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N° 1842

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l'accord euro-méditerranéen d'association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République arabe syrienne, d'autre part,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jérôme LAMBERT,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Daniel Garrigue, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Mme Marylise Lebranchu, MM. Robert Lecou, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Christian Paul, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UN ACCORD PLUS SUBSTANTIEL QUE LES ACCORDS PRÉCÉDENTS CONCLUS AVEC LES AUTRES PARTENAIRES, NÉGOCIÉ AVEC LE PAYS AU DÉPART LE PLUS RÉTICENT 9

II. UN ACCORD EN FAVEUR DE LA MODERNISATION ÉCONOMIQUE DE LA SYRIE, DE SA DÉMOCRATISATION ET DU RÉTABLISSEMENT DE SA COOPÉRATION À LA STABILISATION DE LA RÉGION, DONT L’APPROBATION APPARAÎT OPPORTUNE EN RAISON DES ÉVOLUTIONS DE LA SYRIE 13

A. SOUTENIR LA MODERNISATION ÉCONOMIQUE ET L’INTÉGRATION RÉGIONALE D’UN PAYS CONFRONTÉ À DE NOMBREUX DÉFIS INTÉRIEURS 13

B. FAVORISER LA DÉMOCRATISATION DU RÉGIME SANS PROVOQUER SA CHUTE 17

C. ROMPRE L’ISOLEMENT DE LA SYRIE ET L’AMENER À CONTRIBUER À LA STABILISATION DE LA RÉGION 19

CONCLUSION 25

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le partenariat euro-méditerranéen a pour ambition de combler le fossé démographique, économique et culturel qui s’est creusé entre 500 millions d’Européens et 300 millions de voisins majoritairement arabes, et de les réunir dans un ensemble régional d’importance mondiale, fondé sur l’intégration au grand marché européen et la coopération politique, sans adhésion à l’Union européenne.

Le partenariat euro-méditerranéen s’est développé en trois étapes :

– une approche globale définie à Barcelone en novembre 1995, reposant sur les trois volets politique, économique et culturel pour créer une zone de paix et de prospérité et organiser la convergence de tous les partenaires autour d’objectifs communs, comme la création d’une zone de libre-échange en 2010 et le développement du commerce et de la coopération régionale entre les partenaires méditerranéens eux-mêmes ;

– une approche plus différenciée grâce à la politique de voisinage créée en juin 2004 pour s’adapter aux rythmes et besoins de chaque partenaire et dépasser les blocages de l’approche globale ;

– la recherche d’un nouvel élan grâce à la création de l’Union pour la Méditerranée en juillet 2008, établissant la coresponsabilité et la parité nord-sud dans la gestion du partenariat afin de favoriser son appropriation par les partenaires, et prévoyant le développement de projets à géométrie variable et de financements publics et privés.

Les accords d’association euro-méditerranéens constituent l’un des instruments essentiels du partenariat euro-méditerranéen qui s’appuie également sur les plans d’action de la politique de voisinage et les financements du budget européen et de la Banque européenne d’investissement.

Ces accords d’association forment le cadre de la coopération pour aider les pays partenaires à entreprendre les réformes politiques et économiques nécessaires et il est donc primordial qu’ils puissent être mis en œuvre dans un délai raisonnable.

Actuellement, sur les dix pays partenaires méditerranéens fondateurs du partenariat en 1995(2), seule la Syrie n’a pas encore conclu un accord d’association avec l’Union européenne. La négociation technique entre la Commission européenne et la Syrie a duré sept ans, de 1998 à 2004, en raison des réticences de ce pays à l’ouverture économique, puis des considérations politiques ont amené le Conseil à ne pas signer cet accord avec un Etat pratiquant au Liban une occupation militaire et une tutelle politique, en raison de l’opposition de nombreux Etats membres dont la France.

En particulier, en septembre 2004, la France, avec les Etats-Unis, avait fait adopter par le Conseil de sécurité des Nations Unies la résolution 1559, demandant à la Syrie de retirer ses troupes du Liban, de respecter strictement la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban et de démanteler et désarmer toutes les milices libanaises et non libanaises, visant notamment sans le citer le Hezbollah.

La France avait donc jugé quelque peu précipitée la hâte de la Commission européenne à parapher cet accord, le 19 octobre 2004, et à transmettre une proposition de décision au Conseil, le 20 décembre 2004, au moment où cette démarche pouvait apparaître comme un désaveu du Conseil de sécurité des Nations Unies et un mauvais signal adressé à la Syrie. L’assassinat du Premier ministre libanais, le 14 février 2005, a ensuite bloqué pour longtemps le processus d’examen de cet accord.

Cinq ans après, l’évolution positive de la Syrie dans ses relations avec le Liban a permis à la France d’accueillir la Syrie au Sommet de Paris du 13 juillet 2008, créant l’Union pour la Méditerranée, et à la Commission européenne de négocier une actualisation purement technique de l’accord révisé qui a été paraphé, sous présidence française de l’Union, le 14 décembre 2008. Cette actualisation prend en compte le dernier élargissement de l’Union, la réforme du tarif douanier syrien ainsi que les modifications apportées au système harmonisé et à la nomenclature combinée communautaire.

Cet accord, plus substantiel que les accords conclus avec les autres partenaires, offre à la Syrie une chance unique de transformation et mérite d’être approuvé en raison de l’approche constructive de ce pays depuis un an.

I. UN ACCORD PLUS SUBSTANTIEL QUE LES ACCORDS PRÉCÉDENTS CONCLUS AVEC LES AUTRES PARTENAIRES, NÉGOCIÉ AVEC
LE PAYS AU DÉPART LE PLUS RÉTICENT

L’accord d’association avec la Syrie remplacera l’accord de coopération du 18 juillet 1977, modifié par des protocoles ultérieurs.

Les négociations ont duré sept ans parce que les dirigeants syriens n’étaient pas encore prêts à transformer une économie administrée fondée sur la rente pétrolière, des monopoles et des protections douanières en une économie ouverte à la concurrence fondée sur l’initiative privée. Ils craignaient que, durant la phase de transition, les entreprises syriennes ne puissent faire face en même temps à de grandes réformes internes et à la concurrence des entreprises européennes. Ce n’est qu’à partir de 2002 que la Syrie s’est montrée disposée à discuter sur la base d’une suppression totale des obstacles à l’importation et que les négociations ont progressé.

Cet accord, conforme au modèle proposé par l’Union européenne aux partenaires méditerranéens, contient néanmoins des dispositions plus substantielles dans plusieurs domaines : la non-prolifération, la lutte contre le terrorisme, le démantèlement complet des barrières douanières sur les produits agricoles, les entraves techniques aux échanges, les mesures sanitaires et phytosanitaires, la facilitation des échanges, le droit d’établissement et la libre prestation des services, les marchés publics, les droits de la propriété intellectuelle et les mécanismes de règlement des différends commerciaux.

En particulier, la dernière année de négociations a été consacrée, sur l’initiative du Royaume-Uni et de l’Allemagne notamment, à l’introduction d’une clause d’engagement contre la prolifération d’armes de destruction massive (nucléaires, biologiques et chimiques) et de leurs vecteurs. Aux critiques de la Syrie sur le caractère discriminatoire de cette clause, nouvelle dans les accords euromediterranéens, la Commission a répondu qu’elle avait été ajoutée en application des lignes directrices du Conseil des ministres de novembre 2003 et qu’elle ne pouvait être rétroactive, mais qu’en revanche, l’Union européenne avait signé d’autres accords de coopération soumis à une telle clause, notamment avec le Tadjikistan et l’Albanie. Cet engagement constitue un élément essentiel de l’accord, à l’égal du respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme.

Cet accord comprend les principales dispositions suivantes :

Ø un dialogue politique, économique, social et culturel, appelé à se dérouler essentiellement dans le cadre du Conseil d’association ;

Ø l’établissement progressif d’une zone de libre-échange pendant une période de transition de douze années à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord, comportant :

• une libéralisation asymétrique des échanges industriels, s’appliquant pour la Communauté européenne depuis l’accord de 1978, et immédiate pour la Syrie ou étalée sur trois, neuf et douze ans selon les produits ;

• une libéralisation progressive des échanges agricoles, avec une clause de rendez-vous trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord pour examiner la possibilité de s’accorder d’autres concessions, produit par produit et sur une base ordonnée et réciproque, reposant sur :

- des concessions réciproques spécifiques pour les produits agricoles transformés ;

- un démantèlement progressif pour les exportations de produits agricoles de Syrie vers l’Union européenne, avec des contingents tarifaires pour des produits sensibles, et un démantèlement linéaire sur douze ans pour les exportations de l’Union européenne vers la Syrie ;

• une libéralisation pour les produits de la pêche sur une période de deux ans pour les exportations syriennes, sauf contingents tarifaires pour certains produits sensibles, et un démantèlement linéaire sur douze ans pour les exportations communautaires ;

Ø la promotion des investissements, fondée non seulement sur la libre circulation des capitaux relatifs aux investissements directs, le droit d’établissement et la libre prestation de services, mais aussi sur l’octroi aux investisseurs européens, soit de la clause de la nation la plus favorisée, soit d’un traitement national (le plus favorable des deux), pour l’établissement en Syrie et sur l’ouverture de la quasi-totalité des secteurs à l’investissement, à l’exception de certains secteurs actuellement réservés aux monopoles d’Etat. Le secteur des télécommunications sera ouvert, au plus tard, dans les six années suivant l’entrée en vigueur de l’accord ;

Ø un mécanisme de règlement des différends commerciaux conforme à celui de l’OMC ;

Ø le renforcement de la coopération dans de nombreux domaines, notamment en matière de non-prolifération des armes de destruction massive, de migration avec en particulier la réadmission dans leur pays d’origine des ressortissants entrés illégalement, de lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée, de blanchiment de capitaux et de lutte contre le terrorisme.

L’application provisoire des dispositions de l’accord sur le commerce et les mesures d’accompagnement est également prévue, dans l’attente de sa ratification par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne pour son entrée en vigueur. Cet accord est en effet un accord de compétence mixte communautaire et nationale, soumis à la règle de l’unanimité pour l’adoption par le Conseil de la proposition de signature puis, après avis conforme du Parlement européen, de la proposition de conclusion, pour s’achever par la ratification des Etats membres.

II. UN ACCORD EN FAVEUR DE LA MODERNISATION ÉCONOMIQUE DE LA SYRIE, DE SA DÉMOCRATISATION ET DU RÉTABLISSEMENT DE SA COOPÉRATION À LA STABILISATION DE LA RÉGION, DONT L’APPROBATION APPARAÎT OPPORTUNE EN RAISON
DES ÉVOLUTIONS DE LA SYRIE

Cet accord est fondé sur une logique d’ouverture économique et politique à l’intérieur et de coopération internationale qui correspondait à la politique de réformes qu’avait annoncée le Président Bachar Al Hassad à son arrivée au pouvoir en 2000. Mais le « printemps de Damas » n’a duré que huit mois. Si le régime a poursuivi sa libéralisation économique, il a interrompu sa libéralisation politique et s’est enfermé dans un front du refus avec l’Iran, après avoir subi le revers stratégique d’un retrait de son armée du Liban en avril 2005, consécutif à l’assassinat de Rafic Hariri.

Les signes d’ouverture qu’émet à nouveau la Syrie dans ses rapports avec son voisinage, en particulier le Liban, redonne du sens à la conclusion d’un accord poursuivant trois objectifs :

- soutenir la modernisation économique et l’intégration régionale d’un pays confronté à de nombreux défis intérieurs,

- favoriser la démocratisation du régime sans chercher à provoquer sa chute,

- rompre l’isolement de la Syrie et l’amener à contribuer à la stabilisation de la région.

A. Soutenir la modernisation économique et l’intégration régionale d’un pays confronté à de nombreux défis intérieurs

La Syrie, d’une superficie de 185 180 km2, compte 21 millions d’habitants (dont 1,5 million de réfugiés irakiens) en 2008 et devrait en compter plus de 28 millions en 2020 avec un taux de croissance de la population de 2,6 %. Quatre-vingt neuf pour cent sont de confession musulmane, majoritairement sunnites (74 %) avec des minorités chiites, druzes, alaouites, et 10 % sont chrétiens.

La Syrie est devenue en 1963 une République socialiste alignée sur le bloc soviétique, sous la direction du parti Baas puis en 1970 du Général Hafez Al Hassad avec l’appui de l’armée.

Le régime baasiste a organisé une économie autarcique réglementée reposant sur l’autonomie énergétique et l’autonomie alimentaire et a longtemps fondé sa légitimité sur le développement du monde rural et de l’agriculture, des services publics bon marché, l’unité nationale et l’indépendance géopolitique.

Mais l’épuisement de la rente pétrolière et la menace d’une pénurie d’eau ont remis en cause ces fondamentaux.

Le pétrole représentait 60 à 70 % des recettes d’exportation et alimentait suffisamment le budget de l’Etat pour subventionner l’économie administrée. Or les réserves étaient estimées, en 2003, à une dizaine d’années avec une production de 350 000 barils par jour, alors que la production s’est située un peu en dessous de 380 000 barils par jour en 2007.

Par ailleurs, la Syrie ne peut plus mobiliser de nouvelles ressources en eau pour répondre aux besoins de sa population croissante(3). Elle a construit 68 barrages entre 1960 et 2001 et elle subit le contrôle renforcé de ses voisins sur les fleuves internationaux.

Ainsi la Turquie contrôle-t-elle les deux tiers de l’alimentation en eau de la Syrie. L’accord bilatéral de 1987 sur l’Euphrate entre la Syrie et la Turquie ne laisse à la Syrie que 15,75 milliards de m3 d’eau au lieu de 28 milliards de m3, avant le projet turc d’aménagement du sud-est anatolien de construction de 22 barrages sur le Tigre et l’Euphrate pour irriguer 1,7 million d’hectares et alimenter dix-neuf usines hydroélectriques fournissant 7 476 mégawatts.

La Syrie est également limitée en aval de l’Euphrate par un accord de 1987 avec l’Irak laissant à ce pays 58 % des eaux entrées sur le territoire syrien.

Un accord syro-libanais de 1994 autorise le Liban à prélever 80 millions de m3 par an sur les 400 millions de m3 du débit moyen de l’Oronte, mais le recouvrement de sa souveraineté pourrait inciter le Liban à renforcer son contrôle sur un fleuve naissant sur son territoire.

Au Sud, des prélèvements sur le Yarmouk au-delà des 200 millions de m3 actuels nécessiteraient des accords avec la Jordanie et Israël. Le projet de barrage décidé en 1998 à la frontière syro-jordanienne n’a pas été réalisé en raison de l’opposition d’Israël à la construction de grands barrages susceptibles d’affecter le bassin du Jourdain.

Enfin, l’exploitation des eaux du Golan qui représente un tiers de la consommation d’eau israélienne, est un enjeu stratégique des éventuelles négociations entre Israël et la Syrie. La volonté d’Israël de conserver la pleine propriété du lac de Tibériade et d’interdire tout détournement des eaux du Jourdain explique en partie l’échec des négociations d’un accord de paix entre Israël et la Syrie en 2000.

Pour desserrer l’étau de sa dépendance croissante à l’égard de ses voisins, la Syrie a décidé de geler le développement de l’irrigation représentant 25 % de la surface cultivée en 2006 et elle a officiellement abandonné la politique d’indépendance alimentaire dès l’adoption du IXe Plan quinquennal (2001-2005).

Cette mutation a accompagné le mouvement d’urbanisation de la population syrienne, désormais citadine à 55 %. Mais la nouvelle gestion de l’accès à l’eau a également représenté un enjeu politique entre minorités se jugeant discriminées et poussées à l’exode vers les villes comme les Kurdes du nord-est et les minorités plus favorisées de la côte ouest.

Pour conjurer le risque de marginalisation d’une économie administrée en train de perdre ses deux piliers, le Président Bachar Al Hassad décida en 2000 d’ouvrir la Syrie sur l’extérieur et de la transformer en économie sociale de marché, modèle confirmé officiellement en juin 2005. De nombreuses réformes ont été mises en œuvre : la modernisation du système bancaire, la privatisation d’entreprises, d’écoles et d’universités, la création de sept zones franches, l’établissement de villes industrielles autour de quatre industries principales (agroalimentaire, textile, industries techniques et chimie), la levée progressive des interdictions à l’importation, l’accueil des investissements étrangers, la création d’une bourse en 2009. Le fait que le secteur privé contribue depuis 2006 à 80 % de la croissance du pays donne la mesure de la libéralisation de l’économie, même si la modernisation est loin d’être achevée.

La Syrie a bénéficié d’une montée graduelle de sa croissance, de 1,3 % en 2002 à 4 % en 2007, et dispose en 2007 d’un PIB de 37,4 milliards de dollars et d’un PIB par habitant de 2 108 dollars, relativement faible dans la région.

Cependant la croissance ne suffit pas à absorber la pression démographique d’une population dont la moitié a moins de 21 ans et accède par vagues de 250 000 entrants sur le marché du travail. Près d’un tiers de la population vit avec moins de 2 dollars par jour et le retour de l’inflation (7 % en 2007 mais 17 % attendus pour 2008) pourrait creuser les écarts de revenus et nécessiter des compensations aux plus défavorisés pour accompagner le démantèlement des subventions sur les produits alimentaires et pétroliers.

Les inégalités sociales sont d’autant plus mal ressenties que la privatisation dans certains secteurs a été perçue comme privilégiant la famille et les amis du régime. La corruption, l’évasion fiscale et la contrebande de dérivés pétroliers vers les pays voisins privent le budget de l’Etat de ressources considérables et n’ont toujours pas été endiguées.

En outre trois événements ont pesé sur la transformation économique du pays.

Le retrait du Liban des 14 000 militaires syriens en 2005 s’est accompagné du retour de centaines de milliers de travailleurs syriens et de l’affaiblissement des réseaux de prédation transfrontaliers qui s’étaient constitués à l’ombre des accords de Taef de 1989 mettant fin à la guerre civile libanaise. La protection syrienne entérinée par ces accords avait favorisé le développement d’un système de prélèvement opaque sur l’économie libanaise représentant, contrebande comprise, une partie du commerce transfrontalier, soit entre 1,5 et 3 milliards de dollars par an.

A également produit des effets l’embargo bilatéral, imposé par le Congrès des Etats-Unis sur tout commerce et relations avec la Syrie, sauf pour les denrées alimentaires et les médicaments, avec l’adoption du « Syrian Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act », le 11 novembre 2003, afin de contraindre la Syrie à ne plus soutenir les groupes terroristes, à respecter la souveraineté du Liban et à engager de vraies réformes politiques et économiques.

La Syrie s’est tournée vers de nouveaux investisseurs, en particulier du Golfe persique, qui ont porté les investissements étrangers jusqu’à 7,9 milliards de dollars en 2007, mais, d’une part, la crise économique et financière de 2008 a en partie tari cette source de financement et, d’autre part, ces investissements ont favorisé le développement d’une bulle immobilière au lieu de s’orienter vers l’énergie et les infrastructures de transports et de communication.

Dans ce contexte difficile, l’Union européenne offre une perspective de modernisation et d’intégration au marché mondial et régional sans équivalent. L’Union européenne est le premier partenaire commercial de la Syrie : premier client représentant 39,9 % des exportations de ce pays en 2007, elle en est aussi le premier fournisseur représentant 29,6 % de ses importations. La France est le deuxième client avec 10,6 % de parts de marché, mais elle a régressé au treizième rang des fournisseurs (2,2 %) à la suite de gel des relations politiques bilatérales en 2005.

L’Union européenne est également le premier donateur. Au titre du programme MEDA, la Syrie a bénéficié d’une assistance communautaire qui s’est élevée à 235,2 millions d’euros de 1995 à 2006. Pour la période 2007-2010, la Commission européenne a prévu, au titre de l’instrument européen de la politique de voisinage, une enveloppe de 130 millions d’euros, orientée vers les réformes économiques et financières (31 %), la réforme du secteur social (31 %) et la modernisation institutionnelle (23 %). Mais la Syrie ne pourra pleinement en profiter qu’après la conclusion de l’accord d’association. Par ailleurs, la BEI, dans le cadre de la facilité d’investissement euro-méditerranéenne (FEMIP), a financé des projets en Syrie pour un montant de 992 millions d’euros de 2002 à 2008.

B. Favoriser la démocratisation du régime sans provoquer sa chute

Le parti laïc Baas gouverne sans partage la Syrie depuis 1963 et a placé le peuple sous l’emprise d’une loi sur l’état d’urgence en vigueur depuis quarante-six ans.

Ce pouvoir issu de la minorité alaouite représentant 12 % de la population a forgé un régime autoritaire s’imposant à une population composée à 74 % de musulmans sunnites.

Le régime a organisé la concentration du pouvoir politique et économique dans les mains d’un président à vie pendant quarante ans, Hafez Al-Assad, s’appuyant sur le clan familial, l’armée, les services secrets, l’élite économique et la bureaucratie.

Il n’a laissé aucun espace politique à l’expression d’une opposition, qu’elle soit laïque ou islamiste. En 1982, l’armée a réprimé une révolte des islamistes en rasant le centre de la ville de Hama et en tuant plus de vingt-mille personnes. La simple appartenance au mouvement des Frères musulmans est aujourd’hui encore punie de la peine de mort.

La transmission dynastique du pouvoir à son fils, M. Bachar Al-Assad, plébiscitée à 97 % des voix en juillet 2000, avait suscité l’espoir d’une ouverture du régime qui ne s’est pas concrétisée. Les arrestations d’opposants ont repris après quelques mois d’octroi d’une relative liberté d’expression.

Les revendications de l’opposition portaient sur la fin de l’état d’urgence, l’indépendance de la justice, la protection des libertés publiques, la défense des droits de l’Homme, y compris de la minorité kurde représentant près de 10 % de la population. Un tiers de ses membres ne bénéficie pas de la nationalité syrienne et subit des interdictions professionnelles ou de droit de vote tout en étant astreint au service militaire. Aucune reconnaissance officielle n’est accordée à sa langue et sa culture.

Le Président Assad n’a pas saisi l’occasion du Congrès extraordinaire du parti Baas en juin 2005 pour annoncer des changements majeurs sur le passage du monopole du parti Baas au multipartisme et sur la fin de l’état d’urgence. Il a seulement évoqué la possibilité d’élargir la participation populaire et de l’associer à la prise de décision à travers une plus grande ouverture en direction des forces nationales. Cette formule excluait toute participation des islamistes et des partis kurdes à une nouvelle configuration politique.

Le régime fragilisé par le retrait du Liban aurait pu s’ouvrir et mettre au pas l’appareil sécuritaire, mais il a choisi de compenser ce revers en verrouillant à l’intérieur. Le débat sur la démocratisation qui s’est déroulé au sein du régime s’est accompagné de défections et même d’assassinats de proches du Président. La réélection du Président Assad en 2007, avec 97,6 % des voix, n’a pas entraîné de changement majeur, notamment sur le point de savoir comment intégrer les islamistes dans le processus démocratique sans que leur arrivée au pouvoir n’aboutisse à l’établissement d’une tyrannie religieuse sans retour, selon le principe « un homme, une voix, une seule fois ».

Les régimes arabes autoritaires, après avoir réprimé l’organisation de toute opposition démocratique laïque et empêché ce type d’alternance, invoquent systématiquement le risque de l’élection d’un pouvoir islamiste intégriste pour écarter toute démocratisation. L’opposition laïque au régime, divisée et fragile, ne redoute pas une participation islamiste à un futur gouvernement, dans la mesure où elle considère les Frères musulmans syriens comme prêts à respecter le jeu démocratique sur le modèle des islamiques modérés turcs. Certains pays arabes font déjà l’expérience d’une participation des Frères musulmans au gouvernement et au Parlement, comme en Jordanie et au Koweït.

A cet égard, la Syrie peut comparer l’expérience de ses deux grands voisins : le modèle turc laïc et démocratique gouverné par des islamiques modérés et le modèle iranien combinant république démocratique et théocratie religieuse, dont les dernières élections présidentielles n’ont pas démontré la validité.

L’Union européenne apparaît bien placée pour aider l’Etat et la société civile à organiser la démocratisation de la Syrie, sans heurter un régime qui a résisté à toutes les pressions et est bien décidé à assurer sa survie.

En effet, contrairement aux Etats-Unis sous l’administration Bush, l’Union européenne n’a jamais cherché à faire tomber ce régime mais à favoriser sa démocratisation, pour deux raisons.

D’une part, la stabilité régionale et le règlement des crises nécessitent des Etats suffisamment stables et forts pour négocier. La Syrie est un Etat autoritaire confronté à de fortes pressions américaines, aux frustrations de sa population et aux tensions communautaires mais aussi aux menaces des organisations terroristes islamistes qui s’efforcent de déstabiliser les républiques laïques comme les monarchies religieuses, qu’elles soient ou non proches de l’Occident. Le 27 septembre 2008, un attentat visant les services de sécurité à Damas a fait 17 victimes et a, semble-t-il, été perpétré par des salafistes liés aux réseaux irakiens d’Al-Qaïda et libanais du Fatah al-Islam. Le 26 octobre 2008, un raid américain à la frontière avec l’Irak provoquait la mort de huit personnes présentées comme des djihadistes et entraînait une protestation de la Syrie au Conseil de sécurité.

D’autre part, la population souhaite la démocratisation, mais elle est d’abord rétive à toute injonction occidentale sur la politique intérieure ou extérieure de son pays. Pour que cette population militante du nationalisme arabe accepte une aide de l’Union européenne à la démocratisation, celle-ci ne doit pas apparaître comme l’initiateur ou le protecteur, au risque de discréditer l’opposition ou la société civile en tant que représentants du parti de l’étranger et de favoriser le statu quo.

L’opposition, dans sa déclaration de l’hôtel Plazza en novembre 2005, a adopté une position autant nationaliste que réformatrice que résume la position du député R. Sayf, incarcéré pour avoir demandé plus de transparence dans l’attribution des marchés publics. Il déclara que l’opposition ne devait pas être corrompue ni avoir de lien avec l’étranger, qu’elle acceptait les islamistes démocratiques, qu’elle souhaitait un changement radical mais pacifique. Il estima également que le président était innocent dans l’assassinat de Rafiq Hariri et que l’intérêt supérieur du pays devait l’emporter sur le reste(4).

La précaution ne doit cependant pas conduire l’Union européenne à la complaisance. Le procès des douze signataires de la Déclaration de Damas s’est achevé en septembre 2008 par des condamnations. En dépit des promesses du président de développer les nouvelles technologies, tous les sites indépendants sont fermés. La pratique de la torture continue, malgré la signature par la Syrie en 2004 d’un traité international prohibant son usage.

Aussi, dans une déclaration du 22 décembre 2008, l’Union européenne a-t-elle demandé la libération immédiate de MM. Michel Kilo et Mahmoud Issa, condamnés pour avoir appelé en 2006 les gouvernements syrien et libanais à normaliser leurs relations et à délimiter leurs frontières, et appelé la Syrie à respecter le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu’elle a signé et ratifié en 1969. Ces deux opposants ont été libérés en mai et juin 2009, après avoir passé trois ans en prison.

Le régime devra se demander s’il pourra longtemps continuer à faire le grand écart entre un immobilisme politique et sécuritaire et une ouverture économique et diplomatique. Incarner la résistance arabe aux pressions occidentales ne suffira peut-être plus pour différer les réponses dues à une population en attente de démocratie et d’équité sociale, d’autant plus que la France et l’Union européenne d’abord, les Etats-Unis ensuite se sont efforcés d’introduire de nouveaux rapports avec la Syrie.

C. Rompre l’isolement de la Syrie et l’amener à contribuer à la stabilisation de la région

La Syrie oscille depuis longtemps entre opposition et coopération avec l’Occident et la communauté internationale dans le règlement des crises de la région.

Durant la guerre entre l’Irak et l’Iran de 1980 à 1988, la Syrie baasiste et laïque de Hafez Al Hassad soutient l’Iran religieux et isolé de Khomeiny contre l’Irak baasiste et laïc de Saddam Hussein.

Alliée au bloc soviétique, elle se rapproche de la communauté internationale à la chute de l’Union soviétique en participant à la coalition contre l’Irak lors de la première guerre du Golfe et en s’engageant dans le processus de paix à partir de 1992 jusqu’à négocier avec Israël, sous les reproches de l’Iran.

Elle s’oppose en 2003 à la guerre en Irak conduite par les Etats-Unis et rejoint l’Iran dans un front du refus qui défie l’hyper-puissance américaine et une communauté internationale divisée et soutient les mouvements de résistance contre Israël, le Hezbollah au Liban et le Hamas dans les territoires palestiniens.

Les Etats-Unis accusent la Syrie d’être un obstacle à la stabilisation et à la démocratisation de la région et la frappe d’un embargo fin 2003. Ils lui reprochent en particulier d’être le point de rencontre des organisations terroristes de la région – Hezbollah, Djihad islamique, Hamas –, d’être devenue la base arrière de l’insurrection en Irak en accueillant des parents de Saddam Hussein et des généraux de son ancienne armée et en servant de corridor pour les armes et les combattants en transit vers l’Irak, et enfin, d’imposer au Liban une tutelle reposant sur une présence armée de 17 000 hommes et des services de renseignements très influents.

Les interventions permanentes de la Syrie au Liban atteignent un sommet avec la pression sur le Parlement libanais qui amende la Constitution pour proroger de trois ans le mandat du Président de la République pro-syrien, M. Emile Lahoud. Le Premier ministre, M. Rafic Hariri, doit démissionner en octobre 2004 pour être remplacé par M. Omar Karamé, très lié à la Syrie. Elles vont ressouder la France et les Etats-Unis en désaccord sur le conflit irakien et conduire en septembre 2004 à l’adoption de la résolution 1559 par le Conseil de sécurité sur initiative franco-américaine, demandant le retrait des troupes syriennes, le respect de la souveraineté du Liban et le désarmement du Hezbollah.

L’assassinat de Rafic Hariri en février 2005 entraîne l’adoption d’une résolution prévoyant une commission d’enquête internationale pour déterminer les responsabilités et scinde le Liban en deux camps : le mouvement du 14 mars opposé à la Syrie et le mouvement du 4 mars qui en est proche.

Le retrait syrien du Liban en avril 2005 met fin à vingt-neuf ans d’une occupation militaire, commencée en juin 1976 après le déclenchement de la guerre civile le 13 avril 1975 par un accrochage entre chrétiens et palestiniens, et à quinze ans de tutelle politique après la fin de la guerre civile et la signature des accords de Taëf d’octobre 1989.

Cependant, après ce revers stratégique, la Syrie retrouve rapidement de l’influence grâce au soutien qu’elle apporte avec l’Iran au Hezbollah et au Hamas qui deviennent un Etat dans l’Etat dans leur zone respective.

La guerre de trente-trois jours entre Israël et le Liban à l’été 2006 à la suite des menées du Hezbollah est suivie du retrait de l’opposition du gouvernement d’union nationale, en novembre 2006, et d’une vacance de la Présidence de la République en novembre 2007 qui paralysent complètement les institutions libanaises.

Le Hamas dont le chef du bureau politique, Khaled Mechaal, vit en exil à Damas, remporte des succès électoraux aux municipales puis aux législatives de janvier 2006 dans les territoires palestiniens, avant d’évincer le Fatah à l’été 2007 de la Bande de Gaza qui avait été évacuée unilatéralement par Israël en 2005.

La résolution 1701 met fin à l’été 2005 à la guerre au Liban et envoie une force d’interposition des Nations Unies (FINUL) renforcée au sud-Liban. Des différences d’analyse apparaissent toutefois entre les Etats-Unis qui veulent éradiquer le Hezbollah et la France qui compte plus sur son érosion militaire par son intégration au système politique libanais.

Le Président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, met à profit l’année qui précède la présidence française de l’Union européenne pour redéfinir la politique syrienne de la France. La volonté d’infléchir l’axe Syrie-Hezbollah-Iran s’ajoute aux préoccupations antérieures relatives au désengagement syrien du Liban, à la collaboration de la Syrie avec la Commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri et à l’état des relations syro-israéliennes(5).

Plusieurs constats s’imposent :

– la Syrie a acquis un prestige auprès de l’opinion arabe en tant que dernier Etat arabe du front du refus, dirigé par un Etat chiite et perse, au détriment des Etats arabes alliés de l’Occident ;

– les sanctions n’ont pas fléchi la Syrie mais l’ont conduite à se radicaliser et à exercer une influence négative sur le Hezbollah et le Hamas, contribuant à l’impasse dans la région ;

– le rétablissement d’un dialogue avec tous les acteurs, y compris la Syrie, est nécessaire pour débloquer le règlement du conflit israélo-palestinien et ses prolongements libano-syriens et résoudre l’un des conflits majeurs de l’arc de crises allant du Liban au Pakistan.

L’Union européenne pourrait offrir une grande ouverture à la Syrie avec la signature de l’accord d’association euro-méditerranéen, à condition que la Syrie fasse elle-même des ouvertures prouvant sa volonté de changement. Cette initiative française et européenne permettrait également d’anticiper les changements attendus d’une nouvelle présidence américaine.

A partir de 2008, outre une normalisation progressive de ses relations avec l’Irak, la Syrie a répondu aux initiatives françaises et européennes par des signes d’ouverture importants sur le Liban et sur ses relations avec Israël.

Le 21 mai 2008, l’annonce concomitante de la signature de l’accord interlibanais de Doha et de l’existence de négociations indirectes entre la Syrie et Israël sous les auspices de la Turquie concrétisait l’évolution de la Syrie.

Au Liban, les accords de Doha mettaient fin à des affrontements qui avaient fait une centaine de morts et débloquaient les institutions libanaises, en permettant l’élection du général Michel Sleimane à la Présidence de la République, le 25 mai, et la constitution d’un gouvernement d’union nationale jusqu’aux élections de juin 2009. Les accords interdisaient également le recours aux armes à des fins politiques.

Les élections de juin 2009 se sont déroulées sans incidents ni interférences de la Syrie et se sont conclues par la victoire de la majorité sur l’opposition conduite par le Hezbollah, avec 71 sièges contre 57. Ces résultats devraient conduire, dans le nouveau gouvernement d’union nationale, à la disparition du droit de veto dont l’opposition dispose actuellement. La Syrie a plaidé pour l’entente nationale après les élections, et l’on pourra mesurer son influence sur le Hezbollah, déterminé à sanctuariser son armement et à protéger ses chefs qui pourraient être inquiétés par le Tribunal spécial pour le Liban dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri.

Le Tribunal spécial pour le Liban, créé en 2007 par une résolution du Conseil de sécurité et installé le 1er mars 2005 à La Haye, a pris la suite de la commission d’enquête internationale indépendante créée le 7 avril 2005 par les Nations unies, dont les travaux ont montré une imbrication de responsabilités et d’exécutants ne visant plus seulement la Syrie.

Lors du Sommet de Paris créant l’Union pour la Méditerranée avec la participation du Président Bachar Al Hassad, le 13 juillet 2008, la Syrie et le Liban annonçaient sous les auspices de la présidence française de l’Union européenne, qu’ils allaient établir des relations diplomatiques et échanger des ambassadeurs pour la première fois depuis la proclamation de leur indépendance il y a plus de soixante ans. Les relations diplomatiques ont été établies le 15 octobre 2008 et les ambassadeurs libanais et syriens ont pris leurs fonctions respectivement en avril et mai 2009.

Les négociations indirectes lancées en mai 2008 entre Israël et la Syrie ont été suspendues en décembre après l’offensive de l’armée israélienne à Gaza. Cependant, la Syrie a montré une grande modération durant le conflit de Gaza et s’est déclaré prête à reprendre les négociations avec le nouveau gouvernement israélien, sur la base des résolutions du Conseil de sécurité 194, 242 et 338 exigeant notamment le retrait israélien du Golan et des territoires palestiniens dont Jérusalem-Est, jusqu’à la ligne du 4 juin 1967. Israël a toujours refusé la restitution totale du plateau du Golan jusqu’aux rives du lac de Tibériade, qui constitue sa principale réserve d’eau douce, mais s’est déclaré prêt à reprendre les négociations si la Syrie renonce à toute condition préalable sur l’acceptation par Israël d’un retrait du Golan.

Le Président Barak Obama a imprimé un nouveau cours à la politique américaine au Proche-Orient dans son discours du Caire au monde musulman, mais les Etats-Unis attendent d’autres gages de modération de la part de la Syrie pour consolider le rapprochement engagé avec ce pays.

Le Président Obama a renouvelé le 7 mai 2009 les sanctions contre la Syrie, accusée de soutenir le terrorisme, de poursuivre des programmes de destruction massive et de missiles et de saper les efforts des Etats-Unis et de la communauté internationale pour reconstruire l’Irak.

Les Etats-Unis ont observé le maintien d’infiltrations de djihadistes en Irak à partir de la Syrie et lui demandent de s’engager clairement contre l’infiltration de son territoire comme zone de transit.

Ils lui demandent également de coopérer dans la plus totale transparence avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIEA) qui enquête depuis un an sur les activités nucléaires clandestines de la Syrie après la destruction par l’aviation israélienne, le 6 septembre 2007, d’un réacteur nucléaire construit depuis 2001 avec l’aide clandestine de la Corée du Nord sur le site de Dair Alzour, près de la localité d’Al-Kibar, sur les rives de l’Euphrate. L’AEIEA a annoncé en juin 2009 avoir décelé des traces analogues d’uranium sur un réacteur de recherche situé à Damas.

Dans cette période de gestes et de signaux, le Président Obama a néanmoins décidé, le 24 juin, que le moment était venu de nommer un ambassadeur en Syrie quatre ans après le rappel de l’ambassadeur américain en 2005 pour protester contre l’assassinat de Rafic Hariri.

La levée des sanctions pourrait suivre si la Syrie confirmait son approche constructive sur la sécurité en Irak, le respect de la souveraineté du Liban et la négociation d’un accord de paix avec Israël.

En revanche, l’objectif des Etats-Unis que la Syrie coupe ses liens avec l’Iran, le Hezbollah et le Hamas paraît peu accessible, dans la mesure où la Syrie ne se privera pas de liens qui lui ont assuré un pouvoir de médiation et d’influence dans la région.

Toutefois, le coup d’Etat électoral en Iran brouille les perspectives de stabilisation régionale, mais il pourrait inciter la Syrie à accélérer son rapprochement avec la communauté internationale et à se donner une alternative pacifique au risque d’aventure dans laquelle pourrait l’entraîner le pouvoir iranien.

En contrepartie, la Syrie attend la levée des sanctions américaines, une aide financière de la communauté internationale et sa réintégration dans l’économie mondiale, un rétablissement de sa souveraineté sur le Golan et une garantie sur la pérennité de son régime, qu’elle n’obtiendra qu’en relançant sa démocratisation et en transformant son pouvoir de nuisance en influence positive dans la région.

CONCLUSION

Le Conseil « Affaires générales et relations extérieures » des 14 et 15 septembre 2009 doit examiner l’accord euro-méditerranéen d’association avec la Syrie.

L’évolution positive de la Syrie depuis un an, dans le contexte des transformations en cours dans la région et des menaces qui pèsent sur sa stabilité, pourrait conduire le Conseil à se prononcer en faveur de sa signature, selon la règle de l’unanimité. Certains Etats membres comme les Pays-Bas souhaiteraient néanmoins que la Syrie montrent des signes supplémentaires de son engagement en faveur de la démocratisation.

Les différentes étapes de la procédure pour l’entrée en vigueur de l’accord devraient permettre de vérifier la pérennité des engagements de la Syrie (signature par le Conseil, avis conforme du Parlement européen, conclusion du Conseil, ratification par les parlements nationaux avec, entre-temps, application provisoire des dispositions commerciales).

D’une part, l’application provisoire des dispositions commerciales et des mesures d’accompagnement de l’accord pourrait être suspendue en application de l’article 2 rappelant que le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme constitue un élément essentiel de l’accord.

D’autre part, les délais de ratification des accords d’association par les Etats membres de l’Union européenne – de deux ans minimum jusqu’à quatre ans – sont suffisamment longs pour apprécier la réalité du choix de la Syrie de se réformer à l’intérieur et de transformer ses relations de voisinage.

Le rythme de la ratification par les Etats membres devrait à la fois laisser le temps d’apprécier les évolutions de la Syrie avant de ratifier, sans cependant tarder excessivement et perdre ainsi le bénéfice des clauses substantielles de l’accord pour faire pression sur elle.

En conclusion, je propose que la Commission des affaires européennes approuve les propositions de décision du Conseil relatives à l’accord euro-méditerranéen d’association avec la Syrie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 15 juillet 2009, sous la présidence de M. Didier Quentin, Vice-président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’une intervention.

« M. Pierre Bourguignon. Le rapport a très bien présenté l’ensemble de la situation des relations avec ce pays, délicat à aborder et, notamment, les forces économiques en présence. Pour cet accord euro-méditerranéen, il faut laisser le temps faire son œuvre, à la fois pour nos partenaires syriens et pour l’action européenne. Cela implique donc de ne pas changer constamment de stratégie. »

La Commission a approuvé ces textes et a autorisé la publication du rapport.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Syrie, Liban, Turquie - Chypre et Malte sont devenus membres de l’Union européenne le 1er mai 2004. Le partenariat euro-méditerranéen s’étend désormais à quarante-trois pays membres : l’Union européenne à 27, les 10 pays partenaires fondateurs, rejoints par l’Albanie et la Mauritanie depuis novembre 2007 ainsi que par Monaco, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Croatie depuis juillet 2008.

3 () Voir : La pénurie d’eau en Syrie : compromis géopolitiques et tensions internes, de M. Fabrice Balanche (Maghreb-Machrek, n° 196, été 2008).

4 () Voir : « Le régime syrien et la logique de l’inertie. » de M. Stéphane Valter. (Maghreb-Machrek, n° 196, été 2008).

5 () Voir : « La politique syrienne de la France, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy ». de Mme Judith Cahen (politique étrangère - 1.2009).