Accueil > Union européenne > Rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 2142

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 décembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l’état du programme Galileo,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Bernard DEFLESSELLES,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

CHAPITRE I : UN PROGRAMME MARQUE PAR DES RETARDS ET DES DYSFONCTIONNEMENTS 9

A. EGNOS EST ENTRÉ EN SERVICE LE 1ER OCTOBRE 2009 9

B. GALILEO 10

1. Le déploiement de Galileo 10

2. Les raisons de ce retard 13

C. L’ANALYSE DE LA COUR DES COMPTES EUROPÉENNE 13

D. LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR DES COMPTES EUROPÉENNE 15

CHAPITRE II : LES PROBLEMES À VENIR 19

I. LES DEBATS POLITIQUES 19

A. LE CONFLIT AVEC LA CHINE SUR L’ATTRIBUTION DES FRÉQUENCES N’EST PAS RÉGLÉ 19

B. UNE HYPOCRISIE DOIT ÊTRE LEVÉE : LE CARACTÈRE EXCLUSIVEMENT CIVIL DE GALILEO 21

II. LES DÉBATS TECHNIQUES 25

A. LA GOUVERNANCE 25

1. Le rôle de la Commission européenne est enfin clarifié par le règlement du 24 juillet 2008 25

2. Les problèmes en suspens 27

B. LE FINANCEMENT 28

C. LA PASSATION DES MARCHÉS 29

D. LA RESPONSABILITÉ POSE UN PROBLÈME DÉLICAT LORSQU’IL Y A GARANTIE DE L’INTÉGRITÉ DU SIGNAL 31

CONCLUSION : LA PROCHAINE CRISE ? 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

ANNEXES 37

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 39

ANNEXE 2 : LETTRE DE MR JOSE MANUEL BARROSO A M. WEN JIABAO 41

ANNEXE 3 : ORGANISATION DE LA COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE 43

ANNEXE 4 : LES SYSTÈMES DE GPS DANS LE MONDE 45

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le programme Galileo (GNSS)(2) a été lancé en 1999 par l’Union européenne, pour doter l’Europe d’un système autonome de positionnement et de datation par satellites, ayant une couverture mondiale, compatible et interopérable avec les systèmes existants à l’époque, le GPS américain et le Glonass russe, qui sont rejoints aujourd’hui par les systèmes chinois, indiens et japonais.

Le système Galileo sera constitué d’une constellation de trente satellites en orbite moyenne (circulaire, à 23 200 km d’altitude, dans trois plans orbitaux inclinés de 56°), et d’une infrastructure au sol, mise en service en 2013.

Parallèlement, l’Union européenne a mis en œuvre, depuis le 1er octobre 2009, le programme Egnos, qui est un système de renforcement satellitaire régional pour l’Europe, améliorant les signaux provenant des systèmes de navigation par satellite existants, tels que GPS, puisqu’il réduit de 17 à 2 mètres la marge d’incertitude.

Les programmes Galileo et Egnos constituent une vitrine européenne, traduisant l’accession de l’Union à l’indépendance spatiale, exprimant la puissance de sa recherche et de sa technologie. Or, malgré cette très forte puissance symbolique, ces programmes ne se sont réalisés que par crises successives, sources de nombreux retards et de surcoûts.

L’explication fondamentale de cette situation réside dans le clivage fondamental entre les pays comme la France qui veulent voir l’Europe émerger en tant que puissance autonome, véritable acteur et non simple enjeu des relations internationales, et les pays qui, comme la Grande-Bretagne demeurent fondamentalement attachés au « leadership américain ».

A cela s’ajoutent le clivage entre Etats libéraux et colbertistes et l’imbrication des logiques intergouvernementales et communautaires dans la phase de développement du projet.

En d’autres termes, le rapporteur ne croit pas que Galileo et Egnos aient souffert d’un excès d’Europe et de sa bureaucratie mais au contraire d’une insuffisance d’Europe, et de volonté politique clairement affirmée.

Les programmes GNSS européens s’inscrivent pleinement dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (2000). Ils doivent permettre de développer un nouveau domaine d’activité économique, lié aux équipements et aux applications. Tous les grands pays européens, en particulier l’Allemagne et l’Italie, ont largement encouragé le développement de ce nouveau domaine. Le soutien aux entreprises innovantes françaises devrait logiquement s’effectuer au travers des dispositifs mis en place par le ministère chargé de l’industrie (Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services) : pôles de compétitivité, fonds unique interministériel.

Les applications de Galileo vont bien au-delà de la géolocalisation.

Le nombre d’applications civiles de la navigation par satellite est considérable dans de très nombreux domaines : transports aériens, transports maritimes, transports terrestres (automobiles, camions, autobus, trains), téléphonie mobile (services basés sur le positionnement), cartographie, géodésie, topographie, diffusion du temps, synchronisation des réseaux de transmission (électricité, télécommunications, bancaires), agriculture de précision, travaux publics, exploitation minière, exploitation forestière, recherche de ressources (pétrole, gaz) dans le sous-sol, au fond des océans, etc.

On en parle peu mais les systèmes de datation sont essentiels dans les échanges bancaires.

Aujourd’hui, il est déjà possible de mettre en œuvre beaucoup d’applications, en utilisant le système GPS américain et ses compléments, soit locaux (réseaux de stations différentielles : réseau RGP de l’IGN, réseau TERIA des géomètres-experts, réseau des Phares et balises, par exemple), soit satellitaire (Egnos).

Les systèmes spatiaux ont une origine militaire (les V1 et V2 allemands). Les systèmes GPS n’échappent pas à ce caractère intrinsèquement dual, militaire et civil. Ils induisent donc de multiples applications de souveraineté, dans des domaines aussi sensibles que le guidage des engins militaires. En cas de crise majeure, la possibilité d’interdire l’utilisation du GPS par des éléments hostiles, grâce à un système de cryptage, est essentielle.

Le programme Galileo présente donc un intérêt politique fondamental car il ne peut pas exister d’Europe de la défense indépendante sans autonomie dans le domaine spatial.

Dans le rapport d’information sur l’exécution des programmes européens de radionavigation par satellite – Galileo et Egnos –, présenté avec M. Michel Delebarre le 28 novembre 2007(3), le rapporteur s’attardait sur les problèmes difficiles posés par le changement de nature du programme Galileo qui, d’une gestion privée, est passé à une gestion publique.

Ces atermoiements expliquent les cinq ans de retard du programme, qui entre enfin dans une phase concrète de réalisation.

Toutefois, il existe deux catégories de problèmes qui ne sont pas réglés aujourd’hui : des questions politiques et des sujets plus techniques.

CHAPITRE I :
UN PROGRAMME MARQUE PAR DES RETARDS ET DES DYSFONCTIONNEMENTS

Si, à certaines époques, nous avons pu nourrir des inquiétudes sur l’avenir du programme Galileo, nous pouvons aujourd’hui dire que ce programme arrivera à terme et le système Egnos, précurseur de Galileo, est en service depuis le 1er octobre.

A. Egnos est entré en service le 1er octobre 2009

Depuis le jeudi 1er octobre, le signal de navigation par satellite Egnos, librement disponible, est devenu un service opérationnel ouvert et gratuit. Il ouvre la voie à Galileo dans la mesure où, avec ce programme, pour la première fois, l’Europe travaille dans le domaine de la navigation par satellite.

Egnos a été mis au point par l’industrie européenne, l’EOIG (Egnos Operator and Infrastructure Group) avec le soutien de la Commission européenne, de l’Agence spatiale européenne et d’Eurocontrol. Depuis le 1er avril 2009, Egnos est détenu et géré par l’Union européenne, tandis que l’Agence spatiale européenne conserve son rôle d’agent, chargé de la conception et de la passation des marchés.

Egnos est un système reposant sur des répéteurs embarqués à bord de trois satellites géostationnaires qui diffusent sur l’Europe des informations complémentaires, indispensables aux utilisateurs de GPS et de Glonass, pour leur permettre de réaliser des opérations critiques pour la sécurité aérienne, comme les approches des pistes d’atterrissage par mauvaise visibilité, car il offre une précision de un à deux mètres, contre dix-sept mètres pour le GPS.

Il est composé également de quarante stations de positionnement et de quatre centres de contrôle, le tout interconnecté pour couvrir la plupart des Etats européens. Il est équipé d’une fonction permettant son extension à d’autres régions, telles que l’Afrique du Nord et les voisins de l’Union européenne.

Les fabricants de récepteurs et les concepteurs d’applications pourront faire bénéficier leurs clients des performances améliorées du GPS, simplement en équipant leurs produits d’une fonction Egnos. Il ne sera pas nécessaire d’obtenir d’autorisation ni de faire certifier les récepteurs.

Egnos peut servir à de nouvelles applications dans des secteurs comme l’agriculture, par exemple pour l’épandage de précision des engrais, ou comme les transports, par exemple pour l’automatisation des passages aux péages ou les régimes d’assurance avec primes au kilomètre. Egnos peut aussi renforcer la précision des services de navigation privée à usage général et spécifique, tels que les systèmes d’orientation des personnes non voyantes.

Sur le plan politique, Egnos et Galileo ont été regroupés dans une politique européenne unique en matière de GNSS. De même, d’un point de vue financier, le financement d’Egnos par la Commission a été intégré au financement de Galileo.

Toutefois, le système Egnos a accusé des retards, et les principaux défis du programme, tels le développement du marché, la certification et le rôle des différentes parties prenantes, restent d’actualité.

La Cour des comptes européennes note(4) que si « la décision d’intégrer EGNOS aux négociations relatives à la mise en concession assurait la poursuite des financements communautaires, elle a, dans le même temps, entravé la réalisation du programme Egnos dans la mesure où entre autres le cadre institutionnel du système Egnos est très complexe ».

Les diverses parties prenantes financières d’Egnos ont en effet toutes des priorités différentes :

- le rôle et le mandat de l’entreprise commune Galileo par rapport à Egnos n’étaient pas définis de façon suffisamment claire ;

- la décision consistant à intégrer le système Egnos dans Galileo a été préjudiciable à Egnos ;

- le cadre institutionnel d’Egnos est très complexe ;

- l’entreprise commune Galileo n’a pas consenti suffisamment d’efforts aux activités de développement du marché.

B. Galileo

1. Le déploiement de Galileo

Il est évident que le déploiement complet du système Galileo ne pourra pas avoir lieu dans les délais prévus initialement, en quatre phases :

- une phase de définition, qui s’est déroulée de 1999 à 2003, au cours de laquelle ont été dessinée l’architecture du système et déterminés les services offerts. Elle a également permis de définir les spécifications des satellites devant être validées par les quatre premiers satellites, ainsi que les stations au sol et le centre de contrôle ;

- une phase de développement et de validation (IOV), qui devait s’étendre de 2002 à 2005 et qui comprend le développement des satellites et des composantes terrestres du système ainsi que la validation en orbite. A cet effet, le règlement du 21 mai 2002 a créé une entreprise commune « Galileo ». Cette phase s’est traduite par l’envoi des deux satellites GIOVE–A (en 2005) et GIOVE-B ainsi que des segments de contrôle au sol correspondants.

La phase IOV aurait dû permettre à Galileo d’occuper les fréquences attribuées par l’Union internationale des télécommunications (UIT) et de tester les technologies les plus critiques, telles que les horloges atomiques.

- une phase de déploiement, qui aurait dû se dérouler en 2006 et en 2007, avec la construction et le lancement de 26 satellites et la mise en place complète de la partie terrestre de l’infrastructure ;

La phase de déploiement implique le lancement d’une trentaine de satellites, de deux centres de contrôle et de trente stations de détection au sol.

- une phase d’exploitation, qui devait débuter en 2008 et comprendre la gestion du système ainsi que son entretien et son perfectionnement constant.

Le schéma de financement laissait une part importante à la charge des Etats.

Phase de développement et de validation de Galileo – Financement (1999-2007)

Source : Cour des comptes européenne, rapport spécial 7/2009.

Pour des raisons exposées au paragraphe suivant, le programme a pris cinq ans de retard qui ont permis à la Chine de contester l’usage par Galileo des fréquences attribuées par l’UIT (Chapitre 2).

Nous pouvons espérer, avec beaucoup de prudence, voir le déploiement de seize à dix-huit satellites en 2013 et 18 en 2014, ce qui permettrait d’engager la mise en service de Galileo qui comprendrait les cinq services suivants :

- le service ouvert qui fournira des informations de positionnement et de synchronisation en concurrence avec d’autres systèmes GNSS ;

- le service de sauvegarde de la vie qui améliorera les performances des modes de transport critiques en matière de sécurité, tels que la navigation aérienne et maritime. Il serait doté d’une fonction « d’intégrité », avertissant l’utilisateur en cas de défaillance du système ;

- le service commercial donnera accès à deux signaux supplémentaires (cryptés) de façon à permettre un débit de données plus élevé et à garantir une plus grande précision à l’utilisateur. Il est envisagé de fournir une garantie de service à l’utilisateur ;

- le service public réglementé fournira des données de positionnement et de synchronisation à des utilisateurs déterminés exigeant une continuité de service accrue (par exemple, les services d’urgence, les forces de sécurité et les forces armées), avec accès contrôlé. Il est dit PRS, deux signaux de navigation seront disponibles ;

- enfin, Galileo contribuera, grâce à son service de recherche et de sauvetage, à améliorer les performances du système international de recherche et de sauvetage par satellite (COSPAS-SARSAT). Un satellite Galileo sera en permanence visible de n’importe quel point de la terre, ce qui autorisera la réception des appels en temps réels.

2. Les raisons de ce retard

Dans le rapport n° 440 présenté en 2007, le rapporteur soulignait(5) que les dysfonctionnements ayant hypothéqué l’exécution des programmes tiennent aux limites du partenariat public privé prévu à l’origine. La Cour des comptes européenne, dans un rapport rendu en juin 2009, se montre particulièrement cinglante et va au-delà de l’analyse du rapporteur, en considérant que la Commission européenne ne s’est pas montrée à la hauteur de sa tâche, à la fois pour des raisons indépendantes de sa volonté, mais également parce qu’elle n’a pas su se doter des outils techniques nécessaires à la gestion d’un tel projet.

C. L’analyse de la Cour des comptes européenne

La Cour souligne d’abord la singularité de Galileo qui a constitué à divers égards un programme unique en son genre : il s’agissait de la première collaboration étroite entre l’Agence spatiale européenne (ESA) et la Commission à un programme spatial de cette envergure, du premier programme industriel à être géré au niveau européen et de la première participation de la Commission à un partenariat public-privé (PPP).

Pour assurer la gestion de la phase de développement et de validation du programme Galileo, la Commission européenne et l’ESA ont créé une structure spéciale, l’entreprise commune Galileo (Galileo Joint Undertaking – GJU), opérationnelle de septembre 2003 à fin 2006. En 2007, les activités de l’entreprise commune Galileo ont été transférées à l’autorité de surveillance du GNSS européen, une agence communautaire et l’entreprise mise en liquidation amiable, marquant ainsi l’échec de la structure prévue initialement.

Les négociations relatives au contrat de concession menées avec le secteur privé ont été interrompues début 2007; à l’automne 2007, le Parlement et le Conseil ont décidé de réorienter le programme. Le développement technologique a accumulé un retard de cinq ans.

La Cour des comptes européenne considère donc dans son rapport spécial 7/2009 que « l’entreprise commune Galileo n’a pas été un gestionnaire opérationnel "fort" et aucune autre entité n’a été investie de ce rôle. Elle n’a pas réussi à atteindre la plupart de ses objectifs, en raison toutefois de facteurs sur lesquels elle n’avait aucune prise.

Un promoteur et un superviseur fort sur le plan stratégique ont fait défaut au programme : la Commission n’est pas parvenue à diriger le programme de manière proactive, le laissant sans personne aux commandes.

En raison de leurs attentes divergentes quant au programme, les Etats membres sont intervenus dans l’intérêt de leurs industries nationales et ont bloqué les décisions. Les compromis dégagés ont engendré des problèmes de mise en oeuvre, des retards et in fine des dépassements de coûts.

L’audit a examiné les facteurs à l’origine de l’échec de la procédure de mise en concession, ainsi que ceux à l’origine des retards et des dépassements de coûts qui ont affecté le développement technologique. Il a conclu que l’élaboration et la conception du PPP n’étaient pas adaptées. En conséquence, l’entreprise commune Galileo a été contrainte de négocier un PPP irréaliste. La supervision des actions de développement technologique, tâche incombant à l’entreprise commune Galileo, a été considérablement limitée par des questions de gouvernance, un budget incomplet et des retards, ainsi que par l’organisation industrielle de la phase de développement et de validation.

Les résultats de RDT n’ont eu qu’une utilité limitée en raison d’un manque de continuité, de l’absence d’une approche globale de développement du marché ainsi que des retards accusés, et du fait que le sixième programme-cadre (6e PC) n’était guère adapté au financement des actions de développement du marché. L’intégration du programme Egnos dans celui de Galileo n’a été qu’une réussite partielle.

La gouvernance du programme s’est révélée inadéquate. La répartition des rôles entre les entités concernées pour la phase de développement et de validation du programme (les Etats membres de l’Union européenne et de l’ESA, la Commission, l’entreprise commune Galileo et l’ESA) n’a pas été clairement définie. La Commission n’a pas donné les impulsions adaptées au développement et à la gestion du programme Galileo.

Pour que la réorientation des programmes Egnos et Galileo, décidée à la mi-2007, ait une chance d’aboutir, la Commission doit considérablement renforcer la gestion des programmes en cause. Le rapport de la Cour comprend une série de recommandations destinées à aider la Commission dans cette tâche.

Enfin, si l’Union européenne décidait de se lancer dans d’autres programmes d’infrastructure de grande envergure, la Commission devra s’assurer qu’elle dispose des outils de gestion appropriés. »

Cette dernière recommandation semble à votre rapporteur particulièrement importante. Elle implique une réflexion de l’Union européenne, pour ne pas dire un examen de conscience, préalablement à l’engagement d’autres projets industriels de ce type. Une répartition claire des mécanismes de gestion des projets devrait à l’avenir être un préalable à leur engagement.

D. Les recommandations de la Cour des comptes européenne

Il est très important que les enseignements soient tirés de l’échec, le mot n’est pas trop fort, de la conduite des programmes Galileo et Egnos par la Commission européenne.

Cet échec s’est traduit par un retard de cinq années et un doublement des budgets prévus initialement.

La Commission a mis en place d’autres entreprises communes (SESAR, ITER et plusieurs initiatives technologiques conjointes (ITC)) ; il est indispensable pour la crédibilité des institutions européennes que ces programmes ne connaissent pas les mêmes retards, ni des dérives budgétaires équivalentes.

Aussi, le rapporteur partage-t-il les quatre recommandations suivantes de la Cour des comptes européenne.

« Les enseignements tirés de Galileo indiquent que l’approche à adopter pour ces nouvelles entreprises doit être bien planifiée et réaliste.

La Commission a proposé de jouer le rôle de gestionnaire de programme, un rôle ardu dans lequel elle a peu d’expérience. Si cette solution peut sembler opportune à court terme, il importe que la Commission détermine si cet arrangement est également le plus approprié à long terme. La Cour propose les recommandations suivantes.

Ø Recommandation 1

Afin d’asseoir son autorité en qualité de gestionnaire de programme, la Commission devrait adapter ses ressources et ses instruments juridiques et financiers aux spécificités inhérentes au développement et à la gestion d’un programme industriel.

Ses ressources humaines devraient être à la mesure de sa tâche en tant que gestionnaire de programme, aussi bien au niveau des effectifs que de l’expertise.

Il convient de mettre en place un cadre de coopération UE-ESA approprié.

La Commission devrait s’assurer qu’elle dispose des instruments financiers nécessaires pour financer les infrastructures (autrement qu’au moyen de subventions) et pour pouvoir s’engager à supporter les coûts annuels de fonctionnement et de renouvellement liés à ces infrastructures, sur une longue période.

La gouvernance du programme devrait pouvoir permettre au gestionnaire du programme d’effectuer ses tâches de façon cohérente (définir les attentes, accorder des pouvoirs et contrôler les performances).

Pour porter ses fruits, Galileo a besoin de s’appuyer sur une orientation claire. Les décisions concernant son avenir ne peuvent être prises par la seule Commission, mais un leadership clair est absolument indispensable.

Ø Recommandation 2

La Commission devrait clarifier dans les meilleurs délais les objectifs politiques du programme et les transposer en objectifs stratégiques et opérationnels permettant de définir une feuille de route solide pour Galileo, à partir de la situation actuelle jusqu’à son déploiement complet. Par exemple :

Comment convient-il de positionner Galileo en tant que système commercial ? Doit-on chercher à atteindre un équilibre financier ou nécessitera-t-il un soutien continu de la part du secteur public? Doit-on chercher à générer un maximum de revenus ou à dégager le plus de bénéfices macroéconomiques possibles et à en faire profiter toute la chaîne de valeur de Galileo au moyen des services et des biens générés par ses applications?

Quel sera le lien entre Egnos et Galileo une fois que ce dernier sera pleinement opérationnel ? Ces deux systèmes continueront-ils d’exister en parallèle, permettant ainsi la redondance utile des services fournis, ou le système Egnos sera-t-il démantelé ?

L’échec des négociations relatives à la mise en concession ne signifie pas qu’une concession Galileo est inconcevable à l’avenir. Mais toute tentative future d’impliquer des financements privés devra être fondée sur une évaluation plus réaliste de ce qui est commercialisable et déterminer si un partenariat public-privé est réellement envisageable. Il convient de noter qu’il existe des modèles d’exploitation couronnés de succès pour des projets satellitaires internationaux, comme Inmarsat, Intelsat, Eutelsat ou Eumetsat.

Ø Recommandation 3

La Commission devrait s’octroyer suffisamment de temps pour préparer la phase d’exploitation commerciale, en s’inspirant des bonnes pratiques en vigueur dans les Etats membres et en prenant en considération les différents modèles existant en matière d’initiatives dans le secteur privé, ainsi que les expériences dans des secteurs comparables.

En fonction de la décision quant au positionnement de Galileo en tant que système commercial (voir recommandation 2), l’Union européenne devra soit s’employer à favoriser un développement précoce du marché pour les recettes liées à Galileo et à Egnos (pour générer des revenus directs afin de compenser les coûts), soit accepter de financer le coût total de Galileo (potentiellement 10 milliards d’euros sur les vingt années à venir). Dans le premier cas, il conviendrait de mettre en place un cadre approprié pour les utilisateurs.

Ø Recommandation 4

La Commission devrait veiller à ce que les questions suivantes soient prises en considération :

- l’analyse, la consolidation et la validation des exigences des utilisateurs qui sont pertinentes et bien arrêtées ;

- la mise en place des conditions de réalisation (tel le cadre juridique et réglementaire nécessaire) ;

- la promotion d’Egnos comme vitrine de Galileo, en assurant la certification du service SoL d’Egnos ainsi que la compatibilité des modèles d’exploitation d’Egnos et de Galileo ;

- l’élaboration d’une politique de tarification ou d’un modèle de revenus, claire et compatible pour les services de Galileo et d’Egnos, ainsi que d’un régime de responsabilité civile. »

CHAPITRE II :
LES PROBLEMES À VENIR

Le retard de cinq ans dans le développement de Galileo a une conséquence particulièrement grave, dans la mesure où il permet aux Chinois de contester aux Européens l’attribution des fréquences réservées à Galileo, car les problèmes à venir sont plus politiques que techniques.

I. LES DEBATS POLITIQUES

A. Le conflit avec la Chine sur l’attribution des fréquences n’est pas réglé

Dans une réponse à une question écrite du 5 novembre 2009, la Commission européenne fait le point sur la coopération avec la Chine et d’autres pays. Elle précise que (extraits) :

« En 2003, la Chine et l’Union européenne ont signé un accord permettant à la Chine de participer au financement du développement de Galileo et d’accéder au statut d’Etat participant au programme. La Chine s’est engagée à affecter, pendant la phase de validation en orbite, une somme de 65 millions d’euros au développement d’une partie des infrastructures et à des projets d’application. Les deux tiers des travaux à réaliser ont été confiés à des entreprises chinoises et le tiers restant à des entreprises européennes. Un centre sino-européen de formation et de coopération technique a été établi à Pékin (CENC – China-Europe Global Navigation Satellite System (GNSS) Technology Training and Cooperation Center).

Les deux principaux instruments de coopération sont les suivants :

- les sixième et septième programmes-cadres de l’Union européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration ;

- l’enveloppe budgétaire de 65 millions d’euros allouée par le ministère chinois de la science et de la technologie (MOST) et gérée par le centre national de télédétection de Chine (NRSCC). »

Initialement, la coopération avec la Chine devait se situer à un niveau beaucoup plus important, d’environ 200 millions d’euros. Or le gouvernement chinois, pour éviter d’être dépendant des technologies américaines, a développé un système concurrent baptisé « Beidou » (ou « Compass »)qui devrait être mis en service en 2015, avec une constellation de plus de 30 satellites. Cette situation a entraîné une restriction de la coopération européenne devant les risques représentés par les transferts de technologies voulus ou subis (espionnage).

Une dizaine de nouveaux satellites seront envoyés dans l’espace entre cette année et l’année prochaine. Pour le moment, cinq satellites chinois dédiés au positionnement qui sont dans l’espace, assurant une couverture régionale de toute la Chine. En fin d’année 2008, déjà 40 000 Chinois avaient utilisé les services locaux de géopositionnement par satellites de Beidou.

Nous ne nous situons pas du tout dans une situation comparable aux Etats-Unis avec lesquels l’Union européenne a signé en 2004 un accord, pour finaliser les accords sur les fréquences et les modulations des signaux de Galileo, afin d’assurer la compatibilité et l’interopérabilité avec le GPS.

Cet accord du 26 juin 2004 est en grande partie confidentiel mais pour l’essentiel, il peut être dit que l’accord conclu prévoit la possibilité de discriminer, en cas de crise, les signaux militaires américains « M code » des signaux civils du GPS américains. Réciproquement, l’accord permet aussi de maintenir en opération les signaux PRS (dédiés aux services publics) européens quand il sera nécessaire d’interdire, pour des raisons de sécurité, l’accès aux signaux ouverts.

Aucun accord équivalent n’a été conclu avec la Chine qui a publié des fréquences et des signaux superposés aux signaux de Galileo, notamment, aux signaux cryptés (dits PRS). Or, en simplifiant, le signal le plus puissant écrase les autres. En d’autres termes une partie importante du programme Galileo, le service public réglementé, risque d’être brouillé par les satellites chinois.

Cette situation de blocage a conduit le Président Barroso à écrire au Premier ministre chinois le 10 juillet dernier pour souligner l’urgence qu’il y avait à régler cette question mais, à la connaissance du rapporteur, ce courrier n’a pas, pour le moment, obtenu de réponse (annexe n° 2).

Cette question absolument majeure qui doit être réglée par la voie diplomatique mériterait d’être évoquée par le Conseil européen.

Il est urgent en effet d’engager une démarche similaire à ce qui a été fait avec les Américains qui ont, dès le début du projet, tenté de le faire annuler, pour trois raisons principales :

- empêcher que des pays ou des organisations ennemis puissent utiliser Galileo (en effet, les systèmes de positionnement par satellite permettent de guider précisément les missiles jusqu’à leur cible) ;

- faire obstacle à l’indépendance de l’Europe dans le domaine des satellites de télécommunication, afin de maintenir la suprématie imposée par le monopole américain ;

- éviter un éventuel problème d’interférence avec leur système GPS.

Aujourd’hui, l’interopérabilité technique de Galileo avec le GPS permettra de pouvoir utiliser les systèmes Galileo et GPS avec un même récepteur. De plus, si un des systèmes venait à avoir des défaillances, le second prendra le relais de façon totalement transparente.

Il est indispensable de parvenir à un accord de ce type avec la Chine.

B. Une hypocrisie doit être levée : le caractère exclusivement civil de Galileo

Pour des raisons politiques, tenant à certaines sensibilités au sein du Parlement européen, Galileo a toujours été présenté comme un programme exclusivement civil.

En se rendant sur le site Internet de la Commission européenne, nous pouvons lire l’affirmation du caractère civil de ce programme et, si nous consultons le site du Parlement européen, nous trouvons des questions écrites au Conseil telle que celle posée par M. Martin Ehrenhauser le 25 septembre 2009 pour savoir si le Conseil envisageait pour le « système Galileo, une utilisation militaire et/ou par les services de renseignement ».

Les réponses de la Commission européenne sont extrêmement intéressantes :

« La Commission rappelle à l’Honorable parlementaire que le règlement (CE) n° 683/2008 du Parlement et du Conseil du 9 juillet 2008 relatif à la poursuite de la mise en œuvre des programmes européens de radionavigation par satellite(1) mentionne, en son considérant 2, que le programme Galileo vise à mettre en place la première infrastructure de radionavigation et de positionnement par satellite spécifiquement conçue à des fins civiles. Le Conseil avait précédemment, à diverses reprises, indiqué que le système issu du programme Galileo était un système civil sous contrôle civil, c’est-à-dire réalisé selon des standards civils à partir d’exigences civiles et sous le contrôle des instances de l’Union européenne. Cette vocation essentiellement civile du système ne fait toutefois pas obstacle à ce qu’il puisse être aussi utilisé à des fins militaires.

En effet, bien que Galileo soit un programme civil, rien ne s’oppose sur le plan technique à ce que les services fournis par le système issu de ce programme, en particulier le service dit « Public Regulated Service » (PRS) réservé aux utilisateurs autorisés par les gouvernements pour les applications sensibles qui exigent un niveau élevé de continuité de service, soient utilisés pour des missions liées à la sécurité des Etats membres. Sur le plan politique, la Commission considère qu’il appartient à chaque Etat membre de décider souverainement de l’utilisation qu’il entend faire des différents services offerts par le système pour satisfaire ses propres besoins, en particulier les besoins de ses services de renseignement, en respectant des normes communes minimales de sécurité. Le cas des carabiniers italiens mentionné par l’Honorable Parlementaire est, à cet égard, un exemple éventuel pertinent.

Dans ses conclusions de décembre 2004, le Conseil a rappelé que Galileo était un programme civil placé sous contrôle civil et que, par conséquent, toute modification apportée à ce principe devrait être examinée dans le cadre du traité sur l’Union européenne et, en particulier, de ses articles 17 et 23.

Le Conseil a également rappelé que les Etats membres auraient le choix de recourir ou non au service gouvernemental et que la totalité des frais d’exploitation de ce service serait prise en charge par les utilisateurs, sur une base non commerciale. Le Conseil a invité la Commission à élaborer, avec l’aide de l’Autorité européenne de surveillance du système global de navigation par satellite (GNSS), une politique d’accès au service public réglementé (PRS) qui, sous réserve de son adoption par le Conseil, serait mise en œuvre par l’Autorité de surveillance afin d’assurer un contrôle suffisamment strict de l’accès au PRS. Il a souligné que le PRS devrait être protégé contre l’accès non autorisé aux services, biens et technologies PRS.

Le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre des programmes GNSS du 22 septembre 2009 indique que les autres grands fournisseurs du système GNSS sont les Etats-Unis, la Chine et la Fédération de Russie. Selon ce rapport, plusieurs réunions ont eu lieu à haut niveau avec la Chine, notamment avec le comité de pilotage, dans le cadre de l’accord bilatéral de coopération. La compatibilité et l’interopérabilité entre le système chinois en construction, Compass, et Galileo a été l’un des principaux points d’une discussion qui se prolongera en 2009. Quelques réunions ont eu lieu avec la Fédération de Russie, qui ont mené à la création d’un groupe de travail spécifique sur la coopération dans le domaine des capacités de recherche et de sauvetage des systèmes respectifs (SAR). »

Or le système Galileo est potentiellement dual, comme la plupart des programmes spatiaux, à commencer par la fusée Ariane qui envoie sur orbite des satellites militaires aussi bien que civils.

En outre, l’Europe de la défense ne pourra pas se construire sans une dimension spatiale forte. Et le coût démesuré des programmes spatiaux militaires implique la nécessité de conduire ces projets au niveau européen.

Le rapporteur estime que le temps des pudeurs est révolu, l’affirmation de l’existence d’une dimension militaire du programme Galileo est une nécessité politique. Il convient de le présenter comme une des réalisations concrètes essentielles de l’Europe de la défense. Il est en effet quelque peu paradoxal de discourir sur l’Europe de la défense et de « cacher » une réalisation européenne concrète, importante pour la défense européenne.

De ce point de vue, le rapporteur a le sentiment, formulé déjà dans son précédent rapport, que la situation a quelque peu évolué, puisque le Parlement européen a adopté en juillet 2008 la résolution suivante indiquant qu’il « souligne le rôle essentiel de Galileo pour des opérations de PESD indépendantes, pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), pour la sécurité de l’Europe et pour l’autonomie stratégique de l’Union ; note en particulier que ses services, gérés par les Etats, seront indispensables dans le domaine de la navigation, du positionnement et de la mesure du temps, notamment afin d’éviter des risques inutiles. »

La question qui se pose concrètement aujourd’hui est celle de l’attribution de fréquences PRS Galileo à l’industrie de l’armement.

Ces systèmes sont essentiels, par exemple dans le guidage des missiles, y compris nucléaires.

Le Royaume-Uni considère que la gestion par l’Union européenne, propriétaire de Galileo, des signaux utilisés par la défense relève de la PESC qui implique l’unanimité, y compris dans le cadre du traité de Lisbonne.

Cela conduirait à ce que le règlement régissant l’usage de ces signaux, si tant est qu’il soit nécessaire, car nous sommes dans un flou juridique, implique son accord. Or le Royaume-Uni ne veut pas « compliquer » la coopération entre les forces armées européennes. Comme le rapporteur le soulignait dans son rapport de 2007, « les autorités britanniques sont hostiles à toute référence au caractère stratégique de Galileo, ainsi qu’à son utilisation à des fins militaires » et il semble que cette position n’ait pas évolué.

L’affirmation par la Commission européenne que sur « le plan politique, la Commission considère qu’il appartient à chaque Etat membre de décider souverainement de l’utilisation qu’il entend faire des différents services offerts par le système pour satisfaire ses propres besoins » constitue un premier pas intéressant vers l’affirmation de la souveraineté de chaque Etat s’agissant de l’usage militaire de Galileo. Il semble à votre rapporteur que, sur la base de cette réponse, chaque Etat peut définir souverainement l’utilisation des signaux PRS par son industrie d’armement sans que les autorités européennes n’aient à élaborer un règlement particulier.

Or, la question de l’usage militaire de Galileo devrait être impérativement réglée par des négociations appropriées.

II. LES DÉBATS TECHNIQUES

Le programme Galileo apparaît conduit par une succession de crises du fait de l’imbrication des logiques gouvernementales et communautaires.

A. La gouvernance

1. Le rôle de la Commission européenne est enfin clarifié par le règlement du 24 juillet 2008

De ce fait, Galileo aura un statut unique en tant que première infrastructure commune produite et financée par l’Union européenne, qui en sera également propriétaire. La Commission européenne gérera le projet avec, comme contractant principal, l’Agence spatiale européenne.

L’autorité européenne de surveillance du Système Global de Navigation par Satellite (GNSS) gérera la sécurité et un comité ad hoc fera un bilan trimestriel des progrès réalisés.

En effet l’agence spatiale européenne (ASE), qui a piloté la phase de développement de ce programme, n’est pas une agence de l’Union européenne ; elle comprend des Etats qui n’appartiennent pas à l’Union européenne et en sens inverse les Etats de l'Union européenne n’appartiennent pas à l’ASE. Sa gestion relève d’une logique intergouvernementale, garantissant aux Etats des retours proportionnels à leur investissement.

Les phases de déploiement et d’exploitation étant gérées par la Commission européenne, le passage de la logique intergouvernementale à la logique communautaire permettront de régler une partie des problèmes rencontrés jusqu’à présent.

Toutefois, la Commission européenne se trouve aujourd’hui confrontée à la conduite de politiques pour lesquelles elle ne dispose ni de l’habitude ni des outils. Elle doit considérablement évoluer si elle ne veut pas se retrouver étrillée par la Cour des comptes européenne (cf. rapport spécial de juin 2009), comme cela l’a été pour la première partie du programme.

Le nouveau règlement 683/2008 relatif à la gestion des programmes de radionavigation par satellites européens (GNSS,) qui a été publié le 24 juillet 2008, permet d’assurer le déploiement complet du système Galileo, et l’exploitation du système Egnos, depuis le 1er octobre 2009, dans le cadre d’un financement sur fonds publics (3 405 M d’Euros prévus, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013).

La Commission a présenté au Conseil « Transport » de juin 2009 un plan d’action pour le développement des applications Egnos et Galileo.

Le règlement prévoit le financement de ce projet par des fonds communautaires et constitue la base juridique pour la mise en œuvre budgétaire des programmes en fixant le montant alloué au financement de la prochaine phase des programmes. Il prévoit également une stricte répartition des compétences entre les différentes parties concernées par la mise en œuvre et la supervision des programmes, notamment entre la Communauté européenne, l’autorité européenne de surveillance GNSS et l’agence spatiale européenne (ASE).

L’Union européenne sera propriétaire de tous les biens corporels ou incorporels créés ou mis au point dans le cadre des programmes et sera responsable de la gestion des programmes.

L’autorité de surveillance GNSS (compétente pour Galileo et Egnos), la GSA, a vu son rôle complètement redéfini par le règlement 683/2008 : il est recentré sur la sécurité, avec l’exploitation du centre de sécurité, et la gestion des agréments de sécurité, ainsi que sur le développement du marché du positionnement par satellites.

Le règlement 1321/2004 qui a créé la GSA est devenu obsolète et va être révisé compte tenu du nouveau règlement GNSS. Le projet d’amendement est en cours de discussion entre la CE et les Etats membres : il est proposé de rebaptiser la GSA « Agence GNSS » (et non plus Autorité de surveillance).

Comme prévu dans le règlement GNSS 683/2008, un accord a été signé en décembre 2008 entre la Commission et l’Agence spatiale européenne (ASE) relativement aux tâches déléguées à l’ASE dans le cadre de la phase de déploiement de Galileo. L’intervention de l’Agence spatiale européenne en support de la Commission, dans le cadre de l’exploitation d’Egnos, a fait aussi l’objet d’un accord signé fin mars 2009. L’ASE est chargée de gérer les évolutions du système, dont certaines seront nécessaires rapidement afin de traiter certaines obsolescences techniques (par exemple : technologie de transmission des données et technologie utilisée dans les stations de surveillance des signaux).

La gestion de ces programmes est désormais placée sous le double contrôle politique du Parlement européen (PE) et du Conseil. Institué par une déclaration commune du Parlement Européen, du Conseil et de la Commission, le Panel interinstitutionnel Galileo (GIP) est composé de trois membres du Conseil, un membre de la Commission et trois membres du Parlement européen. Il est chargé notamment de suivre les progrès de la mise en œuvre des programmes, des accords avec les pays tiers et la préparation des marchés.

2. Les problèmes en suspens

Toutefois quelques problèmes demeurent comme le désaccord persistant entre le Conseil, la Commission européenne et le Parlement européen sur la composition du conseil d’administration de l’autorité européenne de surveillance où la Commission européenne revendique 50 % des sièges. Ce conseil d’administration ayant assez peu de prérogatives, ces questions devraient pouvoir trouver assez rapidement une solution. Il faut noter que les Etats semblent également hostiles à la présence d’un Représentant du Parlement européen à ce Conseil.

L’objectif de la proposition, soumise en mars dernier par la Commission européenne, est de modifier le Règlement 1321/2004 qui a institué l’Autorité de surveillance de Galileo, afin d’adapter les fonctions et les missions de cette agence au nouveau cadre de gestion défini suite à la décision d’abandonner la mise en concession des phases de déploiement et d’exploitation du programme, fin 2007. Le nouveau schéma accroît le rôle et les pouvoirs de la Commission européenne, gestionnaire du programme, au sein de l’Autorité de surveillance. Mais le Conseil bloque sur certains aspects liés à la sécurité du programme, notamment sur la mission et le fonctionnement d’un comité d’homologation de sécurité qu’il est prévu de créer.

A ce comité doit incomber la responsabilité ultime de décider si les risques liés au système Galileo sont acceptables. Et la majorité des Etats membres ne souhaite pas qu’il soit présidé par un représentant de la Commission, comme celle-ci le propose, estimant que le président devrait plutôt être nommé par le Comité lui-même. La Commission, elle, tient à cette présidence – notamment parce que, dans la nouvelle répartition des tâches du programme Galileo, il est explicitement prévu qu’elle gère tous les aspects relatifs à la sécurité des systèmes.

Cette lutte d’influence est palpable dans d’autres aspects du dossier. Ainsi, la proposition prévoit aussi un pouvoir accru de la Commission au sein du conseil d’administration de l’Autorité de surveillance, qui disposerait d’un nombre de voix égal à celui des Etats membres. Mais pour beaucoup d’Etats, cela va trop loin. La plupart préféreraient s’inspirer de l’Agence communautaire de contrôle des pêches, dans laquelle la Commission dispose de six voix sur trente trois. Certains sont prêts à aller jusqu’à un droit de veto ou un nombre de voix égal à 30 % des voix des Etats membres, mais seulement pour certaines questions clairement définies. En tout cas, la proposition d’un poids égal pour la Commission et les Etats est problématique, de même que la participation du Parlement européen puisque les Etats rechignent à attribuer un siège à l’Assemblée, fût-ce en qualité d’observateur.

B. Le financement

Il semble que les questions de financement récurrentes dans ce programme soient en voie de solution.

L’investissement est évalué à 5,5 milliards d’euros.

Les frais d’exploitation annuels sont estimés à 220 millions d’euros.

Sur cette base, le coût total du programme s’élèverait à environ 12 milliards d’euros, de 2007 à 2030.

Estimations de coût du programme Galileo

Estimation initiale des coûts en millions d’euros (COM (2000) 750)

Estimation actualisée des coûts en millions d’euros
(COM (2007) 261 et documents de l’ESA)

Phase de définition

80

80

Phase de développement et de validation

1 100

2 100

Phase de déploiement

2 150

3 400

Total

3 330 (dont 1 800 millions à la charge du secteur public)

5 580 (entièrement à la charge du secteur public)

Source : Cour des comptes européennes rapport spécial 7/2009.

Initialement le programme devait être financé pour un tiers par des fonds publics et deux tiers par des fonds privés. Mais de très nombreuses difficultés ont été rencontrées dès le début du projet : rivalité entre Etats, notamment entre Italie et Allemagne, difficulté à choisir un consortium, volonté d’associer les deux consortiums concurrents, puis grande difficulté au sujet du leadership, etc. Ces difficultés perdurent, et ont déjà causé « un retard de cinq ans par rapport au calendrier initial ». La Commission européenne a plaidé avec force le 17 mai 2007 « pour un financement public complet des trente satellites de son futur système de navigation par satellite Galileo (le GPS européen), exploité par le privé une fois opérationnels ».

La phase de développement et de validation en orbite sous maîtrise d’ouvrage de l’ASE a pris un retard sensible et son coût a augmenté de manière importante.

Le coût public sur la période 2007-2013 se situerait cependant à 3,4 milliards d’euros, en partie financé par des « crédits non consommés » en provenance de diverses lignes de compte du budget communautaire (aides agricoles pour les stocks de céréales, crédits de recherche, fonds européen contre les catastrophes naturelles).

Le 23 avril 2008, le Parlement européen a finalement approuvé le financement entièrement public de Galileo, en vue d’une finalisation du projet pour 2013, avec un financement de 3,4 milliards d’euros. L’accord a été très largement avalisé avec 607 voix (sur 750) pour. Ainsi, dès la première lecture, le financement du projet par l’Union européenne reçoit le feu vert.

En condition économique courante, le budget disponible total pour la phase IOV (déploiement des satellites) est de 1814 millions d’euros, dont 974 provient de l’ASE (incluant 137 millions d’euros prévus de marge pour aléas), 820 de l’Union européenne, et 20 de fonds non utilisés par l’entreprise commune Galileo. Le coût révisé du programme IOV est de 2391 millions d’euros, soit un dépassement de 577 millions d’euros. Le surcoût total (intégrant la marge pour aléas au niveau ESA) est en fait de 577 + 137, soit 714 millions d’euros.

Il est prévu de financer ce surcoût de la manière suivante :

- réduction du surcoût de 186 millions d’euros, dont 132 millions d’euros pour les coûts internes de l’ASE (transférés sur la phase suivante) ;

- contribution financière de 15 millions d’euros de la Suisse et la Norvège ;

- contribution de l’Union européenne de 376 millions d’euros, imputée sur le budget de 3405 millions d’euros qui vient d’être attribué aux programmes GNSS européens par le nouveau règlement GNSS.

C. La passation des marchés

Fin 2007, l’ASE et l’Union européenne ont décidé d’interrompre le contrat avec le maître d’œuvre industriel, le consortium ESNIS, et le remplacer par des contrats directs avec les maîtres d’œuvres des 6 segments. L’interruption du contrat avec ESNIS a donné lieu à versement d’une indemnité importante critiqué par la Cour des comptes .La négociation des nouveaux contrats avec les maîtres d’œuvres des segments a donné lieu à une augmentation sensible du coût du programme.

Le comité des programmes GNSS, lors de sa réunion du 10 février 2009, a donné son accord de principe sur ce schéma. La CE a toutefois mis une condition à ce financement : un audit de ces surcoûts doit être effectué pour s’assurer que tous les coûts imputés sont bien éligibles au titre du règlement GNSS.

Pour la phase FOC (exploitation), la priorité a été donnée par la Commission au lancement de l’appel d’offres (dialogue compétitif) par l’ASE au nom de la Communauté européenne. Onze candidats ont été présélectionnés début septembre 2008 pour les six lots de l’appel d’offres : ingénierie système, segment sol de mission, segment sol de contrôle, segment spatial, services de lancement, opérations. Pour tous les lots, sauf celui relatif aux lancements pour lequel un seul industriel a été sélectionné (Arianespace), deux industriels ont été sélectionnés, dont celui responsable du même lot dans le cadre de la phase IOV.

La phase IOV, lancée dans le cadre ESA, comporte la participation d’Astrium Allemagne et d’Astrium UK, responsables respectivement du segment spatial et du segment sol de contrôle. Le financement apporté par la France (troisième contributeur après l’Allemagne et la Grande-Bretagne) a été dédié au segment sol de mission, à quelques équipements de satellites et aux aspects sécurité du système tous trois confiés à Thales. Astrium France ne participe pratiquement pas au programme Galileo.

L’approvisionnement des activités nécessaires à la phase de déploiement fait l’objet d’une procédure de dialogue compétitif menée par l’ESA et la Commission européenne. La question la plus importante au plan financier concerne la mise en place ou non d’une double source pour le segment spatial, l’Allemagne ayant réussi à ce que, dans tous les cas de figure, la responsabilité du segment spatial soit confiée à son industrie (Astrium GMBH ou OHB).

Enfin l’approvisionnement de la phase de déploiement pose la question de la participation d’industriels non européens. Dans la phase IOV de l’ESA, ils ne pouvaient contribuer au programme Galileo qu’au travers d’accords signés avec l’Union européenne (comme c’est le cas de la Chine et d’Israël) car les règles de retour géographique drastiques de l’ESA ne le permettaient pas. Pour la phase FOC, ils pourraient maintenant être retenus dans un cas exceptionnel, en sous-traitance, sur les activités ne faisant pas l’objet de contraintes sécurité.

Les conditions de sélection des maîtres d’œuvres des lots sont définies dans le règlement GNSS : un industriel ne peut être candidat qu’au plus sur deux lots, au moins 40 % de la valeur des activités de chaque lot doivent être sous-traitées à des entreprises indépendants des maîtres d’œuvres des lots.

Une enveloppe financière de 2145 millions d’euros a été réservée par la Commission européenne pour ces contrats, avec la répartition suivante : 120 millions pour l’ingénierie système, 270 millions pour le segment sol de mission, 45 millions pour le segment sol de contrôle, 840 millions pour le segment spatial, 700 millions pour les services de lancement et 170 millions pour les opérations.

La signature des contrats est prévue par la Commission européenne au quatrième trimestre 2009 pour les trois premiers lots, l’ingénierie système, le segment spatial et les lancements, et début 2010 pour les trois autres lots, le dernier lot étant celui relatif aux opérations qui ne devrait être signé que vers la mi-2010.

Le rapporteur tient à souligner le caractère artificiel de ces règles. En effet la Commission européenne n’est pas armée, ni juridiquement ni culturellement, pour traiter avec des entreprises en situation d’oligopole. La compétence technique dans le domaine des satellites appartient à quelques grandes entreprises. N’est-il pas vain de vouloir appliquer à ce domaine des règles de concurrence qui, par exemple en limitant les lots pouvant être accordés à une entreprise, conduisent à des surcoûts puisque des entreprises européennes mieux disantes peuvent être écartées ?

D. La responsabilité pose un problème délicat lorsqu’il y a garantie de l’intégrité du signal

Le service ouvert Egnos est disponible, sans garantie de service ni responsabilité inhérente, à tout utilisateur équipé d’un récepteur GPS/SBAS compatible dans la zone couverte par Egnos. La plupart des récepteurs vendus aujourd’hui en Europe répondent à ce critère. Il n’est pas nécessaire d’obtenir d’autorisation ni de faire certifier les récepteurs.

La Commission européenne a déclaré refuser toute responsabilité en cas de défaillance des signaux Egnos et, il en sera probablement de même avec Galileo.

Or, il n’est pas certain que les tribunaux acceptent la validité de cette exonération de responsabilité.

CONCLUSION :
LA PROCHAINE CRISE ?

Galileo est un programme qui avance par résolution de crises successives.

La crise sur le financement immédiat des surcoûts de la phase de déploiement est quasiment résolue, mais toutes les marges financières qui étaient prévues sur la période 2009-2013, c’est-à-dire 400 millions d’euros seront consommées.

Sur le plan technique, la prochaine crise de Galileo pourrait être triple :

- difficulté à faire le choix entre les industriels en concurrence (lobby des Etats, recours juridique d’industriels non retenus, problème des 40 %, etc.) qui peut entraîner un retard dans la notification des contrats FOC ;

- devis très probablement en hausse ;

- retard important dans le calendrier, dû en particulier au délai dans la notification des contrats.

Ces deux derniers points imposeront une discussion complexe, dans le cadre de l’Union européenne, sur la réduction éventuelle du nombre de satellites lancés avant fin 2013 de 30 à 12, le solde pouvant être lancé ultérieurement et financé en 2014 /2015 dans le cadre des nouvelles perspectives budgétaire de l’Union européenne.

La mise en place de la Commission européenne, à la suite des élections européennes, pourrait être une nouvelle source de perturbation, qui pourrait augmenter les délais. Le rapporteur considère que le fait que le commissaire Antonio Tajani qui abandonne le secteur des transports conserve la gestion de Galileo est, de ce point de vue, rassurant.

Sur le plan politique, trois obstacles doivent être levés :

- les questions en suspens sur la gouvernance de Galileo, qui apparaissent mineures à votre rapporteur, peuvent et doivent être surmontées rapidement ;

- la libre utilisation de Galileo par les gouvernements de l’Union européenne ne doit pas être remise en cause, y compris pour les usages militaires ;

- la Chine doit accepter rapidement un accord analogue à celui conclu en 2004 entre l’Union et les Etats-Unis.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 8 décembre 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Pierre Forgues. L’inadaptation d’une Europe engoncée dans ses lourdes procédures à vingt-sept pour mener d’ambitieux programmes technologiques n’est guère surprenante, et quelque peu cruelle lorsqu’on compare nos progrès à ceux réalisés par la NASA ou la Chine. Je songe même aux lanceurs ARIANE, inadaptés, semble-t-il, au lancement des futurs Galileo. En dernière analyse, et en dépit de tous ces retards, sommes-nous seulement sûrs de disposer, in fine, d’un instrument au moins aussi opérationnel que le GPS ? J’ai bien peur que notre incapacité à créer une véritable volonté politique à vingt-sept ne nous condamne aux lenteurs, voire au gaspillage des excédents de la PAC.

Le rapporteur. Personne ne peut contester ces difficultés. L’Union européenne n’est, en effet, aujourd’hui, pas bien calibrée pour « manager » un programme d’une telle envergure. Et il faut prendre conscience qu’en l’espèce, Galileo n’existe que parce qu’il a rencontré, à l’automne 2007, une forte volonté politique, celle de M. Jacques Barrot alors Commissaire aux transports. C’est sans doute en grande partie grâce à lui qu’en 2014 nous serons au rendez-vous. J’ai d’ailleurs annexé à mon rapport quelques extraits révélateurs des carences de la gouvernance de Galileo constatées par la Cour des comptes européenne.

Mais soyons tournés vers l’avenir. Nous disposerons bientôt d’un instrument d’une précision incomparablement plus élevé que le GPS.

M. Guy Geoffroy. Je veux m’arrêter sur cette dernière remarque, décisive. Nous sommes parvenus, malgré les difficultés, à finalement surmonter tous les obstacles sans sacrifier la qualité du projet. La seule question qui demeure est celle de l’éventuelle saturation des fréquences par la Chine.

M. Jérôme Lambert. Il me semble en outre que ce programme demeure dépendant des Etats-Unis quant à ses composants. Qu’en est-il ?

M. Gérard Voisin. Galileo permettra-t-il d’apporter une réponse au problème posé, notamment à la tragique occasion du vol Paris Rio, par l’absence de suivi permanent des positions des longs courriers ?

Par ailleurs, je souscris aux remarques exprimées sur les limites de la gouvernance européenne, et plus généralement publique, en matière de technologie. Je pense ainsi aux systèmes de transport dits « intelligents », que j’ai eu récemment l’occasion de décrire aux membres de la Commission, dans lesquels la « cuisine » politico-techniques de l’Union nous a fait prendre dix ans de retard sur les entreprises privées japonaises ou américaines !

Le rapporteur. Le problème spécifique de la localisation des vols sera réglé par l’extension d’Egnos.

Dans un même esprit, il est vrai que certains composants de Galileo dépendent d’entreprises américaines. Mais une fois installés, la dépendance s’arrêtera, et ne mettra aucunement en cause notre nouvelle autonomie par rapport au GPS. Je veux d’ailleurs insister sur la puissance de Galileo : le GPS dispose d’une précision moyenne de dix-sept mètres, pour Galileo, ce sera deux mètres ! Je vous laisse imaginer les conséquences d’un tel progrès, notamment par exemple pour permettre le fonctionnement de systèmes radio-guidés permettant de faire fonctionner les aéroports par tout temps.

Seule demeure, en effet, l’incertitude sur la bonne volonté des Chinois à ne pas saturer les fréquences par le lancement de leur propre programme, ce qui nous imposerait de recalibrer les dimensions de notre projet. Le courrier envoyé à ce propos par le Président de la Commission européenne aux autorités chinoises n’a, à ce jour, pas reçue de réponse. »

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Ø Commission européenne, Direction générale énergie et transports, Bruxelles :

- M. Paul Flament, chef d’unité adjoint, programmes EU de navigation par satellite, infrastructure, déploiement et exploitation ;

- M. Jérémie Godet, chef d’unité sécurité, fréquences et signaux, programmes EU de navigation par satellite, infrastructure, déploiement et exploitation ;

- M. Fotis Karamitsos, directeur, transport maritime, Galileo et transport intelligent ;

- M. Bernhard Schnittger, programmes européens GNSS, Communication et relations institutionnelles.

Ø Coordination interministérielle Galileo :

– M. Charles de Lauzun ;

– M. Raymond Rosso.

Ø Université de Lyon III :

– Mme le Professeur Mireille Couston.

ANNEXE 2 :
LETTRE DE MR JOSE MANUEL BARROSO A M. WEN JIABAO

ANNEXE 3 :
ORGANISATION DE LA COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE

Le Premier ministre a chargé M. Yannick d’Escatha, président du Centre national d’études spatiales (CNES), d’assurer, au plan national, la fonction de Coordonnateur Interministériel des systèmes GNSS européens. Il est assisté d’une équipe de trois personnes : un représentant du ministère de la Défense, une représentante du CNES et un représentant du MEEDDAT, M. Raymond Rosso, de la DRI.

Le Coordonnateur Interministériel a constitué, au plan national, un groupe de travail interministériel GNSS, rassemblant des experts en charge des dossiers GNSS au sein des Services du Premier Ministre et des Ministères suivants :

- le SGAE (secrétariat général des affaires européennes, Premier ministre) ;

- le SGDN (secrétariat général de la défense nationale, Premier ministre) ;

- le MEEDDAT (ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire), y inclus la DGAC et la DRI ;

- le MESR (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche), y inclus le CNES ;

- le ministère de la défense, y inclus l’Etat major des armées (EMA), la DGA (Délégation générale pour l’armement) et la DAS (Direction des affaires stratégiques) ;

- le MEIE (ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi) ;

- le Ministère du budget et des comptes de la Nation ;

- le MAEE (ministère des affaires étrangères et européennes).

L’objectif du GTI-GNSS est de faciliter la circulation de l’information entre toutes les administrations concernées par les programmes GNSS et préparer les positions françaises à tenir lors des comités et réunions de la CE et de l’ASE portant sur les programmes GNSS. Ces positions seront décidées formellement selon les procédures interministérielles en vigueur (i.e. coordonnées par le SGAE pour les Conseils et Comités de l’Union européenne et par le CNES pour les Conseils et Comités de l’ESA) puis validées par le Coordonnateur interministériel Galileo.

Les réunions du groupe de travail se tiennent environ toutes les trois semaines au siège du CNES à Paris.

ANNEXE 4 :
LES SYSTÈMES DE GPS DANS LE MONDE

Si l’on parle aujourd’hui de système de navigation par satellite accessible au grand public, le seul mot qui vient à l’esprit est le GPS, acronyme de « Global Positioning System », lancé par le gouvernement américain pendant la guerre froide. Pourtant, des systèmes concurrents sont déjà en cours de construction, dont le système européen Galileo fortement poussé ces dernières années par une partie de l’Europe mais également certains autres pays dont la Chine. Etat des lieux des systèmes de positionnement qui seront actifs ces prochaines années.

1) Union européenne - Galileo

- nombre de satellites : 30 ;

- date de mise en fonctionnement : 2011 ;

- actuel développement : le premier satellite a été lancé en décembre 2005 et le premier signal « Galileo » a été reçu en janvier 2006.

Initié en 1999, Galileo est un système de positionnement par satellite destiné à supprimer la dépendance de l’Europe vis-à-vis du système américain. Lors de sa création, les États-Unis ont tenté d’y faire obstacle, notamment pour éviter de causer des interférences avec leur système de positionnement ou pour empêcher que des pays ou des organisations ennemies puissent utiliser Galileo. Après différentes phases de négociation, les Etats-Unis ont finalement accepté Galileo et ont décidé de le rendre interopérable avec le système GPS. Le coût total estimé du projet est d’environ 3 milliards d’euros. Les principaux pays qui ont aidé à sa conception sont l’union européenne, la Chine, l’Inde, l’Israël, le Maroc et l’Ukraine.

Côté technologie, Galileo permettra de diffuser dix signaux en temps réel sur deux bandes de fréquence pour une précision annoncée comme inférieure à quatre mètres : six signaux seront réservés aux services gratuits (utilisables par le grand public pour leur système de navigation), deux signaux pour le service commercial (garantie du service, intégrité et continuité du signal, meilleur précision du positionnement) et deux signaux pour le service public réglementé (pour les missions de service public).

2) Chine - Beidou

- nombre de satellites : 35 ;

- date de mise en fonctionnement : couverture de la chine et ses environs en 2008. Couverture du reste du monde dans les années à venir ;

- actuel développement : 4 satellites en orbite.

Initié en 1983, Beidou est un projet chinois de système de navigation et de positionnement par satellites. A noter que la Chine s’est également associée au projet européen Galileo.

Créé à l’origine pour les militaires, le gouvernement chinois a récemment annoncé que le système de géo positionnement pourrait être également utilisable gratuitement par le grand public. Seulement, pour le moment le projet Beidou est différent de Galileo ou GPS puisqu’il ne s’agit que de satellites géostationnaires qui ne peuvent assurer qu’un service régional. Beidou ne sert donc pour l’instant qu’à améliorer le système de navigation existant. Cependant, il sera prochainement transformé en système de positionnement traditionnel.

3) Russie - Glonass

- nombre de satellites : 24 ;

- date de mise en fonctionnement : 2011 ;

- actuel développement : seize satellites en orbite, dont cinq ne sont pas encore activés. Douze satellites de plus sont prévus pour être lancés au cours des deux prochaines années.

Face aux systèmes de positionnement par satellites américains via le GPS ou européens via Galileo, les Russes ont décidé d’ouvrir leur système de positionnement par satellites Glonass au reste du monde dans les années à venir, et ce également avec une utilisation possible du service pour les civils.

Créé pendant la guerre froide par les militaires russes, le système de positionnement par satellites Glonass, qui signifie Global Navigation Satellite System (système global de navigation satellite), dispose aujourd’hui d’une constellation de vingt quatre satellites, près de la moitié d’entre eux étant vieillissants et presque inutilisables.

Si ce système était jusque là utilisé en majorité par les militaires et depuis plus récemment par certains civils, la Russie envisage désormais d’ouvrir le service de positionnement par satellites Glonass, premièrement aux seuls civils Russes et quelques temps après au reste du monde. A cette occasion, M. Sergei Ivanov, ministre de la défense de Russie, précise que le système Glonass sera accessible aux civils russes dès l’année prochaine et aux usagers du reste du monde deux ans plus tard, c’est-à-dire dans le courant de l’année 2009.

Celui-ci précise également que le prochain système mondial de positionnement par satellites Glonass « aura un impact commercial d’importance [...] qui contribuera au développement économique national dans bon nombre de domaines ».

4) Inde - IRNSS

- nombre de satellites : 7 ;

- date de mise en fonctionnement : 2011 ;

- actuel développement : le premier satellite sera lancé en 2008.

L’Indian Regional Navigational Satellite System (« système indien de navigation régionale par satellite ») ou IRNSS est une proposition de système de positionnement par satellites qui serait construit et contrôlé par le gouvernement Indien. Il fournirait la position absolue à une précision de 20 mètres à travers toute l’Inde et à une distance de 1500 à 2000 km des frontières. Un but de contrôle complet de la part du gouvernement indien a été cité, ce qui implique que toutes les parties du projet soient construites en Inde.

Techniquement parlant, Wikipedia indique que le système proposé consisterait en sept satellites et une partie au sol (ground segment). Trois des satellites seraient placés en orbite géostationnaire et les quatre autres en orbite géosynchrone inclinée de 29 degrés par rapport au plan de l’équateur. Un tel arrangement signifierait que tous les satellites auraient une visibilité continue avec les stations de contrôle indiennes.

5) USA - Navstar (GPS)

- nombre de satellites : 24 ;

- date de mise en fonctionnement : 2011 (pour le renouvellement des satellites) ;

- actuel développement : Entièrement fonctionnel et en cours de modernisation.

C’est actuellement le seul système de positionnement par satellite utilisable gratuitement dans le monde entier. Le premier satellite a été lancé en 1978 et le système a été déclaré comme opérationnel à partir de 1995. Cependant, après maintenant plus de dix ans d’utilisation, le système de positionnement américain est vieillissant et a besoin d’être mis à jour pour qu’il puisse rester compétitif face aux nouveaux systèmes concurrents chinois ou européens.

Pour garder une avance technologique dans le positionnement par satellites GPS, les Etats-Unis ont conçu une nouvelle génération de satellites GPS qui proposent des fonctionnalités supplémentaires par rapport aux vieillissants satellites GPS déjà en orbite. A cette occasion, lancé le 25 septembre dernier de Cap Canaveral, le Satellite nommé IIR-14 est dores et déjà annoncé comme le satellite GPS le plus avancé technologiquement de toute la constellation des satellites GPS déjà disponibles. Celui-ci dispose en effet de plusieurs technologies, dont une nouvelle antenne récente lui permettant d’augmenter la puissance du signal sur les récepteurs GPS utilisés aussi bien par les civils que par les militaires.

Ce satellite dispose de plus d’une possibilité de gérer deux nouveaux signaux destinés aux militaires, permettant d’avoir une sensibilité du GPS plus importante, un meilleur système de cryptage et une fonctionnalité « anti-brouillage » (anti-jamming), ainsi qu’un second signal, destiné aux civils, qui laisse la possibilité d’être utilisé via différentes fréquences.

Cette nouvelle technologie en matière de GPS permet de disposer d’un second signal GPS (L2C) utilisable par le grand public qui a pour but d’améliorer fortement l’exactitude et la fiabilité du système de positionnement par satellites GPS. La grande nouveauté des satellites GPS de nouvelle génération concerne l’utilisation possible pour les civils non plus d’un seul signal L1C utilisable sur certaines fréquences, mais également d’un second signal baptisé L2C utilisable sur d’autres fréquences plus puissantes. A noter que dans les deux cas, le « C » signifie « civil », des signaux similaires L1 et L2 pouvant être utilisés uniquement par les militaires.

Concrètement parlant, le gouvernement américain a annoncé que le nouveau signal L2C a été spécialement conçu pour des besoins commerciaux, permettant de transmettre des données avec plus de puissance et donc de fiabilité, ceci dans le but d’améliorer la réception des coordonnées GPS, même dans des lieux où le GPS de première génération ne fonctionne pas ou rarement, à savoir dans certaines rues (canyon urbain) ou en intérieur.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Global Navigation Satellite System.

3 () Rapport d’information n° 440 « Galileo : un pilier majeur de la puissance scientifique et technologique de l’Europe ».

4 () Rapport spécial 7/2009.

5 () page 28 et suivantes du rapport.