Accueil > Union européenne > Rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 2155

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la deuxième phase de mise en
œuvre du régime d’asile européen commun
(Documents E 4169, E 4170, E 4174 et E 4759)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Thierry MARIANI,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE AUX NORMES MINIMALES D’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE 9

A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE… 9

B. … A SUSCITÉ UNE VIVE OPPOSITION SUR PLUSIEURS POINTS MAJEURS 10

II. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF À LA DÉTERMINATION DE L’ETAT RESPONSABLE D’UNE DEMANDE DE PROTECTION INTERNATIONALE (RÈGLEMENT DE DUBLIN) 15

A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 17

B. LES RÉSERVES DES ETATS MEMBRES 18

III. LES PROPOSITIONS RELATIVES À EURODAC 21

A. UNE PROPOSITION D’ORDRE PRINCIPALEMENT TECHNIQUE 21

B. LA PROPOSITION TENDANT À PERMETTRE L’ACCÈS DES SERVICES RÉPRESSIFS À EURODAC 23

1. La recherche d’un équilibre entre sécurité et respect des libertés publiques 23

2. Un accueil favorable des Etats membres mais une opposition vive des ONG et associations 26

CONCLUSION 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 33

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Malgré les mesures d’harmonisation adoptées depuis dix ans, des différences fondamentales demeurent dans les décisions de reconnaissance ou de rejet de demandes d’asile présentées par des personnes venant d’un même pays. L’absence de pratiques communes, les divergences des sources d’information et les différentes traditions nationales conduisent à des résultats contraires. Ces résultats sont la source des mouvements secondaires des demandeurs d’asile qui cherchent à se présenter dans le pays dans lequel leur demande a le plus de chances d’être acceptée.

M. Jacques Barrot, commissaire européen en charge de l’espace de liberté, de sécurité et de justice avait, en février 2009, à l’occasion de la présentation des propositions de la Commission européenne, rappelé qu’il fallait mettre fin aux distorsions entre les pays concernant le niveau de reconnaissance des demandes d’asile. « La Belgique, la Suède et l’Italie prennent environ une décision positive sur quatre demandes d’asile alors que la Slovaquie, la Grèce ou la Slovénie ne prennent que trois décisions positives sur cent » a déploré M. Barrot(2). En France, selon les statistiques Eurostat, 26 % des décisions prises en 2008 étaient des décisions d’acceptation. Les chiffres de l’OFPRA pour les trois premiers trimestres 2009 indiquent qu’en 2009, le taux global d’admission (y compris après annulation par la Cour nationale du droit d’asile) était de près de 30 %.

Le tableau suivant présente la part des décisions positives et négatives dans le nombre total des décisions prises par les Etats membres en matière d’asile en 2008.

décisions définitives sur les demandes d’asile rendues en 2008

 

Nombre de décisions positives (y compris la protection subsidiaire)

Nombre de décisions de rejet

Nombre total de décisions

Belgique

395

4 840

5 240

Bulgarie

10

20

25

République tchèque

45

1 435

1 480

Danemark

165

315

480

Allemagne

2 775

8 295

11 070

Estonie

0

0

0

Irlande

295

2 165

2 460

Grèce

360

980

1 340

Espagne

:

1 110

:

France

6 320

18 030

24 350

Italie

1 620

30

1 655

Chypre

35

2 810

2 845

Lettonie

0

15

15

Lituanie

0

35

35

Luxembourg

55

425

480

Hongrie

0

55

55

Malte

0

225

230

Pays-Bas

415

390

800

Autriche

2 035

5 760

7 795

Pologne

30

155

185

Portugal

0

0

0

Roumanie

:

:

:

Slovénie

0

100

100

Slovaquie

10

65

70

Finlande

80

10

95

Suède

825

855

1 680

Royaume-Uni

3 115

6 750

9 865

Source : Eurostat.

L’effort d’harmonisation doit impérativement être poursuivi.

La Commission européenne a présenté le 9 décembre 2008 trois propositions dans un ensemble de quatre mesures comprenant également la création du bureau européen d’appui en matière d’asile (rapport présenté par M. Thierry Mariani n° 2063 du 10 novembre 2009 sur la création du bureau européen d’appui en matière d’asile) :

- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres (refonte) (E 4169) ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (CE) n° […/…] [établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride] (refonte) (E 4170) ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (E 4174).

Ces trois propositions s’inscrivent dans le cadre établi par le programme de La Haye sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour la période 2004-2009. Elles visent à refondre des règlements et une directive adoptés en 2000 (règlement dit Eurodac) et 2003 (règlement dit de Dublin et directive sur les conditions d’accueil des réfugiés). Elles sont fondées sur l’article 63, points 1a et 1b du traité CE sur les mesures en matière d’asile.

Elles tendent à harmoniser davantage et à améliorer les normes de protection des demandeurs d’asile en vue de la création d’un véritable régime d’asile européen commun, dont nous sommes encore très éloignés aujourd’hui.

Le 10 septembre 2009, la Commission a également présenté une proposition fondée sur le troisième pilier tendant à permettre l’accès des services répressifs aux données contenues dans la base de données Eurodac (proposition de décision du Conseil relative aux demandes de comparaison avec les données Eurodac présentées par les services répressifs des Etats membres et Europol à des fins répressives, E 4759). Elle sera également examinée dans le présent rapport.

I. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE AUX NORMES MINIMALES D’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE

A. La proposition de la Commission européenne…

La proposition vise à assurer des normes de traitement plus élevées en termes de conditions d’accueil. Une réelle harmonisation des conditions d’accueil n’a toujours pas été atteinte malgré la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 car celle-ci laisse une grande marge de manœuvre aux Etats membres pour organiser l’accueil. Or, cette harmonisation est impérative.

La proposition de la Commission européenne comprend plusieurs avancées. En premier lieu, elle s’appliquerait également aux personnes demandant une protection subsidiaire(3) et non plus aux seuls demandeurs d’asile. La France a déjà mis en pratique cette extension. La proposition étendrait également la notion de membre de la famille en incluant les enfants mineurs mariés du demandeur lorsque leur intérêt supérieur exige qu’ils résident avec le demandeur, ainsi que le père, la mère ou le tuteur du demandeur, les frères et sœurs mineurs du demandeur notamment lorsque celui-ci est mineur et non marié. A l’heure actuelle, la notion de membre de la famille vise le conjoint du demandeur d’asile (ou son partenaire engagé dans une relation stable sous certaines conditions) et ses enfants mineurs. Enfin, le champ d’application de la directive serait clarifié en y incluant explicitement les zones de transit.

En second lieu, elle vise à faciliter l’accès à l’emploi des demandeurs d’asile. La Commission européenne souhaite que l’accès à l’emploi soit accéléré et, partant, que l’intégration des demandeurs d’asile soit améliorée. En outre, le maintien d’entraves à l’accès au marché du travail peut être selon elle une cause de travail non déclaré. La Commission européenne propose de prévoir que les demandeurs de protection internationale auront accès au marché du travail au plus tard six mois après le dépôt de leur demande (contre un an aujourd’hui).

Dans la pratique, elle relève que l’accès immédiat à l'emploi est autorisé en Grèce, tandis que le délai d'attente est de vingt jours au Portugal, de trois mois en Autriche et en Finlande, de quatre mois en Suède, de six mois en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et à Chypre, et de neuf mois au Luxembourg. En France, ce délai est d’un an.

Par ailleurs, l’imposition de conditions d’accès au marché du travail ne devrait pas restreindre indûment l’accès des demandeurs au marché du travail. Les dispositions prévoyant que les Etats peuvent donner la priorité aux citoyens de l’Union, de l’Espace économique européen et aux ressortissants de pays tiers en séjour régulier pour des motifs liés à leur politique du marché du travail seraient supprimées.

En troisième lieu, la proposition modifierait l’accès aux « conditions matérielles d’accueil » (logement, nourriture et hébergement). Ces dernières devraient être alignées sur le montant de l’aide sociale octroyée dans l’Etat membre. En calculant le montant de l’aide à octroyer aux demandeurs d’asile, les Etats membres feraient en sorte que la valeur totale des conditions matérielles d’accueil soit égale à l’aide sociale accordée aux ressortissants de l’Etat. Toute différence devrait être dûment justifiée. Les conditions de limitation ou de retrait de l’accès aux conditions matérielles d’accueil seraient plus strictement encadrées.

En outre, des situations spécifiques liées à l’âge, au sexe ou à des besoins particuliers devraient être mieux prises en compte.

En quatrième lieu, la proposition modifierait les conditions de mise en rétention. Le principe selon lequel nul ne doit être placé en rétention au seul motif qu’il demande l’asile serait réaffirmé. Le placement en rétention des mineurs non accompagnés serait interdit. La décision de placement devrait être réservée à l’autorité judiciaire, sauf cas d’urgence. Dans ces situations d’urgence, le placement pourrait être ordonné par les autorités administratives puis devrait être confirmé par une autorité judiciaire dans les 72 heures. Les demandeurs d’asile en rétention devraient être séparés des autres personnes en rétention (pas de placement dans des établissements pénitentiaires mais dans des centres spécialisés). Les familles placées en rétention devraient être placées dans un lieu séparé et adapté.

B. … a suscité une vive opposition sur plusieurs points majeurs

En l’état actuel des négociations, un compromis semble éloigné, la plupart des Etats membres ayant de réelles réserves sur les avancées proposées et le Parlement européen, co-législateur, ayant adopté en première lecture des positions éloignées de celles des Etats membres. Il convient de rappeler que le Parlement européen avait adopté une résolution le 5 février 2009 sur la mise en œuvre dans l'Union européenne de la directive 2003/9/CE sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et réfugiés (visites de la commission LIBE de 2005 à 2008). Il avait alors souligné les graves carences dans l’accueil des demandeurs d’asile (accès à un interprète et à un conseil juridique, accès aux soins, notamment pour les populations vulnérables telles que les femmes enceintes ou les victimes de la torture, conditions de mise en rétention très extensives et dans des conditions carcérales précaires).

Le Parlement européen a ainsi, en première lecture le 7 mai dernier, renforcé les normes d’accueil des demandeurs d’asile (obligations quant à la langue dans laquelle les informations sont fournies au demandeur, accès facilité à une aide juridique gratuite, aides aux demandeurs placés en rétention, obligations renforcées en matière de scolarisation des mineurs, soins appropriés pour certaines catégories de victimes). Ces positions sont proches de celles développées par le HCR (Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies). Il a également supprimé les dispositions relatives à l’équivalence de l’aide octroyée aux demandeurs d’asile avec le montant de l’aide sociale en vigueur dans l’Etat membre.

D’une manière générale, les ONG et associations compétentes en matière d’asile ont salué les objectifs portés par la Commission européenne et rappelé que la directive de 2003 sur les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile était largement insuffisante, les Etats membres ayant bénéficié de larges marges d’appréciation dans sa mise en œuvre. Ainsi, l’harmonisation qui en est résultée s’est avérée très limitée. Le HCR a notamment soutenu l’extension de la définition des membres de la famille, du champ d’application de la directive, l’encadrement des conditions de rétention, l’interdiction de placer les demandeurs d’asile dans des établissements pénitentiaires, l’attention portée aux populations plus vulnérables et la facilitation de l’accès au marché du travail.

Si les avancées proposées ont été globalement jugées positives, plusieurs acteurs ont souligné que les motifs de rétention, encore trop vagues, peuvent être interprétés de manière à justifier une rétention systématique (France terre d’asile, Forum réfugiés) et que, si les motifs proposés sont bien inspirés des lignes directrices du HCR sur la détention des demandeurs d’asile et de la recommandation 2003/5 du Conseil de l’Europe sur les mesures de détention des demandeurs d’asile, ces dispositions devraient malgré tout être modifiées afin de restreindre encore l’usage de la détention et de promouvoir l’utilisation de solutions alternatives (secrétariat général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Amnesty international, section française, HCR). La plupart des acteurs souhaitent également voir renforcées les dispositions relatives aux personnes vulnérables ayant des besoins particuliers.

Le secrétariat général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), consulté par le rapporteur, note que plusieurs avancées du texte sont pertinentes et constituent des progrès. Il souhaiterait cependant que le texte aille plus loin dans l’encadrement des conditions de rétention, dans l’assistance fournie en matière d’interprétariat ou encore sur la question du droit à un avocat.

S’agissant de l’accès au marché du travail, les autorités françaises sont, en l’état actuel des négociations, réservées sur un abaissement du délai d’accès à six mois. Elles craignent en effet un impact sur la demande d’asile en renforçant l’attractivité du territoire. D’une manière générale, les Etats membres ayant des délais d’accès inférieurs à six mois ne sont pas opposés à la proposition, si ce n’est que certains contestent la compétence communautaire sur cette question. Ainsi, le Bundesrat allemand a estimé que l’accès des ressortissants de pays tiers au marché de l’emploi relevait de la compétence exclusive des Etats membres.

La proposition prévoit que le placement en rétention soit limité à certaines situations (article 8) :

« (a) pour déterminer, confirmer ou vérifier son identité ou sa nationalité;

(b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d'asile et qui auraient pu être égarés dans d'autres circonstances;

(c) pour statuer sur sa demande d'asile dans le cadre d'une procédure visant à déterminer son droit d'entrer sur le territoire;

(d) lorsque la protection de la sécurité nationale et de l'ordre public l’exige. »

La question de l’interdiction de la mise en rétention des mineurs non accompagnés soulève des difficultés. La proposition de la Commission européenne assimile au placement en rétention le maintien en zone d’attente des personnes demandant l’asile à la frontière sans être munies des documents requis pour entrer en France. Les dispositions relatives au maintien en zone d’attente devraient donc être révisées si la proposition était adoptée en l’état. Le projet impliquerait notamment d’admettre sur le territoire tout mineur demandant l’asile à la frontière. Il conviendra d’examiner dans quelle mesure une telle prescription est compatible avec la sécurité desdits mineurs non accompagnés.

Enfin, en France, le placement en rétention est une mesure administrative suivie d’une autorisation judiciaire après quatre jours (et non 72 heures).

Le sujet des conditions de rétention devrait, en tout état de cause, pour les Etats membres, être traité dans le cadre de la future directive sur les procédures d’octroi afin de ne pas rouvrir un débat sur ces questions très délicates déjà très critiquées lors de l’adoption de la directive dite « retour ». Cette position est notamment soutenue par les autorités françaises.

Ces dernières estiment enfin que l’alignement des aides accordées aux demandeurs d’asile sur les prestations sociales versées aux nationaux, outre la difficulté de calculer le montant à retenir, risque, non pas de permettre une harmonisation des conditions d’accueil au sein de l’Union, mais au contraire de renforcer des différences de traitement selon les pays d’accueil en fonction du niveau des aides sociales en vigueur.

En conclusion, si les objectifs poursuivis par la proposition de directive doivent être soutenus afin de permettre une harmonisation réelle des conditions d’accueil, plusieurs points devraient être négociés. Le rapporteur estime notamment que des mesures qui pourraient avoir pour conséquence de renforcer l’attrait pour les Etats membres pour des motifs économiques et non pour un besoin de protection internationale (facilitation de l’accès au marché du travail) ne permettront pas d’améliorer les conditions d’accueil des personnes ayant besoin d’être protégées.

II. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF À LA DÉTERMINATION DE L’ETAT RESPONSABLE D’UNE DEMANDE DE PROTECTION INTERNATIONALE (RÈGLEMENT DE DUBLIN)

Le règlement dit de Dublin II (343/2003 du 18 février 2003) établit les critères pour déterminer quel est l’Etat membre responsable d’une demande d’asile présentée par un ressortissant de pays tiers. Il a pris la suite de la convention de Dublin du 19 août 1997.

Le principe premier du règlement est que la responsabilité incombe à l’Etat membre qui a joué le rôle principal dans l’entrée ou le séjour du demandeur sur le territoire des Etats membres. Un mécanisme de transfert des demandeurs d’asile vers l’Etat responsable de les accueillir est organisé lorsque les demandeurs se présentent dans un autre Etat membre.

Le rapport d’évaluation du système de Dublin (présenté par la Commission européenne le 6 juin 2007), a démontré un manque d’efficacité du système bien que ses principaux objectifs aient été atteints. Du 1er janvier 2006 au 30 juin 2007, 39.000 requêtes ont été reçues par les Etats membres au titre de Dublin (21,3 % du nombre des demandes d’asile) et, si 59 % de ces requêtes ont été acceptées, seuls 12.500 transferts ont réellement été effectués (étude d’impact de la Commission européenne, SEC (2008) 2962).

Pour la France, les éléments chiffrés sont les suivants :

Requêtes adressées aux Etats membres

2008 :

Nombre de requêtes : 4 041

Nombre d’accords : 2 641

Nombre de refus : 783

Nombre de transferts : 789

2009 (de janvier à août)

Nombre de requêtes : 4 973

Nombre d’accords : 2 089
Nombre de refus : 641
Nombre de transferts : 917

Requêtes reçues des Etats membres

2008
Nombre de requêtes : 2 592

Nombre d’accords : 1 405

Nombre de refus : 1 233

Nombre de transferts : 947

2009 (de janvier à septembre)

Nombre de requêtes : 1 754

Nombre d’accords : 1 433

Nombre de refus : 266

Nombre de transferts : 617

Source : ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

D’une manière générale, le système de Dublin est fortement critiqué par les associations, notamment parce que le règlement ne prend pas en compte, selon elles, les liens d’attache du demandeur d’asile avec le pays vers lequel il est renvoyé, ni les grandes différences entre les systèmes d’asile, ni les niveaux de prise en charge des demandeurs d’asile.

A. La proposition de la Commission européenne

La proposition vise à accroître l’efficacité du système, garantir des normes de protection plus élevées et mieux faire face aux situations d’urgence dans lesquelles les capacités d’accueil sont soumises à des pressions particulières.

Le règlement serait étendu aux personnes demandant une protection subsidiaire. Comme pour la directive sur les normes minimales d’accueil, la notion de membre de la famille serait élargie et le règlement serait explicitement applicable aux zones de transit.

Il est proposé de mettre en œuvre un mécanisme de suspension temporaire des transferts vers un Etat membre responsable d’une demande d’asile mais qui serait soumis à une situation d’urgence particulière qui ferait peser une charge exceptionnellement lourde en matière d’accueil des demandeurs d’asile. Cela vise à faire face, en partie, à la situation dramatique dans laquelle se trouvent les demandeurs d’asile arrivant en masse sur le territoire de l’Union par la Méditerranée et à la saturation des régimes d’asile dans les pays du Sud de l’Union, principalement à Malte, à Chypre, en Grèce et en Italie. La suspension pourrait être mise en œuvre suite à une demande de l’Etat membre concerné, de la Commission européenne qui pourrait s’autosaisir si elle estime le l’Etat membre ne respecte pas les normes européennes relatives à l’asile ou d’un autre Etat membre.

Un recours qui serait suspensif sous certaines conditions serait ouvert aux demandeurs contre les décisions de transfert prises à leur égard. Il appartiendrait à la juridiction compétente de statuer, dans un délai suspensif de sept  jours, sur l’effet suspensif du recours au-delà de ces sept jours.

Des règles plus protectrices de l’unité familiale seraient mises en œuvre, au-delà de l’extension de la notion de membre de la famille.

Une attention particulière serait portée aux mineurs et aux mineurs non accompagnés.

Les obligations d’information du demandeur sur l’application du règlement de Dublin seraient renforcées. Un entretien individuel pour recueillir les informations nécessaires serait prévu. Les décisions de transfert devraient être notifiées par écrit dans une langue dont on peut raisonnablement penser que le demandeur la comprend.

Comme dans la directive relative aux conditions d’accueil, les règles relatives à la mise en rétention des demandeurs d’asile seraient plus restrictives.

Les dispositions existantes qui permettent à un Etat d’assumer l’examen d’une demande d’asile même si elle relève d’un autre Etat en application du règlement (dérogation aux principes posés par le règlement pour des raisons liées au principe de l’unité familiale – clause humanitaire – ou pour d’autres raisons – clause de souveraineté) seraient fusionnées en une clause discrétionnaire.

Dernier élément important, des mesures sont proposées pour accélérer et faciliter les procédures de transfert. Des délais seraient fixés pour le dépôt des demandes aux fins de reprise en charge par un autre Etat et les principaux délais de la procédure seraient raccourcis.

B. Les réserves des Etats membres

Le Parlement européen a soutenu la proposition de la Commission européenne et l’a amendée sur plusieurs points. Il a notamment souhaité instituer un dispositif ayant force obligatoire afin de fournir un soutien efficace aux Etats membres confrontés à des pressions spécifiques et disproportionnées sur leurs systèmes nationaux dues, en particulier, à leur situation géographique ou démographique. Ce dispositif consisterait à :

- détacher sous l'égide du bureau européen d'appui en matière d'asile des fonctionnaires d'autres Etats membres ;

- instituer un programme visant à reloger les bénéficiaires d'une protection internationale dans des Etats membres confrontés à des pressions spécifiques et problématiques dans d'autres Etats membres, après consultation du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

En ce qui concerne les mesures de rétention, le Parlement a voulu préciser que les Etats membres ne peuvent retenir un demandeur d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat membre responsable que si d'autres mesures moins coercitives se sont révélées inefficaces, et ce uniquement dans une structure non pénitentiaire. Il a par ailleurs amendé la proposition en renforçant les obligations d’informations envers le demandeur (entretien individuel obligatoire par exemple).

Les ONG et associations ont accueilli de manière mesurée la proposition de la Commission européenne, regrettant que le système de Dublin ne soit pas totalement remis en cause. Elles souhaitent renforcer les obligations pour l’Etat membre concerné de s’attaquer aux causes qui auraient nécessité l’interruption du système de Dublin afin que celui-ci ne soit pas indirectement incité à laisser se détériorer la situation. Elles estiment nécessaire de limiter les possibilités de mise en mise en rétention des demandeurs. Plusieurs associations ont regretté le caractère inutilement complexe et peu protecteur de la procédure de recours suspensif sous condition proposée par la Commission européenne. De nombreux acteurs soulignent que le système de Dublin fait peser une trop lourde responsabilité sur les Etats membres aux frontières extérieures de l’Union. Il devrait être remplacé par un nouveau mécanisme fondé sur les liens familiaux, linguistiques et culturels qui existent entre un demandeur et un Etat membre.

Le HCR a néanmoins jugé de manière positive certaines avancées de la proposition (extension du champ d’application, extension de la définition de membre de la famille et mesures en faveur des mineurs non accompagnés, obligations d’information à l’égard des demandeurs, suspension temporaire des transferts). Le HCR souhaite cependant aller plus loin sur certaines dispositions (langue dans laquelle les informations sont données, restriction des conditions de rétention).

Le contrôleur européen de la protection des données a accueilli favorablement les mesures plus protectrices en matière de protection des données.

Le secrétariat général du CNCDH, consulté par le rapporteur, a rappelé que seule l’harmonisation des conditions de traitement des demandes d’asile peut garantir l’accès à des procédures d’asile comportant des garanties fondamentales. Des écarts considérables persistent entre les taux d’accord de protection. Il note un certain nombre d’avancées dans la proposition, certaines correspondant à des recommandations que la CNCDH a pu formuler par le passé. Il estime cependant regrettable que le Conseil puisse s’opposer à la majorité qualifiée à une décision de la Commission européenne de suspendre les transferts car les demandeurs ne peuvent voir leur droit à un traitement équitable de leur demande respecté dans des conditions de pression exceptionnelle sur un régime d’asile. Malgré son extension, « la définition des membres de famille reste plus restrictive que l’interprétation donnée par la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l’homme (article 8) ».

D’une manière générale, si les autorités françaises saluent la volonté de résoudre les problèmes urgents auxquels doivent faire face les régimes d’asile de plusieurs Etats membres, elles estiment que la suspension du mécanisme de transfert n’est pas la voie la plus appropriée. Une aide par le bureau européen d’appui en matière d’asile serait notamment préférable en donnant à cette nouvelle instance les moyens d’une telle mission. Une solidarité financière accrue ou encore le développement des programmes de « relocalisation » des réfugiés ayant obtenu le doit d’asile dans un autre Etat membre seraient des moyens plus efficaces de mettre en œuvre une solidarité au sein de l’Union. La France a ainsi mis en place un programme d’accueil de 96 personnes placées sous protection internationale à Malte. Par ailleurs, la situation migratoire en Méditerranée devra être traitée de manière globale en amont.

Plusieurs autres difficultés ont été notées : extension de la notion de membre de la famille, caractère suspensif des voies de recours qui n’est pas compatible avec le droit français actuel selon lequel la décision est exécutoire et le recours non suspensif.

Les autorités françaises craignent un allongement excessif des procédures de transfert par la multiplication de mesures complexifiant le règlement (recours suspensif, dérogations liées à l’application du principe de l’unité familiale étendue). Il est à noter qu’un encadrement excessif serait finalement préjudiciable à l’application du règlement.

La majorité des Etats membres ont émis un avis défavorable sur la suspension des transferts alors que la Commission européenne et le Parlement européen y sont très attachés. Les Etats principalement concernés (Chypre, Malte, Grèce et Italie) sont favorables au mécanisme. Les négociations entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen sont difficiles.

En ce qui concerne les mesures relatives à la rétention, les Etats membres souhaitent qu’elles soient discutées, si nécessaire, lors de la future refonte de la directive relative aux procédures.

III. LES PROPOSITIONS RELATIVES À EURODAC

A. Une proposition d’ordre principalement technique

La Commission européenne a présenté le 9 décembre 2008 une proposition de règlement concernant la création du système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement de Dublin (E 4170). Cette proposition procède à une refonte d’ordre essentiellement technique du règlement Eurodac (CE 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000). Eurodac est un système informatique créé à l’échelle de l’Union en vue de faciliter l’application du règlement de Dublin et a démarré ses activités le 15 janvier 2003. Il permet de vérifier si un demandeur d’asile a déjà déposé une demande dans un autre Etat membre. Les données suivantes sont entrées dans le système central : empreintes digitales, Etat membre, lieu et date de la demande d’asile, sexe, numéro de référence attribué par l’Etat membre, date du relevé des empreintes, date de transmission des empreintes au système central. Elles sont conservées dix ans. Eurodac collecte également les données relatives aux ressortissants de pays tiers ou apatrides appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure. Les données sont alors conservées deux ans (la proposition ramènerait cette durée à un an). Elles ne sont transmises qu’aux fins de comparaison avec les données relatives aux demandeurs d’asile transmises ultérieurement. Eurodac permet également de vérifier si un étranger se trouvant illégalement sur le territoire d’un Etat membre a auparavant déposé une demande d’asile dans un autre Etat.

Dans son rapport d’évaluation du système de Dublin de juin 2007, la Commission européenne a recensé certaines difficultés dans l’utilisation d’Eurodac.

Les retards dans la transmission des empreintes digitales par certains Etats membres (aucun délai n’est fixé dans le règlement), l’absence d’harmonisation sur les informations à transmettre sur le statut de demandeur d’asile (mauvaise gestion des suppressions de données enregistrées) et l’imprécision dans la désignation des autorités nationales ayant accès à Eurodac sont les principales critiques à l’encontre d’Eurodac.

En conséquence, la proposition prévoit de fixer un délai de 48 heures après le dépôt d’une demande de protection internationale pour relever et envoyer les empreintes vers le système central pour déterminer l’Etat responsable. Une instance nouvelle serait créée afin de gérer le système sur le plan opérationnel (elle serait également en charge du système d’information Schengen et du système d’information sur les visas). De nouvelles mesures seraient prises pour améliorer la protection des données en matière de suppression des données qui n’ont plus à figurer dans le système. Les autorités nationales ayant accès au système seraient plus précisément définies, les responsabilités des Etats membres en termes de protection des données seraient renforcées et un nouveau rôle serait établi pour le contrôleur européen de la protection des données. Les Etats membres devraient préciser s’ils appliquent une des clauses discrétionnaires leur permettant de déroger aux critères du règlement de Dublin pour assumer la prise en charge d’une demande d’asile.

Comme pour le règlement de Dublin et la directive sur les conditions d’accueil, le règlement serait étendu aux personnes demandant une protection subsidiaire.

Le Parlement européen a approuvé le 7 mai 2009, en première lecture, la proposition de règlement et l’a amendée notamment pour prévoir que, à titre exceptionnel, si les empreintes digitales sont gravement, mais seulement temporairement, endommagées ou si une période de quarantaine est nécessaire en raison d'une maladie contagieuse grave, la période de 48 heures pour la collecte des empreintes digitales peut être étendue à un maximum de trois semaines.

Le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a, dans son avis du 18 février 2009, accueilli favorablement les principales dispositions de la proposition et notamment le rôle qui lui est attribué, consistant à vérifier que les activités de traitement des données à caractère personnel exercées par l'instance gestionnaire sont conformes au règlement et veiller à ce que soit réalisé, tous les quatre ans au minimum, un audit des activités de traitement des données à caractère personnel. S’agissant de la limite d’âge à partir de laquelle les empreintes sont relevées (14 ans), le CEPD fait observer « que la plupart des documents actuellement disponibles semblent indiquer que la possibilité d'identifier avec exactitude des empreintes digitales diminue avec l'âge. A cet égard, il est conseillé de suivre de près l'étude sur le relevé des empreintes digitales menée dans le cadre de la mise en oeuvre du VIS ».

Le secrétariat général de la CNCDH a regretté que le règlement ne modifie pas la règle relative au relevé des empreintes des mineurs à partir de quatorze ans, mettant en doute la nécessité d’inclure les mineurs de quatorze ans dans une telle base de données.

B. La proposition tendant à permettre l’accès des services répressifs à Eurodac

1. La recherche d’un équilibre entre sécurité et respect des libertés publiques

La seconde proposition présentée par la Commission européenne le 16 septembre 2009 tend à permettre l’accès des services répressifs des Etats membres ainsi que d’Europol à certaines données de la base Eurodac.

En préambule, il convient de souligner que la base juridique du texte (article 30, paragraphe 1, point b du traité sur l'Union européenne) relève du troisième pilier qui a été supprimé par le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009. En conséquence, la Commission européenne devrait proposer un nouveau projet fondé sur le traité tel que modifié par le traité de Lisbonne. Pour autant, l’examen de ce projet n’est pas inutile et servira de base aux travaux futurs.

La Commission européenne indique que l’accès, pour les services répressifs, aux bases de données des autres Etats membres contenant les empreintes digitales des demandeurs d'asile est problématique. Il n’existe aucun système unique accessible aux services répressifs et permettant de déterminer si un Etat membre dispose d'informations concernant un demandeur d'asile. Le premier instrument existant dans ce domaine est la décision dite de Prüm (décision 2008/615/JAI du Conseil relative à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière). Elle permet aux Etats membres d’avoir un accès automatisé, entre autres, au système automatisé d’identification par empreintes digitales (AFIS) national d’un autre Etat membre sur la base d’un système «hit/no hit». Si une interrogation fondée sur la décision de Prüm fournit un résultat positif, des informations complémentaires, dont des données à caractère personnel, peuvent être obtenues dans l'Etat membre ayant enregistré l'empreinte digitale dans son AFIS national conformément au droit interne, y compris au moyen de l’entraide judiciaire.

Néanmoins, de nombreux Etats membres ne conservent pas de données relatives aux demandeurs d’asile dans leur système automatisé d’identification par empreintes digitales, qui répond à des objectifs de sécurité et non de traitement des demandes d’asile (la France n’enregistre pas les empreintes des demandeurs d’asile dans le fichier national des empreintes digitales, mais uniquement dans Eurodac).

En outre, il convient de rappeler la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration. Le Conseil constitutionnel avait censuré les possibilités d’accès, par les agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale, en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces sous le couvert desquelles il est autorisé à circuler ou séjourner en France, aux données du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié créé à l’époque à l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

« Considérant que la confidentialité des éléments d'information détenus par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle qui implique notamment que les demandeurs du statut de réfugié bénéficient d'une protection particulière ; qu'il en résulte que seuls les agents habilités à mettre en oeuvre le droit d'asile, notamment par l'octroi du statut de réfugié, peuvent avoir accès à ces informations, en particulier aux empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié ; que dès lors la possibilité donnée à des agents des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale d'accéder aux données du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié créé à l'office français de protection des réfugiés et apatrides prive d'une garantie légale l'exigence de valeur constitutionnelle posée par le Préambule de la Constitution de 1946 ; » (considérant n° 26).

Il semble, selon les informations transmises au rapporteur que quelques pays européens aient permis l’accès des services répressifs aux données relatives aux demandeurs d’asile.

En Allemagne, le registre central des étrangers (Ausländerzentralregister) comprend des données relatives aux étrangers ayant un titre de séjour, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Un certain nombre de données de base sont assez largement accessibles aux fonctionnaires dans le cadre de leurs missions. Des données plus détallées peuvent être accessibles sous certaines conditions aux services répressifs. Le registre ne comporte pas les empreintes digitales.

Au Royaume-Uni, les forces de police n’ont, selon les informations transmises au rapporteur, pas d’accès direct à la base de données nationale des demandeurs d’asile. Il existe cependant des accords qui permettent aux policiers de faire une demande afin de déterminer si une personne a déjà été enregistrée. Une réponse positive ou négative est envoyée, suite à laquelle, si les forces de police souhaitent disposer d’autres données, elles devront soumettre une requête selon les règles définies par le Freedom of information Act.

Lorsque l’Etat membre détenant des données sur une personne est connu, deux autres instruments européens peuvent être utilisés : la décision-cadre 2006/960/JAI relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union européenne (DC 2009/960) (récemment entrée en application, elle vise à faciliter l’échange d’informations - empreintes digitales et informations supplémentaires détenues par les services répressifs des Etats membres ou mises à leur disposition) et l’entraide judiciaire.

Le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 13 juin 2007 avait, dans ses conclusions, considéré qu’un accès conditionné des forces de police et des services répressifs à Eurodac devrait être rendu possible.

Plusieurs limites encadreraient l’accès en question :

- la consultation permettrait de savoir si les empreintes envoyées pour comparaison sont identiques à d’autres empreintes enregistrées dans la base et où ces empreintes ont été enregistrées. Les empreintes d’Eurodac seraient, en cas de concordance, envoyées à l’autorité ayant fait la demande. Les données transmises seraient donc non nominatives ;

- une recherche dans Eurodac ne pourrait être effectuée qu’après l’échec des consultations dans le fichier national des empreintes digitales et après l’échec d’une interrogation fondée sur la décision de Prüm ;

- les finalités pour lesquelles les demandes pourraient être adressées seraient : la prévention et la détection des infractions terroristes (telles que définies par la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil) et autres infractions pénales graves (reprise de la liste fixée pour le mandat d’arrêt européen passibles, en droit interne, d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'un maximum d'au moins trois ans), ainsi que les enquêtes en la matière ;

- les autorités autorisées seraient les autorités des Etats membres qui sont chargées de la prévention et de la détection des infractions terroristes et autres infractions pénales graves, ainsi que des enquêtes en la matière. Les agences ou les unités s'occupant en particulier de sécurité nationale ne pourraient pas être désignées ;

- Europol aurait la possibilité de demander des comparaisons par le biais d’une unité spécialisée composée d'agents d'Europol dûment habilités ;

- des conditions seraient posées pour les demandes : la comparaison est nécessaire aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et autres infractions pénales graves, et aux fins des enquêtes en la matière; la comparaison est nécessaire dans un cas précis; il existe des motifs raisonnables de penser que la comparaison avec les données Eurodac contribuera considérablement à la prévention ou à la détection des infractions pénales en question ou aux enquêtes en la matière ;

- les demandes émanant des autorités opérationnelles seraient adressées à une autorité de vérification ;

- la décision-cadre 2008/977/JAI relative à la protection des données dans le troisième pilier serait applicable ;

- l’ensemble des mesures de protection des données serait fixé dans le chapitre III de la proposition ;

- les données seraient effacées des dossiers nationaux et de ceux d'Europol après un mois, si ces données ne sont pas nécessaires à la poursuite d'une enquête pénale spécifique ;

- aucune communication des données à un Etat ou à une entité tiers ne serait possible (en dehors des Etats auxquels le règlement de Dublin s’applique).

2. Un accueil favorable des Etats membres mais une opposition vive des ONG et associations

La proposition a reçu un accueil favorable des Etats membres, notamment de l’Allemagne et du Royaume-Uni. La délégation française l’a soutenue.

Le contrôleur européen de la protection des données a, dans son avis du 7 octobre 2009, émis un avis très réservé sur la proposition, rappelant que la population des demandeurs d’asile est vulnérable, que cette proposition constitue une remise en cause profonde du traitement pour lequel la base Eurodac avait été instituée, que des instruments récemment mis en application n’ont même pas eu le temps de produire leur plein effet en cette matière, et surtout que la nécessité de la mesure est loin d’avoir été démontrée.

Les associations ont émis de sérieuses réserves sur cette proposition qui risque de stigmatiser des populations déjà fragiles et qui ne sont soupçonnées de rien, rappelant que la base de données n’a pas été créée à des fins répressives. Le HCR s’est toujours opposé à l’idée de permettre l’accès des services répressifs aux données d’Eurodac.

Le secrétariat général de la CNCDH rappelle que la proposition vise à créer un nouvel instrument alors que les instruments existants n’ont pas été pleinement mis en oeuvre et que leur insuffisance n’a pas été démontrée, « allant ainsi directement à l’encontre du principe de nécessité. En outre, un tel accès ne semble pas non plus respecter le principe de proportionnalité ». Il s’agirait d’un détournement de la finalité d’Eurodac, comme l’indique le considérant n° 6. Le secrétariat conclut que la proposition n’atteint pas l’équilibre entre les exigences de sécurité publique et le respect du droit fondamental à la vie privée et à la protection des données. Il rejoint l’avis négatif du contrôleur européen de la protection des données.

Le rapporteur estime qu’un accès des services répressifs pourrait être d’une réelle utilité et constituer une avancée pour les services, tout en étant suffisamment encadrée pour garantir le plein respect des droits des demandeurs d’asile. Cependant, des résultats complémentaires pourraient être fournis sur la situation des Etats membres dans lesquels les autorités répressives ont accès aux bases nationales des demandeurs d’asile. Le débat n’est probablement pas encore suffisamment abouti. Il souhaite que la Commission européenne présente une nouvelle proposition dans le cadre du traité de Lisbonne qui sera discutée sur la base de la procédure de codécision.

CONCLUSION

En ce qui concerne les deux projets relatifs à Eurodac, le traité de Lisbonne étant entré en vigueur ce 1er décembre, la base juridique de la proposition reposant sur le troisième pilier est modifiée et une nouvelle proposition devrait être déposée, qui serait discutée en codécision avec le Parlement européen. Le seul texte sur lequel un consensus pourrait être dégagé rapidement est celui relatif aux aspects techniques d’Eurodac.

L’accès des services répressifs nécessiterait encore, s’il était redéposé, plusieurs débats avant d’espérer atteindre un consensus avec le Parlement européen.

La refonte de la directive relative aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile et du règlement de Dublin fait encore l’objet de débats au sein du Conseil.

Enfin, la Commission européenne a déposé le 21 octobre 2009 deux propositions complémentaires :

- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, et relatives au contenu de cette protection (refonte de la directive dite « qualification », E 4871) ;

- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les Etats membres (refonte de la directive dite « procédures », E 4872).

Ces projets feront l’objet de débats au premier semestre 2010 et tendent à compléter les projets examinés dans le présent rapport en vue de l’édification d’un véritable régime d’asile européen commun.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 15 décembre 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Philippe-Armand Martin. Je souhaite interroger M. le rapporteur sur la correcte allocation des moyens européens aux deux nécessités qui s’imposent : une lutte efficace contre les abus et les fraudes, mais aussi une protection adéquat des personnes les plus vulnérables, en particulier les victimes de la traité des humains ou les individus souffrant de handicaps.

Le rapporteur. Les textes me semblent répondre à ces deux objectifs. La France, qui est redevenu le premier pays d’accueil en matière de demande d’asile avec des chiffres bruts comparables aux Etats-Unis, et qui se révèle plutôt généreuse avec un taux d’acceptation de l’ordre de 25 %, contre 2 % pour l’Italie ou la Grèce, par exemple.

M. Christophe Caresche. Dans ce sujet important, chacun doit faire preuve de réalisme et veiller à éviter toute polémique stérile. Pour autant, nous ne pouvons aller jusqu’à soutenir sans réserve, dans les conclusions que vous nous proposez, en particulier dans son point « 4 », la position du Gouvernement français que l’on évoque aujourd’hui. Le « risque d’accroître le nombre des demandes d’asile infondées » dont se prévaut votre projet me semble vague et, à vrai dire, mériterait d’être plus solidement étayé. En tout cas, nous ne pouvons donner ainsi un « blanc seing » au Gouvernement.

M. Marc Laffineur. Ce point me semble incontournable. Vous pouvez vous y opposer. Nous le soutenons résolument. Je souhaiterais par ailleurs avoir quelques précisions sur la répartition géographique des populations qui demandent l’asile en France, et sur l’évolution des flux ces dernières années.

Le rapporteur. Tout d’abord, je veux rappeler que des dispositions comme la jouissance automatique des droits sociaux dans les mêmes conditions que pour les résidants réguliers peuvent en effet stimuler indûment les flux de demandes. Pour autant, je partage le souci de justice et d’humanisme, en estimant notamment que les demandeurs pour lesquels les procédures s’éternisent au-delà d’une année devraient pouvoir avoir les moyens de travailler.

Quant aux flux, je précise que sur 27 000 demandes d’asile en France chaque année, 9 200 relèvent de la « grande Europe » avec 2 500 pour la Serbie et le Monténégro (qui inclut statistiquement le Kosovo), et 2 000 environ pour la Turquie et la Russie, l’Arménie venant ensuite. Dans le reste du monde, l’Afrique compte pour 8 000 demandes, dont 1 800 pour la République démocratique du Congo.

Enfin, il faut remarquer que la situation s’accélère en effet, avec des demandes qui ont cru de 13 % en 2008 et de 28 % sur les neuf derniers mois. »

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres (Refonte) (COM [2008] 815 final/n° E 4169),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (CE) n° […/…] [établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride] (Refonte) (COM [2008] 825 final/n° E 4170),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Refonte) (COM [2008] 820 final/n° E 4174),

Vu la proposition de décision du Conseil relative aux demandes de comparaison avec les données Eurodac présentées par les services répressifs des Etats membres et Europol à des fins répressives (COM [2009] 344 final/n° E 4759),

1. Se félicite que des initiatives soient prises en vue d’accélérer l’édification de normes harmonisant les régimes d’asile au sein de l’Union,

2. Rappelle l’urgence des besoins des demandeurs d’asile en la matière et la nécessité de pallier les difficultés de certains de nos partenaires,

3. Soutient le principe d’une révision de la directive relative à l’accueil des demandeurs d’asile, du règlement dit de Dublin et du règlement relatif à Eurodac,

4. Appuie la position des autorités françaises sur les risques d’accroître le nombre des demandes d’asile non fondées sur un réel besoin de protection,

5. Estime que, si la suspension des transferts au titre du règlement de Dublin devait être instituée, d’autres mécanismes de solidarité entre les Etats membres devraient être soutenus, notamment pas le biais du bureau européen d’appui en matière d’asile,

6. Estime que l’accès des services répressifs aux données contenues dans la base Eurodac mérite d’être discuté mais que des éléments d’information supplémentaires sur l’expérience des Etats membres en la matière devraient être apportés.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Bulletin quotidien Europe 9843, 19 février 2009, page 8.

3 () L’article L712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en France dispose que bénéficie de la protection subsidiaire :  « toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié […] et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes : la peine de mort, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants » et, s'agissant d'un civil, à « une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ». Le bénéficiaire de la protection subsidiaire reçoit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » valable un an. L’octroi de la protection subsidiaire est réexaminé tous les ans.