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28/03/2012 - Allocution de M. Bernard Accoyer pour les obsèques de M. Jean-Yves Besselat

Madame,

Monsieur le ministre de l’Agriculture et de la Pêche,

Monsieur le ministre des Relations avec le Parlement,

Monsieur le Préfet de Région,

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames, Messieurs,

Vendredi dernier, était signée la convention sur les nouveaux locaux de l’École nationale de la Marine marchande, aboutissement d’un long travail de conception et de négociation. Mais le premier instigateur de ce beau projet, Jean-Yves Besselat, n’était plus là pour s’en réjouir.

Depuis dix-sept ans, à l’Assemblée nationale, il bataillait pour améliorer la formation professionnelle dans le transport maritime. Ce secteur, à ses yeux, était d’autant plus crucial qu’il s’insérait dans une véritable économie de la mer, ce qu’il appelait « la filière maritime », incluant le développement de la logistique portuaire, la défense du pavillon français, la construction navale et les milliers d’emplois afférents.

Dans un pays aussi terrien que la France, où les élites elles-mêmes n’ont pas toujours une claire conscience des enjeux que représente notre façade océanique, il était utile que siège au Palais-Bourbon un député comme Jean-Yves Besselat, qui mettait au service des dossiers maritimes toute sa compétence, mais aussi sa courtoisie, sa chaleur communicative et cette ouverture d’esprit que chacun lui reconnaissait.

Son goût de la mer, il le devait sans doute à ses origines bretonnes, puisqu’il était né à Quimper, dans ce département au nom si emblématique : le Finistère, c’est-à-dire « la fin des terres ». Mais c’est au Havre, point de ralliement de tous les marins du monde, qu’il avait choisi de jeter l’ancre. Titulaire d’une maîtrise d’économie, il avait commencé dans le privé. Ce cadre commercial brillant, actif, et par ailleurs gaulliste convaincu, Antoine Rufenacht n’a pas tardé à le repérer, à lui confier des responsabilités, dans sa stratégie politique de reconquête. Élu conseiller général en 1982, Jean-Yves Besselat l’est resté jusqu’en 2008, assurant même la vice-présidence du conseil général de 1998 à 2004. Il a aussi siégé au conseil municipal du Havre, de 1995 à 2001, mais c’est la mémoire du député que je voudrais saluer.

Suppléant d’Antoine Rufenacht en 1988 et en 1993, il lui succède au Palais-Bourbon quand celui-ci, venant de conquérir la mairie, se démet de son mandat parlementaire en 1995.

Il est difficile de débuter une carrière en cours de législature, de se faire reconnaître comme un député à part entière par ses collègues comme par les électeurs.

Jean-Yves Besselat a relevé avec succès ce double défi. Discrètement mais sûrement, il est monté en puissance à l’Assemblée nationale : en commençant par de brèves interventions, très documentées, sur des questions techniques, il s’est peu à peu imposé comme un interlocuteur sérieux, posé, ennemi des phrases creuses et passionné par les réalités. Les électeurs de la septième circonscription du Havre ne s’y sont pas trompé : à trois reprises, ils l’ont réélu, renforçant ainsi sa légitimité à défendre les infrastructures portuaires et la marine marchande. Bientôt Jean-Yves Besselat ne se contentait plus de défendre de nombreux amendements et d’interroger le Gouvernement : après avoir pris part à la discussion du projet de loi sur les quirats, le voici rapporteur de la proposition tendant à créer le registre international français, rapporteur du projet de loi sur la nationalité des équipages, puis rapporteur de l’important projet de loi portant réforme portuaire en 2008. Et ses collègues savent avec quelle passion, chaque année, dans le débat budgétaire, il présentait le rapport pour avis de sa commission, si bien que son Président Patrick Ollier et la presse l’avaient joliment appelé « le rapporteur du budget de la mer ». Travailleur, disponible, il avait l’art de rappeler les réalités et les chiffres avec une belle hauteur de vue.

Sa circonscription, comme toutes les autres, avait des limites terrestres, mais du côté de la mer, elle s’étendait au monde entier. Attentif à nos relations bilatérales avec l’Allemagne, ce Normand d’adoption se préoccupait aussi de nos échanges avec l’Europe du Nord : il était en particulier vice-président du groupe d’amitié qui unit les parlementaires de France et du Danemark, autre grand pays maritime.

Au plan économique et fiscal, Jean-Yves Besselat ne raisonnait pas non plus dans un cadre étroitement hexagonal. Se définissant lui-même comme « un catalyseur », il voulait « libérer les énergies » d’une France qu’il savait très durement concurrencée à l’extérieur. Nos importations, nos exportations, n’étaient pas pour lui des données abstraites et technocratiques, mais des volumes de marchandises dont il constatait de visu le mouvement.

Amoureux de la mer, il ne voulait pas que le développement du transport maritime ait pour rançon le saccage du milieu marin. En citoyen responsable, en élu moderne, il pensait et il disait qu’aucune activité économique ne se conçoit sans préservation de son environnement.

Le développement durable n’était pas chez lui une incantation, mais une nécessité concrète, une stratégie pour préparer l’avenir et garantir l’emploi de demain. C’est ainsi que Jean-Yves Besselat fut membre de la commission d’enquête sur la sûreté des installations industrielles en 2001, et l’année suivante prit part aux travaux de la commission d’enquête sur la sécurité dans le transport maritime des produits dangereux ou polluants.

Depuis de nombreuses années, Jean-Yves Besselat avait engagé un combat inégal contre la maladie. Je parlais souvent avec lui de cette épreuve qu’il affrontait avec un courage inouï. Il ne s’est jamais résigné comme il n’a jamais renoncé à remplir scrupuleusement sa mission d’élu de la Nation, ne refusant aucune des responsabilités qu’il se sentait le devoir d’assumer. Ainsi, a-t-il tenu à assurer la fonction décisive de rapporteur du projet de loi portant réforme portuaire, malgré les contraintes éprouvantes de son traitement médical. Quel exemple !

Le 28 décembre dernier, il était encore dans l’hémicycle pour parler de la mission écologique des dépenses publiques.

En fidèle compagnon gaulliste, je sais aussi qu’il mettait un point d’honneur à réunir chaque année, depuis 1996, tous les collaborateurs qui avaient contribué à organiser les Journées parlementaires du Havre.

Aujourd’hui, la mer est en deuil, et avec elle nous saluons le navigateur qui, tant qu’il l’a pu, a maintenu le cap, hissant haut les couleurs de ses convictions.

De ce collègue exemplaire, nous devons aujourd’hui nous séparer. À son épouse Linaïk, à sa famille, à ses amis et à ses proches, au nom de l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale, au nom du Gouvernement et en particulier de Patrick Ollier, ministre des Relations avec le Parlement, si longtemps son ami et complice à la commission des Affaires économiques, au nom de Jean-François Copé, Secrétaire général de l’UMP, de Christian Jacob, Président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, et en mon nom personnel, je leur présente mes condoléances attristées.

Et, à toi Jean-Yves, notre fidèle compagnon, je te dis adieu.