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N2618

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les perspectives d’une pêche durable en Méditerranée,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Robert Lecou,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : LES SPECIFICITES DE LA MEDITERRANEE EN FONT UNE MER PARTICULIERE 9

I. UNE MER FERMEE, BERCEAU ET CARREFOUR DE NOMBREUSES CIVILISATIONS 9

A. UNE MER FERMEE… 9

1. Le cadre géographique et géomorphologique 9

a) Le cadre géographique physique 9

b) Le cadre géopolitique 10

c) Le cadre géomorphologique 11

2. L’hydrologie de la Méditerranée 12

3. Le cadre juridique 12

a) La Méditerranée est une mer très partagée… 13

b) … par des zones de différentes natures 14

(1) Les zones économiques exclusives 14

(2) Les zones de pêche 15

(3) Les zones de protection écologique 16

(4) L’affaire du Golfe de la grande Syrte 16

B. CARREFOUR DE MULTIPLES ENVIRONNEMENTS 17

1. L’environnement humain et culturel 17

a) L’environnement humain 17

b) L’environnement culturel 18

2. L’hétérogénéité de l’environnement politique 18

3. L’environnement économique 19

II. UNE MER A L’ENVIRONNEMENT MENACE 20

A. LA DEGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT EN MEDITERRANEE 20

B. DES MESURES DE LUTTE ENCORE TROP PARTIELLES 21

DEUXIEME PARTIE : DES ACTIVITES DE PECHE TRES VARIEES 23

I. LES RESSOURCES DE LA MEDITERRANEE 23

A. LES RESSOURCES SAUVAGES 23

1. Poissons et mollusques 23

2. Les captures 25

a) Les captures totales 25

b) Les captures par pays 25

(1) Les poissons blancs 29

(2) Les poissons bleus 30

B. LES RESSOURCES D’ELEVAGE : L’AQUACULTURE 30

1. La croissance de la production 31

2. La production par pays 31

a) Les poissons blancs 34

b) Les poissons bleus 34

c) Les mollusques 34

3. L’industrie de l’aquaculture en Méditerranée 34

a) Les caractères de cette industrie 34

b) Les perspectives de l’aquaculture en Méditerranée 35

4. La conchyliculture méditerranéenne : l’exemple de l’étang de Thau 36

C. LES EMPLOIS A LA PECHE EN MEDITERRANEE 37

D. LES MODES D’EXPLOITATION 37

1. Les techniques de pêche méditerranéennes 37

2. Les dimensions de la flotte de pêche méditerranéenne 38

E. LE POIDS DE LA PECHE MEDITERRANEENNE EN FRANCE 39

1. Les emplois 39

a) La pêche 39

b) L’aquaculture 41

(1) La pisciculture 41

(2) La conchyliculture 42

2. Les ports de pêche français 42

3. La pêche de loisir et sportive 43

II. L’ORGANISATION DE LA PECHE EN MEDITERRANEE 44

A. LA COMMISSION GENERALE DES PECHES POUR LA MEDITERRANEE 44

1. La genèse de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée 44

2. L’organisation et les fonctions de la CGPM 44

a) L’organisation 44

(1) Les membres 44

(2) La Commission 45

(3) Le Comité scientifique consultatif 45

b) Les fonctions de la CGPM 46

c) L’efficacité de l’action de la CGPM 46

B. L’UNION EUROPEENNE 47

C. UNE ORGANISATION PROPRE A LA MEDITERRANEE FRANÇAISE : LES PRUD’HOMIES 49

1. Les origines 50

2. Le fonctionnement des Prud’homies 50

3. Les compétences des Prud’hommes 50

a) La compétence juridictionnelle 50

b) La compétence règlementaire 51

c) La compétence disciplinaire 51

TROISIEME PARTIE : AU CŒUR DU PROBLEME : LA PÊCHE AU THON ROUGE 53

I. UNE RESSOURCE DIFFICILE A APPREHENDER FAISANT L’OBJET D’UNE DEMANDE CONSIDERABLE 53

A. LES CARACTERISTIQUES DU THON ROUGE 53

1. Tunnus Thynnus 53

2. Les techniques de pêche 54

3. L’importance de sa pêche 56

B. UNE RESSOURCE DIFFICILE A APPREHENDER 57

1. La position des pêcheurs 57

2. La position des organisations de défense de l’environnement 58

3. La position des scientifiques 59

a) Les méthodes d’évaluation 59

b) Un diagnostic de surexploitation 59

c) Un rebondissement récent 60

C. UNE DEMANDE CONSIDERABLE 61

1. La demande japonaise 61

2. Le développement de fermes d’engraissement du thon rouge 62

II. LA REGLEMENTATION DE LA PECHE AU THON ROUGE 64

A. L’ORGANISATION DE LA CICTA 64

1. Les membres de la CICTA 64

2. La structure de la CICTA 64

a) La Commission 64

b) Le Comité permanent pour la recherche et les statistiques 65

c) Le secrétariat 65

B. LE CONTROLE DE LA PECHE AU THON ROUGE 65

1. L’adoption de quotas 65

2. La répartition des quotas 66

3. Le renforcement des mesures de contrôle 66

a) La réunion de Marrakech 67

b) La réunion de Recife 67

C. LES RESULTATS DE CETTE POLITIQUE 68

1. Le développement de la surpêche 68

2. Des contrôles plus rigoureux 68

3. Gérer les surcapacités de pêche 69

D. QUEL AVENIR POUR CETTE ESPECE ? 70

1. L’échec de la tentative d’inscription à la CITES 70

a) La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction 70

b) La proposition de Monaco 71

c) La proposition de l’Union européenne 72

d) Le vote de la Conférence de Doha et ses conséquences 73

e) La future réunion de la CICTA 74

2. Le développement du cycle complet d’élevage du thon rouge 74

a) Les difficultés de cet élevage 74

b) Des progrès récents 75

TRAVAUX DE LA COMMISSION 76

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE 80

ANNEXE: LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 83

INTRODUCTION

« La Méditerranée n’est même pas une mer, c’est un « complexe de mers », et de mers encombrées d’îles, coupées de péninsules, entourées de côtes ramifiées. Sa vie est mêlée à la terre, sa poésie plus qu’à moitié rustique, ses marins sont à leurs heures paysans ; elle est la mer des oliviers et des vignes autant que celle des étroits bateaux à rames ou des navires ronds des marchands, et son histoire n’est pas plus à séparer du monde terrestre que l’enveloppe de l’argile n’est à retirer des mains de l’artisan qui la modèle »

Fernand Braudel

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II

Sixième édition 1985

p 10

A

Arlette FRANCO

Députée des Pyrénées-Orientales

Maire de Canet-en-Roussillon

En rendant aujourd’hui ce rapport, je veux saluer la mémoire de notre regrettée collègue, Arlette Franco, députée des Pyrénées-Orientales, qui a été à son initiative.

Elle avait été frappée par l’évolution du littoral méditerranéen et s’inquiétait de constater le déclin de la pêche et, partant, du risque de la disparition de l’activité humaine qui participe à la vie du littoral tout au long de l’année et pas seulement quelques mois par an. La suppression progressive des emplois liés à cette activité, en mer et à terre et les risques d’extinction des lignées de pêcheurs et des savoir-faire, l’avaient amenée à se pencher sur le devenir de la pêche en Méditerranée.

Avant de me demander d’assurer la continuité de ce travail, elle avait commencé à élaborer ce rapport. Elle avait déjà effectué des missions à Bruxelles où elle avait rencontré M. Joe Borg, alors commissaire européen chargé de la pêche, et à Madrid où elle avait auditionné à la fois les responsables espagnols et ceux de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA).

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, notre attention et celle du grand public sont attirées sur la pêche en Méditerranée par les controverses autour de la pêche au thon rouge, controverses entre les pêcheurs, organisations de défense de l’environnement et scientifiques. Si la pêche au thon rouge est très importante et existe depuis deux millénaires, ce n’est pas la seule pêche méditerranéenne, mer qui permet une grande variété d’autres pêches.

Toutes ces pêches sont essentielles en Méditerranée. Elles ont marqué son histoire et celle des continents qui l’entourent, elles ont façonné des traditions multiséculaires et continuent à participer à l’économie mais aussi à l’expression culturelle de la Méditerranée et de la civilisation méditerranéenne.

La pêche en Méditerranée est donc une activité fondamentale. Elle doit subsister pour permettre aux femmes et aux hommes qui en vivent de continuer à en vivre dignement, pour permettre aux territoires bordés par cette mer d’être toujours des territoires vivants et attractifs, pour permettre à la civilisation méditerranéenne d’être toujours vivante et rayonnante.

C’est donc sous l’angle de la durabilité que les pêches en Méditerranée doivent être appréhendées.

PREMIERE PARTIE : LES SPECIFICITES DE LA MEDITERRANEE EN FONT UNE MER PARTICULIERE

I. UNE MER FERMEE, BERCEAU ET CARREFOUR DE NOMBREUSES CIVILISATIONS

A. UNE MER FERMEE…

La Méditerranée est une mer semi-fermée suivant la définition donnée par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.

Suivant cette Convention, on entend, en effet, par « mer fermée ou semi-fermée » un golfe, un bassin ou une mer entourée par plusieurs Etats et relié à une autre mer ou à l’océan par un passage étroit, ou constitué, entièrement ou principalement, par les mers territoriales et les zones économiques exclusives de plusieurs Etats.

Ses caractéristiques géographiques, morphologiques, hydrologiques et juridiques ont des conséquences sur les pêches qui peuvent y être pratiquées.

1. Le cadre géographique et géomorphologique

a) Le cadre géographique physique

« Mer au milieu des terres », située au confluent de l’Europe méridionale, de l’Asie continentale et de l’Afrique septentrionale, elle est entourée de neuf chaînes de montagne : Alpes, Pyrénées, Apennins, Alpes Dinariques, Caucase, montagnes d’Anatolie et du Liban, Atlas et Cordillères espagnoles.

D’une superficie de 2 966 000 km2, elle est cloisonnée, entre l’est et l’ouest, en deux bassins par le seuil Sicile-Tunisie d’une longueur de 140 km. Ce cloisonnement, accentué par les avancées des plates-formes de Malte et de la Tunisie orientales, détermine deux bassins écologiquement et océanographiquement différents : la Méditerranée occidentale et la Méditerranée orientale. La Méditerranée occidentale comprend les mers d’Alboran, Ligure et Tyrrhénienne et le bassin algéro-provençal. La Méditerranée orientale est constituée, quant à elle, des mers Adriatique, Ionienne, du Levant et Egée.

La Méditerranée occidentale communique avec l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar d’une largeur de 14,3 km à son point le plus étroit et d’une profondeur voisine de 100 mètres. Elle est divisée en deux bassins.

A l’est, la dorsale corso-sarde isole la mer Tyrrhénienne avec des fonds supérieurs à 3 700 mètres. Au centre se trouve le bassin dit « algéro-provençal » formant une plaine abyssale avec des profondeurs de 2 800 à 3 300 m. Il se prolonge au nord-est par la mer Ligure et, à l’ouest, par un large couloir dans la mer catalane.

La Méditerranée orientale est essentiellement composée de vastes cuvettes avec un bassin ionien à l’est et levantin à l’ouest auxquels s’ajoute une dépression sicilo-tunisienne. Les profondeurs y varient entre 3 000 m et 5 200 m avec de fortes variations. Au sud, une plaine abyssale, envahie par le cône du Nil, s’étend sur plus de 100 000 km2.

Cette partie de la Méditerranée se prolonge, vers le nord, par les dépressions des mers Adriatique et Egée, la communication avec la mer Noire s’effectuant par les dépressions du Bosphore et des Dardanelles.

La Méditerranée est délimitée par 46 000 km de côtes extrêmement découpées et compte une multitude d’îles dont 162 de plus de 10 m2. Les principales sont Chypre, la Crète et Rhodes à l’est ; la Sardaigne, la Corse, la Sicile et Malte au centre et les Baléares à l’ouest.

b) Le cadre géopolitique

Vingt et un pays souverains géographiquement très différents bordent la Méditerranée :

 

Superficie

(km2)

Côtes sur la
Méditerranée

(km)

Plateaux continentaux en
Méditerranée

(km)

Albanie

29 000

400

12 680

Algérie

2 382 000

1 200

13 700

Bosnie

51 100

20

680

Croatie

57 000

5 800

63 390

Chypre

9 250

780

2 500

Egypte

1 001 000

1 460

14 580

Espagne

506 000

2 580

69 400

France

552 000

1 600

34 850

Grèce

132 000

14 000

122 830

Israël

21 000

200

2 230

Italie

301 000

7 500

201 280

Liban

10 400

230

2 380

Libye

1 759 000

1 770

36 790

Malte

300

150

1 800

Maroc

447 000

510

5 600

Monaco

2

4

-

Slovénie

20 300

40

410

Syrie

185 200

180

2 600

Tunisie

164 000

1 200

58 890

Turquie

779 000

5 200

99 200

Serbie

102 200

140

4 240

Entre ces pays, les disparités en matière de côtes sont très importantes : quatre pays (Grèce, Italie, Croatie et Turquie) se partagent ainsi près de 75 % de celles-ci.

c) Le cadre géomorphologique

Le trait le plus saillant de la géomorphologie de la Méditerranée est la brusque plongée des côtes vers les grands fonds formant des plaines abyssales au centre des principaux bassins.

La conséquence, importante pour l’activité de pêche, est la rareté des plateaux continentaux. Le plateau continental, prolongement du continent sous la surface marine situé à une profondeur moyenne de 200 mètres, couvre, en Méditerranée, une superficie totale de 750 000 km2. Il abrite les zones les plus riches en nutriments.

On n’en recense que quelques-uns : celui de golfe du Lion, des Baléares, celui de Tunisie-Sicile, et celui des Cyclades s’étendant des côtes helléniques à celles de la Turquie. Le talus bordant le plateau continental est entaillé par des canyons très étroits et de pente forte. Cinq pays (Grèce, Italie, Turquie, Tunisie et Croatie) se partagent près de 75 % de sa surface tandis que douze pays n’en possèdent chacun que moins de 2 %.

La sismicité de la Méditerranée est importante avec deux arcs insulaires actifs : les arcs égéen et tyrrhénien. Elle est le résultat du rapprochement en cours entre l’Afrique et l’Europe, dans le prolongement de la faille transformante des Açores.

La sédimentation résulte des apports terrigènes des fleuves et torrents dont certains forment des deltas importants (Ebre, Rhône, Pô, Nil).

2. L’hydrologie de la Méditerranée

La Méditerranée se caractérise par un bilan hydrologique négatif car l’évaporation y est plus forte que les précipitations. Ce sont les entrées d’eaux de l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar qui compensent ce déficit, 80 à 100 ans étant nécessaires pour le recyclage des eaux de la Méditerranée.

3. Le cadre juridique

Avant d’examiner le cadre juridique de la Méditerranée, il convient de rappeler rapidement quelques concepts du droit international de la mer.

Les principaux concepts du droit international de la mer

Fichier:Zonmar.svg

Les eaux intérieures

Ce sont les eaux incluses entre le rivage et la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale. La souveraineté de l’Etat y est totale et l’accès à ces eaux est de son seul ressort.

La mer territoriale

Elle s’étendait autrefois à trois milles marins de la côte. Aujourd’hui elle peut s’étendre jusqu’à 12 milles marins à partir des lignes de base la séparant des eaux intérieures. L’Etat y exerce sa souveraineté, les navires étrangers y ayant un droit de passage inoffensif.

La zone contiguë

D’une largeur maximale de 12 milles marins au-delà de la limite extérieure de la mer territoriale, il s’agit d’un espace où l’Etat peut exercer des contrôles notamment en matière douanière, fiscale, sanitaire ou d’immigration.

La zone économique exclusive (ZEE)

Elle est d’une largeur maximale de 200 milles marins (soit 370 km) au-delà des lignes de base. L’Etat côtier y dispose de droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles des eaux à l’aplomb des fonds marins, et de leur sous-sol. L’Etat peut donc y réglementer la pêche et, notamment, fixer le volume autorisé des captures.

La haute mer

Elle commence au-delà de la limite extérieure de la ZEE et représente environ 64 % de la surface des océans. Le principe de la liberté y prévaut : liberté de navigation, de survol de la pêche, de la recherche scientifique. L’ordre juridique s’y appliquant est celui de l’Etat dont le navire bat le pavillon. Les Etats côtiers disposent seulement d’un droit de poursuite en haute mer quand celle-ci a commencé dans une zone relevant de la juridiction de l’Etat poursuivant.

D’un point de vue juridique, la Méditerranée est une mer très partagée en zones de natures différentes.

a) La Méditerranée est une mer très partagée…

Pendant très longtemps la mer Méditerranée est restée en dehors du processus de revendications et de déclarations de zones réservées et surtout de zones économiques exclusives qui s’est développé à partir de 1974 dans toutes les régions du monde. Il n’existait jusqu’à très récemment que deux exceptions : la zone de pêche réservée tunisienne instaurée en 1904 et celle instituée par Malte en 1975 et modifiée en 1978. De façon générale, les Etats méditerranéens étaient réticents à revendiquer des zones économiques exclusives compte tenu des difficiles problèmes de délimitation dans cette mer relativement étroite et de leur souhait de préserver leur accès à la pêche dans tout le bassin.

Mais cette autolimitation en matière de délimitation de zones spécifique a évolué.

Comme on le voit sur la carte suivante, de très nombreuses délimitations partagent maintenant la Méditerranée :

b) … par des zones de différentes natures

Ces zones sont essentiellement au nombre de trois :

- les zones économiques exclusives

- les zones de pêche

- les zones de protection écologiques.

(1) Les zones économiques exclusives

Un certain nombre de pays ont institué ces zones économiques exclusives : le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, Chypre, le Liban et la Syrie.

Le 24 août dernier, M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a annoncé que la France allait déclarer auprès de l’Organisation des Nations Unies une zone économique exclusive en Méditerranée.

Selon le Ministre, l’actuelle zone de protection écologique ne concerne « que la lutte contre les pollutions alors que la ZEE concerne la pêche et toutes les ressources minières, halieutiques… Il a expliqué que « nous changeons de politique parce que les prélèvements sur les ressources, notamment halieutiques, sans aucun contrôle, sauf dans les eaux territoriales, ne sont plus supportables ». La création de cette ZEE permettra ainsi de mieux réglementer la pêche. Cette ZEE devrait approximativement s’étendre sur environ 70 milles marins, ce qui correspond à l’actuelle zone de protection écologique. Il n’était en effet pas possible d’étendre celle-ci jusqu’aux 200 milles marins car elle aurait alors englobé la Sardaigne et Minorque.

La mer Noire, quant à elle, est entièrement divisée en zones économiques exclusives.

(2) Les zones de pêche

La notion de « zone de pêche » est issue de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer tenue à Genève en 1958 qui a abouti à la signature de quatre conventions dont la convention sur la pêche et la conservation des ressources biologiques entrée en vigueur le 20 mars 1966.

Cette Convention reconnaît en effet dans son article 6, un « intérêt spécial au maintien de la productivité des ressources biologiques dans toute partie de la haute mer adjacente à sa mer territoriale ».

Au nom de cet intérêt, l’Etat riverain peut participer à toute campagne de recherche, tout système de réglementation des ressources de la haute mer proche de ses côtes. Il peut demander à tout Etat se livrant à la pêche dans cette zone d’établir une réglementation commune et s’opposer à l’application de mesures prise par un Etat tiers si celles-ci sont contraires à sa propre législation. Enfin, il peut adopter unilatéralement des mesures non discriminatoires de réglementation opposables aux tiers s’il y a urgence et si les négociations avec les autres Etats exploitants n’ont pas abouti.

Même si la Convention rappelle dans son article 1er que, dans ces zones, la liberté d’accès à la ressource n’est pas remise en cause, ces dispositions donnent un poids important à l’Etat riverain de la ressource.

La proclamation d’une zone de pêche a des implications légales uniquement sur les ressources halieutiques mais pas sur les autres, notamment minérales ou fossiles, ni sur la navigation. A la différence des droits souverains plus larges de l’Etat côtier sur la ZEE, ceux exercés dans une zone de pêche ont comme fin, l’exploration, l’exploitation, la gestion et la conservation des ressources halieutiques.

En Méditerranée, quatre pays ont actuellement revendiqué une zone de pêche s’étendant au-delà de leurs eaux territoriales : l’Algérie, Malte, l’Espagne et la Tunisie.

En 2002, la Commission européenne avait préconisé l’institution d’une zone de pêche s’étendant jusqu’à 200 milles marins pour améliorer la gestion de la pêche en Méditerranée de façon à faciliter le contrôle et à éradiquer la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

(3) Les zones de protection écologique

La zone de protection écologique (ZPE) ne répond à aucune définition officielle mais il est admis que ce type de zone constitue une déclinaison de la zone économique exclusive.

L’objectif assigné à la création d’une ZPE est la mise en œuvre de la partie concernant la protection et la préservation du milieu marin de la Convention du 10 décembre 1982. Ce sont les mesures visant à protéger le milieu marin de la pollution tellurique, de la pollution par les navires, ainsi que de celles due aux immersions et d’origine atmosphérique. Pour la protection du milieu, les pouvoirs de l’Etat à l’intérieur de cette zone sont équivalents à ceux dont il dispose à l’intérieur de la ZEE.

La ZPE peut s’étendre dans les mêmes limites que la zone économique exclusive, à 200 milles marins au plus du rivage. L’instauration d’une ZPE n’a, en principe, pas d’incidence sur les conditions d’exercice de la pêche, notamment, par les navires battant pavillon étranger.

La France a instauré ce type de zone par la loi no 2003-346 du 15 avril 2003 relative à la création d’une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République et par le décret no 2004-33 du 8 janvier 2004 portant création d’une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République en Méditerranée.

L’Italie a procédé de même par la loi no 61 du 8 février 2006.

La Croatie a souhaité créer en 2003 une « Zone de protection écologique et de pêche » en mer Adriatique. Ce projet a, compte tenu de l’étroitesse de la mer Adriatique, provoqué une opposition de l’Italie et de la Slovénie qui l’ont considérée comme contraire au droit de la mer. La Croatie a renoncé depuis à l’établissement de ce type de zone.

(4) L’affaire du Golfe de la grande Syrte

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 prévoit que, là où la côte est profondément échancrée et découpée, ou s’il existe un chapelet d’îles le long de la côte, à proximité immédiate de celle-ci, la méthode des lignes de base droites peut être employée pour tracer la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale.

Le 10 octobre 1973, la Libye a proclamé sa souveraineté pleine et entière sur le Golfe de la Grande Syrte en arguant qu’il était vital pour sa sécurité nationale et devait, à ce titre, faire partie de ses eaux intérieures. Elle soumet donc à autorisation préalable l’entrée de tout navire étranger dans cette zone. Cette déclaration unilatérale n’a pas été acceptée au niveau international. On peut remarquer que dans cette zone, au large de laquelle une zone de pêche a été délimitée, le thon rouge est très abondant.

La Méditerranée est ainsi une mer très partagée. Elle est aussi un carrefour de multiples environnements très contrastés.

B. CARREFOUR DE MULTIPLES ENVIRONNEMENTS

Cette mer est un carrefour de multiples environnements : humain et culturel, politique et économique.

1. L’environnement humain et culturel

a) L’environnement humain

On estime qu’environ 150 millions de personnes vivent sur le littoral de la Méditerranée. L’importance des concentrations humaines est très différente selon les pays et varie en fonction de l’importance du littoral. Ainsi 33 millions d’Italiens, 16 millions d’Espagnols ou 9,5 millions de Grecs vivent sur le littoral méditerranéen. Elle varie aussi en fonction aussi des conditions de vie dans le reste du pays, comme par exemple pour l’Egypte où 30 % de la population vivent sur la côte.

Le littoral méditerranéen français est, quant à lui, peuplé d’environ 6 millions de personnes.

Vers 2025, cette population côtière totale pourrait atteindre environ 175 millions, avec une croissance annuelle de 0,8 %.

Le nombre des villes de plus de 10 000 habitants situées sur le littoral est actuellement de l’ordre de 600. Vers 2025, la population des villes littorales pourrait atteindre 90 millions, soit 15 millions de plus qu’actuellement.

Enfin il faut souligner une autre caractéristique de la Méditerranée : l’importance des flux touristiques saisonniers. Ils peuvent doubler le nombre d’habitants à certaines périodes de l’année amplifiant ainsi les pressions s’exerçant sur les espaces côtiers, à la fois en termes d’occupation des sols et de surdimensionnement des équipements. Ces flux, actuellement de l’ordre de 240 millions par an, pourraient atteindre 312 millions en 2025.

La population dans les pays méditerranéens non membres de l’Union européenne s’est accrue de 13 % entre 2000 et 2007 alors que celle des pays de l’Union n’a progressé dans le même temps que de 2,6 %. Cependant, selon Eurostat, cette croissance démographique des pays non membres de l’Union est en train de se ralentir et les disparités entre les deux ensembles devraient s’atténuer de façon progressive.

b) L’environnement culturel

Depuis les temps les plus reculés, la Méditerranée a joué un rôle très important dans l’histoire des peuples et des civilisations. Par son climat, par le grand nombre de ses îles et de ses ports naturels permettant de fréquentes escales, elle favorisa la navigation et, partant, les échanges économiques et culturels entre tous les peuples de la région.

Comme le note Fernand Braudel, la culture méditerranéenne se caractérise par une « superposition » de faits religieux, politiques et culturels. Ainsi, les civilisations antiques se sont construites sur les structures primitives et « barbares », le christianisme et l’orthodoxie sur le polythéisme hellénique et païen. L’irruption de l’Islam entraîna nombre de conflits avec la chrétienté pour la domination de la Méditerranée. Mais il lui fit par contre connaître les textes majeurs de la philosophie et du savoir grecs grâce à la médiation de ses philosophes.

La Méditerranée est une mer qui divise et qui relie en même temps. Elle porte en son sein la problématique du rapport entre identités différentes et celle de leur cohabitation parfois difficile mais nécessaire. Elle occupe la situation unique dans le monde d’être une mer de frontière, une mer sur laquelle donnent trois continents et trois religions monothéistes dont aucune n’a jamais pu prévaloir sur les autres. Cette position lui confère le rôle d’être le lieu privilégié du dialogue interculturel, de la tolérance et de l’échange qui furent la marque de Venise pendant cinq siècles.

Le processus de Barcelone lancé en 1995 visait à renforcer les liens entre l’Union européenne et les pays de la Méditerranée tout en favorisant les relations de ces derniers entre eux. Il comportait deux volets : politique et social et social et culturel. Ce processus de Barcelone a été repris et amplifié par l’Union pour la Méditerranée (UpM).

2. L’hétérogénéité de l’environnement politique

Les 21 pays souverains ne composent pas un ensemble homogène.

Le premier clivage est celui existant entre les sept pays membres de l’Union européenne (Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Malte, Slovénie) et ceux n’en faisant pas partie. Parmi ceux–ci, certains (Croatie, Turquie) sont candidats à l’adhésion.

Le deuxième tient aux pratiques politiques différentes entre les pays du Nord d’ancienne tradition démocratique, les pays de l’Est européen ayant accédé à la démocratie depuis vingt ans et ceux du Sud où ces pratiques sont, pour beaucoup, encore en devenir.

Enfin un autre clivage important est celui qui se traduit par des situations de conflits non encore résolus comme le Moyen-Orient, les Balkans ou Chypre.

3. L’environnement économique

Le clivage essentiel dans ce domaine est la coexistence entre les pays du Nord anciennement industrialisés et les pays du Sud encore en voie de développement et à forte population.

Ces derniers sont, compte tenu de leur croissance démographique, des terres d’émigration en direction du Nord comme le rappelle encore trop souvent les drames humains dont la Méditerranée est le théâtre. Les pays de l’Est de l’Europe sont, à cet égard, dans une situation intermédiaire en se rapprochant rapidement, pour la plupart d’entre eux, des standards des pays du Nord.

II. UNE MER A L’ENVIRONNEMENT MENACE

La dégradation de l’environnement en Méditerranée a appelé le développement de mesures encore trop partielles.

A.    LA DEGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT EN MEDITERRANEE

Les pollutions d’origine tellurique représentent 80 % des pollutions affectant les eaux côtières, 20 % étant dus aux pollutions maritimes.

En Méditerranée, les pollutions les plus importantes sont dues :

- à l’eutrophisation et à la détérioration des écosystèmes aquatiques causées par la prolifération d’un certain nombre d’algues, conséquence du rejet de nitrates, de phosphates et de matières organiques en provenance de l’agriculture ;

- aux contaminations chimiques engendrées par les rejets industriels ;

- aux pollutions organiques par micro-organismes pathogènes dues aux rejets non épurés d’eaux usées industrielles et domestiques.

Ainsi le Programme des Nations Unies pour l’environnement a estimé que 66 millions de m3 d’eaux industrielles non traitées contenant des phénols, du plomb, du chrome, du zinc et des huiles minérales sont rejetées directement dans la mer Méditerranée chaque année.

Concernant les rejets domestiques non traités, on estime que 55 % seulement des villes côtières de plus de 10 000 habitants disposent de stations d’épuration ;

- aux déchets solides : 40 millions de tonnes sont rejetés dans l’environnement chaque année ;

- aux transports.

La Méditerranée est, depuis le percement de l’isthme de Suez, une des principales voies maritimes de la planète reliant l’Europe à l’Asie : 30 % du commerce maritime international et 25 % des transports mondiaux d’hydrocarbures y transitent.

Une part significative du littoral méditerranéen est affectée par l’érosion côtière. Celle-ci est causée par :

- l’aménagement des bassins versants ayant entraîné une diminution des apports solides durant les cinquante dernières années,

- les constructions de défense contre la mer et les restructurations des côtes,

- l’expansion très importante des constructions immobilières.

Cette dégradation de l’environnement se traduit par une modification de la flore et de la faune, la Méditerranée étant considérée comme une des mers les plus menacées de la planète en terme de biodiversité.

Concernant la flore, on assiste principalement à la diminution des herbiers de posidonies due à l’augmentation de la turbidité des eaux aux abords des agglomérations côtières. Ces posidonies sont très importantes car elles abritent et nourrissent de 20 à 25 % des espèces animales et végétales de la Méditerranée mais protègent aussi les littoraux contre l’érosion des courants tout en oxygénant la mer. Ces posidonies sont principalement remplacées par l’algue Caulerpa taxifolia, connue sous le nom d'« algue tueuse », en raison de son impact destructeur sur la biodiversité (faune et flore) et de sa grande vitesse de développement.

La faune comprend en Méditerranée plus de 10 000 espèces identifiées, ce qui représente entre 8 et 9 % de la biodiversité marine totale alors que cette mer ne représente que 0,7 % de la surface des océans.

Cent quatre espèces en danger ont été recensées en Méditerranée, parmi lesquelles des requins, des raies ainsi que le phoque moine et la tortue caouanne. On assiste depuis plusieurs années à la prolifération de méduses en Méditerranée due, pense-t-on, au réchauffement des eaux, au développement de l’eutrophisation et à la disparition de leurs prédateurs comme les thons et les tortues.

B. DES MESURES DE LUTTE ENCORE TROP PARTIELLES

Les mesures de protection de l’environnement en Méditerranée sont essentiellement prévues par le Plan d’action pour la Méditerranée (PAM).

Il a créé en 1975 par seize pays et l’Union européenne. Il s’est doté en 1976 d’un cadre juridique, la Convention pour la protection de la Méditerranée contre la pollution dite Convention de Barcelone.

Il avait pour objectif majeur d’aider les gouvernements à évaluer et à maîtriser la pollution marine, à formuler des politiques nationales, à améliorer leur capacité à évaluer les meilleurs modèles de développement et à procéder à des choix rationnels en matière d’allocation des ressources.

Actuellement le PAM II rassemble 21 pays et l’Union européenne. Il a pour priorités essentielles d’assurer la réduction de la pollution tellurique, de protéger les habitats marins et côtiers ainsi que les espèces menacées, rendre les activités maritimes plus sûres et plus respectueuses du milieu marin, surveiller la propagation des espèces envahissantes, d’intervenir en cas de pollution par les hydrocarbures et encourager le développement durable.

Ce PAM est certainement utile mais a eu jusqu’à maintenant une efficacité limitée dans la mesure où il s’est cantonné pratiquement uniquement à la pollution d’origine tellurique. Des problèmes restent encore en effet sans réponse tels :

- les pollutions par hydrocarbures, dans la mesure, notamment, où les prospections pétrolières se multiplient en Méditerranée,

- la biodiversité évoquée seulement par les scientifiques et des organisations non gouvernementales (ONG),

- l’impact de la navigation et des activités de plaisance,

- la gouvernance des zones marines se trouvant hors juridiction nationale.

La protection de l’environnement en Méditerranée a fait partie des six domaines choisis par l’Union pour la Méditerranée lors de sa constitution à l’initiative du Président de la République.

L’Union pour la Méditerranée rassemble la totalité des membres de l’Union européenne, les pays riverains de la Méditerranée ainsi que des pays proches non riverains comme la Jordanie et la Mauritanie. Il était prévu qu’un des volets majeurs de son action soit la dépollution de la Méditerranée. Malheureusement cette organisation est actuellement bloquée. Cette initiative mérite d’être développée car elle est un symbole de la prise en compte des problèmes de la Méditerranée par les Méditerranéens eux-mêmes. Au-delà de l’environnement, cette Union pourrait certainement se saisir de toutes les questions encore non résolues comme, notamment et surtout, celui de la gouvernance des zones marines se trouvant hors juridiction nationale.

DEUXIEME PARTIE : DES ACTIVITES DE PECHE TRES VARIEES

I. LES RESSOURCES DE LA MEDITERRANEE

Particulièrement pauvre en éléments nutritifs, et notamment le phosphore, la Méditerranée est globalement considérée comme oligotrophe, c’est-à-dire peu productive. Sa productivité est plus basse que celle des eaux océaniques et diminue à mesure que l’on s’éloigne du détroit de Gibraltar. La croissance des organismes y est souvent ralentie et le cycle reproducteur moins actif. Un certain nombre d’exceptions existent cependant comme en Adriatique ou dans la partie nord-occidentale où les eaux sont plus productives en raison des apports continentaux et, notamment, des apports de matières organiques et minérales issues de l’activité humaine.

Le renouvellement de la faune et l’introduction d’espèces nouvelles se font assez largement par le détroit de Gibraltar et le canal de Suez.

A. LES RESSOURCES SAUVAGES

1. Poissons et mollusques

Il y a en Méditerranée plus de 500 espèces de poissons osseux, des mammifères (baleines, dauphins, marsouins), des tortues (tortues-luths, tortues vertes, caouannes), des pinnipèdes (phoques).

Les principales espèces de poissons pêchées sont :

- les poissons bleus : anchois, sardine, thon rouge, maquereau, chinchard, sprat ;

- le poissons blancs : merlu, sole, loup (appellation méditerranéenne du bar), baudroie, mulet, daurade royale, congre, grondin rouge.

Enfin on trouve de nombreuses espèces de thonidés : bonites, thon blanc germon, thon rouge.

Ces espèces occupent en Méditerranée des habitats différents.

Les espèces d’affinités froides comme le sprat se tiennent sur les rives septentrionales tandis que les espèces tropicales comme la sardinelle, peuvent se trouver sur les rives méridionales.

L’influence des deltas s’étend à des larges franges lagunaires où se retrouvent poissons et crustacés, qui se reproduisent en mer et viennent se développer dans les milieux saumâtres comme les anguilles, les loups, les daurades…

Sur les plates-formes subcontinentales, la répartition et le groupement des espèces dépendent des caractères du biotope benthique. Sur les fonds littoraux sableux, des concentrations saisonnières de céphalopodes (seiches, poulpes) et de rougets ont lieu en automne et au printemps.

Sur les fonds sableux et vaseux de la plate-forme littorale, domine le capelan associé au rouget de vase, au pageau gris et au merlu juvénile. On y trouve aussi de nombreuses espèces de raies et de squales ainsi que des céphalopodes migrateurs.

Plus profondément, vers 120-300 mètres, abondent les grondins et les merlus ainsi que d’autres espèces comme les merlans, les mostelles, les sébastes, en compagnie ici aussi de raies et de squales.

Vers 330–500 mètres de profondeur, se trouvent essentiellement le faux merlan ainsi que les gros merlus, les mostelles les sébastes roses. De nombreux crustacés vivent à ce niveau et, notamment, les langoustines.

De 500 à 1 000 mètres, on trouve des crevettes mais peu de poissons comestibles à l’exception du faux merlan.

Les thonidés et d’autres espèces comme les espadons effectuent des migrations dans l’ensemble du bassin méditerranéen et en mer Noire et dans l’océan Atlantique. Par contre les petites espèces pélagiques(2) (sardines, sardinelles, sprats, anchois, maquereaux…) n’effectuent que des migrations limitées.

Les mollusques sont essentiellement représentés par les tellines, les moules, les escargots, les oursins, les poulpes et les calmars.

2. Les captures

a) Les captures totales

L’évolution du total des captures dans l’ensemble de la Méditerranée selon les groupes d’espèces est la suivante de 1998 à 2007, en tonnes :

Groupe d'espèces

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Poissons bleus

789 149

932 306

887 094

957 686

955 799

874 981

930 543

832 089

971 868

1 061 280

Poissons blancs

420 280

401 724

412 093

410 216

403 882

374 129

356 233

411 229

408 487

382 378

Mollusques

96 616

107 660

110 546

111 916

109 713

132 114

124 116

71 117

110 558

113 318

Total

1 306 045

1 441 690

1 409 733

1 479 818

1 469 394

1 381 224

1 410 892

1 314 435

1 490 913

1 556 976

Source : FAO

Les statistiques de la FAO comprennent les prises en mer Noire et en Méditerranée. Le total des captures, tous groupes d’espèces confondus, a augmenté de 19,21 % en dix ans.

Les captures de mollusques ont augmenté de 17,28 % sur la période, soit un taux d’augmentation annuel moyen de + 1,60 %.

Les captures de poissons ont crû de 19,36 % sur la période, soit un taux d’augmentation annuel moyen de + 1,78 %. Les captures de poissons bleus ont augmenté de 1998 à 2007 de 34,48 % (soit un taux moyen annuel d’accroissement de + 1,78 %) tandis que celles de poissons blancs ont diminué de 9,01 % (soit un taux annuel moyen de variation de – 0,94 %).

b) Les captures par pays

Les captures par pays sont les suivantes depuis 1998, en tonnes :

Pays

Groupe d'espèces

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Albanie

Poissons bleus

129

166

164

191

208

215

229

269

361

361

Albanie

Poissons blancs

1 476

1 515

1 963

1 549

1 806

891

1 886

2 066

2 427

2 108

Albanie

Mollusques

-

-

-

-

50

-

-

-

-

-

Algérie

Poissons bleus

75 224

85 477

89 745

113 516

112 283

115 327

98 279

110 383

131 680

125 543

Algérie

Poissons blancs

12 155

12 748

18 251

16 028

18 119

22 067

11 206

11 751

10 386

18 685

Algérie

Mollusques

-

-

-

-

-

-

-

-

-

43

Bosnie

Poissons blancs

4

5

5

5

5

5

5

5

5

5

Bulgarie

Poissons bleus

3 414

3 681

1 947

976

11 974

9 452

3 069

2 674

2 732

3 164

Bulgarie

Poissons blancs

705

598

390

544

827

419

287

214

113

272

Bulgarie

Mollusques

4 300

3 800

3 800

3 360

753

340

2 462

521

2 783

4 393

Chypre

Poissons bleus

101

139

194

242

232

174

420

649

677

814

Chypre

Poissons blancs

1 937

1 776

1 745

1 717

1 446

1 382

945

1 019

1 222

1 355

Corée

Poissons bleus

66

-

-

-

-

-

700

987

68

276

Croatie

Poissons bleus

15 547

14 900

16 498

13 623

17 364

17 691

23 193

28 536

32 155

32 818

Croatie

Poissons blancs

4 222

2 637

3 023

2 675

2 994

1 470

5 811

4 654

4 318

5 116

Croatie

Mollusques

360

114

96

125

83

94

121

90

132

133

Egypte

Poissons bleus

25 220

44 412

22 493

21 887

14 823

11 957

13 960

16 365

16 746


22 816

Egypte

Poissons blancs

35 110

33 459

24 743

27 182

32 912

26 833

26 655

31 309

44 790

46 321

Egypte

Mollusques

198

0

-

4 173

3 243

2 738

1 197

2 093

2 991

2 500

Espagne

Poissons bleus

64 000

68 298

80 957

81 963

59 997

51 651

55 422

59 348

72 385

65 971

Espagne

Poissons blancs

40 764

34 813

39 821

39 933

42 097

31 742

25 520

36 016

44 319

40 322

Espagne

Mollusques

5 319

3 867

2 577

2 120

2 239

1 503

1 379

2 097

1 382

1 515

France

Poissons bleus

24 658

28 756

34 543

31 587

30 845

30 395

28 054

22 964

23 974

29 956

France

Poissons blancs

6 191

7 594

7 610

8 730

10 365

14 947

7 193

5 800

5 355

5 373

France

Mollusques

1 149

539

999

813

680

691

700

315

648

265

Géorgie

Poissons bleus

2 383

1 309

1 522

978

989

2 737

11 667

9 642

9 277

17 500

Géorgie

Poissons blancs

614

87

63

133

309

235

205

131

82

47

Géorgie

Mollusques

...

...

184

517

503

295

65

150

300

600

Gibraltar

Poissons blancs

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Grèce

Poissons bleus

47 404

44 214

40 233

37 509

38 957

33 628

33 214

34 021

36 867

36 557

Grèce

Poissons blancs

37 186

40 243

39 151

36 654

37 559

39 701

43 273

41 991

42 720

41 581

Grèce

Mollusques

8 273

17 643

2 262

2 543

1 141

709

660

562

726

1 191

Israël

Poissons bleus

856

618

384

281

312

299

360

426

333

333

Israël

Poissons blancs

2 842

2 717

3 281

2 954

2 784

2 355

1 632

1 951

1 432

1 432

Italie

Poissons bleus

108 359

92 927

101 804

101 959

81 541

90 954

95 293

104 147

124 778

103 187

Italie

Poissons blancs

78 212

66 346

65 780

67 487

61 275

57 903

57 698

89 100

83 507

74 877

Italie

Mollusques

63 780

70 733

84 661

85 336

77 880

90 110

78 180

28 029

29 920

37 032

Japon

Poissons bleus

417

375

143

188

390

486

202

269

556

469

Japon

Poissons blancs

-

1

-

-

-

1

1

2

-

4

Liban

Poissons bleus

1 300

1 200

1 550

1 300

1 400

1 300

1 300

1 285

1 291

1 291

Liban

Poissons blancs

2 100

2 140

1 991

2 245

2 163

2 203

2 191

2 133

2 143

2 143

Libye

Poissons bleus

16 383

17 145

19 076

20 251

19 242

19 762

20 802

21 091

21 794

23 498

Libye

Poissons blancs

20 617

25 600

30 000

26 800

24 100

21 400

19 096

16 300

12 800

7 710

Malte

Poissons bleus

611

663

591

360

506

424

484

744

529

585

Malte

Poissons blancs

535

540

442

499

540

670

623

622

757

558

Monaco

Poissons blancs

3

3

3

3

3

3

3

2

1

1

Monténégro

Poissons bleus

...

...

...

...

...

...

...

...

168

168

Monténégro

Poissons blancs

...

...

...

...

...

...

...

...

288

288

Monténégro

Mollusques

...

...

...

...

...

...

...

...

0

0

Maroc

Poissons bleus

19 163

24 010

26 134

18 857

19 874

24 917

31 346

32 409

36 347

31 946

Maroc

Poissons blancs

4 951

8 219

7 383

7 350

10 125

10 916

7 138

10 890

11 788

7 104

Maroc

Mollusques

120

190

-

-

-

-

-

-

-

-

Palestine

(Terr. Occ.)

Poissons bleus

2 385

2 405

1 755

1 350

1 767

884

2 380

1 232

1 716


2 223

Palestine

(Terr. Occ.)

Poissons blancs

809

815

543

370

368

344

328

265

253

210

Portugal

Poissons bleus

54

76

75

204

11

5

174

21

27

-

Portugal

Poissons blancs

-

-

21

84

18

3

185

77

27

-

Roumanie

Poissons bleus

3 454

2 091

2 015

1 995

1 934

1 389

1 500

1 653

509

274

Roumanie

Poissons blancs

977

416

461

436

188

223

340

373

105

230

Roumanie

Mollusques

-

-

-

-

-

-

-

-

-

14

Russie

Poissons bleus

3 710

6 743

10 837

18 894

20 517

29 050

21 752

20 774

18 952

13 636

Russie

Poissons blancs

6 050

7 593

11 456

14 547

19 431

13 465

13 495

12 826

12 877

13 208

Russie

Mollusques

-

4

-

-

-

1

9

2

-

-

Serbie et Monténégro

Poissons bleus

136

147

126

129

122

134

168

168

-

-

Serbie et Monténégro

Poissons blancs

236

242

258

263

294

313

267

268

-

-

Serbie et Monténégro

Mollusques

0

1

1

1

0

0

0

0

-

-

Slovénie

Poissons bleus

1 870

1 712

1 536

1 347

1 317

851

637

815

779

705

Slovénie

Poissons blancs

56

44

62

136

88

164

111

116

90

116

Slovénie

Mollusques

-

-

0

2

1

3

2

4

-

1

Syrie

Poissons bleus

1 023

1 003

1 041

810

1 035

1 312

1 210

1 388

1 406

1 426

Syrie

Poissons blancs

1 652

1 527

1 386

1 380

1 586

1 498

1 575

1 946

1 737

1 679

Syrie

Mollusques

...

...

94

75

136

122

146

128

115

128

Taiwan

Poissons bleus

106

58

31

197

131

421

51

277

8

-

Taiwan

Poissons blancs

-

-

-

-

-

-

-

-

1

-

Tunisie

Poissons bleus

26 706

36 015

40 488

43 698

39 934

37 249

53 112

53 287

57 964

55 572

Tunisie

Poissons blancs

46 864

40 765

37 179

37 789

37 149

34 541

37 507

36 412

36 084

31 103

Tunisie

Mollusques

57

48

756

546

1 020

529

551

632

489

856

Turquie

Poissons bleus

308 219

416 666

342 040

377 150

419 108

346 479

390 299

263 294

348 296

463 158

Turquie

Poissons blancs

105 681

93 334

99 650

88 030

74 338

69 647

66 453

70 954

61 649

55 043

Turquie

Mollusques

12 607

9 939

14 088

11 834

21 814

34 754

38 400

36 239

70 654

64 160

Ukraine

Poissons bleus

34 196

34 765

49 046

65 673

58 478

45 228

40 557

42 971

29 493

27 033

Ukraine

Poissons blancs

8 331

15 947

15 432

24 693

20 993

18 788

24 604

32 036

27 211

25 487

Ukraine

Mollusques

453

782

1 028

471

170

225

244

255

418



487

Autres

Poissons bleus

2 055

2 335

126

571

508

610

709

-

-

-

TOTAL

 

1 306 045

1 441 690

1 409 733

1 479 818

1 469 394

1 381 224

1 410 892

1 314 435

1 490 913

1 556 976

Source : FAO

Les captures totales sont relativement stables sur la période.

La pêche en Méditerranée est surtout une pêche aux poissons bleus, les captures de poissons blancs représentant environ, chaque année, 40 % de celles des poissons bleus.

(1) Les poissons blancs

Les dix premiers Etats pour les captures sont en 2007 :

Pays

Captures

en tonnes

Taux moyen annuel de variation 1998- 2007 en %

Italie

74 887

- 0,43

Turquie

55 043

- 6,31

Egypte

46 321

+ 2,80

Grèce

41 581

+ 1,12

Espagne

40 322

- 0,10

Tunisie

31 103

- 4,01

Ukraine

25 487

+ 11,83

Algérie

18 685

+ 4,39

Russie

13 208

+ 8,20

Libye

7 710

- 9,36

Source : FAO

Ces dix pays ont péché, en 2007, 354 347 tonnes, soit 88,95 % du total des captures.

La France n’a pêché, cette année-là, en Méditerranée, que 5 373 tonnes de poissons blancs avec un taux annuel moyen de variation de -1,40 % depuis 1998.

Les taux de variations annuels sur 10 ans sont négatifs ou croissent de façon faible, à l’exception des deux pays non riverains de la Méditerranée, Ukraine et Russie.

L’évolution est tout à fait différente pour les poissons bleus.

(2) Les poissons bleus

Les dix premiers Etats pour les captures sont en 2007 :

Pays

Captures

en tonnes

Taux moyen annuel de variation 1998- 2007 en %

Turquie

463 158

+ 4,15

Algérie

125 543

+ 5,25

Italie

103 187

- 0,48

Espagne

65 971

+ 0,30

Tunisie

55 752

+ 7,60

Grèce

36 557

- 2,56

Croatie

32 818

+ 7,75

Maroc

31 946

+ 5,24

France

29 956

+1,96

Libye

23 498

+3,67

Source : FAO

Ces dix pays ont pêché, au total en 2007, 968 386 tonnes, soit 91,27 % des captures totales.

Les captures des pays non membres de l’Union européenne ont connu les progressions les plus importantes alors que celles des pays membres croissent de façon très modérée ou diminuent.

La France apparaît au neuvième rang des pays pêcheurs de poissons bleus.

On constate l’importance de la pêche de la Turquie, au premier rang pour les poissons bleus et au deuxième pour les poissons blancs.

B. LES RESSOURCES D’ELEVAGE : L’AQUACULTURE

L’aquaculture méditerranéenne est très ancienne puisque les premières traces d’aménagements d’élevages de poissons marins datent du Ve siècle avant notre ère en Etrurie. Ce travail des Etrusques a abouti plus tard, chez les Romains, à une pisciculture avec apport de nourriture externe à des individus capturés en eaux côtières et conservés en bassins. Des formes rudimentaires de conchyliculture sont aussi apparues en Grèce vers le Ve siècle avant notre ère.

1. La croissance de la production

L’aquaculture méditerranéenne s’est développée de façon rapide depuis 1980, époque à laquelle elle représentait environ 4 % de la production totale de la pêche. En 1998, elle représentait 17,20 % de ce total et elle croît régulièrement depuis cette date. En 2007, elle en représentait 19,71 %.

Les différentes productions sont les suivantes, en tonnes :

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Poissons bleus

210

471

748

1 077

1 672

1 837

3 146

3 199

3 422

3 441

Poissons blancs

91 457

114 364

134 931

133 169

118 394

151 531

145 683

178 958

184 685

204 427

Mollusques

179 748

188 189

190 610

204 468

179 726

179 433

126 332

187 412

185 008

174 537

 

271 415

303 024

326 289

338 714

299 792

332 801

275 161

369 569

373 115

382 405

Source : FAO

La production de l’aquaculture, toutes catégories et espèces confondues, a crû de 40,89 % entre 1998 et 2007.

L’évolution des trois catégories a été très sensiblement différente sur la période :

- l’élevage des poissons bleus a augmenté de 1 538,57 % ;

- l’élevage des poissons blancs a augmenté de 123,52 % ;

- l’élevage des mollusques a diminué de 2,89 %.

Les poissons bleus d’élevage sont essentiellement des thons rouges. Malgré sa croissance récente très importante, ce type d’élevage demeure quantitativement peu élevé dans la mesure où il ne représente que 1,57 % du total « poissons » et 0,89 % du total de l’aquaculture.

Les poissons blancs produits sont quasi uniquement les bars et les daurades. Ils représentent 98,43 % du total « poissons » et 54,24 % du total de l’aquaculture.

Les mollusques produits représentent 45,64 % des productions aquacoles. Ce sont essentiellement : les moules européennes (Mytilus galloprovincialis) (environ 60,5 % du total), les clovisses japonaises (Ruditapes philipinarium) (30,5 % du total) et les huîtres européennes (Ostrea edulis) (environ 5,50 %), les palourdes.

2. La production par pays

Les productions sont les suivantes par pays, depuis 1998 :

Pays

Groupe d'espèces

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Albanie

Poissons blancs

-

-

-

100

200

250

400

250

370

402

Albanie

Mollusques

100

200

200

150

300

860

800

860

1 360

1 360

Algérie

Poissons blancs

8

18

26

32

34

4

4

4

0

1

Algérie

Mollusques

22

14

21

32

31

19

10

10

16

44

Bosnie

Poissons blancs

...

...

...

...

190

190

92

191

195

190

Bosnie

Mollusques

...

...

...

...

70

70

15

60

70

70

Bulgarie

Mollusques

92

100

10

-

55

15

118

171

228

288

Croatie

Poissons bleus

31

85

202

302

575

782

920

747

969

989

Croatie

Poissons blancs

1 800

1 769

2 135

2 500

2 500

2 423

3 050

3 050

3 500

4 000

Croatie

Mollusques

953

1 152

1 148

3 000

2 456

1 942

3 000

3 000

4 000

3 500

Chypre

Poissons bleus

-

-

-

-

...

...

-

247

56

244

Chypre

Poissons blancs

1 053

1 313

1 735

1 725

1 705

1 654

2 069

2 052

2 470

2 144

Espagne

Poissons bleus

179

386

546

714

757

662

760

702

600


356

Espagne

Poissons blancs

12

14

13

43

161

82

861

492

811

494

Espagne

Mollusques

0

3

...

...

2

1

1

1

1

1

France

Poissons bleus

-

-

-

-

12

19

504

235

776

202

France

Poissons blancs

4 635

4 453

4 233

4 409

5 062

5 115

4 964

5 958

5 130

5 122

France

Mollusques

23 700

22 900

17 181

26 090

21 075

24 773

21 435

22 131

24 847

24 870

Grèce

Poissons bleus

-

-

-

-

-

-

-

60

133

71

Grèce

Poissons blancs

42 223

59 842

67 694

67 772

63 059

72 878

65 309

76 855

80 807

87 277

Grèce

Mollusques

14 602

21 250

24 356

25 970

21 811

25 636

28 803

26 065

28 317

22 199

Israël

Poissons blancs

1 902

2 408

2 914

3 161

3 056

3 109

3 352

3 195

2 725

2 796

Israël

Mollusques

...

...

...

...

...

...

2

1

-

-

Italie

Poissons bleus

-

-

0

61

323

222

431

458

410

443

Italie

Poissons blancs

15 000

16 500

17 750

20 900

12 653

23 950

13 801

13 776

15 206

18 189

Italie

Mollusques

138 000

142 000

147 000

149 000

133 660

125 000

70 357

133 290

124 070

120 318

Libye

Poissons bleus

-

-

-

-

-

-

47

147

148

-

Libye

Poissons blancs

...

...

...

...

...

...

231

231

230

230

Malte

Poissons bleus

-

-

-

-

-

-

-

-

19

772

Malte

Poissons blancs

1 950

2 002

1 746

1 235

1 116

887

868

736

1 096

1 776

Monténégro

Poissons blancs

...

...

...

...

...

...

...

...

9

9

Monténégro

Mollusques

...

...

...

...

...

...

...

...

2

2

Maroc

Poissons blancs

768

955

683

575

742

806

765

1 224

51

79

Maroc

Mollusques

1

11

14

-

50

50

50

-

-

-

Russie

Poissons blancs

20

37

7

-

-

-

-

-

-

-

Russie

Mollusques

120

-

202

-

10

...

...

...

...

...

Serbie et Monténégro

Poissons blancs

3

7

5

7

4

6

9

9

-

-

Serbie et Monténégro

Mollusques

3

4

3

2

2

2

2

2

-

-

Slovénie

Poissons blancs

110

65

73

66

37

71

109

27

30

15

Slovénie

Mollusques

44

37

44

88

83

135

164

201

163

301

Tunisie

Poissons bleus

-

-

-

-

5

152

44

213

229

216

Tunisie

Poissons blancs

833

279

613

909

1 002

985

1 144

1 209

1 140


1 583

Tunisie

Mollusques

111

8

106

46

104

90

62

120

179

484

Turquie

Poissons bleus

-

-

-

-

-

-

440

390

82

148

Turquie

Poissons blancs

21 140

24 700

35 298

29 725

26 866

38 911

48 382

69 073

70 704

79 740

Turquie

Mollusques

2 000

500

321

5

2

815

1 513

1 500

1 545

1 100

Ukraine

Poissons blancs

-

2

6

10

7

210

273

626

211

380

Ukraine

Mollusques

...

10

4

85

15

25

...

...

210

...

TOTAL

 

271 415

303 024

326 289

338 714

299 792

332 801

275 161

369 569

373 115

382 405

Source : FAO

Unité : tonne

a) Les poissons blancs

La Grèce est le premier producteur (87 277 tonnes en 2007), suivie de la Turquie (79 740 tonnes). Les suivants sont très loin : Italie (18 189 tonnes), France (5 122 tonnes). Ces chiffres montrent bien l’accent mis par la Grèce et la Turquie sur l’élevage intensif de ces poissons. L’effort de la Turquie est remarquable dans la mesure où cette activité a crû de 277,20 % de 1998 à 2007, la Grèce n’ayant progressé que de 106,70 %.

b) Les poissons bleus

Le premier rang est occupé par la Croatie (989 tonnes en 2007) suivi de Malte (772 tonnes). Viennent ensuite l’Italie (443 tonnes), l’Espagne (356 tonnes) et la France (202 tonnes).

c) Les mollusques

L’Italie est le plus gros producteur de mollusques en 2007 avec 120 318 tonnes. La France vient ensuite, très loin (24 870 tonnes) avant la Grèce (22 199 tonnes).

3. L’industrie de l’aquaculture en Méditerranée

a) Les caractères de cette industrie

Les caractéristiques de l’aquaculture marine en Méditerranée sont très variées et reposent sur des différences géographiques (lagunes côtières, îles…) ainsi que sur des facteurs historiques et socio-économiques.

Les fermes piscicoles sont aussi bien des entreprises familiales que des grandes sociétés, les systèmes de production pouvant être intensifs ou extensifs. Diverses techniques sont employées : production en bassins d’eau de mer à terre, en étangs ou en lagunes côtiers d’eau saumâtre, en cages d’élevage situées en mer.

Les techniques de production ont évolué rapidement avec, par exemple, le développement des installations à terre équipées de systèmes de circulation d’eau de mer. Des projets d’élevage en cage en pleine mer (loups, daurades) sont en cours de développement.

Outre ces deux espèces, sont aussi élevés les turbots dans une trentaine d’unités d’engraissement situées à terre, surtout en France et en Espagne. On trouve aussi des entreprises d’élevage d’anguilles et de truites de mer.

Si la France n’est pas très bien placée dans le domaine de l’engraissement des poissons d’élevage, elle est par contre très en pointe dans le secteur des écloseries. Ainsi elle est le premier producteur et exportateur d’alevins de bar et de dorade d’Europe avec 70 millions d’alevins dont plus de 50 % sont exportés. A Balaruc-les-Bains, l’entreprise « Les Poissons du Soleil » produit, par an, plus de 15 millions d’alevins de loup, de daurade et de maigre.

Il est très regrettable que la France n’ait pu développer des filières d’aquaculture alors qu’elle a été une pionnière dans ce domaine dès la fin des années 1970. Cette situation a été due de façon primordiale à l’importante pression exercée sur le littoral par le développement des activités touristiques.

Le développement des fermes d’engraissement du thon rouge sera examiné dans le chapitre suivant.

b) Les perspectives de l’aquaculture en Méditerranée

A l’avenir, l’aquaculture sera confrontée en Méditerranée à un certain nombre de problèmes.

L’expansion rapide de cette activité a engendré une pression à la baisse des prix des principales espèces élevées, notamment du loup et de la daurade. Cette tendance risque de se renforcer, compte tenu des nombreux projets d’élevage de poissons marins, notamment sur la rive sud de la Méditerranée. De ce point de vue, il faut encourager les recherches même si, à l’heure actuelle, elles ne semblent pas couronnées de succès, pour acclimater d’autres espèces à l’élevage.

L’impact sur l’environnement des fermes piscicoles peut être très sérieux. Cependant, des solutions peuvent être trouvées, notamment en étudiant très sérieusement leur implantation afin de permettre une bonne dispersion des rejets. En effet, il ne semble pas que des problèmes importants se posent à cet égard quand les fermes sont implantées dans des zones où existent des courants et des fonds suffisants.

Par contre, la concurrence en matière d’occupation de l’espace continuera à jouer de façon importante, compte tenu du développement du tourisme et des activités de loisirs sur toutes les rives de cette mer.

Un problème spécifique à la Méditerranée devra faire l’objet d’une certaine attention : celui de l’alimentation des espèces élevées, essentiellement des carnivores. Ils nécessitent en effet de grandes quantités d’aliments car il faut, par exemple, 2 kg de poissons sauvages pour produire 1 kg de loup ou de daurade. Ces poissons sauvages peuvent ainsi être de petits poissons pélagiques comme les sardines et les anchois réduits en farine. Or ces poissons font aussi partie des habitudes alimentaires traditionnelles des populations du pourtour de la Méditerranée. Une certaine prudence sera nécessaire dans ce domaine.

4. La conchyliculture méditerranéenne : l’exemple de l’étang de Thau

Situé entre les villes de Sète et d’Agde, l’étang de Thau est la plus grande lagune du littoral languedocien avec une superficie proche de 7 500 hectares. D’une profondeur moyenne de 4,50 mètres, il reçoit des eaux douces continentales par son versant nord et communique avec la mer par l’ouest, devant à ces arrivées d’eau salée la richesse de ses eaux. La salinité est variable selon les saisons mais elle est, en moyenne, proche de celle de la mer (33 à 36 ‰) selon les zones. On y trouve des poissons : loups, daurades, anguilles ainsi que des mollusques.

L’activité conchylicole a débuté dans les lagunes de la Méditerranée française à la fin du XIXe siècle. L’absence de marées a imposé la mise en œuvre de techniques spécifiques à la conchyliculture en milieu lagunaire : l’élevage en suspension, par opposition à l’élevage à plat pratiqué sur la côte Atlantique.

L’étang de Thau possède des caractéristiques intéressantes pour la conchyliculture : diversité et abondance du phytoplancton, eaux moyennement profondes et chaudes. L’immersion continuelle des coquillages permet une croissance plus rapide qu’en Atlantique où le phénomène des marées diminue la productivité.

Dans l’étang sont élevées des moules et des huîtres dont la production atteint, en conditions normales, environ 12 000 tonnes par an. Les moules sont d’une espèce spéciale à la Méditerranée appelée Moule de la Méditerranée (Mytilus galloprovincialis) dont le naissain se développe naturellement dans l’étang. Les huîtres peuvent être de deux espèces : l’huître plate (Ostrea edulis) et l’huître japonaise (Crassostrea gigas).

L’huître plate est spontanée dans l’étang. Elle y est à la fois pêchée sur les fonds coquilliers et élevée.

Après l’épizootie de 1970 qui a détruit les stocks d’huîtres portugaises (Crassostrea angulata) qui avait été introduite en 1883, l’huître japonaise a été implantée. Cette huître est maintenant connue sous le nom de « huître de Bouzigues », du nom de la commune berceau de la production d’huîtres et de moules de l’étang. L’étang de Thau n’étant pas propice à la formation de naissain d’huître japonaise, il est importé soit du Japon soit maintenant également des côtes atlantiques.

De très graves difficultés affectent la conchyliculture de l’étang de Thau. Depuis plusieurs années, le naissain est en effet victime d’une très importante surmortalité. Ainsi, en 2008, 80 % de celui-ci est mort au cours de l’été. Cette année 2010, depuis le début du mois de mai, une surmortalité semble de nouveau se développer due à un réchauffement très rapide de l’eau entraînant une forte virulence d’un parasite.

C. LES EMPLOIS A LA PECHE EN MEDITERRANEE

A l’heure actuelle, selon le Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM), il y a actuellement environ 450 000 pêcheurs dans l’ensemble des pays méditerranéens Il y a aussi un nombre « significatif », mais difficile à estimer de façon précise, de pêcheurs à temps partiel.

Ces chiffres n’incluent pas les emplois générés à terre et comprenant les emplois dans les différents secteurs liés à la pêche : commercialisation, industrie des farines de poissons, administration, recherche et formation, etc.

D. LES MODES D’EXPLOITATION

1. Les techniques de pêche méditerranéennes

L’activité halieutique jouit dans l’ensemble du bassin méditerranéen d’une très longue tradition.

La pêche méditerranéenne est, dans la très grande majorité des cas, une pêche artisanale. La flotte est en effet composée à 80 % de petites embarcations de moins de 12 mètres montées, la plupart du temps, par un unique pêcheur ou, au maximum, par deux ou trois personnes.

Il s’agit aussi, si l’on excepte les pêches au thon et à l’espadon, de pêches multispécifiques : les pêcheurs ne recherchent pas une espèce en particulier mais plusieurs vivant dans le même milieu, les cibles variant en fonction de la période de l’année.

La classification adoptée en Méditerranée repose sur la distinction entre la pêche côtière et la pêche industrielle. La pêche côtière se caractérise par des marées n’excédant généralement pas 24 heures, un rayon de pêche limité, des investissements relativement peu élevés, un salariat peu développé, une saisonnalité marquée et des circuits de commercialisation courts.

On distingue donc :

- la pêche côtière comprend les « petits métiers », la pêche artisanale, la pêche traditionnelle et la pêche polyvalente utilisant un nombre élevé d’engins divers (trémails, palangres de surface ou de fond, casiers…) pouvant varier en fonction des traditions locales dans toute la Méditerranée ;

- la pêche chalutière de fond et pélagique (pêche industrielle) cible les ressources démersales et, dans une moindre mesure, les pélagiques ;

- la pêche à la senne (industrielle) vise essentiellement les petits pélagiques ;

- la pêche thonière (industrielle).

2. Les dimensions de la flotte de pêche méditerranéenne

Le tableau suivant donne un aperçu du nombre de bateaux de plus de 15 mètres en Méditerranée « autorisés à intervenir dans la zone de compétence de la Commission générale des pêches en Méditerranée », au 22 janvier 2010, d’après des chiffres de la Commission générale des pêches en Méditerranée (CGPM) :

 

Caseyeurs

Fileyeurs

Palangriers

Senneurs

Autres senneurs

Bateaux polyvalents

Chalutiers

Types indéterminés

Total

Albanie

     

7

 

2

148

 

157

Algérie

             

544

544

Bulgarie

 

16

3

     

22

4

45

Chypre

   

2

1

   

12

 

15

Croatie

     

134

 

92

152

 

378

Egypte

 

36

262

171

   

1 110

 

1 579

Espagne

 

19

38

184

   

743

 

984

France

 

6

 

41

   

104

1

152

Grèce

 

21

49

224

   

312

9

615

Italie

112

18

88

230

   

1 747

3

2 198

Japon

   

416

         

416

Liban

     

2

     

6

8

Libye

   

10

25

   

185

51

271

Malte

   

29

1

   

18

11

59

Maroc

             

578

578

Slovénie

 

1

 

1

   

6

 

8

Syrie

 

2

1

 

2

5

17

4

31

Tunisie

             

761

761

Turquie

     

1 059

   

196

 

1 255

Total

112

119

898

2 080

2

99

4 772

1 911

10 054

Ces chiffres ne donnent qu’une approche très imparfaite du nombre de bateaux opérant en Méditerranée, compte tenu du fait que les embarcations de moins de 15 mètres sont très largement majoritaires en Méditerranée. Au total, il y aurait, environ 40 000 bateaux de pêche en Méditerranée.

L’Italie est le pays possédant le plus de bateaux, suivi par l’Egypte, la Turquie et l’Espagne. Le nombre de bateaux japonais est en nombre tout à fait appréciable (416) très supérieur à celui de la France (152).

Trois groupes de pays peuvent être distingués :

- le premier groupe comprend les pays de l’Union européenne et se scinde en deux sous-groupes. Le premier est celui des pays possédant des flottes importantes et une capacité de pêche élevée bien qu’en diminution relative comme la France, la Grèce, l’Italie et l’Espagne, le deuxième comprend les pays à « petites flottes » comme Chypre, la Slovénie et Malte ;

- le deuxième groupe est celui des pays ayant des flottes considérables mais à capacité unitaire de pêche peu élevée : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Croatie et Turquie. Ces pays, améliorant actuellement les caractéristiques techniques de leurs flotte de pêche, seront sans doute à terme de redoutables compétiteurs ;

- le troisième groupe est composé de petits pays ou de pays ne possédant qu’une zone littorale réduite et de petites flottilles techniquement assez rudimentaires : Israël, Liban, Syrie, Albanie.

E. LE POIDS DE LA PECHE MEDITERRANEENNE EN FRANCE

1. Les emplois

a) La pêche

Les emplois à la pêche dans les trois régions méditerranéennes ont évolué comme suit de 2004 à 2008 :

Source : Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche

Ÿ 2004 :

 

Grande pêche

Pêche au large

Pêche côtière

Petite pêche

Petite pêche

Conchyliculture

Total

% France

France entière

1 101

4 852

4 530

9 358

5 081

24 922

 

Languedoc- Roussillon

0

31

378

1 459

388

2 256

9,05 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

19

6

82

1 107

134

1 348

5,40 %

Corse

0

0

0

295

7

302

1,21 %

Total trois régions

19

37

460

2 861

529

3 906

15,67 %

Ÿ 2005 :

 

Grande pêche

Pêche au large

Pêche côtière

Petite pêche

Petite pêche

Conchyliculture

Total

% France

France entière

937

3 950

3 862

8 659

5061

22 469

 

Languedoc- Roussillon

0

32

370

1 391

401

2 194

9,76 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

18

0

41

1 050

143

1 252

5,57 %

Corse

0

0

0

318

6

324

1,43 %

Total trois régions

18

32

411

2 759

550

3 770

16,77 %

Ÿ 2006 :

 

Grande pêche

Pêche au large

Pêche côtière

Petite pêche

Petite pêche

Conchyliculture

Total

% France

France entière

952

3 764

3 830

8 542

5 127

22 215

 

Languedoc- Roussillon

0

2

392

1 314

414

2 122

9,55 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

17

0

77

1 028

159

1 251

5,76 %

Corse

0

0

0

326

11

337

1,51 %

Total trois régions

17

2

469

2 668

584

3 740

16,83 %

Ÿ 2007 :

 

Grande pêche

Pêche au large

Pêche côtière

Petite pêche

Petite pêche

Conchyliculture

Total

% France

France entière

937

3 792

3 471

8 419

5 278

21 897

 

Languedoc- Roussillon

0

68

232

1 259

430

1 989

9,08 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

15

0

99

996

174

1 284

5,86 %

Corse

0

0

0

317

10

327

1,49 %

Total trois régions

15

68

331

2 572

614

3 600

16,44 %

Ÿ 2008 :

 

Grande pêche

Pêche au large

Pêche côtière

Petite pêche

Petite pêche

Conchyliculture

Total

% France

France entière

806

2 907

2 739

6 780

4 803

18 035

 

Languedoc- Roussillon

0

64

0

1 021

370

1 562

8,66 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

15

0

59

704

136

914

5,06 %

Corse

0

0

0

262

9

271

1,50 %

Total trois régions

15

64

166

1 987

515

2 747

15,23 %

Les trois régions représentent au total environ 3 000 emplois dans le secteur de la pêche, soit environ 16 % des emplois totaux de la pêche de France métropolitaine. On remarque la très forte prédominance des deux catégories « petite pêche » et « petite pêche et conchyliculture» qui regroupent plus de 80 % des emplois contre environ 60 % pour la France entière.

Le Languedoc-Roussillon est la première région pour les emplois. Il représente entre 55 et 60 % du total des emplois des trois régions selon les années.

Le nombre de ces emplois a diminué d’environ 30 % entre 2004 et 2008, soit moins que pour la France entière qui a perdu, pendant la même période, presque 40 % de ses emplois à la pêche.

La comparaison avec les autres pays est très difficile à établir car les statistiques de pays comme l’Espagne, qui a, comme la France, une façade atlantique et méditerranéenne, ne discriminent pas les emplois proprement méditerranéens.

Par comparaison avec les autres pays méditerranéens, la France est naturellement très loin. Selon Eurostat, la Turquie aurait ainsi près de 100 000 pêcheurs, l’Italie et la Grèce plus de 30 000, la Croatie, plus de 20 000.

b) L’aquaculture

(1) La pisciculture

Les trois régions (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon et Corse) comptent en 2007, selon les données du Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, 24 établissements de pisciculture, soit 60 % du total des établissements français.

Ces établissements représentent en moyenne chacun 11 emplois équivalents temps plein, chiffre stable depuis 10 ans.

(2) La conchyliculture

Les trois régions rassemblent, en 2006, 521 entreprises conchylicoles (élevage d’huîtres, de moules et de coquillages divers), soit 16 % des entreprises du secteur en France. Le département de l’Hérault compte à lui seul 457 de ces entreprises.

En termes d’emplois, ces 521 entreprises représentent 11,30 % de l’emploi du secteur en France. Les emplois dans ces entreprises sont au nombre de 940 dans l’Hérault (84 %).

2. Les ports de pêche français

Leur importance peut être appréciée suivant les débarquements de poissons benthiques et pélagiques qui y ont été réalisés en 2009 (Source : ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche).

Régions / Ports

Poissons benthiques

Poissons pélagiques

Languedoc-Roussillon

   

Agde

166 954

132 290

Cap d’Agde

64 429

89 499

Le-Grau-du-Roi

770 499

1 621 317

Port-la-Nouvelle

422 032

1 069 303

Port-Vendres

63 032

850 622

Saint-Cyprien

1 709

871

Sète

1654 301

5 636 976

Autres ports

1 113

5 274

Total

3 144 069

7 751 848

Provence-Alpes-Côte d’Azur

   

Marseille

712

21 691

Port-de-Bouc

112 100

776 645

Port-de-Bouc, Anse Aubran

29 238

22 242

Port-Saint-Louis-du-Rhône

11 317

13 774

Autres ports

3 376

13 704

Total

158 742

848 056

Corse

   

Ajaccio

359

564

Bastia

9 261

1 796

Bonifacio

1 014

592

Calvi

531

689

Porto-Vecchio

3 611

3 000

Autres ports

658

5

Total

15 433

6 647

Ces chiffres montrent la très forte prédominance de la région Languedoc-Roussillon et, à l’intérieur de celle-ci, la très forte position du port de Sète tant pour les poissons benthiques que pélagiques. Port La Nouvelle et Le Grau du Roi affirment, derrière Sète, leur importance.

3. La pêche de loisir et sportive

Il est impossible de donner des chiffres précis sur la pratique de la pêche de loisir et sportive en Méditerranée.

La Commission européenne estime que cette activité serait particulièrement importante dans cette mer et ses prises représenteraient environ 10 % de celles de l’ensemble des pêcheries.

En Méditerranée, s’appliquent les règles générales régissant la pêche de loisir et sportive :

- interdiction de la vente du produit de la pêche effectuée par des non professionnels,

- limitation des captures aux besoins de la consommation personnelle du pêcheur.

Sur les côtes françaises de la Méditerranée, les tailles minimales de capture des différentes espèces sont prévues par l’arrêté du 16 juillet 2009.

La pêche au thon rouge par les pêcheurs non professionnels est possible mais est sévèrement réglementée.

En France, elle est subordonnée à une autorisation préalable et respect d’un certain nombre de conditions. Ainsi, outre une taille minimale de 115 cm et de 30 kg, les poissons doivent être bagués et faire l’objet d’une déclaration à l’administration.

La pêche de loisir au thon rouge bénéficie d’un quota de 20 tonnes en 2010 (36 tonnes en 2009), celui-ci étant pris sur le quota français total. Les professionnels de cette pêche s’insurgent contre le fait que ce quota a été prélevé sur le leur. Il semble en effet que cette façon de faire ne soit pas la bonne et qu’il vaudrait peut-être mieux que la CICTA donne un quota aux professionnels et un aux non-professionnels.

II. L’ORGANISATION DE LA PECHE EN MEDITERRANEE

La pêche en Méditerranée est administrée par une organisation régionale de pêche, la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) au sein de laquelle agit l’Union européenne Au niveau local, existent, en France des organisations originales, les Prud’homies.

A. LA COMMISSION GENERALE DES PECHES POUR LA MEDITERRANEE

1. La genèse de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée

Sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, selon le sigle anglais, Food and Agricultural Organization), les Etats riverains de la Méditerranée ont créé en 1949 le Conseil général des pêches de la Méditerranée par un accord entré en vigueur le 20 février 1952. Alors complètement dépendant de la FAO, ce Conseil n’avait que des compétences limitées à des fonctions d’observation et d’évaluation des ressources.

Mais l’évolution du droit de la mer a modifié le rôle traditionnel des organisations régionales de pêche. Elles sont devenues des acteurs majeurs du contrôle des mesures de conservation et de gestion pour la pêche des stocks chevauchants, des espèces migratoires et des stocks de haute mer. L’évolution de la pêche en Méditerranée a aussi été déterminante avec la prise de conscience des problèmes de surexploitation. Aussi cette organisation a-t-elle été profondément modifiée en octobre 1997 : elle est devenue la Commission générale des pêches pour la Méditerranée, organisme juridiquement indépendant de la FAO, doté d’un budget autonome et d’un secrétariat permanent.

2. L’organisation et les fonctions de la CGPM

a) L’organisation

(1) Les membres

Cette organisation compétente également pour la mer Noire et les questions aquacoles rassemble, à l’heure actuelle, 24 membres, soit les 21 pays riverains de la mer Méditerranée et de la mer Noire ainsi que le Japon, le Monténégro et l’Union européenne.

L’Union européenne est membre en tant que telle de la CGPM mais son adhésion n’a pas entraîné le retrait des Etats méditerranéens membres de l’Union. En effet, ces derniers n’ayant pas souhaité être absents de cette organisation, un partage des compétences a été élaboré : le droit de vote est exercé selon les matières. Ainsi, l’Union est compétente pour les sujets relatifs à la conservation et à la gestion des ressources halieutiques, les Etats membres l’étant pour les affaires organisationnelles, la recherche et l’aide au développement. Dans les cas où l’Union est compétente, elle dispose d’un nombre de voix égal à celui de ses membres appartenant à la CGPM.

(2) La Commission

La CGPM comprend une Commission et deux organes scientifiques : le Comité scientifique consultatif (CSC ou SAC : Scientific Advisory Committee) et le Comité de l’aquaculture.

La Commission, principal organe de la CGPM, est composée de représentants politiques et administratifs des parties contractantes. Les votes ont lieu à la majorité simple.

Elle est conseillée sur le plan scientifique par le CSC

(3) Le Comité scientifique consultatif

Ses fonctions sont les suivantes :

- assurer le suivi de l’abondance et du niveau d’exploitation des ressources.

Les évaluations des stocks sont réalisées par application de méthodes directes (observations lors de campagnes en mer) ou indirectes (études sur l’activité des flottes professionnelles) ;

- formuler et recommander des mesures d’aménagement et de gestion des ressources ;

- assurer un suivi socio-économique des pêcheries ;

- encourager, recommander, coordonner et, éventuellement, entreprendre des actions de recherche et de développement et de formation ;

- rassembler et diffuser des informations sur les ressources vivantes exploitées et leurs pêcheries.

b) Les fonctions de la CGPM

Elle est compétente pour les espèces démersales et les petites espèces pélagiques mais pas pour les thonidés et les espadons qui, en tant que grands migrateurs, relèvent de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) (en anglais : ICCAT, International Commission for the Conservation of Atlantic Tuna).

Ses principales fonctions sont :

- promouvoir le développement, la conservation et la gestion des ressources marines,

- formuler et recommander des mesures de conservation,

- promouvoir des projets coopératifs de formation.

La Commission édicte ainsi des mesures obligatoires concernant les méthodes et les engins de pêche, les tailles minimales des prises, les périodes et les aires de pêche. Elle intervient également dans la mise en place d’un régime de contrôle de l’effort de pêche de ses membres.

Les décisions prises par la CGPM sont contraignantes pour tous ses membres : ceux-ci sont tenus d’appliquer les recommandations adoptées par la Commission et, en particulier :

- actualiser régulièrement les évaluations des stocks halieutiques dont l’exploitation est partagée par plusieurs pays membres ;

- introduire dans leurs législations nationales les mesures de gestion adoptées pour assurer la pérennité des ressources ;

- fournir les données permettant d’établir et de maintenir un registre CGPM des navires de pêche de plus de 15 mètres habilités à pêcher dans sa zone de compétence afin de développer un programme de gestion de l’effort de pêche.

Enfin, elle adopte systématiquement les recommandations de la CICTA concernant la pêche au thon rouge et pour les espèces dont cette organisation est responsable.

c) L’efficacité de l’action de la CGPM

De façon générale, les interlocuteurs rencontrés en France et à l’étranger par votre rapporteur ont considéré que la CGPM effectuait un travail intéressant et utile.

Cependant beaucoup ont regretté une dépendance encore trop importante de cette organisation vis-à-vis de la FAO dans la mesure où, même si elle dispose d’un budget autonome, elle reste assez fortement dans l’orbite de la FAO. Cela a également été le sentiment de votre rapporteur lors de sa rencontre avec ses responsables.

M. Joe Borg, alors commissaire européen chargé de la pêche, avait considéré que la CGPM était encore une institution « en devenir ».

Sous l’impulsion de l’Union européenne, la CGPM a adopté lors de sa trente-troisième session à Tunis les 23-27 mars 2009, un certain nombre de mesures : réduction de 10 % de l’effort de pêche exercé par les chalutiers sur les espèces démersales, établissement avant la fin 2012 d’un système de surveillance des navires, constitution d’un registre des flotilles.

Deux problèmes se posent concernant la CGPM.

Le premier est celui d’une certaine « frilosité » de cette organisation concernant ses décisions quant à la réglementation de la pêche.

Le second, plus important, est son manque de moyens pour faire adopter ses décisions.

Cela ne concerne pas les pays membres de l’Union européenne car celle-ci transpose en droit communautaire toutes les décisions émanant des organisations régionales de pêche dont elle est membre. Par contre le problème reste posé du respect de ses décisions par un certain nombre de pays non membres de l’Union européenne dans la mesure où la CGPM ne dispose d’aucun moyen de coercition à leur encontre.

B. L’UNION EUROPEENNE

L’ensemble des principes et des règles de la politique commune de la pêche s’appliquent de la même façon à la Méditerranée que partout où opèrent des navires de pêche communautaires.

Toutefois un certain nombre d’instruments de gestion tels que les totaux admissibles de captures (TAC) ne s’appliquent pas dans la mesure où ils paraissent inadéquats pour la plupart des ressources marines de la Méditerranée. La gestion des autres espèces s’effectue par les réglementations techniques : maillage des filets, modalités de débarquement du poisson, périodes de pêche. M. Joe Borg avait confirmé à votre rapporteur qu’il n’y aura pas d’instauration de quota pour les espèces autres que le thon rouge.

Dans le cadre de la politique d’aides à la diminution des capacités de pêche engagées depuis plusieurs années, une réduction de plus de 10 % de la capacité de la flotte communautaire méditerranéenne a été enregistrée depuis 2003.

Ces réductions vont se poursuivre pour la période 2007-2013 dans le cadre des programmes opérationnels de chaque Etat membre au titre du Fonds européen pour la pêche (FEP).

L’acquis le plus important dans ce domaine a été l’adoption du règlement « Méditerranée » en décembre 2006 (Règlement (CE) no 1967/2006 du Conseil du 21 décembre 2006 concernant les mesures de gestion pour l’exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée et modifiant le règlement (CEE) no 2874/93 et abrogeant le règlement (CE) no 1626/94).

Ce règlement prévoit des mesures techniques de conservation des ressources en Méditerranée. Il renforce un certain nombre de mesures techniques permettant d’accroître la sélectivité des engins de pêche, par exemple par l’augmentation des maillages des filets et de la taille des hameçons. Il vise également à améliorer la protection de l’environnement marin et des côtes en favorisant la mise en place d’un réseau de zones protégées.

Il introduit également un mécanisme permettant l’élaboration de plans de gestion à long terme visant à atteindre et à maintenir des niveaux de sécurité pour les stocks méditerranéens tout en exploitant mieux leurs potentiels de production.

Ce règlement est difficilement appliqué. En effet, les Etats membres devaient élaborer des plans de gestion et les transmettre à la Commission européenne. Ceux-ci ont été communiqués avec beaucoup de retard par tous les pays membres.

La France a transmis son Plan de Gestion Méditerranée française au début de cette année. Celui-ci est présenté par type de pêche. Pour chaque activité faisant l’objet d’un plan de gestion, un permis de pêche spécial sera mis en place, les pratiques faisant l’objet d’un plan de gestion étant le chalut, la senne, la senne de plage, le gangui et la drague.

Des Etats membres ont souhaité dernièrement un report de l’application de ce règlement. Certains autres ne respectent pas pleinement leurs obligations à l’égard des plans de gestion de certains stocks et sur les zones protégées où la pêche est interdite. Mme Maria Damanaki, nouvelle Commissaire chargée de la pêche a indiqué le 30 mars dernier que la Commission obligerait les Etats membres à appliquer les règles auxquelles ils avaient souscrit.

Il est difficile d’être vertueux seuls. Un grand nombre de pêcheurs ont exposé à votre rapporteur qu’ils étaient soumis aux règles de l’Union européenne et à ses contrôles alors que leurs concurrents des pays tiers n’y étaient pas assujettis, cela constituant une concurrence déloyale.

Outre ce problème considérable du contrôle, il convient de souligner que les règles de la Politique commune de la pêche ont été établies sur les caractéristiques de la pêche dans l’océan Atlantique et la mer du Nord où domine le modèle de la pêche industrielle. A l’exception de la pêche au thon rouge telle qu’elle s’est développée ces vingt dernières années, la pêche en Méditerranée est avant tout une pêche artisanale. Il est donc difficile d’y appliquer les mêmes règles.

C’est une difficulté majeure qu’il faudra absolument résoudre dans le cadre de la prochaine réforme de la Politique commune de la pêche. De façon générale, il faudra y introduire des règles tendant à décentraliser la gestion des pêches par l’Union européenne en tenant compte des particularités de chaque type de pêche. Il faudra très certainement y associer les pêcheurs qui sont, en définitive, les meilleurs connaisseurs de la mer. Cette réforme pourrait ainsi s’inspirer d’une organisation de pêcheurs propre à la Méditerranée française : les Prud’homies.

Enfin, le Conseil Consultatif Régional (CCR) de Méditerranée a été établi en septembre 2008. Il a débuté son activité à la mi 2009.

Les Conseils Consultatifs Régionaux ont été créés en 2002, lors de la dernière réforme de la Politique commune de la pêche. Il y en a actuellement huit, le CCR Méditerranée ayant été le dernier mis en place.

Leur rôle est d’élaborer des recommandations et des suggestions sur les aspects de la pêche dans la zone qu'ils couvrent et les transmettent à la Commission ou aux autorités nationales compétentes. Des communications peuvent faire suite à une demande de ces organes ou être envoyées de la propre initiative des CCR.

Les CCR sont composés des parties intéressées aux activités de pêche : pêcheurs, aquaculteurs, mareyeurs, pratiquants de la pêche sportive et de loisirs, organisations de défense de l’environnement, consommateurs. Des scientifiques sont invités à participer aux réunions des CCR en tant qu'experts.

Il ne semble pas que ce type de structure soit actuellement de nature à vraiment faire participer les pêcheurs à la gestion de leur activité, au contraire des Prud’homies.

C. UNE ORGANISATION PROPRE A LA MEDITERRANEE FRANÇAISE : LES PRUD’HOMIES

Il existe actuellement 33 Prud’homies dont 11 en Languedoc-Roussillon, 18 en Provence-Alpes-Côte d’Azur et 4 en Corse.

1. Les origines

La tradition d’une gestion communautaire de la pêche en Méditerranée est très ancienne, son existence étant prouvée à Marseille aux alentours du Xsiècle.

D’abord institution empirique, la Prud’homie est reconnue comme un organisme professionnel par un certain nombre de textes royaux du XVe et du XVIIsiècles.

Après avoir résisté à la suppression des corporations et communautés de métiers par la Révolution, l’institution prud’homale a été reconnue en plusieurs étapes pour aboutir au texte la régissant encore bien qu’amendé, le décret du 19 novembre 1859.

2. Le fonctionnement des Prud’homies

L’article 5 du décret de 1859 précise que « sont membres des communautés de prud’hommes, les patrons pêcheurs titulaires d’un rôle d’équipage qui ont exercé leur profession pendant un an dans la circonscription de la prud’homie à laquelle ils demandent à appartenir ».

Les Prud’homies rassemblent uniquement les patrons pêcheurs et elles sont dirigées par 3 à 5 Prud’hommes élus par leurs pairs.

Cette institution est placée depuis le décret de 1859 sous le contrôle et la tutelle « exclusive » de l’administration des Affaires maritimes. Celle-ci est notamment chargée d’autoriser l’inscription ou la radiation d’un patron pêcheur sur la liste des membres de la communauté, d’approuver les comptes et les règlements de la Prud’homie, introduire d’éventuels recours contre des décisions illégales… Cependant la dissolution d’une Prud’homie relève du ministre chargé de la pêche maritime.

3. Les compétences des Prud’hommes

Celles-ci sont, selon l’article 17 du décret de 1859 de trois ordres :

a) La compétence juridictionnelle

Les Prud’homies ont la faculté de juger des conflits civils entre les pêcheurs. A ce titre, les Prud’hommes ont donc le statut de juge au sein d’une juridiction spécialisée et reconnue comme telle par le code de l’organisation judiciaire. Le « Tribunal de pêche » est donc compétent pour juger les conflits relatifs à des faits de pêche nés dans le territoire de la prud’homie. Les jugements ne sont susceptibles d’aucun appel ni cassation.

b) La compétence règlementaire

Les Prud’hommes peuvent « régler entre pêcheurs la jouissance de la mer » et « prendre toutes les mesures d’ordre et de précaution » dans le périmètre de la prud’homie. Ils peuvent ainsi déterminer les postes, tours de rôle…, établir l’ordre suivant lequel les pêcheurs devront mettre à l’eau leurs filets de jour et de nuit, de fixer les heures auxquelles certaines pêches devront faire place à d’autres.

c) La compétence disciplinaire

Les Prud’hommes ont la faculté de prononcer des amendes à l’encontre de tout patron pêcheur ne respectant pas la réglementation prud’homale dans les limites de la prud’homie.

Cette procédure disciplinaire reste distincte d’une éventuelle procédure pénale relevant des tribunaux correctionnels. Les pêcheurs condamnés peuvent exercer un recours, soit hiérarchique auprès de l’administration maritime, soit contentieux devant le tribunal administratif.

Enfin, les Prud’hommes sont reconnus comme des gardes jurés et ont, à ce titre, compétence pour constater les infractions à la police des pêches maritimes sur l’ensemble du territoire de la prud’homie dont ils relèvent.

Les Prud’homies constituent sans aucun doute un système très intéressant car elles effectuent un important et efficace travail de régulation par l’auto-organisation. Un certain nombre de limitations affectent leur compétence notamment en ce qui concerne le large dans la mesure où leur aire de compétence est variable. Votre rapporteur a pu constater le très grand attachement des pêcheurs à cette institution qui reste, malgré son ancienneté, très vivante sur nos côtes méditerranéennes.

M. Joe Borg a estimé que les Prud’homies constituaient « une bonne approche ». Il a indiqué que la réforme de la Politique commune de la pêche devrait ainsi aborder la place de l’autorégulation par rapport à la gestion centralisée.

Le Parlement européen a considéré dans son rapport sur le Livre vert sur la réforme de la Politique commune de la pêche que doit être mis en place dans ce secteur un système de gestion tranchant avec l’approche verticale traditionnelle en misant sur le principe de la régionalisation et de la subsidiarité prévoyant la participation des professionnels.

Un consensus s’est également dégagé lors de la réunion européenne interparlementaire du 1er juin dernier consacrée à la réforme de la politique commune de la pêche, pour accroître sa régionalisation.

Le système des Prud’homies pourrait constituer de ce point de vue un exemple intéressant et dont il serait possible de s’inspirer.

La Prud’homie devrait donc être reconnue au niveau de la Politique commune de la pêche et constituer un modèle pour la réforme des CCR prévue par la prochaine réforme de la Politique commune de la pêche.

TROISIEME PARTIE : AU CŒUR DU PROBLEME : LA PÊCHE AU THON ROUGE

Le thon rouge est sous les feux de l’actualité depuis plusieurs années et il vient d’être au centre de la réunion de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction plus connue sous son signe anglais « CITES » de Doha en mars dernier. Cette espèce est devenue emblématique du problème de la pêche durable en Méditerranée.

I. UNE RESSOURCE DIFFICILE A APPREHENDER FAISANT L’OBJET D’UNE DEMANDE CONSIDERABLE

A. LES CARACTERISTIQUES DU THON ROUGE

Le terme « thon » désigne plusieurs poissons océaniques de la famille des Scombridae comprenant le thon blanc, ou germon, le thon jaune, ou albacore, le thon patudo, le thon listao et les thons rouges. Ces derniers se subdivisent en trois espèces : le thon rouge du sud (Thunnus macoyii), le thon rouge du Pacifique (Thunnus orientalis) et le thon rouge du Nord ou thon rouge de l’Atlantique (Tunnus Thynnus), présent dans l’Atlantique et la Méditerranée.

1. Tunnus Thynnus

Le thon rouge de l’Atlantique est un poisson connu depuis la plus haute Antiquité. Des fouilles archéologiques à Chypre ont en effet attesté la pratique de sa pêche dès le 7ème millénaire avant notre ère. C’est également sans doute une des premières espèces qui a fait l’objet d’une exploitation industrielle de la part des Phéniciens, des Grecs et des Romains qui nous ont laissé de nombreux textes décrivant sa pêche et ses migrations. C’est donc une pêche profondément enracinée depuis des siècles dans le bassin méditerranéen.

Tunnus Thynnus est réparti dans l’ensemble de l’Atlantique nord et des mers adjacentes depuis l’Equateur jusqu’au nord de la Norvège et du Golfe du Mexique à la mer Noire. C’est un grand migrateur effectuant en permanence de grands déplacements, pouvant ainsi parcourir 7 700 km en 50 jours, entre les zones de reproduction et ses zones d’alimentation. Il est rapide, pouvant atteindre une vitesse de 20 à 30 km/h.

A partir de huit ans, il se reproduit en mai et juin toujours dans des eaux à la température supérieure à 22 °C en Méditerranée, autour de la Sicile et de Malte, entre Chypre et la Turquie, autour des Baléares, et au nord du Golfe du Mexique.

Ses zones d’alimentation se situent dans des eaux plus froides : golfe de Gascogne, mer du Nord, Méditerranée centrale et orientale, golfe du Saint-Laurent…Vorace, il dévore de grandes quantités de jeunes harengs, anchois, sardines, des crustacés, des méduses, des céphalopodes.... Pouvant vivre plus de vingt ans, sa croissance est rapide puisqu’il peut peser, en Méditerranée, 30 kg à l’âge de quatre ans. Il est susceptible d’atteindre des tailles très importantes : un poids de plus de 650 kg pour plus de trois mètres de long.

Des interrogations subsistent pour cette espèce, notamment concernant sa reproduction et ses migrations. Ces dernières ont donné lieu à de nombreuses hypothèses quant à l’existence d’un seul ou de plusieurs stocks mondiaux qui se mélangeraient pendant les périodes de nourrissage pour se séparer à l’heure de la reproduction. Ces questions sont fondamentales pour la gestion et la conservation de l’espèce.

2. Les techniques de pêche

Dans l’Antiquité la pêche au thon rouge se pratiquait à la ligne et à la senne de plage, ces techniques ancestrales étant supplantées par les madragues à partir du XVIe siècle.

Les madragues sont composées d’un ensemble de filets montés sur des pieux répartis en quatre chambres communiquant entre elles. Les thons poussés par d’autres filets soutenus par des barques alignées, avancent de chambre en chambre, jusqu’à la dernière où le filet de fond est relevé pour les récupérer.

Au début des années 1970, ces madragues ont laissé la place à la palangre et à la senne.

La palangre à thon rouge est constituée d’une ligne mère flottante à laquelle sont fixées perpendiculairement des lignes terminées chacune par un hameçon. Une palangre comprend environ 600 hameçons et elle reste en place environ quatre heures.

La senne est apparue en Méditerranée au milieu des années 1960 et a amorcé son développement à partir du milieu des années 1970. La senne tournante est un très long filet pouvant atteindre 2 000 mètres, sur une hauteur de 100 à 200 mètres et une superficie de 20 hectares. Les bancs de poissons sont entourés par cette grande poche dont le fond peut être fermé par un système de coulissage. Les thons sont ensuite hissés vivants à bord du navire ou dirigés vers des cages. Un seul coup de senne peut permettre de capturer jusqu’à 200 tonnes de thons.

Le thonier senneur est un bateau très puissant (4 000 CV) et rapide qui s’est développé à partir du début des années 1990. Il est équipé de nombreux appareils électroniques pour détecter les bancs de thons : radars, sonars ainsi que de nombreuses tourelles d’observation. Le coût de ce bateau est d’environ 3,5 millions d’euros. Environ 70 % des captures de thon rouge se font actuellement à la senne, le reste se répartissant entre la palangre et la pêche à la canne.

Une autre technique maintenant interdite dans les pays de l’Union européenne était également utilisée : la thonaille.

La thonaille est un filet maillant utilisable ancré ou dérivant librement en surface ciblant le thon rouge et l’espadon. Cette technique est très ancienne en Méditerranée et y est encore très répandue, sous des formes différentes selon les pays et les régions.

La principale critique adressée à cette technique est qu’elle capture involontairement de petits cétacés, particulièrement des dauphins, notamment en Méditerranée occidentale, de la fin du printemps au milieu de l’été. Cette possibilité de capture a été controversée.

Malgré l’opposition de la France, le règlement (CE) no 809/2007 du 28 juin 2007 interdisant les filets dérivants a entraîné son interdiction. En octobre 2007, la France a déposé auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, une demande de sursis à exécution de ce règlement ainsi qu’un recours en annulation contre celui-ci. La Cour de justice des Communautés européennes a, dans une ordonnance du 28 février 2008, rejeté la demande de sursis à exécution de la France puis rejeté le 5 mars 2009 son recours en annulation interdisant donc l’utilisation de cet engin.

Les pouvoirs publics français ont été actifs dans cette affaire. Ainsi, outre le fait que la France a défendu l’utilisation de la thonaille auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, les services de l’Etat avaient anticipé cette situation en mettant en place dès 2007 un plan de sortie de flotte pour les navires pratiquant cette pêche. Six navires en ont profité et un second plan est actuellement en cours de finalisation. Pour faciliter les reconversions, tous les navires pratiquant cette technique ont demandé et obtenu un permis de pêche spécial pour la pêche au thon rouge à la canne, à la ligne et à la palangre. Enfin, pour permettre aux pêcheurs pratiquant la thonaille de se reconvertir sur d’autres engins, une expérimentation est en cours, avec l’expertise technique de l’IFREMER et le soutien de fonds communautaires, sur un filet emmêlant encerclant.

Comme votre rapporteur a pu le vérifier au Grau-du-Roi, notamment, cette interdiction a été très mal vécue. Les anciens thonailleurs ont obtenu en 2009, un quota exceptionnel de 170 tonnes de thon rouge, soit environ 2,5 tonnes par bateau. Ils ont été contraints, certains étant déjà assez âgés, de réemployer d’anciennes techniques de pêche comme la palangre ou la pêche à la traîne.

Cette technique ne peut donc plus être utilisée par les pêcheurs de l’Union européenne mais elle continuera à être utilisée dans les pays non membres de l’Union européenne. Il y aura ainsi une possibilité de distorsions de concurrence.

3. L’importance de sa pêche

Selon les statistiques publiées par la CICTA retraçant les captures de thon rouge de 1950 à 2008, on peut distinguer cinq périodes dans cette pêche.

La première s’étend de 1950 à 1981 : les captures représentent des quantités en moyenne inférieures à environ 5 000 tonnes par an. De 1950 à 1961, le premier pêcheur est la Libye, la Grèce lui succédant en 1962, 1963 et 1965.

A partir de cette date c’est la France qui devient le plus gros pêcheur, sauf pour les années 1969 et 1974.

La seconde période débute en 1982 : les tonnages annuels moyens augmentent de façon sensible et atteignent environ 9 000 tonnes par an. La France reste le premier pays pêcheur. Cette phase dure jusqu’en 1987.

La troisième commence en 1988 et s’étend jusqu’à 1990 : les quantités capturées croissent de façon importante et dépassent régulièrement 10 000 tonnes par an.

La quatrième est celle allant de 1991 à 2007 : les quantités sont supérieures à 16 000 tonnes par an. C’est pendant cette période que les plus grosses quantités seront capturées, le maximum étant atteint en 1994 avec 32 928 tonnes.

La cinquième étant la période actuelle à partir de 2008, où les tonnages retombent à 11 519 tonnes en 2008.

Les chiffres officiels des captures totales de thon rouge sont communiqués par la CICTA avec un retard de deux ans.

Pour 2009 les chiffres provisoires sont les suivants, en tonnes :

Pays

Tonnes

% du total

Algérie

223

1,12

Chine

36

0,18

Corée

102

0,51

Croatie

619

3,15

Japon

1 845

9,30

Libye

1 082

5,45

Maroc

2 276

11,45

Tunisie

1 932

9,73

Turquie

665

3,37

Union européenne

11 057

55,74

Total

19 837

100,00

On peut penser que les chiffres de captures à partir de 2008 reflètent plus fidèlement la réalité, compte tenu de l’importance de la surveillance exercée depuis l’année dernière.

La France réalise une part importante des prises puisqu’elle capture jusqu’à 35 % du total.

Il faut noter que deux pays non riverains apparaissent dans ces statistiques : le Japon en 1972 (il est le premier pays pêcheur en 1974) et la Corée en 1994.

Hormis la France, les pays les plus importants en termes de capture de thon rouge sont l’Espagne, la Croatie, la Turquie. On observe une montée dans les dernières années de l’Algérie et de la Tunisie.

B. UNE RESSOURCE DIFFICILE A APPREHENDER

L’état réel actuel des ressources en thon rouge est une question très controversée comme votre rapporteur pu le constater lors de ses missions en Languedoc-Roussillon et en Provence Alpes Côte d’Azur.

Il s’agit d’un débat assez manichéen entre, d’une part, les pêcheurs de thon rouge, pour qui il n’y a pas de problème, et, d’autre part, les organisations de défense de l’environnement qui prévoient la disparition du thon rouge à brève échéance. Au milieu de cette polémique se trouvent les experts scientifiques.

1. La position des pêcheurs

Les pêcheurs sont unanimes à estimer que le thon rouge est présent en Méditerranée, que la ressource existe. Ils sont inquiets sur le devenir de leur profession, certains craignant même une disparition pure et simple de leur activité de pêche.

Ils pensent qu’après le thon rouge, d’autres espèces seront sur la sellette et seront, à plus ou moins brève échéance, interdites de pêche. Beaucoup sont issus d’une longue tradition de pêche et craignent de ne pouvoir transmettre leur savoir et la passion de leur métier à leurs enfants. De façon plus générale, ils s’alarment de la menace de disparition graduelle de la pêche en Méditerranée au profit du développement des activités liées au tourisme et aux loisirs.

Ils font également remarquer que leurs avis en tant que professionnels de la pêche, et donc d’excellents connaisseurs du milieu, ne sont pas ou très peu pris en compte dans l’évaluation de la ressource. Ils souhaitent donc que leur parole soit écoutée non seulement par les scientifiques mais également par la société. Enfin, ils demandent des efforts en matière d’évaluation de la ressource par l’IFREMER avec lequel ils souhaitent développer des relations étroites.

Cette position s’oppose catégoriquement à celle des organisations de défense de l’environnement.

2. La position des organisations de défense de l’environnement

Selon celles-ci, le stock de thon rouge de Méditerranée est menacé d’effondrement à brève échéance puisque, par exemple, Greenpeace et Wild World Fund (WWF) estiment que celle-ci pourrait intervenir dès 2012. Cela signifierait la disparition de cette espèce comme espèce commerciale, le nombre d’adultes reproducteurs n’étant plus suffisant. Elles soulignent également que cela aurait pour conséquence la disparition du principal prédateur de l’écosystème de la Méditerranée, avec des conséquences par exemple en matière de prolifération des méduses.

Ces organisations estiment que cette situation est la conséquence de trois facteurs :

- surcapacités de pêche au thon rouge en Méditerranée. WWF estime que la capacité de pêche au thon rouge est d’environ 55 000 tonnes, qu’il rapproche des quotas autorisés bien inférieurs et en baisse constante ;

- surpêche due aux quotas trop importants accordés par la CICTA qui n’a pas suivi les avis des scientifiques et qui n’ont jamais été respectés ;

- pêche illégale pratiquée par l’ensemble des thoniers senneurs de la Méditerranée.

3. La position des scientifiques

Les scientifiques compétents dans ce domaine ont mis au point des méthodes d’évaluation leur permettant de faire un diagnostic sur la situation actuelle de la ressource.

a) Les méthodes d’évaluation

Celles-ci seront décrites en s’appuyant sur l’article publié en juillet dernier par deux spécialistes français du thon rouge(3).

L’évaluation des ressources de thon rouge repose principalement sur les données de la pêche fournies par les pêcheurs. Celles-ci sont relatives aux quantités, aux tailles des thons capturés selon les zones, les saisons et les efforts de pêche déployés. Contrairement à d’autres espèces de poissons, il n’est pas possible d’utiliser des suivis à bord de navires scientifiques, compte tenu de la mobilité de cette espèce et de l’étendue de sa zone de dispersion. Afin d’obtenir des informations indépendantes de la pêche, des programmes de marquages de thons sont régulièrement effectués mais restent insuffisants.

Les auteurs soulignent que les données fournies par les pêcheurs sont de mauvaise qualité depuis une dizaine d’années. C’est ainsi que la hausse des prises déclarées ne reflèterait pas totalement la réalité, certains pays augmentant artificiellement leurs prises afin de bénéficier de quotas plus élevés dans la mesure où ceux-ci sont accordés en fonction des prises historiques.

La deuxième composante d’une bonne évaluation des stocks est une bonne connaissance de la biologie et des déplacements de l’espèce. Celle-ci n’étant pas bien assurée, les deux auteurs estiment donc qu’il est difficile d’estimer de façon fiable et précise la biomasse du thon rouge.

Mais cette opinion ne remet pas en cause, selon eux, le diagnostic de surexploitation.

b) Un diagnostic de surexploitation

Selon cet article, « La communauté scientifique est en effet unanime : la capacité de pêche internationale actuelle – les données la concernant sont fiables – est largement excessive ». Elle l’est d’autant plus qu’elle s’exerce surtout lors de la reproduction des thons, moment où ils sont le plus vulnérables car concentrés dans quelques régions de la Méditerranée. Selon des indicateurs de certaines pêcheries bien suivies, la tendance à la baisse du nombre de reproducteurs serait confirmée.

Ils soulignent également que l’expansion des pêcheries fait qu’il n’existe plus aucun refuge aujourd’hui pour le thon rouge dont les caractéristiques biologiques, longévité et maturité tardive, le fragilisent beaucoup. Ils concluent alors que « si rien n’est fait pour le protéger, sa biomasse risque d’atteindre un seuil biologique critique – en d’autres termes, les reproducteurs ne seront plus assez nombreux pour assurer le renouvellement des générations – et cela risquerait d’avoir des conséquences irréversibles. »

Mais un rebondissement récent a relancé la discussion.

c) Un rebondissement récent

Avant l’ouverture de la Conférence de la Convention de Washington à Doha le 13 mars dernier, une conférence réunie le 25 février dernier à Marseille à l’initiative du Syndicat des thoniers de la Méditerranée (STM) a fait le point sur la situation de cette ressource.

Au cours de cette réunion, deux scientifiques italiens ont émis une opinion nuancée sur cette question. Selon des propos rapportés par la presse(4), ils ont estimé que le thon rouge n’est pas « en danger » et qu’il n’y a « pas d’information scientifique valable pour dire si le stock est en danger ou pas » en mettant en cause « la fiabilité des modèles » jugés « trop aléatoires pour garantir une évaluation certaine de stocks ».

A la suite de ces déclarations, M. Jean-Marc Fromentin a commenté les campagnes de survol du golfe du Lion menées de juin à septembre 2009. Si celles-ci ont montré une densité de thons deux fois supérieure à celle constatée entre 2000 et 2003, ce sont des juvéniles de 10 à 30 kg qui ne sont plus capturés. Il a donc estimé qu’il était trop tôt pour en déduire que le stock s’était reconstitué.

M. Alain Fonteneau a indiqué(5) qu’il n’y avait pas selon lui de menace d’extinction de l’espèce à court terme, compte tenu, notamment, de la diminution des quotas et l’augmentation des contrôles. Tout en notant qu’il est très exagéré de dire que le stock de thon rouge se porte bien, il a estimé que l’application des quotas fixés par la CICTA sera suffisante.

Les oppositions très tranchées des uns et des autres ne peuvent que rendre perplexe votre rapporteur. Il est indubitable que les pêcheurs ont une connaissance très étendue de leur domaine d’activité et que leurs opinions ne doivent pas être prises à la légère. De leur côté, les scientifiques rendent compte avec rigueur de leurs observations. Il semble tout à fait judicieux que tous, pêcheurs, scientifiques et organisations de défense de l’environnement puissent se rencontrer afin de confronter leurs points de vue pour pouvoir établir, de façon consensuelle, un état des lieux réel.

Les discussions sur cette question de l’abondance de ce stock sont devenues très âpres dans la mesure où le thon rouge fait l’objet d’une demande considérable.

C. UNE DEMANDE CONSIDERABLE

Cette demande considérable est celle du Japon qui a entraîné le développement des fermes d’engraissement du thon.

1. La demande japonaise

La demande japonaise est à l’origine de l’essor de la pêche au thon rouge en Méditerranée pour la préparation des sushis et des shashimis.

Le sushi est une préparation traditionnelle de riz, et non de poisson, qui serait apparue au Ve siècle avant notre ère. Il s’agit de riz spécialement accommodé avec du vinaigre pouvant se marier avec toutes sortes d’ingrédients. Il existe différentes sortes de sushis comportant plus ou moins de poisson.

Les sushis les plus appréciés, et les plus coûteux, au Japon sont ceux confectionnés avec la partie la plus grasse du thon, correspondant à la partie ventrale des thons rouges. Comportant plus de 35 % de matière grasse, elle est appelée toro au Japon.

Les shashimis sont composés de tranches de poissons crus et sont attestés dès le XVe siècle. Les plus appréciés font aussi appel au toro.

Il semble que la grande diffusion des sushis remonte à la fin des années 1980 et que, dans les années 1960 et 1970, les sushis et les shashimis n’étaient consommés qu’à l’occasion de certains évènements. Ils étaient alors essentiellement confectionnés avec des poissons pêchés localement comme les sardines ou avec du colin d’Alaska.

A l’heure actuelle le Japon consomme environ 44 000 tonnes de thon rouge par an. Les plus gros spécimens atteignent des prix considérables sur le marché aux enchères de Tokyo : un thon de bonne qualité de 300 kg pouvant ainsi atteindre 30 000 ou 40 000 euros.

La consommation des sushis et shashimis a eu aussi tendance à se développer aux Etats-Unis et en Europe. Une différence notable, cependant, est que, le plus souvent, ce sont d’autres espèces de thon à la chair également rouge, notamment du thon albacore, qui sont servis dans ces pays.

La croissance de cette demande japonaise à entraîné le développement de fermes d’engraissement du thon rouge.

2. Le développement de fermes d’engraissement du thon rouge

La très forte demande japonaise de thons gras impossible à fournir par la seule pêche de gros individus a conduit au développement de l’élevage du thon rouge.

Mais il ne s’agit pas d’un élevage au sens commun de l’aquaculture c’est-à-dire avec déroulement complet du cycle en captivité. Dans ce cas, c’est un engraissement de sujets capturés jeunes à partir de méthodes mises au point par les Australiens et importées dans le bassin méditerranéens par les Croates.

Ces fermes d’engraissement sont apparues au début des années 1990. Leur principe consiste à nourrir dans des cages flottantes les thons capturés en mer à la senne tournante, seule technique rendant possible leur capture vivants et en bonne santé. Ils sont ensuite conduits jusqu’aux fermes dans des cages de transport remorquées à très faible vitesse pour stresser le moins possible les thons et permettre leur ventilation.

Les conditions d’élevage du thon rouge sont très délicates dans la mesure où cet animal est très sensible à toute variation de son milieu de vie. Les cages sont ainsi de très grandes dimensions, de l’ordre de 200 000 m3 pour lui permettre de nager et d’assurer le bon fonctionnement de sa thermorégulation et de sa respiration.

Les thons rouges sont gavés de « poissons fourrage » décongelés tels que sardines, anchois, petits harengs jusqu’à l’obtention du poids voulu. La croissance de ces animaux dans ces conditions est importante : ils peuvent gagner jusqu’à 5 kg par mois en été du fait d’un taux de conversion alimentaire élevé et de sa capacité à absorber de 10 à 20 % de sa masse de départ chaque jour.

Les débouchés japonais du thon rouge ont encouragé le développement de ces fermes en Méditerranée.

A l’heure actuelle on compte, d’après les statistiques de la CICTA, 70 fermes pour une capacité d’engraissement de 65 892 tonnes ainsi réparties :

Pays

Nombre de ferme(s)

Capacité en tonnes

Chypre

3

3 230

Croatie

7

7 650

Espagne

14

11 852

Grèce

2

2 000

Italie

15

13 000

Libye

1

1 000

Malte

8

12 300

Maroc

1

3 000

Tunisie

6

2 400

Turquie

13

9 460

Total

70

65 892

On note l’importance des fermes dans des pays comme l’Italie, l’Espagne et Malte. La France n’en compte aucune, une tentative d’implantation au large de Port-Vendres ayant rencontré une opposition liée aux activités du tourisme.

Toutes les cages doivent être déclarées à la CICTA, les transferts vers celles-ci étant également surveillés et devant donner lieu à déclaration. De la même façon les thons rouges exportés vers le Japon doivent être munis d’une étiquette assurant leur traçabilité.

Cependant un certain nombre d’experts estiment que, compte tenu des prix de vente, des fraudes importantes peuvent avoir lieu aux différents stades de capture du poisson, du transfert vers les cages et à leur sortie.

II. LA REGLEMENTATION DE LA PECHE AU THON ROUGE

La pêche au thon rouge est réglementée par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) plus connue sous son acronyme anglais, ICCAT (International Commission for the Conservation of Atlantic Tuna). Elle est compétente pour une trentaine d’espèces.

Cette organisation a été créée par la Convention internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique signée à Rio-de-Janeiro en 1966 et entrée en vigueur en 1969.

A. L’ORGANISATION DE LA CICTA

1. Les membres de la CICTA

La CICTA compte actuellement 48 adhérents.

L’Union européenne a adhéré à la CICTA le 14 novembre 1997 et a remplacé tous ses membres adhérents à cette organisation. La France et le Royaume-Uni n’en sont restés membres qu’au nom de leurs territoires d’outre-mer non couverts par le Traité de Rome.

La conséquence de cette situation est que l’Union européenne ne possède qu’une seule voix et que sa position à la CICTA doit faire l’objet d’un débat préalable entre les Etats membres.

2. La structure de la CICTA

Ses principales structures sont la Commission, le Comité permanent pour la recherche et les statistiques et le secrétariat.

a) La Commission

La Commission est l’organe de décision. Outre le vote du budget, elle adopte des mesures de conservation des ressources en fonction des recommandations du Comité permanent pour la recherche et les statistiques (en anglais SCRS Standing Committee on Research and Statistics). Pour cela, elle fixe les quotas de captures et les tailles minimales. Mais il faut souligner que la mise en application de ses recommandations est du ressort des autorités de chaque Etat membre et non de la CICTA.

b) Le Comité permanent pour la recherche et les statistiques

Il a pour rôle de fournir à la Commission des avis scientifiques sur les mesures de gestion rationnelle des ressources thonières. Il s’attache donc à développer, à coordonner les statistiques et les recherches thonières dans toute la zone de compétence de la CICTA, l’Atlantique et les mers connexes. Ne disposant pas de ses propres chercheurs, il réalise la synthèse des analyses présentées par les pays participant à ses travaux.

c) Le secrétariat

C’est l’organe exécutif dont le siège se trouve à Madrid. Il doit exécuter toutes les missions et recommandations que lui assigne la Commission. Ses travaux sont directement orientés vers les activités scientifiques et statistiques en collaboration avec le SCRS et avec les organismes nationaux de recherche.

A. LE CONTROLE DE LA PECHE AU THON ROUGE

La CICTA adopte des recommandations spécifiques aux deux stocks, Atlantique Ouest et Atlantique Est-Méditerranée.

Le contrôle de la pêche au thon rouge en Atlantique–Est-Méditerranée s’est traduit par l’adoption de quotas.

1. L’adoption de quotas

Avant l’adoption des premiers quotas pour le stock « Est », la CICTA a adopté un certain nombre de Recommandations visant à faire diminuer les prises par la limitation des périodes de pêche et l’édiction de taille et de poids minimaux.

Depuis 1999, elle fixe un quota pour ce stock. En 1999, celui-ci était de 32 000 tonnes puis de 29 500 tonnes en 2000 et 2001.

En 2002, elle a recommandé que les prises n’excèdent pas 32 000 tonnes par an au cours de la période 2003-2006.

Cependant suite à l’avis scientifique de 2006 concluant à un important déclin de la biomasse reproductrice et à une forte mortalité par pêche, la CICTA a adopté, à Dubrovnik, un plan de restauration de ce stock débutant en 2007.

Il prévoit différentes mesures de suivi et de contrôle des activités de pêche telles que l’interdiction d’utiliser des avions pour l’aide à la pêche et le déploiement d’observateurs à bord des bateaux et des cages d’engraissement.

En termes de conservation, trois grandes mesures ont été adoptées :

- un TAC de 29 500 tonnes pour 2007, de 28 500 tonnes pour 2008, de 27 500 pour 2009 et 25 500 pour 2010,

- une fermeture de la pêche pendant six mois,

- une taille minimale des thons pêchés qui ne doivent pas peser moins de 30 kg, correspondant à la taille à maturité, avec des dérogations autorisant la prise d’animaux de 8 kg à la canne et au chalut pélagique dans l’Atlantique Est et à la senne à des fins d’embouche en mer Adriatique.

Mais ces mesures se sont révélées insuffisantes et ont été renforcées dans les années suivantes.

2. La répartition des quotas

Les quotas sont répartis entre les pays pêcheurs par la CICTA en fonction des antériorités historiques dans cette pêche.

L’Union européenne bénéficie d’un quota global représentant environ 60 % du quota total. Elle le répartit ensuite entre ses Etats membres pêcheurs. Les principaux pays pêcheurs de l’Union européenne sont la France, l’Espagne et l’Italie qui se partagent, respectivement, environ 33 %, 34 % et 26 % du quota européen. Chaque pays attribue ensuite son quota national à ses pêcheurs.

Il faut noter que les navires espagnols et italiens disposent d’un quota global alors que le quota français est réparti et individualisé par thonier senneur, mais demeure global pour les autres types de navires. Cette individualisation est certainement la meilleure façon de surveiller la consommation des quotas et de permettre à chaque navire de disposer de prises « garanties ».

Le contrôle est effectué par les autorités nationales des pays bénéficiaires des quotas selon les déclarations des pêcheurs. Ces autorités rendent ensuite compte à la CICTA. Dans l’Union européenne, chaque pays contrôle ses pêcheurs et rend compte au niveau communautaire.

Un renforcement des mesures de contrôle est intervenu depuis deux ans.

3. Le renforcement des mesures de contrôle

Ces mesures ont été significativement renforcées lors des deux réunions de la CICTA de Marrakech et de Recife.

a) La réunion de Marrakech

Celle-ci s’est tenue du 17 au 24 novembre 2008.

Concernant les TAC, une nouvelle réduction pluriannuelle progressive plus importante que celle prévue par le plan adopté à Dubrovnik a été adoptée.

Les nouveaux TAC ont été ainsi fixés : 22 000 tonnes en 2009 (au lieu de 27 500 tonnes), 19 950 tonnes en 2010 (au lieu de 25 500 tonnes) et 18 500 tonnes en 2011.

Les périodes de pêche ont été très fortement réduites. Pour les senneurs de Méditerranée, qui assurent la plus grande part des captures, la pêche n’est plus ouverte que du 15 avril au 15 juin, soit deux mois au lieu de six mois antérieurement.

Les mesures de contrôle des pêcheries ont été également raffermies par :

- la mise en place systématique d’observateurs de la CICTA sur les senneurs de plus de 24 mètres de long et dans les établissements d’engraissement ;

- un encadrement plus strict des opérations de mises en cage et d’engraissement ;

- un renforcement du dispositif de traçabilité afin de garantir la responsabilité de l’ensemble des acteurs depuis la capture jusqu’à la commercialisation.

D’autres mesures ont été adoptées à la réunion annuelle de Recife du 9 au 15 novembre 2009.

b) La réunion de Recife

Les mesures prises concernent :

- un nouvel abaissement, conformément aux recommandations du Comité scientifique de ICCAT, du TAC pour 2010 à 13 500 tonnes. Pour les années suivantes, de nouvelles mesures de gestion seront établies qui « permettront au stock de se rétablir avec 60 % de probabilités » ;

- une nouvelle réduction de la période de pêche à un mois du 15 mai au 15 juin et l’annulation de la possibilité de pêcher cinq jours supplémentaires en cas de mauvais temps qui avait été instituée pour 2009 ;

- la couverture à 100 % du programme d’observateurs pour les activités de sennage et d’engraissement ;

- un système de documentation des captures exhaustif ;

- la déclaration des captures quasiment en temps réel afin de suivre au plus près la consommation des quotas ;

- des pénalisations pour les contrevenants à ces mesures.

A. LES RESULTATS DE CETTE POLITIQUE

La pêche au thon rouge, compte tenu de la pression de la demande japonaise a donné lieu à une surpêche qu’un contrôle plus rigoureux doit permettre de faire régresser alors que les quotas de plus en plus faibles ont entraîné une surcapacité des flottes de pêche.

1. Le développement de la surpêche

Les quotas étaient généralement considérés par beaucoup comme peu respectés jusqu’à ces dernières années, donnant ainsi lieu à une surpêche encouragée par l’intensité de la demande japonaise. Diverses estimations de cette surpêche ont été émises, les chiffres les plus couramment publiés par divers organismes étant de l’ordre de 50 000 à 60 000 tonnes par an de 1998 à 2008.

Outre les contrôles qui ne sont réellement développés que depuis peu, les fraudes ont sans doute été fort nombreuses. Elles pouvaient revêtir un certain nombre de formes : fausses déclarations de pêche, puissance motrice des navires ne correspondant pas aux déclarations officielles, revente en mer de poissons pêchés par un bateau soumis à la réglementation de la CICTA à un bateau étranger, « quota papier », fraude consistant en fausses déclarations de poissons pêchés en réalité par des navires d’une autre nationalité, pêche sous le pavillon d’un pays non membre de l’Union européenne afin de ne pas être soumis aux contrôles européens…

Cette situation a appelé des contrôles plus rigoureux.

2. Des contrôles plus rigoureux

Suite aux diverses mesures adoptées par la CICTA, les contrôles de la pêche au thon rouge sont devenus beaucoup plus rigoureux.

Mais cette rigueur nouvelle est avant tout le fait de l’Union européenne qui a institué un dispositif renforcé de contrôle de la pêche en 2008 auquel la France a activement participé après avoir été, ceci est notable, le seul Etat à reconnaître une surpêche pour 2007. En effet cette année-là, la France disposant d’un quota de 6 000 tonnes a pêché 10 000 tonnes. Elle devra donc « rembourser » 4 000 tonnes à prélever sur ses quotas des années 2008, 2009, 2010 et 2011.

On peut estimer que les dispositions visant à assurer une gestion efficace de la pêche au thon rouge existent à l’heure actuelle, l’enjeu étant désormais de veiller à leur bonne application.

Cependant il reste une difficulté essentielle. Celle-ci vient, selon les termes du ministre chargé de l’agriculture et de la pêche dans sa réponse à une question écrite(6), « de l’absence ou de l’insuffisance de la mise en place de mécanismes de contrôle fiables par certains Etats du pourtour méditerranéen qui développent, de manière anarchique, des flottes considérables dont l’effort de pêche dépasse celui déployé par la flotte communautaire ».

3. Gérer les surcapacités de pêche

Ces surcapacités se sont développées dans tous les pays pêcheurs, au détriment de leur rentabilité.

Ainsi, un grand thonier senneur ne peut être rentable qu’à partir d’un quota de 150 à 200 tonnes par bateau. Or celui-ci est descendu à 80-85 tonnes en 2009 et il baissera encore en 2010 pour atteindre 70 tonnes. Or ces bateaux, très spécialisés, ne peuvent être utilisés pour d’autres types de pêches car ils sont, par exemple, trop petits pour la pêche au thon tropical ou trop grands pour d’autres pêches comme celle aux petits pélagiques.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche a ainsi indiqué à votre rapporteur que les senneurs français sont actuellement trop nombreux pour être rentables, compte tenu des quotas qui leur sont attribués. Il a donc estimé que la flotte française doit diminuer.

Des plans de sortie de flotte, avec destruction obligatoire des bateaux, ont été institués en Europe. Dans le cadre du plan actuel, les financements sont issus à 80 % de fonds nationaux et 20 % de fonds communautaires.

Le barème du Fonds européen pour la pêche (FEP) pour ces navires a été très largement revalorisé. La fourchette actuelle s’établit entre 2,165 millions d’euros pour les plus gros navires et 0,775 million d’euros pour les plus petits. Le budget global pour cette opération est actuellement de 10 millions d’euros. Une douzaine de bateaux devraient être ainsi retirés au cours de cette année 2010 en France.

A. QUEL AVENIR POUR CETTE ESPECE ?

1. L’échec de la tentative d’inscription à la CITES

a) La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction est un accord intergouvernemental signé à Washington le 3 mars 1973 et entré en vigueur le 1er juillet 1975.

Rassemblant 175 pays (« Parties »), son objectif est de garantir que la commerce international des espèces inscrites dans ses annexes, ainsi que les produits qui en sont issus, ne nuit pas à la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces. L’Union européenne, en tant que telle, n’est pas partie à cette Convention. Elle y est représentée par les 27 Etats membres défendant, en principe, une position commune.

Les décisions de la CITES sont contraignantes. Les Parties sont donc tenues de les appliquer. Cependant elles ne tiennent pas lieu de loi nationale. C’est un cadre que chaque Partie doit respecter et, pour cela, adopter une législation garantissant le respect de la Convention au niveau national.

La CITES contrôle et réglemente le commerce international des spécimens des espèces inscrites à ses annexes. Toute importation, exportation, réexportation (exportation d'un spécimen importé) ou introduction de spécimens des espèces couvertes par la Convention doit être autorisée dans le cadre d'un système de permis. Chaque Partie à la Convention doit désigner au moins un organe de gestion chargé d'administrer le système de permis et au moins une autorité scientifique qui lui donne son avis sur les effets du commerce sur les espèces.

Les espèces couvertes par cette Convention sont inscrites à l'une de ses trois annexes, selon le degré de protection recherché :

- l'Annexe I comprend toutes les espèces menacées d'extinction. Le commerce de leurs spécimens n'est autorisé que dans des conditions exceptionnelles ;

- l'Annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d'extinction mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie ;

- l’Annexe III comprend toutes les espèces protégées dans un pays qui a demandé aux autres Parties à la CITES leur assistance pour en contrôler le commerce.

L’inscription d’une espèce à l’Annexe I entraîne les procédures suivantes :

Un permis d'importation délivré par l'organe de gestion du pays d'importation est requis. Il n'est délivré que si le spécimen n'est pas utilisé à des fins principalement commerciales et si l'importation ne nuit pas à la survie de l'espèce. S'il s'agit de plantes ou d'animaux vivants, l'autorité scientifique doit être sûre que le destinataire est convenablement équipé pour les recevoir et les traiter avec soin.

Un permis d'exportation ou un certificat de réexportation délivré par l'organe de gestion du pays d'exportation ou de réexportation est également requis.

Le permis d'exportation n'est délivré que si le spécimen a été obtenu légalement. Le commerce ne doit pas nuire à la survie de l'espèce et un permis d'importation doit avoir été délivré.

Le certificat de réexportation n'est délivré que si le spécimen a été importé conformément aux dispositions de la Convention et, dans le cas de plantes ou d'animaux vivants, si un permis d'importation a été délivré.

Les plantes et les animaux vivants doivent être mis en état et transportés de façon à éviter les risques de blessures, de maladies ou de traitement rigoureux.

On voit que c’est un régime très contraignant interdisant tout commerce international de l’espèce en question.

C’est sous l’empire de cette annexe qu’il était proposé de ranger Thunnus Thynnus.

b) La proposition de Monaco

La principauté de Monaco a proposé à la Conférence de la CITES, qui a tenu du 13 au 25 mars dernier sa 15e session de la conférence des Parties à Doha, l’inscription de Thunnus Thynnus à l’Annexe I.

Une semblable tentative avait déjà eu lieu en 1992 à l’initiative de la Suède mais avait abouti à un échec.

Le Japon avait fait connaître avant l’ouverture de la conférence son opposition totale à cette initiative. Il était suivi par un très grand nombre de pays en voie de développement, notamment : Tunisie, Indonésie, Vénézuela, Chili, Corée, Maroc, Chine, Libye…, mais aussi le Canada.

Ces pays estimaient que la responsabilité de la pêche au thon rouge n’incombait pas à la CITES mais à la CICTA, le thon rouge ne satisfaisant pas au moins à un des critères d’inscription à l’Annexe I : réduction du nombre d’individus d’une espèce, diminution de son aire de répartition, déclin de la population de cette espèce.

Le Canada, quant à lui, considérait que cette inscription ne réglerait pas le problème de la surpêche.

A cet égard, il convient de citer le point de vue de M. Jean-Marc Fromentin(7) concernant ces trois critères : il a estimé que, si les deux premiers ne sont pas remplis, le troisième est plus sérieux mais nécessite un consensus scientifique, qui n’existe pas à l’heure actuelle, sur le choix du point de référence.

La proposition de Monaco était par contre soutenue par les Etats-Unis, la Norvège, la Suisse, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, la Serbie, l’Union européenne avançant une proposition commune à ses Etats membres.

c) La proposition de l’Union européenne

Précédée d’une proposition française, l’Union européenne avait élaboré assez laborieusement sa position commune.

Ÿ La proposition française

Le 3 février dernier la France avait fait part de sa décision de soutenir la proposition de Monaco d’inscrire le thon rouge à l’Annexe I de la CITES.

La France souhaitait que cette proposition ne s’applique qu’après un délai de 18 mois qui permettrait de procéder à l’analyse des stocks de cette espèce par la CICTA et par la CITES, ces deux organisations devant rendre leurs conclusions, respectivement en octobre prochain et en février 2011. Elle désirait également que soit préservée la possibilité de maintenir une pêche côtière artisanale et que la Commission européenne apporte des financements adaptés pour aider les thoniers qui ne pourraient pas poursuivre leurs activités.

Ÿ La proposition européenne

Le 11 mars dernier l’Union européenne avait arrêté sa position en établissant une proposition différente de celle de Monaco.

Elle avait ainsi posé trois conditions à cette inscription du thon rouge à l’Annexe I de la CITES :

- report de l’entrée en vigueur de cette inscription en attendant la réunion de la CICTA de novembre prochain ;

- décision renvoyée après cette réunion au Comité permanent de la CITES pour une entrée en vigueur au plus tard en mai 2011 ;

- établissement de dérogations pour permettre la poursuite d’une pêche artisanale dans les eaux sous la souveraineté des Etats membres de l’Union. Effectuée à la canne ou à la palangre, notamment, cette pêche artisanale pourrait continuer dans des zones bien délimitées, à destination des marchés nationaux ;

- étude par la Commission des possibilités de mettre en œuvre « toutes les mesures de financement nécessaires » pour aider les pêcheurs affectés par la décision d’interdire le commerce international du thon rouge.

d) Le vote de la Conférence de Doha et ses conséquences

LA CITES s’est prononcée sur les propositions de Monaco et de l’Union européenne le 18 mars dernier.

Les deux propositions ont été rejetées, celle de Monaco par 68 voix contre 20 favorables et 30 abstentions, celle de l’Union européenne par 72 voix contre 43 favorables et 24 abstentions.

Toutes les analyses de ces votes ont confirmé que les pays développés n’ont pas considéré à sa juste mesure le ralliement à la cause japonaise de pays pêcheurs comme, par exemple, le Sénégal, la Tunisie ou le Soudan. En effet, ces pays ont ainsi revendiqué leur droit au développement en faisant part de leur inquiétude pour l’avenir d’une activité qui assure le quotidien d’une partie importante de leur population.

Enfin, concernant plus spécifiquement l’Union européenne, on ne pourra que déplorer que les Etats membres n’aient réussi à se mettre d’accord entre eux que trois jours avant les votes, ce qui ne laissait aucune latitude pour essayer de convaincre les pays tiers.

La France a indiqué, quelques jours après ces votes, qu’elle allait désormais proposer à l’Union européenne de continuer ses efforts en vue de l’inscription du thon rouge à l’Annexe II de la CITES qui régule le commerce international des espèces menacées sans l’interdire.

Tous les protagonistes de la réunion de Doha ont affirmé se tourner vers la future réunion de la CICTA.

e) La future réunion de la CICTA

La prochaine réunion de la CICTA se tiendra en novembre prochain à Paris.

Elle va être précédée par le déroulement de la campagne de pêche débutant le 15 mai prochain pour un mois et par une nouvelle évaluation de la ressource en thon rouge qui sera publiée en septembre prochain par cette organisation.

Il est bien sûr trop tôt pour anticiper le déroulement de cette réunion, mais deux positions sont susceptibles de retenir l’attention : une nouvelle diminution des quotas ou l’établissement d’un moratoire.

Une nouvelle diminution des quotas est probablement très vraisemblable permettant ainsi aux pays ayant refusé le classement, et, notamment au Japon, de montrer de la « bonne volonté ».

Cette solution ne ferait que faire empirer la situation des pêcheurs dans la mesure où elle entraînera une nouvelle baisse de la rentabilité des bateaux. Elle pourrait aussi exercer une pression supplémentaire à la pêche illégale, la demande japonaise ne faiblissant probablement pas.

Votre rapporteur est donc partisan que les pêcheurs à la senne, ainsi incités à abandonner cette pêche, soient indemnisés pour leur permettre de se réorienter vers d’autres activités de pêche, les quotas de thon rouge devant être, à l’avenir, affectés aux pêcheurs artisanaux.

1. Le développement du cycle complet d’élevage du thon rouge

a) Les difficultés de cet élevage

Le Japon mène depuis un certain temps des expériences d’élevage du thon en cycle complet, c’est-à-dire de l’œuf à l’adulte prêt à la commercialisation.

Mais, jusqu’à maintenant, de nombreuses difficultés se posaient dans ce domaine. Ainsi, si sa reproduction avait déjà été observée en captivité, il n’avait pas été possible de contrôler le phénomène.

Le développement des larves et des juvéniles en captivité avait un très mauvais rendement global puisque des dizaines de milliers d’œufs n’aboutissaient qu’à quelques centaines d’individus. Enfin, dans les phases suivantes, les taux de mortalité des survivants étaient très importants.

b) Des progrès récents

Pour parvenir au développement d’une industrie aquacole, les efforts de recherche portaient de façon principale sur trois objectifs :

- contrôle de la ponte du thon rouge en captivité ;

- élevage des larves et production de juvéniles ;

- mise au point d’une alimentation appropriée, respectueuse de l’environnement.

Les Japonais semblent avoir pris une certaine avance dans ce domaine.

Ainsi la fermeture du cycle biologique du thon rouge a été obtenue pour la première fois en 2002 au Japon par la naissance de juvéniles à partir de géniteurs nés en captivité. En 2009, environ 30 000 jeunes thons issus d’élevage ont été mis à grossir en cage.

Très récemment, une entreprise japonaise a affirmé avoir commencé à exporter des thons rouges nés et élevés en captivité aux Etats-Unis pour les restaurants de sushis.

L’Union européenne finance deux programmes de recherche dans ce domaine : SELFDOTT et ALLOTUNA. Des résultats encourageants ont déjà été obtenus.

Ainsi, dans le cadre de SELFDOTT, ont été produits pour la première fois en 2009, sur le site de Carthagène, 140 millions d’œufs viables de thon rouge. Quelques individus de 10 centimètres ont été obtenus. De son côté ALLOTUNA a produit quelques dizaines de milliers d’œufs pour la deuxième année consécutive.

Ces avancées sont tout à fait appréciables mais, si on admet un certain épuisement de la ressource en thons rouges, il sera sans doute difficile à court terme de fournir des thons de plusieurs centaines de kilo pour satisfaire en quantité et en qualité la demande japonaise.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 9 juin 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. André Schneider. Dans la mesure où tous les pays sont consommateurs de poissons, il serait utile de connaître la position des autres Etats membres sur ce dossier.

M. Robert Lecou, rapporteur. Le premier juin dernier, je me suis rendu, avec un autre député et deux sénateurs, à une réunion interparlementaire au Parlement européen à laquelle étaient invités l’ensemble des parlementaires nationaux. Au cours de cette journée de larges échanges, la Commission européenne a acté la nécessité d’une régionalisation de la politique commune de la pêche. En effet, il faut éviter de calquer sur des territoires différents, des méthodes uniformes. Pourquoi la Grèce devrait-elle faire ce qui se fait en Mer Baltique ? Je pense que les 27 Etats membres ont bien compris l’enjeu de la prise en compte de la spécificité des régions de pêche.

Le problème de la pêche est très sensible. En effet, si l’homme a pu passer de la cueillette à l’agriculture et de la chasse à l’élevage, il n’a pas réussi à dompter la mer. L’aquaculture n’a pas, pour le moment, été en mesure de se substituer à la pêche. Il faut 15 kilos de poissons sauvages pour nourrir un kilo de thon rouge…L’aquaculture ne peut, dans ces conditions, répondre aux besoins de la consommation.

M. Thierry Mariani. Le hasard de la campagne électorale pour les élections régionales m’a conduit dans des zones de pêche du thon rouge en Méditerranée. J’ai été frappé par le fait que personne ne peut dire quel est l’état exact des réserves. Les écologistes estiment qu’elles sont en baisse. L’IFREMER, dont les scientifiques ne peuvent être soupçonnés de partialité, indique en revanche, dans ses travaux établis à partir de survols aériens du golfe du Lion, que la ressource a été améliorée.

Je regrette l’emballement médiatique autour de la campagne engagée par le Prince de Monaco et je souhaiterais savoir sur la base de quelles informations scientifiques elle a été initiée.

Par ailleurs, va-t-on disposer d’une autre étude que celle de l’IFREMER dont on ne peut mettre en cause la neutralité scientifique ?

Enfin, je voudrais souligner que les pays européens se doivent d’être tous exemplaires en matière de respect de la réglementation. Or on peut regretter la fragilité des dispositifs de contrôle dans certains pays du Sud. Si les pêcheurs bénéficient d’aides en contrepartie d’acceptation de contrôles, il est nécessaire que tous respectent leurs obligations et que les pays du Nord ne soient pas les seuls à faire les frais d’une réglementation rigoureuse.

M. Robert Lecou, rapporteur. L’état de la ressource est une question très controversée. Il faudrait que les chercheurs disposent de plus de moyens car quadriller la mer n’est pas chose facile. Dès lors, les ressources et les stocks sont très difficiles à appréhender. En tout état de cause, si personne ne peut établir de manière certaine le niveau des ressources, il est incontestable qu’il y a eu une « surpêche ». L’IFREMER travaille encore sur ce sujet. La CICTA qui est en liaison avec des scientifiques du monde entier, va prochainement faire connaître les résultats de sa dernière campagne de recherche sur lesquels elle se calera pour faire des préconisations. Si, en l’état actuel des travaux, on ne peut affirmer de manière certaine que l’espèce est en voie de disparition, la prudence est cependant de mise. Il est cependant certain qu’avec la restriction sur les périodes de pêche et la réduction des quotas, cette pêche va devenir de moins en moins rentable. Si les quotas sont restreints, il sera nécessaire de les affecter prioritairement aux pêcheurs artisanaux.

Je souhaiterais redire que les comportements violents de ce week-end vis-à-vis de pêcheurs qui agissaient en plein respect de la réglementation ne sont pas acceptables.

M. Pierre Forgues. Je voudrais également féliciter le rapporteur pour ce travail approfondi et de l’occasion que nous avons ainsi de nous saisir d’une question qui intéresse tout le monde, que l’on appartienne aux rives de la Méditerranée ou non.

Vous avez évoqué un temps où la Méditerranée nourrissait sa population. Maintenant, les choses ont changé : il s’agit de nourrir 6 milliards d’humains et les technologies ont radicalement évolué.

Peut-on définir la notion de « pêche artisanale » ? Alors que je me trouvais sur le bassin d’Arcachon, j’ai vu un catamaran de pêche – dont j’ai su qu’il avait été financé par l’Union européenne – qui avait une capacité équivalente à celle de deux cents petits bateaux. Il faut que la politique communautaire soit cohérente. Si l’on dit que l’on veut maintenir une pêche artisanale, certaines technologies comme l’emploi de filets qui raclent le sol, ne doivent pas être admises. La pêche au thon est vouée à disparaître si elle n’est plus rentable. Les quotas accordés étaient de 2 000 tonnes en 2010. Or, sur vingt-huit bateaux, seuls dix-sept sont partis en campagne, chacun réalisant 200 tonnes. Le calcul est vite fait : le quota est déjà dépassé d’une fois et demie…

Il est très difficile d’évaluer le niveau de la ressource et chacun a sa propre expertise scientifique, les pêcheurs et Greenpeace…Il est donc indispensable d’avoir des scientifiques indépendants pour réaliser l’exercice délicat qu’est celui de l’évaluation des réserves de thon rouge.

Les politiques et l’ensemble des pays européens doivent se saisir de cette question qui doit être une priorité forte.

Je voudrais faire un certain nombre de remarques sur la proposition de résolution, au-delà des bonnes intentions qui la sous-tendent. Vous indiquez que la pêche au thon rouge va devenir non rentable. Cela semble être déjà le cas ! Vous demandez que les quotas soient affectés vers les pêcheurs artisanaux. Mais sur la base de quels critères ? Comment concrètement privilégier ces pêcheurs ?

Si les pays riverains doivent s’engager, c’est dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée que cela doit se faire.

M. Robert Lecou, rapporteur. Il est vrai que les besoins alimentaires sont immenses, ce qui rend nécessaire de développer les recherches en aquaculture. Les critères de distinction entre pêche artisanale et pêche industrielle tiennent essentiellement aux méthodes employées. Ainsi, la pêche à la senne consiste à jeter un filet tournant qui permet, avec de petits bateaux, d’encercler le poisson et de pêcher, en une seule prise, deux cents tonnes. La pêche industrielle se caractérise aussi par le repérage électronique (radars, bateaux repères) des bancs de poissons ainsi que par la taille des bateaux.

En tout état de cause, il est important de maintenir la pêche artisanale dans les ports afin que le littoral ne dépende pas seulement du tourisme.

M. Pierre Forgues. Pourquoi ne pas dire aux pêcheurs que la pêche au thon rouge ne sera plus rentable ?

M. Robert Lecou, rapporteur. On s’en approche. Si on baisse les quotas et si les périodes sont limitées, de facto, la rentabilité va encore diminuer. On n’interdit certes pas la pêche mais l’on crée les conditions de son étouffement. Il faudrait avoir le courage de ne pas accepter les méthodes traditionnelles. En tout état de cause, les pêcheurs ont eu des financements pour investir et donc, après 2012, il faudra prévoir un réel accompagnement. Aussi suis-je inquiet quand j’entends Mme Maria Damanaki, commissaire chargée de la mer et de la pêche, dire que l’argent manquera…

M. Pierre Forgues. J’estime que la proposition de résolution n’est pas assez forte même si je suis d’accord avec les termes généraux, et que donc je la voterai.

M. Robert Lecou, rapporteur. Il ne s’agit que d’un cadre général et l’on a parfois besoin de loi-cadre ! »

La Commission a ensuite adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Règlement (CE) no 1967/2006 du conseil du 21 décembre 2006 concernant les mesures de gestion pour l’exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée et modifiant le règlement (CEE) no 2847/93 et abrogeant le règlement (CE) no 1626/94 (COM [2003] 589 final/no E 2404),

1. Juge indispensable de renforcer la lutte contre la dégradation de l’environnement en Méditerranée, cette action devant être principalement conduite dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (UpM) afin qu’y soient pleinement associés tous les pays méditerranéens ;

2. Souhaite que la future Politique commune de la pêche qui doit être réformée en 2012 adopte une approche régionalisée pour tenir compte des caractéristiques et conditions particulières des activités de pêche, notamment en Méditerranée ;

3. Demande que des conversations s’engagent entre les pays méditerranéens pour définir les moyens de sanctionner les contrevenants aux règles de la pêche en Méditerranée afin de garantir une concurrence équitable ; 

4. Juge indispensable de renforcer les moyens d’action et de contrôle de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (C.G.P.M.) ;

5. Demande que les Prud’homies soient reconnues au niveau européen comme organisme de gestion locale de la pêche dans le cadre d’une décentralisation accrue de la politique commune de la pêche ;

6. Estime que tous les pays de l’Union européenne riverains de la Méditerranée doivent instituer une zone économique exclusive au large de leurs côtes pour pouvoir, notamment, y exercer un contrôle rigoureux des activités de pêche ;

7. Souligne la nécessité de développer une approche écosystémique de la pêche en Méditerranée afin de placer les activités humaines au centre de l’écosystème en optimisant, tout en préservant la biodiversité, facteur de richesses dans le futur, les équilibres entre les différents usages de cette mer ;

8. Souhaite que le maintien de la pêche artisanale méditerranéenne soit une priorité forte de la future Politique commune de la pêche dans la mesure où cette activité est essentielle au maintien d’un tissu économique et social dense sur les littoraux de cette mer ;

9. Demande que les recherches sur l’évaluation des stocks de poissons méditerranéens fassent l’objet d’une action importante en y associant réellement les pêcheurs ;

10. Constate que la pêche au thon rouge, du fait de la diminution incessante des quotas et des périodes de pêche, va devenir, pour les pêcheurs à la senne, économiquement non rentable ;

11. Souhaite donc que ces pêcheurs soient indemnisés pour leur permettre de se réorienter vers d’autres activités de pêche ;

12. Demande que les quotas de thon rouge soient affectés à l’avenir aux pêcheurs artisanaux ;

13. Souhaite que les fonds européens accordent un soutien important aux recherches sur le cycle complet d’élevage du thon rouge pour permettre à l’Europe d’occuper les premières places dans ce domaine.

ANNEXE:
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I. PERSONNES ENTENDUES PAR MME ARLETTE FRANCO

1. Union européenne

– M. Joe Borg, Commissaire européen chargé de la pêche et des affaires maritimes ;

– M. Marc Jeuniaux, conseiller à l’Agence communautaire de contrôle des pêches.

2. France

– M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche.

3. Espagne

Ø Pouvoirs publics

– M. Juan Carlos Martin Fragueiro, Secrétaire général de la mer ;

– M. Rafael Centenara, sous-directeur général des relations de pêche internationales du Secrétariat général de la Mer ;

– Mme Rosaura Del Val Izquierdo, sous-directrice générale de la flotte de pêche et de la formation du Secrétariat général de la Mer ;

– M. José-Luis Gonzalez Serrano, sous-directeur général des fonds structurels et de l’aquaculture du Secrétariat général de la Mer ;

– Mme Monica Martinez, conseillère technique du directeur général des ressources de pêche et de l’aquaculture ;

– M. José-Luis Puig, chargé des contrôles en Méditerranée.

Ø Organisation

– Mme Maria Jose Gonzalez, secrétaire adjointe de CEPESCA ;

– Mme Almudana Gomez, biologiste à CEPESCA.

Ø International Commission for the Conservation of the Atlantic Tunas (ICCAT)

– M. Papa Kebe, responsable du service statistique ;

– M. Driss Mesky, Secrétaire exécutif ;

– Mme Carmen Ochoa, responsable du service Contrôle – Captures – Bateaux.

II. PERSONNES ENTENDUES PAR M. ROBERT LECOU

1. Union européenne

– M. Joe Borg, Commissaire européen chargé de la pêche et des affaires maritimes.

2. France

Ø Pouvoirs publics

– M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

– M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

– Mme Sylvie Alexandre, directrice des pêches maritimes et de l’aquaculture au ministère de l’agriculture et de la pêche ;

– M. Jean-Christophe Roubin, conseiller technique « Pêche et aquaculture » au cabinet de M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche ;

– Mme Nicette Aubert, Vice-Présidente du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, chargée de l’agriculture et de la pêche ;

– M. Jean-Baptiste Giordano, Vice-Président du Conseil Régional de Languedoc-Roussillon, chargé de la pêche professionnelle ;

– M. Etienne Mourrut, Député du Gard, Maire du Grau du Roi ;

– M. Léopold Rosso, Conseiller général du Gard, 1er adjoint au maire du Grau du Roi ;

– M. Hervé Sargueil, adjoint au maire du Grau du Roi, chargé de la pêche et de l’environnement.

Ø Organisations

– M. André Louis Bellet, administrateur France de la Fédération française des pêcheurs en mer ;

– M. Charles Braine, chargé du programme pêche de WWF ;

– M. Jacques Champoléon, responsable de la Commission nationale de pêche sportive en haute mer ;

– M. François Chartier, chargé de la campagne « Océans/Mers » de Greenpeace ;

– M. Henri Gronzio, Président de Comité régional Languedoc-Roussillon des pêches maritimes et des élevages marins ;

– Mme Caroline Mangalo, chargée de mission « Méditerranée » du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins ;

– M. Gérard Pérodi, Président national de la Fédération française des pêcheurs en mer ;

– M. Jean-Christophe Raymond, spécialiste de l’aquaculture en Méditerranée du Comité national des pêches et des élevages marins.

Ø Pêcheurs

Sète

– M. Gérald Lubrano, armateur à la pêche ;

– M. Rosario Migliore, pêcheur, responsable d’un thonier ;

– M. Guy Mirète, ancien pêcheur indépendant, 1er Prud’homme du port d’Agde, responsable de production ;

– M. Raphaël Scannapieco, armateur à la pêche, Prud’homme majeur de Sète ;

– M. Bertrand Wendling, directeur de SA THO AN.

LeGrau-du-Roi

– M. Joseph Geniale, pêcheur à la thonaille en retraite ;

– M. Paul Gros, patron pêcheur de chalutier ;

– M. Dominique Mastrangelo, pêcheur ;

– M. Philippe Pélissier, marin pêcheur.

Marseille – Corse

– M. Laurent Buono, patron pêcheur ;

– M. Augustin Cane, pêcheur ;

– Mme Aurélie Cane, pêcheur ;

– M. Jean-Christophe Cane, pêcheur, 5ème Prud’homme d’Antibes ;

– M. Denis Genovese, 1er Prud’homme d’Antibes ;

– M. Mourad Kahoul, premier Prud’homme de Marseille, Président de MEDISAMAK ;

– M. Jean Lubrano, patron pêcheur ;

– M. Patrick Roméo, 1er Prud’homme de Saint-Raphaël ;

– M. Gérard Romiti, Prud’homme majeur de Bastia-Cap Corse, Président du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Corse ;

– Mme Hélène Vanni, membre du Comité local des pêches de Marseille ;

– M. Serge Vanni, membre du Comité local des pêches de Marseille.

Ø Chercheurs

– M. Jean Barret, responsable « conchyliculture » à l’Institut français pour l’exploitation de la mer (IFREMER) ;

– Mme Béatrice Chatain, chercheur en biologie à l’IFREMER et membre de l’European Aquaculture Technology Innovation Platform ;

– M. Denis Covès, responsable « pisciculture » à l’IFREMER ;

– M. Philippe Cury, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Directeur du Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale ;

– M. Jean-Marc Fromentin, cadre de recherches à l’IFREMER ;

– M. Gildas Le Corre, responsable du Département halieutique méditerranéen et tropical, chef du Laboratoire « Ressources halieutiques » de Sète (IFREMER) ;

– M. Louis-Alexandre Romaňa, responsable scientifique « Environnement côtier » (IFREMER).

3. Italie

Ø Pouvoirs publics

– M. Francesco Saverio Abate, directeur général des Pêches maritimes et de l’aquaculture (Ministère de la politique agricole, de l’alimentation et de la forêt) ;

– M. Paolo Russo, Député, Président de la XIIIème Commission de la Chambre des Députés (Agriculture) ;

– M. Roberto Rosso, Député, Vice-Président de la XIIIème Commission de la Chambre des Députés (Agriculture).

Ø Food and Agriculture Organization (FAO)

– M. Jean-François Pulvenis de Seligny Maurel, Directeur de la Division des politiques et de l’économie des pêches et de l’aquaculture ;

– M. Pedro Barros, Spécialiste des ressources halieutiques, Service de la gestion des pêcheries et de la conservation ;

– M. Ndiaga Gueye, Chef du service des institutions internationales et de liaison ;

– M. Dominique Greboval, Chargé du Service de la programmation du développement ;

– M. Jacek Majkowski, Chargé du suivi de la ressource au service de la gestion des pêcheries et de la conservation ;

– M. Marc Taconet, Chef du projet des systèmes d’information sur les pêches au service des statistiques et de l’information sur les pêches et l’aquaculture ;

– Mme Sachiko Tsuji, Chargée des statistiques au service des statistiques et de l’information sur les pêches et l’aquaculture ;

Ø Commission générale des pêches pour la Méditerranée (GGPM)

– M. Abdellah Srour, Secrétaire général adjoint.

4. Croatie

Ø Pouvoirs publics

– M. Tonci Bozanic, Secrétaire d’Etat à l’agriculture, à la pêche et au développement durable ;

– Mme Neda Skakelja, chef de la direction Pêche du Ministère de l’agriculture, de la pêche et du développement durable.

Ø Pêcheurs et engraisseurs

– M. Petar Baranovic, Président du syndicat des pêcheurs ;

– M. Marčelo Ćurković, cadre technique de l’entreprise Marituna ;

– M. Miljenko Dunatov, directeur de Tankerkomerc ;

– M. Miro Kucic, Membre du groupement Pêche auprès de la Chambre de commerce croate ;

– M. Tomislav Mazić, directeur commercial de l’entreprise Marituna ;

– Mme Darija Vidučić, vice-directrice commerciale de Tankerkomerc.

Ø Délégation de l’Union européenne en Croatie

– M. Emmanuel Le Clerc, responsable du département « Agriculture et sécurité alimentaire » de la Délégation de la Commission européenne en Croatie ;

– M. Alexander Zenebe, responsable du département « Agriculture et pêches » de la Délégation de la Commission européenne en Croatie.

5. Turquie

Ø Pouvoirs publics

– M. Ramazan Kadak, Sous-Secrétaire d’Etat adjoint au ministère de l’agriculture et des affaires rurales ;

– M. Orhan Ziya Diren, Député ;

– M. Oğuz Oyan, Député ;

– M. Mustafa Imir, directeur des relations internationales au ministère de l’agriculture et des affaires rurales ;

– M. Ali Karaca, directeur général de la production et du développement au ministère de l’agriculture et des affaires rurales ;

– M. Ahmet Yücel, directeur général de la recherche agricole au ministère de l’agriculture et des affaires rurales ;

– M. Muzzafer Aydemir, directeur général de la protection et du contrôle au ministère de l’agriculture et des affaires rurales ;

– M. Vahdettin Kürüm, directeur des produits de la mer au ministère de l’agriculture et des affaires rurales.

Ø Délégation de l’Union européenne en Turquie

– Mme Leyla Alma, experte chargée de la pêche ;

– M. Gürdoğar Sarigül, expert chargé de l’environnement ;

– M. Tibor Varadi, adjoint au délégué de la Commission européenne.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 ()Les espèces pélagiques sont les espèces vivant près de la surface. Elles s’opposent aux espèces démersales, espèces vivant au voisinage du fond de la mer.

3 ()« Menaces sur le thon rouge » par Alain Fonteneau, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), et Jean-Marc Fromentin, cadre de recherche à l’IFREMER, Pour la Science n° 381 Juillet 2009.

4 ()Les Echos du 1er mars 2010 « L’extinction du thon rouge remis en cause par des scientifiques » ; Le Figaro du 2 mars 2010 « Polémique sur l’état des stocks de thon rouge ».

5 ()Le Monde du 19 mars 2010.

6 ()Réponse à la question écrite de M. Jacques Remiller no 37550 JO AN du 31/03/2009 page 3063.

7 ()Enviro2b.com du 15 mars 2010.