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N° 1574

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les services sociaux d’intérêt général,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Valérie ROSSO-DEBORD et MM. Christophe CARESCHE,
Pierre FORGUES et Robert LECOU

Députés

——

La Commission chargée des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Thierry Mariani, Pierre Moscovici, Didier Quentin, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Daniel Garrigue, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Lionnel Luca, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Mmes Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIERE PARTIE : UN ÉLEMENT CLÉ DU MODÈLE SOCIAL EUROPÉEN, ET UN DOMAINE PRIVILÉGIE D’EXPRESSION DE SA DIVERSITÉ 11

I. UNE PLACE ESSENTIELLE DANS L’ECONOMIE ET DANS L’EMPLOI 13

A. UN POIDS SUPÉRIEUR DANS LES ETATS MEMBRES DONT LE PIB PAR TÊTE EST PLUS ÉLEVÉ QUE LA MOYENNE COMMUNAUTAIRE 13

B. DES EMPLOIS D’UNE NATURE CONFORME AUX OBJECTIFS D’EMPLOI DU VOLET SOCIAL DE LA STRATÉGIE DE LISBONNE 15

C. UN RÔLE D’AMORTISSEUR ESSENTIEL DANS LA CRISE ACTUELLE 16

II. DES TRADITIONS ET DES MODES D’ORGANISATION DIFFÉRENTS SELON LES ÉTATS MEMBRES 17

A. LA TYPOLOGIE CLASSIQUE DES PAYS EUROPÉENS 17

B. UNE DIVERSITÉ AVÉRÉE ET ILLUSTRÉE PAR QUELQUES ÉLÉMENTS CLÉS 19

1. Un niveau et une répartition très différents de l’effort financier en faveur du secteur social 19

2. Une implication variable du secteur public, ainsi que du tiers secteur et du secteur privé à but lucratif : l’exemple des soins à long terme 21

3. Des publics bénéficiaires plus ou moins larges : le cas du logement social 22

III. POUR LA FRANCE, UNE CONCEPTION ÉTENDUE DES SSIG ET UNE CONTRIBUTION MAJEURE DU TIERS SECTEUR 25

A. LES SSIG EN FRANCE : UNE NOTION LARGE 25

B. DES MODALITÉS D’ORGANISATION QUI REPOSENT SUR UNE PARTICIPATION DE TOUS LES PARTENAIRES, NOTAMMENT DU TIERS SECTEUR 26

C. UN IMPORTANT FINANCEMENT PUBLIC DU SECTEUR ASSOCIATIF EN CONTREPARTIE DE SES MISSIONS 29

DEUXIEME PARTIE : DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES FIXÉES PAR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE ET PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE, COMPLIQUÉES ET ENCORE INCERTAINES, EN DÉPIT DES DEMANDES RENOUVELÉES POUR UNE CLARIFICATION 31

I. UNE RECONNAISSANCE TARDIVE DES SPÉCIFICITÉS DES SIG DANS LE TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET UNE IDENTIFICATION SEULEMENT DOCTRINALE DES SSIG 31

A. UNE APPROCHE UNIQUEMENT ÉCONOMIQUE JUSQU’AU TRAITÉ D’AMSTERDAM, EN 1997 31

B. UNE MENTION RÉCENTE, EN 2006, DES SSIG DANS LE DROIT COMMUNAUTAIRE, DANS LE CADRE DE LA COMMUNICATION INTERPRÉTATIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 33

II. UN CADRE JURIDIQUE, D’ORIGINE ESSENTIELLEMENT CONTENTIEUSE, PARTAGÉ AVEC D’AUTRES SIEG, AXÉ SUR LES RÈGLES DE LA CONCURRENCE, TRÈS COMPLEXE ET QUI N’OFFRE PAS UNE VÉRITABLE SÉCURITÉ JURIDIQUE 35

A. UN DROIT QUI S’EST PROGRESSIVEMENT DÉVELOPPÉ PAR APPLICATION DIRECTE DU TRAITÉ À DES CONTENTIEUX PORTÉS DEVANT LA COUR DE JUSTICE AU NOM DES ATTEINTES À LA CONCURRENCE 35

1. Une application large des règles de la concurrence 35

2. Des communications interprétatives de la Commission européenne qui ne règlent pas toutes les difficultés 36

a) Une démarche progressive de clarification 36

b) Les principes essentiels applicables aux SSIG : le respect de la subsidiarité ; plusieurs options alternatives de gestion directe par les collectivités ou d’appel à des organismes tiers 37

3. La mise en ligne par la Commission européenne d’un service d’information interactif : un aveu implicite de l’insuffisance, notamment pour les SSIG, des règles actuelles 41

a) Une formule exceptionnelle 41

b) Une limite qui jette le doute sur le rôle effectif du service : les avis émis dans ce cadre n’engagent pas la Commission européenne 41

B. LE FOND DE LA QUESTION : LE RÉGIME COMPLEXE, DISPROPORTIONNÉ ET INSUFFISAMMENT SÉCURISÉ DU « PAQUET MONTI-KROES » SUR LA QUESTION DES AIDES D’ETAT SOUS FORME DE COMPENSATIONS DE SERVICE PUBLIC 42

1. La portée de l’incompatibilité de principe des aides d’Etat avec les règles de concurrence prévues par le traité de Rome 42

2. La compatibilité avec le traité des petites compensations : l’exemption des aides de minimis 42

3. Les conditions prévues par l’arrêt Altmark du 24 juillet 2003 pour que les compensations de service public ne constituent pas une aide d’Etat 43

a) Les hésitations jurisprudentielles antérieures 43

b) L’arrêt Altmark du 24 juillet 2003 44

4. Le « paquet Monti-Kroes » de 2005 : un régime appréciable car alternatif aux critères de l’arrêt Altmark, mais tout aussi lourd et complexe, notamment pour les petits opérateurs 45

a) La philosophie de la démarche 45

b) L’exemption de notification des aides d’Etat considérées comme compatibles avec le traité, prévue par la décision de la Commission européenne 2005/842/CE 46

c) L’obligation de notifier les compensations les plus importantes, prévue par l’encadrement communautaire 2005/C 297/04 47

d) Des règles tout à fait légitimes au nom de la transparence et du bon usage des deniers publics, mais objectivement hors de proportion avec les enjeux et qui, au demeurant, n’offrent pas une sécurité juridique totale 47

C. UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR COMMUNAUTAIRE QUI S’EST LIMITÉE À UNE EXCLUSION AMBIGUË DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DIRECTIVE « SERVICES » 52

D. DANS L’ENSEMBLE, UN MALAISE DES OPÉRATEURS ET DES ÉLUS VIS-À-VIS DE RÈGLES QUI AFFECTENT IMPLICITEMENT LE LIBRE CHOIX TANT DU MODE DE FINANCEMENT DES SSIG QUE DE L’AMPLEUR DU PUBLIC ÉLIGIBLE 53

1. Des éléments objectifs 53

2. Une situation très dépendante de la doctrine comme de la volonté d’agir ou non de la Commission européenne 54

III. DES DEMANDES POLITIQUES ET DES ANNONCES DE CLARIFICATION RESTÉES SANS SUITE, FAUTE D’INITIATIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 57

A. LES RAPPORTS OU AVIS DU PARLEMENT EUROPÉEN, DU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN, AINSI QUE DU COMITÉ DES RÉGIONS 57

B. DES PERSPECTIVES DE CLARIFICATION UNIQUEMENT ESQUISSÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE, MAIS QUI N’ONT PAS ÉTÉ CONCRÉTISÉES 58

C. LES SSIG ET LES SIG : UNE QUESTION EN DÉBAT AU SEIN DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, MAIS AUSSI ENTRE LES ETATS MEMBRES 61

TROISIEME PARTIE : DES ÉVOLUTIONS À PRÉVOIR D’ORDRE ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE AU NIVEAU NATIONAL ET DE NIVEAU POLITIQUE SUR LE PLAN EUROPÉEN 63

I. AMÉLIORER DANS NOTRE PAYS L’APPLICATION DES RÈGLES EUROPÉENNES À L’OCCASION DU BILAN DE LA MISE EN œUVRE DU PAQUET MONTI-KROES ET DE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « SERVICES » 65

A. OPTER POUR UNE CONCEPTION LARGE DE LA NOTION DE MANDAT POUR L’APPLICATION DU « PAQUET MONTI-KROES » ET RETENIR UNE APPROCHE OPÉRATOIRE POUR LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « SERVICES » 65

1. Choisir une approche pragmatique et large de la notion de mandat pour les SIEG 66

2. Transposer de manière cohérente et juridiquement sûre l’exclusion des services sociaux de la directive « services » 66

3. Donner un contenu à la notion d’association caritative reconnue telle que prévue pour cette exclusion de la directive « services » 68

B. AMÉLIORER LE CADRE DE MISE EN œUVRE ET DE SUIVI DES COMPENSATIONS DE SERVICE PUBLIC 68

1. Prévoir un nouvel instrument juridique, spécifique, rétablissant un certain équilibre entre le régime d’octroi de compensation ou de droits spéciaux, et les autres modes de recours à des organismes tiers 68

2. Organiser les cas de financement par plusieurs collectivités 69

3. Développer les conditions d’une meilleure appropriation des règles par les élus, les agents publics et les opérateurs 70

4. Adapter les règles actuelles de contrôle et de transparence au suivi des compensations 70

II. UNE EXIGENCE POLITIQUE DE CLARIFICATION ET DE RECONNAISSANCE QUI POURRAIT JUSTIFIER, A TERME ET DANS LE RESPECT DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ, COMME DE NOS PRINCIPES RÉPUBLICAINS ET DE NOS TRADITIONS, UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR EUROPÉEN 73

A. TIRER PARTI DE LA DYNAMIQUE DES ACQUIS DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE DE L’UNION EUROPÉENNE POUR ÉTABLIR UN CONSTAT COMMUN SUR LE CONTENU DES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU CADRE ACTUEL 73

1. Un processus bien engagé 73

2. Les premiers éléments d’un constat commun, dans l’attente d’un rapport de la Commission européenne sur l’application du paquet Monti-Kroes en décembre prochain 74

a) Les conclusions opérationnelles du groupe Spiegel sur une nécessaire clarification des règles, notamment sur le tiers secteur 74

b) Les premières conclusions sur l’application du « paquet Monti-Kroes » : faire évoluer les conditions du contrôle des éventuelles surcompensations ; clarifier la notion d’atteinte à la concurrence 75

c) La possibilité d’envisager un de minimis social spécifique 75

B. CRÉER, AU SEIN DU PROCHAIN PARLEMENT EUROPÉEN, UNE DYNAMIQUE POLITIQUE POUR QUE LES PERSONNALITÉS PRÉVUES POUR ÊTRE COMMISSAIRES EUROPÉENS EXPOSENT, LORS DE LEUR AUDITION PRÉALABLE, LEUR POINT DE VUE SUR LES SSIG, ET AU-DELÀ, SUR LES SIG 76

C. S’APPUYER, UNE FOIS SA RATIFICATION ACQUISE, SUR LES AVANCÉES DU TRAITÉ DE LISBONNE SUR LES SIG 76

1. La révision de l’actuel article 16 du traité de Rome (futur article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) : un nouvel équilibre entre le législateur communautaire et la Commission européenne et les conditions d’un dialogue sur les SSIG et les SIG 77

2. Le protocole annexé au traité : l’affirmation du principe de subsidiarité et une plus grande sécurité juridique 77

D. RECONNAÎTRE D’ORES ET DÉJÀ LA LÉGITIMITÉ D’UNE ÉVENTUELLE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR COMMUNAUTAIRE SUR LES SSIG, DÈS LORS QU’ELLE RESPECTERAIT LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ, AINSI QUE LES PRINCIPES ET ÉQUILIBRES DE NOTRE TRADITION RÉPUBLICAINE 78

1. La légitimité d’un rapatriement dans la compétence du législateur communautaire d’une partie d’un droit des SSIG pour l’instant défini par la Commission européenne et la Cour de Justice 78

2. Affirmer d’ores et déjà l’ambition de pleinement respecter le principe de subsidiarité, en prévoyant un test concerté de subsidiarité dans le cadre de la COSAC 79

3. Respecter les équilibres issus de notre tradition républicaine 79

TRAVAUX DE LA COMMISSION 81

PROPOSITION DE RESOLUTION 91

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 95

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Etabli par un groupe de travail de quatre parlementaires répartis de manière paritaire entre la majorité et l’opposition, le présent rapport répond à ce qui apparaît comme un impératif non seulement pour la France, mais également pour l’Europe.

A l’issue de plusieurs mois de travaux et d’auditions, il ne peut en effet que confirmer, en dépit des quelques avancées intervenues depuis sur la question des services sociaux d’intérêt général (SSIG), le constat dont avait fait part M. Jacques Toubon, député européen, lors de son audition par la Délégation pour l’Union européenne, le 8 avril dernier, sur le thème de la révision du marché intérieur et des services d’intérêt général : le cadre juridique actuel qui régit ces même services au niveau européen est insuffisant.

Ce constat avait d’ailleurs été largement partagé, d’une part, par le Conseil économique et social, dans le cadre de l’avis adopté au même moment sur le rapport de M. Frédéric Pascal et intitulé Quel cadre juridique pour les services sociaux d’intérêt général ? et, d’autre part, dans une optique plus large, par Mme Catherine Tasca, sénateur, dans son rapport d’information n° 376 du 4 juin 2008, intitulé Les services d’intérêt général après le traité de Lisbonne.

Il est d’ailleurs l’écho d’une position assez partagée au niveau européen, bien que moins unanime et plus nuancée.

D’une part, en 2006, le Parlement européen s’est prononcé favorablement sur l’hypothèse d’une législation communautaire spécifique aux services sociaux d’intérêt général (SSIG), dans le cadre du rapport de M. Bernhard Rapkay (PSE, Allemagne) relatif à l’ensemble des services d’intérêt général, puis dans le cadre du rapport de M. Joel Hasse-Ferreira (PSE, Portugal) sur les seuls SSIG.

D’autre part, au niveau des Etats membres, le traité de Lisbonne a prévu d’importantes avancées, dont un protocole annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et spécifiquement dédié aux services d’intérêt général. Un certain vide originel du traité de Rome, qui établit une dichotomie implicite entre le secteur public et le secteur privé, sans reconnaître de place au tiers secteur des organismes sociaux sans but lucratif, a ainsi été comblé.

Qu’une telle situation puisse ainsi durer est largement dû à la Commission européenne, qui s’est abstenue de prendre une initiative législative, ce dont les traités lui donnent le monopole.

Néanmoins cet immobilisme n’est pas de la seule responsabilité de l’institution gardienne des traités. Il est également dû à des débats de fond entre les Etats membres.

Certains sont indéniablement d’ordre politique et concernent la place du social dans l’Europe.

D’autres sont d’un autre ordre et s’expliquent par la grande hétérogénéité des traditions et des pratiques nationales en la matière.

Dans ce contexte et à l’approche non seulement des élections européennes mais également et surtout du renouvellement de la Commission européenne qui les suivra, l’objectif des rapporteurs est de rappeler les éléments qui emportent leur conviction sur la nécessité de faire évoluer le paradoxe d’une telle situation peu satisfaisante, mais qui perdure :

– d’une part, les SSIG tiennent une place essentielle dans le modèle social européen, rôle que les circonstances économiques actuelles doivent conforter, même s’ils sont l’un des domaines d’élection de la diversité européenne ;

– d’autre part, le cadre juridique qui leur est actuellement applicable, directement issu des contentieux portés devant la Cour de Justice, est trop orienté vers les règles de la concurrence et n’apporte pas la sécurité juridique nécessaire à la pérennité du financement et des modes de fonctionnement de certains d’entre eux ;

– enfin, même si une amélioration des règles internes de droit français est possible, la nécessité d’établir à terme un cadre législatif communautaire pleinement respectueux du principe de subsidiarité et des compétences des Etats membres, comme de notre modèle social français, paraît sinon incontournable du moins parfaitement légitime.

PREMIERE PARTIE :
UN ÉLEMENT CLÉ DU MODÈLE SOCIAL EUROPÉEN, ET UN DOMAINE PRIVILÉGIE D’EXPRESSION DE SA DIVERSITÉ

Dans une perspective comparative large, c’est indéniablement la place du social qui fait la spécificité de l’Europe, notamment par rapport aux Etats-Unis.

Sans remonter à l’origine des premières politiques sociales européennes qui ont eu pour but soit d’améliorer le sort de la classe ouvrière, soit, comme ce fut le cas de celle de Bismarck, d’éviter dans une optique conservatrice le développement des mouvements socialistes, soit, comme dans les pays scandinaves, de concrétiser le point d’équilibre entre les syndicats et les employeurs après des conflits du travail particulièrement durs, cet ancrage du social est assez ancien.

Pour ce qui concerne les Quinze, il a été amplifié et confirmé dans l’immédiat après 1945 et a même été l’une des caractéristiques communes des six pays fondateurs de l’Union européenne.

Même si les alternances politiques en ont fait évoluer les règles et la dimension au niveau des Etats membres, notamment au Royaume-Uni avec les Gouvernements conduits par Mme Thatcher, le principe même d’un socle social n’a jamais été nulle part mis en cause par aucun Gouvernement.

En revanche, en l’absence de politique communautaire en la matière, la diversité originelle des modes d’organisation entre Etats membres a été largement conservé.

I. UNE PLACE ESSENTIELLE DANS L’ECONOMIE ET DANS L’EMPLOI

Les données qui suivent ont été publiées sous l’égide de la Commission européenne dans le cadre de son rapport bisannuel sur Les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne, édité au mois de juillet 2008.

Si elles ont le mérite d’être comparables, elles regroupent cependant les services sociaux et les services de santé, ce qui, sans remettre en cause les conclusions que l’on peut en tirer, implique néanmoins de conserver cet élément à l’esprit.

A. Un poids supérieur dans les Etats membres dont le PIB par tête est plus élevé que la moyenne communautaire

En moyenne, les services sociaux et de santé représentent 9,6 % de l’emploi en Europe.

Il existe cependant certaines disparités qui conduisent à distinguer trois groupes.

Le premier d’entre eux concerne les Etats membres où plus de 15 % de l’emploi total est dans les services sociaux : Finlande (15 %), Pays-Bas et Suède (16 %) et Danemark (18 %).

Le deuxième comprend les Etats qui s’établissent entre 8 % et 13 %, à savoir la France, la Belgique et le Royaume-Uni (12 % environ), l’Allemagne, puis l’Irlande et le Luxembourg (10 %) et, enfin, l’Autriche.

La troisième catégorie comprend ainsi les Etats membres du pourtour méditerranéen et les Nouveaux Etats membres, qui va d’un minimum de 4% en Roumanie jusqu’à 7 % à Malte, Etat suivi de près par l’Italie et le Portugal.

Le graphique suivant récapitule ces éléments.

PART DU SECTEUR SOCIAL ET DE LA SANTÉ DANS L’EMPLOI

Dans l’ensemble, le développement du secteur sanitaire et social n’apparaît donc pas un frein au développement économique. En effet, la liste des Etats membres de la première catégorie est sensiblement la même que celle des Etats membres dont le PIB par tête est au-dessus de la moyenne communautaire.

Néanmoins, il n’y a pas de corrélation parfaite : l’Irlande et le Luxembourg qui étaient en 2007, et encore en 2008, les pays les plus prospères de l’Union européenne sont plutôt en fin de liste des pays où les secteurs sanitaire et social sont les plus développés.

Par ailleurs, ce mouvement de développement se poursuit et joue un rôle contracyclique.

Comme l’indique le graphique suivant, le développement de l’emploi dans le secteur de la santé et des services sociaux s’est poursuivi ces dernières années. Il est passé dans les quinze Etats membres les plus anciens d’un peu plus de 9 % en 1995 à un peu plus de 10,5 % en 2007.

EVOLUTION DE LA PART DU SECTEUR SOCIAL DANS L’EMPLOI ET DANS LA SANTÉ DEPUIS 1995

Le ralentissement du rythme de progression montre que les pays les plus avancés sont arrivés à un palier.

Le rapport précité montre que la croissance y a été modérée au Danemark et en Finlande.

S’agissant de la Suède, la croissance a été forte, mais a été le résultat d’un rattrapage, étant donné que le secteur avait très atteint par les restructurations du secteur public à la suite de la crise du début des années 1990.

B. Des emplois d’une nature conforme aux objectifs d’emploi du volet social de la stratégie de Lisbonne

En matière d’emploi, et tel est l’objet du volet social de la stratégie de Lisbonne, l’Union européenne a notamment deux objectifs majeurs auxquels contribuent les services sociaux et de santé : le développement du taux d’emploi, c’est-à-dire de la part de la population en âge de travailler, grâce au développement de l’emploi féminin et de celui des seniors ; le relèvement du niveau de qualification.

En effet, l’emploi féminin est bien plus important dans ces secteurs que l’emploi masculin, et cet écart des genres s’accroît, ce qui pose certes un problème de parité, mais montre que le secteur a contribué plus que d’autres à réduire l’écart global des taux d’emplois masculin et féminin. Entre 2000 et 2007, la part du secteur dans l’emploi total masculin est passée de 2,4 % à 2,7 %, alors que celle dans l’emploi féminin s’est élevée de 8,4 % à 9,8 %.

Le rapport précité montre que le nombre des travailleuses âgées dans ces secteurs est élevé dans les pays d’Europe du Nord : Suède, Finlande, Danemark et Pays-Bas.

Par ailleurs, le secteur de la santé et des services sociaux est plus riche en emplois qualifiés que celui de l’ensemble de l’économie.

Ainsi, pour s’en tenir aux deux segments opposés de l’échelle des qualifications, la proportion des emplois les plus qualifiés y est, pour l’ensemble de pays européens, de 38,8 % contre 25,7 % tous secteurs confondus et la proportion d’emplois de faible qualification de 16,3 % contre 24,5 % tous secteurs confondus.

C. Un rôle d’amortisseur essentiel dans la crise actuelle

La crise financière puis économique qui s’est développée depuis l’automne met en relief le rôle essentiel des SSIG à trois points de vue :

– d’une part, la violence de ses conséquences sociales, avec un niveau de 3.000 chômeurs de plus par jour en France en janvier 2009, fait que ces services sont ou seront sous peu davantage sollicités, car ce sont eux qui garantissent le maintien de l’accès à des services de base ;

– d’autre part, ceux de ces services qui œuvrent dans les secteurs de l’insertion professionnelle ou de l’inclusion sociale ont un rôle essentiel pour maintenir à proximité du marché de l’emploi et dans des conditions de qualification adaptées, ceux qui sont directement touchés par la perte de leur emploi. C’est un des éléments clés pour qu’ultérieurement les conditions de sortie de crise soient plus favorables ;

– enfin, étant majoritairement des services de proximité, ils représentent un secteur qui est lui-même à l’abri des effets directs, et de certains effets indirects, de la crise.

II.  DES TRADITIONS ET DES MODES D’ORGANISATION DIFFÉRENTS SELON LES ÉTATS MEMBRES

A. La typologie classique des pays européens

En arrière plan de la question des SSIG, il faut remarquer les différences d’approche de nos partenaires et de la Commission européenne sur la notion clé qu’est le service public.

Le constat en a été dressé dans les termes suivants : « les Etats où le concept de service public bénéficie d’une forte valeur ajoutée, les Etats où ce concept, sans être au premier plan, est pris en compte pour définir le régime juridique applicable aux activités administratives (et notamment aux activités économiques), et les Etats où la notion de service public, sans être méconnue, ne paraît pas produire d’effets juridiques précis »(2). La première catégorie concerne la France, la deuxième la Belgique, l’Autriche, l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal et la troisième catégorie des pays comme les Etats du nord de l’Europe, le Royaume-Uni ou l’Allemagne.

De manière plus spécifique, l’étude des services sociaux en Europe conduit à distinguer traditionnellement quatre modèles. Cette typologie classique a notamment été reprise par le rapporteur du Conseil économique et social, M. Frédéric Pascal, dans le cadre de l’avis précité.

Les principaux critères de différenciation sont les suivants : la part des services sociaux gérés directement par l’Etat ou par les collectivités territoriales : le rôle du tiers secteur, associations ou autres organismes sans but lucratif ; la place des acteurs du secteur privé à but lucratif ; la part, qui n’est pas toujours résiduelle, du cadre familial et du secteur informel (voisinage etc.).

Le premier cas de figure est le modèle scandinave. La prestation sociale et les services sociaux relèvent par principe de l’Etat ou, ce qui est le cas le plus fréquent, des municipalités. Les services sociaux ont une vocation universelle. Ils sont financés par l’impôt. Les associations et le secteur à but lucratif ont un rôle qui s’est développé, mais encore assez marginal. Ce modèle s’applique dans une certaine mesure à la Finlande, avec cependant une particularité intéressante qui pourrait ne pas durer puisque la Finlande aurait décidé de ne pas faire usage de son droit d’exclusion de ces services du champ de la directive « services », comme le remarque le rapport de mai 2008 de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) intitulé « les secteurs associatifs et leurs relations avec l’Etat dans l’Europe des 27 » (mai 2008) : l’association finlandaise des machines à sous (RAY), créée en 1938 et qui regroupe 96 associations, finance les associations prestataires de services sociaux, de santé et médico-sociaux, les organisations caritatives ayant un droit exclusif d’exploitation sur les machines à sous et les casinos.

Le deuxième cas est celui des modèles de subsidiarité, qui concerne l’Europe continentale. Les services sociaux sont gérés soit directement par l’Etat et les collectivités locales, soit par des associations ou des organismes sans but lucratif, soit par le secteur privé. Le secteur associatif est structuré, institutionnalisé et professionnalisé. Le financement public n’est pas réservé aux institutions publiques, mais peut sous certaines conditions bénéficier au tiers secteur et même au secteur à but lucratif. Les structures peuvent avoir une vocation large et universelle. Tel est notamment le cas pour la France et la Belgique. L’Allemagne et l’Autriche, ainsi que les Pays-Bas relèvent aussi de ce modèle. Chaque pays a ses spécificités et tel est notamment le cas en France, en raison de l’ampleur et des modalités d’intervention du secteur associatif, du « tiers secteur. »

Le rapport précité de la CPCA note ainsi pour la France un élément important, même si, comme il concerne toutes les associations, il dépasse le cadre des seuls SSIG : 1,1 million d’associations (deux fois plus qu’en Allemagne) ; un financement à 60 % par recettes d’activités et cotisations (deux fois plus qu’en Allemagne), c’est-à-dire en fait par recettes d’activités compte tenu des montants en général modestes des cotisations ; 14 millions de bénévoles, contre 22 millions en Allemagne, et 1,9 million de salariés.

En Allemagne, le même rapport observe pour le secteur de la protection sociale, 6 grandes organisations structurées, donc deux liées à l’Eglise, deux à la Croix-Rouge et à une petite agence, et une au Parti social-démocrate. Les associations correspondantes sont responsables des deux tiers de maisons de retraite et résidences pour handicapés, assurent la moitié des services dans le domaine de la jeunesse et prennent en charge 40 % des hôpitaux. Leurs coûts sont remboursés par l’Etat, les municipalités ou les assurances sociales. 90 % du total de leurs recettes proviennent donc de fonds publics, dont 10 % de subventions. En contrepartie, le service assuré a une vocation universelle. Une coopération est organisée entre le secteur public et ce secteur non lucratif. Pour les crèches, la loi oblige ainsi les municipalités à concevoir leur politique en coopération avec le secteur non lucratif.

Selon la même source, les Pays-Bas relèvent d’un régime spécifique qui remonte à la « pilarisation », à savoir la ségrégation confessionnelle impliquant ainsi le financement public d’organismes privés, non lucratifs, dans les secteurs de la santé et de la protection sociale, ainsi qu’en matière scolaire. Le développement du rôle de l’Etat, à titre de prestataire subsidiaire, est clair : seuls 30 % des établissements primaires et secondaires sont publics.

Le logement social est particulièrement développé. « L’immobilier non lucratif » représente plus des deux tiers du parc locatif et du tiers du stock total de logements.

Le modèle beveridgien, parfois dit libéral depuis la vague d’externalisation des services sociaux et médicaux sociaux au cours des années 1980, concerne notamment le Royaume-Uni. Il repose sur un secteur associatif fort, mais a deux particularités : un ciblage sur les populations les plus précaires ; une pratique du contrat plutôt que de la subvention dans les relations financières avec les collectivités publiques, avec la pratique des appels à la concurrence.

Le dernier modèle est dit méditerranéen, car il est marqué par la relative faiblesse du tiers secteur, qui correspond à la fois à un héritage politique et religieux. La société civile a été bridée pendant les périodes de dictature, périodes de suppression des libertés individuelles comme collectives, et qui n’ont disparu qu’au milieu des années 1970. Le poids des Eglises intervient aussi dans la structuration des SSIG. L’Etat ou le secteur public n’ont pas pour autant développé d’importantes initiatives en matière sociale. Un certain nombre de prestations sont encore délivrées dans le cadre familial ou bien du secteur informel, notamment pour l’enfance. Chacun des Etats qui se rattache à ce modèle a cependant pris des initiatives dans les années récentes, notamment en Italie, où d’importantes avancées à l’égard du « tiers secteur » sont intervenues à la fin des années 1990, et au Portugal, où les plus importantes des Institutions privées de solidarité sociale (IPSS) ont signé avec l’Etat des pactes de coopération avec l’Etat.

B. Une diversité avérée et illustrée par quelques éléments clés

1. Un niveau et une répartition très différents de l’effort financier en faveur du secteur social

Vis-à-vis du social dans son ensemble, c’est-à-dire y compris la santé et toutes prestations confondues (prestations en nature et prestations en espèces), les Etats membres n’ont pas la même approche.

D’une part, ils n’y consacrent pas le même niveau de ressources. Avec plus de 30 % du PIB en 2005, selon le rapport bisannuel précité, comme en 2007 selon Eurostat, la Suède et la France étaient les Etats membres au plus haut niveau pour les dépenses sociales.

Le graphique suivant récapitule ces éléments.

Source : Eurostat.

D’autre part, pour ce qui concerne les prestations en nature, hors santé publique, le niveau des dépenses correspondantes et sa répartition sont également très différents selon les pays, avec une situation très différente pour les trois pays nordiques, comme le montre le graphique suivant.

Source : Etude sur les SSIG et les services de santé, European Centre for Social Welfare Policy and Research, Vienne 2008.

2. Une implication variable du secteur public, ainsi que du tiers secteur et du secteur privé à but lucratif : l’exemple des soins à long terme

L’étude sur les services sociaux d’intérêt général et de santé commandée en 2006 par la Commission européenne au European Centre for Social Welfare Policy and Research de Vienne, et publiée en 2008 montre sur l’exemple précis des soins de long terme (soins aux personnes âgées et dépendantes) que l’implication du secteur public est variable d’un Etat membre à l’autre.

Un élément clé en donne l’illustration.

La répartition des opérateurs entre le secteur public, le secteur privé et le secteur non lucratif est très différente d’un Etat à l’autre.

Comme l’indique le tableau suivant, qui fournit les données sur 7 Etats membres, la part du secteur à but non lucratif est particulièrement développée en France, en Allemagne et en Italie (la moitié du secteur) alors qu’en revanche, le secteur privé à but lucratif représente 80 % du secteur au Royaume-Uni et le secteur public la même proportion en République tchèque.

organisation de la prestation de services dans les services de soins de longue duree

 

Pays

Parts de « marché » approximative

RRép. tchèque

AAllemagne

FFrance

IItalie

PPays-Bas

PPologne

SSuède

RRoyaume-Uni

Public

80 %

5 %

42 %

30 %

0

-

70 %

10 %

A but non lucratif

15 %

48 %

51 %

50 %

80 %

-

10 %

10 %

A but lucratif

5 %

47 %

7 %

20 %

20 %

-

20 %

80 %

Source : Rapport précité.

3. Des publics bénéficiaires plus ou moins larges : le cas du logement social

Pour ce qui concerne la conception de l’accessibilité au service, l’exemple le plus caractéristique concerne le logement social.

Selon les données du rapport précité, collectées par l’Observatoire européen du logement social, il faut distinguer trois cas de figure quant au public concerné : celui des Etats ayant une conception large du public visé ; celui des Etats ayant une conception restreinte ; celui des Etats membres ayant une conception intermédiaire.

De manière concrète, on peut donc séparer les actuels Etats membres selon trois groupes :

– il y a d’abord, les Etats membres où le logement social à une vocation universelle : Suède, Pays-Bas, Autriche, Danemark et Finlande ;

– il y a ensuite les pays où il est ciblé (en principe), mais sur un public assez large et concerne en principe les petits salariés : Autriche, Pologne, République tchèque, Finlande, France, Belgique, Allemagne, Grèce, Italie et Luxembourg ;

– il faut ensuite compter avec les Etats membres où le logement social concerne uniquement les populations les plus vulnérables : Royaume-Uni, Estonie, Irlande, Portugal et Espagne.

Cet élément essentiel combiné avec d’autres critères conduit ainsi à constater la forte hétérogénéité du secteur.

Le tableau suivant récapitule ces éléments.

approches du logement social dans les Etats membres
de l’union européenne

Critère
d’allocation

Taille
du
secteur du
logement social

Universelle

Ciblé

« Classe ouvrière » ou « Employés »

Les plus vulnérables uniquement

> = 20 %

Suède

Pays-Bas

Autriche

Danemark

Autriche

Pologne

Royaume-Uni

11 % - 19 %

Finlande

France

Rép. tchèque

 

< 10 %

 

Allemagne

Belgique

Grèce

Italie

Luxembourg

Espagne

Estonie

Hongrie

Irlande

Portugal

Source : D’après l’Observatoire européen du logement social (CECODHAS).

Par ailleurs, comme le rappelle le tableau suivant, certains pays prévoient même l’obligation de déménager lorsque les conditions d’accès, notamment financières, ne sont plus remplies.

caracteristiques du secteur du logement social

 

Les locataires doivent quitter le logement quand ils ne remplissent plus les critères d’appartenance aux groupes ciblés

Autriche

l

Belgique

l

Chypre

-

Danemark

-

Espagne

l

Estonie

-

Finlande

-

France

-

Allemagne

-

Grèce

-

Hongrie

-

Irlande

-

Italie

Nc

Lettonie

l

Lituanie

-

Luxembourg

l

Malte

-

Pays-Bas

-

Pologne

-

Portugal

-

Rép. Slovaque

-

Rép. Tchèque

-

Royaume-Uni

Nc

Slovénie

l

Suède

-

l = vrai.

- = faux.

Source : Les statistiques du logement dans l’Union européenne en 2004.

III. POUR LA FRANCE, UNE CONCEPTION ÉTENDUE DES SSIG ET UNE CONTRIBUTION MAJEURE DU TIERS SECTEUR

A. Les SSIG en France : une notion large

Notre pays retient une conception assez étendue des SSIG, comme le montre le recensement opéré dans le cadre de son rapport précité, par le rapporteur du Conseil économique et social, M. Frédéric Pascal.

Celui-ci précise, en effet, que :

« La liste des services sociaux d’intérêt général en France est composée des éléments suivants :

« - secteur de la protection sociale obligatoire et complémentaire : Codes de la sécurité sociale et de la mutualité ;

« - secteur social et médico-social : régulé par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 codifiée dans le Code de l’action sociale et des familles ;

« - secteur des services à la personne : régulé par la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 codifiée partiellement dans le Code du travail et dans le Code de l’action sociale et des familles ;

« - secteur des services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant en direction des publics fragiles qui est soumis à une réglementation qui dépend soit de la loi du 2 janvier 2002, soit de celle du 26 juillet 2005 ;

« - secteur de l’insertion par l’activité économique : régulé par les lois du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l’exclusion et de cohésion sociale du 18 janvier 2005, codifiées dans le Code du travail ;

« - secteur de l’emploi et de la formation qui a fait l’objet de nombreuses lois depuis 1971, codifiées dans le Code du travail ;

« - secteur du logement social dont la réglementation est codifiée dans le Code de la construction et de l’habitat ;

« - secteur de la petite enfance (accueil collectif et individuel) qui fait l’objet de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et familiaux (Code du travail) et du décret du 20 février 2007 ;

« - secteur de la protection de l’enfance en danger et de la prise en charge de l’enfance délinquante : régulé par la loi du 6 janvier 1986 et le décret du 5 mars 2003 ;

« - secteur de la jeunesse, du sport et de l’éducation populaire : régulé par la loi du 17 juillet 2001 et par une série de textes réglementaires ;

« - secteur du tourisme social : régulé par la loi du 17 juillet 2001. »

Par comparaison, la communication précitée de la Commission européenne de 2006 sur les SSIG retient une conception plus restrictive, qui ne s’impose pas cependant ni à la France ni à aucun Etat membre en application du principe de subsidiarité, avec, au-delà des régimes légaux et des régimes complémentaires de protection sociale (mutualistes ou professionnels), couvrant les risques fondamentaux de la vie, tels que ceux liés à la santé, la vieillesse, les accidents du travail, le chômage, la retraite, le handicap, les services suivants :

– les services essentiels délivrés directement à la personne en matière de prévention et de cohésion sociale : l’aide aux personnes dans la maîtrise des défis de la vie ou des crises (telles que l’endettement, le chômage, la toxicomanie, la rupture familiale) ; l’intégration complète dans la société (réhabilitation, formation linguistique pour les immigrés) ;

– l’insertion professionnelle (formation, réinsertion professionnelle) ;

– l’accueil des jeunes enfants ;

– les soins apportés aux plus âgés ;

– l’inclusion des personnes ayant des besoins à long terme liés à un handicap ou un problème de santé ;

– enfin, le logement social, « qui procure un logement aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux moins avantagés ».

B. Des modalités d’organisation qui reposent sur une participation de tous les partenaires, notamment du tiers secteur

Notre pays est marqué par une grande diversité des acteurs intervenant, directement ou indirectement, dans le domaine social. Celle-ci est liée au développement de l’économie sociale et solidaire depuis l’après-guerre.

Aux acteurs publics incontournables que sont l’Etat et les collectivités locales, et leurs établissements publics, ainsi que les organismes de protection sociale et les entreprises publiques, s’ajoutent, pour une part non négligeable, le tiers secteur : les associations, fondations, mutuelles, syndicats.

Au-delà interviennent également les entreprises privées à but lucratif.

Cette diversité des acteurs est une caractéristique majeure des services sociaux.

La place des différents acteurs est d’ailleurs très variable selon les secteurs.

Le secteur mutualiste tient notamment une place essentielle en matière de protection sociale complémentaire santé en se fondant sur les obligations de solidarité, notamment intergénérationnelle, ainsi que l’a indiqué aux rapporteurs le directeur général de la Mutualité française, M. Daniel Lenoir.

La place du secteur associatif est importante dans le secteur de la petite enfance. Ce cas illustre bien à lui seul la coexistence sur un même secteur d’une pluralité de modes d’organisation.

Selon les données publiées par l’Observatoire de la petite enfance dans le cadre de l’étude intitulée « L’accueil du jeune enfant en 2006 », il faut distinguer en effet :

– l’accueil individuel, avec en 2005, 399.000 assistants maternels agréés rémunérés directement par les parents et une capacité théorique de 1.041.000 places (en fait, la capacité était estimée à 689 000, car tous les assistants maternels n’exercent pas effectivement) ;

– l’accueil collectif avec les crèches collectives sous leurs différentes formes :

• crèches de quartier, au nombre de 1.900, gérées en majorité par les communes et pour le reste, à titre complémentaire, par des associations ;

• crèches « parentales », au nombre de 190, gérées par les parents eux-mêmes dans un cadre associatif ;

• crèches de « personnel », au nombre de 210, et répondant aux besoins horaires administrations ou entreprises où officient les parents. Ces crèches sont favorisées par les caisses d’allocations familiales. A été créée en 2004 le dispositif du contrat « enfance entreprise », avec possibilité d’aide au fonctionnement comme à l’investissement ;

• crèches « familiales », ou plus précisément, les services d’accueil familial, qui accueillent les enfants au domicile d’assistants maternels le plus souvent rémunérés non pas directement par les parents, mais au contraire soit par la collectivité locale qui les emploie (88 % des cas), soit par l’association qui les emploie (10 % des cas).

A l’opposé de la pyramide des âges, on observe une même diversité pour les maisons de retraite.

Selon les données du document de travail de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (DRESS) de janvier 2007 (document n° 106 – Série statistiques), la part du secteur privé représentait en 2003 une proportion de 46 % du parc global, le reste étant constitué soit par les établissements rattachés à un hôpital soit de maisons de retraite autonomes.

Sur ces 46 %, le secteur non lucratif était encore dominant, avec 60 % du total du secteur privé, mais la progression du secteur privé à but lucratif était importante.

Toutefois, les équilibres sectoriels ne sont pas figés, mais au contraire dynamiques.

Comme l’a constaté l’INSEE, l’activité des entreprises privées à but lucratif prestataires de services à la personne a fortement progressé en 2005 (+ 56 %). Elles sont aujourd’hui plus d’un millier même si les associations réalisent plus de 80 % de l’activité du secteur (cf. INSEE Premières, Les services à la personne en 2005 : poussée des entreprises privées, mai 2007, n° 201).

Dans l’ensemble, la France dispose donc de principes d’organisation qui permettent la coexistence harmonieuse des initiatives publiques, des initiatives sans but lucratif aidées ou non par les collectivités publiques, ainsi que, le cas échéant, des initiatives privées.

Cette souplesse française offre trois avantages :

– elle permet à toutes les initiatives de s’exprimer, et offre la faculté, entre le public et le privé à but lucratif, d’un tiers secteur à but non lucratif qui peut s’épanouir selon des modalités qui répondent aux attentes des Français ;

– elle répond, d’une manière plus souple, aux besoins des secteurs qui restent globalement en situation de pénurie, par rapport à nos voisins européens. Tel est notamment le cas pour l’accueil de la petite enfance, comme en témoigne la situation démographique de la France, plus favorable que celle de ses voisins ;

– les structures privées ou leurs « clients » pouvant bénéficier de financements publics, de manière directe ou indirecte, elle ne pénalise pas nécessairement les bénéficiaires en fonction du statut de la structure qui leur délivre les prestations dont ils ont besoin.

C. Un important financement public du secteur associatif en contrepartie de ses missions

Le rôle des financements publics dans le financement d’ensemble des SSIG a été mis en lumière par le rapport précité du Conseil économique et social, qui a procédé à une estimation en l’absence de définition de ce qui relève expressément des SSIG, étant rappelé que le montant des dépenses consacrées à l’action sociale était de l’ordre de 102 milliards d’euros en 2004 et peut être estimé à 111 milliards d’euros en 2006.

Sur les 21,5 milliards de financement total des associations de santé et du secteur social, la part des financements privés a été estimée à un tiers, au titre des cotisations et produits des dons et mécénat, et celle des financements publics aux deux tiers, dont 17,7 % pour l’Etat, 17 % pour les départements, 15 % pour les organismes sociaux et 10,7 % pour les communes, d’après les travaux de Mme Viviane Tchernonog, qui s’est spécialisée dans l’étude du cadre associatif.

Pour ce qui concerne les modalités juridiques de ce financement, le mode principal est la subvention dont le droit commun est la convention d’objectif, que la circulaire du Premier ministre du 1er décembre 2000 pour l’Etat et l’article 10 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pour les collectivités territoriales, ont rendu obligatoires.

Il existe aussi des cadres spécifiques, tels que celui prévu par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 pour le secteur médical et médico-social.

Il faut observer que la subvention est juridiquement différente de la commande publique, régie par le code des marchés publics, et la délégation de service public.

Elle est le résultat de la participation publique, sur le plan financier, à une initiative privée.

DEUXIEME PARTIE :
DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES FIXÉES PAR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE ET PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE, COMPLIQUÉES ET ENCORE INCERTAINES, EN DÉPIT DES DEMANDES RENOUVELÉES POUR UNE CLARIFICATION

I. UNE RECONNAISSANCE TARDIVE DES SPÉCIFICITÉS DES SIG DANS LE TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET UNE IDENTIFICATION SEULEMENT DOCTRINALE DES SSIG

A. Une approche uniquement économique jusqu’au traité d’Amsterdam, en 1997

Destiné à l’origine à créer un marché commun et donc à favoriser les échanges de biens et de services, le traité de Rome n’a abordé la question des services d’intérêt économique général, des SIEG, que d’une manière incidente, dans le cadre de l’actuel article 86, sous l’angle du droit de la concurrence.

En effet, son paragraphe 2 prévoit deux principes :

– d’une part, « les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (ou présentant le caractère d’un monopole fiscal) sont soumises aux règles du traité, notamment aux règles de concurrence »  ;

– d’autre part et cependant, « l’application de ces règles ne doit pas faire échec en droit ou en fait à l’accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie ». En outre, il indique que le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt des parties.

Il appartient à la Commission européenne de veiller à l’application de ces dispositions et d’adresser aux Etats membres les directives ou décisions appropriées. Il s’agit pour elle d’une compétence propre.

Ce dispositif est neutre quant au statut de l’opérateur concerné, public ou privé.

Cette première approche était uniquement économique.

Elle a été complétée lorsque la réalisation du marché intérieur a conduit à envisager l’ouverture à la concurrence des grands services publics de réseaux et que, dans le cadre d’un équilibre assez subtil, le développement des politiques européennes a conduit à insérer dans le corps du traité de Rome une certaine dimension sociale.

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont d’abord reconnu, lors du sommet de Cannes de juin 1995, l’importance des services d’intérêt général comme partie intégrante de l’ensemble des valeurs communes à tous les pays et comme une contribution à la définition de l’Europe.

La Commission européenne a alors présenté en septembre 1996 une première communication sur les services d’intérêt général en Europe.

C’est à l’issue de cette démarche, en 1997, que le traité d’Amsterdam a inséré l’actuel article 16 suivant lequel :

– les services d’intérêt économique général figurent parmi « les valeurs communes de l’Union » et jouent un rôle dans « la promotion de la cohésion sociale et territoriale » ;

– « la Communauté et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du [présent] traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions.

Un rééquilibrage avec le droit de la concurrence a été ainsi prévu dans le corps même du traité.

Par ailleurs, il faut mentionner que l’article 36 de la Charte européenne des droits fondamentaux reconnaît le rôle des services d’intérêt économique général, et leur accès tel qu’il est prévu par les législations et les pratiques nationales, dans la cohésion sociale et territoriale de l’Union européenne.

Ce régime des SIEG est donc juridiquement important, car dans certaines conditions, il permet d’écarter les règles du marché intérieur et de la libre concurrence.

Néanmoins, cette dérogation aux règles du traité est subordonnée à trois conditions :

– l’accomplissement d’une mission d’intérêt général, élément qui relève pour son application de l’Etat membre concerné sous un éventuel contrôle de la Cour de justice en cas de contentieux. Cette mission d’intérêt général couvre notamment des obligations de service public : l’universalité, l’accessibilité, la non discrimination etc. ;

– le caractère nécessaire et proportionné de l’atteinte aux règles du marché ;

– l’absence d’atteinte au développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.

La principale conséquence de ce régime dérogatoire est de permettre aux SIEG de bénéficier soit sous la forme de subvention, soit sous toute autre forme (régime fiscal préférentiel, bénéfice d’une ressource publique, droits exclusifs ou spéciaux) d’une compensation en contrepartie des obligations de service public qui leur incombent.

B. Une mention récente, en 2006, des SSIG dans le droit communautaire, dans le cadre de la communication interprétative de la Commission européenne

Après la communication précitée de 1996, la réflexion de la Commission sur les SIG a repris, dans le cadre notamment du Livre blanc sur les services d’intérêt général de 2004.

Néanmoins, c’est hors de ce cadre que les SSIG ont fait l’objet de leur toute première identification puisque c’est le Comité économique et social européen, en 2001, qui en a été à l’origine, dans le cadre de l’avis intitulé Les services sociaux privés à but non lucratifs dans le contexte des services d’intérêt général en Europe, présenté sur le rapport de M. Jean-Michel Bloch-Lainé.

Ce n’est qu’ensuite que la Commission européenne a précisé certains éléments relatifs aux SSIG, de manière progressive, dans le cadre de ses communications.

D’abord, le livre blanc de 2004 sur les services d’intérêt général (SIG), document (COM (2004) 374), du 12 avril 2004, a mentionné, sans en tirer de conséquence, les SSIG comme une sous-catégorie des SIG.

Ensuite, c’est dans une communication d’avril 2006 que la Commission européenne a reconnu, dans le cadre d’un document dédié et spécifique, les SSIG en tant que tels. Cette communication a été intitulée Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne : les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne (document COM (2006) 177 final du 26 avril 2006).

Ainsi, sur le plan conceptuel, les SSIG sont, lorsqu’ils répondent aux critères de l’activité économique, une sous-catégorie des SIEG et, lorsqu’ils ne le sont pas, une sous-catégorie des services non économique d’intérêt général (SNEIG), comme on désigne parfois les services non marchands.

Certains SSIG non marchands ont été identifiés dans des documents de travail de la Commission européenne. Il s’agit de l’enseignement obligatoire et des régimes légaux de protection sociale. Ils relèvent de la seule compétence des Etats membres, sous réserve de l’application des principes généraux du traité tels que la non discrimination, et ne sont pas concernés par les développements qui suivent.

II. UN CADRE JURIDIQUE, D’ORIGINE ESSENTIELLEMENT CONTENTIEUSE, PARTAGÉ AVEC D’AUTRES SIEG, AXÉ SUR LES RÈGLES DE LA CONCURRENCE, TRÈS COMPLEXE ET QUI N’OFFRE PAS UNE VÉRITABLE SÉCURITÉ JURIDIQUE

A. Un droit qui s’est progressivement développé par application directe du traité à des contentieux portés devant la Cour de Justice au nom des atteintes à la concurrence

1. Une application large des règles de la concurrence

Contrairement à d’autres SIEG, comme les services des transports, le gaz, l’électricité ou les télécommunications, qui relèvent d’un régime spécifique, les services sociaux d’intérêt général ne bénéficient pas d’un texte législatif communautaire sectoriel.

Le droit qui leur est applicable est donc le droit commun des SIG et, pour ceux qui relèvent de cette catégorie (tel est d’ailleurs le cas de la plupart d’entre eux), des SIEG.

En effet, d’une part, la Cour a retenu une conception large de la notion d’entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général (SIEG) selon l’article 86 du traité. Est qualifiée « d’entreprise » toute entité exerçant une activité économique indépendamment de son statut juridique comme de son mode de financement, comme l’indique notamment l’arrêt du 12 septembre 2000 Pavlov (affaires C-180/98 à C-184/98). Cette qualification intervient indépendamment du caractère lucratif ou non de l’institution concernée. Ainsi des organismes sans but lucratif peuvent-ils constituer une « entreprise » (cf. arrêt du 16 novembre 1995, FFSA, affaire C-244/94, à propos des régimes par capitalisation).

La plupart des SSIG relève donc de cette notion d’«entreprise ».

D’autre part, la Cour a reconnu une conception tout aussi large des « activités économiques » : il s’agit de toute activité consistant en une offre de biens ou de services sur un marché donné.

De plus, la Cour a considéré que sont des prestations de services celles normalement fournies contre rémunérations, mais également celles qui ne sont pas directement payées par leur bénéficiaire (arrêt du 26 juillet 1998, Bond van Adverteeders, affaire C-352/85). Ainsi, même en dépit du financement public, la presque totalité des services délivrés en matière sociale relève des activités économiques.

Par conséquent, ont été reconnus en matière sociale ou de santé comme des services économiques des activités ou des équipements aussi divers que : le placement exercé par des offices publics pour l’emploi ; les régimes d’assurance facultatifs ; les services médicaux dispensés dans un cadre hospitalier ou en dehors de ce cadre ; le transport d’urgence et le transport des malades ; la fourniture d’équipements et d’infrastructures auxiliaires au logement social (magasins, espaces de jeux, parcs, jardins ouvriers etc.).

A l’opposé, les services non économiques relèvent d’une conception stricte puisqu’il s’agit, outre des activités de puissance publique, de certaines activités purement sociales comme les régimes d’assurances sociales obligatoires (arrêts des 17 février 1993, Poucet et Pistre (affaire C-159/91) et du 22 mai 2003 Freskot (affaire C-355/00)).

La principale conséquence est que les compensations versées par les organismes publics (Etat, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale) ne sont régulières que si elles répondent à certains critères qui les rendent compatibles avec le traité.

C’est le point essentiel de la controverse actuelle. Il fait donc l’objet d’un développement séparé au B ci-dessous.

2. Des communications interprétatives de la Commission européenne qui ne règlent pas toutes les difficultés

a) Une démarche progressive de clarification

La démarche de clarification de la Commission européenne sur le droit applicable aux SIG s’est opérée en trois étapes : le Livre blanc du 12 mai 2004 sur les SIG ; la communication du 26 avril 2006 sur les SSIG ; la communication du 20 novembre 2007 accompagnant la communication intitulée « Un marché unique pour l’Europe du 21e siècle », et elle-même intitulée « Les services d’intérêt général, y compris les services sociaux d’intérêt général : un nouvel engagement européen ».

Chacune de ces communications a entraîné une avancée en précisant les notions, en commentant les décisions de la Cour de Justice et en offrant un cadre global permettant de mieux appréhender le sujet.

b) Les principes essentiels applicables aux SSIG : le respect de la subsidiarité ; plusieurs options alternatives de gestion directe par les collectivités ou d’appel à des organismes tiers

La communication précitée du 26 avril 2006 intitulée Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne : les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne (document COM (2006) 177 final) a récapitulé le cadre communautaire général dans lequel s’inscrivent les SSIG.

Après l’exposé d’éléments généraux sur sa conception des SSIG dans l’Union européenne, déjà évoquée au III de la première partie ci-dessus et le rappel d’une exigence générale de modernisation et de qualité, la Commission européenne a apporté plusieurs précisions d’ordre juridique.

Il s’agit, en premier lieu, de la portée du principe de subsidiarité et de la compétence des Etats membres en matière de qualification des SIEG, ce qui est essentiel dans un domaine de compétence partagée.

La Commission a ainsi rappelé la jurisprudence de la Cour de justice, suivant laquelle le traité reconnaît aux Etats membres, la liberté de définir des missions d’intérêt général et d’établir les principes d’organisation des services qui les accomplissent.

Dans la mise en œuvre de cette liberté, les Etats membres ne doivent pas commettre d’abus vis-à-vis de la notion d’intérêt général, et doivent respecter les grands principes du droit communautaire tels que celui de non discrimination.

Il y a un seul précédent d’une mise en cause d’un Etat membre par la Commission européenne dans la définition d’un service d’intérêt général.

C’est celui du logement social aux Pays-Bas. L’ampleur de ce secteur a conduit la Commission européenne à considérer qu’un lien devait être établi avec le logement des personnes défavorisées et que le logement des autres ménages ne pouvait être considéré comme un service d’intérêt général. Une injonction de mise en vente des logements sociaux en excédent a été prévue.

L’adoption du protocole sur les SIG annexé au traité de Lisbonne a mis fin à ce contentieux.

En deuxième lieu, la communication a rappelé les différentes options pour gérer les services concernés selon l’actuel droit communautaire.

La Commission européenne a ainsi précisé que l’octroi d’une aide ou d’une compensation publique n’est qu’une modalité parmi d’autres pour les relations entre les collectivités publiques et les SSIG. Ce cadre a ensuite été complété en 2007 dans un document spécifique de la Commission européenne SEC (2007) 1514/3.

Sont, en effet, possibles les différentes procédures alternatives suivantes :

– la gestion directe, en « régie », selon la terminologie classique du droit français ;

– la formule de la gestion par un tiers, mais si étroitement contrôlé par l’autorité publique que l’on qualifie la situation d’opération interne (« in house » en anglais). Les conditions en sont strictement définies : un contrôle de l’autorité publique analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ; l’essentiel de l’activité est réalisée avec l’autorité publique qui la contrôle (arrêt de la Cour de Justice du 12 novembre 1999, affaire C-107/98, Teckal) ;

– la gestion par un tiers.

Dans ce dernier cas de l’intervention d’un tiers, plusieurs formules sont possibles :

– le marché public de services. L’autorité publique paie au prestataire un service contre une rémunération déterminée. Même lorsque le seuil communautaire de 137.000 euros ou 211.000 euros selon le cas est dépassé, les règles de la directive 2004/18/CE, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne s’appliquent toutefois pas en totalité. Les services sociaux et de santé font partie de ceux soumis à une partie de ses dispositions seulement. Par ailleurs, l’arrêt Sodemare de la Cour de Justice, du 17 juin 1997 (affaire C-70/95), a reconnu la possibilité, à propos de l’accomplissement de certains objectifs du système de sécurité sociale, de réserver la participation à une procédure de marché à des seuls organismes sans but lucratif, dès lors qu’une telle restriction est nécessaire et proportionnée ;

– la délégation complète ou partielle de l’exercice d’une mission sociale, ou concession de services. Le service est économiquement exploité par son titulaire, sans paiement de l’autorité publique. Dans ce cas, les principes de transparence, d’égalité de traitement, de non discrimination, d’existence d’un recours et de proportionnalité s’appliquent ;

– le partenariat public-privé, à savoir l’association de la personne publique avec un opérateur privé, avec également l’obligation dans certains cas de prévoir des procédures de passation de marchés publics. La Cour a jugé que tel était le cas lorsqu’une collectivité publique a l’intention de conclure un marché à titre onéreux avec une entreprise juridiquement distincte dans laquelle elle détient une participation (arrêt C-26/03 du 11 janvier 2005, Stadt Halle) ;

– le recours à la compensation financière publique, selon les modalités soit de l’arrêt Altmark du 24 juillet 2003 (affaire C-208/00), soit du « paquet Monti-Kroes », ou aussi, comme l’a reconnu la Cour à propos du monopole postal, de l’arrêt Corbeau du 19 mai 1993 (affaire C-320/91) sur l’octroi à l’exploitant de droits exclusifs ou spéciaux, lorsque ceux-ci sont justifiés, à savoir nécessaires à l’accomplissement des missions d’intérêt général, et proportionnés aux nécessités de service public. La Commission européenne est soucieuse d’une transparence des procédures d’attribution.

Compte tenu des difficultés juridiques de cette solution de la compensation financière, elle fait l’objet de développements séparés au B ci-dessous.

La seconde communication de la Commission européenne est intervenue le 20 novembre 2007. Contrairement à la précédente, elle n’a pas concerné que les seuls SSIG, mais l’ensemble des SIG.

Accompagnant un communication d’ordre plus général ayant pour titre Un marché unique pour l’Europe au 21e siècle, et intitulée Les services d’intérêt général, y compris les services sociaux d’intérêt général : un nouvel engagement européen, cette seconde communication a rappelé la doctrine de la Commission européenne en la matière, à savoir :

– la compatibilité entre, d’une part, le développement de SIG de qualité, abordables et accessibles et, d’autre part, la création d’un marché intérieur ouvert et concurrentiel ;

– les acquis du protocole annexé au traité de Lisbonne, exposés ci-après ;

– une stratégie de soutien spécifique à la qualité des services sociaux dans l’ensemble de l’Union européenne.

Pour ce qui concerne les SSIG, la Commission européenne a rappelé qu’elle avait constaté à l’occasion des consultations menées que ces services faisaient l’objet de processus de modernisation et a précisé sa conception des grands objectifs et principes d’organisation des services sociaux.

Selon elle, ainsi, « les services sociaux sont souvent destinés à réaliser un certain nombre d’objectifs spécifiques:

« – il s’agit de services à la personne, conçus pour répondre aux besoins vitaux de l’homme, en particulier à ceux des usagers en situation vulnérable; ils offrent une protection contre les risques généraux et spécifiques de la vie et aident les personnes dans la maîtrise des défis de la vie ou des crises; ils sont également fournis aux familles, dans un contexte de modèles familiaux changeants, afin de soutenir leur rôle dans les soins apportés aux plus jeunes et aux plus âgés des membres de la famille, ainsi qu’aux personnes handicapées, et de compenser d’éventuelles défaillances au sein des familles; ils constituent des instruments clés pour la protection des droits de l’homme fondamentaux et de la dignité humaine;

« – ils jouent un rôle de prévention et de cohésion sociale, à l’égard de l’ensemble de la population, indépendamment de sa richesse ou de ses revenus;

« – ils contribuent à la lutte contre la discrimination, à l’égalité des sexes, à la protection de la santé humaine, à l’amélioration du niveau et de la qualité de vie ainsi qu’à la garantie de l’égalité des chances pour tous, renforçant ainsi la capacité des individus de participer pleinement à la société.

« Ces objectifs se reflètent dans les manières dont ces services sont organisés, fournis et financés:

« – afin de répondre aux multiples besoins des personnes en tant qu’individus, les services sociaux doivent être complets et personnalisés, conçus et prestés d’une manière intégrée; ils impliquent souvent une relation personnelle entre le bénéficiaire et le prestataire de services;

« – la définition et la fourniture d’un service doivent prendre en considération la diversité des usagers;

« – les services sociaux répondant aux besoins d’usagers vulnérables se caractérisent souvent par une relation asymétrique entre prestataires et bénéficiaires qui est différente d’une relation commerciale de type fournisseur-consommateur;

« – comme ces services sont souvent ancrés dans des traditions culturelles (locales), des solutions sur mesure, tenant compte des particularités de la situation locale, sont retenues, en garantissant la proximité entre le fournisseur de services et l’usager, tout en veillant à l’égalité d’accès aux services sur l’ensemble du territoire;

« – les fournisseurs de services ont souvent besoin d’une grande autonomie pour répondre à la variété et à l’évolution de la nature des besoins sociaux;

« – ces services sont généralement fondés sur le principe de solidarité et dépendent fortement de financements publics, de manière à garantir l’égalité d’accès, indépendamment des richesses ou des revenus;

« – les fournisseurs poursuivant un but non lucratif et les travailleurs bénévoles jouent souvent un rôle important dans la fourniture des services sociaux, à travers lequel ils expriment leur capacité citoyenne et contribuent à l’inclusion sociale, à la cohésion sociale des communautés locales et à la solidarité entre générations. »

3. La mise en ligne par la Commission européenne d’un service d’information interactif : un aveu implicite de l’insuffisance, notamment pour les SSIG, des règles actuelles.

a) Une formule exceptionnelle

La Commission européenne est parfaitement consciente des insuffisances de l’état actuel de sa démarche de clarification puisqu’elle a mis en place deux processus inhabituels pour répondre aux préoccupations des opérateurs.

En premier lieu, elle a ouvert, comme annoncé dans la communication de 2007, un service d’information interactif « chargé de répondre aux questions relatives à l’application du droit communautaire aux services d’intérêt général (à savoir les services répondant à des besoins quotidiens essentiels tels que l’énergie, les télécommunications, les transports, la radio et la télévision, les services postaux, les écoles, les services sociaux et de santé, etc.). »

« Cette initiative fait suite à une demande d’informations et de conseils pratiques supplémentaires sur la manière d’appliquer les règles de l’UE aux services d’intérêt général. Ce sont notamment les services sociaux d’intérêt général qui nécessitent de plus amples précisions. »

Ainsi, la Commission européenne reconnaît que le droit actuel est si peu clair qu’elle doit fournir une assistance de conseil juridique aux opérateurs et aux collectivités concernés pour l’ensemble des SIG.

Elle admet également que le problème est particulièrement aigu pour les SSIG.

En second lieu, la Commission européenne s’est engagée à présenter un rapport bisannuel sur les SSIG dans l’Union européenne. Comme précédemment indiqué, le premier rapport a été publié en juillet 2008.

b) Une limite qui jette le doute sur le rôle effectif du service : les avis émis dans ce cadre n’engagent pas la Commission européenne

On observera sans commentaire la réserve qui accompagne les réponses adressées au service de la Commission européenne : « Cette réponse ne peut être considérée comme une analyse des faits d’un cas individuel ou donnant une interprEtation formelle du droit communautaire en relation avec une situation donnée. Elle ne peut constituer un avis juridique engageant la Commission sur des questions de droit national ou relatives à la façon de structurer des appels d’offres ou des contrats ou d’organiser des mécanismes de compensation de service public. »

C’est dire que ces avis n’ont pas de valeur juridique. Ce ne seraient que des consultations.

B. Le fond de la question : le régime complexe, disproportionné et insuffisamment sécurisé du « paquet Monti-Kroes » sur la question des aides d’Etat sous forme de compensations de service public

1. La portée de l’incompatibilité de principe des aides d’Etat avec les règles de concurrence prévues par le traité de Rome

En doit communautaire, l’aide d’Etat vise non seulement l’aide versée à une entreprise ou à un exploitant, indépendamment de son statut, par l’Etat, mais également, comme on l’a vu, l’aide versée par une collectivité territoriale ou des organismes publics ou même des organismes privés créés pour gérer ces aides publiques.

La notion est également extensive, car elle vise non seulement les subventions mais également les autres aides fiscales (régime fiscal préférentiel tel que celui de certaines cotisations aux mutuelles), les aides financières (bonifications d’intérêt, prêts préférentiels etc.) ou autres.

En principe, les aides d’Etat sont incompatibles avec le traité de Rome, pour préserve la loyauté de la concurrence.

Ce principe posé à l’article 87 connaît des exceptions : les paragraphes 2 et 3 de ce même article établissent, d’une part, une liste limitative des aides compatibles de plein droit et, d’autre part, une liste non exhaustive d’aides pouvant être considérées comme telles.

Le contrôle de leur conformité ou non au traité est de la compétence de la Commission européenne, qui dispose de pouvoirs propres.

2. La compatibilité avec le traité des petites compensations : l’exemption des aides de minimis

Alors que le paragraphe 3 de l’article 88 du traité instituant la Communauté européenne prévoit l’obligation de notification des aides d’Etat à la Commission européenne afin d’établir leur compatibilité avec le marché intérieur, la règle dite de minimis a été mise en place pour exempter de cette obligation des aides et subventions de faibles montants.

Elle s’applique en dessous d’un plafond de 200.000 euros par bénéficiaire sur une période totale de trois ans, fixé par le règlement (CE) n° 1998/2006.

En raison de la crise économique et financière, un cadre économique temporaire du 17 décembre 2008 a cependant prévu un plafond à 500.000 euros d’aides forfaitaires maximales sur trois ans, pour les années 2009-2010.

3. Les conditions prévues par l’arrêt Altmark du 24 juillet 2003 pour que les compensations de service public ne constituent pas une aide d’Etat

a) Les hésitations jurisprudentielles antérieures

La question des sommes versées par les Etats membres, les collectivités territoriales et les autres organismes publics en compensation des obligations de service public illustre la manière dont le droit communautaire a rattrapé les SIG, à la suite de contentieux portés devant la Cour de Justice au nom d’atteintes à la concurrence.

La réponse à la question de fond, de savoir s’il s’agissait de simples compensations ou des aides d’Etat, c’est-à-dire des aides publiques octroyées par l’Etat, les collectivités locales ou les autres organismes similaires tels que les organismes de sécurité sociale, a longtemps été hésitante.

La position initiale de la Commission européenne, dite compensatoire, a d’abord été suivie par la Cour, notamment dans son arrêt du 7 février 1985 Association des brûleurs d’huiles usagées (affaire C-240/83), à propos d’une indemnité financée par une redevance perçue sur la base du principe du pollueur-payeur et ne dépassant pas les coûts effectifs.

Un changement de jurisprudence est ensuite intervenu en 1998, la Cour ayant d’abord confirmé, dans une ordonnance du 25 mars, un arrêt du 27 février 1997 (affaire T-106/95) du Tribunal de première instance dans l’affaire Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) (affaire C-174/97 P). Elle a ensuite confirmé dans l’arrêt du 22 juin 2000, France c/ Commission, à propos de la Coopérative d’exportation de livres français (CELF) (affaire C-332/98), que les aides relevant du 2 de l’article 86 du traité sur les SIEG étaient des aides d’Etat, donc des aides devant faire l’objet d’une notification préalable à la Commission, cette disposition autorisant une dérogation au principe d’incompatibilité au traité prévu à l’article 87 dès lors que les sommes concernées étaient proportionnées au surcoût résultant des obligations de service public.

Un nouveau revirement est ensuite intervenu dans l’arrêt du 22 novembre 2001 Ferring SA (affaire C53-00), la Cour ayant considéré qu’il n’y avait pas d’aide d’Etat en l’absence de surcompensation.

b) L’arrêt Altmark du 24 juillet 2003

Intervenu de manière assez inattendue dans un secteur faisant l’objet d’un règlement spécifique, le règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif aux transports terrestres, l’arrêt Altmark du 24 juillet 2003 a précisé les conditions dans lesquelles les compensations de service public ne constituaient pas une aide d’Etat.

Ces conditions sont au nombre de quatre :

– d’une part, l’entreprise bénéficiaire, au sens communautaire, c’est-à-dire l’exploitant, indépendamment de son statut, doit avoir des obligations de service public, lesquelles doivent être clairement définies ;

– d’autre part, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation, doivent être établis préalablement, ex ante, de manière objective et transparente ;

– en outre, il ne doit pas y avoir surcompensation : la compensation ne doit pas excéder ce qui nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes correspondantes, ainsi que d’un bénéfice raisonnable ;

– enfin, lorsque l’exploitant n’a pas été choisi dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services à moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation doit être fixé sur la base d’une analyse des coûts d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en tenant compte des recettes correspondantes ainsi que d’un bénéfice raisonnable.

Cet arrêt est indéniablement, en dépit de ses qualités et vertus, à l’origine des difficultés et incertitudes actuelles de nombres de SSIG et au-delà de SIG recevant des compensations de service public sous forme de subventions.

Les principes sur lesquels il repose sont incontestables, notamment si l’on tient compte de ce que les compensations sont versées par des collectivités publiques qui relèvent du principe du contrôle démocratique de l’usage du produit de l’impôt et des autres ressources publiques : définition préalable des critères applicables ; transparence ; utilisation justifiée des deniers publics ; absence de surcompensation ; référence à une entreprise bien gérée, adéquatement équipée et faisant un bénéfice raisonnable, à défaut de recours à une mise en concurrence.

Néanmoins, ces éléments sont, en pratique, très difficiles à apprécier.

Aussi la Commission européenne est-elle intervenue de manière à éviter plusieurs difficultés.

La solution qu’elle a proposé a été appelée « paquet Altmark » ou « paquet Monti-Kroes » du nom des deux commissaire successifs à la concurrence qui l’ont porté.

4. Le « paquet Monti-Kroes » de 2005 : un régime appréciable car alternatif aux critères de l’arrêt Altmark, mais tout aussi lourd et complexe, notamment pour les petits opérateurs

a) La philosophie de la démarche

L’arrêt Altmark prévoyant comme on l’a vu des conditions très strictes, nombre de compensations de service public se trouvaient de droit dans le champ des aides d’Etat.

Par conséquent, la Commission européenne s’est elle-même trouvée devant une difficulté juridique et pratique :

– d’une part, elle risquait d’être noyée par le nombre des notifications qui se trouvaient devenir obligatoires ;

– d’autre part, elle devait, sur le fond, définir une doctrine pour déterminer ce qui, parmi ces aides d’Etat, était ou non conforme au traité, sous réserve naturellement d’une éventuelle contestation de ses décisions devant la Cour de Justice.

Le « paquet Monti-Kroes » est donc un compromis, et un point d’équilibre, entre trois éléments :

– les principes posés par l’arrêt Altmark ;

– l’attachement des Etat membres et de leurs collectivités territoriales à leur liberté d’organiser, conformément au principe de subsidiarité, leurs services publics ;

– la volonté de la Commission européenne de donner une certaine sécurité juridique, tout en concentrant sa surveillance sur les plus fortes compensations.

Cet équilibre s’est traduit par trois textes :

– la décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE aux aides d’Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général ;

– l’encadrement communautaire 2005/C 297/04 du 28 novembre 2005 des aides d’Etat sous forme de compensation de service public ;

– la directive 2005/81/CE du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques, ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises, rendant obligatoire la tenue de comptes séparés selon le principe de la transparence comptable.

b) L’exemption de notification des aides d’Etat considérées comme compatibles avec le traité, prévue par la décision de la Commission européenne 2005/842/CE

La décision de la Commission européenne prévoit que sont considérées comme compatibles avec le traité et ainsi exemptées de l’obligation de notification à la Commission européenne des aides d’Etat prévues au paragraphe 3 de l’article 88 du traité, celles qui remplissent les conditions suivantes :

– l’obligation de mandatement : l’opérateur doit être mandaté. Le mandat doit notamment prévoir les obligations de service public, plus précisément leur nature et leur durée, de même que la nature des droits exclusifs ou spéciaux le cas échéant octroyés à l’entreprise. Cette exigence d’un mandat reprend une obligation jurisprudentielle ancienne, d’un acte de la puissance publique chargeant un opérateur de SIG, posée par l’arrêt BRT de la Cour de Justice, du 27 mars 1974 (affaire C-127/73) ;

– la transparence du mode de calcul de la compensation : le mandat doit également prévoir, à l’avance, les paramètres de calcul de la compensation ;

– le principe de la juste compensation : la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts correspondants à l’accomplissement des obligations de service public, compte tenu des recettes ainsi que d’un bénéfice raisonnable sur les capitaux propres nécessaires pour l’exécution de ces obligations. Elle doit être effectivement utilisée pour assurer le fonctionnement du SIEG concerné. Les coûts sont calculés sur la base des principes de comptabilité analytique généralement acceptés ;

– l’interdiction effective de toute surcompensation : le mandat doit enfin prévoir un mécanisme de contrôle pour éviter toute surcompensation et de remboursement éventuel. Les Etats membres doivent procéder ou faire procéder à des contrôles.

Ce dispositif ne concerne cependant pas tous les opérateurs. Il s’applique uniquement, d’une manière générale, aux opérateurs dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 100 millions d’euros et qui reçoivent moins de 30 millions d’euros par an au titre de leur compensation. Néanmoins, à titre dérogatoire, il s’applique sans limitation de taille ou de niveau de compensation aux hôpitaux et au secteur du logement social et des règles spécifiques sont par ailleurs prévues pour les services et infrastructures de transports de passagers.

c) L’obligation de notifier les compensations les plus importantes, prévue par l’encadrement communautaire 2005/C 297/04

Les compensations résiduelles, celles qui ne relèvent ni de la jurisprudence Altmark ni du champ de la décision précitée (les compensations supérieures à 30 millions d’euros ou celles versées aux entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 100 millions d’euros hors taxe sur les deux dernières années) doivent être préalablement notifiées à la Commission européenne.

L’encadrement communautaire des aides d’Etat sous forme de compensations de service public (2005/C 297/04) prévoit ainsi que ces aides d’Etat doivent, pour être compatibles avec le traité, respecter des dispositions qui sont analogues à celles de la décision.

d) Des règles tout à fait légitimes au nom de la transparence et du bon usage des deniers publics, mais objectivement hors de proportion avec les enjeux et qui, au demeurant, n’offrent pas une sécurité juridique totale

Dans l’ensemble, les régimes définis par l’arrêt Altmark, la décision et l’encadrement sont très similaires.

Dans le « paquet Monti-Kroes », la Commission européenne a repris les trois premiers critères de l’arrêt Altmark et n’a écarté que le dernier (procédure de marché public ou bien référence à une entreprise moyenne bien gérée).

Une lourdeur disproportionnée

Sur le fond, les rapporteurs partagent le point de vue suivant lequel le cadre ainsi fixé, à savoir « mandatement pour définir les obligations de service public, calcul des paramètres de la compensation et contrôle d’une absence de surcompensation », apparaît certes légitime au nom des principes de transparence et de contrôle démocratique, mais également très lourd.

Il implique une compétence juridique, de gestion et de comptabilité analytique qui n’est à la portée que des opérateurs et des collectivités d’une certaine taille.

Le rapport de la mission relative à la prise en compte des spécificités des services d’intérêt général dans la transposition de la directive « services » et l’application du droit communautaire des aides d’Etat, établi par M. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, président du groupe de travail, avec le concours de M. Alain Bodon, inspecteur général des finances, et Rémi Duchêne, inspecteur général de l’administration, constate à juste titre que ce dispositif s’applique à « des situations où les risques de fausser la concurrence sont extrêmement faibles, pour ne pas dire nuls » et que les éventuels avantages d’un rééquilibrage de la concurrence sont « hors de proportion avec les coûts administratifs induits ».

Il est rappelé que la France compte 36 000 collectivités territoriales, 60 000 opérateurs locaux de services de proximité, dont plus de la moitié opère dans le secteur social.

Auditionné par le groupe de travail, le maire d’une commune de 3 500 habitants a ainsi indiqué que 4 structures recevaient des concours publics supérieurs au seuil de minimis normal (celui de 200 000 euros) et devraient ainsi être mandatées si les règles étaient parfaitement respectées.

Une absence de véritable sécurité juridique du régime établi par la décision de la Commission européenne

Comme l’avaient relevé dans le cadre de leur rapport d’information (n° 2619) sur le financement des services d’intérêt général, MM. Bernard Derosier et Christian Philip, députés, la décision précitée 2005/842/CE offre essentiellement comme avantage l’absence de notification formelle à la Commission européenne d’un grand nombre de compensations. Ainsi, ces dernières ne peuvent être mises en cause pour des raisons de forme.

Sur le fond cependant, elles restent soumises aux conditions prévues par le droit communautaire et peuvent être remises en cause soit par la Commission européenne, saisie d’une aide illégale prétendue ou d’une application prétendue abusive de l’aide, soit à l’occasion d’un contentieux au titre d’une atteinte à la concurrence devant les juridictions nationales, avec éventuellement saisine du juge communautaire selon les développements de la procédure.

Un tel risque ne peut être négligé, car il y a incertitude au fond.

En matière d’aides d’Etat, en effet, la notion clé de l’affectation des échanges, susceptible de remettre en cause une aide, ne dépend pas, selon les termes mêmes de la Commission européenne, «  du caractère local ou régional du service fourni ou du niveau de l’activité concernée ».

Face à cette situation, l’obligation pour la collectivité concernée de vérifier pour chaque opérateur les 10 points de contrôle identifiés par l’ouvrage de référence du collectif SSIG

Sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux SSIG, le document de référence est le Guide pratique intitulé « les services sociaux d’intérêt général », publié par le Courrier des maires et réalisé par le Collectif SSIG, avec le soutien du Comité des régions et la Caisse des dépôts et consignations, sous coordination de M. Laurent Ghekière.

Les modalités de ce contrôle sont reproduites dans l’encadré suivant.

L’essentiel : check-list en 10 points de mise en conformité au droit communautaire

La mise en conformité avec le droit communautaire des modalités de contractualisation et de financement des services sociaux relève tout d’abord d’un processus de reformulation en référence au cadre conceptuel propre aux SIEG. Elle incorpore également une dimension de modernisation par une redéfinition de la nature des liens entre l’autorité organisatrice et les acteurs présents sur les territoires en référence à une mission clairement définie, à des obligations de service public et un principe de protection des utilisateurs et de satisfaction de leurs besoins sociaux essentiels. Si le formalisme exigé par le cadre SIEG apparaît de prime abord disproportionné et excessif au regard de la faible intensité de l’impact sur les échanges intracommunautaires de tels services sociaux, il se conjugue avec le large pouvoir discrétionnaire incombant à l’autorité organisatrice en matière de définition des missions et des obligations de service public, ainsi qu’avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, notamment en matière de choix d’organisation, de gestion et de mode de contractualisation par marché, concessions ou octroi de subventions, de droits spéciaux et exclusifs.

Ce processus de mise en conformité repose sur les 10 points clés suivants qui seront développés dans le présent chapitre et explicités dans le prochain sous la forme d’une délibération-type de mise en conformité :

1 - FONDEMENT DU SIEG > fonder l’existence d’une mission SIEG et sa protection des forces du marché – exigence incontournable du Traité + large pouvoir discrétionnaire de l’autorité publique sous le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission et en dernière instance de la Cour.

- Nécessité de satisfaire le besoin social
> justification politique (droits fondamentaux, protection sociale, cohésion sociale et territoriale, solidarité… cf. communication SSIG et communication sur l’inclusion active).

- Conditions économiques nécessaires à la satisfaction et à la protection de la mission des forces du marché
> justification économique : offre insuffisante, insuffisante rentabilité ne permettant pas une affectation spontanée de ressources par le marché, couverture territoriale partielle, prix excessif, faible qualité, discrimination dans l’accès consécutive à l’exercice de la liberté contractuelle, ségrégation spatiale, discontinuité territoriale de l’offre, sélection des risques et des utilisateurs, exclusion de groupes d’utilisateurs vulnérables… Ces éléments objectifs de fondement de l’existence même d’une mission d’intérêt général doivent être explicités notamment en qualité de considérant à tout acte officiel de qualification du service social de SIEG, y compris les engagements internationaux de la France au regard du Conseil de l’Europe (ratification de la charte sociale révisée) et des Nations unies (Déclaration universelle des droits de l’homme).

2 - QUALIFICATION EXPLICITE DE SIEG – large pouvoir discrétionnaire de l’autorité publique à qualifier les services en question de SIEG, notamment ceux préidentifiés par la Commission dans ses deux communications sur les SSIG

- Loi, décret, délégation de compétence, délibération de conseils régional, général, EPCI, municipal…

3 - RESPECT DES PRINCIPES GENERAUX DU TRAITE – exigences incontournables découlant du Traité à intégrer dans les modalités de mise en
œuvre concrète du SIEG
- Transparence > acte(s) officiel(s) de mandatement
- Proportionnalité > mesure limitée à ce qui est nécessaire pour satisfaire le besoin social
- Egalité de traitement > publicité préalable, impartialité de la procédure de mandatement, recours
- Nécessité > mesure nécessaire à la satisfaction du besoin social
- Non discrimination > selon la nationalité de l’entreprise mandatée

4- RESPECT DES PRINCIPES COMMUNS AUX SIEG – exigence incontournable découlant du Traité à intégrer dans le contenu même de la mission d’intérêt général et des obligations de service public qui en découlent.
- Accès universel > objectif d’accessibilité du service sur l’ensemble du territoire
- Continuité > permanence du service, continuité temporelle et territoriale
- Qualité > exigence de qualité, suivi, évaluation, réponse aux besoins des utilisateurs
- Accessibilité tarifaire > accessible financière pour les utilisateurs
- Protection des utilisateurs > correction de l’asymétrie d’information, encadrement des prestataires, voies de recours des utilisateurs, participation des utilisateurs


5 - DEFINITION D’UNE MISSION PARTICULIERE D’INTERET GENERAL – large pouvoir discrétionnaire de l’autorité publique en l’absence de compétence de l’UE en matière de politique sociale et de santé - Mission spécifique en lien avec la satisfaction du besoin social à satisfaire dans des conditions particulières, exorbitantes du droit commun.

6 - DEFINITION D’OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC – large pouvoir discrétionnaire de l’autorité publique en l’absence de compétence de l’UE en matière de politique sociale et de santé - Obligations spécifiques découlant de la mission particulière d’intérêt général (prix, accès, contenu, adaptabilité, programmation territoriale, durée, groupes cibles…)

7 - ACTE DE MANDATEMENT DES ENTREPRISES CHARGEES DE LA GESTION DU SIEG – acte légal d’activation de la clause de primauté de l’accomplissement de la mission d’intérêt général défi nie à l’article 86.2 du Traité consistant à charger les entreprises concernées de la gestion du SIEG

– Principe de transparence + liberté d’administration

- Loi, décret, circulaire, délibération, contrat officiel, contrat de marché public, de concession, contrat de performance, convention de subvention, acte officiel d’octroi de droit exclusif ou spéciaux… - liberté du choix de l’acte dès lors qu’il est opposable et qu’il induit pour le prestataire une obligation de fournir le SIEG aux utilisateurs éligibles (notion d’obligation de fournir le service).

- Contenu de l’acte de mandatement défi ni aux points 9a et 9b en fonction du mode de contractualisation.

8 – MANDATEMENT EFFECTIF PAR CONTRACTUALISATION – Liberté d’administration

de l’autorité publique, soit :

- 8a : PAR MANDATEMENT OUVERT : PUBLICITE PREALABLE ADEQUATE

ET PROCEDURE IMPARTIALE,

soit par :

- marché public de services (sans obligation d’appel d’offres pour les services sociaux en droit communautaire) > si la contractualisation prend effectivement la forme d’un marché, c’est-à-dire d’un simple achat par l’autorité organisatrice de prestations de services sociaux en contrepartie d’une rémunération fixe (ex. achat en tiers payant de X nuitées d’hébergement pour personnes sans domicile fi xe ou de X heures de formation pour personnes exclues du marché du travail).

soit par :

- concession de services > si la contractualisation prend la forme d’une délégation de gestion du service social incluant la prise en charge de tout ou partie de son risque d’exploitation par notamment une facturation totale ou partielle du coût du service social aux utilisateurs (la concession de service ne relève pas de l’application de la directive marché public car il ne s’agit pas d’un marché au sens de la directive).

- 8b : PAR MANDATEMENT DIRECT : OCTROI DE DROITS EXCLUSIFS

OU SPECIAUX,

soit par :

- octroi d’un droit exclusif à un seul opérateur sur un territoire donné > publicité préalable adéquate, nécessité et proportionnalité du droit exclusif notamment en cas de financement par péréquation financière ;

soit par :

- octroi de droits spéciaux à un ensemble d’opérateurs sur un territoire > publicité préalable adéquate, nécessité, proportionnalité, notamment sous la forme de régimes d’autorisation visant à corriger l’asymétrie d’information entre les prestataires et les utilisateurs (principe commun aux SIEG de protection des utilisateurs) du type :

- agrément ;

- autorisation préalable ;

- conventionnement ;

- licence…

9 - SUBVENTIONS OU TOUT AUTRE AVANTAGE SUR RESSOURCES
PUBLIQUES
Objectif communautaire : s’assurer qu’ils n’induisent pas un avantage économique pour la ou les entreprises bénéficiaires

- 9a : ne relèvent pas du contrôle des aides d’Etat > 4 critères jurisprudentiels à satisfaire

- Entreprise effectivement chargée de la gestion du service, obligations clairement définies
(cf. pt 5 à 7)

- Paramètres de calcul de la compensation préalablement établis de façon objective et transparente

- Juste compensation du coût de la fourniture du service social

- Octroyés par procédure de marché public ou sur base d’un référentiel de coûts d’une entreprise moyenne bien gérée.

Sinon,

- 9b : relèvent du contrôle communautaire des aides d’Etat mais sont exemptés de notification à la Commission européenne si :

- Acte officiel de mandatement précisant :

- Nature et durée des obligations de service public (cf. pt 6)

- Entreprises et territoires concernés (cf. pt 7 et 8)

- Droits exclusif ou spéciaux éventuellement octroyés (cf. pt 8)

- Paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation

- Modalités de remboursement et moyens d’éviter les surcompensations éventuelles

- Contrôle régulier de la juste compensation par l’autorité organisatrice.

Décision d’exemption de notification applicable aux :

- Entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 100 millions d’euros et/ou la compensation est inférieure à 30 millions d’euros/an.

- Hôpitaux et entreprises de logement social hors seuil de chiffre d’affaires et de compensation.

Ou…

- 9c : relèvent du contrôle des aides d’Etat et de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne

- les entreprises dont le chiffre d’affaires et/ou la compensation sont supérieurs aux seuils (hors hôpitaux et entreprises de logement social)

- en l’absence d’acte officiel de mandatement (cf. pt 7 et 9b)

- en l’absence de contrôle régulier de la juste compensation par l’autorité organisatrice (cf. pt 9b)

10 - TRANSPARENCE DES RELATIONS FINANCIERES

- Séparation comptable des activités relevant de SIEG des activités relevant des services ordinaires en cas de fourniture conjointe par une même entreprise.

C. Une intervention du législateur communautaire qui s’est limitée à une exclusion ambiguë du champ d’application de la directive « services »

La seule mention qui existe des SSIG dans une directive communautaire est l’exclusion prévue dans le cadre de la directive « services » 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Au demeurant, cette exclusion est d’ailleurs limitée, car elle ne vise, au j du 2 de son article 2, que les seuls « services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’Etat, par des prestataires mandatés par l’Etat ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’Etat ».

Elle repose sur trois critères :

– d’une part, celui du domaine couvert : logement social, aide à l’enfance et aux familles, aide aux personnes se trouvant de manière temporaire ou permanente dans une situation de besoin ;

– d’autre part, celui de l’institution qui délivre les prestations : soit l’Etat au sens communautaire du terme, à savoir une administration publique, soit des opérateurs mandatés, soit des associations caritatives ou reconnues comme telles par l’Etat ;

– enfin, celui du public visé : les personnes dans le besoin.

Cette dernière notion est, en fait, éclairée par le considérant n° 27 qui indique comme telles : « les personnes qui se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin particulière en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées ».

Pour plus de précision, est ajouté que « les services concernés sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité ».

Pour sa part, le considérant n° 28 affirme que ces précisions ne remettent pas en cause les compétences des Etats membres. La directive « services » n’affecte ainsi « ni le financement des services sociaux, ni le système d’aides qui y est lié. Elle n’affecte pas non plus les critères ou conditions fixés par les Etats membres pour assurer que les services sociaux exercent effectivement une fonction au bénéfice de l’intérêt public et de la cohésion sociale. En outre, elle ne devrait pas affecter le principe de service universel tel qu’il est mis en oeuvre dans les services sociaux des Etats membres. »

Ce régime d’exclusion a suscité quatre réserves.

D’abord sur le plan du droit, la combinaison de trois critères témoigne d’une conception étroite des services sociaux.

Ensuite, le critère d’activité ne vise que certains secteurs. Quid des autres ?

En outre, le critère touchant au statut conduit à distinguer ceux qui sont mandatés et les autres, alors que l’exclusion de la directive a une logique plus générale, qui est de faire sortir du champ du réexamen par l’Etat, des dispositifs d’encadrement particuliers d’activités, et non pas des opérateurs à titre individuels.

Enfin, l’utilisation de la notion de mandat tant dans cette exclusion de la directive « services » que dans le paquet Monti-Kroes suscite une inquiétude quant à la pérennité des financements publics.

En effet, certains opérateurs craignent que s’ils ne sont pas exclus du champ de la directive « services », alors ils perdent également la qualité d’opérateur mandaté au nom des règles relatives aux compensations de service public, ce qui impliquerait que les financements publics dont ils bénéficient ne soient plus des aides d’Etat exemptées de l’obligation de notification et réputées compatibles avec le traité.

D. Dans l’ensemble, un malaise des opérateurs et des élus vis-à-vis de règles qui affectent implicitement le libre choix tant du mode de financement des SSIG que de l’ampleur du public éligible

1. Des éléments objectifs

Les éléments qui précèdent conduisent à un constat d’ensemble de la part des opérateurs et des élus, d’une insécurité juridique et d’un manque de reconnaissance des SSIG, que l’on peut développer et préciser en quelques points.

D’abord, l’absence de cadre juridique spécifique pour les SSIG, alors même qu’il existe des SIG bénéficiant de directives sectorielles, conduit à considérer que l’application du droit commun « à titre résiduel », traduit un manque de reconnaissance pour le secteur qui serait en fait considéré comme une « catégorie de services résiduels » à la population.

Ensuite, dès lors qu’en dépit des améliorations et perfectionnements possibles que l’on peut leur apporter, les procédures de marchés publics, de délégation et de partenariat public-privé sont juridiquement plus sûres que les formules de compensation de service public ou d’octroi de droits exclusifs ou spéciaux, dans les relations entre les collectivités publiques aux opérateurs, certains ressentent une volonté délibérée de favoriser une régulation par la mise en concurrence, par le marché.

Cet élément est particulièrement sensible en France, notre pays étant, comme on l’a vu, en avance sur ses partenaires. Le nombre des associations dans le secteur social d’intérêt général et bénéficiant de concours publics y est plus élevé.

En outre, et de manière liée, les règles actuelles sont ressenties comme un déni implicite de la faculté d’initiative de la société civile. Dans la logique du mandat, la collectivité publique aide financièrement une association. La vision traditionnelle de la France, selon laquelle l’initiative de la société du tiers secteur trouve un appui et un relais au niveau de l’Etat ou des collectivités publiques, est inversée.

Enfin, ce tropisme ressenti vers la double logique de la commande publique et de l’appel au marché, fait ressortir des craintes quant à l’extinction d’une vision large du service social d’intérêt général, qui ne vise pas un public étroit, mais au contraire un public plus large à travers une logique de solidarité ou bien de mixité sociale.

Tel est notamment le cas pour les services d’accueil de la petite enfance, où le ciblage sur les seules familles à faibles revenus nuirait à la mixité sociale et, en outre, remettrait en cause les bons résultats de la France, par comparaison avec ses voisins et partenaires européens, en matière de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, et de fécondité.

2. Une situation très dépendante de la doctrine comme de la volonté d’agir ou non de la Commission européenne

Le sentiment d’insécurité juridique diffus est d’autant plus mal vécu que la réalisation des menaces réelles ou supposées sur le maintien des pratiques juridiques actuelles qui ne seraient pas conforme aux règles européennes ou à leur interprétation, dépend en fait largement de la doctrine de la Commission européenne.

On peut supposer à juste titre que celle-ci souhaitera se concentrer sur l’essentiel, et qu’elle ne sera pas conduite à s’intéresser à des cas mineurs. Tel est d’ailleurs le discours officieux qui a été relaté aux rapporteurs.

Néanmoins, chacun conviendra que l’Europe s’étant construite sur le principe de l’Etat de droit, une telle situation, qui laisse supposer que l’application des règles de droit et leur interprétation plus ou moins fidèle prime sur leur teneur, n’est pas satisfaisante.

III. DES DEMANDES POLITIQUES ET DES ANNONCES DE CLARIFICATION RESTÉES SANS SUITE, FAUTE D’INITIATIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

A. Les rapports ou avis du Parlement européen, du Comité économique et social européen, ainsi que du Comité des régions

La situation juridique des SSIG n’a été ni clarifié ni améliorée sous la présente mandature de la Commission européenne, faute de majorité en ce sens au sein du collège des commissaires et même du Conseil.

En effet, au cours de l’actuelle mandature, les demandes politiques du Parlement européen ont été en revanche assez claires, même s’il ne faut pas méconnaître leurs nuances.

En premier lieu, le 14 septembre 2006, a été adopté le rapport sur le Livre blanc de la Commission européenne sur les SIG, invitant « la Commission à créer plus de sécurité juridique dans le domaine des services sociaux et des services de santé d’intérêt général et à soumettre une proposition concernant une directive sectorielle du Conseil et du Parlement lorsque c’est approprié », M. Bernhard Rapkay (PSE, Allemagne) étant rapporteur.

En deuxième lieu, le 6 mars 2007, le Parlement européen a adopté le rapport de M. Joel Hasse-Ferreira sur les SSIG, dans lequel il « se félicite de l’intention de la Commission de continuer à approfondir son processus de consultation en vue de clarifier les conditions de mise en oeuvre de certaines règles communautaires applicables aux services sociaux ; estime par ailleurs que le processus de consultation approfondie proposé devrait être achevé d’ici à la mi-2007 et demande à la Commission d’élaborer une décision précisant les modalités de suivi de ce processus et d’identifier la meilleure approche à mettre en oeuvre en tenant notamment compte du besoin et de la légitimité d’une proposition législative sectorielle ».

Pour ce qui concerne les assemblées consultatives, des votes sont intervenus dans le même sens.

D’une part, le Comité des régions a adopté sur le rapport de M. Jean-Louis Destans (PSE, France), le 6 décembre 2006, un avis demandant clairement des initiatives législatives de la Commission européenne sur les SIG comme sur les SSIG.

Lors de son audition, le rapporteur a souligné que la démarche qu’il proposait avait reçu, indépendamment de l’appartenance politique de leur membres, l’assentiment des délégations des principaux pays voisins de la France, traduisant ainsi une certaine communauté de points de vue.

D’autre part, le Comité économique et social européen a adopté le 15 mars 2007, sur le rapport de M. Raymond Hencks (Luxembourg), un avis sur la communication précitée de 2007, demandant une directive cadre sur l’ensemble des SIG avec notamment des éléments sur les services de santé et les services sociaux d’intérêt général, adaptés à leurs spécificités.

Très récemment, la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a intégré ce sujet dans l’agenda politique. Elle a adopté, le 31 mars dernier, le rapport de Mme Jean Lambert (Verts/ALE, Royaume-Uni) sur l’inclusion active des personnes exclues du marché de l’emploi, qui demande un plan d’action pour une directive-cadre sur les services d’intérêt général assurant les droits d’accès à un service universel.

Au-delà, on observera qu’au niveau communautaire, la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est également exprimée dans le même sens.

Pour ce qui concerne la France, la demande d’un tel cadre clair a été exprimée par le Conseil économique et social, dans le cadre de l’avis précité dont le contenu fait référence, adopté le 9 avril 2008 sur le rapport de M. Frédéric Pascal et intitulé « Quel cadre juridique européen pour les services sociaux d’intérêt général ? ».

Au Sénat, par ailleurs, le rapport précité de Mme Catherine Tasca, présenté au nom de la Délégation pour l’Union européenne sur Les services d’intérêt général après le traité de Lisbonne, a rappelé, pour l’ensemble des SIG, tant la demande politique d’une directive cadre que, sur le plan du droit, les difficultés inhérentes à la notion de mandatement.

B. Des perspectives de clarification uniquement esquissées par la Commission européenne, mais qui n’ont pas été concrétisées

Pendant un certain temps, il a pu être considéré comme acquis que la Commission européenne présenterait une proposition de directive sur les SSIG, de même d’ailleurs qu’une proposition de directive cadre sur les SIG.

En effet, les conclusions adoptées lors du Conseil européen de Barcelone, les 15 et 16 mars 2002, l’ont clairement invitée à « poursuivre son examen en vue de consolider et de préciser, dans une proposition de directive-cadre, les principes relatifs aux services d’intérêt économique général qui sous-tendent l’article 16 du traité, dans le respect des spécificités des différents secteurs concernés et compte tenu des dispositions de l’article 86 du traité. »

Pourtant, celle-ci s’est limitée aux communications suivantes :

– le Livre vert de 2003 ;

– le Livre blanc de 2004 ;

– la Communication précitée du 26 avril 2006 sur les SSIG ;

– la Communication précitée du 20 novembre 2007 sur les services d’intérêt général, y compris les SSIG.

Plus spécifiquement, l’hypothèse d’une proposition relative aux SSIG a été évoquée d’une manière claire en deux occasions :

– d’abord, à la fin de cette même communication de 2006 sur les SSIG la Commission européenne précisait qu’à l’occasion de la consultation qu’elle organiserait, elle déciderait « de la suite à donner à ce processus et envisagerait la meilleure approche à suivre, y compris, en considérant la nécessité et la possibilité juridique d’une proposition législative » ;

– ensuite, le 17 septembre 2007, lors du premier Forum sur les SSIG, organisé sous la Présidence portugaise, le Commissaire européen aux affaires sociales, à l’emploi et à l’égalité des chances, M. Vladimir Spidla avait annoncé : « Afin de répondre à ce besoin croissant de sécurité juridique, la Communication stratégique, que j’entends présenter dans les prochains mois, proposera une approche proactive, dans l’esprit de l’article seize (16) du Traité sur l’Union Européenne. Il s’agira principalement de clarifier les aspects des règles communautaires relatives à la concurrence et au marché intérieur les plus pertinents pour la fourniture de Services Sociaux d’Intérêt Général. »

Sa conclusion était plus précise : « C’est également une étape nécessaire avant d’envisager d’adoption éventuelle d’un instrument législatif spécifique aux services sociaux. »

Ces perspectives n’ont pas été suivies d’effets.

C’est pourtant à la même période que le traité de Lisbonne a été négocié avec, d’une part, l’adjonction du protocole spécifique aux SIG et, d’autre part, une révision de l’article 16 du traité instituant la Communauté européenne, qui avant même d’être juridiquement en vigueur, ce qui ne peut intervenir qu’avec la ratification du traité de Lisbonne, représentait néanmoins, de la part des Etats membres, un signal politique fort.

Si de nombreux observateurs ont alors pensé que la voie d’une clarification était ouverte, la Commission européenne a cependant tiré des ces mêmes éléments des conclusions diamétralement opposées, présentées dans la communication précitée du 20 novembre 2007 « Les services d’intérêt général, y compris les services sociaux d’intérêt général : un nouvel engagement européen ».

D’abord, elle a suggéré de fournir des orientations juridiques sur les questions transversales, notamment par le service d’information interactif, site Internet précité dédié à ce sujet.

Ensuite, pour les SSIG, elle a exposé ce que l’on peut considérer comme une stratégie a minima pour, selon ses propres termes, « moderniser et développer les politiques sectorielles » par une « stratégie de soutien à la qualité des services sociaux dans l’ensemble de l’Union ».

Le terme a minima se justifie pleinement dès lors qu’un cadre était annoncé pour la question similaire des services de santé, également exclus de la directive « services ».

Ont été ainsi prévus pour les SSIG :

– la méthode ouverte de coordination pour la poursuite des réformes et des échanges de bonnes pratiques dans les Etats membres ;

– le développement de normes de qualités non contraignantes ;

– la promotion de la formation des autorités publiques dans la passation des marchés publics.

Ce dernier point est important, car il révèle implicitement une préférence majoritaire de la Commission européenne pour le marché.

Cette fermeture face à la demande qui était adressée a fait l’objet de justifications juridiques.

Elles ont été exprimées par le Commissaire à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, M. Vladimir Spidla, lors du deuxième forum sur les SSIG qui s’est tenu à Paris les 28 et 29 octobre 2008 et peuvent ainsi être résumées :

– la Commission européenne sécurise les SSIG par des actions concrètes ;

– le droit communautaire actuel n’oblige pas à la privatisation ou à l’externalisation des SSIG par les collectivités publiques, qui peuvent les délivrer elles-mêmes ou faire appel à un prestataire extérieur « in house » qu’elles contrôlent comme leur propre service ;

– en cas d’externalisation, les règles des marchés publics n’obligent pas le choix du moins disant, au détriment de la qualité ;

– le droit européen n’interdit pas le financement des services sociaux, même à 100%, par les Etats membres (Etat proprement dit et collectivités publiques), par des aides qui n’ont pas besoin d’être notifiées à la Commission européenne ;

– les difficultés viennent plus de la méconnaissance du droit européen, que des règles elles-mêmes.

Cette réponse technique ne saurait naturelle clore la discussion.

C. Les SSIG et les SIG : une question en débat au sein de la Commission européenne, mais aussi entre les Etats membres

Sur le fond, cette absence d’initiative de la Commission européenne sur les SSIG, comme d’ailleurs sur la question d’une éventuelle directive cadre sur les SIG, s’explique naturellement par l’existence de débats au sein du collège des commissaires.

Ces débats sont également des débats entre les directions générales des services de la Commission européenne.

Ils ressortent très clairement du compte rendu du deuxième forum sur les SSIG, qui a eu lieu à Paris les 28 et 29 octobre 2008, tel qu’il a été établi par Athenora consulting.

Si la représentante de la DG emploi et affaires sociales, Mme Concetta Cultrera, a mis l’accent sur la modernisation des SSIG de manière à s’adapter à des besoins changeants, à un contrôle accru des coûts, à une demande plus sophistiquée et complexe, ainsi que sur l’équilibre public/privé, le représentant de la DG marché intérieur, M. Klaus Wiedner, a évoqué l’objectif d’un meilleur service au meilleur prix dans un contexte de restriction budgétaire, ajoutant que l’objectif de la mise en concurrence était que les opérateurs privés ne soient pas exclus a priori.

On doit regretter que le Président de la Commission européenne n’ait pas arbitré ce débat.

Mais ainsi que l’a rappelé, lors de ce même forum, le directeur général de la DG emploi et affaires sociales de la Commission européenne, M. Nikolaus Van der Pas, les Etats membres n’ont pas donné de position majoritaire sur la question d’une législation européenne en matière de SSIG.

Or, comme il ne s’en est pas caché, le Président de la Commission européenne a surtout souhaité être à l’écoute des Etats membres dans l’exercice de son mandat.

Ainsi qu’il l’a été indiqué aux rapporteurs, tous les Etats membres ne sont pas sur la même position que la France.

D’une part, il y a les spécificités nationales. Le choix de la gestion directe des SSIG par les collectivités publiques ou de l’appel au marché s’accommode du cadre actuel mieux que ne le fait celui de la compensation de service public.

D’autre part, il faut compter avec la très forte sensibilité d’un grand nombre d’Etats membres à tout ce que concerne la subsidiarité.

Dans ce domaine de compétence partagée où ce principe joue avec une ampleur peu commune puisque celle-ci concerne tant la définition du champ des SSIG que l’organisation de leur gestion, la réserve peut légitimement être de mise face à la perspective d’un cadre commun tant que ni son contenu ni sa portée ne sont précisément définis.

TROISIEME PARTIE :
DES ÉVOLUTIONS À PRÉVOIR D’ORDRE ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE AU NIVEAU NATIONAL ET DE NIVEAU POLITIQUE SUR LE PLAN EUROPÉEN

Ainsi que l’avait suggéré lors de son audition par la Délégation pour l’Union européenne, M. Jacques Toubon, député européen, et que l’on rappelé aux rapporteurs plusieurs des personnalités entendues, notamment Mme Mireille Flam, vice-présidente du CEEP, et M. Jean-Louis Destans, membre du Comité des régions, les réponses aux difficultés posées par les règles européennes actuelles telles qu’elles s’appliquent aux SSIG ne se résument pas à des éléments d’ordre technique, mais relèvent d’un débat politique.

Si au niveau national le débat est essentiellement technique, la situation est inverse au niveau communautaire où la nature des questions à régler tient sans ambiguïté de l’arbitrage politique.

Ces conclusions valent plus particulièrement pour les SSIG, mais les rapporteurs ont pu constater que nombre d’entre elles valent aussi pour d’autres SIG.

I. AMÉLIORER DANS NOTRE PAYS L’APPLICATION DES RÈGLES EUROPÉENNES À L’OCCASION DU BILAN DE LA MISE EN œUVRE DU PAQUET MONTI-KROES ET DE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « SERVICES »

La question de la mise en œuvre des prescriptions du droit communautaire en matière de services d’intérêt général, et notamment en matière de SSIG, au niveau national, a récemment fait l’objet de deux rapports correspondant à deux échéances :

 – chronologiquement, le premier est le rapport qui aurait dû être celui, destiné à la Commission européenne, sur la mise en œuvre des règles établies dans le cadre du « paquet Monti-Kroes » sur la compatibilité des aides de compensation de service public avec les règles de la concurrence prévues par le traité. La date initiale du 19 décembre 2008 n’a cependant pas été respectée par la France. A partir des 27 rapports nationaux, la Commission européenne devra ensuite faire une synthèse avant le 19 décembre 2009. Ce rapport a été transmis aux rapporteurs le 12 mars 2009 ;

– le second rapport, destiné à évaluer « la prise en compte des spécificités des services d’intérêt général dans la transposition de la directive « services » et l’application du droit communautaire des aides d’Etat », établi par le groupe de travail précité, présidé par M. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, a pu, pour sa part, être achevé dès le mois de janvier 2009.

Le constat de fait qu’ils dressent est partagé par les rapporteurs. Il en est, de même, des principales orientations sur l’amélioration du droit national ou de l’organisation administrative.

Les éléments qui suivent doivent rester assez succincts, dans la mesure où il s’agit de ne pas préempter les sujets relatifs à la transposition de la directive « services », laquelle doit faire de la part de la Commission chargée des affaires européennes l’objet d’un rapport spécifique, de MM. Christophe Caresche et Daniel Fasquelle.

A. Opter pour une conception large de la notion de mandat pour l’application du « paquet Monti-Kroes » et retenir une approche opératoire pour la transposition de la directive « services »

Sans que les sujets concernés ne lui soient nécessairement liés, la transposition de la directive « services » est l’occasion de procéder à un certain nombre de clarifications sur la question des SSIG et plus généralement sur celle des SIEG.

Ainsi que l’a indiqué M. Jacques Toubon, député européen, lors du Deuxième forum sur les SSIG, la transposition de la directive « services » donne l’occasion d’une législation nationale permettant de qualifier les SIEG en tenant compte de la diversité du secteur.

Même si les sujets sont indépendants et doivent bien être distingués, la transposition doit permettre non seulement d’appliquer la directive « services », mais également d’améliorer le cadre de mise en œuvre du « paquet Monti-Kroes ».

1. Choisir une approche pragmatique et large de la notion de mandat pour les SIEG

Le rapport précité du groupe de travail présidé par M. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, rappelle que le droit français prévoit pour l’instant plusieurs dispositifs généraux qui permettent de présumer de la notion de mandat telle qu’elle est nécessaire pour justifier les compensations de service public. Le rapport du gouvernement sur l’application du « paquet Monti-Kroes » met l’accent sur cette convergence du droit national et du droit européen dans les modalités suivant lesquelles des opérateurs se voient confier des missions de service public et perçoivent des compensations à ce titre.

Tel est notamment le cas pour le logement social, les établissements et services concourant à l’action sociale et médico-sociale, définis par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, les opérateurs sociaux ou d’intérêt général en matière de petite enfance, les services d’animation sociale et socio-éducative ayant des conventions avec les CAF, les opérateurs nationaux du service de l’emploi et les opérateurs locaux délégués, pour s’en tenir aux seuls SSIG.

Les problèmes restant à régler sont par conséquent assez ciblés sur quelques régimes spécifiques qui ne se rapprocheraient pas de cette notion.

Le principal élément sur lequel l’attention doit se porter est l’obligation de faire, à savoir l’obligation de prester qui est exigée par la Commission européenne.

Une telle approche du mandatement est indéniablement préférable à tout autre, car large et pragmatique, sous réserve naturellement qu’elle soit in fine admise par la Commission européenne.

2. Transposer de manière cohérente et juridiquement sûre l’exclusion des services sociaux de la directive « services »

Le principal enjeu de la directive « services », après la profonde révision du texte initial sur l’initiative du Parlement européen pour en éliminer le principe du pays d’origine, est de contraindre les Etats membres à s’assurer que les règles nationales qui régissent les différentes activités de services, procédures d’autorisation ou d’encadrement le plus souvent spécifiques à l’une d’entre elles uniquement, ne portent pas directement ou indirectement atteinte aux principes de la liberté d’établissement ou de la libre prestation de services transfrontière.

Les dispositifs qui seraient contraires ne peuvent toutefois être maintenus dans le droit national que par d’impérieuses nécessités d’intérêt général. Au 8 de l’article 4, sont notamment retenus comme relevant de cette notion, les « objectifs de la politique sociale ».

L’exclusion prévue au j du 2 de l’article 2 relative aux « services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’Etat, par des prestataires mandatés par l’Etat ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’Etat » dispense seulement les Etats membres de justifier des dispositifs d’encadrement particuliers en place comme de mettre à la disposition des prestataires européens, des informations dans le cadre des guichets uniques.

Sur le fond, elle n’est pas des plus simples, dans la mesure où comme on l’a vu précédemment, elle combine un critère matériel (l’activité exercée), un critère organique (le statut) et un critère de finalité (le public visé).

Le groupe de travail précité, présidé par M. Michel Thierry, propose une approche rigoureuse et par bloc fondée sur la seule exclusion des secteurs ou ensembles de services délivrés soit par l’Etat ou des organismes publics, soit par des opérateurs ou organismes mandatés.

Seraient ainsi visés les régimes relatifs à l’habitat social et au logement des plus démunis, les organismes relevant de la loi précitée n° 2002-2 du 2 janvier 2002 relative aux institutions sociales et médico-sociales, les services d’aide à domicile en direction des populations vulnérables définis aux 6° et 7° du code de la famille et de l’aide sociale et la protection judiciaire de la jeunesse.

On peut, à l’opposé, opter pour une approche plus large des personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin, optique notamment défendue par le représentant de l’Assemblée des départements de France, entendu par les rapporteurs, M. Jean-Louis Destans.

L’un des enjeux est le régime de l’aide aux personnes âgées.

A ce stade, les rapporteurs ne souhaitent pas aller au-delà de ce constat, afin de ne pas préempter la question de la transposition de la directive « services ».

Ce point de vue est d’autant plus justifiable que les exclusions du champ de la directive « services » n’ont pas de conséquence sur le régime des aides d’Etat, d’ailleurs plus exigeant.

Néanmoins, ils estiment que le champ large des services sociaux en France et leur rôle de défense de la mixité sociale doit être affirmé et, que pour éviter toute controverse, les secteurs qui ne seraient pas exclus du champ de la directive « services » soient quand même juridiquement identifiés comme des SIEG et qu’ils ne soient pas exclus de toute notion de mandatement, afin d’éviter que sur la base d’une ambiguïté du droit interne, le bénéfice du « paquet Monti-Kroes » ne puisse leur être dénié et ainsi que leurs financements soient mis en cause.

3. Donner un contenu à la notion d’association caritative reconnue telle que prévue pour cette exclusion de la directive « services »

La notion d’association caritative reconnue n’existe actuellement pas en droit français.

Les rapporteurs partagent l’avis du groupe de travail précité suivant lequel il serait approprié, sans créer de nouveau régime, lequel s’inscrirait mal dans les principes du cadre associatif de la loi de 1901, de prévoir une disposition législative visant à qualifier comme telle, au titre des règles issues de la transposition de la directive « services », certaines associations reconnues d’utilité publique ou conventionnées pour l’exercice de missions sociales ou de solidarité.

Il convient, en effet, de tirer parti des quelques apports juridiques de la directive « services ».

B. Améliorer le cadre de mise en œuvre et de suivi des compensations de service public

1. Prévoir un nouvel instrument juridique, spécifique, rétablissant un certain équilibre entre le régime d’octroi de compensation ou de droits spéciaux, et les autres modes de recours à des organismes tiers

Comme on l’a vu, les règles actuellement applicables aux SSIG sont dissymétriques, car, en cas de relations entre une collectivité publique et un tiers, elles sont plus sécurisantes pour la formule du marché public, de la délégation ou du partenariat public-privé que pour celle de la compensation de service public ou des droits spéciaux.

Même si la solution relève in fine d’une évolution du droit communautaire, le droit national peut être amélioré, ne serait-ce que pour établir une symétrie formelle entre les différentes procédures.

Ce souhait d’un nouvel instrument a été exprimé par le rapporteur du Conseil économique et social, M. Frédéric Pascal, dans le cadre de l’avis précité, qui recommandait un groupe de travail sur une « convention de SSIG définissant l’obligation de prester en contrepartie d’engagements réciproques. ».

Il a été également partagé par le groupe de travail précité, présidé par M. Michel Thierry, qui a envisagé la création, par la loi, d’un nouvel instrument, la convention de partenariat d’intérêt général, pour disposer d’un vecteur juridique clair pour les SSIG.

Il s’appliquerait au tiers secteur et représenterait un cadre plus complet que celui actuellement prévu pour les conventions d’objectifs. Il pourrait également s’appliquer aux autres SIEG, les problèmes étant similaires.

Seraient notamment définis l’objet précis du SIEG et ses obligations de service public, les règles préalables de compensation et l’individualisation des coût correspondants dans la comptabilité.

De manière assez précise, ce nouvel instrument devrait clairement faire ressortir les conditions dans lesquelles le SSIG concerné exercera. La jurisprudence nationale tend, en effet, à requalifier en marché les subventions accordées sur appels à projets.

2. Organiser les cas de financement par plusieurs collectivités

Dans le cadre actuel des règles communautaires, la question du cofinancement d’un SIEG ou d’un SSIG par plusieurs collectivités n’est pas abordée.

Pour sa part, les services de la Commission européenne ont donné une réponse dans le cadre d’une consultation, dans les termes suivants, transmis aux rapporteurs par M. Laurent Ghekière.

« Au regard du droit communautaire et particulièrement des aides d’Etat, le mandatement doit être adapté au droit interne de l’Etat membre concerné au titre duquel il doit instituer une obligation pour le prestataire retenu de fournir le service concerné. On pourrait par exemple imaginer qu’un acte établi par une région soit ensuite approuvé par une délibération d’un conseil municipal, la décision d’approbation constituant donc un mandatement également de la part de la commune concernée. On pourrait également imaginer qu’un acte de mandatement soit établi et approuvé de manière conjointe par une région, un département et une commune, ou entre deux communes et deux régions pour un SIEG donné à fournir par un ou plusieurs prestataires donnés.

« Dans ces deux exemples, la condition de mandat semblerait remplie pour l’ensemble des collectivités participantes.

« De manière générale, à partir du moment où un acte de mandatement définit la nature et la durée des obligations de service public, les entreprises et le territoire concernés, la nature des droits exclusifs ou spéciaux éventuels octroyés à l’entreprise, les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation, ainsi que les modalités de remboursement des éventuelles surcompensations et les moyens d’éviter ces surcompensations, la forme de l’acte juridique choisie ainsi que le nombre d’autorités publiques concernées n’affecte pas son caractère de mandat au sens des textes SIEG. »

Sur la base de cette réponse, on peut souhaiter une première clarification du droit français, notamment et sans prétendre épuiser le champ des formules possibles, pour identifier une collectivité pilote en matière de contrôle, comme le préconise le groupe de travail précité, présidé par M. Michel Thierry.

3. Développer les conditions d’une meilleure appropriation des règles par les élus, les agents publics et les opérateurs

En matière d’information des élus et des agents publics, améliorer la situation actuelle est sans nul doute possible.

Le premier texte général s’adressant « au terrain » à avoir mentionné la question du « paquet Monti-Kroes » a été la circulaire du ministre de l’intérieur et des collectivités locales du 4 juillet 2008, qui demandait, en fait, que les éléments du bilan sur sa mise en œuvre soient adressés à la direction générale des collectivités territoriales avant novembre 2008.

Ainsi ne doit-on pas méconnaître que le « paquet Monti-Kroes » est resté largement ignoré des collectivités et des opérateurs.

Il n’appartient pas au présent rapport d’établir un quelconque jugement ou d’éventuelles responsabilités.

En revanche, partageant le constat général d’un manque patent d’information des élus et des opérateurs, ne serait-ce que parce que le débat s’est focalisé sur la directive « services », et que l’essentiel de ce qui a été fait est dû au travail de fond et d’excellente qualité du collectif SSIG, les rapporteurs recommandent la diffusion la plus large possible par l’Etat de documents explicatifs, de décisions ou schémas de conventionnement type, de formation des élus et des agents publics.

4. Adapter les règles actuelles de contrôle et de transparence au suivi des compensations

Une dernière amélioration du droit et des pratiques internes concerne l’aménagement des règles et pratiques du contrôle budgétaire et financier, de manière à bien l’adapter au suivi des compensations de service public. C’est sur ce point que l’écart entre le droit national et le droit communautaire est le plus tangible.

S’il s’agit pour l’essentiel de règles définies par l’Etat et applicables à des personnes publiques, il ne faut pas méconnaître qu’une adaptation doit également être envisagée pour les mesures de transparence prises en application de la directive précitée du paquet Monti-Kroes.

Tel que fixé par l’ordonnance du 7 juin 2004 et le décret en Conseil d’Etat du 23 novembre 2004, le seuil de tenue de comptes séparés pour les organismes qui soit reçoivent une compensation de service public, soit bénéficient de droits exclusifs ou spéciaux, est particulièrement élevé, avec 40 millions d’euros, de chiffre d’affaires sur deux exercices consécutifs.

Il convient d’avoir une approche plus réaliste et plus conforme à l’objectif du contrôle de la surcompensation, en définissant les outils financiers adaptés.

II. UNE EXIGENCE POLITIQUE DE CLARIFICATION ET DE RECONNAISSANCE QUI POURRAIT JUSTIFIER, A TERME ET DANS LE RESPECT DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ, COMME DE NOS PRINCIPES RÉPUBLICAINS ET DE NOS TRADITIONS, UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR EUROPÉEN

A. Tirer parti de la dynamique des acquis de la Présidence française de l’Union européenne pour établir un constat commun sur le contenu des améliorations à apporter au cadre actuel

1. Un processus bien engagé

Sur le plan communautaire, les réflexions sur les SSIG, qui ont vocation à permettre l’évolution du droit applicable, ont connu une importante inflexion sous la Présidence française.

Plusieurs éléments sont ainsi à mettre à l’actif des acquis, et ainsi des réussites, de cette présidence, notamment sous l’impulsion de M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

En premier lieu, les éléments antérieurs du débat et de la réflexion ont été poursuivis. Ainsi, comme on l’a vu, le deuxième Forum sur les SSIG a été organisé les 28 et 29 octobre 2008, un an après le premier d’entre eux intervenu à Lisbonne en septembre 2007 sous présidence portugaise. Le troisième Forum est prévu pour décembre 2010, sous présidence belge.

La présidence tchèque prévoit une conférence sur les services sociaux à la fin du mois d’avril.

Tous les partenaires ont été représentés et des échanges ont pu avoir lieu avec la Commission européenne.

En deuxième lieu, le Conseil EPSCO (Emploi, Politique sociale, Santé, Consommateurs) des 15 et 16 décembre 2008 a autorisé la transmission à Commission européenne, par la Présidence française, de la feuille de route sur les SSIG, pour poser les jalons des prochaines années.

Plusieurs rendez-vous et éléments concrets ont été actés :

– d’une part, la promotion de la qualité des SSIG, avec notamment la construction progressive d’un cadre de qualité, au sein du comité de protection sociale, pour inspirer les réflexions engagées au niveau national, sans s’imposer aux Etats membres, ainsi que des échanges de bonnes pratiques ont été prévus, dans le cadre de la méthode ouverte de coordination ;

– d’autre part, les éléments d’un cadre juridique favorable au développement des SSIG ont été retenus ;

– enfin, il a été rappelé que le travail d’identification des questions en suspens devait être poursuivi, avec la nécessité d’un dispositif de « veille » et de « bilans » à échéances régulières.

En troisième lieu, le Conseil EPSCO de décembre dernier a adopté les conclusions opérationnelles du groupe « services sociaux d’intérêt général » présidé par M. Bernhard Spiegel (Autriche) au sein du comité de la protection sociale.

Les travaux de ce groupe se poursuivent. Ils devraient aboutir sous présidence suédoise au second semestre 2009.

S’agissant plus particulièrement de la qualité des SSIG, les premiers travaux ont été engagés dès le début de la présidence tchèque, dans le cadre du Comité européen de normalisation.

Dans sa lettre du 4 février 2009 au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, M. Brice Hortefeux, le commissaire Vladimir Spidla a indiqué soutenir ces démarches, ainsi que des actions de formation aux autorités publiques sur les règles européennes.

Toutefois, pour une partie des rapporteurs, force est de constater cependant que, malgré les efforts louables des ministres concernés, la présidence française n’a pas donné l’impulsion décisive que beaucoup attendaient. Ainsi M. Frédéric Pascal dans son rapport au Conseil économique, social et environnemental estimait que « les SIG pouvaient figurer comme point à l’ordre du jour du Conseil européen de décembre 2008 ». Il n’en fut rien. Jacques Toubon devant la Délégation s’était exprimé dans le même sens estimant que la présidence française constituait « une fenêtre de tir à ne pas manquer » et qu’« il fallait aboutir à un cadre juridique pour les services sociaux d’intérêt général ». Le bilan de la présidence française dans ce domaine est maigre et décevant au regard des attentes placées en elle.

2. Les premiers éléments d’un constat commun, dans l’attente d’un rapport de la Commission européenne sur l’application du paquet Monti-Kroes en décembre prochain

a) Les conclusions opérationnelles du groupe Spiegel sur une nécessaire clarification des règles, notamment sur le tiers secteur

Adoptées par le Conseil EPSCO, ces premières conclusions ont d’ores et déjà mis en évidence la nécessité d’une évolution des règles sur trois éléments :

– la coopération entre autorités ou établissements publics, ou les partenariats public-public. La question est de savoir si ces règles sont soumises ou non aux règles de passation des marchés publics ;

– le rôle du tiers secteur, à savoir la reconnaissance des organismes sans but lucratif, ce qui est déjà le cas dans plusieurs Etats membres ;

– les procédures alternatives aux marchés publics (licences, appels à propositions, dotations pour projet etc.).

Au-delà, est également apparue la nécessité d’éviter d’imposer des charges trop lourdes aux petits opérateurs.

b) Les premières conclusions sur l’application du « paquet Monti-Kroes » : faire évoluer les conditions du contrôle des éventuelles surcompensations ; clarifier la notion d’atteinte à la concurrence

S’agissant de l’application du « paquet Monti-Kroes », on peut, sans attendre la conclusion du rapport de synthèse de décembre prochain de la Commission européenne, estimer qu’une évolution est nécessaire, sur la question du contrôle des surcompensations.

La lourdeur du système actuel provient de ce que le contrôle est obligatoire et que l’absence de surcompensation doit être prouvée.

On peut tout à fait concevoir un système plus léger reposant, comme cela a été indiqué aux rapporteurs, tant sur le principe d’un contrôle a posteriori organisé au cas par cas que sur l’inversion de la charge de la preuve : la surcompensation devrait être démontrée.

Il apparaît que dans ce cas la procédure serait adaptée aux enjeux. Elle n’interviendrait que lorsque le risque d’une atteinte dommageable à la concurrence serait avéré.

Une autre évolution est nécessaire pour clarifier la notion d’atteinte à la concurrence et aux règles du marché intérieur. Il convient, en effet, d’éviter la pérennisation de lourdes incertitudes pour les petits opérateurs.

c) La possibilité d’envisager un de minimis social spécifique

Comme on l’a vu, les circonstances actuelles ont conduit à porter le plafond de facto de l’exemption de minimis de 200.000 euros à 500.000 euros par bénéficiaire et par an.

Indépendamment d’un éventuel retour à la situation antérieure à la fin de l’année 2010, on peut envisager, comme le fait d’ailleurs le groupe de travail précité présidé par M. Michel Thierry, un plafond spécifique aux SSIG, afin d’exonérer les plus petits opérateurs des contraintes administratives relatives au suivi des compensations.

B. Créer, au sein du prochain Parlement européen, une dynamique politique pour que les personnalités prévues pour être commissaires européens exposent, lors de leur audition préalable, leur point de vue sur les SSIG, et au-delà, sur les SIG

Le paradoxe de la situation actuelle des SSIG, et au-delà de celle des SIG, est qu’une demande politique adressée par le Parlement européen, et au-delà par le Comité économique et social et le Comité des régions, n’a pas été suivie par la Commission européenne.

Or, le débat sur la directive « services » a montré que le poids politique du Parlement européen, notamment, devait être pris en considération.

Aussi, sans préjuger des résultats des élections européennes et des personnalités qui seront proposées pour être Commissaire européen, apparaît-il souhaitable de créer, dès le début du mandat de la prochaine Commission européenne, une dynamique politique favorable au règlement de la question des SSIG, ainsi que des SIG.

Dès lors que les personnalités concernées sont entendues par les commissions du Parlement européen et que le précédent de la désignation de l’actuelle Commission européenne a montré que ces auditions n’étaient pas formelles, mais pouvaient peser sur le choix et l’affectation des personnes, il faut souhaiter que les SSIG et les SIG soient l’un des sujets évoqués à cette occasion.

En raison du principe de collégialité de la Commission européenne, il convient que cette question ne soit pas évoquée uniquement avec les futurs commissaires concernés, ceux chargés des affaires sociales, de la concurrence et du marché intérieur, mais également avec les autres.

C. S’appuyer, une fois sa ratification acquise, sur les avancées du traité de Lisbonne sur les SIG

Le traité de Lisbonne a prévu pour les SIG deux avancées : l’une dans le cadre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui a vocation à remplacer le traité de Rome ; l’autre dans le cadre d’un protocole additionnel.

Celles-ci sont subordonnées à sa ratification par deux Etats membres : l’Irlande, ainsi que la République tchèque. Il n’est pas en l’état possible de se prononcer de manière définitive sur ce sujet, dans l’attente de l’aboutissement des processus en cours.

1. La révision de l’actuel article 16 du traité de Rome (futur article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) : un nouvel équilibre entre le législateur communautaire et la Commission européenne et les conditions d’un dialogue sur les SSIG et les SIG

Le traité de Lisbonne prévoit une modification de l’actuel article 16 du traité de Rome, de manière à permettre explicitement l’intervention du législateur européen dans une matière dont on a vu qu’elle était largement entre les mains de la Commission européenne.

Devenu l’article 14 dans le cadre d’une renumérotation, le futur dispositif prévoit que, dorénavant, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les principes relatifs aux SIEG et fixent les conditions dans d’accomplissement de leur mission, sans préjudice de la compétence qu’ont les Etats membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.

Sont ainsi créées les conditions d’un dialogue avec la Commission européenne, même si :

- d’une part, celle-ci continue de détenir, comme on l’a vu, des pouvoirs propres au titre du contrôle des aides d’Etat ;

– d’autre part, le législateur communautaire se voit certes reconnaître une nouvelle compétence explicite, mais la Commission européenne conserve le monopole de l’initiative législative ;

– en outre, en dépit de la codécision, l’exigence d’un règlement applicable de plein droit dans tous les Etats membres, et non d’une directive, fait que la procédure sera nécessairement plus difficile à aboutir.

2. Le protocole annexé au traité : l’affirmation du principe de subsidiarité et une plus grande sécurité juridique

Pour sa part, le protocole interprétatif annexé au traité est essentiel à deux points de vue.

D’une part, il confirme les compétences des Etats membres tant sur les services non économiques d’intérêt général (SNEIG) que sur les services économiques d’intérêt général (SIEG), dont il consacre la distinction, déjà opérée par la jurisprudence.

D’autre part, il le fait d’une manière différenciée.

Pour les premiers, son article 2 en fait clairement un secteur exclu : « Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des Etats membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d’intérêt général ».

Pour les SIEG, le protocole permet d’interpréter les dispositions de l’article 14 (ex article 16) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne autour de trois principes :

– d’abord, le pouvoir discrétionnaire des Etats membres, ainsi que des autorités nationales, régionales et locales, pour fournir, faire exécuter et organiser ces services d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;

— ensuite, la reconnaissance de leur diversité et ainsi des disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes;

— enfin, les objectifs d’un niveau élevé de qualité comme de sécurité, de même qu’un caractère abordable, auxquels il faut ajouter les principes et valeurs de l’égalité de traitement et de la promotion de l’accès universel comme des droits des utilisateurs.

D. Reconnaître d’ores et déjà la légitimité d’une éventuelle intervention du Législateur communautaire sur les SSIG, dès lors qu’elle respecterait le principe de subsidiarité, ainsi que les principes et équilibres de notre tradition républicaine

1. La légitimité d’un rapatriement dans la compétence du législateur communautaire d’une partie d’un droit des SSIG pour l’instant défini par la Commission européenne et la Cour de Justice

La nature des instruments juridiques destinés à clarifier et à sécuriser le droit des SSIG et à reconnaître leur spécificité dépendra largement des conclusions du groupe Spiegel sur le fond des règles à envisager.

Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que plusieurs éléments plaident en faveur d’une intervention du législateur communautaire :

– d’une part, il s’agit de reconnaître à travers les SSIG l’importance d’un secteur qui œuvre notamment pour la mise en œuvre des valeurs fondamentales de dignité humaine, ainsi que de cohésion sociale et de cohésion territoriale ;

– d’autre part, il convient de porter le débat au niveau où il doit l’être, à savoir au niveau politique, puisqu’il s’agit d’arbitrer politiquement, et non d’une manière technique voire technocratique, entre les règles de concurrence et les objectifs du traité. Le fait que le traité de Lisbonne ait fait de la libre concurrence un moyen et non plus un objectif du traité confirme ce point de vue ;

– enfin, il importe également que le législateur communautaire puisse acter, comme cela transparaît dans d’autres secteurs, la fin de la culture du tout marché pour un secteur qui estime en avoir souffert.

A cet égard, la lutte contre les conséquences de la crise financière a fait apparaître, notamment pour le sauvetage du secteur bancaire, que l’approche par le seul marché avait ses limites et que le pragmatisme était préférable.

2. Affirmer d’ores et déjà l’ambition de pleinement respecter le principe de subsidiarité, en prévoyant un test concerté de subsidiarité dans le cadre de la COSAC

Un instrument de clarification du régime des SSIG, surtout s’il s’agit d’un instrument législatif, devra nécessairement respecter le principe de subsidiarité.

Au-delà de ce que celui-ci s’applique à tous les textes communautaires, une attention particulière devra lui être accordée, en l’espèce.

En effet, d’une part, tant l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne tel que prévu par le traité de Lisbonne, sur les SIG que le protocole insistent, comme on l’a vu, sur ce point.

D’autre part, il s’agit d’une obligation politique dans la mesure où seul le plein respect de ce principe permettra d’obtenir une adhésion des Etats membres à un texte.

A cet égard, on peut prévoir à titre de garantie supplémentaire que si une proposition législative intervient, elle fera l’objet d’un test concerté de subsidiarité dans le cadre de la COSAC.

3. Respecter les équilibres issus de notre tradition républicaine

Sur le fond, il convient d’ores et déjà de prévoir que les futures dispositions européennes devront – ce que ne font pas toujours les actuelles, comme on l’a vu – respecter les équilibres issus de notre histoire en matière de rôle des associations et mutuelles, et du tiers secteur plus largement, ainsi que de leurs relations avec l’Etat.

Ces principes et traditions, caractéristiques de ce qui est parfois qualifié de « modèle social français » peuvent être d’excellents vecteurs pour l’Europe, dès lors qu’est bien prévue l’harmonie entre le cadre communautaire et les règles nationales.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 1er avril 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

« Mme Valérie Rosso-Debord, co-rapporteure. Ce rapport clôt un cycle de travaux qui a débuté avec l’audition de notre collègue parlementaire européen, M. Jacques Toubon, en avril 2008. Celui-ci avait attiré notre attention sur l’importance et la complexité du régime des services d’intérêt général (SIG) et des services sociaux d’intérêt général (SSIG).

Auparavant, il faut rappeler que, sur le plan de la procédure, c’est la troisième fois que la Commission utilise la nouvelle faculté prévue par la révision constitutionnelle d’adopter des propositions de résolution sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne, et non plus seulement sur une proposition d’acte communautaire.

Pour l’essentiel, nous avons fait trois grandes séries de constats.

En premier lieu, le social détient en Europe une place plus importante que dans les autres pays développés. C’est notamment le cas par rapport aux Etats-Unis même si le Président Obama a des intentions de changement. Par ailleurs, le social est en Europe plus avancé, dans l’ensemble, dans les Etats membres les plus riches, mais il est aussi un des terrains d’élection de leur diversité. On distingue traditionnellement plusieurs modèles : le modèle scandinave, universel et géré directement par les collectivités publiques ; le modèle méditerranéen où les services sont peu développés ; le modèle beveredgien, caractérisé par un ciblage sur des publics précis et l’appel au marché ; ainsi que le modèle de subsidiarité, dont relève la France, avec une grande importance du secteur non lucratif. Dans ce paysage, la France se situe, avec la Suède, parmi les pays où les services de santé et sociaux sont les plus importants. Elle est également caractérisée par une forte intervention du tiers secteur non lucratif.

En deuxième lieu, il y a une inadaptation des règles communautaires actuelles, qui sont trop complexes et n’offrent pas de véritable sécurité juridique. Cette situation, à l’origine, tient au Traité de Rome qui a été un traité économique et qui n’a abordé la question des services d’intérêt général que sous le seul angle des règles de la concurrence. Il a fallu attendre le Traité d’Amsterdam pour que le rôle des SIG soit reconnu. Les SSIG font, pour leur part, l’objet d’une identification uniquement doctrinale dans le cadre d’une communication interprétative de la Commission européenne de 2006.

Ensuite, le droit applicable est essentiellement d’origine jurisprudentielle et contentieuse. Il s’est développé à l’occasion du règlement de litiges soulevés sur l’application des règles de la concurrence. Dans le cadre de ses compétences propres, la Commission européenne est intervenue d’une manière qui n’a malheureusement pas apporté de véritable clarification. Certaines difficultés restent en suspens et n’ont pas été réglées. La Commission européenne en est d’ailleurs consciente puisqu’elle a organisé un service d’information interactif, en ligne, pour répondre aux questions des opérateurs et collectivités. La portée de ce service est limitée. Ses consultations ne sont pas des avis juridiques et n’engagent pas la Commission.

Sur le fond, le problème essentiel est celui du régime des compensations du service public versées notamment à des associations, en dehors de celles accordées aux plus petits opérateurs qui relèvent de l’exemption de minimis. La question s’est posée à la suite de l’arrêt Altmark de 2003 qui fixe les quatre conditions pour que de telles compensations ne soient pas des aides d’Etat. La Commission européenne a adopté, en 2005, le paquet Monti-Kroes qui prévoit que les compensations répondant à des obligations précises constituent des aides présumées conformes au traité et qui n’ont pas à être notifiées : les bénéficiaires doivent, pour se faire, être mandatés ; l’acte de mandatement doit fixer les modalités de compensation ; le principe de la juste compensation interdit les surcompensations ; les Etats membres ont l’obligation de contrôler et de prévoir la reprise de toute surcompensation. Ces éléments ne sont guère simples et exigent un suivi administratif très lourd et un suivi comptable précis. Dans l’ensemble, le dispositif est hors de proportion avec le risque de porter atteinte aux règles de la concurrence. Le collectif SSIG a publié une liste des dix points de contrôle des compensations qui doivent être vérifiés avant leur octroi. En dépit de ces précautions, l’absence de précision sur le risque d’atteinte au marché intérieur fait que l’ensemble n’est pas totalement sécurisé. Néanmoins, il faut aussi tenir compte du réalisme de la Commission européenne, qui est avéré.

En définitive, comme l’avaient précédemment indiqué dans leur rapport de 2005 MM. Christian Philip et Bernard Derosier, députés, le principal avantage du paquet est d’éviter d’avoir à notifier à la Commission européenne un grand nombre de subventions, notamment celles destinées aux Comités communaux d’action sociale (CCAS). En outre, les modalités d’exclusion de la directive « services » ne sont pas non plus claires. Au lieu de prévoir une exclusion sectorielle large, trois critères croisés interviennent : celui de l’objet du service social ; celui du statut du prestataire ; celui du public visé. Dans l’ensemble, les opérateurs de SSIG ont l’impression de relever d’une catégorie résiduelle.

Cette situation a pu perdurer en dépit des signaux nombreux envoyés à la Commission européenne, notamment par différents rapports du Parlement européen, car il y a d’importants débats internes sur ce sujet. Tel est, d’une part, le cas au sein de la Commission européenne. Tel est, d’autre part, le cas entre les Etats membres qui n’ont pas la même approche. Ceux qui sont favorables au recours au marché et ceux qui gèrent, pour l’essentiel, en régie directe, se satisfont de la situation actuelle. Les autres sont soucieux de préserver la subsidiarité, n’étant pas nécessairement convaincus du bien-fondé d’un texte dont le contenu pourrait leur échapper. Progressivement, cependant, les Etats favorables, comme le nôtre, à une clarification et à une sécurisation, ne sont plus aussi isolés.

En troisième lieu, cette clarification et cette stabilisation du régime des SSIG et des SIG appellent deux types de réponses.

Au niveau national, il s’agit de prendre des mesures d’ordre technique visant à améliorer l’application des règles européennes actuelles, notamment sur la base du rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, et de celui transmis par le Gouvernement à la Commission européenne sur l’application du paquet Monti-Kroes.

Sur le fond et sans préempter le contenu du futur rapport de la Commission sur la transposition de la directive « services », il convient d’abord de retenir une approche pragmatique, large, claire et opératoire de la notion de mandat, en évitant que les opérateurs mandatés pour le paquet ne soient pas considérés ensuite comme démandatés. L’indépendance des deux cadres juridiques ne doit pas conduire à ignorer les risques d’interférence et d’incompréhension. Ensuite, comme le recommande la mission Thierry, il faut donner un contenu à la notion d’association caritative reconnue, pour les opérateurs remplissant certains critères prévus. Enfin, différentes actions doivent être destinées à améliorer le cadre de mise en œuvre et de suivi des compensations de service public, avec la création d’un instrument juridique formalisant et clarifiant leur octroi, de manière à avoir un autre pilier juridiquement structuré à côté du marché public, de la délégation et du partenariat public-privé. De même, différentes actions reposant, entre autres, sur une amélioration de l’information des élus et l’adaptation des règles du suivi du contrôle financier au contrôle des surcompensations doivent intervenir.

Pour ce qui concerne le niveau européen, plusieurs éléments conduisent à envisager une évolution des règles actuelles.

D’abord, il y a les acquis de la présidence française, notamment la « feuille de route » qui prévoit plusieurs rendez-vous et dont le Conseil « EPSCO » de décembre a autorisé la transmission à la Commission européenne, ainsi que l’adoption par ce même Conseil des premières conclusions opérationnelles du groupe de travail dit « Spiegel », constitué au sein du comité de protection sociale.

Ces travaux continuent sous présidence tchèque. Ils sont complétés par un volet « qualité » au sein du comité européen de normalisation, pour la définition de normes.

En outre, alors que la France a organisé le deuxième forum sur les SSIG en octobre dernier, le troisième forum est d’ores et déjà programmé au second semestre 2010, sous présidence belge.

Sur le fond, on entrevoit plusieurs pistes, avec notamment une clarification de la notion d’atteinte à la concurrence, une réduction de la portée des règles de contrôle des surcompensations ou encore la création d’un de minimis social spécifique, qui permettrait d’exonérer les moins élevées des compensations moyennes des règles du marché intérieur, ainsi naturellement, que la reconnaissance du rôle du tiers secteur, à but non lucratif.

Sur cette dynamique de la présidence française, on peut considérer que des résultats sont là, mais, comme le font certains d’entre nous, on peut également considérer que la Présidence française n’a pas répondu à tous les espoirs placés en elle.

Ensuite, le renouvellement de la Commission européenne crée les circonstances d’une dynamique politique propre à l’évolution du dossier.

C’est ainsi que nous suggérons, dans la proposition de résolution, que les prochains commissaires soient interrogés, lors de l’audition préalable à leur nomination, par les commissions du Parlement européen, sur ce thème des SSIG et au-delà des SIG. L’exemple des auditions intervenues en 2004 montre que celles-ci ont une portée politique, puisque certaines personnalités n’ont pas pu être nommées.

Enfin, il sera possible de s’appuyer, si sa ratification est acquise, sur les avancées du traité de Lisbonne en matière de services d’intérêt général.

Ces avancées sont indéniables avec le protocole spécifique, qui clarifie les compétences respectives des Etats membres et du niveau européen, ainsi que la modification de l’article du traité spécifique aux SIG, qui rééquilibre les compétences de la Commission européenne, d’une part, et du Conseil et du Parlement européen, d’autre part, en créant par conséquent les conditions d’un dialogue entre eux.

En conclusion de cette dynamique, on peut et on doit donc envisager à terme un texte législatif européen de clarification.

Il serait tout à fait légitime de rapatrier dans le champ du législateur un domaine qui, pour l’instant, lui échappe car partagé de fait entre, d’une part, la Cour de justice et, d’autre part, la Commission européenne.

Il s’agit, en effet, d’arbitrer de manière politique, et non technique, entre les règles de la concurrence et les spécificités d’institutions qui incarnent les valeurs de l’Union européenne.

Néanmoins, il doit être clair qu’un tel texte doit être pleinement conforme aux traités et par conséquent respectueux des droits et spécificités des Etats membres. C’est pourquoi nous proposons que l’éventuelle proposition d’acte communautaire fasse l’objet d’un test concerté de subsidiarité entre les parlements des Etats membres. Ce test concerté serait décidé dans le cadre de la COSAC.

Ensuite, sur le fond, il doit également être clair pour les opérateurs qu’un tel texte devra respecter les actuels équilibres issus de notre tradition républicaine, sans qu’il soit nécessaire de rappeler le détail des grandes lois et des grands principes républicains.

Ce sera également l’un des objectifs du test de subsidiarité précité.

M. Pierre Forgues, co-rapporteur. Après l’exposé très complet de ma collègue, je ne ferai part que d’un certain nombre d’éléments, dont quelques-uns à titre personnel.

Ce qu’il faut retenir, c’est d’abord la trop grande complexité du cadre actuel qu’il convient de simplifier et de clarifier, dans le respect de notre modèle social français et, au niveau européen, dans le respect du principe de subsidiarité. Il y a en effet actuellement 60.000 opérateurs locaux et plus de 36.000 collectivités locales qui sont concernés. Sur le fond, la notion de SSIG et de SIG n’est pas la même que celle de service public, enracinée dans notre culture nationale.

Par ailleurs, il ne faut pas se faire d’illusion, même si la dimension sociale de l’Europe existe avec certains articles du traité de Rome, la Charte européenne des droits fondamentaux et des réussites en matière de santé et de sécurité au travail, ou dans le domaine de la continuité des droits sociaux lorsque l’on passe d’un Etat à l’autre.

En effet, l’essentiel de ce que devrait être l’Europe sociale n’est absolument pas abordé par elle. Il n’y a pas de dispositif face au risque de dumping social et de délocalisations intracommautaires. L’Europe des salaires n’est pas harmonisée et il n’y a pas de salaire minimum dans tous les pays. Il n’y a pas non plus de projet en ce sens. De même, la Commission européenne n’a pas pris, pour les SSIG, les initiatives qu’il lui appartenait de prendre. Au contraire, comme on l’a vu, la jurisprudence de la Cour de justice fait jouer la concurrence. Par ailleurs, l’Europe n’a pas de stratégie face à la mondialisation. La stratégie de Lisbonne est une stratégie économique. Certes, on souscrit à ces objectifs d’une économie de la connaissance, de l’avance technologique et du savoir-faire, mais il faut reconnaître que ce ne sont pas des éléments qui sont très parlants pour le travailleur.

Ensuite, cette stratégie passe un peu vite sur les restructurations et l’exemple de la Suède est révélateur. Ce pays, qui a suivi avant l’heure cette stratégie, envisage clairement que son secteur automobile, qui représente une part substantielle de son économie, puisse disparaître.

Enfin, on ne peut manquer d’observer que la crise actuelle est due, en Europe comme aux Etats-Unis, à une insuffisance de la dimension sociale. La confiscation des augmentations de revenus par une très faible minorité ces dernières années a entraîné, alors que la productivité augmentait, une stagnation des salaires, ce qui, conjugué avec une politique monétaire laxiste, aux Etats-Unis, a conduit les ménages à s’endetter puis à se surendetter dans l’espoir d’un enrichissement tout à fait illusoire dans l’immobilier. Comme toutes les spéculations, cela se termine mal.

Par conséquent, on ne peut que regretter la confusion actuelle et estimer que l’Europe ne peut gagner par la croissance et la compétitivité que si, en même temps, elle ne mène pas à l’augmentation des inégalités et de la précarité.

Pour revenir à ce qui concerne les SSIG, il faut, certes, un cadre législatif européen, mais aussi une législation française qui tienne compte de leurs spécificités, de même que de celles des autres services d’intérêt économique général (SIEG). Il faut notamment tenir compte de l’avis des associations, qui regrettent la confusion autour de la notion de mandatement. La directive « services », qui doit être transposée cette année, devra l’être d’une façon claire, pour sortir de l’ambiguïté.

Au niveau européen, il faut, en s’appuyant sur les travaux du Parlement européen, clairement un texte sectoriel pour les SSIG et que ce cadre législatif respecte naturellement le principe de subsidiarité et, par conséquent, notre modèle social français.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Cette question très technique et très complexe se pose pour notre pays parce que la conception des services publics au niveau européen ne correspond pas à la manière dont ces mêmes services se sont développés dans notre pays. Ainsi qu’il l’a été dit, il y a des Etats membres où le service public s’est développé sous le contrôle de la puissance publique et en relation étroite avec lui. Cette gestion en régie est le modèle suivi par certains de nos partenaires.

Pour la France, essentiellement depuis l’après-guerre, le tiers secteur de l’économie sociale et solidaire s’est développé selon des modalités spécifiques. Il se sent aujourd’hui menacé par la conception européenne très restrictive, notamment à travers la définition du mandatement telle que retenue par le paquet Monti-Kroes et la directive « services ». Selon une conception étroite du mandatement, une collectivité ou l’Etat délègue un service à tel ou tel organisme. Ce schéma ne tient pas compte des initiatives de nouveaux services qui peuvent se développer en dehors d’une origine publique pour résoudre une difficulté particulière. Telle est d’ailleurs la conception du secteur précité de l’économie sociale et solidaire. La demande de prise en compte de cette particularité au niveau européen avec une directive spécifique n’a pas eu, malheureusement, de résultat. Les assurances données à un moment par le commissaire Spidla n’ont pas abouti. Il s’agit d’une particularité essentiellement française, même si d’autres pays la partagent avec elle, également.

Sur le fond, il y a une difficulté avec l’application du paquet Monti-Kroes qui a, certes, corrigé, mais aussi repris l’essentiel de la jurisprudence Altmark ainsi qu’avec la directive « services » telle qu’adoptée par le Parlement européen, en raison des différences d’interprétation entre celle, restrictive, de la Commission européenne, et celle, plus large, du Parlement européen.

Pour sortir d’une telle situation, il convient que ceux qui sont attachés aux services sociaux conduisent un combat d’ordre politique. Les élections européennes doivent être l’occasion d’un débat pour exiger que la Commission européenne s’engage très clairement sur la nécessité de mettre en place un texte sectoriel.

Pour sa part, la France se doit d’être offensive. Sans préempter ce que sera le rapport sur la transposition de la directive « services », il convient que l’on fasse, dans ce cadre, un travail exhaustif sur les organisations qui sont concernées. Le Gouvernement a avancé sur la question mais il faut que le Parlement intervienne très en amont et examine les différentes options. Le rapport Thierry présente certaines perspectives. Certaines sont contestées par le collectif SSIG. Tel est le cas pour l’exclusion, qui doit être, selon le rapport Thierry, la plus souple possible, alors que le collectif souhaite au contraire une définition précise du périmètre exclu, pour ce qu’il estime être une plus grande sécurité juridique, et revendique clairement une initiative législative qui engage éventuellement un rapport de force avec la Commission européenne, ainsi qu’une démarche intense de reconnaissance. Le collectif souhaite une version française du mandatement qui prête le moins possible le flanc à la jurisprudence européenne.

S’agissant du paquet Monti-Kroes, notre proposition de résolution sur les SSIG est très claire et vise à essayer de faire en sorte que l’évolution soit la plus protectrice possible pour le tiers secteur et à inscrire ce thème dans l’agenda politique européen. Sans polémiquer, on peut regretter que la présidence française n’ait pas véritablement permis la clarification souhaitée, même si celle-ci est intervenue dans le contexte très particulier de la crise. La « feuille de route » n’a pas été validée par la Commission européenne, qui maintient donc son refus de s’engager dans la démarche qui lui est demandée.

M. Robert Lecou, co-rapporteur. Sur ce dossier difficile, je m’en tiendrai à insister sur quelques éléments. D’abord, la complexité fait qu’il faut de la patience pour s’approprier la matière. C’est clairement l’illustration d’une dérive technique. Ce droit européen, qui vise à encadrer et guider l’activité d’opérateurs et d’élus, ne leur est pas toujours accessible. Ce déficit dans l’accès aux règles européennes, l’Europe doit le corriger. Chez nous, il faut rendre hommage au travail pédagogique du collectif SSIG en parallèle avec son action de défense et de promotion de ses services. Les documents qu’il publie font référence.

La question des SSIG comme d’autres SIEG a été posée à l’occasion de la directive « services ». Ce n’est pas ce texte qui a été profondément remanié par le Parlement européen mais aussi sous l’influence des parlements nationaux, notamment de l’Assemblée nationale, chacun y ayant apporté son écot, qui pose le plus de problèmes, mais l’application du paquet Monti-Kroes, entré en vigueur début 2006, et resté largement inaperçu jusqu’à ce que les collectivités locales le « découvrent » lorsque la circulaire de la DGCL de juillet dernier leur a demandé de faire le bilan de sa mise en œuvre.

Ensuite, la lourdeur du dispositif de compensation est patente. Le cycle mandatement, définition des critères, absence de surcompensation et contrôle, est légitime du point de vue de la transparence et du bon usage des deniers publics, mais il est clairement hors de proportion eu égard au faible risque d’atteinte à la concurrence. Faut-il l’appliquer à un centre de protection de la jeunesse à statut associatif ?

Enfin, comme souvent, la complexité technique ne doit pas conduire à l’erreur de considérer que la solution au problème n’est que d’ordre technique. Celle-ci est incontestablement de nature politique.

A ceux qui disent que la concurrence et la compétitivité ne résolvent pas toutes les questions, on doit répondre que le marché ouvert est une des données de la construction européenne et qu’il convient de « faire avec ». C’est toute l’ambition de la construction européenne, et son bonheur, que de viser à surmonter les différences entre les Vingt-sept.

Pour ce qui concerne les associations, on ne peut pas condamner sans précaution l’Europe de n’être pas parvenue à une situation parfaitement claire alors même qu’en matière de fiscalité associative, au niveau national, nous n’y sommes pas encore arrivés.

Pour en revenir aux SSIG, il s’agit d’arbitrer entre les conséquences des règles de concurrence et les choix politiques qui en sont le fondement : leur reconnaissance comme élément des valeurs de l’Union, leur contribution à ses grands équilibres et leur place dans son modèle social, sa cohésion sociale et sa cohésion territoriale. Tel est le sens de la proposition de résolution qui vise notamment à ce que les futurs commissaires européens soient interrogés par les commissions du Parlement européen sur leurs opinions et options en matière de SSIG et de SIG.

M. Michel Herbillon. Je félicite nos quatre collègues pour ce rapport. Il est pertinent de souligner qu’au-delà des aspects très techniques de ces questions, il y a une dimension très politique. Je souscris tout particulièrement à la proposition formulée par le paragraphe 3 de la proposition de résolution, sur l’utilité de questionner les futurs membres de la Commission européenne sur les SSIG et les SIEG lors de leur audition par le Parlement européen.

En réaction aux propos de M. Pierre Forgues, je relève que son discours est quelque peu daté. Je pensais que nous étions désormais sortis de l’opposition entre le social et l’économique, et des slogans sur le dumping social et la prétendue inexistence de l’Europe sociale. Je suis également étonné par votre vision de la stratégie de Lisbonne. Ce que l’on peut reprocher à la stratégie de Lisbonne, ce n’est pas d’être dépourvue de dimension sociale, c’est de tant tarder à être mise en œuvre. L’objectif d’une économie de la connaissance, l’accent mis sur l’innovation et la recherche, n’ont pas seulement pour enjeu la compétitivité, mais la création des emplois de demain, ce qui est un véritable enjeu social. Sans développer tous les aspects existants de l’Europe sociale, il faut rappeler qu’ils sont importants, qu’il s’agisse du Fonds social européen, des Fonds structurels, ou du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation sur lequel la commission chargée des affaires européennes s’est récemment penchée et qui, même s’il est imparfait, représente une enveloppe annuelle de 500 millions d’euros destinée à venir en aide à des salariés victimes des conséquences de la mondialisation.

M. Régis Juanico. Il y a une certaine urgence à ce que le Parlement français s’empare de ce sujet. La date théorique de transposition de la directive « services » ne sera peut-être pas tenue. L’enjeu fondamental est l’insécurité juridique actuelle pour de nombreux opérateurs dans notre pays, en particulier pour les opérateurs du secteur associatif. Dans le rapport de la mission d’information de la commission des affaires sociales sur la gouvernance et le financement des structures associatives, mission d’information présidée par M. Pierre Morange et dont j’étais membre, présenté en octobre dernier, plusieurs propositions ont été formulées pour sécuriser l’environnement juridique des associations : la nécessité d’établir un inventaire des associations potentiellement concernées par la directive « services », l’exclusion du champ de cette directive des associations assurant des services sociaux, la nécessité de profiter de la présidence française de l’Union européenne pour promouvoir l’idée d’une directive sectorielle consacrée aux SSIG. A cet égard, la présidence française a été une occasion perdue de faire avancer l’Union européenne sur ce sujet. Il faut rattraper ce retard, il faut non seulement une directive-cadre au niveau communautaire mais aussi, en France, une loi nationale affirmant l’exclusion des SSIG du champ de la directive « services », traitant de la question du mandatement et constituant un texte-cadre. Il faut impérativement éviter un éparpillement entre plusieurs projets de loi.

M. Pierre Forgues, co-rapporteur. Mes propos datent car les problèmes évoqués sont anciens et ne sont toujours pas réglés. S’agissant de la stratégie de Lisbonne, j’adhère à ses objectifs, je l’ai dit, mais ses objectifs ne sont pas parlants pour les salariés. Or cette stratégie ne peut réussir que si l’on mène dans le même temps une stratégie sociale. Nous n’avons pas suffisamment avancé sur ce terrain. La directive « services » a certes été nettement améliorée par rapport à son dispositif initial, avec l’élimination du « principe du pays d’origine », et l’on doit pouvoir exclure de son champ un certain nombre de services sociaux. La « check list » à suivre pour les SSIG est incompréhensible et soulève un problème politique. Il faut faire en sorte que le modèle social français puisse s’inscrire dans l’Europe sociale et dans la directive « services ». Je suis un européen, et donc exigeant vis-à-vis de l’Europe.

Suite à ce débat, la Commission a adopté, à l’unanimité, la proposition de résolution dont le texte figure ci-après. »

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 16 et 86 du traité instituant la Communauté européenne,

Vu le traité de Lisbonne, et le protocole qu’il prévoit sur les services d’intérêt général (SIG),

Vu la communication de la Commission européenne intitulée « Mettre en
œuvre le programme communautaire de Lisbonne : Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne »
(COM (2006) 177 final),

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, accompagnant la communication intitulée « Un marché unique pour l'Europe du 21ème siècle », et elle-même intitulée « Les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général : un nouvel engagement européen » (COM (2007) 725 final),

Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, ci-après dénommée directive « services »,

Vu la décision de la Commission 2005/842/CE, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE aux aides d’Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général (SIEG), l’encadrement communautaire 2005/C 297/04 du 28 novembre 2005 des aides d’Etat sous forme de compensation de service public et la directive 2005/81/CE du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises, constituant le « paquet Monti-Kroes »,

Considérant que les services sociaux d’intérêt général (SSIG) constituent un élément clef du modèle social européen, qu’ils sont un élément du progrès économique et social et qu’ils permettent notamment l’expression de la diversité de ce modèle, dans le respect des traditions des différents Etats membres et des souhaits de leurs populations ;

Considérant que les règles qui leur sont actuellement applicables, qui leur sont d’ailleurs communes avec d’autres services d’intérêt général, d’origine largement jurisprudentielle et directement issues des contentieux sur les atteintes à la concurrence, méritent d’être améliorées, car elles sont axées sur ce même thème, compliquées et incertaines ;

Constatant particulièrement que celles relatives aux compensations de service public ou aux droits exclusifs ou spéciaux impliquent notamment pour les petits opérateurs des contraintes disproportionnées, eu égard aux risques très réduits d’éventuelles atteintes aux règles de la concurrence ;

Constatant également que la Commission européenne n’a pas suffisamment répondu aux demandes politiques de clarification et d’une initiative législative, qui lui ont notamment été adressées par le Parlement européen, le Comité économique et social européen, ainsi que le Comité des régions ;

Constatant qu’il convient de préserver et pérenniser les actuels équilibres qui permettent aux opérateurs de SSIG d’exercer leur mission dans un cadre d’autant plus consensuel et apaisé qu’il repose sur le partenariat avec l’Etat et les collectivités locales, et n’exclut pas les contrôles ;

1. Estime que les nécessaires adaptations à apporter au droit national pour le mettre en conformité avec les règles européennes, notamment à l’occasion de la transposition par la loi de la directive « services » précitée, qui devra prévoir une exclusion claire et large des SSIG ainsi qu’une reconnaissance de leur statut, doivent cependant être complétées au niveau européen pour établir un cadre parfaitement clair et juridiquement sécurisé pour leurs activités, particulièrement pour les associations du tiers secteur bénéficiant de compensations de service public ;

2. Juge par conséquent indispensable de prévoir, dans le cadre d’une démarche politique, une clarification du droit européen applicable aux SSIG, et au-delà aux SIEG, dans la poursuite des travaux et réflexions en cours, notamment dans le cadre du « groupe Spiegel », constitué au sein du Comité de protection sociale ;

3. Considère opportun de créer un contexte politique favorable, en prévoyant que les commissions du prochain Parlement européen interrogent, lorsqu’elle procèderont à leurs auditions préalables au renouvellement de la Commission européenne, les personnalités proposées pour être Commissaires européens, sur leurs points de vue sur les SSIG, ainsi que plus généralement sur les SIEG ;

4. Estime légitime d’envisager, à terme, sur la base notamment des dispositions prévues par le traité de Lisbonne sur les SIEG, une intervention du législateur communautaire de reconnaissance, de clarification, ainsi que de sécurisation juridique et financière, permettant notamment de préserver et pérenniser les principes et équilibres actuels, issus de la tradition républicaine ;

5. Propose de prévoir d’ores et déjà un test concerté de subsidiarité par les Parlements nationaux, organisé dans le cadre de la COSAC, pour s’assurer que cet éventuel instrument législatif respectera bien les compétences des Etats membres telles qu’elles sont prévues par les traités, et plus précisément, dès lors que sa ratification sera intervenue, par le traité de Lisbonne et le protocole qui lui est annexé sur les services intérêt général.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

- M. Hubert Allier, directeur général de l’Uniopps, ainsi que Mmes Carole Salères, conseillère technique pour l’Europe, Cécile Chartreau et Carine Metayer ;

- Mme Corinne Breuzé, ministre plénipotentiaire, conseiller diplomatique au cabinet du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Mme Elsa Hervy, conseillère technique pour les relations avec le Parlement ;

- M. Jean-Louis Destans, vice-président du Comité des régions de l'Union européenne, président du Conseil général de l’Eure, président de la Commission « Europe » de l’Assemblée des départements de France, ainsi que Mme Marylène Jouvien ;

- Mme Mireille Flam, Première vice-présidente du Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP), ainsi que MM. Thierry Durnerin, délégué général français du CEEP et Mme Nicole MENU, directrice juridique, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ;

- M. Laurent Ghékière, animateur du Collectif SSIG, président de la Commission Services d’intérêt général et statistiques du CEEP et directeur à l’Union sociale pour l’habitat ;

- Mme Muriel Lacoue-Labarthe, chef de secteur, secrétariat général aux affaires européennes, et MClaire Bergeot-Nunes ;

- M. Daniel Lenoir, directeur général de la Fédération de la mutualité française, et Mme Cornelia Federkeil-Giroux ;

- Mme Amandine Maume, Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE) ;

- M. Jean-Christophe Moraud, sous-directeur des finances locales et de l’action économique, DGCL, et M. Daniel Barnier, sous-directeur des compétences et des institutions locales, ainsi que Mme Françoise Lopez, chef de bureau ;

- Mme Marie-José Palasz, chef de la Mission pour la transposition de la directive « services », et M. Sébastien Malangeau ;

- M. Frédéric Pascal, membre du Conseil économique, social et environnemental, rapporteur du Conseil sur les services sociaux d’intérêt général ;

- Mme Valérie Saintoyant, conseillère sociale, Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, président du groupe de travail, Mission relative à la prise en compte des spécificités des services d’intérêt général dans la transposition de la directive « services » et l’application du droit communautaire des aides d’Etat, MM. Alain Bodon, inspecteur général des finances, et Rémi Duchene, inspecteur général de l’administration.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Franck Moderne, « Analyse comparative des notions de service public dans les Etats membres », dans « L'Europe à l'épreuve de l'intérêt général », Editions ASPE-Europe, 1995.