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N° 2301

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l’avenir des relations entre l’Union européenne
et les pays et territoires d’outre-mer (E 3902)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Annick GIRARDIN et M. Hervé GAYMARD,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : UN STATUT MARQUÉ PAR LE PARALLELISME AVEC LES ETATS ACP 7

I. UNE CATEGORIE HETEROGENE 7

A. DES SITUATIONS GÉOGRAPHIQUES, DÉMOGRAPHIQUES ET ÉCONOMIQUES DIFFÉRENTES 7

B. LA DIVERSITÉ DES STATUTS 8

C. LE TRAITÉ DE LISBONNE ASSOUPLIT LES POSSIBILITÉS D’ÉVOLUTION ENTRE LES STATUTS DE RUP ET DE PTOM 11

II. UN REGIME D’ASSOCIATION QUI DOIT EVOLUER 13

A. LA COOPÉRATION POUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT 13

B. LE RÉGIME COMMERCIAL 16

C. LES AUTRES ASPECTS DES RELATIONS AVEC L’UNION EUROPÉENNE 18

1. La citoyenneté européenne 18

2. La libre circulation des travailleurs et le droit d’établissement 18

3. L’accès aux programmes de l’Union européenne 18

D. LA MISE EN œUVRE DU PARTENARIAT 19

DEUXIEME PARTIE : LA REFLEXION SUR LE FUTUR PARTENARIAT 21

I. DES INITIATIVES POSITIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 21

A. LE LIVRE VERT DE JUIN 2008 21

B. LA COMMUNICATION DE NOVEMBRE 2009 23

C. DES ORIENTATIONS APPROUVÉES PAR LE CONSEIL 24

II. MIEUX PRENDRE EN COMPTE L’APPARTENANCE DES PTOM A LA « FAMILLE EUROPEENNE » 25

A. LA RÉORIENTATION DE LA COOPÉRATION : METTRE FIN AU PARALLÉLISME AVEC LES ETATS ACP 25

1. Quel instrument financier ? 26

2. Quelle structure de gestion par la Commission européenne ? 26

B. LA NÉCESSITÉ DE REMÉDIER À L’ÉROSION DES PRÉFÉRENCES COMMERCIALES DES PTOM 27

C. RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES INTÉRÊTS DES PTOM PAR L’UNION EUROPÉENNE 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

PROPOSITION DE RESOLUTION 35

ANNEXES 37

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 39

ANNEXE 2 : DISPOSITIONS DU TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE RELATIVES AUX PTOM 47

ANNEXE 3 : CONTRIBUTIONS DES PARLEMENTAIRES D’OUTRE-MER 51

A. CONTRIBUTION DE M. MICHEL BUILLARD, DÉPUTÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE 51

B. CONTRIBUTION DE M. PIERRE FROGIER, DÉPUTÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 56

C. CONTRIBUTION DE M. JEAN-CLAUDE FRUTEAU, DÉPUTÉ DE LA RÉUNION 58

D. CONTRIBUTION DE M. SOIBAHADINE IBRAHIM RAMADANI, SÉNATEUR DE MAYOTTE 61

E. CONTRIBUTION DE M. MICHEL MAGRAS, SÉNATEUR DE SAINT-BARTHÉLÉMY 69

F. CONTRIBUTION DE M. MAURICE PONGA, DÉPUTÉ EUROPÉEN 71

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis la création de la Communauté européenne, les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), c’est-à-dire les « pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières » font l’objet d’un régime d’association défini dans le traité.

La liste des PTOM est annexée au traité :

Etat membre

PTOM

Danemark

Groenland

France

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

Mayotte

Saint-Pierre-et-Miquelon

Terres australes et antarctiques françaises

Pays Bas

Antilles néerlandaises (Bonaire, Curaçao, Saba, Sint Eustatius, Sint Maarten)

Aruba

Royaume-Uni

Anguilla

îles Caymans

îles Falkland

Géorgie du Sud

îles Sandwich du Sud

Montserrat

Pitcairn

Sainte-Hélène

Territoire de l’Antarctique britannique

Territoires britanniques de l’océan Indien

îles Turks et Caicos

îles Vierges britanniques

Bermudes(2)

Les PTOM n’appartiennent pas à l’Union européenne mais y sont associés. Ils ont donc un régime différent des régions ultra-périphériques (RUP), qui font partie de l’Union et appliquent l’ensemble de l’acquis communautaire. Ils ont également un régime différent des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), qui appartenaient à la catégorie des PTOM avant la décolonisation, car ils sont institutionnellement rattachés à un Etat membre et ont donc des liens plus étroits avec l’Union européenne. Notamment, tous les ressortissants des PTOM sont en principe citoyens européens car ils ont la nationalité de leur Etat membre de rattachement.

L’actuelle décision d’association(3), adoptée en 2001, expirera le 31 décembre 2013. Dans la perspective de son remplacement, la Commission européenne a publié en juin 2008 un Livre vert sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les PTOM, puis en novembre 2009 une communication sur les éléments d’un nouveau partenariat entre l’Union européenne et les PTOM. Les orientations proposées ont été approuvées par le Conseil dans ses conclusions du 22 décembre 2009.

Il est essentiel que la France participe activement à la réflexion sur le futur régime car elle a un rôle décisif à jouer. Les PTOM français représentent en effet près de 60 % de la population totale des PTOM et la France est le seul pays de l’Union européenne à être concerné par les RUP et les PTOM.

Le présent rapport a pour objectif de contribuer à cette réflexion. Il fera le point sur le régime actuel des PTOM, marqué par un parallélisme avec celui des Etats ACP, avant d’aborder ce que pourrait être le futur partenariat, qui devra mieux refléter l’appartenance des PTOM à la « famille européenne ».

PREMIERE PARTIE :
UN STATUT MARQUÉ PAR LE PARALLELISME AVEC LES ETATS ACP

I. UNE CATEGORIE HETEROGENE

L’hétérogénéité de la catégorie des PTOM a des origines historiques.

Dans le traité de Rome, les départements d’outre-mer français ont été intégrés à la Communauté économique européenne. Ils appliquent donc l’acquis communautaire, sous réserve de dérogations qui peuvent être décidées par le Conseil, conformément à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en fonction de leurs contraintes particulières. Lors de l’adhésion de l’Espagne et du Portugal, il a été décidé d’intégrer également certains de leurs territoires (Canaries, Açores, Madère) à la Communauté. Depuis le traité de Maastricht, ces territoires sont désignés par le terme de « régions ultra-périphériques ».

Il a en revanche été décidé dans les négociations du traité de Rome que les autres territoires situés hors de l’Europe ne seraient pas intégrés à la Communauté mais y seraient associés. Cette différence de statut en droit communautaire repose donc sur des visions nationales différentes de l’outre-mer et sur des statuts déjà différents des territoires au sein d’un même Etat.

Par la suite, la décolonisation est intervenue et la Communauté a conclu avec les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique devenus indépendants, anciennement PTOM, les conventions de Yaoundé (1963 et 1969) et de Lomé (1975) définissant leur régime d’association à la Communauté.

Historiquement, la catégorie des PTOM a donc un caractère « résiduel » par rapport à celle des RUP, qui appartiennent à l’Union européenne, et à celle des Etats ACP, Etats indépendants liés à l’Union européenne par un régime d’association.

A. Des situations géographiques, démographiques et économiques différentes

La diversité des PTOM est tout d’abord d’ordre géographique. Les PTOM se répartissent en effet dans des zones différentes :

- la zone arctique (Groenland) ;

- l’Atlantique Nord (Saint-Pierre-et-Miquelon) ;

- la zone caraïbe (Anguilla, Montserrat, les îles Caymans, les îles Turks et Caicos, les îles Vierges britanniques, Aruba et les Antilles néerlandaises) ;

- l’Atlantique Sud (les îles Falkland, les îles Sandwich et Sainte-Hélène) ;

- l’Océan Indien (Mayotte, les terres australes et antarctiques françaises, le territoire de l’Antarctique britannique, les territoires britanniques de l’Océan Indien) ;

- le Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Pitcairn).

Les situations démographiques des PTOM sont très variées. Seuls quatre PTOM comptent plus de 150 000 habitants : la Polynésie française (260 000 habitants), la Nouvelle-Calédonie (240 000 habitants), Mayotte (190 000 habitants) et les Antilles néerlandaises (190 000 habitants). De nombreux PTOM comptent moins de 10 000 habitants et certains n’ont pas de population locale permanente (les terres australes et antarctiques françaises, la Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud, le territoire de l’Antarctique britannique et les territoires britanniques de l’Océan Indien). Au total, les PTOM représentent une population de 1,25 million d’habitants.

Les contextes économiques sont également très différents. Le comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) classe Wallis-et-Futuna, Anguilla, Mayotte, Montserrat, Sainte-Hélène et les îles Turks et Caicos parmi les pays à revenus intermédiaires, admis au bénéfice de l’aide publique au développement. Les autres PTOM ont des niveaux de vie plus élevés, certains (îles Vierges britanniques, îles Caymans) ayant même des niveaux de PIB par habitant bien supérieurs à ceux des Etats membres de l’Union européenne.

B. La diversité des statuts

Les relations constitutionnelles avec les Etats de rattachement sont peu comparables.

Le Groenland a adopté par référendum un statut d’autonomie élargie en juin 2009 (il bénéficiait déjà de l’autonomie interne depuis 1978). Une trentaine de compétences ont été transférées, dont la gestion des ressources naturelles, mais la politique étrangère, la défense nationale, la politique monétaire sont toujours des compétences du pouvoir central danois. Le Groenland peut participer à des négociations internationales sur des sujets qui le concernent exclusivement, sauf sur les questions de défense et de sécurité. Les autorités pourront créer un comité chargé de rédiger une constitution et organiser un référendum en vue d’une éventuelle indépendance. Enfin, le nouveau statut reconnaît les Groenlandais en tant que peuple et fait du groenlandais la langue officielle.

Les PTOM britanniques bénéficient d’une large autonomie. Un gouverneur nommé par le Royaume-Uni est compétent au moins en matière d’affaires étrangères et de défense. Selon les PTOM, il peut être compétent dans d’autres domaines, comme la sécurité intérieure et les services publics.

Le Royaume des Pays-Bas compte actuellement trois Etats : les Pays-Bas, Aruba et les Antilles néerlandaises. Un projet de réforme prévoit de donner le statut d’Etat aux deux plus grandes îles des Antilles néerlandaises, Curaçao et Sint Maarten. Un nouveau lien direct sera créé entre les trois îles les plus petites
– Bonaire, Saba et Saint-Eustache – et les Pays-Bas. Le statut de ces îles sera comparable à celui des communes néerlandaises, sous réserve d’ajustements résultant de leur situation géographique. Aruba restera un Etat du Royaume des Pays-Bas, disposant d’une très large autonomie. Seuls les intérêts en matière de défense et d’affaires étrangères sont défendus conjointement par les Etats du Royaume.

Les statuts des PTOM français sont eux-mêmes divers.

La Nouvelle-Calédonie est une collectivité sui generis régie par le titre XIII de la Constitution (« Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie »), issu de la loi constitutionnelle du 6 juillet 1998, et les lois n° 99-209 organique et n° 99-210 du 19 mars 1999. Ces textes mettent en œuvre l’accord de Nouméa du 5 mai 1998.

La loi organique répartit les compétences entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes. Les trois provinces (province du Nord, province du Sud et province des îles Loyauté) ont une compétence de droit commun. Les assemblées de province sont élues pour cinq ans au suffrage universel direct. Elles désignent le Congrès qui est compétent pour les affaires communes à l’ensemble du territoire, énumérées par la loi organique.

La loi organique prévoit en outre un transfert progressif de certaines compétences de l’Etat à la Nouvelle-Calédonie. Le Congrès adopte des délibérations et des « lois du pays ». Soumises au contrôle a posteriori du Conseil constitutionnel et non du Conseil d’Etat, il ne s’agit donc pas d’actes administratifs mais d’actes quasi législatifs.

L’exécutif est assuré par un gouvernement collégial élu par le Congrès à la proportionnelle et responsable devant lui.

Un référendum sur l’accession à la pleine souveraineté sera organisé au cours du mandat du Congrès qui commencera en 2014. La date en sera fixée par le Congrès à la majorité des 3/5.

Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, la Polynésie française est une collectivité d’outre-mer (COM) dotée de l’autonomie (article 74 de la Constitution). Son statut est fixé par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, complétée par la loi n° 2004-193.

Le Président de la Polynésie est élu par l’Assemblée de la Polynésie. Il représente la collectivité d’outre-mer, dirige l’action du gouvernement et l’administration. Le Gouvernement de la Polynésie est composé de ministres nommés par un arrêté du président. Il conduit la politique de la collectivité. L’Assemblée de la Polynésie est élue pour cinq ans au suffrage universel direct, au scrutin de liste à un tour. Elle vote le budget et les comptes de la collectivité et contrôle l’action du président et du gouvernement. Elle règle les affaires de la Polynésie en adoptant des délibérations, mais aussi des « lois du pays ». Celles-ci concernent les nouvelles compétences transférées à la Polynésie dans des domaines touchant au droit civil, au droit du travail et à la fiscalité, qui relèvent en principe du domaine de la loi. Elles sont contrôlées par le Conseil d’Etat.

Même si Wallis-et-Futuna relève, depuis la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, de la catégorie des collectivités d’outre-mer, le statut du territoire est toujours fixé par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961. L’administrateur supérieur du territoire est représentant de l’Etat et chef du territoire. Il préside le conseil territorial composé des trois chefs traditionnels. L’Assemblée territoriale est élue pour cinq ans au suffrage universel direct. Ses attributions sont énumérées par la loi et ses délibérations ne deviennent définitives qu’après approbation par l’administrateur supérieur.

Mayotte est une collectivité d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution. La départementalisation a été approuvée par référendum le 29 mars 2009. La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 prévoit la création en 2011 du département d’outre-mer de Mayotte, régi par l’article 73 de la Constitution (collectivité territoriale exerçant les prérogatives du département et de la région).

Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution. Son statut a été actualisé par la loi organique du 21 février 2007. Le conseil territorial est élu pour cinq ans. Il exerce les mêmes compétences que les autres conseils régionaux et généraux, à quelques exceptions près. Le régime législatif de Saint-Pierre-et-Miquelon n’a pas changé sur le fond : l’identité législative est la règle et la spécialité législative, l’exception. Depuis le 1er janvier 2008, les lois et règlements s’appliquent de plein droit, sauf notamment en matière d’impôts, de régime douanier, de construction et de logement.

C. Le traité de Lisbonne assouplit les possibilités d’évolution entre les statuts de RUP et de PTOM

Pour la France, la catégorie des DOM correspond donc au statut de RUP tandis que les autres statuts correspondent à celui de PTOM. Cependant, le changement de statut d’une collectivité en droit interne n’a pas de conséquence automatique sur son statut au regard du droit communautaire. Avant le traité de Lisbonne, le changement de statut d’un PTOM était difficile car une révision du traité était nécessaire. L’article 355 du TFUE ouvre la possibilité (pour les territoires français, danois ou néerlandais), sur initiative de l’Etat membre concerné, d’une décision à l’unanimité du Conseil européen modifiant le statut à l’égard de l’UE d’un PTOM ou d’une RUP.

Ainsi, Mayotte souhaite, à la suite de la départementalisation, passer du statut de PTOM à celui de RUP. Cette évolution lui permettrait notamment de bénéficier des fonds structurels. Par ailleurs, l’adaptation du droit applicable rendue nécessaire par la départementalisation entraînera l’applicabilité de l’acquis communautaire. Une déclaration annexée au traité de Lisbonne indique que : « Les Hautes Parties Contractantes conviennent que le Conseil européen, en application de l’article 355, paragraphe 6, prendra une décision aboutissant à la modification du statut de Mayotte à l’égard de l’Union, de manière à ce que ce territoire devienne une région ultrapériphérique au sens de l’article 355, paragraphe 1, et de l’article 349, lorsque les autorités françaises notifieront au Conseil européen et à la Commission que l’évolution en cours du statut interne de l’île le permet ». Dans sa contribution publiée en annexe, M. Soibahadine Ibrahim Ramadani, sénateur de Mayotte, explique en détail les raisons pour lesquelles Mayotte souhaite accéder au statut de RUP et les modalités de cette évolution. Il souligne notamment que « l’enjeu est plus que symbolique, car après la départementalisation le statut de RUP viendra s’adapter aux nouvelles conditions politiques, aux réalités économiques actuelles ainsi qu’aux enjeux sociaux et environnementaux futurs auxquels Mayotte doit faire face, et ce, en étant inscrite dans la prochaine programmation des fonds structurels (2014-2020) ».

A l’inverse, Saint-Barthélémy, qui était auparavant rattaché à la Guadeloupe et qui est devenu en 2007 une COM au sens de l’article 74 de la Constitution, demande à quitter la catégorie des RUP pour devenir un PTOM. Cette demande s’appuie sur une analyse des conséquences du statut de PTOM : le PIB de Saint-Barthélémy est supérieur à 75 % du PIB moyen de l’Union européenne, ce qui l’exclut du bénéfice des fonds structurels et l’application intégrale des normes européennes génère des coûts élevés. Dans sa contribution, M. Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélémy expose les avantages d’un tel changement de statut. Il estime que « c’est essentiellement dans sa souplesse en matière de coopération juridique avec l’Union européenne que le statut de PTOM trouve sa pertinence pour la collectivité de Saint-Barthélemy. »

II. UN REGIME D’ASSOCIATION QUI DOIT EVOLUER

L’histoire commune des PTOM et des pays ACP au moment de la définition des principes du régime d’association explique le parallélisme qui existe aujourd’hui entre les deux régimes.

La quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est consacrée à l’association des pays et territoires d’outre-mer.

L’article 198 fixe deux buts à cette association :

- la promotion du développement économique et social des pays et territoires ;

- l’établissement de relations économiques étroites entre les territoires et l’Union dans son ensemble.

Les principes du régime d’association sont fixés par le traité, tandis que les modalités ont été définies dans les décisions d’association successives adoptées depuis 1964. Il s’agit de décisions unilatérales et non de conventions, les PTOM n’étant pas des Etats indépendants. Conformément à l’article 203, ces décisions sont adoptées à l’unanimité du Conseil.

Les relations actuelles sont régies par la décision du Conseil du 27 novembre 2001 (« décision d’association outre-mer »), dont la validité, initialement de dix ans, a été prolongée jusqu’en 2013 pour coïncider avec la période couverte par les perspectives financières.

Cette décision dispose que l’association se fonde sur les principes du traité « en se concentrant sur la réduction, la prévention et, à terme, l’éradication de la pauvreté, le développement durable et l’intégration progressive dans l’économie régionale et mondiale ».

A. La coopération pour le financement du développement

Comme les pays ACP, les PTOM bénéficient de financements du Fonds européen de développement (FED). Celui-ci fut en effet créé par la convention d’application relative à l’association des PTOM, annexée au traité de Rome. Après la décolonisation, les FED successifs ont assuré en même temps l’aide financière aux Etats ACP et aux PTOM. Le FED ne fait pas partie du budget de l’Union. Il est financé par les contributions des Etats membres et obéit à des règles financières spécifiques. La France est le deuxième contributeur du 10ème FED (19,5 %) derrière l’Allemagne (20,5 %). Les instruments Stabex et Sysmin visant à aider respectivement les secteurs agricole et minier ont été supprimés par la Convention de Cotonou de juin 2000.

Une stratégie de développement et de coopération est adoptée pour chaque PTOM sous la forme d’un document unique de programmation (DOCUP). Celui-ci est élaboré par les autorités du PTOM, avec la Commission européenne et l’Etat membre dont il relève. Cette procédure, qui s’inspire de la méthode mise en œuvre pour les fonds structurels, a été introduite par l’actuelle décision d’association. Auparavant, les projets d’aides devaient être adoptés par le Comité FED, au sein duquel sont représentés tous les Etats membres.

La coopération vise des domaines énumérés et détaillés dans la décision d’association :

- les secteurs productifs ;

- le développement du commerce ;

- le commerce des services ;

- les domaines liés au commerce ;

- le développement humain et social ;

- la coopération et l’intégration régionales ;

- la coopération culturelle et sociale.

Pour la période 2008-2013 (10ème FED), un montant de 286 millions d’euros est alloué aux PTOM, sur une enveloppe totale de 22,7 milliards d’euros, soit 1,25 %. Les montants sont modestes : à titre de comparaison, les sept régions ultrapériphériques bénéficient de 7,8 milliards d’euros de fonds communautaires pour la période 2007-2013.

Sur le montant global de l’enveloppe PTOM :

- 195 millions d’euros sont répartis entre les PTOM pour financer les initiatives visées dans les DOCUP. La décision d’association prévoit que ce montant est réparti entre les PTOM en fonction de l’importance de la population, du niveau du PIB, du niveau et de l’utilisation des dotations FED antérieures, des contraintes dues à l’isolement géographique et des obstacles structurels auxquels sont confrontés les PTOM. Les PTOM dont le PIB par habitant dépasse le PIB moyen de l’Union européenne sont exclus de cette aide. Seuls deux PTOM sont exclus : les îles Caymans et les îles Vierges britanniques.

La répartition entre les PTOM est la suivante :

PTOM

Montant de l’aide (en millions d’euros)

Antilles néerlandaises 

24

Mayotte 

22,92

Saint-Pierre-et-Miquelon 

20,74

Nouvelle-Calédonie 

19,81

Polynésie française 

19,79

Sainte-Hélène 

16,63

Wallis-et-Futuna 

16,49

Montserrat 

15,66

îles Turks-et-Caicos 

11,85

Anguilla 

11,7

Aruba 

8,88

îles Falkland 

4,66

Pitcairn 

3

A titre d’exemple, l’encadré suivant décrit les projets financés par les différents FED en Nouvelle-Calédonie.

Projet financés par les différents FED en Nouvelle-Calédonie

Principaux projets financés en Nouvelle-Calédonie au titre des différents FED* (VIe, VIIe, VIIIe, IXe) en millions d’euros

DOCUP (formation professionnelle) : 21,4

Projets du fonds SYSMIN : appui, diversification et aménagement du secteur minier, études d’éligibilité et inventaire minier : 6

Route Hienghène-Pouébo : 5,6

Aquarium de Nouméa : 5,5

Route Koné-Tiwaka : 3,9

Base de pêche aux îles Loyauté : 2,8

PROCFISH : 2,4

Constructions scolaires aux îles Loyauté : 2,4

Programme de développement rural : 2

Amélioration de l’aérodrome de Magenta : 1,9

Augmentation de la capacité de froid de la SEDEF : 1

1er programme de micro-réalisations : 1

Centre de formation des apprentis : 0,76

Extension de la maison des artisans : 0,7

* Certains projets ont été financés par plusieurs FED (aérodrome de Magenta, aquarium de Nouméa...).

Source : Institut de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie (ISEE).

- 40 millions d’euros sont alloués pour financer la coopération et l’intégration régionales ;

- une réserve non allouée de 15 millions d’euros est constituée afin de financer des aides d’urgence ;

- 6 millions d’euros sont alloués à l’assistance technique ;

- 30 millions d’euros financent une « facilité d’investissement PTOM » gérée par la Banque européenne d’investissement (BEI). La BEI accorde également 30 millions d’euros de prêts aux PTOM hors FED.

La programmation du 10ème FED dans les différents PTOM a pris du retard, en raison de la complexité et de la lourdeur des procédures, soulignés par de nombreux interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs. Cette complexité a également eu des répercussions sur la consommation des crédits des précédents FED.

B. Le régime commercial

Les principes du régime commercial sont fixés par les articles 199 à 201 du TFUE.

Les produits originaires des PTOM importés dans l’Union européenne ne sont pas soumis aux droits de douane ni aux restrictions quantitatives. L’article 201 prévoit une clause de sauvegarde pour éviter détournements de trafic, c’est-à-dire l’importation indirecte de produits d’un Etat tiers dans l’Union, après transit dans un PTOM.

Ce régime est non réciproque : les produits d’origine communautaire peuvent être soumis à des droits de douane perçus par les PTOM « qui répondent aux nécessités de leur développement et aux besoins de leur industrialisation ou qui, de caractère fiscal, ont pour but d’alimenter leur budget ». Ces droits de douane ne doivent pas excéder ceux appliqués aux pays tiers selon le principe de la clause de la nation la plus favorisée mais des préférences peuvent être accordées aux autres PTOM ou aux pays en développement. Les PTOM ne doivent pas pratiquer des discriminations entre les importations des différents Etats membres.

Les niveaux des droits de douane sont en général élevés dans les PTOM.

D’après une étude sur l’intégration régionale des PTOM réalisée en 2007 à la demande de l’association des PTOM et de la Commission européenne(4) :

- deux PTOM avaient des niveaux de prélèvements douaniers inférieurs à 10% de la valeur des importations (îles Vierges britanniques et Antilles néerlandaises) ;

- quatre avaient des niveaux élevés de taxation, supérieurs à 20 % de la valeur des importations (Groenland, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon) ;

- huit avaient des niveaux de prélèvements intermédiaires, se situant entre 10 et 20 % ;

- trois PTOM (Montserrat, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française) avaient des restrictions quantitatives. Pour les deux PTOM français, cette protection s’expliquait par la volonté de développer des substitutions aux importations, rendues possibles par l’existence d’un marché intérieur suffisant.

L’avantage accordé aux produits originaires des PTOM explique l’importance qui s’attache à la définition des règles d’origine, c’est-à-dire des conditions pour qu’un produit soit considéré comme originaire d’un PTOM, en particulier lorsqu’il est obtenu à partir de produits non originaires du PTOM. L’annexe III de la décision d’association définit ces règles et prévoit une possibilité de dérogations lorsque le développement d’industries existantes ou l’implantation d’industries nouvelles le justifient. Le cumul d’origine avec des matières originaires des pays ACP est également possible mais celui-ci a peu été utilisé en raison de la complexité des procédures.

Il existe d’autre part une procédure de transbordement (article 36 de la décision d’association) permettant aux produits non originaires des PTOM qui se trouvent en libre pratique dans un PTOM d’être réexportés vers l’Union en exemption de droits à l’importation. Cette procédure ne s’applique pas aux produits agricoles.

Une incertitude existe concernant l’applicabilité des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aux PTOM. Ils ne sont en effet pas directement membres de l’OMC car ils n’ont pas de personnalité juridique mais ils pourraient y accéder en tant que territoires douaniers autonomes. En revanche, les Etats auxquels ils sont liés en sont membres. Le régime commercial qui lie les PTOM et l’Union européenne n’a pas été notifié à l’OMC.

C. Les autres aspects des relations avec l’Union européenne

1. La citoyenneté européenne

A l’exception des ressortissants des PTOM britanniques autres que les îles Falkland(5), les ressortissants des PTOM sont citoyens européens, conformément à l’article 9 du traité sur l’Union européenne qui dispose « est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre ». Ils bénéficient à ce titre de la liberté de circulation et de séjour sur le territoire des Etats membres. Ils peuvent participer aux élections au Parlement européen, comme c’est le cas dans les PTOM français.

2. La libre circulation des travailleurs et le droit d’établissement

Conformément à l’article 199 du TFUE, la liberté d’établissement des ressortissants et des sociétés s’applique. La décision d’association autorise cependant les PTOM à établir unilatéralement des réglementations en faveur de leurs habitants et des activités locales, dans le but de soutenir l’emploi. Les dérogations à la liberté d’établissement ne doivent pas comporter de discriminations entre les Etats membres.

En revanche, le traité renvoie à des conventions ultérieures concernant la libre circulation des travailleurs. Aucune convention n’est intervenue en raison de la lourdeur de la procédure. La réglementation européenne dans ce domaine n’est donc pas applicable. Le traité de Lisbonne prévoit un certain assouplissement en subordonnant cette réglementation à une décision de Conseil à l’unanimité (article 202 du TFUE).

3. L’accès aux programmes de l’Union européenne

La décision d’association de 2001 prévoit que les personnes physiques et morales des PTOM ont accès à un certain nombre de programmes européens de financement, en matière d’éducation, de culture, de recherche et d’aide aux entreprises.

Cependant, dans la pratique, cet accès se heurte à la lourdeur et à la complexité des procédures, alors que les PTOM ne disposent pas toujours de capacités institutionnelles suffisantes.

D. La mise en œuvre du partenariat

L’association repose sur des partenariats trilatéraux entre la Commission, le PTOM et l’Etat membre dont il relève.

Le partenariat avec l’Union européenne s’appuie sur un réseau de délégations situées dans les régions de plusieurs PTOM : la Barbade, la Jamaïque et la Guyane pour les PTOM des Caraïbes, Fidji et Nouméa pour les PTOM du Pacifique, l’île Maurice pour Mayotte.

Chaque année a lieu un « Forum de dialogue PTOM-UE » regroupant l’ensemble des PTOM, les Etats membres auxquels ils sont liés et l’Union européenne. Le dernier forum s’est tenu les 27 et 28 novembre 2008 aux îles Caymans et le prochain aura lieu à Bruxelles les 25 et 26 mars 2010.

DEUXIEME PARTIE :
LA REFLEXION SUR LE FUTUR PARTENARIAT

I. DES INITIATIVES POSITIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

A. Le Livre vert de juin 2008

Dans la perspective du remplacement de l’actuelle décision d’association qui expirera le 31 décembre 2013, la Commission européenne a publié, le 25 juin 2008, un Livre vert sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les PTOM(6). Celui-ci part d’un constat largement partagé : la logique des relations est similaire à celle qui sous-tend la coopération entre l’Union européenne et les pays ACP, alors que les défis qui se posent aux PTOM sont spécifiques.

La Commission européenne souligne que l’approche fondée sur l’aide au développement et la lutte contre la pauvreté n’est plus adaptée à la situation des PTOM. Elle lance l’idée d’une action visant à renforcer la compétitivité et la capacité d’adaptation des PTOM, tout en tenant compte de leur vulnérabilité. Elle estime nécessaire une réflexion sur les domaines d’intérêt mutuel que pourrait couvrir la coopération avec les PTOM.

La communication affirme que la mondialisation et la libéralisation des échanges sont à l’origine de l’érosion des préférences commerciales dont bénéficient les PTOM. Pour remédier à cette situation, la Commission européenne souhaite encourager leur intégration économique régionale et moderniser les règles d’origine pour les adapter à leur situation particulière.

La consultation lancée par le Livre vert s’est achevée en octobre 2008. Tous les PTOM et les Etats membres concernés ont adressé leurs contributions à la Commission européenne. De plus, une position commune aux quatre Etats membres concernés a été rédigée à l’initiative de la France.

Dans sa réponse, la France met en avant la nécessité d’un renforcement de la solidarité entre les PTOM et l’Union européenne, dans un cadre unique et cohérent, laissant toutefois la possibilité de mesures particulières pour des groupes de PTOM homogènes. Il est proposé de substituer à l’approche actuelle de coopération au développement une nouvelle approche visant à aider les PTOM à surmonter leurs handicaps structurels mais aussi à valoriser leurs atouts.

La France propose différents axes pour encourager le développement des PTOM : le soutien à l’innovation et à la recherche, la redéfinition des règles commerciales, la valorisation du patrimoine naturel, le renforcement de la coopération régionale, l’amélioration de l’accessibilité des PTOM et enfin le renforcement des capacités institutionnelles et administratives. Elle souhaite également une meilleure association des PTOM à la définition de certaines politiques communautaires (commerce, environnement, par exemple).

Elle identifie des domaines d’intérêt mutuel pour les PTOM et l’Union européenne, tels que la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique, la prévention des risques naturels ou sanitaires, le co-développement des pays voisins. L’accent est mis sur les possibilités de coopération dans le domaine de la recherche et dans celui des énergies renouvelables. En particulier, la France propose de créer des « pôles d’excellence et de développement durable » dans les PTOM.

Les enjeux liés à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique sont essentiels, comme l’a montré le « message de l’île de la Réunion » adopté en juillet 2008.

Le « message de l’île de la Réunion »

La conférence « L’Union européenne et l’outre-mer : stratégies face au changement climatique et à la biodiversité » s’est tenue à l’île de La Réunion du 7 au 11 juillet 2008, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Elle a permis de réunir les représentants des 7 RUP et des 21 PTOM, ainsi que des délégués d’Etats membres de l’Union européenne, des institutions européennes, de certains Petits Etats Insulaires en Développement (PEID), d’organisations internationales et régionales, d’instituts de recherche, de la société civile et du secteur privé.

Elle a donné lieu au « message de l’île de La Réunion » qui a permis de faire apparaître les défis communs aux RUP et aux PTOM en matière de biodiversité et de lutte contre les effets du changement climatique ainsi que leur réalisations notamment dans le domaine des énergies renouvelables. À la suite de la conférence, un groupe de travail associant les territoires d’outre-mer, la Commission européenne, les États membres concernés (Espagne, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark) a été créé afin de suivre l’application des recommandations.

Enfin, dans le domaine commercial, la France propose d’aboutir à des accords de partenariat individualisés entre les PTOM et l’Union européenne, d’améliorer l’accès au marché européen et de redéfinir les règles d’origine.

B. La communication de novembre 2009

Dans sa réponse au Livre vert, le gouvernement français souhaitait que la Commission européenne adopte en 2009 une communication fixant les grandes lignes des futures relations entre l’Union européenne et les PTOM. Après plusieurs reports, la communication a été publiée le 6 novembre 2009(7).

Celle-ci fait la synthèse des réponses à la consultation ouverte par le Livre vert et des débats du Forum Union européenne-PTOM de novembre 2008. Il est notamment fait état d’un consensus sur l’idée que la solidarité entre l’Union et les PTOM doit être fondée sur leur relation particulière et l’appartenance à la même famille européenne.

Dans cette perspective, les futures relations devraient être fondées sur les atouts et le potentiel des PTOM, plutôt que sur la lutte contre la pauvreté. Des aides au développement pourraient être maintenues au bénéfice des PTOM éligibles.

La Commission européenne estime que le nouveau partenariat pourrait s’inspirer de la politique régionale et de la stratégie à l’égard des régions ultra-périphériques (RUP). A cet égard, elle cite l’approche stratégique de la politique de cohésion et la concentration thématique et financière, ainsi que le co-financement des programmes.

Cette nouvelle approche est positive, même si certaines incertitudes subsistent, comme cela sera détaillé plus loin. Il est en effet cohérent de rapprocher le régime des PTOM de celui des RUP, car les PTOM ont indéniablement plus de points communs avec les RUP qu’avec les pays ACP.

Les trois objectifs fixés aux futures relations par la Commission européenne sont :

- la compétitivité ;

- la capacité d’adaptation, définie comme la lutte contre la vulnérabilité des PTOM ;

- la coopération et l’intégration régionales.

Différents axes sont définis : la création de centres d’excellence et d’expertise dans les PTOM ; l’application des règles et normes communautaires, sur une base volontaire ; la protection de l’environnement et la réduction des risques de catastrophes ; le renforcement des liens avec l’extérieur et l’accessibilité ; la coopération commerciale.

C. Des orientations approuvées par le Conseil

Le Conseil a adopté le 22 décembre 2009 des conclusions qui valident les orientations proposées par la Commission européenne pour le remplacement de l’actuelle décision d’association.

Conclusions du Conseil du 22 décembre 2009
sur les relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM)

1. Le Conseil salue la communication de la Commission intitulée « Eléments d’un nouveau partenariat entre l’Union européenne (UE) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) », qui donne de bonnes pistes de réflexion sur le remplacement de l’actuelle décision relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne (ci-après dénommée « décision d’association outre-mer »), qui viendra à expiration le 31 décembre 2013.

2. Le Conseil souligne qu’il est important de renouveler cette relation particulière afin de tenir compte de l’évolution récente de la situation dans l’UE, dans les PTOM et dans le reste du monde. À l’avenir, les relations entre l’UE et les PTOM ne devraient plus être polarisées, comme c’est le cas actuellement, sur la réduction de la pauvreté, mais se muer en un partenariat réciproque fondé sur des intérêts communs, qui favorisera le développement durable des PTOM et mettra à profit leur potentiel et leurs atouts, tout en contribuant à promouvoir les valeurs et les normes de l’UE dans le reste du monde. Dans ce contexte, le Conseil souligne la nécessité de tenir compte de la diversité des PTOM et de bien évaluer les particularités, les besoins et les priorités de chacun d’entre eux. Le Conseil note également qu’il convient de tirer d’importants enseignements de l’expérience acquise avec des régions qui ne sont pas des PTOM mais connaissent des difficultés et présentent des possibilités analogues.

3. Le Conseil souscrit à l’avis de la Commission selon lequel un futur partenariat devrait s’appuyer essentiellement sur: 1) le renforcement de la compétitivité économique des PTOM, 2) le développement de leur capacité d’adaptation et la réduction de leur vulnérabilité et 3) une action en faveur de la coopération et de l’intégration entre les PTOM et d’autres partenaires et régions voisines. Le Conseil se félicite que la Commission ait l’intention d’examiner ces questions plus en détail.

4. Le Conseil salue les réflexions de la Commission sur les meilleurs moyens de continuer à développer et à renforcer le partenariat entre l’UE et les PTOM et de favoriser le développement durable dans les PTOM. Le Conseil prend note de l’avis de la Commission selon lequel « les politiques internes de [l’Union], et en particulier la politique régionale, constituent des exemples intéressants ». Le Conseil se félicite de l’intention manifestée - lorsque cela sera indiqué, approprié et demandé - d’aider les PTOM à renforcer leur législation afin de l’amener au niveau de l’acquis de l’Union, en vue de leur permettre, en particulier, de tirer pleinement profit de relations commerciales accrues. D’une manière générale, le Conseil souligne qu’il est important d’adopter une approche différenciée dans un cadre global cohérent, et conformément aux dispositions constitutionnelles régissant les relations entre les PTOM et les Etats membres de l’UE auxquels ils sont liés.

5. Sans préjudice des négociations sur le futur cadre financier communautaire pour la période postérieure à 2013, le Conseil attend avec intérêt les propositions de la Commission sur les meilleurs moyens d’apporter aux PTOM, à compter de 2014, l’assistance technique et financière qui s’impose.

6. Le Conseil souhaite que la Commission, les PTOM et les Etats membres de l’UE continuent de dialoguer de manière régulière, en vue de définir des propositions spécifiques pour la révision de la décision d’association outre-mer, propositions qui devront être présentées au Conseil avant juillet 2012. Dans ce contexte, et afin de permettre une discussion plus détaillée sur les différents éléments de la nouvelle décision, le Conseil demande en outre à la Commission de lui rendre compte avant la fin de 2010 des progrès accomplis dans le cadre de ce processus.

II. MIEUX PRENDRE EN COMPTE L’APPARTENANCE DES PTOM A LA « FAMILLE EUROPEENNE »

La forte hétérogénéité des PTOM rend nécessaire, dans le cadre de la redéfinition du régime d’association, l’adoption d’une approche fondée sur un socle commun et une meilleure prise en compte des spécificités des pays et territoires.

Par ailleurs, le rapprochement des régimes des PTOM et des RUP est souhaitable car il est plus cohérent que le parallélisme actuel avec les Etats ACP. De plus, une telle évolution présenterait l’avantage de renforcer la prise en compte de l’outre-mer par l’Union européenne, le nombre d’Etats membres concernés passant alors de quatre à sept. Une telle évolution est d’autant plus souhaitable que le poids relatif des Etats concernés par l’outre-mer s’est réduit à la suite de l’élargissement.

Jusqu’où doit aller ce rapprochement ?

Les caractéristiques différentes des deux statuts excluent leur convergence. A cet égard, M. Pierre Frogier, député de Nouvelle-Calédonie souligne dans sa contribution que : « Les PTOM ne peuvent ni souvent ne veulent être astreints aux obligations liées au statut de RUP. ». Il envisage « la création d’une région européenne d’outre-mer au sein de laquelle deux niveaux d’intégrations aux politiques régionales de l’Union pourront exister, en fonction du degré d’intégration souhaité, ou possible, pour chaque territoire. »

A. La réorientation de la coopération : mettre fin au parallélisme avec les Etats ACP

La réorientation de la coopération, afin de sortir de l’approche de lutte contre la pauvreté, est une démarche positive, qui fait l’objet d’un accord assez large parmi les différentes personnes entendues par les rapporteurs. Cependant, dans sa contribution, M. Jean-Claude Fruteau, député de la Réunion, ancien député européen et rapporteur du Parlement européen sur la décision d’association de 2001, regrette que la Commission européenne envisage un tel « saut dans l’inconnu » sans avoir au préalable évalué globalement les résultats du régime d’association actuel.

La coopération devra tenir compte de la vulnérabilité des PTOM. Ainsi, M. Michel Buillard, député de la Polynésie française, décrit dans sa contribution les facteurs de vulnérabilité de la collectivité : « le coût de la main d’œuvre locale demeure très élevé par rapport à celui du reste de la région et pénalise la compétitivité polynésienne. S’ajoute à cela une dépendance économique par rapport à un nombre restreint de produits d’exportation. L’étroitesse des marchés ainsi que la faible capacité à diversifier ses activités, combinées à la forte dépendance aux importations, accentuent une vulnérabilité aux effets de la mondialisation. » et propose de substituer au critère du PIB par habitant un critère de vulnérabilité pour l’éligibilité à l’aide européenne. Dans la même perspective, la France avait proposé dans sa réponse au Livre vert la création d’un indice de vulnérabilité pour les PTOM, ce qui est une piste intéressante pour les discussions à venir.

La communication de la Commission européenne ne constitue qu’un point de départ et elle amène à poser plusieurs questions.

1. Quel instrument financier ?

On peut tout d’abord s’interroger sur l’instrument financier qui sera utilisé. La prise en compte des spécificités des PTOM et de leur appartenance à la famille européenne ne paraît pas compatible avec le maintien du FED comme vecteur de la coopération de l’Union européenne.

Ce débat n’est pas nouveau : lors des discussions sur l’actuelle décision d’association, les PTOM et le Parlement européen avaient demandé la création d’un Fonds spécifique mais n’avaient pas obtenu satisfaction.

Si un nouvel instrument est créé, la question de son rattachement au budget de l’Union se posera, comme elle s’est d’ailleurs posée de manière récurrente pour le FED.

2. Quelle structure de gestion par la Commission européenne ?

Le mode de gestion des aides par la Commission européenne est aussi susceptible d’évoluer. Actuellement c’est la direction générale du développement qui est compétente, sous l’autorité du Commissaire au développement, ce qu’a confirmé le nouveau Commissaire, M. Andris Pielbags, lors de son audition par le Parlement européen le 12 janvier dernier. Cependant, la réorganisation de la Commission européenne liée à la création du service européen pour l’action extérieure pourrait avoir un impact sur le rattachement de la « Task force PTOM ». Comme le souligne le député européen M. Maurice Ponga dans sa contribution, « le traitement des PTOM par un service traitant des « affaires extérieures » enverrait un message politique inapproprié de la part de l’Union européenne. »

Le changement proposé des principes de la coopération et le fait que la Commission européenne et le Conseil recommandent que celle-ci s’inspire de la politique régionale signifient-ils que la gestion sera transférée à la direction générale de la politique régionale ? Il serait en effet plus cohérent que les PTOM et les RUP relèvent d’une même structure.

Bien évidemment, si un tel transfert devait s’opérer, dans le cadre de la renégociation des perspectives financières le budget de la coopération avec les PTOM devrait être également transféré, car les aides ne devraient pas réduire le budget de la politique de cohésion.

B. La nécessité de remédier à l’érosion des préférences commerciales des PTOM

La libéralisation des échanges commerciaux est à l’origine d’une érosion des préférences commerciales dont bénéficient les PTOM. Celle-ci va se poursuivre, sous l’influence de différents processus :

- la perspective d’une conclusion du cycle de Doha, qui renforcerait la concurrence mondiale à l’égard des PTOM ;

- la conclusion des accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les Etats ACP(8) ;

Ces accords, négociés sur la base de la convention de Cotonou, ont deux objectifs : l’accès libre des produits originaires des pays ACP à l’Union européenne et l’élimination des droits de douane pour un minimum de 80 % des produits à l’entrée dans les pays ACP. A ce jour, un seul accord a été conclu avec les pays des Caraïbes et dans les autres régions des accords intérimaires ont été signés.

Les APE sont susceptibles d’avoir des impacts sur les PTOM situés dans les régions concernées (Caraïbes, Pacifique, Océan Indien), en raison d’une concurrence accrue des pays ACP. Cependant, la Commission européenne a refusé que les PTOM concernés puissent avoir un statut d’observateur dans les négociations des APE, en se fondant sur sa compétence exclusive en matière de politique commerciale, et les négociations n’ont pas tenu compte de leurs intérêts. L’étude de 2007 sur l’intégration régionale des PTOM déjà citée, ainsi qu’un récent rapport réalisé à la demande de l’association des PTOM et de la Commission européenne sur le régime commercial des PTOM(9), analysent au cas par cas l’opportunité pour eux d’adhérer aux APE.

- la conclusion d’accords bilatéraux avec les pays développés.

Des accords de partenariat entre l’Union européenne et des pays développés peuvent également avoir des conséquences importantes sur l’économie des PTOM, comme cela pourrait être le cas pour l’accord entre l’Union européenne et le Canada en cours de négociation.

L’accord d’intégration économique entre l’Union européenne et le Canada
et ses possibles répercussions sur Saint-Pierre-et Miquelon

Le partenariat entre l’Union européenne et le Canada est basé sur l’accord cadre de coopération commerciale et économique de 1976 – premier accord de coopération entre l’Europe et les pays industrialisés- et sur les déclarations et plans d’action successifs qui l’ont suivi.

Porté par la Présidence française en 2008, le projet d’accord d’intégration économique (CETA, Canadian european comprehensive trade agreement) a donné lieu à un mandat de négociation de la Commission européenne adopté par le Conseil le 27 avril 2009.

L’objet du projet d’accord est très large. Il comporte un volet tarifaire avec une ambition d’ouverture sans précédent – 98 % en moyenne des échanges libéralisés. D’autres volets seront concernés : services, investissement, propriété intellectuelle, télécommunications, énergie, mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), obstacles non tarifaires… Le Canada poursuit des intérêts offensifs en matière d’accès à certains marchés (céréales, pêche).

Le processus de négociation s’est engagé lors d’un premier « round » de négociations (du 19 au 23 octobre 2009 à Ottawa) au terme duquel a été élaboré un texte consolidé présentant les premières positions des deux parties, notamment les offres tarifaires respectives. Un deuxième round a eu lieu à Bruxelles du 18 au 22 janvier 2010. Jusqu’au troisième « round » prévu du 19 au 23 avril 2010, des échanges d’informations sur ce texte vont avoir lieu. L’objectif de signature prévu est 2011.

Saint-Pierre-et-Miquelon a fondé son développement économique depuis la fin de la « grande pêche » en 1992 sur son rôle de « porte d’accès de l’Europe en Amérique du Nord ».

Grâce une dérogation aux règles d’origine définies dans la décision d’association pour certains produits de la pêche, les produits de la pêche congelés et obtenus par transformation de matières non originaires de Saint-Pierre-et-Miquelon sont considérés comme originaires de Saint-Pierre-et-Miquelon. Des produits de la pêche en provenance du Canada sont transformés sur place, après paiement des droits de douane de la collectivité, et sont ensuite réexportés vers l’Union européenne en franchise de droits de douane.

Les dispositions relatives au transbordement ont également été utilisées pour l’aluminium.

Si l’accord en cours de négociation aboutit à une libéralisation totale des échanges avec l’Union européenne, il n’y aura plus d’intérêt pour le Canada à faire transiter ses produits par Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ce risque n’a pas été identifié au moment de l’adoption du mandat de négociation de l’accord. A présent que les négociations ont commencé, les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon, PTOM associé à l’Union européenne, doivent être impérativement être pris en compte par la Commission européenne.

Ces exemples démontrent la nécessité de prendre systématiquement en compte les intérêts des PTOM dans la politique commerciale de l’Union mais aussi de réfléchir dès à présent à un futur régime commercial préférentiel, reposant notamment sur des règles d’origine révisées.

Le rapport de janvier 2010 sur le commerce et l’intégration régionale des PTOM déjà cité recommande un assouplissement des règles d’origine, afin de les aligner sur les nouvelles règles applicables aux pays ACP conformément aux APE ou aux accords intérimaires. Il préconise également de rendre permanentes les dérogations existantes, par exemple pour les produits de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon.

La question de l’intégration régionale doit également être posée, alors que les PTOM ont pour la plupart des niveaux de protection élevés. Dans cette perspective, le rapport formule des recommandations spécifiques pour chaque PTOM ou groupe de PTOM, dans l’objectif de renforcer l’intégration régionale. Par exemple, il préconise l’adhésion des PTOM français du Pacifique à l’accord régional PICTA (Pacific Islands Trade Agreement) avec les îles du Pacifique, et leur participation aux négociations sur l’accord PACER Plus (Pacific Agreement on Closer Economic Relations), avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

La possibilité de développer les capacités d’exportation des PTOM vers l’Union européenne doit être explorée mais celle-ci se heurte aux différentes contraintes que subissent les PTOM. Des aides seraient nécessaires en matière de transports, en raison de l’éloignement des PTOM, et d’assistance technique pour le respect des normes, notamment en matière sanitaire et phyto-sanitaire.

C. Renforcer la prise en compte des intérêts des PTOM par l’Union européenne

A l’échelle de l’Union européenne, les problématiques des PTOM sont mal connues, en raison de la complexité du statut, de la taille limitée des territoires, ainsi que de leur éloignement géographique. En outre, le fait que les aides relèvent du FED et de la direction générale du développement de la Commission européenne ne favorise pas la visibilité des PTOM.

L’association des PTOM (Overseas countries and territories association, OCTA) qui a été créée lors de la préparation de la décision d’association de 2001, regroupe les 16 PTOM peuplés. Elle apporte une assistance technique aux PTOM et bénéficie à ce titre de financements du 10ème FED. Quatre groupes de travail ont été constitués sur les services financiers, l’environnement, les questions commerciales et le futur partenariat. L’association gère également l’enveloppe du FED réservée à la coopération régionale.

Bien que les PTOM ne soient pas membres de l’Union européenne, de nombreuses politiques communes peuvent avoir des répercussions sur eux, en matière commerciale, comme cela a été évoqué plus haut, mais aussi par exemple en matière d’environnement. C’est pourquoi il est indispensable de renforcer la prise en compte de leurs intérêts par l’Union européenne au stade de l’élaboration des politiques.

Celle-ci doit reposer sur une forte coordination, au plan national entre élus des collectivités et élus nationaux, et au plan européen avec les Parlements nationaux des Etats membres concernés, le Parlement européen et les différents acteurs impliqués.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 10 février 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Le Président Pierre Lequiller. Les rapporteurs ont fait un excellent travail, très positif. Je salue particulièrement les échanges qu’ils ont organisés avec l’ensemble des députés, sénateurs et parlementaires européens représentant les PTOM français.

M. Jean-Claude Fruteau. La position qui vient d’être exprimée par les rapporteurs est pertinente, perspicace et érudite. C’est un dossier que j’ai suivi pendant de nombreuses années, en tant que représentant de l’ensemble de l’outre-mer français au Parlement européen pendant huit ans, ainsi que comme rapporteur de ce même Parlement européen en 2001 sur l’actuelle décision d’association.

Les pays et territoires d’outre-mer posent un problème délicat car, sans que le terme soit péjoratif, c’est un problème résiduel dans l’histoire d’une décolonisation qui n’est pas simple. Les statuts en sont le reflet. Ils sont très différents d’un PTOM à l’autre.

La proposition de résolution recueille de ma part un accord quasi-total. Je ne peux cependant qu’éprouver une certaine tristesse car plusieurs années après, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on retrouve les mêmes demandes. Les mêmes mots reviennent : l’appartenance à la famille européenne, la nécessité d’un instrument financier spécifique. Sur ce point, je rappelle que l’hypothèse de la création d’un FED PTOM au cours de l’application de l’actuelle association, évoquée par la Commission européenne, ne s’est toujours pas concrétisée. Je retrouve également le souhait d’éviter l’érosion des préférences commerciales, en raison de l’évolution de l’économie mondiale et des règles de l’OMC. Dix ans après, rien n’a donc bougé.

Une lecture attentive du Livre vert montre que la Commission européenne propose une révolution. Elle évoque une rupture par rapport à la logique de l’assistance au développement pour éradiquer la pauvreté, pour s’engager dorénavant dans un nouveau partenariat en renforçant la compétitivité des territoires concernés. Cela appelle une question fondamentale. Y a-t-il eu une évaluation de l’actuelle décision d’association, ce qui a été prévu pour intervenir normalement deux ans avant son échéance ? Il n’est pas évident de tourner le dos à un système sans l’avoir évalué. D’autant que le discours sur le renforcement de la compétitivité, c’est le refrain à la mode, c’est ce que l’on a appelé pour l’outre-mer français le développement endogène. Mais l’exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon montre les limites d’une telle hypothèse puisque la perspective d’un accord bilatéral entre l’Union européenne et le Canada met en péril une activité économique qui s’y est développée. La question de fond est de savoir quelle sera la compétitivité des PTOM face à la concurrence mondiale si on les « lâche » après les avoir assistés pendant longtemps. Lorsque la Commission européenne propose de réorganiser l’aide financière autour du seul principe du cofinancement, la question se pose de savoir qui apportera la contrepartie : le PTOM ou l’Etat membre concerné, ce qui n’est pas dans l’air du temps ?

Il y a actuellement des éléments de développement dans les territoires concernés, mais ceux-ci ne sont pas suffisants. L’exemple de la perle noire de Tahiti, qui ne permettrait pas de faire vivre le territoire, le montre. C’est ce sujet qui représente pour moi la seule réserve vis-à-vis de la proposition de résolution car je m’interroge sur le changement radical proposé par la Commission européenne, qui représente un véritable saut dans l’inconnu.

La France doit donc être vigilante car c’est d’elle que relève l’essentiel des PTOM, lesquels représentent par ailleurs une grande partie de son outre-mer.

M. Gérard Voisin. Les rapporteurs ont présenté avec beaucoup de brio leur rapport dont je partage les positions.

M. Michel Diefenbacher. Le rapport est très clair et je souhaite juste évoquer deux compléments. D’abord, le statut d’un territoire à l’égard de l’Union européenne ne dépend pas seulement du statut de rattachement à l’Etat membre concerné, mais également d’une autre décision, qui relève de cet Etat membre. La question est très difficile et il n’y a pas de frontière précise comme le montrent les deux exemples de Mayotte, où la départementalisation va s’appliquer de manière progressive et Saint-Barthélémy qui bénéficie depuis son rattachement à la France d’un régime fiscal particulier, et souhaite quitter le statut de RUP après avoir cessé d’être rattaché à un DOM. Sur des distinctions qui ne sont pas toujours faciles à établir, il serait logique que la Commission européenne ait un droit de regard, un pouvoir de « codécision ». Ce besoin de davantage de cohérence est illustré par Saint-Martin où le traité de 1648 interdit une frontière entre la partie néerlandaise et la partie française, mais où la première est un PTOM alors que la seconde est un RUP.

M. Didier Quentin. Le point 8 de la résolution fait allusion à Saint-Pierre-et-Miquelon. Quelle est la raison spécifique qui exige la mention de ce seul territoire ? Par ailleurs, quel est le statut des Iles éparses ? On évoque le pétrole, parfois, et aussi les nodules.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. Ces derniers sujets sont effectivement évoqués depuis longtemps. Les Iles éparses ne font pas partie du territoire de l’Union européenne.

M. Jean Gaubert. Je m’en tiendrai à deux questions. Quelle est l’origine de la mention particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon s’agissant de l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada, quel a été le degré d’information de l’Etat concerné et quelles ont été ses éventuelles possibilités d’action ?

Par ailleurs, les PTOM sont particulièrement exposés, car éloignés de la métropole. Quels sont les mécanismes d’intervention auprès de l’OMC, pour faire respecter leurs spécificités ?

Mme Annick Girardin, co-rapporteure. Si l’enjeu de Saint-Pierre-et-Miquelon nous apparaît si important, c’est que la question ici est urgente. Il semble en effet que Bruxelles ne se soit aperçu qu’avec retard que le territoire est précisément un PTOM, et que les redoutables conséquences de l’accord avec le Canada en cours de négociation sur sa pérennité économique n’aient été mesurées qu’au dernier moment. Et bien que Saint-Pierre-et-Miquelon ne soit pas mentionné dans le mandat de négociation - alors même que c’est la France qui a encouragé l’ouverture des négociations au moment elle présidait l’Union européenne – il est encore possible d’agir.

De manière plus générale, il est vrai que le bilan global des accords d’association n’est pas encore achevé. Mais il faut agir dès à présent, et nous connaissons bien les besoins des territoires concernés. La France a ainsi utilement proposé que l’on établisse un indice de vulnérabilité pour chaque PTOM, qui devrait notamment mieux prendre en compte la problématique des transports, essentielle à la compétitivité de territoires si éloignés de l’Europe. A côté de ces préoccupations, figurait en bonne place parmi les contributions que les parlementaires concernés ont bien voulu nous apporter, et que nous avons jointes au rapport, la question essentielle des différences d’attraits, mais aussi d’éligibilité, des statuts de RUP ou de PTOM. Je retiens ainsi notamment que les indices de PIB sont souvent trop frustres pour déterminer l’éligibilité aux aides européennes. Ainsi, l’émergence d’indices PIB corrigé par le pouvoir d’achat, qu’ont communiqué la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, permet d’avoir une idée plus fidèle du développement économique des régions.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. Au fond, nous débattons ici de la question centrale de l’avenir des économies insulaires. Et notre discussion permet de mesurer leur extrême hétérogénéité. Hétérogénéité de statut mais aussi des structures économiques, selon les quatre grands fondamentaux qui guident les formes que prennent les économies insulaires : l’intensité du soutien budgétaire extérieur, qu’il relève des Etats de rattachement ou des bailleurs de fonds internationaux ; la dépendance aux accords commerciaux internationaux et leur très forte incidence sur les voies de développement, selon que leurs économies se concentrent sur une activité intensément protégée ou doivent s’insérer avec les armes traditionnelles de la compétitivité dans le marché mondial ; le poids du tourisme ; le rôle décisif de la finance « grise » et la place qu’y occupent les paradis fiscaux.

Or, le jeu combiné de ces facteurs fait de chaque économie insulaire un cas particulier. Et la mesure des besoins en résulte naturellement, grâce à l’observation non seulement du niveau de vie moyen, mais aussi de la répartition des richesses, qui est le vrai indice de la prospérité réelle.

Notre ambition est dès lors de convaincre l’Union que ce dont on besoin les PTOM, c’est du « cousu main », territoire par territoire. Du « cousu main » pour identifier les besoins, naturellement. Mais du « cousu main » aussi pour trouver les solutions adaptées. Je persiste ainsi à penser qu’un soutien budgétaire focalisé par exemple sur la construction des routes plutôt que sur les dépenses susceptibles d’encourager l’insertion dans la compétition économique mondiale n’a guère de sens. En tout état de cause, c’est aux élus locaux d’en décider

Enfin, la question des accords commerciaux dépasse très largement le sujet des PTOM. Nous trouvons là, comme ailleurs, une des grandes faiblesses européennes : l’absence de cohérence entre des politiques en tuyaux d’orgue. Ainsi les discussions sur le cycle de Doha se poursuivent-elles en parfait cloisonnement à l’égard des débats sur l’avenir de la PAC ou des progrès des politiques européennes d’aides au développement. Or, tous ces enjeux sont intrinsèquement liés, et ce maillage organique n’est nulle part aussi spectaculaire que dans les PTOM.

Le Président Pierre Lequiller. Je remercie les deux rapporteurs pour l’extrême qualité de leur travail et pour leurs remarquables qualités pédagogiques.

Puis la Commission a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre vert de la Commission européenne du 25 juin 2008 sur l’avenir des relations entre l'Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer
(COM [2008] 386 final/n° E 3902),

Vu la communication de la Commission européenne du 6 novembre 2009 sur les éléments pour un nouveau partenariat entre l'Union européenne (COM [2009] 623 final),

Vu les conclusions du Conseil du 22 décembre 2009 sur les relations entre l'Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (document 16710/09),

1. Estime que le futur partenariat entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), tel qu’il sera décidé dans le cadre de la décision d’association qui s’appliquera à partir de 2014, devra permettre de mieux prendre en compte l’appartenance des PTOM à la famille européenne. Cette évolution devrait mettre fin au parallélisme existant avec le régime des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

2. Souligne que le futur régime d’association devrait reposer sur un cadre commun à l’ensemble des PTOM et refléter leurs spécificités ;

3. Approuve les propositions de la Commission européenne tendant à réorienter le partenariat entre l’Union européenne et les PTOM, afin de renforcer leur compétitivité et de valoriser leurs atouts, tout en réduisant leur vulnérabilité ;

4. Observe qu’en raison des évolutions proposées, il n’est pas cohérent que le Fonds européen de développement (FED) reste l’instrument financier de la coopération de l’Union européenne avec les PTOM et qu’il serait souhaitable de créer un fonds spécifique pour cette coopération ;

5. Souhaite un rapprochement entre le régime des PTOM et celui des régions ultra-périphériques (RUP), qui pourrait s’opérer notamment grâce au transfert de la gestion des relations avec les PTOM au sein de la Commission européenne de la direction générale du développement à la direction générale de la politique régionale ;

6. Souligne la nécessité de remédier à l’érosion des préférences commerciales dont bénéficient les PTOM dans leurs relations avec l’Union européenne ;

7. Demande que l’Union européenne tienne compte des intérêts des PTOM dans la définition et la conduite de sa politique commerciale ;

8. Invite à cet égard le Gouvernement français à veiller à ce que les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon soient pris en compte dans la négociation en cours du projet d’accord d’intégration économique entre l’Union européenne et le Canada ;
9. Appelle à une réflexion approfondie sur le futur régime commercial préférentiel des PTOM, notamment sur la possibilité d’assouplir les règles d’origine ;

10. Juge indispensable que la réflexion sur le futur partenariat s’appuie sur une forte coordination au plan national entre élus nationaux et élus territoriaux, ainsi qu’au plan européen avec les Parlements nationaux des Etats membres concernés, le Parlement européen et les différents acteurs impliqués.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

I. A Paris

l Ministère de l’outre-mer

- M. Laurent PREVOST, directeur de cabinet de M. Yves JEGO, secrétaire d’Etat à l’outre-mer ;

- M. Emmanuel NEUVILLE, conseiller au cabinet du secrétaire d’Etat ;

- Mme Isabelle RICHARD, conseillère au cabinet du secrétaire d’Etat ;

- Mme Myriam AFLALO, chef du département des politiques européennes, d’insertion régionale et de valorisation de l’outre-mer ;

- M. Gilles HUBERSON, conseiller au cabinet de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l’outre-mer.

l Réunion avec les Parlementaires d’outre-mer

- M. Michel BUILLARD, député de Polynésie française ;

- M. Pierre FROGIER, député de Nouvelle-Calédonie ;

- M. Apeleto Albert LIKUVALU, député de Wallis-et-Futuna ;

- M. Michel MAGRAS, sénateur de Saint-Barthélémy ;

- M. Richard TUHEIAVA, sénateur de Polynésie française ;

- M. Robert LAUFOAULU, sénateur de Wallis-et-Futuna ;

- M. Maurice PONGA, député européen.

Représentés

- M. Alfred ALMONT, député de la Martinique ;

- M. Denis DETCHEVERRY, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. A Bruxelles

Mai 2009

-M. Louis MICHEL, commissaire au développement ;

- M. Sujiro SEAM, conseiller pour l’outre-mer, Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

Février 2010

- M. Jean-Noël LADOIS, conseiller en charge des régions ultrapériphériques et des TOM, Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne ;

- Mme Vaia TUUHIA, représentante de l’Association des pays et territoires d’outre mer de l’Union européenne.

III. En Nouvelle-Calédonie (février 2009)

l Gouvernement

- M. Harold MARTIN, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

l Parlementaires

- M. Pierre FROGIER, député et président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

- M. Gaël YANNO, député de la Nouvelle-Calédonie ;

- M. Simon LOUECKHOTE, sénateur de la Nouvelle-Calédonie.

l Haut Commissariat

- M. Yves DASSONVILLE, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;

- M. Jean-Marc BEDIER, commissaire délégué de la République pour la Province Nord.

Comité économique et social de Nouvelle-Calédonie

- M. Robert LAMARQUE, président ;

- M. Octave TOGNA, premier vice-président ;

- M. Paulo SAUME, secrétaire ;

- M. Michel DAVAREND ;

- M. Gaston HMEUN ;

- M. Yves TISSANDIER ;

- M. Georges MANDAOUE ;

- M. Christophe COULSON ;

- M. Pierre FAIRBANK ;

- M. Thierry GRANIER ;

- Mme Anne-Marie HERVOUET ;

- M. Gérard JODAR ;

- Mme Nicole MOREAU ;

- M. Bernard RENAUD, ;

- Mme Micheline ROLLY ;

- M. Elia SIONE ;

- M. Trévor UNDERWOOD ;

- M. Jean-Louis VEYRET ;

- M. Jean-Claude BRESIL ;

- Mme Aliège LECLERE ;

- M. Robert POINRI ;

- M. Victor TOULANGUI ;

- M. Eugène SIWENE ;

- M. Joseph STREETER ;

- M. Henri WANDAYE.

l Province Nord

- M. Paul NEAOUTYINE, président de l’Assemblée de la Province Nord ;

- M. Joseph GOROMIDO, maire de la Commune de Koné ;

- M. Guigui DOUNEHOTE, maire de Voh ;

- M. Robert COURTOT, maire de Pouembout.

l Province Sud

- M. Philippe GOMES, président de l’Assemblée de la Province Sud ;

- Mme Sonia LAGARDE, première vice-présidente de l’Assemblée de la Province Sud ;

- Mme Hélène IEKAWE, conseillère à l’Assemblée de la Province Sud ;

- Mme Anne-Marie SIAKINUU, conseillère à l’Assemblée de la Province Sud ;

- Mme Marie-Laure LAFLEUR, chef de cabinet.

l Ville de Nouméa

- M. Jean LEQUES, maire.

l Commission européenne

- M. Javier ORTIZ de ZUNIGA, responsable du bureau de la Délégation de la Commission européenne pour les PTOM français du Pacifique.

l Chambre de commerce et d’industrie

- M. André DESPLAT, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie ;

- M. Michel QUINTARD, ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie et conseiller technique.

Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Nouvelle-Calédonie

- M. Jean-Claude MERLET, président ;

- M. George LAI THAM, deuxième vice-président ;

- M. Paul SANCHEZ, secrétaire général ;

- M. Jean BURY, directeur du Centre de formation « Lucien MAINGUET » ;

- M. Oudaya MINATCHY, responsable pédagogique et adjoint au directeur du Centre de formation « Lucien MAINGUET » ;

- Mme Alexia BASSET, directrice du service économique ;

- M. Romain CORDIER, responsable de l’Observatoire de l’artisanat ;

- Mme Laure LE GALL, chargée de communication.

Chambre d’Agriculture de Nouvelle-Calédonie

- M. Gérard PASCO, président ;

- M. Noréré WAREKAICANE, deuxième vice-président ;

- Mme Catherine KELLER, chef des services administratifs et financiers ;

- M. Jean-Michel FAVIER, responsable du service Elevage de la Chambre d’agriculture à Nessadiou ;

MEDEF

- M. Jean-Yves BOUVIER, président du MEDEF NC et directeur de la société CFP SA ;

- Mme Dominique DALY, directrice de la Restauration française ;

- M. Jean-Pierre DUFOUR, directeur de la Société Générale Calédonienne de Banque ;

- M. Pierre KOLB, directeur de l’A2EP ;

- M. Yves LEFEVRE, directeur de Barrau Business Systems ;

- Mme Mireille LEVY, directrice d’Angarek – Florissimo ;

- M. Pierre LUCAS, directeur de Goodman Fielder ;

- M. Daniel OCHIDA, directeur de Ochida Construction Réhabilitation – O.C.R. ;

- M. Guy PASCAL, directeur d’Electra ;

- M. Hugo RAAB, président de la Fédération territoriale des agents immobiliers ;

- M. Jean-Louis RECEVEUR, directeur de la Calédonienne de services publics ;

- M. Henri TIEDREZ, directeur de Holcim (Nouvelle-Calédonie) S.A. ;

- M. Stéphane YOTEAU, directeur de Novatech.

Entreprise Vale Inco

- M. Jean-François DAVID, directeur général délégué ;

- Mme Charlotte ULLMANNE, chargée de mission des relations extérieures et du développement durable.

IV. En Polynésie française (février 2009)

Gouvernement

- M. Jacqui DROLLET, ministre du tourisme.

Conseil économique, social et culturel de Polynésie française

- Mme Raymonde RAOULX, présidente ;

- M. Jacques BILLON TYRARD ;

- M. Hanny TEHAAMATAI ;

- M. Stéphane CHINLOY ;

- M. Jean TAMA ;

- M. George TEIKIEHUUPOKO.

Assemblée nationale

- M. Bruno SANDRAS, député de la Polynésie française.

Services de l’Etat

- Haut-Commissariat :

- M. Adolphe COLRAT, haut-commissaire de la République en Polynésie française ;

- M. Eric SPITZ, secrétaire général ;

- M. Michel SALLENAVE, secrétaire général adjoint ;

- M. Jean-Claude MASSON, directeur des actions de l’Etat ;

- Mme Anne-Marie BONNET, chef du bureau des affaires économiques et des entreprises, direction des actions de l’Etat.

- Agence française de développement :

- M. Laurent FONTAINE, directeur.

- Trésorerie Générale :

- M. Jean PETIT, trésorier-payeur général.

- Institut d’émission d’outre-mer

- M. Max REMBLIN, directeur.

Chambre de commerce et d’industrie

- M. Jules CHANGUES, président ;

- M. Stéphane CHANGUES, premier vice-président ;

- Mme Pauline YOUSSEF, troisième vice-président ;

- Mme Christine TEMARII, secrétaire ;

- M. Adrien BEAUMONT, secrétaire adjoint ;

- M. Yves BASTIEN, président de la commission des finances ;

- M. Henri HIU, président de la commission des marchés ;

- M. Clet WONG, président de la commission de l’export ;

- M. Yves TCHA, président de la commission de gestion du MIT du port de pêche ;

- Mme Jeannette LEOU-BOISSIN, président de la commission des petites entreprises ;

- M. Raphaël WONG, président de la commission des transports et de stationnement ;

- M. Abner GUILLOUX, directeur général ;

- Mme Mihimana SACHET, directeur administratif et financier ;

- M. Marc SAINT SEVIN, chef de service du développement des entreprises.

Représentants du monde économique

- M. Christian VERNAUDON, président directeur général d’Air Tahiti ;

- M. Benjamin TEIHOTU, directeur services financiers OPT ;

- M. Thierry SICARD, directeur de la Banque Tahiti ;

- M. Alain LE BRIS, Comité des Sociétés d’assurances ;

- M. Jacques BILLON TYRARD, Conseil des entreprises de Polynésie française ;

- M. Jean-Sébastien OBER, Confédération générale des PME ;

- M. Frédéric COIN, directeur général de la Banque de Polynésie ;

- M. James ESTALL, directeur général.

ANNEXE 2 :
DISPOSITIONS DU TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE RELATIVES AUX PTOM

QUATRIÈME PARTIE

L’ASSOCIATION DES PAYS ET TERRITOIRES D’OUTRE-MER

Article 198

Les Etats membres conviennent d’associer à l’Union les pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés «pays et territoires», sont énumérés à la liste qui fait l’objet de l’annexe II.

Le but de l’association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l’établissement de relations économiques étroites entre eux et l’Union dans son ensemble.

Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l’association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu’ils attendent.

Article 199

L’association poursuit les objectifs ci-après.

1) Les Etats membres appliquent à leurs échanges commerciaux avec les pays et territoires le régime qu’ils s’accordent entre eux en vertu des traités.

2) Chaque pays ou territoire applique à ses échanges commerciaux avec les États membres et les autres pays et territoires le régime qu’il applique à l’État européen avec lequel il entretient des relations particulières.

3) Les Etats membres contribuent aux investissements que demande le développement progressif de ces pays et territoires.

4) Pour les investissements financés par l’Union, la participation aux adjudications et fournitures est ouverte, à égalité de conditions, à toutes les personnes physiques et morales ressortissantes des États membres et des pays et territoires.

5) Dans les relations entre les Etats membres et les pays et territoires, le droit d’établissement des ressortissants et sociétés est réglé conformément aux dispositions et par application des procédures prévues au chapitre relatif au droit d’établissement et sur une base non discriminatoire, sous réserve des dispositions particulières prises en vertu de l’article 203.

Article 200

1. Les importations originaires des pays et territoires bénéficient à leur entrée dans les Etats membres de l’interdiction des droits de douane qui intervient entre les Etats membres conformément aux dispositions des traités.

2. À l’entrée dans chaque pays et territoire, les droits de douane frappant les importations des Etats membres et des autres pays et territoires sont interdits conformément aux dispositions de l’article 30.

3. Toutefois, les pays et territoires peuvent percevoir des droits de douane qui répondent aux nécessités de leur développement et aux besoins de leur industrialisation ou qui, de caractère fiscal, ont pour but d’alimenter leur budget.

Les droits visés à l’alinéa ci-dessus ne peuvent excéder ceux qui frappent les importations des produits en provenance de l’Etat membre avec lequel chaque pays ou territoire entretient des relations particulières.

4. Le paragraphe 2 n’est pas applicable aux pays et territoires qui, en raison des obligations internationales particulières auxquelles ils sont soumis, appliquent déjà un tarif douanier non discriminatoire.

5. L’établissement ou la modification de droits de douane frappant les marchandises importées dans les pays et territoires ne doit pas donner lieu, en droit ou en fait, à une discrimination directe ou indirecte entre les importations en provenance des divers États membres.

Article 201

Si le niveau des droits applicables aux marchandises en provenance d’un pays tiers à l’entrée dans un pays ou territoire est, compte tenu de l’application des dispositions de l’article 200, paragraphe 1, de nature à provoquer des détournements de trafic au détriment d’un des États membres, celui-ci peut demander à la Commission de proposer aux autres États membres les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

Article 202

Sous réserve des dispositions qui régissent la santé publique, la sécurité publique et l’ordre public, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les États membres et des travailleurs des États membres dans les pays et territoires est régie par des actes adoptés conformément à l’article 203.

Article 203

Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, établit, à partir des réalisations acquises dans le cadre de l’association entre les pays et territoires et l’Union et sur la base des principes inscrits dans les traités, les dispositions relatives aux modalités et à la procédure de l’association entre les pays et territoires et l’Union. Lorsque les dispositions en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.

Article 204

Les dispositions des articles 198 à 203 sont applicables au Groenland sous réserve des dispositions spécifiques pour le Groenland figurant dans le protocole sur le régime particulier applicable au Groenland, annexé aux traités.

[…]

Article 355

Outre les dispositions de l’article 52 du traité sur l’Union européenne relatives au champ d’application territoriale des traités, les dispositions suivantes s’appliquent:

1. Les dispositions des traités sont applicables à la Guadeloupe, à la Guyane française, à la Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries, conformément à l’article 349.

2. Les pays et territoires d’outre-mer dont la liste figure à l’annexe II font l’objet du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie.

Les traités ne s’appliquent pas aux pays et territoires d’outre-mer entretenant des relations particulières avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord qui ne sont pas mentionnés dans la liste précitée.

3. Les dispositions des traités s’appliquent aux territoires européens dont un État membre assume les relations extérieures.

4. Les dispositions des traités s’appliquent aux îles Åland conformément aux dispositions figurant au protocole no 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède.

5. Par dérogation à l’article 52 du traité sur l’Union européenne et aux paragraphes 1 à 4 du présent article:

a) les traités ne s’appliquent pas aux îles Féroé;

b) les traités ne s’appliquent à Akrotiri et Dhekelia, zones de souveraineté du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à Chypre, que dans la mesure nécessaire pour assurer l’application du régime prévu dans le protocole sur les zones de souveraineté du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à Chypre annexé à l’Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et conformément aux dispositions dudit protocole;

c) les dispositions des traités ne sont applicables aux îles Anglo-Normandes et à l’île de Man que dans la mesure nécessaire pour assurer l’application du régime prévu pour ces îles par le traité relatif à l’adhésion de nouveaux Etats membres à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l’énergie atomique, signé le 22 janvier 1972.

6. Le Conseil européen, sur initiative de l’État membre concerné, peut adopter une décision modifiant le statut à l’égard de l’Union d’un pays ou territoire danois, français ou néerlandais visé aux paragraphes 1 et 2. Le Conseil européen statue à l’unanimité, après consultation de la Commission.

ANNEXE 3 :
CONTRIBUTIONS DES PARLEMENTAIRES D’OUTRE-MER

A. Contribution de M. Michel Buillard, député de la Polynésie française

Les Pays et Territoires d’Outre-Mer (PTOM), dont la Polynésie française, sont associés à la Communauté européenne dans le cadre d’un régime fondé à la fois sur les dispositions de la quatrième partie du traité instituant la Communauté européenne et sur les règles et mesures de la « Décision d’association outre-mer » du 27 novembre 2001.

Cette décision d’association arrive à échéance en 2013.

Elle est basée sur une approche analogue à celle utilisée pour la coopération entre l'Union européenne et les Etats ACP, alors qu’il existe des différences considérables entre ces derniers et les PTOM d’aujourd’hui.

Pour lancer un débat ouvert sur la question du remplacement de cette approche par une nouvelle approche qui prendrait davantage en compte la situation et les besoins spécifiques des PTOM, leur potentiel et la relation particulière qu’ils entretiennent avec l'Union européenne, la commission a adopté, le 25 juin 2008 un Livre vert sur l’avenir des relations entre l'Union européenne et les PTOM.

A l’issue de la consultation publique lancée par le Livre vert, la Commission des Communautés européennes a présenté une communication le 6 novembre 2009 où elle expose son point de vue sur les principaux éléments d’un nouveau partenariat entre l'Union européenne et les PTOM.

Il est donc important que la Polynésie française se positionne et collabore pleinement à cette phase de réflexion afin que le nouveau partenariat entre l’UE et les PTOM réponde davantage aux objectifs et aux attentes de tous les PTOM et plus particulièrement de la Polynésie française.

La nouvelle décision d’association doit abandonner l’objectif de réduction de la pauvreté qui fonde la coopération UE/ACP. Elle doit prendre en compte la diversité et la particularité des PTOM et rompre avec le parallélisme de traitement avec les Etats ACP tout en se distinguant de la catégorie des RUP.

La nouvelle décision d’association devra évoluer d’un traitement uniforme inadapté vers un traitement des PTOM avec un tronc commun auquel s’ajoutent des dispositions spécifiques ayant pour but de valoriser les atouts et les opportunités des PTOM et d’atténuer les faiblesses et menaces susceptibles de peser sur leur avenir.

La Polynésie française plaide pour une décision d’association négociée avec l’UE qui devra mettre en place des instruments audacieux tournés vers la valorisation et le développement du secteur privé.

La Polynésie française souhaite une participation plus grande à la prise de décision et demande qu’un système de codécision avec les autorités nationales et communautaires soit mis en place pour l’adoption de réglementation affectant les PTOM.

5 priorités pour la Polynésie française :

Mettre en place une association rénovée basée sur une relation prenant en compte la diversité et la particularité des PTOM. Il faut rompre le parallélisme de traitement avec les pays ACP et se distinguer du régime d’association dont bénéficient les Régions Ultra-Périphériques (RUP).

Bénéficier d’un accompagnement de la Communauté européenne pour le développement durable des PTOM en leur permettant d’exploiter leurs potentiels économiques et de recherche.

Intégrer les handicaps structurels des PTOM par la définition de notion de vulnérabilité pour prendre en considération la dimension environnementale intrinsèque au développement des territoires insulaires.

Développer une compétitivité accrue et une intégration régionale graduelle dans les marchés régionaux et mondiaux au travers de la mise en place d’instruments de soutien en faveur des entreprises des PTOM.

Faire de la Polynésie française un « poste avancé » pour l’Europe dans le Pacifique en contribuant au rayonnement de l’Union européenne dans le monde.

*

* *

1 / Rompre le parallélisme de traitement avec les Pays ACP et mettre en place une association rénovée basée sur le concept de solidarité.

- cette solidarité sera fondée sur le principe de l’appartenance des PTOM à la famille européenne, « l’Européanicité », en raison des liens historiques forts qui unissent les PTOM à l’Europe et du fait que tous leurs citoyens ont droit à la citoyenneté européenne.

La décision du 27 novembre 2001 relative à l’Association des PTOM à l'Union européenne est inspirée des Accords de Cotonou qui régissent les relations entre l’UE et les Pays ACP. La base de l’Association repose donc sur la réduction de l’écart de développement entre les PTOM et l'Union européenne, privilégiant le critère du PIB par habitant. Or, depuis le 1er mai 2004 et l’élargissement de l'Union européenne aux pays de l’est, l’écart de développement entre l’UE et les PTOM s’est rétréci. Le PIB/habitant de certains PTOM dépassant celui de certains Etats membres de l'Union européenne.

En conséquence, l’assistance financière de l'Union européenne aux PTOM est remise en question.

C’est pourquoi dans le cadre de la réflexion sur la nouvelle relation PTOM/UE, il est demandé d’abandonner l’approche classique de réduction de la pauvreté basée sur le PIB/ habitant pour construire une nouvelle relation fondée sur la solidarité et l’appartenance des PTOM à la famille européenne.

Pourquoi ne pas envisager dans ce cas la création d’un fonds spécifique pour les PTOM au regard de leur appartenance à l’UE à travers leur Pays membre ? Cette dissociation permettrait d’abandonner le critère du PIB / habitant pour l’éligibilité à l’aide européenne et de lui substituer un critère de vulnérabilité.

Le gouvernement de la Polynésie française souhaite donc un partenariat rénové avec l’UE fondé sur le respect de la personnalité des PTOM tant au niveau de leurs statuts qu’au niveau de leurs caractéristiques économiques, sociales, culturelles et géographiques.

Il faudrait ainsi passer d’une décision d’association octroyée à un accord d’association négocié par les PTOM avec les autorités nationales et communautaires. De même, la Polynésie française souhaiterait une participation plus grande à la prise de décision et la mise en place d’un système de co-décision pour l’adoption des réglementations affectant les PTOM.

2 / Bénéficier d’un accompagnement de la CE pour le développement durable des PTOM en leur permettant d’exploiter leurs potentiels économiques et de recherche.

Avec ses 2,5 millions de km2 de ZEE, la Polynésie française recèle une richesse naturelle relativement préservée et une extraordinaire biodiversité marine.

L’environnement est une des dimensions principales du développement en Polynésie française et la biodiversité représente un atout majeur pour la communauté internationale.

Le développement des énergies renouvelables devient aussi un véritable enjeu économique et environnemental pour la Polynésie française et peut aussi constituer un domaine d’intérêt commun avec l'Union européenne.

Dans le cadre d’une coopération régionale, le développement des énergies renouvelables permettrait à la Polynésie française d’être un laboratoire d’expérimentation dans le Pacifique dans un domaine de technologie de pointe et à forte valeur ajoutée tel que l’énergie thermique des mers, l’énergie houlomotrice, l’éolien ou le photovoltaïque.

Elle se poserait en leader régional et constituerait ainsi une tête de pont pour l'Union européenne dans le Pacifique en matière d’énergies renouvelables.

Ces énergies s’inscrivent parmi les moyens d’un développement durable et sont génératrices de nouveaux emplois.

La Polynésie française peut offrir un grand potentiel de recherche par sa recherche écologique et ses conditions climatiques.

Certaines de ses îles sont concernées au premier chef par le réchauffement climatique, la montée des eaux, l’énergie propre, la conservation et la gestion des ressources naturelles, la santé publique, les questions démographiques et l’évolution sociale.

Loin de tout mais proche des changements globaux, la Polynésie française peut transformer ses handicaps conjoncturels en des atouts majeurs pour entrer dans une démarche participative à la recherche européenne et mondiale.

Elle peut ainsi devenir une force de proposition sur les thématiques européennes de recherche et le chef de file d’un réseau régional reliant les pays de la zone Pacifique dans une région caractérisée par l’hégémonie des Etats-Unis, de la Chine et du Japon.

3 / Intégrer les handicaps structurels des PTOM par la notion de vulnérabilité.

La stratégie d’intégration des PTOM dans l’économie mondiale doit prendre en considération leurs handicaps structurels.

Pour la Polynésie française, l’insularité et l’éloignement du continent européen, l’isolement géographique par rapport à ses plus proches voisins, entraînent des surcoûts liés au transport des personnes et des marchandises.

Le coût de la main d’œuvre locale demeure très élevé par rapport à celui du reste de la région et pénalise la compétitivité polynésienne. S’ajoute à cela une dépendance économique par rapport à un nombre restreint de produits d’exportation. L’étroitesse des marchés ainsi que la faible capacité à diversifier ses activités, combinées à la forte dépendance aux importations, accentuent une vulnérabilité aux effets de la mondialisation.

Il faut donc abandonner définitivement le parallélisme de traitement avec les Etats ACP.

Le principe d’une politique régionale européenne élargie aux PTOM peut être mis en œuvre à travers la reconnaissance de leurs difficultés d’intégration économique.

Proposition : substituer au critère du PNB celui de vulnérabilité du fait des handicaps structurels (petite taille, isolement, éloignement, dimension archipélagique, ressources limitées, dépendance à l’égard d’un nombre restreint de produits d’exportation…) et de leur exposition aux conditions climatiques et aux catastrophes naturelles ainsi qu’aux chocs économiques.

4 / Développer une compétitivité accrue et une intégration régionale graduelle dans les marchés régionaux et mondiaux au travers de la mise en place d’instruments de soutien en faveur des entreprises des PTOM.

Renforcer la compétitivité des PTOM est l’objectif central de la future association UE/PTOM.

Il est donc nécessaire de cibler certains domaines de compétitivité comme par exemple l’éducation et la formation professionnelle, le progrès technique et l’innovation, les nouvelles technologies de l’information, le soutien aux PME pour l’acquisition des technologies et le développement de projets d’investissements.

L’objectif étant de renforcer le potentiel de la Polynésie française et de lui permettre de devenir un centre d’excellence régional.

Des financements de l'Union européenne pourraient accompagner des projets d’incubateurs d’entreprises, de cluster, de partenariats université / organismes de recherche autour de filières d’entrepreneuriat, cleantech, biotech, IT, hub numérique, agence de développement, zones d’activité, zones franches, voies rapides de desserte de ces zones, nouvelles infrastructures portuaires, centre de congrès…

Une intégration économique régionale plus poussée de la Polynésie française peut permettre une réforme en profondeur de son système de production de biens et de services, en vue d’un renforcement de sa capacité exportatrice et d’une diversification géographique des exportations polynésiennes. Cette stratégie nécessite le partenariat financier et technique de l'Union européenne.

L'Union européenne peut ainsi promouvoir l’intégration économique et régionale de la Polynésie française par la mise en œuvre d’un programme de facilitation des échanges, notamment des exportations polynésiennes.

MAIS cela nécessite des financements importants, notamment par le biais de la BEI, qui pourrait augmenter le montant de ses interventions et faciliter son accès aux opérateurs économiques.

En ce qui concerne l’introduction de l’euro, le gouvernement de la Polynésie française estime qu’il apporterait davantage de confiance, de sécurité et de facilité dans les échanges et les transaction du Pays, et favoriserait une intégration économique au niveau mondial.

L’absence de risque de dévaluation de la monnaie est un facteur essentiel dans l’appréciation des investisseurs, qui ne peut qu’encourager les placements financiers.

L’introduction de l’euro pourrait faciliter les échanges commerciaux à la condition que les compétences financières et fiscales de la Polynésie française ne soient pas remises en cause.

5 / Faire de la Polynésie française un poste avancé pour l’Europe dans le Pacifique en contribuant au rayonnement de l’Union européenne dans le monde.

Véhicules des valeurs européennes telles que la bonne gouvernance, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté et la démocratie, l’égalité, la promotion de l’économie de marché et du développement durable, l’environnement, la santé des populations et les principes de solidarité, les PTOM sont en mesure de contribuer pleinement au rayonnement de l’Union européenne.

La double appartenance régionale et européenne des PTOM permet à ces derniers d’être des vitrines et des postes avancés de l’Union européenne.

Les PTOM, « morceaux d’Europe » dispersés autour de la planète peuvent contribuer à promouvoir la politique régionale de l’Union européenne dans leurs régions respectives. La Polynésie française pourrait donc participer à la promotion de cette politique européenne dans le Pacifique.

L’intégration régionale est la clé de voûte du futur des relations PTOM/UE.

L’Europe devrait mettre à profit la présence des PTOM dans les régions les plus éloignées du monde et les associer à la définition de leur stratégie de coopération, dans le Pacifique notamment, et prévoir des mécanismes améliorant la participation des PTOM concernés en amont de leur réflexion stratégique régionale.

Contribution réalisée en partenariat avec le gouvernement de la Polynésie française.

B. Contribution de M. Pierre Frogier, député de la Nouvelle-Calédonie

Positionnement des PTOM dans le cadre de la réorganisation de la Commission européenne

L’Union européenne mène actuellement une réflexion sur l’évolution de ses rapports avec les PTOM, dans la perspective de 2013.

Sa communication relative à ce sujet fait apparaître la volonté de l’Union de passer de rapports basés principalement sur la lutte contre la pauvreté, à une nouvelle vision de ses échanges avec les PTOM.

Il s’agirait de faire de ces territoires ultra marins, les vitrines de l’Union dans leur espace géographique respectif, en y favorisant un développement économique endogène, en les encourageant à développer leurs échanges avec les Etats de la zone, en leur donnant un rôle de porte-drapeau des valeurs de l’Union européenne.

Chacun bien sûr ne peut que souscrire à de telles perspectives.

Toutefois, au delà de la pétition de principe, la mise en place concrète de ces idées positives s’avère plus complexe.

Pour exister au sein de l’Europe

Les PTOM de l’Union européenne sont très divers. Les Etats membres dont ils dépendent n’en ont pas la même perception, et ne défendent pas nécessairement les mêmes intérêts. Il n’échappe en effet à personne que la politique danoise à l’égard de son PTOM Groenlandais, est notablement différente que celle de la France vis-à-vis de Mayotte, ou de la Nouvelle-Calédonie.

L’Union, de surcroît, du fait de ses élargissements successifs, perd progressivement de sa sensibilité à la spécificité de ces territoires qui ne concernent directement que peu de ses membres et dont l’essentiel des nouveaux adhérents n’ont jamais entendu parlé.

La réflexion en cours sur le positionnement de la « Task force PTOM » au sein de l’organigramme de l’Union, est à cet égard révélatrice. Elle appartient à la direction « Développement » depuis toujours, mais risque de dépendre à terme des services de relations extérieures de l’Union. Ce qui n’est acceptable ni symboliquement, ni techniquement.

Un autre écueil à éviter sera celui constitué par la tentation de « Rupéisation » des PTOM.

Les PTOM ne peuvent ni souvent ne veulent être astreints aux obligations liées au statut de RUP.

La France a un rôle moteur à jouer,

Il appartient à la France, pays le plus concerné du fait du nombre et de la dimension de ses PTOM, d’aider l’Union européenne à clarifier ses objectifs et à se doter de moyens propres à les atteindre.

Il importe que les PTOM retrouvent, dans une Europe à 27 membres, une visibilité qu’ils ont progressivement perdue, et qui sera l’assise de leur légitimité.

Pour ce faire il paraît judicieux de les doter d’une forme institutionnelle compréhensible, lisible et sur laquelle, les institutions de l’Europe pourront appuyer leurs décisions et leurs actions.

Cet objectif de bon sens se heurte toutefois a une difficulté concrète : si les PTOM ont en commun un certain nombre de caractéristiques (éloignement géographique, économie fréquemment dépendante...), ils sont incontestablement très divers, et jouissent au sein même de l’État auquel ils appartiennent de statuts très variés.

La France doit cependant trouver une solution à cette difficulté.

Donner une dimension politique et une personnalité juridique à l’outre-mer.

Tout d’abord en montrant l’exemple et en structurant institutionnellement elle-même ses PTOM.

Toute proportion gardée, la difficulté de visibilité à laquelle se heurtent les territoires d’outre-mer au sein de l’Europe, n’est pas très différente de celle qu’ils rencontrent au sein même de la République française.

Leur émiettement n’est pas que géographique, il est également politique et administratif.

L’outre-mer français doit bénéficier d’un cadre institutionnel rénové, afin de retrouver une existence politique.

Il est impératif et urgent de lancer en France une réforme institutionnelle globale de l’outre-mer pour redonner du souffle et des perspectives à l’ensemble de nos territoires.

Lorsque l’ensemble de l’outre-mer français aura au sein de la République une existence juridique propre (sur le modèle de l’union française, par exemple), il sera beaucoup plus aisé de le faire exister, et avec lui les autres territoires ultramarins de nos partenaires, au sein de l’Union européenne.

Il sera même alors possible d’envisager la création d’une région européenne d’outre-mer au sein de laquelle deux niveaux d’intégrations aux politiques régionales de l’union pourront exister, en fonction du degré d’intégration souhaité, ou possible, pour chaque territoire.

Cette réflexion institutionnelle me paraît être le préalable nécessaire à toute autre. Nous disposons encore du temps de la mener, et si le choix est fait de la mettre en oeuvre, de lancer le processus législatif.

Il ne faut cependant pas tarder à le faire car l’Union européenne fonctionne sur des cycles pluriannuels dont le prochain débute en 2013.

Manquer cette échéance serait prendre le risque d’assister impuissant au délitement progressif de la reconnaissance des spécificités de nos territoires, et de leur existence même au sein de l’Union européenne.

C. Contribution de M. Jean-Claude Fruteau, député de la Réunion

Les relations entre l’Union européenne (UE) et les Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM) constituent un sujet complexe, compte tenu du caractère très divers des PTOM tant du point de vue de leurs statuts respectifs, que de l’importance de leurs populations, de leur niveau de développement économique et de leur niveau de vie.

Durant mes huit années au Parlement européen, j’ai toujours eu à cœur, en tant que représentant ultramarin, de suivre et de défendre les intérêts des PTOM. A cet égard, en 2001, lorsque j’ai été nommé rapporteur pour la Commission du développement et de la coopération du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil relative à l’association des Pays et des Territoires d’outre-mer à la Communauté européenne, j’avais eu l’occasion de formuler un certain nombre de réserves et de mises en garde, inspirées par les contacts avec les représentants des PTOM eux-mêmes

Aujourd’hui, c’est avec tristesse que je constate que la très grande majorité de ces points sont toujours d’actualité et que les souhaits exprimés par les PTOM à l’époque n’ont malheureusement pas trouvé l’écho qu’ils méritent.

En effet, si l’on ne peut que se féliciter de l’attitude de la Commission d’engager très en amont (dès 2008) une réflexion sur l’évolution des relations entre l’UE et les PTOM (le livre vert publié à cet effet en 2008 a permis de mettre en exergue les orientations souhaitées par la Commission ainsi que par les PTOM grâce aux contributions qu’ils ont pu réaliser), il faut néanmoins déplorer qu’aucune évaluation préalable portant sur les changements, les progrès des PTOM et l’efficacité des mesures mises en œuvre n’ait été réalisée par la Commission européenne alors même qu’elle s’y était engagée.

Cette absence d’évaluation apparaît d’autant plus surprenante que la Commission européenne entend proposer aux PTOM une évolution majeure dans leurs relations avec l’UE en tournant le dos à la politique d’aide au développement pour éradiquer la pauvreté. Dès lors, cet état de fait soulève une question très simple : comment peut-on envisager de réorienter ces accords d’association sans, d’une part, se soucier de ce qui a été fait et, d’autre part, prendre en considération les nombreuses évolutions qui se sont produites depuis près de dix ans ?

Pour la Commission, « la relation particulière qui existe entre l’UE et les PTOM ne devrait plus reposer sur une approche classique de coopération au développement mais plutôt sur un partenariat réciproque visant à soutenir le développement durable des PTOM et à promouvoir les valeurs et les normes de l’UE dans le reste du monde ». Les grandes idées néolibérales sont ainsi lancées ! S’il peut être tout à fait normal de vouloir réorienter une politique grâce à l’introduction de nouvelles pratiques, il est illusoire de croire que les seuls mots de « partenariat réciproque et renforcement de la compétitivité » permettront aux PTOM de combler définitivement leurs retards et de résoudre les difficultés structurelles en présence. Tout comme dans le cas des Accords de Partenariat Economique (APE) avec les Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), ces propositions risquent fort de n’être que des leurres.

Il est donc permis d’éprouver un certain scepticisme quant à l’efficacité de ce nouveau référentiel et de sa déclinaison en trois objectifs, tant cette approche semble plus marquée par l’idéologie que par le pragmatisme.

La Commission propose que l’un de ces objectifs centraux s’attache à «renforcer la compétitivité ». A cet égard, force est de constater que cette volonté se rapproche de la nouvelle orientation des politiques publiques françaises à l’égard des outre-mer car toutes deux entendent promouvoir, directement ou indirectement, le « développement endogène ». Qui pourrait fondamentalement s’opposer à une telle finalité ? Mais, à l’inverse, qui pourrait sincèrement considérer que ce seul levier suffit à assurer le développement des PTOM et l’éradication de la pauvreté ? S’il en était ainsi, on pourrait se demander pour quelle raison une stratégie si efficace n’a pas été mise en œuvre depuis longtemps. Dans la réalité, il est à craindre que ces discours ne servent qu’à masquer un désengagement financier certain. La preuve, du reste, que la Commission connaît les limites de sa théorie d’inspiration néolibérale, c’est qu’elle reconnaît «que le maintien d’une approche de lutte contre la pauvreté dans certains PTOM pourrait s’avérer justifié». L’usage du conditionnel est ici édifiant !

Parler de compétitivité invite obligatoirement à évoquer les questions relatives à la concurrence dans l’environnement régional et mondial. Cependant, les PTOM sont, pour la plupart, des territoires caractérisés par des handicaps physiques structurels, géographiques, démographiques tels que l’éparpillement, l’éloignement du continent européen, une faible population et un territoire étroit. Tous ces éléments constituent des freins majeurs pour leur développement économique.

Pour accroître la compétitivité des PTOM, certains pourraient être tentés de les inciter à s’orienter vers des activités de « niches » porteuses de croissance ou vers une spécialisation accrue dans un domaine particulier. Or, dans l’une, comme dans l’autre, de ces deux hypothèses, ce ne serait pas viable pour le développement global des PTOM et leur développement économique sur le long terme.

Sur les productions de « niches », on peut se référer à l’exemple des perles de Tahiti. Grâce au développement de cette filière, il est vrai que la Polynésie française a su tirer profit de son patrimoine naturel (les perles dites noires sont quasi exclusives à ce territoire), d’où une compétitivité et un savoir faire particulier. Cependant, si c’est un secteur qui a su trouver une dynamique, il n’en reste pas moins que cette activité ne peut pas être porteuse de croissance globale. Les fermes perlières de Rangiroa font vivre quelques familles mais elles ne constituent pas un levier économique suffisant pour assurer une croissance et une compétitivité de l’ensemble du territoire.

En fait, les productions spécialisées sont de vraies fausses solutions car elles entraînent des dépendances fortes vis-à-vis des acheteurs extérieurs, des cours des marchés et des coûts de productivité. Par ailleurs, elles rendraient ces économies beaucoup plus vulnérables face aux crises. L’exemple des pays ACP sur de nombreux secteurs d’activité ne peut que valider ce constat.

Renforcer la capacité d’adaptation des PTOM c’est avant toute chose lutter contre la pauvreté, avec l’objectif de parvenir à l’éradiquer. C’est, selon moi, une des conditions prioritaires pour tendre vers une meilleure compétitivité.

Enfin, l’amélioration des capacités des PTOM pour répondre «aux chocs économiques et aux défis en matière d’environnement» ne peut pas s’envisager uniquement dans le cadre local ou régional. En effet, que représente un PTOM face aux grandes puissances dans les échanges mondiaux ? Sommes-nous dans une situation équitable et équilibrée ? La réponse est bien évidemment non, et c’est pourquoi il peut paraître hasardeux d’appliquer le schéma relatif à la compétitivité tel qu’il est actuellement proposé par la Commission.

Les objectifs environnementaux développés dans la communication de la Commission sont plus que louables. Cependant, à l’heure actuelle, la valorisation et la sauvegarde de la biodiversité ne peuvent constituer à elles seules un levier suffisant pour contribuer au développement ou pour assurer la venue de flux financiers. Le patrimoine environnemental n’a pas (encore) de valeur marchande et ne génère donc pas de revenus de rente. Il s’agit plus d’une action volontariste des Etats qui, en fonction de leurs objectifs, de leurs moyens et de leurs obligations mettent en œuvre telle ou telle action. Je ne peux donc que m’interroger sur les potentiels d’une croissance fondée sur la protection environnementale dans les conditions actuelles.

La relation particulière liant l’UE aux PTOM a été institutionnalisée par le régime d’association de 1991. A l’occasion du vingtième anniversaire qui s’annonce, l’UE ne peut pas et ne doit pas se contenter d’entériner le « saut vers l’inconnu » qui est actuellement proposé par la Commission.

L’UE se doit de mettre en œuvre une politique forte à l’égard de ces territoires grâce notamment à des instruments spécifiques et adaptés, aptes à réduire leur vulnérabilité et soucieux de pérenniser les préférences commerciales dont bénéficient actuellement les PTOM et qui ne cessent de s’éroder ! Techniquement, la création d’un instrument financier particulier, prenant en considération des critères élargis (démographiques, géographiques, ...), pourrait ainsi constituer une avancée notable réclamée par tous depuis longtemps..

Il est encore temps de changer de cap. Il ne s’agit que d’une question de volonté politique !

D. Contribution de M. Soibahadine Ibrahim Ramadani, sénateur de Mayotte

La nécessité de faire de Mayotte une Région ultrapériphérique de l’Union européenne (RUP)

Introduction

Après le Livre vert de juin 2008, la Commission européenne a adopté le 6 novembre 2009 une communication précisant sa vision du nouveau partenariat entre l’Union européenne et les PTOM, dans la perspective du remplacement de l’actuelle décision qui prend fin le 31 décembre 2013.

Ainsi, dès le 1er janvier 2014, un nouveau cadre régira les relations entre l'Union européenne et ses pays et territoires amis, d’où la nécessité de contribuer au débat national afin de déterminer, pour la France, les axes prioritaires de ce nouveau rapport. Ce nouveau partenariat fixe trois objectifs principaux : renforcer la compétitivité, renforcer la capacité d’adaptation et promouvoir la coopération.

De ce fait, Mayotte, qui entre pleinement dans un premier temps, dès 2011, dans le régime national de droit commun conformément à l’évolution de son statut interne dans la France, souhaite poursuivre, en second lieu et dans la continuité, son ancrage dans l’espace européen en devenant une Région ultrapériphérique, elle qui est aujourd’hui inscrite dans la catégorie des PTOM. Cette évolution est rendue possible par le traité de Lisbonne qui prévoit, dans les « Déclarations relatives à des dispositions des traités », que :

« Les Hautes Parties Contractantes conviennent que le Conseil européen, en application de l’article 311bis, paragraphe 6, prendra une décision aboutissant à la modification du statut de Mayotte à l’égard de l’Union, de manière à ce que ce territoire devienne une région ultrapériphérique au sens de l’article 311bis, paragraphe 1, et de l’article 299, lorsque les autorités françaises notifieront au Conseil européen et à la Commission que l’évolution en cours du statut interne de l’île le permet ».

Ainsi, l’enjeu est plus que symbolique, car après la départementalisation le statut de Rup viendra s’adapter aux nouvelles conditions politiques, aux réalités économiques actuelles ainsi qu’aux enjeux sociaux et environnementaux futurs auxquels Mayotte doit faire face, et ce, en étant inscrite dans la prochaine programmation des fonds structurels (2014-2020).

Ces fonds, tels que le FEDER ou le FSE, permettront à Mayotte de soigner ses nombreux handicaps notamment en matière structurelle, de mieux être nourrie pour faire face aux droits sociaux, de permettre une meilleure mobilité des jeunes dans le domaine de la formation et de l’emploi, de donner aux collectivités territoriales les crédits nécessaires à leur fonctionnement ainsi qu’ à leurs investissements etc. Mais devenir RUP sous-entend aussi et surtout le respect de certains principes communautaires, qu’il conviendra d’ailleurs de souligner.

Par conséquent, le présent argumentaire vise à soutenir l’idée de la nécessité de faire de Mayotte une RUP en présentant d’abord le bilan de l’action européenne à Mayotte (1976-2013), puis les conditions préalables à l’accession de Mayotte à ce statut, et enfin le cadre politique propice à cette évolution.

Le statut de RUP et l’article 73 de la Constitution française, régissant les départements d’outre-mer et dans lequel est inscrite Mayotte, seront ainsi deux garanties de taille afin d’éviter un bouleversement brutal et profond de la société mahoraise, puisque ces deux cadres juridiques reconnaissent la spécificité des départements et des RUP, de ce fait la nécessité d’adaptation des politiques nationales et communautaires aux réalités propres de chaque territoire(10).

I. Bilan de l’action européenne à Mayotte (1975-2013)

A ce jour, en tant que PTOM, Mayotte ne fait pas partie de l’Union européenne, « dès lors le droit communautaire ne lui est pas applicable, à l’exception du régime d’association basé sur la Partie IV du traité CE (« L’association des pays et territoires d’outre-mer », articles 182 à 188 du traité CE). C’est son rattachement à l’Etat membre qu’est la France qui permet la pérennité du lien avec l’Union et qui a permis à Mayotte d’obtenir des aides européennes en vue de son développement »(11).

I.1- Précisions juridiques

Il convient d’emblée de préciser que Mayotte est considérée, dans les textes actuels, comme un PTOM, comme le sont 20 autres pays et territoires liés à un Etat membre de l'Union européenne que sont la France, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas.

De ce fait, contrairement aux RUP, le droit communautaire n’est pas applicable dans ces territoires. Leur seul « lien » juridique avec l’Europe se base sur le régime d’association inscrit dans la partie IV du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le régime d’association et de coopération qui lie l'Union européenne aux PTOM porte souvent à confusion avec celui qui le lie aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifiques) qui sont des pays indépendants et avec lesquels l’Europe entretient des « relations privilégiées ».

L’enjeu du débat est donc de jeter les bases d’une future législation pouvant mieux redéfinir le sens des relations UE-PTOM qui doivent dépasser la simple approche de coopération, mais épouser la réciprocité et soutenir l’engagement européen à encourager le développement durable et appuyer la promotion des valeurs européennes.

Ne bénéficiant pas des Fonds structurels européens, les PTOM, tout comme les pays ACP, sont tout de même attributaires de fonds directs tels que les FED (Fonds Européens de Développement) crée par le traité de Rome de 1957. Le premier FED, dont la programmation est de cinq ans, a été institué en 1959.

I.2- La contribution des FED au développement de Mayotte

Mayotte bénéficie des aides européennes depuis le 4ème FED (Convention de Lomé I : 1975-1980) et successivement, avec une enveloppe qui a triplé en 20 ans, l’investissement européen à Mayotte a permis de financer plusieurs opérations de base telles que l’adduction d’eau, l’électrification rurale, le reboisement, la construction de la station d’épuration des eaux usées, la construction d’Aquamay (Coopérative d’Aquaculture de Mayotte), le développement de la filière aquacole, l’aménagement et le développement durable, la protection du lagon etc. Depuis 2004, avec le transfert des compétences et des ressources, le FED est géré par la Direction des affaires européennes du Conseil général de Mayotte.

Récapitulatif des FED à Mayotte (1975-2013)

Période

Montant

Programmes principaux

4e FED (1975-1980)

ND

- Adduction d’eau

5e FED (1980-1985)

ND

- Adduction d’eau

6e FED (1985-1990)

4.750.000 euros

- Electrification rurale

- Renforcement de la centrale électrique

7e FED (1990-1995)

6.700.000 euros

- Adduction d’eau

8e FED (1995-2000)

10.000.000 euros

- Assainissement des eaux usées

- Traitement des déchets

9e FED (2000-2007)

15.200.000 euros

24.150.000 euros

(avec le transfert des FED précédents)

- Gestion des eaux pluviales

- Reboisement

- Financement du Centre de traitement des déchets

-Financement de l’Unité Technique de Gestion

10e FED (2008-2013)

22.092.000 euros (allocation territoriale)

- Volet territorial : transport, environnement, tourisme

-Volet régional : études et recherche sur la biodiversité

II. Les conditions préalables à l’accession de Mayotte au statut de RUP

II.1- Les besoins de Mayotte

Le projet de transformation de Mayotte en région ultrapériphérique de l’Union européenne est récent, comparé à la revendication vieille d’un demi-siècle de voir l’île devenir un département français d’Outremer. Tout de même, l’aboutissement de ce combat pour une évolution interne du statut de Mayotte dans la France s’accompagne, aux yeux des Mahorais, d’une concrétisation majeure portée par cette métamorphose en RUP. Celle-ci porterait des garanties juridiques, institutionnelles, de développement et d’égalité incontournables. A l’image de la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane, Mayotte, 5ème DOM, se dit tout naturellement destinée à rejoindre le club des RUP.

Ce nouveau statut européen offrirait à Mayotte les outils nécessaires à son rattrapage et à son développement économiques, en complément de l’engagement national, avec des instruments financiers tels que les FEDER (Fonds Européens de Développement Régional), les FSE (Fonds Structurels Européens) ou encore des programmes d’aides complémentaires spécifiques à l’éloignement et à l’insularité comme le POSEIDOM, programme destiné aux départements français d’outre-mer. Cela permettra aussi de rattraper les retards qu’accuse l’île en matière d’infrastructures et d’équipements collectifs, le respect des droits sociaux, plus de soutien aux collectivités territoriales avec les crédits de l’octroi de mer ou son équivalent après la réforme, l’assurance de voir sauver les langues maternelles locales avec l’application de la Charte européenne des langues et des cultures régionales etc.

Mais même si le statut de RUP porte les garanties d’un développement économique, social et culturel durable, l’accession de Mayotte à ce statut sous-entend le respect de plusieurs conditions préalables notamment : la bonne gestion des crédits du FED et le respect des bases, normes et valeurs européennes

II.2- La bonne gestion des crédits du FED

L’une des conditions majeures et non négligeables de cette évolution statutaire demeure la consommation et la bonne gestion des crédits du FED alloués à Mayotte, puisque dans le cadre du 9ème FED (2000-2007) une enveloppe de 15,2 millions d’euros a été allouée à Mayotte auxquels ont été ajoutés près de 9 millions et demi d’euros représentant des crédits non consommés issus des précédents FED, soit une enveloppe globale avoisinant les 25 millions d’euros. Au final, seul un peu plus d’un million d’euros a été consommé. Malgré tout, cette enveloppe est quelque peu « dérisoire », comparé à ce que perçoivent les RUP. Des études démontrent les raisons de cette consommation « partielle » des crédits, qui concernent en particulier les 8ème et 9ème FED dont les reliquats ont été portés sur le 10ème FED :

- « Premièrement, les crédits du 8ème FED n’ont été engagés que pour réaliser des études car les projets n’avaient pas été correctement définis, d’où un reliquat de 9 392 940, 81 €. Là aussi, cette approximation au niveau de la formalisation des projets est à déplorer car elle a retardé de manière significative ces derniers ;

- Deuxièmement, et il s’agit ici d’un problème commun aux PTOM, les moyens humains locaux ne permettent pas de gérer au mieux les aides du FED, les fonctionnaires locaux étant, paradoxalement, plus familiers aux procédures relatives aux fonds structurels qu’au FED, de plus, les caractéristiques actuelles des procédures de validation des projets FED ne favorisent pas une consommation rapide et adéquate. Les contrôles et les différents « clapets » entre le PTOM, l’Etat membre et l’Union européenne retardent de manière évitable le démarrage des projets »(12).

Une autre étude a souligné la nécessité pour la Direction des Affaires européennes du Conseil général de Mayotte de disposer d’une « unité d’assistance à la gestion »(13) . Aujourd’hui, l’Unité Technique de Gestion (UTG), entièrement financée par le FED lui-même, offre à cette direction plus de moyens d’évaluer la gestion des FED.

Ceci dit, cette situation n’est en rien exclusive à Mayotte, puisque les DOM étant eux-mêmes des RUP, recevant les Fonds structurels, ne consomment en moyenne que 40 à 50 % des crédits alloués, phénomène dû à la complexité des procédures et à un manque crucial de personnel qualifié dans la gestion et l’exécution des crédits européens.

II.3- Le respect des bases, normes et valeurs européennes

Comme mentionné ci-haut, l’accession de Mayotte au statut de RUP nécessite des préalables, outre une gestion exemplaire des crédits actuels du FED. Ces préalables portent essentiellement sur le respect de l’ensemble des acquis communautaires représentant près de 14.500 actes normatifs, même si la « clause passerelle » pour ce changement statutaire ne requiert que l’approbation unanime du Conseil européen. Mais cette décision finale devra être motivée par le respect de ces préalables.

Voici une liste non exhaustive de ce que pourrait exiger l'Union européenne :

- la première des conditions est celle fixée par le traité de Lisbonne dans les « Déclarations relatives à des dispositions des traités » : la France devra notifier au Conseil européen et à la Commission européenne si « l’évolution en cours du statut interne de l’île le permet », en clair la départementalisation est un préalable ;

- tirer les leçons de la mauvaise gestion des 7ème et 8ème FED en consommant les crédits et surtout en respectant les procédures et les délais. Le 10ème FED en cours pourrait être la base de cette nouvelle approche dans la gestion européenne des crédits, ce qui nécessite que l’on garantisse les moyens nécessaires à la maîtrise des procédures du code de marché national et européen ;

- le respect de la Convention européenne des Droits de l’Homme et notamment l’égalité entre l’homme et la femme, le droit d’asile, le droit d’entrée et de séjour des étrangers. Même si pour le moment, la loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM) classe cette matière comme réservée à la spécialité législative et même si l’article 73 de la Constitution de 1958 et le régime juridique des RUP permettent une adaptation des mesures nationales et communautaires selon la situation de chaque territoire, il n’en demeure pas moins que l’Europe imposera un minimum de règles dans ce domaine, reste à définir lesquelles ;

- l’application du principe de la libre circulation des idées, des hommes et des marchandises, et la libre concurrence, etc.

III. Un cadre politique propice à cette évolution statutaire

Comme cela a déjà été signalé, le « rêve européen » des Mahorais ne date pas d’aujourd’hui mais n’est pas très ancien, puisque le projet de transformation du statut de Mayotte au sein de l’Europe a été inscrit dans la conscience collective des Mahorais, du moins de leurs responsables politiques, comme une continuité de l’accession au statut de département et région d’Outremer.

III.1- Les différents engagements politiques depuis 2000

Et si cette position a évolué et s’est confirmée au fil du temps, c’est parce qu’elle a été nourrie, maintenue et même promise par les gouvernements successifs et par des engagements politiques de poids :

- Déjà dans l’Accord du 27 janvier 2000, dit Accord Oudinot, en vue de la transformation du statut de Collectivité territoriale de Mayotte en Collectivité départementale, cette idée de Mayotte-Rup a été évoquée, même si aucun cadre juridique n’en portait la garantie ;

- Suite à cet accord, la loi du 11 juillet 2001, instituant la Collectivité départementale de Mayotte, a repris ce projet tout en l’inscrivant dans la continuité de la départementalisation ;

- Un engagement confirmé par la ministre de l’outre-mer elle-même, Mme Brigitte Girardin qui, en septembre 2002 soutenait : « il faut permettre à Mayotte de changer de statut vis-à-vis de l’Europe et de quitter la catégorie des PTOM, éligible aux Fonds européen de développement pour intégrer celle des RUP et avoir ainsi accès à de nombreux programmes européens tels INTERREG ou le FEDER » ;

- En 2007, avant de quitter l’Elysée, l’ancien Président de la République, M. Jacques Chirac voyait dans son « ambition pour l’outre-mer », la transformation de Mayotte en DOM mais également en RUP ;

- Comme l’Accord du 27 janvier 2000, le Pacte pour la départementalisation proposé par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, le 16 décembre 2008 reprend l’idée, en mentionnant même, et pour la première fois, une date : « L’Etat engagera très rapidement une démarche auprès des institutions communautaires pour que la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique intervienne dans des délais compatibles avec l’accès aux financements européens disponibles à partir de 2014 », d’où la nécessité de veiller à ce que Mayotte soit dans le train de la prochaine période de programmation des Fonds structurels (2014-2020) et non pas inscrite dans la nouvelle législation devant encadrer les relations futures entre l’Europe et les PTOM.

III.2- L’action de Marie-Luce Penchard sur ce dossier

En conséquence, cette nouvelle ambition du gouvernement de faire de Mayotte une RUP est portée par la Ministre chargée de l’outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard. De ce fait :

- Les 14 et 15 octobre 2009, à l’occasion de la Conférence des Présidents de RUP qui s’est tenue aux Canaries, la ministre a évoqué, entre autres, le dossier de Mayotte. A l’issue de la conférence, les ministres et présidents de RUP ont pris l’engagement de présenter à la Présidence espagnole de l'Union européenne, avant le 5 mai 2010, un « mémorandum conjoint » présentant une « feuille de route commune » de ce que devront être les futures relations entre l’Europe et les RUP. Un espoir pour Mayotte qui souhaite voir inscrite son ambition européenne parmi les priorités de l’Europe ;

- Quelques jours plus tard, le 19 octobre, la Ministre a défendu le dossier de Mayotte à Bruxelles et a de ce fait « présenté à M. Karel de Gucht les conditions du passage de Mayotte au statut de RUP et lui a rappelé que le commissaire en charge des régions avait d’ores et déjà désigné un service « référent » pour faciliter la procédure » ;

- Interrogée par votre sénateur, qui fixe le renforcement du statut européen de Mayotte commune une des priorités de la période d’après-départementalisation qui s’ouvre, à l’occasion de la discussion du Projet de loi de finances pour 2010 au Sénat le 26 novembre 2009, la Ministre a confirmé que le dossier de Mayotte sera déposé à Bruxelles dès 2011 ;

- Enfin, lors du premier Conseil interministériel de l’outre-mer à l’Elysée le 7 novembre 2009, le Président de la République a annoncé la création d’un « Pôle outre-mer » au sein de la représentation permanente de la France à Bruxelles, lequel pôle a été mis en place en décembre 2009. Parmi les priorités de ce nouveau bureau figure, entre autres, le projet de transformation en RUP.

Conclusion

En tant que PTOM, Mayotte bénéficie depuis 1976 de l’action cruciale de l’Europe au service de son développement. L’investissement de l’Europe à travers les FED a permis de financer plusieurs structures de bases telles que le reboisement, l’adduction d’eau, l’assainissement, le développement et l’aménagement durables, l’aquaculture etc.

Mayotte souhaite aller plus loin avec l’Europe. La priorité était d’abord de voir le statut de l’île évoluer au sein de la France, gage de sécurité et de développement. Mais au-delà du rattrapage économique, Mayotte veut viser l’excellence : être présente de manière déterminante et responsable dans l’Océan indien, mener des actions de coopération et de développement avec ses voisins, offrir une mobilité à sa jeunesse, être présente dans le monde dans un contexte de globalisation, relever les défis du XXIe siècle passant par l’éradication de la pauvreté, la maîtrise des outils de développement pour un monde plus juste, solidaire et durable etc. Toute cette ambition suppose deux bases essentielles : être ancrée profondément dans la République, ce qui est le cas depuis le 29 mars 2009, mais surtout être une priorité pour l’Europe en devenant RUP.

Car en devenant RUP, les avantages pour Mayotte seront, sans commune mesure, nombreux et déterminants. Mais Mayotte, tout comme l’ensemble de l’outre-mer français, est aussi une chance pour l’Europe : représentant une zone économique exclusive très importante, disposant de ressources halieutiques non encore exploitées, dotée d’un parc naturel marin propice à la préservation des espèces rares et aux études de pointe en matière environnementale, comptant comme un point d’ancrage essentiel dans la route maritime du Canal de Mozambique, pouvant devenir un appui stratégique non négligeable avec l’autre RUP de l’Océan indien, la Réunion, dans une zone comprise entre l’Afrique de l’Est, Madagascar, zone à forte navigation maritime vers le Golfe et l’Asie du Sud etc.

Mais l’Europe, c’est plus qu’une chance pour Mayotte. C’est vital. Le statut de DOM-ROM garantit notre ancrage dans la République. Le statut de RUP de l’UE consolidera à jamais la position des Mahorais et écartera définitivement toute crainte liée aux revendications territoriales d’un pays étranger et sera une force pour endiguer devant la communauté internationale les condamnations injustes et injustifiées liées à la présence légitime de la France à Mayotte.

E. Contribution de M. Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélémy

Passée du statut de commune d’un département d’outre-mer à celui de collectivité d’outre-mer (COM) dotée de l’autonomie en juillet 2007, la collectivité de Saint-Barthélemy a officiellement demandé l’engagement du processus de passage du statut de RUP à celui de Pays et Territoire d’Outre-Mer (PTOM) européen par une délibération du 18 octobre 2009.

En raison de son ancien statut, Saint-Barthélemy a été placée au sein de la catégorie des Régions Ultrapériphériques (RUP) par le traité de Lisbonne qui la reconnaît en tant que telle dans son article 349. Dès lors, alors qu’en droit français la collectivité est régie par le principe de spécialité législative dans les matières qui lui ont été transférées par la loi organique statutaire, en droit européen, elle est soumise au principe d’identité législative qui régit les RUP.

C’est pourquoi, dès l’élaboration de son statut de collectivité d’outre-mer, la question du changement de statut européen avait été posée afin d’écarter tout risque d’incompatibilité entre le droit interne et le droit européen.

La pertinence du statut de PTOM doit être envisagée à l’aune de plusieurs enjeux.

En premier lieu, la transposition du droit européen en droit interne est génératrice de normes souvent exorbitantes et d’application contraignante en l’état pour un territoire insulaire exigu situé de plus au cœur de la zone économique américaine. Ainsi, du point de vue des relations commerciales avec les Etats-Unis, d’où proviennent une grande part des biens de consommation, le respect strict des normes constitue un handicap.

Plus largement, en ce qui concerne la coopération régionale, hormis la Guadeloupe et la Martinique, la grande majorité des îles de la Caraïbe sont des PTOM. Saint-Barthélemy est par exemple distante de 20 km seulement de Sint-Maarten, PTOM néerlandais.

En second lieu, l’article L.O. 6214-4 II du Code général des collectivités territoriales dispose : « En cas d’accession au statut de pays et territoire d’outre-mer de l’Union européenne et des Communautés européennes et à compter de cette accession, la collectivité est compétente en matière douanière, à l’exception des mesures de prohibition à l’importation et à l’exportation qui relèvent de l’ordre public et des engagements internationaux de la France […] ». Bien avant son accession au statut de COM, Saint-Barthélemy alors commune bénéficiait d’un statut de port franc et d’une fiscalité dérogatoire. A ce titre, la loi n° 74-1114 du 27 décembre 1974 portant loi de finances rectificative pour 1974 a instauré un droit de quai ad valorem se substituant à l’ensemble des taxes douanières sur toutes les marchandises importées par voie maritime ou aérienne sur le territoire de la commune de Saint-Barthélemy. Perçu et contrôlé comme en matière de douane, il constitue l’un des enjeux principaux du statut européen de Saint-Barthélemy. Cette taxe est aujourd’hui exclusivement perçue et contrôlée par les agents de la collectivité avec une collaboration ponctuelle et ciblée des agents de la douane. Mais, avec l’entrée en vigueur du nouveau code des douanes communautaires, ce droit de quai pourrait être assimilé à un droit de douane. Le droit de quai constituant la recette principale de la collectivité, sa remise en cause équivaudrait à supprimer l’élément principal de l’autonomie budgétaire de la collectivité – cette dernière étant à son tour, le fondement majeur de son statut de COM. En revanche, le droit de quai est compatible avec les règles posées par l’article 200 du traité de Lisbonne qui autorise les PTOM à percevoir des droits de caractère fiscal « qui ont pour but d’alimenter leur budget ».

La francisation des navires constitue l’autre enjeu de la compétence douanière et viendrait compléter le transfert de la compétence maritime en dotant la collectivité d’une compétence pleine et entière.

En troisième lieu, l’article 55 de la décision 2001/822/CE portant décision d’association outre-mer autorise les PTOM à établir des distinctions dans l’application de leur fiscalité et exige qu’ils s’engagent à contribuer à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Sur ce point, ces deux aspects du régime fiscal de Saint-Barthélemy peuvent paraître dérogatoires au regard du statut des RUP mais ils sont au contraire conformes au droit commun régissant les PTOM.

Enfin, il faut souligner que Saint-Barthélemy se caractérise par un niveau de PIB par habitant équivalent à celui de la France métropolitaine, ce qui la distingue aussi bien des autres RUP que des autres PTOM. En tant que RUP, ce niveau de revenu moyen ne permet pas à Saint-Barthélemy de prétendre aux aides européennes. Mais en tant que PTOM, Saint-Barthélemy ne serait pas davantage concernée par la politique d’aide au développement qui sous-tend le régime d’association.

En raison de ces particularités, les réflexions engagées dans la perspective de la renégociation du statut d’association représentent une opportunité pour Saint-Barthélemy car elles ouvrent une voie qui permettra de prendre compte son cas particulier dans la redéfinition générale du statut des PTOM.

C’est essentiellement dans sa souplesse en matière de coopération juridique avec l’Union européenne que le statut de PTOM trouve sa pertinence pour la collectivité de Saint-Barthélemy.

Si elle reste attachée aux grands principes qui régissent l’Union, en particulier la citoyenneté et la liberté de circulation des travailleurs qui en découle, il n’en demeure pas moins que Saint-Barthélemy souhaite trouver dans le régime d’association les facultés d’adaptation de la réglementation que le statut de COM permet en droit français.

De même, il n’est pas envisagé de remettre en cause l’appartenance à la zone euro, car cette hypothèse conduirait à une profonde déstabilisation de l’économie locale – avec toutes les contraintes que cela engendrerait – qui s’est structurée autour de l’euro depuis son entrée en vigueur.

Afin de garantir une nécessaire adaptation de l’application des normes européennes, la définition du nouveau partenariat entre l’UE et les PTOM serait également l’occasion de s’inspirer du modèle français de spécialité législative, en associant plus étroitement les PTOM par le biais de la consultation, ce qui permettrait à la collectivité de Saint-Barthélemy de trouver pleinement sa place dans un nouveau régime d’association.

F. Contribution de M. Maurice Ponga, député européen

Le positionnement des PTOM dans le cadre de la réorganisation de la Commission européenne

1. La nouvelle architecture institutionnelle de l’Union européenne et la création du service européen pour l’action extérieure (SEAE)

Le traité de Lisbonne prévoit un certain nombre d’avancées, tant institutionnelles que matérielles, en matière de politique étrangère. Le but poursuivi étant de rendre l’action extérieure de l’Union européenne plus cohérente et plus effective.

Tout d’abord, au niveau des politiques étrangères menées par l’Union européenne, le traité de Lisbonne met en place plus de cohérence en fixant des principes communs pour l’action extérieure de l’Union. L’article 21 du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne liste ces principes et objectifs communs à l’action extérieure de l’Union européenne. En outre, le traité prévoit que « l’Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres politiques ».

En outre, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne a conduit à un renouveau de l’architecture institutionnelle de l’Union européenne:

Le Conseil européen dispose désormais d’une présidence stable de deux ans et demi renouvelable une fois(14). Le président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy assurera désormais « à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune ».

Un poste de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et également vice-président de la Commission européenne (HR/VP) a également été créé. Mme Catherine Ashton assurera dorénavant un lien plus étroit entre les travaux réalisés par la Commission et par le Conseil(15).

« Le HR/VP conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union. Il contribue par ses propositions à l’élaboration de cette politique et l’exécute en tant que mandataire du Conseil. (… ) Il est chargé au sein de la Commission des responsabilités qui incombent à cette dernière dans les domaines des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union européenne. »

Un service européen pour l’action extérieure sera mis en place afin d’assister le HR/VP dans ses fonctions(16).

Concernant le SEAE, le traité de Lisbonne dispose uniquement que ce dernier sera composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. Pour l’organisation précise et le fonctionnement de ce service, le traité de Lisbonne renvoie à une décision du Conseil. La décision sera prise par le Conseil à la majorité qualifiée sur proposition du HR/VP après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission. La composition exacte du SEAE est donc encore indéterminée.

Lors du Conseil européen d’octobre 2009(17), il a été demandé au HR/VP de présenter une proposition détaillée sur le SEAE avant la fin avril afin de mieux en délimiter les contours. Cependant, certaines caractéristiques ont d’ores et déjà été déterminées par la présidence suédoise dans son rapport sur la future architecture du SEAE. La présidence suédoise indique que ce dernier devrait être composé d’un seul bureau géographique et de plusieurs bureaux thématiques(18). De plus, le rapport souligne le fait que le SEAE devrait avoir un rôle de leader dans la prise de décisions stratégiques et être impliqué dans l’ensemble du processus de programmation des instruments financiers. La division du travail entre les instruments financiers géographique et thématique entre le SEAE et les différentes directions générales Commission devrait se faire avant la fin 2009.

Des éléments de calendrier sont indiqués dans le rapport de la présidence suédoise. Avant avril 2010, la HR/VP Mme Catherine ASHTON devrait soumettre sa proposition concernant l’organisation et le fonctionnement du SEAE au Conseil afin que ce dernier adopte une décision. En 2012 un premier rapport devrait être rédigé sur le fonctionnement du SEAE, et en 2014, une révision du fonctionnement et de l’organisation du SEAE devrait avoir lieu.

2. L’impact de la création du SEAE sur l’organisation de la Commission européenne et la gestion des dossiers relatifs aux PTOM de l’Union européenne

Avec la création du SEAE, l’organisation de la Commission est en train d’être révisée, dans la mesure où certains services vont être transférés vers le SEAE. Pour les questions de développement, à l’exception de l’aide humanitaire suite à la création d’un nouveau poste de Commissaire19, l’ensemble de celles-ci devrait en principe continuer à être traitées par le Commissaire au développement en collaboration avec le HR/VP et le SEAE. En effet, la DG développement ne pourra traiter sans concertation avec le SEAE, ce dernier fixant les grandes orientations et étant associé à la programmation des fonds.

Pour l’instant, les dossiers relatifs aux PTOM continuent de relever de la DG développement et plus particulièrement de la Task Force PTOM rattachée auprès du Directeur -
D ACP II en charge de l’Afrique occidentale et centrale, caraïbes et PTOM  (M. LOPES BLANCO). La mise en
œuvre du FED PTOM est quant à elle gérée par la DG Europeaid.

Avec la mise en place du SEAE, la question du devenir de la Task Force PTOM se pose donc. Si lors de son audition devant le Parlement européen, le Commissaire désigné au développement, M. Andris Piebalgs, a indiqué que les dossiers PTOM continueraient à être traités au sein de sa DG développement, il importe de s’assurer la pérennité et du renforcement de la Task Force PTOM au sein de la nouvelle Commission européenne.

Tout transfert de la Task Force PTOM au sein du SEAE serait préjudiciable tant pour les PTOM que pour l’Union européenne. Le traitement des PTOM par un service traitant des « affaires extérieures » enverrait un message politique inapproprié de la part de l’Union européenne. En effet, un tel transfert est contraire tant à la philosophie exposée par la Commission européenne dans sa communication posant les bases d’un nouveau partenariat renforcé entre l’Union européenne et les PTOM(20) qu’aux positions défendues par les PTOM dans leurs contributions au livre vert sur le devenir de ces relations(21).. De plus, l’absence de souveraineté des PTOM sur le plan du droit international illustre la non-pertinence d’un transfert vers ce service extérieur, interagissant par définition avec des Etats tiers souverains.

Il est donc essentiel que la Task Force PTOM continue à être rattachée à la DG développement. La transformation de la Task Force PTOM en une véritable unité rattachée directement auprès du directeur général de la DG développement, et non plus d’un directeur, pourrait être une avancée considérable. Cela traduirait concrètement la volonté de la Commission européenne de rénover et renforcer les relations entre l’Union européenne et les PTOM. En outre, cette unité, sur le modèle de l’unité Régions ultrapériphériques au sein de la DG Politique régionale(22), pourrait se voir confier une mission de coordination avec les autres DG de la Commission européenne, afin de permettre une prise en compte effective des spécificités des PTOM dans les politiques européennes.

Enfin, il convient de garder à l’esprit que la future décision d’association outre-mer qui entrera en vigueur en 2014 pourrait nécessiter un positionnement distinct de l’unité en charge des PTOM au sein de la Commission européenne, notamment au regard de l’instrument financier dont ils seront bénéficiaires.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Le régime d’association ne s’est jamais appliqué aux Bermudes, conformément au souhait du Gouvernement des Bermudes.

3 () Décision du Conseil n° 2001/822/CE.

4 () Etude d’impact de l’intégration régionale des PTOM, Jean-Michel SALMON, juillet 2007.

5 () Les citoyens des PTOM britanniques peuvent renoncer à la citoyenneté britannique.

6 () COM (2008) 383, document E 3902.

7 () COM (2009) 623 du 6 novembre 2009, « Eléments d’un nouveau partenariat entre l’Union européenne (UE) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) ».

8 () Voir le rapport d’information n° 2133 déposé par la Commission des affaires européennes et présenté par MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau.

9 () Analyse des processus d’intégration économique régionale et recommandations visant à renforcer le commerce et l’activité économique des PTOM dans leur région et avec l’Union européenne, Commission européenne et Association des PTOM, janvier 2010.

10 () Article 299.2. du traité de Lisbonne : « (…) Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes (…) Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes ».

11 () RAKOTONDRAHASO Faneva Tsiadino, « Mayotte, le statut de pays et territoire d’outremer de l’Union européenne: un pis-aller ? », Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme, Faculté de droit de Montpellier, EA. 3976, 2009, 17 pages.

12 () RAKOTONDRAHASO Faneva Tsiadino, « Mayotte, le statut de pays et territoire d’outremer de l’Union européenne: un pis-aller ? », Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme, Faculté de droit de Montpellier, EA. 3976, 2009, 17 pages.

13 () DJADI Daniel, « La gestion difficile et complexe du fonds européen de développement à Mayotte », Paris, 2008, Institut d’étude des relations internationales, 45 pages.

14 () Article 15 du traité sur l'Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne.

15 () Article 18 du traité sur l'Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne.

16 () Article 27§3 du traité sur l'Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne.

17 () Voir les conclusions de la présidence du 29 et 30 octobre 2009 - document 15265/1/09 REV 1.

18 () Le rapport précise néanmoins que le bureau géographique ne devrait pas traiter des pays relevant de la politique d'élargissement et que les bureaux thématiques ne devraient pas traiter des dossiers relavant du commerce international et du développement.

19 () Commissaire dédié à la coopération internationale, aide humanitaire et réponse à la crise.

20 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Eléments d’un nouveau partenariat entre l’Union européenne (UE) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) du 6 novembre 2009 – COM (2009) 623 final.

21 () Livre vert sur l'avenir des relations entre l'Union européenne et les pays et territoires d'outre-mer du 25 juin 2008 - COM(2008)383 final.

22 () La Direction générale politique régionale est responsable du groupe de coordination sur les régions ultrapériphériques, qui est chargé d'encourager les actions communautaires visant à remédier à la situation désavantageuse de ces régions.