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No 2385

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mars 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les aides aux aéroports régionaux et les taxes de sûreté des aéroports (E 4479),

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Odile SAUGUES,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de (*) : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

(*) à la date du dépôt du rapport.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

CHAPITRE I : L’ENCADREMENT DES AIDES AUX AEROPORTS : LA NECESSITE D’UNE REGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE 9

A. UNE QUESTION ESSENTIELLE 10

B. DES RÈGLES NATIONALES LARGEMENT ISSUES DE LA JURISPRUDENCE 12

C. UNE LÉGISLATION EUROPÉENNE QUI N’A PAS APAISÉ LES CONTENTIEUX 13

1. La « jurisprudence » Charleroi 14

2. Le débat demeure ouvert 17

D. IL EST NÉCESSAIRE DE PRÉCISER LES RÈGLES EUROPÉENNES, SANS EN OUBLIER LA DIMENSION SOCIALE 18

1. La politique de la Commission européenne 19

2. Les conditions présidant à l’octroi des aides aux aéroports 21

CHAPITRE II : LES REDEVANCES DE SURETE 25

A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 26

B. UN DÉBAT DIFFICILE AU PARLEMENT EUROPÉEN 28

C. LA POSITION DES AUTORITÉS FRANÇAISES 30

1. Le champ d’application de la directive (article 1) 30

2. L’autorité de supervision indépendante (article 8) 30

3. Mesures additionnelles de sûreté 31

CHAPITRE III : LES CRENEAUX HORAIRES 33

D. LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE ET NATIONALE 33

E. LES ADAPTATIONS DE LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : 41

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Avec plus de trois milliards de dollars de pertes enregistrées en 2009, la situation financière des compagnies aériennes est, pour certaines d’entre elles, catastrophique, sous l’effet, certes de la crise économique, mais également de la transformation profonde du modèle sur lequel reposait jusqu’à présent leur équilibre financier. La chute du nombre des passagers s’accompagne d’un effondrement de la recette unitaire, du fait de la conjonction de deux phénomènes : la montée en puissance des compagnies à bas coûts (low cost), s’agissant du nombre de passagers transportés, et la diminution sensible du nombre de passagers à haute contribution de la classe affaire.

Dans ce contexte difficile, les questions d’équité des conditions de concurrence polarisent les crispations d’autant que la volonté de réduire les coûts conduit les compagnies aériennes à passer à la « paille de fer » toutes leurs charges, y compris celles liées à l’utilisation des aéroports.

La situation conjoncturelle des aéroports n’est pas non plus excellente. Les aéroports français métropolitains enregistrent un nouveau recul de leur trafic, au 3e trimestre 2009(2).

Il est important de souligner que les aéroports qui tirent le mieux leur épingle du jeu abritent des compagnies à bas coûts, car l’accroissement du trafic est surtout lié aux flux internationaux dont la part ne cesse d’augmenter (cinq points entre 2004 et 2008), au détriment du trafic national qui subit une concurrence vive du TGV.

Aéroports de Paris avec - 3,2 % en passagers et - 6,2 % en mouvements enregistre une diminution, plus sensible à Paris-CDG (- 4 % en passagers et - 7,4 % en mouvements) qu’à Paris-Orly qui limite ses pertes à - 1,4 % en nombre de passagers et - 3,2 % en nombre de mouvements. Sur les aéroports régionaux (respectivement, - 4,3 % et - 11,3 %), la situation est très différente selon les plates-formes. Certains aéroports sont très durement touchés : Strasbourg (respectivement, - 16,5 % et
- 16,8 %), toujours pénalisé par la LGV Est et des difficultés à développer d’autres trafics, Bâle-Mulhouse : - 11,7 % et - 8,9 %. Mais Beauvais (+ 5,9 % en passagers et + 6,8 % en mouvements) et Marseille-Provence (+ 5,8 % et + 0,4 %, respectivement) sont les seuls, des aéroports métropolitains importants, à afficher des résultats positifs(
3).

La croissance des aéroports de Beauvais et de Marseille est due aux vols à bas coûts qui ont représenté, en 2008 en France, 25.8 millions de passagers soit une progression de 14,6 %. La part du trafic à bas coûts représente globalement entre 17,5 % et 25,9 % du trafic des seuls aéroports régionaux.

Des compagnies à bas coûts ont pris la décision d’avoir une base d’exploitation en France. C’est le cas d’EasyJet à Paris CDG et à Lyon St Exupéry, de la compagnie Transavia.com, implantée à Orly, et de Ryanair pour l’aérogare bas coûts de Marseille Provence, sans oublier les dessertes de cette compagnie sur l’aéroport de Beauvais.

De nouveaux aéroports s’ouvrent à ce trafic (en particulier l’aéroport d’Ajaccio ou celui d’Angoulême). Ces compagnies commencent à exploiter du trafic intérieur. Il en est ainsi au départ de Marseille avec Ryanair, notamment sur Beauvais, mais aussi Lille et Brest. L’activité d’EasyJet, qui a ouvert au départ de Lyon Saint Exupéry une douzaine de nouvelles lignes internationales, a engendré des progressions de trafic au départ de Lyon et sur les aéroports de Toulouse et Bordeaux, du fait de la réponse commerciale qu’Air France a dû apporter à cette nouvelle concurrence. La crise économique a conduit en particulier Air France et ses filiales à supprimer, à la saison aéronautique d’hiver, certaines liaisons domestiques comme celle de Limoges-CDG, ou à alléger le nombre de leurs fréquences(4), ouvrant ainsi des possibilités à leurs concurrents si leurs créneaux horaires devaient être remis en cause (cf. chapitre III).

Cette concurrence plus vive est ressentie plus fortement dans un contexte de crise, aussi les compagnies aériennes n’hésitent-elles plus à saisir la Commission européenne pour voir respecter l’équité des conditions de concurrence. Par exemple, Air France vient de déposer une plainte contre Ryanair devant la Commission européenne.

En outre, la volonté de ne plus supporter des charges indues transparaît à travers les débats du Parlement européen sur la « proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances de sûreté aérienne » (E 4479), dans lesquels les acteurs du transport aérien indiquent très clairement qu’ils ne souhaitent pas avoir à financer des tâches correspondant aux fonctions régaliennes des Etats ; approche que comprend la rapporteure, même s’il est toujours malaisé de trancher l’éternel débat pour savoir si le coût de la sûreté doit être supporté par le contribuable ou l’usager.

Dans ce contexte difficile, la question des aides apportées aux compagnies aériennes et le mode de calcul des redevances sont perçus comme conditionnant l’avenir du transport aérien français. Il attend beaucoup de l’Union européenne qui doit concilier les impératifs de l’intérêt général (par exemple l’aménagement du territoire) et ceux de la libéralisation du ciel européen, tâche souvent complexe.

Trafic des aéroports français

 

Trafic de passagers (en milliers)

Trafic de mouvements commerciaux

2008

2009

2008

2009

Aéroports

Total

% 08/07

tcam 2008/2000

3ème trim

%/2008

Total

% 08/07

tcam 2008/2000

3ème trim

%/2008

Paris CDG

60 496

1,6%

2,9%

16 406

-4,0%

551 144

1,3%

1,0%

135 059

-7,4%

Paris Orly

26 188

-0,9%

0,4%

7 005

-1,4%

230 102

-1,2%

-0,5%

57 519

-3,2%

Total ADP

86 684

0,8%

2,1%

23 411

-3,2%

781 246

0,6%

0,6%

192 578

-6,2%

Total aéroports régionaux

60 639

3,4%

2,0%

17 197

-4,3%

955 280

-0,4%

-1,7%

239 780

-11,3%

dont Nice

10 365

-0,2%

1,3%

3 212

-2,5%

166 061

-4,1%

-2,6%

48 196

-9,4%

Lyon

7 797

8,4%

3,5%

2 109

-2,7%

127 029

0,4%

0,3%

30 704

-5,9%

Marseille

6 810

0,1%

0,9%

2 107

5,8%

96 352

-0,4%

-0,5%

26 220

0,4%

Toulouse

6 293

3,0%

2,3%

1 569

-1,0%

81 995

1,2%

-0,8%

19 457

-5,1%

Bale-Mulhouse

4 241

-0,5%

1,7%

1 151

-11,7%

59 801

-0,1%

-6,5%

14 310

-8,9%

Bordeaux

3 502

2,8%

1,9%

926

-8,5%

52 611

2,4%

0,7%

11 660

-18,6%

Nantes

2 662

5,7%

4,5%

747

-6,8%

38 045

3,4%

-1,6%

9 891

-5,8%

Beauvais

2 485

15,3%

26,4%

727

5,9%

17 797

16,5%

19,7%

4 724

6,8%

Strasbourg

1 293

-23,9%

-5,4%

275

-16,5%

32 258

-8,3%

-2,0%

6 522

-16,8%

Montpellier

1 255

-2,3%

-4,0%

354

-2,8%

15 747

2,4%

-6,3%

3 980

-7,6%

Autres aéroports régionaux

13 936

8,6%

1,6%

4 021

-9,2%

267 584

-1,3%

-1,9%

64 116

-20,5%

Total métropole

147 323

1,9%

2,1%

40 608

-3,7%

1 736 526

0,05%

-0,7%

432 358

-9,1%

Source : DGAC.

 

CHAPITRE I :
L’ENCADREMENT DES AIDES AUX AEROPORTS : LA NECESSITE D’UNE REGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE

Un véritable droit communautaire de la concurrence aéroportuaire est apparu avec le règlement 95/93/CE du Conseil, fixant des règles communes pour l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté. La directive 96/67/CE du Conseil relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, puis la jurisprudence relative aux aides publiques à certaines compagnies et la communication de la Commission de 2005 établissant les lignes directrices sur les aides d’Etat en faveur des aéroports régionaux ont complété ce dispositif.

La pression concurrentielle vive entre transporteurs aériens s’est diffusée aux aéroports. Les compagnies aériennes, ainsi que leurs passagers, de plus en plus sensibles au prix et à la qualité des services rendus par les aéroports, formulent des attentes nouvelles. Les transporteurs de fret expriment des préoccupations similaires. Leur localisation est un enjeu économique majeur car leurs centres logistiques peuvent créer autour d’eux des activités économiques nombreuses.

La rapporteure se gardera d’émettre une opinion sur les plaintes déposées à Bruxelles par certaines compagnies. Elle note toutefois qu’Air France accuse sa concurrente Ryanair de percevoir 660 millions d’euros d’aides illégales en Europe (dont 35 millions en France). Pour Air France, ce transporteur – qui va devenir cette année le premier transporteur européen(5) – appuierait son développement sur un recours à des aides illégales provenant des aéroports desservis. Cette plainte recouvre plusieurs chefs d’accusation : « défaut de notification préalable », « rupture d’égalité et distorsion de concurrence », « illégalité d’aides d’Etat ».

La question des aides aux compagnies aériennes et des distorsions de concurrence qu’elles induisent est donc aujourd’hui essentielle.

A. Une question essentielle

La Cour des Comptes dans un rapport de 2008(6) souligne que les subventions d’exploitation par passager sont parfois très élevées et leur conformité au droit communautaire mal assuré.

Elle note qu’hormis les versements effectués jusqu’en 2008 par l’Etat, pour les reliquats de dépenses liées à la sécurité-sûreté, non couverts par la taxe d’aéroport, les aides à l’exploitation prennent la forme de subventions directes (soit forfaitaires, soit d’équilibre) versées par des collectivités à l’aéroport pour couvrir des dépenses variées, combler des déficits d’exploitation ou en diminuer leurs conséquences.

« Certains aéroports bénéficient de subventions d’exploitation dont les montants par passager sont importants. A Montluçon-Guéret, dont le trafic s’est effondré d’un peu plus de 1100 passagers en 2000 à moins de 150 en 2007, le syndicat mixte responsable de l’aéroport verse chaque année une participation d’équilibre à l’exploitant. Elle a atteint 272 000 euros en 2005, soit plus de 3 500 euros par passager. Dans plusieurs cas, les subventions d’exploitation ont représenté chaque année des montants supérieurs à 100 euros par passager en moyenne entre 2000 et 2006. A Rodez, les subventions d’exploitation ont atteint chaque année 678 000 euros à un million d’euros, soit 12,7 euros par passager en 2003, année du plus fort subventionnement. D’autres aéroports ont des subventions par passager dont le montant est aussi relativement élevé certaines années : Agen (55 euros par passager en 2005 pour le syndicat mixte), Châteauroux (101 euros par passager en 2004), Epinal (23 euros par passager en 2005, en doublement par rapport à 2002), etc. Dans certains aéroports, les montants de subventions par passager, bien que d’un faible niveau, ont connu de fortes augmentations. A Limoges par exemple, la subvention d’équilibre a été multipliée par six entre 2001 et 2006, passant de près de 318 000 euros à plus de 2 millions d’euros, soit 5,45 euros par passager en 2006 contre 2,4 euros en 2001. Enfin, une large partie des subventions des collectivités aux gestionnaires d’aéroports concernent des participations aux aides directes ou indirectes aux compagnies à bas coût (aides au démarrage et actions marketing). Ces aides représentent souvent, pour une ligne, des montants supérieurs à 300 000 euros… ».

« La faiblesse, voire l’inexistence, de retours financiers pourrait éventuellement être justifiée par l’importance des retombées économiques globales entraînées par la présence d’un aéroport sur un bassin d’activité donné. Il apparaît néanmoins que ces retombées ne font pas l’objet de mesures suffisamment fiables ».

« Compte tenu de surcroît de l’ambiguïté qui s’attache à la politique d’accueil des compagnies à bas coûts et des bénéfices nets qui en sont retirés, le constat est que l’engagement financier des collectivités dans le soutien à l’activité aéroportuaire n’a pas fait la preuve de son bilan positif. En outre, la conformité de ces soutiens au droit communautaire est parfois mal assurée ».

Cette analyse de la Cour des comptes conforte le point de vue d’Air France qui, en se basant sur les travaux de la Cour, estime qu’en moyenne les chambres de commerce et d’industrie, gestionnaires des aéroports, soutiennent l’activité de Ryanair en France à hauteur de 9 à 32 euros par passager embarqué.

En partant du bas de la fourchette constatée en France (une aide de 11 euros par passager) et en faisant une simple règle de trois avec l’activité européenne de Ryanair (60 millions de passagers en 2008), Air France estime que sa concurrente a perçu cette année-là 660 millions d’euros d’aides en Europe. Pour étayer son enquête, la compagnie française s’est appuyée sur ses partenaires KLM et Alitalia. Elle a ainsi pu constater que les aides accordées à Ryanair sur les aéroports d’Ostende et Alghero étaient supérieures à son hypothèse basse de 11 euros.

Poussant son raisonnement plus loin, Air France calcule que Ryanair, qui a affiché un résultat net de 390 millions pour son exercice 2007-2008 et une perte de 169 millions en 2008-2009, aurait virtuellement perdu 270 millions en 2008 et 829 millions l’an dernier s’il n’avait pas bénéficié de ces concours.

Pour Air France, ces aides prennent plusieurs formes. Elles peuvent être directes, sous forme d’aides au démarrage se prolongeant en contradiction avec la législation européenne, ou « indirectes », avec des ristournes consenties sur l’assistance aux escales et les redevances aéroportuaires.

Le Figaro(7) fait état de la réponse de la compagnie irlandaise. Elle dément recevoir la moindre aide d’Etat sur les aéroports où elle est présente. Selon le porte-parole de la compagnie, « c’est Air France qui perçoit des aides illégales sous forme de réductions des taxes d’aéroports sur ses lignes domestiques en France »… « Nous ne prêtons pas attention aux fausses allégations de compagnies comme Air France qui pratiquent des prix élevés ainsi que les surcharges carburants, poursuit le porte-parole de la compagnie. Elles se plaignent car ils ne peuvent pas nous faire concurrence ». Ryanair a fait voyager 6 millions de personnes au départ ou à l’arrivée des régions françaises et estime « soutenir 6 000 emplois en France ». Par ailleurs, Ryanair annonce que « le modèle économique d’Air France est en danger, car la compagnie ne peut s’aligner sur ses prix. C’est ce qui explique ces fausses accusations ».

La rapporteure n’est pas en mesure d’émettre d’avis sur la véracité de ces chiffres, mais cet exemple illustre, pour les compagnies aériennes, l’importance et l’acuité du débat sur le niveau des aides accordées aux aéroports.

B. Des règles nationales largement issues de la jurisprudence

Dans une réponse à une question écrite(8), le ministre des transports précise que : « Les compagnies aériennes à bas coûts contribuent à la démocratisation du transport aérien en France et soutiennent l’activité de nombreuses plates-formes aéroportuaires, dans les régions notamment. Pour autant, leur développement doit s’effectuer dans le respect des règles de la concurrence. A cet égard, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 juillet 2003, ainsi que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy, en date du 18 décembre 2003, qui ont conduit à l’annulation de la délibération de la chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin (CCISBR) et à la résiliation des deux conventions passées avec la compagnie Ryanair, constituent une première base de référence.

En effet, il a notamment été estimé, en l’espèce, que les actions de promotion publicitaire profitaient essentiellement à ce transporteur sans que celui-ci n’ait à supporter la moindre conséquence au cas où il n’atteindrait pas son engagement de trafic.

En conséquence, les juridictions administratives ont considéré que l’engagement de la CCISBR constituait une aide financière au profit de Ryanair. Cette contribution, dont la majeure partie incombe aux collectivités territoriales, est assimilable à une aide d’Etat, au sens de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne, et aurait dû de ce fait être notifiée préalablement à la Commission européenne, conformément aux dispositions de l’article 88 du traité. En effet, dans le secteur du transport aérien, seules les compensations prévues à l’article 4 du règlement n° 2408/92, portant sur des liaisons soumises à obligation de service public, ne font pas l’objet d’une notification à la Commission européenne. Toute autre aide versée à un transporteur aérien, susceptible d’affecter les échanges entre Etats membres, doit lui être préalablement notifiée. Après avoir examiné la compatibilité de cette aide avec les dispositions du traité, la commission, si elle répond à cette question par la négative, prend une décision de suppression ou de modification qui est susceptible de recours devant la juridiction ».

L’exemple évoqué dans la réponse ministérielle illustre les incertitudes qui demeurent pour appréhender le caractère licite ou non des aides accordées par les aéroports aux compagnies aériennes.

C. Une législation européenne qui n’a pas apaisé les contentieux

Dans une communication de 2005, dont l’intégralité se trouve en annexe, la Commission européenne expose les lignes directrices qui président à ses décisions.

Elle situe tout d’abord son action dans le contexte général de l’ouverture du ciel européen.

Tout transporteur aérien possédant une licence d’exploitation communautaire peut accéder, depuis avril 1997, au marché intracommunautaire sans aucune restriction, même tarifaire. En corollaire, les Etats membres qui le souhaitaient ont pu mettre en place, avec un encadrement juridique assez clair, des obligations de service public de fréquence, de ponctualité des services, de disponibilité de sièges ou de tarifs préférentiels pour certaines catégories d’usagers. Il est donc possible pour les autorités publiques d’accorder des aides aux aéroports et aux compagnies aériennes, sous réserve de transparence et d’équité.

Au-delà de cet environnement, toute une série de mesures(9) dans le domaine par exemple de l’attribution des créneaux horaires, de l’assistance en escale ou des systèmes informatisés de réservation, ont été prises afin d’encadrer cette libéralisation du marché et permettre la concurrence selon des règles du jeu équitables entre les acteurs du secteur.

En parallèle, l’ouverture du secteur impose une discipline stricte et les aides d’Etat doivent obtenir l’accord préalable de la Commission européenne. La Commission européenne doit s’assurer que les règles du marché intérieur sont respectées et, particulièrement, que celles garantes d’une concurrence équitable soient correctement mises en œuvre. Elle reconnaît d’ailleurs dans la communication précitée que « le fait que ces pratiques d’aides aux compagnies à bas coûts revêtent des formes multiples et demeurent non encadrées, ont généré une attente du marché, qui se traduit également par l’envoi de plaintes, pour un encadrement juridique clair qui définisse les règles applicables à ces nouveaux acteurs du secteur aérien. »

L’application du principe de l’aide unique à la restructuration (« one time-last time ») a ainsi permis au secteur aérien de se restructurer de manière importante, par exemple avec les alliances Air France/Alitalia, Lufthansa/Austrian Airlines ou Iberia/British Airways, et de la concentration entre Air France et KLM

Deux évolutions majeures du marché européen du transport aérien sont intervenues ces dernières années 

- l’émergence de nouvelles compagnies de taille communautaire, dotées d’une offre tarifaire incitative (et d’une structure dite à bas coûts leur permettant de la soutenir) ;

les aéroports, qui au cours de ces dernières années se sont montrés particulièrement actifs afin d’attirer de nouvelles liaisons aériennes.

Par rapport aux transporteurs aériens classiques, la part du secteur « bas coûts » est en constante augmentation. L’émergence d’un autre modèle économique déstabilise les compagnies traditionnelles, sur le plan économique, mais également psychologique car il transforme la perception que le passager a du prix réel du transport aérien.

Nous pouvons illustrer ce phénomène par la jurisprudence relative aux subventions accordées par la région Wallone et l’aéroport de Charleroi à la compagnie Ryanair.

1. La « jurisprudence » Charleroi

Les conventions nouées avec les aéroports régionaux induisent-elles des distorsions de concurrence ? L’exemple de l’aéroport de Charleroi.

(10)« Aux termes de l’accord noué, début 2001 avec la compagnie Ryanair, le gestionnaire de l’aéroport de Charleroi a tout d’abord accepté de participer aux dépenses d’ouverture de la base de la compagnie irlandaise sur le site en versant une substantielle participation. Celle-ci se composait notamment de 160 000 euros par route ouverte (trois au maximum par avion basé), soit potentiellement une aide de 1,92 milliard d’euros. Il convenait d’ajouter 250 000  euros pour les frais d’hébergement des équipes, 768 000 euros de participation aux frais de recrutement et de formation des pilotes, 4 000 euros de participation aux achats d’équipements de bureau ainsi que la mise à disposition gratuite de locaux. L’aéroport s’était par ailleurs engagé à créer conjointement avec la compagnie une société de promotion d’un capital de 130 000 euros et d’abonder annuellement son budget, dans le même temps que Ryanair, à hauteur de 4 euros par passager. Outre les avantages concédés par la région wallonne, Ryanair ne devait s’acquitter que de 10 % du montant des charges d’assistance en escale. Pour un Boeing 737-200, ces charges s’élèvent à 1 326 euros... »

« Enfin, d’autres avantages avaient été accordés par la région Wallonne à la compagnie irlandaise. Celles-ci tenaient à la modification de la réglementation relative aux heures d’ouverture de l’aéroport et à des exonérations de taxes. La taxe de stationnement n’était exigible que si l’appareil demeurait plus de douze heures sur le tarmac, ce qui exonérait de facto les appareils de Ryanair du paiement de celle-ci. Ensuite, Ryanair bénéficiait de conditions bien plus avantageuses que les tarifs publiés au journal officiel en matière de taxes par passagers embarquant ou de taxes d’atterrissage. Par exemple, en matière de taxe d’atterrissage, elle ne devait s’acquitter que de 50 % du tarif officiel. Elle disposait, de plus, d’une garantie contre toute perte d’exploitation pendant quinze ans, si celle-ci était liée à des évolutions de réglementation relatives aux heures d’ouvertures ou aux taxes. En contrepartie de ces avantages, la compagnie s’engageait à maintenir entre deux et quatre avions basés à Charleroi et à assurer au moins trois vols quotidiens pendant quinze ans. Si elle décidait de quitter l’aéroport avant le terme contractuellement fixé, Ryanair devait rembourser la participation de l’aéroport aux frais d’installation et de publicité. En cas d’inexécution fautive, entre 2001 et 2006, au bilan, il apparaît que les conditions offertes à la compagnie la couvraient contre la majeure partie des risques d’exploitation pesant normalement sur les autres compagnies. »

La Commission a considéré qu’il s’agissait potentiellement d’aides susceptibles de fausser la concurrence dans la mesure où la compagnie incriminée bénéficiait d’un avantage économique vis-à-vis de ses concurrents. Toutefois elle n’a remis en cause que 30 % des aides accordées, considérant que les aides offertes pour l’ouverture de nouvelles lignes étaient discriminatoires car elles ne concernaient pas l’ensemble des compagnies aériennes, dans la mesure où elles avaient été accordées dans le cadre d’une convention bilatérale, sans aucune mesure de publicité. Enfin, la garantie contre les pertes d’exploitation liées à des bouleversements réglementaires était elle aussi discriminatoire.

Il convient de noter également que les compagnies à bas coûts qui s’étaient beaucoup inquiétées de la possible remise en cause des aides dont elles bénéficient se sont plutôt félicitées des décisions de la Commission européenne comme l’illustre le communiqué suivant d’EasyJet :

« EasyJet se réjouit des commentaires exprimés aujourd’hui par la Commission européenne, qui clarifient la relation entre les compagnies aériennes et les aéroports privés.

Bien que la décision d’aujourd’hui ne concerne que l’arrangement entre Ryanair et l’aéroport de Charleroi, elle n’en soutient pas moins l’industrie des compagnies low cost. EasyJet, qui adopte un modèle commercial différent de celui de Ryanair, pense que l’intention de la Commission d’utiliser sa décision comme base d’une réglementation uniforme des frais aéroportuaires dans toute l’Union européenne aidera à clarifier les arrangements entre aéroports et compagnies aériennes, qu’elles soient low cost, nationales ou charter. Cette décision réduit également les incertitudes et aidera de nombreux aéroports ayant été récemment découragés de conclure des accords parfaitement légaux avec des compagnies aériennes telles qu’EasyJet.

EasyJet soutient l’intention de la Commission d’autoriser les variations de prix des prestations des aéroports publics, à condition que cette procédure soit transparente et ne cause aucune discrimination. De la même manière, elle adhère aux principes de la Commission selon lesquels tout contrat aéroportuaire devrait se fonder sur les principes d’investissement des marchés privés : transparence, ouverture à toutes les compagnies aériennes et non-discrimination. EasyJet pense qu’aucune compagnie aérienne (traditionnelle, charter ou low cost) ne devrait être empêchée de rechercher et d’obtenir des prestations à prix différents, à condition que ces prix soient liés au coût des prestations de services spécifiques utilisés. Ceci encouragerait les entreprises aéroportuaires à fournir une infrastructure correspondant aux demandes des utilisateurs, pour refléter les besoins du marché. En outre, lors de réunions avec la Commission européenne, EasyJet a obtenu l’assurance que ceci ferait partie des futures lignes directrices de l’Union européenne.

Le directeur général d’EasyJet, Ray Webster, déclare :

« La décision d’aujourd’hui représente une bonne nouvelle pour les compagnies aériennes européennes. Elle élimine une grande incertitude qui régnait dans l’aviation européenne depuis déjà un certain temps. Elle clarifie aussi l’engagement évident envers le développement de secteur des compagnies low cost. Il convient de remarquer que la décision d’aujourd’hui s’applique spécifiquement à Ryanair et Charleroi. Mais nous comprenons que la Commission utilisera cette décision comme base à ses lignes directrices sur la relation commerciale entre les compagnies aériennes et les aéroports publics. Nous avons hâte de travailler avec la Commission dans les mois qui viennent, pour produire les lignes directrices qui profiteront au consommateur par le biais de réformes et de plans d’efficacité plus approfondis dans les aéroports européens.

Nous tenons particulièrement à ce que la Commission n’empêche pas les compagnies aériennes (qu’elles soient traditionnelles, charter ou low cost) de rechercher et d’obtenir des prestations à prix différents, à condition que ces prix soient liés au coût des prestations de services spécifiques utilisés. À l’heure actuelle, le fait d’appliquer le même prix forfaitaire dans un aéroport pour deux compagnies différentes utilisant deux qualités de services très différentes constitue une véritable subvention des compagnies efficaces aux compagnies inefficaces.

Nous espérons que la Commission évitera les mesures qui renforceraient le monopole du pouvoir des aéroports détenus par les gouvernements. Le fait d’obtenir un régime concurrentiel des frais aéroportuaires est l’un des plus grands défis actuels de l’aviation européenne, et la Commission devrait s’assurer que tout nouveau régime force les aéroports à devenir des fournisseurs plus efficaces des compagnies aériennes. En ce moment, le gouffre entre les aéroports privés compétitifs et les aéroports publics inefficaces est excessif et injustifié. »

2. Le débat demeure ouvert

Il convient de reconnaître que les limites posées par la Commission européenne en matière d’aide d’Etat aux aéroports et compagnies aériennes demeurent floues, du moins sur certains points et peuvent être contestées comme l’illustre la question suivante adressée à la Commission européenne par un parlementaire européen. Elle concerne l’aéroport de Charleroi bien que ce dernier ait fait l’objet d’une décision express des autorités et de la justice européennes.

Questions parlementaires

4 mars 2010

E-1087/10

QUESTION ÉCRITE posée par Frieda Brepoels (Verts/ALE) à la Commission

Objet: Concurrence déloyale entre les aéroports de Bruxelles et de Charleroi

L’aéroport de Charleroi est l’un des aéroports enregistrant la plus forte croissance de toute l’Europe. En 2009, cet aéroport a accueilli 3 937 187 passagers, soit une hausse de pas moins de 33 %. Cette croissance est principalement due à la compagnie irlandaise Ryanair. En 2009, 23 nouvelles destinations ont été inaugurées depuis Charleroi et, pour 2010, on prévoit déjà d’ouvrir 14 destinations supplémentaires. Charleroi n’est donc plus comparable aux autres aéroports régionaux (Anvers, Ostende ou Liège) et entre en concurrence directe avec l’aéroport de Zaventem. Or, l’aéroport de Charleroi est exempté de nombreux frais par le biais d’aides d’Etat, ce qui semble menacer la concurrence.

Dans ce contexte, je voudrais poser les questions suivantes à la Commission:

1.

Contrairement à l’aéroport de Zaventem, les aéroports régionaux en Belgique ne doivent pas se charger des services de contrôle du trafic aérien. Belgocontrol prend ces coûts, estimés à 21 millions d’euros par an, à sa charge. Les autorités belges n’ont pas précisé la clé de répartition de ces 21 millions d’euros, mais il est probable que l’aéroport de Charleroi supporte la plus grande partie (80 %) de ces coûts. La Commission est-elle au courant de cette situation ? Est-ce conforme aux critères objectifs de la législation européenne en matière de SES (Single European Sky) ? Dans la négative, quelles démarches la Commission entreprendra-t-elle en la matière et dans quel délai ?

2.

Contrairement aux utilisateurs de l’aéroport de Zaventem, les utilisateurs de l’aéroport de Charleroi ne doivent pas payer les services de secours et d’incendie. La Commission est-elle au courant de cette situation ? Est-ce conforme aux critères objectifs de la législation européenne ? Dans la négative, quelles démarches la Commission entreprendra-t-elle en la matière et dans quel délai?

3.

Contrairement aux utilisateurs de l’aéroport de Zaventem, les utilisateurs de l’aéroport de Charleroi ne doivent pas assumer les coûts de sécurité. La Commission est-elle au courant de cette situation? Est-ce conforme aux critères objectifs de la législation européenne ? Dans la négative, quelles démarches la Commission entreprendra-t-elle en la matière et dans quel délai ?

4.

Les compagnies aériennes non belges comme Ryanair imputent à leur personnel basé en Belgique mais sous contrat irlandais une différence de salaire de plus de 60 % par rapport aux compagnies belges établies à Zaventem. La Commission est-elle au courant de cette situation ? Est-ce conforme aux critères objectifs de la législation européenne ? Dans la négative, quelles démarches la Commission entreprendra-t-elle en la matière et dans quel délai ?

Au-delà du problème ponctuel de la Belgique, la plainte déposée par Air France contre Ryanair est intéressante car cette compagnie souligne, si nous nous référons à la presse(11), que le modèle économique des compagnies à bas coûts repose en partie sur ces aides, sans lesquelles elles auraient été déficitaires.

Pour Air France, Ryanair subordonne en effet la desserte d’un aéroport à la mise en oeuvre par les personnes publiques exploitant ces aéroports de mesures d’aides en sa faveur. De telles mesures, qui prennent la forme de rabais sur redevances, de tarifs préférentiels d’assistance en escale ou encore d’aides marketing, ont été adoptées par au moins 25 aéroports régionaux français.

Ryanair a répondu à ces accusations en expliquant qu’Air France recevait elle-même des aides illégales en termes de rabais sur redevances sur ses routes domestiques en France et que Ryanair investit des millions dans les aéroports régionaux français quand Air France les ignore (12).

D. Il est nécessaire de préciser les règles européennes, sans en oublier la dimension sociale

Pour la Commission européenne, une utilisation accrue de ces aéroports régionaux est positive pour lutter contre la congestion du transport aérien dans les principaux « hubs » européens. Des points d’accès plus nombreux à des vols intra-européens constituent un élément favorable en la matière ; or ces derniers ne peuvent souvent se développer qu’avec une incitation publique initiale. « La Commission est favorable à ce développement, cependant la transparence, la non-discrimination et la proportionnalité quant aux financements publics offerts aux aéroports régionaux et la présence d’un intérêt commun quant aux aides d’Etat octroyées aux compagnies aériennes doivent permettre le développement des activités aéroportuaires dans le respect des règles du traité. »

Le communiqué qui suit de l’Union des aéroports français illustre les problèmes posés aux aéroports français par la politique de hub d’Air France et la nécessité pour les pouvoirs publics d’aider les aéroports régionaux.

Trafic aérien en déclin : l’Union des aéroports français réagit

Le trafic aérien français a enregistré son premier déclin mensuel depuis 2003, avec une baisse de 3 % en septembre comparé au même mois de l’an passé.

Pour la saison d’hiver, des allègements de fréquences et suppressions de lignes sont maintenant annoncés, notamment par la compagnie Air France, au départ d’aéroports régionaux (notamment sur Roissy-Charles de Gaulle).

Si l’on peut comprendre une décision d’entreprise du groupe Air France en raison de la rentabilité d’une liaison, l’Union des aéroports français (UAF) regrette cependant qu’aucune autre compagnie française ne se montre susceptible de reprendre l’exploitation de certaines de ces lignes délaissées, qui pourraient pourtant s’avérer rentables.

L’Union des aéroports français rappelle que la desserte des régions de France, dans l’esprit de l’aménagement du territoire, doit demeurer une préoccupation, pour ne pas dire une priorité. Il est nécessaire de relier certaines régions françaises qui ne le sont pas, ou qui ne le sont plus, au reste du monde.

La Commission reconnaît que les lignes directrices relatives à l’application des articles 92 et 93 du traité CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’Etat dans le secteur de l’aviation ne couvrent pas l’intégralité de ces nouveaux aspects liés au financement des aéroports et des aides au démarrage des nouvelles lignes ; elles régissent presque exclusivement les conditions d’octroi d’aides d’Etat aux compagnies aériennes, en les limitant. Par ailleurs, elles circonscrivent les aides directes à l’exploitation des lignes aériennes dans les seuls cas des obligations de service public et des aides à caractère social.

Elle admet également la possibilité d’une distorsion des échanges, au niveau du marché des services aéroportuaires, par des distorsions entre aéroports communautaires nationaux et les aéroports régionaux et ces aéroports entre eux, en incitant une compagnie à « se délocaliser » d’un aéroport à un autre et à transférer une ligne d’un aéroport communautaire à un aéroport régional.

La Commission reconnaît néanmoins que le lancement de nouvelles lignes à partir d’aéroports régionaux peut être accompagné par des difficultés financières importantes que les Etats membres peuvent vouloir atténuer afin d’assurer la promotion des aéroports régionaux.

1. La politique de la Commission européenne

Il convient de distinguer les aides à l’investissement et celles au fonctionnement.

Globalement, dans sa jurisprudence, la Commission européenne se montre assez compréhensive des impératifs d’aménagement du territoire.

Par exemple, la Commission européenne a décidé de ne soulever aucune objection au financement de la construction de l’aéroport Berlin Brandenburg International (BBI), qui vise à doter la capitale fédérale de l’Allemagne d’un seul et unique aéroport car, en concentrant l’activité aérienne sur un seul aéroport à l’extérieur de la ville, les nuisances sonores et les émissions de polluants seront réduites. En effet, plus aucun avion ne survolera les zones à forte densité de population du centre-ville.

De même en matière d’aide au fonctionnement, la Commission européenne a approuvé une aide au démarrage accordée en Belgique pour favoriser le développement de l’aéroport d’Anvers en tant qu’aéroport régional. Dans le but d’accroître sa fréquentation, une aide est accordée aux transporteurs aériens qui ouvrent de nouvelles liaisons ou exploitent des rotations supplémentaires au départ de cet aéroport régional.

Toutefois, les conditions d’octroi de cette aide sont précises : les transporteurs aériens titulaires d’une licence d’exploitation en cours de validité peuvent obtenir une aide au démarrage, pour une durée de trois ans, en relation avec l’ouverture de nouvelles liaisons ou l’exploitation de rotations supplémentaires sur des liaisons existantes au départ de l’aéroport d’Anvers. L’aide accordée de manière dégressive sur une période de trois ans est versée sous la forme d’une subvention par passager et par mouvement. Pour bénéficier d’une aide, le transporteur aérien doit au préalable remettre un plan d’affaires démontrant que la nouvelle liaison est viable et n’entre pas en concurrence avec des liaisons ou des lignes ferroviaires à grande vitesse existantes.

Le montant total de l’aide est estimé à 1 372 093 euros par compagnie aérienne, soit 4 116 279 pour trois compagnies aériennes. Il est plafonné à 50 % du total annuel des coûts éligibles. Ces derniers correspondent aux frais de commercialisation, de publicité et d’installation.

En sens inverse, la Commission lance une procédure formelle d’examen concernant une aide d’Etat potentielle en faveur de Flughafen Schönefeld GmbH, société propriétaire et gestionnaire de l’aéroport de Berlin Schönefeld, et de transporteurs aériens opérant à partir de l’aéroport de Berlin Schönefeld. En effet, la société publique a conclu depuis 2003 plusieurs contrats bilatéraux avec des compagnies aériennes basées à l’aéroport. Il pourrait s’agir d’aides d’Etat illégales et incompatibles, car elles accordent à ces compagnies aériennes des redevances aéroportuaires plus favorables que celles prévues par le règlement publié fixant ces redevances. En outre, Flughafen Schönefeld GmbH offre à ces compagnies aériennes un soutien à la commercialisation et a conclu un accord exclusif avec une compagnie aérienne. Il s’agit d’un accord d’utilisation exclusive du terminal B de l’aéroport et de redevances aéroportuaires plus basses que les redevances publiées.

La décision de la Commission se concentre sur quatre aspects distincts :

- premièrement, elle porte sur l’accord de location exclusive que Flughafen Berlin Schönefeld GmbH a conclu avec EasyJet pour l’utilisation du terminal B de l’aéroport ; la Commission émet des doutes quant à savoir si le loyer payé par EasyJet correspond à la valeur du marché du terminal, d’autant que la conclusion du contrat n’a pas été précédée par une adjudication publique ;

- le deuxième aspect est le contrat de 10 ans conclu entre Flughafen Schönefeld GmbH et EasyJet, qui prévoit qu’EasyJet paie des redevances sensiblement plus basses que celles prévues par le règlement fixant ses redevances. La différence entre les redevances pourrait constituer une aide d’Etat en faveur d’EasyJet ;

- troisièmement, la décision émet des doutes quant à savoir si certaines réductions par rapport au règlement fixant les redevances aéroportuaires et certaines subventions à la commercialisation accordées à Aer Lingus, Basic Air, Fairline, Germanwings, Iceland Air, Ryanair, V-Bird et Volare constituent des aides d’Etat en faveur de ces compagnies aériennes ;

- enfin, la Commission considère que la subvention croisée des pertes d’exploitation à l’aéroport de Schönefeld par les bénéfices d’exploitation des aéroports de Tegel et de Tempelhof pourrait constituer une aide d’Etat en faveur de l’aéroport Schönefeld.

Si la procédure formelle d’examen conduit à la conclusion qu’une de ces mesures ou plusieurs d’entre elles constituent des aides d’Etat, la Commission devra déterminer si elles peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun.

2. Les conditions présidant à l’octroi des aides aux aéroports

En conséquence la Commission européenne précise que les aides devront remplir les conditions suivantes :

– les aides seront versées à des transporteurs aériens communautaires ;

– les aides seront versées pour des routes au départ d’aéroports régionaux et exceptionnellement des aéroports nationaux de catégorie par exemple si ceux-ci doivent faire face à une forte récession de leur activité habituelle ;

– les aides seront versées aux compagnies aériennes pour des routes au départ de toutes les catégories d’aéroports situés dans les régions ultrapériphériques et à destination des pays tiers voisins ;

– les aides versées aux compagnies aériennes ne s’appliquent qu’à l’ouverture de nouvelles routes ou de nouvelles fréquences provoquant un accroissement du volume net de passagers au départ de l’aéroport en question. Les aides ne doivent pas être versées lorsque la route est d’ores et déjà exploitée que ce soit par un service aérien ou ferroviaire à grande vitesse équivalent ;

– les aides ne doivent également pas être versées à une compagnie aérienne pour une nouvelle ligne qu’elle viendrait à exploiter en substitution et suite à l’abandon d’une ancienne ligne qui aurait déjà bénéficié des aides au démarrage pendant une période complète ;

– les aides ne pourront pas non plus être accordées pour une ligne que la compagnie aérienne viendrait à assurer en remplacement d’une autre ligne qu’elle desservait auparavant à partir d’un autre aéroport situé dans la même zone d’attraction économique ou de population et pour laquelle elle a également reçu des aides ;

– enfin, les aides ne doivent pas non plus être destinées à aider un nouvel entrant à ouvrir des liaisons déjà ouvertes et à se lancer dans une concurrence frontale avec un opérateur existant, qui exploite déjà cette route au départ de l’aéroport, ou d’un autre aéroport situé dans la même zone d’attraction économique ou de population.

Pour être licites les aides doivent être nécessaires pour l’ouverture de nouvelles lignes, avoir un caractère incitatif, être proportionnelles à l’objectif visé, accordées dans le respect des principe de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs, accompagnées d’un mécanisme de sanction en cas de non-respect des engagements du transporteur, et ne pas être cumulables avec des aides à caractère social ou des compensations de service public

Une aide doit avoir un effet incitatif : elle doit permettre à une entreprise de développer une activité qu’elle n’aurait pas entrepris sans soutien public. Un lien strict doit exister entre l’objectif de développement aéroportuaire, qui passe par le développement net du trafic passager, et le niveau de l’aide versée à la compagnie aérienne. Le montant d’aide devrait donc être calculé par passager. Une compagnie aérienne ne pouvant délivrer à un aéroport les volumes de passagers nécessaires à son développement ne sera pas ainsi indûment favorisée.

La seconde proportionnalité doit s’apprécier entre l’aide et les coûts engagés par son bénéficiaire. Ne sont ainsi éligibles que des coûts additionnels de démarrage que l’opérateur aérien n’aurait pas à supporter en rythme de croisière et qui nécessitent une contribution publique afin de partager le risque de non-viabilité lié à la période de démarrage. Ils concernent, par exemple, les dépenses de marketing et de publicité à engager au départ pour faire connaître la liaison, les frais d’installation supportés par la compagnie aérienne sur le site de l’aéroport régional concerné pour lancer la ligne. A l’inverse, l’aide ne peut concerner des coûts opérationnels réguliers tels que location ou amortissement des avions, carburant, salaires des équipages, coûts de commissariat (catering).

Elles doivent être limitées dans le temps (5 ans au cas d’espèce pour des liaisons européennes point à point et non pas 15 ans comme à Charleroi), correspondre à une intensité maximale de 50 % des coûts nets de démarrage engagés, l’aéroport doit avoir un contrôle sur ces coûts et elles doivent être disponibles à l’avenir pour toute compagnie.

Par contre la Commission européenne considère que sont incompatibles les aides qui faussent la concurrence dans le marché commun en particulier :

– rabais sur les charges aéroportuaires. Des rabais ne sont possibles que s’ils sont octroyés de manière non-discriminatoire à tous les usagers et pour une durée limitée ;

– rabais sur les redevances d’assistance en escale. Des rabais sont possibles si un aéroport peut justifier que les pertes éventuelles sur ce service, rendu dans un secteur concurrentiel, ne sont pas compensées par des recettes liées aux missions d’autorité aéroportuaire ou de services d’intérêt économique général de l’aéroport, ce qui implique une séparation comptable ;

– incitations versées à l’ouverture de lignes. Celles qui ne correspondraient pas à la prise en compte de coûts effectifs d’une telle ouverture ne sont pas justifiées.

Les décisions de la Commission ne s’opposent pas aux accords entre aéroports régionaux et compagnies à bas coût. Bien au contraire, la Commission reconnaît encourager toutes les initiatives qui permettent une meilleure utilisation des infrastructures aéroportuaires sous-utilisées et se félicite de toute formule permettant de mettre fin aux problèmes de congestion du transport aérien et d’accroître les possibilités de vol pour les citoyens européens. A cet égard, les aéroports secondaires sont extrêmement bien placés pour jouer un rôle déterminant. Ils sont en outre un facteur de développement économique régional très important.

Toutefois, la rapporteure tient à souligner que la Commission européenne a une vision très partielle des aides aux compagnies aériennes car elle n’intègre pas le fait qu’en domiciliant les contrats de travail des personnels navigants dans des pays où le coût des charges sociales est moindre certaines compagnies pratiquent ce qu’il est possible d’appeler un « dumping social ». La lutte pour le respect d’une concurrence parfaite peut-elle s’affranchir d’une réflexion sur l’égalité des charges fiscales et sociales dans des activités par nature internationale ?

Bien entendu les solutions ne peuvent intervenir qu’au niveau européen mais, dans ce domaine il existe un risque de plus en plus clair de délocalisation des compagnies aériennes. Or, la rapporteure ne peut pas accepter que l’unification du marché s’effectue par l’alignement par le bas des législations sociales.

Le gouvernement français doit étudier et proposer à Bruxelles des mesures pour rétablir dans le domaine aérien une concurrence non faussée qui sont à ses yeux de deux ordres :

– clarifier et sécuriser juridiquement les aides des aéroports régionaux aux compagnies low cost.

– promouvoir au niveau européen des règles sociales minimales, applicables aux personnels navigants. Les tribunaux français viennent de procéder à la requalification de contrats de travail accordés à des personnels travaillant effectivement en France sous l’emprise du droit de pays étrangers membres de l'Union européenne, il convient d’éviter que cette situation se reproduise.

CHAPITRE II :
LES REDEVANCES DE SURETE

La sûreté aérienne est la lutte contre les actes de malveillances perpétrés à l’encontre des aéronefs ou des passagers. Elle est donc différente de la sécurité aérienne qui a trait aux règles de construction et d’exploitation des avions qui relèvent aujourd’hui de l’agence européenne de sécurité aérienne (AESA)(13).

Concrètement, la sûreté aérienne consiste principalement à empêcher l’introduction et l’emport d’armes ou d’engins explosifs à bord d’avions civils, en mettant en place un certain nombre de contrôles et de procédures : d’une part, les contrôles d’accès aux avions, des passagers et des bagages de cabine, des bagages de soute, du fret aérien, des produits et équipements mis à bord ; d’autre part, la certification des équipements : portiques détecteurs de métaux, détecteurs de métaux portatifs, détecteurs de métaux pour les colis, appareils radioscopiques d’inspection des bagages et des colis, appareils radioscopiques d’inspection des colis.

Elle repose à la fois sur les services de l’Etat et sur les entreprises du transport aérien qui appliquent la règlementation européenne et nationale sur la sûreté aérienne

La définition des règles de sûreté relève de l’Union européenne. Depuis les attentats de septembre 2001, de nouvelles mesures de sûreté ont été mises en place. La Commission européenne a adopté en décembre 2002 un règlement sur la sûreté aérienne civile qui renforce considérablement les moyens mis en œuvre pour harmoniser les règles de sûreté au sein de l’Union européenne, pour faciliter la protection du transport aérien. Ainsi, en vertu de ce texte, chaque Etat membre doit adopter un programme national de sûreté concernant les contrôles d’accès dans les aéroports et l’inspection des voyageurs, des bagages, du fret, des matériels embarqués et des membres du personnel.

Les passagers financent pour l’essentiel le coût de la sûreté en payant des taxes ou des redevances aux compagnies aériennes.

Le financement des coûts complémentaires du nouveau projet de règlement reste à définir. Pour étudier ce point fondamental, la Commission européenne a, sur la base de deux études, adopté un rapport concernant la sûreté des transports et son financement(14).

Ce rapport de la Commission européenne indique que, dans le secteur aérien, les taxes liées à la sûreté sur les vols intracommunautaires représentent 1 à 2 % du prix moyen du billet d’avion.

Enfin et surtout, la Commission estime que le financement public des actions visant à prévenir des attaques terroristes ne constitue pas une aide d’Etat, mais relève de l’exercice des pouvoirs appartenant en propre aux pouvoirs publics, car il revient aux Etats de protéger les citoyens européens contre les attaques terroristes.

La sûreté aérienne est une mission d’intérêt général, qui dépend de l’Etat et des entreprises du secteur aérien qui mettent en œuvre la législation et assurent les missions opérationnelles de sûreté.

Aujourd’hui, en France, les mesures préventives des exploitants d’aéroport à la charge des entreprises et de leurs clients ont un coût de 800 millions d’euros par an, auxquel il faut ajouter les coûts des mesures directement appliquées par les compagnies aériennes(15). Ce coût figure parmi les plus lourds d’Europe par passager ou par tonne de fret transporté.

L’accumulation des mesures de contrôle a beaucoup allongé le temps de traitement du passager à l’aéroport. Si beaucoup de passagers ne contestent pas le bien fondé de ces mesures qui les rassurent ils demandent des moyens de contrôles adaptés aux nombres de passagers, des processus plus fluides, des nouvelles technologies coûteuses, tels que les scanners corporels dont la généralisation ne saurait être envisagée avant la fin des expérimentations en cours.

A. La proposition de la Commission européenne

La Commission a adopté, en mai 2009, une proposition de directive sur les redevances de sûreté aérienne en Europe.

Les objectifs affichés sont de garantir, lors de la détermination du niveau des redevances, la transparence, l’absence de discrimination et la consultation des compagnies aériennes, ainsi que l’existence d’un lien entre coûts et redevances de sûreté. Il est également proposé d’établir une autorité de supervision indépendante dans chaque Etat membre. La directive s’applique aux aéroports qui enregistrent plus de cinq millions de passagers par an - et, si ce seuil n’est pas atteint, le plus grand aéroport de chaque Etat membre.

Actuellement, le recouvrement des coûts de sûreté aérienne est réglementé au niveau national. Cependant, les informations fournies aux passagers à propos de ces coûts ne sont pas toujours adéquates aux yeux de la Commission européenne, et les compagnies aériennes ne sont pas systématiquement consultées dans tous les aéroports de l’Union européenne. Cette situation empêche l’existence de conditions de concurrence véritablement équitables pour les aéroports et pour les transporteurs aériens, ce qui est particulièrement critique à l’heure où l’ensemble du secteur de l’aviation doit relever d’importants défis.

Selon le rapport précité de la Commission, pour assurer une concurrence équitable et non faussée entre compagnies aériennes et entre aéroports, il est indispensable que les redevances de sûreté ne soient pas discriminatoires et soient strictement limitées à la compensation des coûts engagés. C’est pourquoi la Commission européenne propose d’appliquer les principes communs ci-dessous au prélèvement des redevances de sûreté dans les aéroports de la communauté :

– non-discrimination : les redevances de sûreté ne doivent pas entraîner de discrimination entre les passagers aériens ou entre les compagnies aériennes ;

– consultation : les compagnies aériennes doivent être consultées au sujet des redevances de sûreté, obligatoirement et régulièrement (une fois par an au moins). Les aéroports doivent tenir compte de l’avis des compagnies avant de prendre une décision et, à défaut d’accord, doivent justifier celle-ci ;

– transparence : la transparence doit être garantie à trois niveaux :

Ø au niveau des aéroports : les aéroports doivent informer les compagnies aériennes des éléments utilisés comme base pour le calcul du niveau des redevances de sûreté (par exemple les services et les infrastructures offerts en échange des redevances, la méthode de calcul ou les investissements prévus) ;

Ø au niveau des compagnies aériennes : pour permettre aux aéroports d’évaluer correctement les besoins en matière d’investissements et de mieux adapter leurs infrastructures liées à la sûreté, les compagnies aériennes doivent transmettre en temps utile des informations telles que leurs prévisions de trafic ;

Ø au niveau des Etats membres : il importe d’assurer la transparence en ce qui concerne l’incidence économique de mesures nationales de sûreté plus strictes que les exigences de l’Union européenne.

– lien entre coûts et redevances : les redevances de sûreté doivent être exclusivement utilisées pour couvrir des dépenses de sûreté ; à cet effet, il doit être tenu compte des aides et subventions accordées par les autorités à des fins de sûreté et du coût de financement des équipements, des installations et des activités de sûreté ;

– autorité de supervision indépendante et règlement des différends : une autorité doit être établie dans chaque Etat membre pour assurer l’application correcte des mesures et une procédure visant à régler les différends entre les aéroports et leurs usagers doit être établie.

B. Un débat difficile au Parlement européen

M. Jörg Leichtfried (S&D, Autriche), rapporteur sur la proposition relative aux redevances de sûreté aérienne, propose que les Etats membres prennent en charge le coût des mesures de sûreté qui vont au-delà des mesures communes prévues par la législation communautaire (règlement 300/2008). Or, le Conseil des ministres y est totalement opposé.

La proposition de base de la Commission se contente de prévoir des règles pour garantir la transparence des redevances de sûreté et n’exige rien en matière de financement. Seul un considérant indique que la sûreté est « essentiellement une responsabilité d’Etat » mais pour préciser dans la foulée que ce sont justement les Etats qui doivent décider des méthodes de financement. Par le passé, les députés avaient déjà tenté d’imposer, en vain, l’intervention de l’Etat dans ces frais.

La question de l’obligation faite aux Etats de financer les mesures de sûreté allant au delà des obligations minimales fixées par les règles européennes est essentielle car il existe une majorité de voix au Conseil pour s’opposer à toute concession faite au parlement européen sur cette question.

La rapporteure considère au regard du principe de subsidiarité que la question du mode de financement de la sûreté aéroportuaire relève des compétences nationales et se situe donc en désaccord avec le Parlement européen.

Ce désaccord porte plus sur la répartition des compétences entre les Etats et l’Union européenne que sur le fond. Il est d’ailleurs important de souligner que les taxes de sûreté ne constituent qu’une des multiples taxes d’aéroport (cf tableau ci après).

Un autre aspect du rapport concerne le champ d’application de la future directive. Le Conseil des ministres est divisé sur la question - c’est même ce qui l’a empêché d’aboutir à un accord à ce stade. La majorité des Etats demande en tout cas que les petits aéroports soient exemptés alors que la proposition de la Commission prévoit d’emblée d’inclure la quasi-totalité des aéroports de l’Union européenne. Jörg Leichtfried est plutôt du côté de la Commission, même s’il propose de limiter la directive aux aéroports ouverts au trafic international (ce qui n’exclura pas les aéroports régionaux).

LES TAXES AERIENNES

Ø La taxe de l’aviation civile : créée à compter du 1er janvier 1999, elle est due par les passagers et son produit est réparti entre :

– le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » pour financer les missions de la DGAC qui ne sont pas rémunérées par des redevances ;

– le budget général de l’Etat pour subventionner les liaisons aériennes d’aménagement du territoire et les missions de sécurité et de sûreté assurées par les exploitants d’aérodromes dans le cas où le produit de la taxe d’aéroport ne suffit pas à en couvrir les coûts.

Ø La taxe d’aéroport : créée à compter du 1er juillet 1999, elle est due par les passagers et finance les missions de sécurité et de sûreté assurées par les exploitants d’aérodromes.

Ø La taxe sur les nuisances sonores aériennes : créée à compter du 1er janvier 2005, elle est due par les exploitants d’aéronefs et finance les aides versées aux riverains par les exploitants d’aérodromes.

Ø La taxe de solidarité sur les billets d’avion : créée à compter du 4 janvier 2006, elle est due par les passagers et contribue au financement des pays en développement. Les redevances constituent le paiement d’un service rendu.

Ø Les redevances pour services rendus par les aérodromes (art R.224-1 à R.224-5 du code de l’aviation civile) (décret 827 du 20.07.05 et arrêté du 16.09.05) : dues par les exploitants d’aéronefs.

Ø Les redevances de navigation aérienne , dues par les exploitants d’aéronefs :

– les redevance de route (art R.134-1 du code de l’aviation civile) ;

– la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (art R.134-4 du code de l’aviation civile).

Ø Les redevances pour services rendus par l’Etat pour la sécurité et la sûreté de l’aviation civile lien vers DGAC (art R. 611- 3 à R.611-6 du code de l’aviation civile (décret 1680 du 28.12.05) :

– la redevance de production ;

– la redevance de gestion de navigabilité ;

– la redevance de maintenance ;

– la redevance d’organisme de formation de personnel de maintenance :
– la redevance d’exploitant d’aéronef ;
– la redevance de sécurité et de sûreté ;

– la redevance de sûreté aérienne de transporteur ;

– la redevance d’organisme de formation de personnel navigant ;
– la redevance d’examen ;
– la redevance de titre de personnel de l’aviation civile ;

– la redevance de programme ;

– la redevance d’aptitude au vol ;

– la redevance de qualification d’entraîneur synthétique de vol ;

– la redevance de matériels de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs ;

– la redevance de dispositif de sûreté.

Ø Les redevances pour services rendus par la DGAC (décret 1810 du 23.11.06).

Source : DGAC.

C. La position des autorités françaises

Il a été indiqué à la rapporteure que les autorités françaises étaient favorables à la proposition de directive sur les redevances de sûreté aéroportuaire sous réserve qu’elle laisse les Etats membres souverains dans la définition de leur système de recouvrement du financement des mesures de sûreté, et qu’elle tienne compte des particularités du système français de financement centralisé par l’Etat. L’objectif des autorités françaises est donc d’obtenir que le texte initial de la Commission soit amendé pour s’adapter aux différents systèmes existants en Europe, qu’ils soient fondés sur un mécanisme de redevances aéroportuaires, ou de taxe et qu’ils soient gérés de façon déconcentrée au niveau des aéroports, ou de façon centralisée. Les autorités françaises souhaitent aussi que la directive laisse la possibilité pour les Etats qui le choisissent d’appliquer un système de redevances à un groupe d’aéroports.

1. Le champ d’application de la directive (article 1)

Le rapporteur du Parlement européen propose que le champ d’application soit limité aux aéroports ouverts au trafic commercial. Ceci est une bonne chose dans la mesure où les aéroports militaires sont de facto exclus, mais cet amendement n’est pas suffisant car ni les aéroports mixtes ouverts à la fois au trafic commercial et au trafic militaire (et exclus des compétences de l’AESA), ni l’aviation générale ne sont exonérés. Les autorités françaises soutiennent l’amendement 44 qui répond à cette préoccupation car la mention « pour les passagers des vols commerciaux » exclut les aéroports militaires, les zones militaires d’aéroports mixtes et l’aviation générale.

Des amendements parlementaires proposent un seuil, soit à 1 million (amendement 45) ou plus généralement à 5 millions conformément à la directive 2009/12. Les autorités françaises ne sont pas opposées à la détermination d’un seuil, sous réserve que les Etats aient le choix d’appliquer le mécanisme à l’ensemble des aéroports d’un groupe, même si ces aéroports ont un trafic inférieur à ce seuil.

2. L’autorité de supervision indépendante (article 8)

Le système français repose depuis 1999 principalement sur une taxe dénommée « taxe d’aéroport ». Cette taxe d’aéroport n’est pas exclusivement destinée au financement de la sûreté mais assure également celui des missions de l’Etat sur les aéroports : sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs, lutte contre le péril aviaire et mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux. Dans ce dispositif, c’est l’Etat, et non les gestionnaires d’aéroports, qui fixe nationalement les tarifs de la taxe dans la limite d’une fourchette déterminée par la loi, en fonction de l’évaluation du besoin de financement des aéroports, ce dernier étant lié aux coûts déclarés par les gestionnaires.

Le principe de l’autorité indépendante, bien que louable, n’est pas applicable au système français. C’est pourquoi, les autorités françaises ont demandé et obtenu, dans le cadre du groupe aviation du Conseil, que le texte :

– prévoie (considérant 1) que « chaque Etat décide des méthodes pour financer les mesures de sûreté » ;

– comprenne un nouveau paragraphe à l’article 8 qui exonère des procédures décrites au paragraphes 1 à 5 de l’article 8, relatives à la mise en place et au fonctionnement d’une autorité indépendante, les Etats qui ont une procédure règlementaire ou parlementaire de fixation et d’adoption au niveau national de la structure et des tarifs des redevances de sûreté, à condition que les décisions sur l’établissement de ces redevances puissent faire l’objet de recours dans des conditions transparentes et objectives.

En conséquence, les autorités françaises appuient l’amendement 79 qui stipule que « lorsqu’un Etat membre applique, conformément à son droit national, une procédure réglementaire ou législative pour déterminer et approuver au niveau national la structure ou le niveau des redevances de sûreté, les autorités nationales compétentes pour examiner la validité des redevances de sûreté remplissent les fonctions de l’autorité de supervision indépendante prévues par les paragraphes 1 à 5 », car c’est le seul amendement qui prenne en compte le système français de fixation et d’approbation de la structure et du niveau des redevances.

3. Mesures additionnelles de sûreté

Les autorités françaises sont défavorables à l’amendement 29 du rapporteur du Parlement européen qui stipule que les coûts des mesures de sûreté additionnelles doivent être supportés par les Etats membres.

Elles font observer que le montant de la taxe affecté au financement des coûts de sûreté aéroportuaire ne couvre pas la totalité de ces coûts, le reste, notamment le coût des mesures de sûreté non directement liées aux aéroports, est à la charge du budget de l’Etat.

Les autorités françaises soutiennent le texte négocié au sein du Conseil qui prévoit que pour toute mesure de sûreté additionnelle, une étude d’impact soit réalisée au préalable sauf en cas de menaces spécifiques et pour des mesures de durée limitée et qu’une autre étude d’impact soit réalisée dans les trois ans. Ceci devrait conduire à rechercher une meilleure efficacité des mesures additionnelles, sans remettre en cause la possibilité de réagir rapidement face à des évolutions de la menace, comme cela s’est produit à la fin du mois de décembre 2009.

Ce dernier point est difficilement négociable et risque de conduire à une impasse car les deux positions apparaissent inconciliables.

Il serait dommageable que cette réforme ne voit pas le jour et la rapporteure ne peut qu’appeler le Parlement européen à respecter les compétences dévolues aux Etats et par conséquent le principe de subsidiarité.

CHAPITRE III :
LES CRENEAUX HORAIRES

Un créneau horaire est une plage de temps dont l’usage est alloué et réservé à une compagnie aérienne déterminée pour décoller et atterrir dans les aéroports congestionnés. La règle du « créneau utilisé ou perdu » prévoit qu’une compagnie aérienne a le droit de conserver les créneaux horaires d’une saison à l’autre à condition qu’ils aient été utilisés à hauteur de 80 %.

Les créneaux horaires dont disposent les compagnies aériennes ont une très forte valeur patrimoniale, ils font dans les faits partie intégrante de la valeur d’une compagnie aérienne et nous avons vu des compagnies en faillite rachetées par des concurrents souhaitant simplement récupérer leurs créneaux horaires

Les compagnies aériennes souhaitent garder tous leurs créneaux horaires, même si elles ne les utilisent pas. Des adaptations ont été réalisées pour les y autoriser mais cette situation, acceptable dans une crise limitée devient problématique si elle se prolonge dans le temps.

D. La réglementation communautaire et nationale

Depuis 1993, l’attribution des créneaux horaires (heures prévues de décollage ou d’atterrissage sur un aéroport) au sein de l’Union européenne est régie par le règlement CEE du Conseil n°95/93 du 18 janvier fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté. Ce texte est très largement inspiré des pratiques développées par les compagnies aériennes elles-mêmes au sein de l’IATA depuis les années 1950, et donc des pratiques qui étaient en vigueur en 1992 sur les aéroports encombrés de la Communauté.

Aux termes du règlement communautaire précité :

– l’obtention préalable de créneaux horaires est requise pour atterrir ou décoller sur les aéroports dits « entièrement coordonnés », en d’autres termes, les aéroports très encombrés – étant précisé que la décision de coordonner un aéroport relève de la responsabilité des Etats membres ;

– ces créneaux horaires sont attribués par une autorité indépendante dénommée «  coordonnateur » ;

– cette attribution est gratuite ; par ailleurs les créneaux horaires attribués sont échangeables entre transporteurs, mais ne peuvent ni être « donnés », ni être vendus ou achetés entre transporteurs ;

– les créneaux horaires ne sont pas attachés aux lignes, mais aux compagnies, sous réserve du cas particulier des lignes d’aménagement du territoire ou de service public pour lesquelles des créneaux horaires peuvent être réservés, faculté dont les pouvoirs publics ont fait assez largement usage à Orly (cf. ci-dessous) ;

– ces attributions de créneaux horaires se font deux fois par an dans le cadre de conférences organisées par l’IATA ; tous les créneaux horaires utilisés correctement (pendant 80 % au moins de la période pour laquelle ils ont été attribués) sont automatiquement réattribués aux compagnies qui les exploitent (principe connu familièrement sous le vocable de « droit du grand-père » et, de manière plus juridique, de précédence historique) ;

– enfin les créneaux horaires disponibles (rendus par les compagnies, ou non réattribués du fait d’une utilisation insuffisante, ou nouvellement créés par suite d’une majoration de la capacité de l’aéroport, par exemple lors de la mise en service d’une nouvelle piste) sont regroupés dans un « pool » et attribués pour moitié aux « nouveaux arrivants » (transporteurs peu ou pas présents sur un aéroport) et pour moitié aux autres compagnies, c’est-à-dire aux compagnies déjà présentes à un niveau significatif sur l’aéroport en cause.

Ce règlement, qui émane de la Direction Générale Transports (DG VII) de la Commission européenne s’inscrit dans le cadre des textes d’accompagnement du troisième paquet de libéralisation du transport aérien communautaire. Parallèlement, un second règlement communautaire, préparé par la Direction générale Concurrence (DG IV) de la Commission européenne, a été adopté par le Conseil des ministres pour conférer aux pratiques de la profession en matière de créneaux horaires, et notamment aux conférences bi-annuelles organisées par l’IATA, une « exemption » au regard des règles de concurrence du traité de Rome (article 85).

Plusieurs textes ont été pris en France en application du règlement CEE no 95/93. Tout d’abord, pour qualifier d’entièrement coordonnés les aéroports d’Orly et de Charles de Gaulle, par décision du directeur général de l’aviation civile du 10 mars 1993.

Parallèlement, la coordination de ces deux aéroports a été confiée, le 4 mai 1993, par décision du directeur général de l’aviation civile, à la personne d’Air France qui exerçait précédemment cette fonction, avec les moyens de la compagnie. En effet, traditionnellement en Europe, comme dans la plupart des autres Etats de par le monde, se sont les compagnies nationales qui, dans le système IATA, étaient chargées d’attribuer les créneaux horaires (par exemple Air France à Paris, British Airways à Londres, Alitalia à Rome...). Il est clair toutefois que cette organisation développée dans le cadre traditionnel du transport aérien, un cadre fondé sur la coopération, ne pouvait plus être valable dans un contexte pleinement concurrentiel, tel que celui qui a été mis en place en Europe depuis le 1er janvier 1993. C’est la raison pour laquelle l’association COHOR, constituée des principales compagnies aériennes ayant une exploitation sur les aéroports parisiens, a été désignée « coordonnateur des aéroports parisiens » par arrêté du 9 août 1996 en remplacement d’Air France.

Il est par ailleurs prévu dans le règlement no 95/93 précité qu’un comité de coordination, ouvert aux compagnies, à leurs représentants, aux autorités aéroportuaires et aux représentants du contrôle du trafic aérien, soit créé pour assister, à titre consultatif, le coordonnateur, notamment pour formuler des orientations complémentaires pour l’attribution des créneaux horaires. Un tel comité de coordination, placé sous la présidence de l’Etat, a été créé pour les aéroports parisiens, par arrêté du 4 mai 1993, modifié le 26 décembre 1996 pour tenir compte des évolutions de la représentativité des transporteurs et de leurs associations professionnelles. Un sous-comité créé en son sein est chargé, le cas échéant, de l’examen pour avis des réclamations sur l’attribution des créneaux horaires, qui n’ont pu être satisfaites par le coordonnateur selon les usages de la profession. Le comité de coordination peut également préconiser des orientations complémentaires, permettant de tenir compte des conditions locales, pour l’attribution des créneaux horaires, pour autant que ces orientations respectent le droit communautaire.

Enfin, les autorités françaises ont pris un arrêté le 10 mars 1993, modifié le 5 janvier 1994, puis le 29 décembre 1995, permettant la réservation de créneaux horaires entre Orly et certaines villes de province, afin de garantir à ces dernières, dans un environnement devenant concurrentiel et pouvant inciter les transporteurs à utiliser ces créneaux horaires pour l’exploitation de lignes qu’ils estimeraient plus rentables, la pérennité de leur liaison avec Paris, avec des horaires propres à satisfaire les besoins des passagers.

E. Les adaptations de la réglementation européenne

La crise économique et financière a bien évidemment eu des impacts aussi sur le secteur aérien, confronté à une chute du trafic depuis la fin de l’année 2008. La saison d’été 2009 (29/03/2009-24/10/2009) sera également affectée par la crise économique. Pour y faire face les compagnies aériennes sont amenées à réduire leurs capacités.

L’Union européenne a adopté une proposition de modification du règlement « créneaux horaires » qu’elle a soumis au Parlement européen et au Conseil pour adoption urgente. Cette mesure temporaire permettrait aux compagnies aériennes de conserver leurs droits sur les créneaux horaires et d’éviter que les compagnies aériennes ne maintiennent leur capacité intacte et n’opèrent dans le seul but de conserver leurs créneaux, la Commission propose de geler temporairement la règle dite des 80-20 pendant la saison d’été 2009 (avril-octobre), comme elle l’avait fait en 2001/2002 et 2003, pour permettre aux compagnies aériennes de réduire leurs activités sans perdre leurs créneaux horaires. Ainsi, les transporteurs auront droit au cours de la saison d’été 2010 aux mêmes créneaux que durant l’été 2009, qu’ils les aient utilisés ou non.

Cette mesure est prévue pour une seule saison (été 2009). Cependant, en fonction de la gravité de la situation à l’approche de la saison d’hiver 2009/2010, la Commission pourrait décider du renouvellement partiel ou total de ce régime, qui produirait alors également ses effets lors de la saison d’hiver 2010/2011, sur base d’une étude d’impact approfondie.

L’obligation dans les mois à venir pour certaines compagnies aériennes d’abandonner les créneaux non utilisés risque de bouleverser le paysage aérien au profit des compagnies les plus récentes. Toute modification de la réglementation sur ce point nécessite beaucoup de précautions.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 23 mars 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Jérôme Lambert. L’encadrement des aides aux compagnies à bas prix est nécessaire. Ainsi, dans ma région, une compagnie à bas prix a ouvert une ligne internationale entre Angoulême et Londres, moyennant d’importantes subventions du département. Elle a ensuite exigé une augmentation de ces aides en menaçant de fermer la ligne si elle ne l’obtenait pas. Finalement, la compagnie ne desservira plus l’aéroport. Ces pratiques commerciales abusives, qui s’expliquent par l’absence de concurrence, doivent être combattues.

M. Jean Gaubert. Dans un tel contexte, on ne peut pas parler de concurrence libre et non faussée. Cette situation est d’autant plus choquante qu’elle aboutit à faire financer par les collectivités locales les déplacements de personnes qui disposent de moyens suffisants pour voyager. Les compagnies profitent d’autre part, via leur domiciliation, des différences de réglementations sociales entre Etats, ainsi que des écarts de taux de change, comme cela a pu être le cas également dans le domaine du transport maritime entre la France et le Royaume-Uni.

M. Daniel Garrigue. Un encadrement des aides est en effet nécessaire mais il faut reconnaître les avantages liés au développement de liaisons aériennes à bas prix, pour l’aménagement du territoire, le développement des relations inter-européennes et l’accès au transport aérien. Pour la ville de Bergerac par exemple, les retombées sont considérables car elle était auparavant mal desservie et il n’existe pas de véritable alternative. Je partage par ailleurs l’avis de la rapporteure sur la nécessité de règles pour le statut des personnels des compagnies à bas prix.

Le Président Pierre Lequiller. Je souscris à ce constat : si un encadrement est bel et bien nécessaire, les avantages des liaisons inter-européennes à bas prix sont indéniables.

M. André Schneider. Je souhaite souligner la nécessité d’une plus grande souplesse de la Commission européenne à l’égard des aides à l’aéroport de Strasbourg car celles-ci sont la condition du maintien du statut de capitale européenne de la ville.

M. Pierre Forgues. Je souhaiterais faire part de quelques réflexions. Quand on dit que les passagers qui prennent l’avion ont les moyens de le faire, c’est faux. Qu’il s’agisse des compagnies low cost, d’Air France ou de Brit Air, très peu de passagers paient le même tarif. Je constate également que l’aéroport de Tarbes-Lourdes, qui est un aéroport international, n’est pas un aéroport de gens riches. Y transitent nombre d’enfants, notamment au moment des vacances scolaires. Il existe de nombreux tarifs préférentiels, définis par la politique tarifaire d’Air France ou de Brit Air, extrêmement intéressants et bien moins chers que le plein tarif. Ensuite, il ne faut pas négliger que tous les moyens de transport collectif sont, en France, subventionnés. La région Midi-Pyrénées a mis en œuvre des plans successifs et entre les subventions pour combler les déficits ou les tarifs sociaux, personne ne paie réellement le plein tarif. C’est vrai pour le ferroviaire pour lequel la région, bien qu’elle ne soit pas responsable des infrastructures, a contracté des emprunts considérables pour les mettre à niveau. En gros, on peut estimer que les recettes commerciales représentent un tiers du coût complet. En ce qui concerne l’autocar, celui-ci est également très onéreux pour les collectivités territoriales avec des régimes extrêmement particuliers. Il faut donc expliquer que l’avion, qui était autrefois un cas à part, car uniquement fréquenté par ceux qui avaient les capacités d’en payer le coût, ne l’est plus.

Pour financer les dessertes aériennes, il y a plusieurs modalités. Les lignes d’aménagement du territoire desservies par Air France coûtent cher, plus cher que les low cost, l’Etat finançant 55 % des aides et les collectivités 45 %. C’est assez difficile à gérer, car il n’est pas possible d’obtenir la comptabilité analytique d’Air France.

En ce qui concerne les low cost, dire que l’Europe doit réglementer pour une véritable concurrence parfaite n’est pas applicable. Il y a une concurrence et une libre prestation de services - il ne faut pas oublier la directive « Bolkestein ». Il y a d’ailleurs une réglementation européenne, la région Midi-Pyrénées fait des appels d’offre internationaux avec des éléments précis sur la durée, la dégressivité des aides, notamment. Là où il y a un abus, c’est que certaines compagnies comme Ryanair ont certaines pratiques qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de cette réglementation. On ne donne pas de subventions aux compagnies low cost, mais on paie un service comme la promotion d’un territoire, dont la teneur est peut-être plus ou moins contestable. Il y a donc une forte pression, qui peut parfois s’apparenter à un chantage. Certaines collectivités locales ont réagi, mais en règle générale, tout le monde finit par s’exécuter et à payer, après capitulation en rase campagne. Sur le fond, ces aides font partie du développement économique et on peut rapidement calculer la contrepartie de ces quelques 15 euros plutôt que 30 euros par passagers dépensés. Economiquement c’est intéressant. Carcassonne, en Languedoc-Roussillon, paye mais fait vivre son aéroport avec uniquement des compagnies low cost. En Midi-Pyrénées les low cost ne viennent que pour les dessertes touristiques, pour le ski en hiver, et en été pour le tourisme d’été ou les pèlerinages, à Lourdes. On peut donc utiliser les low cost de manière intéressante.

La question à régler est donc celle de comportements qui s’apparentent parfois à un chantage et il convient plutôt que de prévoir des règles générales de mener une réflexion sur la manière de venir en aide aux compagnies aériennes, sachant que le mécanisme des obligations de service public n’est pas simple.

M. François Calvet. Lorsque Ryanair a indiqué les conditions auxquelles elle pourrait desservir l’aéroport de Perpignan, les collectivités territoriales ont dit non. La liaison a donc été effectuée avec Girone en Espagne, à une heure de Perpignan. En moins de dix ans, l’aéroport atteint 5 millions de passagers et on ressent les effets du développement économique. La ligne Perpignan-Paris, desservie à un coût d’environ 600 euros, est beaucoup plus onéreuse et en outre les liaisons de Perpignan avec l’Europe passent par Paris.

On ressent en outre à Girone la réalité de l’Europe avec un public de jeunes et d’étudiants qui voyagent notamment dans le cadre du programme Erasmus. Il faut tenir compte dans la réflexion de l’intérêt du développement des territoires nouveaux menacés à force de tout vouloir supprimer et qu’Air France ne sauvera pas avec ses coûts et son absence d’effort.

M. Gérard Voisin. Quand on regarde en pratique comment se remplit un vol, on est effaré par les tarifs car les passagers voisins ont les uns payé des billets très peu chers, les autres des billets extrêmement onéreux. Les prix sont véritablement fantaisistes. Sur Lyon-Madrid, un passager à 240 euros peut se trouver, pour exactement la même prestation de services, avec un passager à 1.480 euros. La concurrence est donc faussée et il y a des failles considérables dans le système. Comment envisage-t-on de gérer cette question ? Comment aider des dessertes alors que les prix sont si différents ?

M. Daniel Garrigue. Il faut raisonner et comparer aéroport par aéroport. Par exemple, les dessertes européennes de Bergerac ne coûtent que quelques euros par passager en aide publique, alors que la liaison avec Paris met en jeu plusieurs dizaines d’euros. On ne peut pas discuter d’une manière globale.

M. André Schneider. Lorsque la desserte Strasbourg a été envisagée, il y a eu un contentieux, une décision défavorable du tribunal administratif et donc l’opérateur aérien est allé de l’autre côté de la frontière, sur Baden-Baden. Nous avons connu le même problème avec DHL. Certaines personnes qui avaient acquis du terrain à bas prix ont ensuite vu augmenter le prix de leur terre après avoir obtenu gain de cause. Il faut certes des règles, mais en même temps, on ne peut nier l’intérêt de ces dessertes pour les territoires.

M. Pierre Forgues. En ce qui concerne les obligations de service public dans le cadre de l’aménagement du territoire, les chiffres sont éloquents pour l’aéroport de Lourdes-Tarbes : sur la base d’un taux de remplissage de 74 % et d’un peu plus de 100.000 passagers, les collectivités locales paient environ 30 euros par passager. Comme l’Etat assume 55 % de la subvention, on se retrouve avec une aide de 60 euros en faveur d’Air France. Pour les liaisons assurées par Ryanair, ce n’est pas le même ordre de grandeur avec 12 euros par passager. On évoque que ces différences sont dues à des différences de modèle économique ou à un grand nombre d’autres facteurs, dont, il faut le dire, aucun n’est tout à fait convaincant.

La rapporteure. Le problème principal est effectivement la desserte et l’aménagement du territoire et il faut essayer de le faire du mieux possible. Néanmoins il faut comprendre que tous les low cost n’ont pas les mêmes pratiques et que certains sont plus corrects que d’autres. En terme d’aménagement du territoire, et il est souvent impératif d’assurer la vitalité économique de certains territoires, il n’y a souvent rien de mieux pour obtenir la desserte d’un aéroport. Néanmoins, il faut réfléchir à des solutions. L’exemple de Strasbourg, où le blocage de la desserte a conduit l’opérateur à traverser la frontière et à aller dans un autre Etat membre, montre qu’il faut des règles communes au niveau européen. C’est une nécessité. En outre, il n’est pas facile d’intervenir dans ce secteur, car on a des difficultés grandissantes de la part des compagnies nationales notamment des majors. Le public s’est aussi élargi et ne concerne plus uniquement ceux qui « ont les moyens ».

Il faut aussi des règles car c’est en leur absence qu’il y a les conflits les plus graves, notamment à cause de la diversité des montants qui sont versés. Il faut aussi rappeler que sur le plan social, la tentation de certaines compagnies, qui ont d’ailleurs été déboutées, a été de délocaliser des personnels au sol. Dans l’ensemble, le besoin de protection existe. En outre, en l’absence de règles, il y a un plus grand nombre de contentieux avec des risques et des divergences entre les pratiques et les possibilités des territoires.

Le Président Pierre Lequiller. Il faut prendre garde à ne pas donner l’impression que nous sommes « anti low cost ». Les compagnies low cost ont une activité dirigée vers les personnes moins aisées. Air France exerce la même pression, voire une pression plus forte. Le jeu n’est clair ni d’un côté ni de l’autre. Je souscris à l’idée selon laquelle un meilleur encadrement est nécessaire, pour les compagnies low cost comme pour les grandes compagnies.

La rapporteure. S’agissant de la question des créneaux horaires, ma position est de dire que l’Union européenne a eu raison de ne pas obliger les compagnies à utiliser leurs créneaux. Mais les grandes compagnies utilisent leurs créneaux de manière à empêcher que d’autres s’implantent : cette pratique n’est pas saine, elle empêche une véritable concurrence. Il n’est pas question d’être « contre les low-cost », mais il faut prendre position face à la multiplication des procédures.

M. Pierre Forgues. Les créneaux horaires sont un vrai problème, qui ne se pose que pour quatre aéroports français qui sont saturés : Orly, Roissy, Nice, Marseille. Des créneaux sont réservés par les lignes d’aménagement du territoire mais il est difficile de savoir comment les choses se passent en réalité. Au-delà de la réglementation, de fait il peut y avoir une commercialisation de ces créneaux. Les grandes compagnies comme Air France ou British Airways le nieraient, mais c’est indubitable. Je vous invite à étudier ce problème. »

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport.

ANNEXE :

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () De 3,7 % en nombre de passagers et de 9,1 % en termes de mouvements ; au total, et sur les neuf premiers mois, ces baisses atteignent respectivement - 5,1 % et - 8,5 %.

3 () Source : Direction générale de l’aviation civile.

4 () Source : Direction générale de l’aviation civile.

5 () Avec 65 millions de passagers, elle passerait devant Air France et Lufthansa.

6 () Rapport public thématique du 9 juillet 2008 « Les aéroports français face aux mutations ».

7 () 11 mars 2010.

8 () Réf. : Question écrite Sénat n° 10 223 du 11 décembre 2003 ; réponse J.O. Sénat du 19 février 2004 p. 419.

9 () Règlements du Conseil du 23 juillet 1992 : 2407/92/CE sur les licences des transporteurs aériens (JO L 240 du 24.08.1992) ; 2408/92/CE sur l’accès aux routes intra-communautaires par les transporteurs aériens communautaires (JO L 240 du 24.8.1992) et 2409/92/CE sur les prix et tarifs pour les services aériens (JO L 240 du 24.08.1992).

Règlement 95/93/CE du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO L 014 du 22.01.1993).

Directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 relative à l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté (JO L 272 du 25.10.1996).

Règlement 2299/89/CE du Conseil, du 24 juillet 1989, instaurant un code de conduite pour l'utilisation de systèmes informatisés de réservation (JO L 220 du 29.07.1989).

10 () Frédéric Marty « Politiques d'attractivité des territoires et règles européennes de concurrence », Revue de l'OFCE 3/2005 (no 94), p. 97-125.

11 () Le Figaro 11 03 2010.

12 () Stephen McNamara, porte-parole de Ryanair, site internet de la compagnie.

13 () Rapport d’information n° 2164 « L’Union européenne peut-elle assumer la responsabilité de la sécurité aérienne ? », Mme Odile Saugues.

14 () Ref : Rapport de la Commission sur le financement de la sûreté aérienne, COM (2009) 30 final, 2.2.2009.

15 () FNAM.