ce dont notre pays a besoin, c’est d’unité nationale autour de l’essentiel, et non de postures idéologiques.
En 2012, nos compatriotes seront confrontés à un choix simple : dans les tumultes actuels, qui peut conduire la France et protéger les Français? Qui peut défendre une vision ambitieuse pour la France ? Qui est le plus à même, face à la crise, de créer l’unité nationale et de rassembler dans un esprit de responsabilité ?
Mesdames, Messieurs, en vous renouvelant mes vœux, je suis prêt maintenant à répondre, si vous le souhaitez, à vos questions.