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N2922

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 octobre 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le gouvernement économique européen,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Michel HERBILLON et Christophe CARESCHE,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES ACQUIS : UN CERTAIN NOMBRE DE DECISIONS DEJA PRISES, MAIS QUI APPELLENT DES DEVELOPPEMENTS ULTÉRIEURS 7

A. LA STRATÉGIE EUROPE 2020 : QUELS INVESTISSEMENTS ? 7

B. LE « SEMESTRE EUROPÉEN » : QUEL RÔLE POUR LES PARLEMENTS ? 9

1. Propositions initiales de la Commission européenne sur le « semestre européen » 9

2. Les travaux de la « task force », du Conseil des ministres et du Conseil européen 11

3. Le dispositif adopté 11

C. LE FONDS EUROPÉEN DE STABILITÉ FINANCIÈRE (FESF) : ET APRÈS ? 14

II. LES PROPOSITIONS EN DISCUSSION : RENFORCER LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE, CRÉER UNE SURVEILLANCE DES DESEQUILIBRES MACROECONOMIQUES EXCESSIFS 19

A. LE « PAQUET » LÉGISLATIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE (29 SEPTEMBRE 2010) 19

1. Le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance passe, selon la Commission européenne, par une amélioration de ses dispositions, des instruments d’exécution plus efficaces, et des dispositions applicables aux droits budgétaires nationaux 20

a) Réforme du volet préventif du Pacte : le système de surveillance multilatéral (UE-27) 20

b) Réforme du volet correctif du Pacte : la procédure des déficits excessifs (zone euro) 22

2. La surveillance et la coordination des politiques budgétaires est complétée par une nouvelle démarche, qui porte, au-delà des budgets nationaux, sur les évolutions macroéconomiques des pays membres 24

a) Prévention des déséquilibres macroéconomiques (UE-27) 24

b) Sanction des déséquilibres macroéconomiques (zone euro) 26

B. LE RAPPORT FINAL DU GROUPE DE TRAVAIL PRÉSIDÉ PAR M. HERMAN VAN ROMPUY (18 OCTOBRE 2010) 27

C. LES POSITIONS COMMUNES DE LA FRANCE ET DE L’ALLEMAGNE 29

D. LES PROPOSITIONS DU PARLEMENT EUROPÉEN (RÉSOLUTIONS DU 20 OCTOBRE 2010) 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 43

ANNEXES 47

ANNEXE 1 : CONTRIBUTION FRANCO-ALLEMANDE AUX TRAVAUX DE LA « TASK FORCE » (JUILLET 2010) 49

ANNEXE 2 : DECLARATION DU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANCAISE ET DE LA CHANCELIERE DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D’ALLEMAGNE (DEAUVILLE – LUNDI 18 OCTOBRE 2010) 49

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La réflexion collective sur la mise en place d’un gouvernement économique européen est loin d’être achevée. Les rapporteurs considèrent que leur travail sur ce thème n’est donc pas clos, mais une étape importante est en train d’être franchie : avec la remise du rapport du groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy au Conseil européen le 28 octobre, le « paquet » de propositions législatives présenté par la Commission européenne le 29 septembre, le compromis franco-allemand sur quelques grands principes, les décisions déjà adoptées sur la création du « semestre européen », et quelques progrès significatifs réalisés en matière de régulation et de supervision financières, on peut considérer que l’Europe est sur la bonne voie.

Par rapport à la communication présentée en mai dernier devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée, les rapporteurs souhaitent aujourd’hui faire le point sur : les acquis, encourageants ; les incertitudes, qu’il faudra rapidement surmonter ; les lacunes dans le nouveau système, qui sont autant de chantiers à ouvrir ; et les orientations à soutenir.

Commençons par affirmer un choix sémantique délibéré : les rapporteurs soutiennent l’édification d’un « gouvernement économique européen », et l’emploi de ce terme, par rapport à celui de « gouvernance », a dans leur esprit des implications très importantes. Le concept de « gouvernance », qui a prévalu pendant plusieurs mois dans les déclarations officielles au niveau européen, fait référence, certes, à une amélioration de la coordination des politiques économiques passant par une révision des règles et procédures en vigueur, mais renvoie plus à une méthode qu’à un véritable projet politique.

L’Union européenne doit se doter, avec l’ensemble d’instruments qui formera le « gouvernement économique européen », d’un projet politique d’envergure, crédible, lisible pour ses citoyens, à la fois plus ambitieux et plus contraignant pour les pays de la zone euro que pour l'Union européenne à vingt-sept mais ayant également une réelle portée à ce niveau – notamment pour contribuer à consolider la place de l’acteur « Europe » dans le monde. Le « gouvernement » économique européen, s’il est bien conçu, sera doté d’une légitimité démocratique que n’aurait pas nécessairement un dispositif – plus technique que politique – de « gouvernance ».

Au mois de mai, les rapporteurs avaient présenté :

- d’une part, les grands axes de réflexion choisis : le périmètre géographique (à vingt-sept / zone euro) pour le gouvernement économique ; la responsabilité des décisions ; le champ de la surveillance ; la question des sanctions ; enfin, la dimension externe du gouvernement économique ;

- et d’autre part, des conclusions définissant le gouvernement économique comme devant exercer trois fonctions : la formulation de grandes impulsions de politique économique, la surveillance en vue de la prévention des crises, et la gestion des crises.

Quel est l’état d’avancement des travaux sur chacun de ces grands axes et sur chacune de ces trois fonctions ? Il est très inégal : les travaux ont abouti à de premiers résultats, qui appellent cependant des précisions, sur le périmètre géographique, le champ de la surveillance, et les sanctions, et les deux premières fonctions commenceront à prendre forme lors du premier « semestre européen » début 2011. Demeurent à ce stade largement inexplorées voire complètement négligées : l’implication des parlements nationaux dans la responsabilité politique des décisions, la possibilité de créer des incitations financières positives et pas seulement des « punitions », la dimension externe, et la gestion des crises.

I. LES ACQUIS : UN CERTAIN NOMBRE DE DECISIONS DEJA PRISES, MAIS QUI APPELLENT DES DEVELOPPEMENTS ULTÉRIEURS

A. La stratégie Europe 2020 : quels investissements ?

La stratégie Europe 2020 est la nouvelle stratégie européenne pour l’emploi et la croissance, qui prend dès cette année le relais de la stratégie de Lisbonne, dont le bilan avait été globalement décevant. Elle doit représenter le volet structurel de la nouvelle gouvernance économique en cours d’élaboration, guider la définition de son contenu. Le Conseil européen de juin l’a définitivement adoptée, en arrêtant ses grands objectifs chiffrés.

Les grands objectifs de la stratégie Europe 2020

- l’emploi : objectif d’un taux d’emploi de 75 % pour la population de 20 à 64 ans ;

- l’éducation : réduction du taux de décrochage scolaire à moins de 10 % et augmentation de la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur à hauteur de 40 % ;

- la réduction de la pauvreté : l’objectif est que 20 millions de personnes au moins cessent d’être confrontées au risque de pauvreté et d’exclusion ;

- la lutte contre le changement climatique : mêmes objectifs que le paquet énergie-climat adopté en 2009 : réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 %, augmentation de l’efficacité énergétique de 20 % et part d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de 20 % ;

- la recherche et développement : porter à 3 % du PIB le niveau des investissements publics et privés.

Il revient désormais aux Etats membres de fixer leurs objectifs nationaux, dans le cadre d’un dialogue avec la Commission européenne. Ces objectifs seront l’un des éléments des programmes nationaux de réforme, qui seront transmis à la Commission en même temps que les programmes de stabilité et de convergence, dans le cadre de la nouvelle procédure du « semestre européen ».

Afin que la stratégie repose sur des actions concrètes, la Commission européenne a proposé le lancement de plusieurs « initiatives phares » dans chacune des grandes priorités. Elle a présenté au Conseil européen de juin la première de ces grandes initiatives intitulée « Une stratégie numérique pour l’Europe ».

Ces décisions appellent quelques remarques :

- la principale faiblesse de la stratégie de Lisbonne résidait dans le fait qu’elle reposait quasi-exclusivement sur des actions des Etats membres. La stratégie Europe 2020 ne semble pas en tirer les leçons. Certes, il est prévu de donner un rôle moteur au Conseil européen, de façon à renforcer sa dimension politique. Mais une meilleure coordination des politiques budgétaires nationales devrait aller jusqu’à une mutualisation des budgets nationaux sur de grands projets dans les domaines de la recherche, de l’innovation, du numérique, de l’énergie, des transports et de la défense. Cette mutualisation permettrait de renforcer l’efficacité des actions des Etats, en permettant tant d’éviter les redondances que d’atteindre une masse critique. Les réformes proposées en la matière ne vont cependant pas aussi loin ;

- la question des financements, pourtant capitale, est éludée, comme l’a souligné M. Alain Lamassoure lors de son audition par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée le 13 octobre dernier. Il est évident que le budget européen, qui repose sur des contributions nationales, est par définition limité et n’est pas susceptible de financer à lui seul les grands projets d’avenir envisagés. De très fortes contraintes pèsent également sur les budgets nationaux. Le fait que les deux grands projets actuels impliquant l’Union européenne, ITER et Galileo, connaissent des difficultés de financement, illustre bien les limites de l’action européenne. Or il est nécessaire, dans le cadre d’une stratégie de croissance, de « relever le défi de l’investissement à long terme », comme le formule le Parlement européen(2), et notamment, d’avoir une politique ambitieuse d’investissement public.

On peut rappeler que le rapport du « groupe de travail sur l’avenir de l’Europe » présidé par M. Felipe Gonzalez préconisait, parmi ses recommandations, la définition d’un objectif de croissance du volet d’investissement des dépenses publiques des Etats membres.

Cette question renvoie au débat sur la possibilité d’un « emprunt européen ». L’idée avait été évoquée par M. Joaquin Almunia, alors commissaire aux affaires économiques, au printemps dernier lors de la crise grecque. Le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, a annoncé, dans son discours sur l’état de l’Union en septembre dernier, qu’il proposerait la création d’emprunts obligataires européens, non pas pour venir en aide aux pays connaissant des crises d’endettement, mais pour le financement de grands projets d’avenir, en collaboration avec la Banque européenne d’investissement. Les détails de cette proposition ne sont pas encore connus.

A ce stade, l’investissement public est insuffisamment pris en compte dans les propositions sur le gouvernement économique. Or il pourrait être un élément fort de convergence des économies, notamment entre la France et l’Allemagne. L’existence d’un espace de discussion entre les deux pays sur cette question des investissements a été soulignée par M. Jean-François Jamet, économiste(3), lorsque les rapporteurs l’ont auditionné dans le cadre de leurs travaux. Un accord franco-allemand pourrait permettre d’amorcer une dynamique positive en Europe, qu’il s’agisse des réseaux énergétiques, des transports, du numérique ou encore de la recherche, d’autant plus qu’un consensus très large semble exister pour que, comme le demande le Parlement européen, « l’investissement public [soit] bien ciblé et que l’innovation, la recherche, l’enseignement, l’efficacité énergétique et les nouvelles technologies [soient] des priorités ». La mutualisation de certains budgets nationaux consacrés à des investissements d’intérêt commun pourrait être un instrument de cette démarche franco-allemande.

B. Le « semestre européen » : quel rôle pour les parlements ?

La première réforme adoptée par les Etats membres dans le cadre de la réflexion sur le « gouvernement » ou la « gouvernance » économique européen(ne) est le « semestre européen » de coordination des politiques économiques. Ce système, sur la base des propositions de la Commission européenne(4), et des travaux du « groupe de travail » présidé par M. Herman Van Rompuy, a été adopté par les Etats membres lors du Conseil Ecofin du 7 septembre 2010, sous la forme juridique d’une modification du « code de conduite »(5) qui régit la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance.

1. Propositions initiales de la Commission européenne sur le « semestre européen »

Dans ses conclusions du 26 mars 2010, le Conseil européen avait décidé : « Il conviendrait de mieux coordonner le calendrier pour la présentation des rapports et l’évaluation des programmes nationaux de réforme et des


programmes de stabilité et de convergence
(
6), afin d’améliorer la cohérence globale des conseils stratégiques adressés aux Etats membres ».

Le 12 mai 2010, la Commission européenne a présenté une communication sur le renforcement de la gouvernance économique dans l'Union européenne, dans laquelle elle proposait notamment de faire converger les budgets et les programmations politiques par l’institution d’un « Semestre européen de coordination des politiques économiques », de manière à ce que les Etats membres se livrent à une coordination précoce lorsqu’ils préparent leurs budgets nationaux et leurs programmes nationaux de réforme.

Ensuite, le 30 juin 2010, la Commission européenne a proposé trois séries de réformes :

1°- Un double renforcement du Pacte de stabilité et de croissance (dans son volet préventif et dans son volet correctif), avec notamment :

a) une synchronisation de la surveillance multilatérale exercée, au niveau européen, sur les procédures budgétaires au niveau national, dans le cadre d’un « semestre européen », dès 2011,

b) l’exigence d’un progrès plus rapide vers l’équilibre budgétaire pour les pays ayant une dette élevée ou des risques élevés en termes d’évolution de leur dette, avec une référence numérique claire pour établir un rythme de réduction de la dette satisfaisant ;

2°- Au-delà de la surveillance budgétaire, la Commission proposait de s’attaquer aux déséquilibres macro-économiques entre les Etats membres, notamment au sein de la zone euro ;

3°- Enfin, la surveillance, au niveau européen, des réformes structurelles nationales devrait viser à garantir que celles-ci font progresser l’Union dans la réalisation des objectifs de la stratégie « Europe 2020 » adoptée par le Conseil européen en juin 2010.

S’agissant du « semestre européen », l’objectif central est de faire en sorte que la coordination des politiques budgétaires et économiques dans l'Union européenne et dans la zone euro commence véritablement en amont, par l’adoption d’orientations générales avant que les décisions budgétaires pour l’année suivante ne soient prises dans les Etats, avec la possibilité, « si les plans budgétaires pour l’année suivante étaient manifestement inadaptés », de recommander leur révision.

La Commission précisait bien dans son texte que « l’intention n’est pas d’exiger des Etats membres qu’ils soumettent des budgets complets à l’Union pour « validation » avant qu’ils soient présentés aux parlements nationaux », mais qu’il s’agit de réunir, suffisamment tôt dans l’année, « des informations suffisantes pour permettre de mener en amont des discussions utiles sur la politique budgétaire ». Et le texte de la Commission mentionne la nécessité d’« associer très tôt et de manière forte les parlements nationaux au processus du semestre européen et de renforcer le dialogue avec le Parlement européen ».

2. Les travaux de la « task force », du Conseil des ministres et du Conseil européen

Les propositions de la Commission européenne sur le semestre européen ont suscité des inquiétudes et des critiques de la part de certains gouvernements (notamment du Royaume-Uni) et de parlementaires nationaux, soucieux d’éviter une atteinte à leurs prérogatives souveraines. Mais l’idée du semestre européen a été reprise par le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy, celui-ci insistant sur le fait que l’examen liminaire mené dans un cadre européen ne porterait que sur les grandes lignes des projets de budget, sans entrer dans les détails, et permettrait surtout aux ministres des Finances de vérifier les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde chaque projet de budget national et de comparer les principaux agrégats (recettes, dépenses, objectifs de déficit…).

Le 17 juin 2010, le Conseil européen a « convenu de premières orientations en ce qui concerne le Pacte de stabilité et de croissance », en marquant notamment son accord de principe pour « prévoir que, à partir de 2011, dans le cadre d'un "semestre européen", les programmes de stabilité et de convergence pour les années suivantes seront présentés à la Commission au printemps, en tenant compte des procédures budgétaires nationales ». Il restait donc à faire adopter les modalités précises du semestre européen, ce qui a été fait lors du Conseil « Ecofin » du 7 septembre (et validé par le Conseil européen du 16 septembre).

3. Le dispositif adopté

Le « code de conduite » sur l’application du Pacte de stabilité indique désormais, dans ses dispositions relatives aux programmes de stabilité et aux programmes de convergence que la présentation et l’évaluation de ces programmes nationaux forment « une composante importante du `Semestre européen` de coordination et de surveillance des politiques économiques ».

Dans ce cadre, « la Commission et le Conseil vont pouvoir évaluer les Programmes avant que ne soient prises les décisions majeures sur les budgets nationaux pour les années suivantes, afin d’émettre un avis politique sur les intentions [nationales] de politique fiscale»(7). Les Etats membres devront, dans ce but, synchroniser la présentation de leurs programmes – le cas particulier du calendrier budgétaire britannique a été pris en considération(8).

Déroulement du « Semestre européen » : il commence, « tôt dans l’année », par un examen « horizontal » par lequel le Conseil européen, sur la base d’informations fournies par la Commission et le Conseil, « identifie les principaux défis économiques auxquels sont confrontés l’Union européenne et la zone euro et formule des orientations stratégiques pour les politiques économiques », à charge ensuite pour les Etats membres de prendre en compte ces orientations stratégiques dans l’élaboration de leurs programmes de stabilité et de convergence, et donc de leurs budgets nationaux, en ayant l’obligation de motiver, le cas échéant, leur décision de ne pas les respecter.

Afin de permettre une comparaison effective, les programmes nationaux doivent comporter un certain nombre de données : informations pertinentes sur les politiques fiscales nationales à court et moyen terme, scénario macro-économique pluriannuel complet, prévisions relatives aux principales variables des finances publiques, description et quantification de la stratégie budgétaire envisagé. Chaque programme doit préciser à quel stade il se trouve dans l’examen par le parlement national, et indiquer si l’avis rendu par le Conseil sur le programme de l’année précédente a été présenté au parlement national.

Les programmes doivent être transmis au niveau européen chaque année « de préférence mi-avril, et dans tous les cas pas plus tard que la fin du mois d’avril », de manière à ce que le Conseil puisse adopter ses avis relatifs à chaque programme national d’ici la fin du mois de juillet.

Ce « semestre européen », avec la remise simultanée par les Etats membres de leurs programmes pluriannuels de finances publiques, des principaux paramètres de préparation des budgets nationaux annuels (hypothèses de croissance, objectif d’évolution du solde…) et de leurs programmes de réformes structurelles, devrait permettre une discussion bilatérale (Commission-Etat) et multilatérale (au sein du Conseil) sur les politiques budgétaires et économiques et sur leurs interactions. Sur la base de ces échanges, le second semestre de chaque année, semestre « national », serait consacré au débat budgétaire national et à l’adoption des lois de finances en intégrant mieux qu’auparavant les considérations européennes.

Les Etats membres se sont engagés à adapter leurs procédures nationales afin d’assurer la mise en œuvre de ce dispositif dès le premier semestre 2011.

Il reste encore à déterminer quelle forme va prendre l’« association » ou l’« implication » des parlements nationaux à ce processus du semestre européen. Il est essentiel que les parlements nationaux soient partie prenante de ce nouveau système, sous peine de le priver de toute légitimité démocratique. Cette question doit être abordée à deux niveaux : dans le déroulement de la procédure budgétaire dans chaque pays, d’une part, et par des discussions organisées entre parlements à l’échelle européenne, d’autre part.

S’agissant de la prise en considération du semestre européen dans les règles et procédures budgétaires françaises, des propositions ont été formulées, à l’Assemblée nationale, par le président et le rapporteur général de la commission des finances, et lors du débat sur le projet de loi de programmation des finances publiques, le gouvernement a pris l’engagement de soumettre à un examen en séance plénière, mi-avril chaque année, le programme de stabilité français avant son envoi à la Commission européenne. Une seconde étape serait prévue, à la fin du mois de juin, lorsque la Commission européenne aura rédigé son rapport sur le programme de stabilité français et avant que celui-ci ne soit examiné par le Conseil en juillet.

Le semestre européen ne doit pas seulement trouver sa traduction « parlementaire » dans les procédures internes à chaque Parlement national : il faut lui donner également une dimension parlementaire européenne, en donnant aux parlementaires européens la possibilité de débattre ensemble des problèmes macroéconomiques et budgétaires.

On peut noter que le Parlement européen a formellement demandé(9) à la Commission européenne d’inclure dans une proposition législative une disposition pour « assurer un débat annuel entre le Parlement européen, la Commission, le Conseil et des représentants des parlements nationaux sur les programmes de stabilité et de convergence et les programmes nationaux de réforme ainsi que sur l’évaluation des évolutions économiques nationales dans le cadre du semestre européen ». Dans ses recommandations basées sur le rapport d’initiative de M. Diogo Feio (PPE – Portugal), le Parlement européen propose qu’un débat annuel réunissant les parlements nationaux et le Parlement européen ait lieu « avant la présentation formelle des programmes de stabilité et de convergence » (donc, concrètement, avant la mi-avril).

Les rapporteurs soutiennent la proposition présentée par le Président de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée,
M. Pierre Lequiller,
d’organiser chaque année, dans le cadre du semestre européen, une réunion interparlementaire associant les représentants des commissions parlementaires nationales chargées des budgets et les représentants de la commission des budgets du Parlement européen. La question de la composition exacte et celle de la date de cette réunion (le Président Lequiller envisage le mois de mai, pour que les parlementaires discutent en ayant à leur disposition tous les programmes de stabilité et de convergence) pourront être fixées ultérieurement, mais il convient de soumettre au plus tôt cette proposition aux autres parlements de l’Union.

C. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) : et après ?

Depuis le début de la crise financière et économique actuelle, quatre Etats de l’Union européenne ont bénéficié d’un soutien financier débloqué en urgence par leurs partenaires de l’Union dans un cadre coordonné européen et conjointement avec des prêts du FMI : trois pays non membres de la zone euro (Hongrie, Lettonie et Roumanie), qui ont eu recours à un mécanisme préexistant, le « mécanisme de soutien financier à moyen terme des balances des paiements »(10), et bien entendu – et de manière beaucoup plus « massive » - la Grèce, grâce à la construction d’un dispositif ad hoc.

Le mécanisme de soutien à la balance des paiements étant destiné exclusivement aux pays non membres de la zone euro, la question s’est posée, après la conclusion de l’accord de « sauvetage » ad hoc pour la Grèce et dans un contexte de crise affectant les dettes souveraines de plusieurs Etats de l’euro, de la création d’un mécanisme propre à la zone euro. Ainsi a été créé le Fonds européen de stabilité financière.

Le FESF, créé au printemps 2010 pour trois ans(11), peut en théorie mobiliser jusqu’à 750 milliards d’euros :

- jusqu’à 60 milliards d’euros que la Commission européenne pourrait emprunter sur les marchés et prêter ensuite, à un taux supérieur, à un Etat demandeur (« Mécanisme européen de stabilisation financière »), garantis par le budget européen ;

- jusqu’à 440 milliards d’euros garantis par les Etats de la zone ;

- et jusqu’à 250 milliards d’euros de prêts du FMI.

En cas de besoin d’un des seize Etats membres de la zone euro, le FESF émettra des obligations sur les marchés, garanties par les autres Etats. L’objectif est de faire profiter les Etats en difficulté de la crédibilité des Etats émetteurs souverains considérés par les marchés comme les plus solides. Le Fonds a la forme juridique d’une SARL, basée à Luxembourg pour bénéficier du soutien administratif de la BEI, et dont les actionnaires sont les Etats de la zone euro. La structure ad hoc a obtenu la note « triple A » des agences de notation, et n’a pour l’instant pas été utilisée : malgré leurs difficultés avec les marchés, ni l’Espagne, ni le Portugal, ni l’Irlande, n’ont demandé à y recourir.

Les opérations éventuelles du FESF s’apparenteront à des plans de sauvetage, pas à des instruments de convergence économique, même si l’aide du Fonds sera conditionnée à des plans d’assainissement budgétaire. Pour autant, on peut considérer ce dispositif comme une modalité – temporaire – du gouvernement économique de la zone euro. On peut noter que deux pays non membres de la zone euro, la Suède et la Pologne, ont déclaré vouloir s’associer au FESF, et que l’Estonie va rejoindre la zone euro en 2011.

Le FESF n’existe que jusqu’au 30 juin 2013. Sera-t-il pérennisé, ou transformé, ensuite ? La Commission européenne fait valoir qu’une capacité d’intervention permanente éviterait d’être contraint à l’improvisation comme pour la Grèce, mais l’Allemagne est depuis le départ hostile à une pérennisation du Fonds actuel (que souhaite notamment la France), redoutant l’aléa moral (l’existence du Fonds inciterait les Etats au laxisme budgétaire), et refuse l’idée que soient émises des obligations au niveau européen. Les partisans d’un Fonds permanent estiment que les pays feront tout pour éviter d’y avoir recours, ne serait-ce que parce que les sommes versées grâce aux partenaires constituent un prêt et non un don.

M. José Manuel Barroso, M. Jean-Claude Trichet, le président de l’Eurogroupe M. Jean-Claude Juncker et le président de la BEI M. Philippe Maystadt ont exprimé leur souhait de voir transformé le « véhicule spécial » qu’est le FESF en un « Fonds monétaire européen », sur la base d’un traité et qui impliquerait que plus un pays fera appel au FME, plus il perdra sa souveraineté budgétaire.

D’autres propositions ont été présentées, notamment pour relancer l’idée déjà relativement ancienne d’« euro-bonds » ou d’emprunts européens. Le Parlement européen, dans sa résolution précitée, appelle les pays de la zone euro à « franchir une étape supplémentaire qui permettrait l’émission et la gestion mutualisées d’une partie de la dette souveraine des Etats membres ». Il demande à la Commission européenne de réaliser une étude de faisabilité sur la mise en place d’ « un mécanisme ou un organisme permanent (Fonds monétaire européen) chargé de surveiller l’évolution de la dette souveraine et de compléter le Pacte de stabilité et de croissance comme mécanisme de dernier recours pour les cas dans lesquels le financement par le marché n’est plus disponible pour un gouvernement et/ou un Etat membre ».

On citera à titre d’exemple la proposition intéressante du think tank Bruegel consistant, pour les Etats de l’euro, à mutualiser leur dette publique chacun à hauteur de 60 % du PIB sous forme d’émission d’une « dette bleue » européenne, ces obligations étant susceptibles de bénéficier de taux très bas et de constituer un marché obligataire de taille et de liquidité proches de celui du marché des bons du Trésor américain(12). Le rapport final de la « commission pour la libération de la croissance française », que son président, Jacques Attali, a présenté devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée le
19 octobre dernier, reprend cette proposition, en suggérant la création soit d’une agence européenne de la dette, soit d’un consortium des agences nationales de la dette.

On doit distinguer, dans les propositions relatives à des dispositifs d’« emprunt européen » :

- celles qui tendent à faciliter le financement des dettes souveraines des Etats membres en cas de crise ;

- et celles qui préconisent de procéder collectivement à des emprunts destinés à financer de grands projets d’investissement d’intérêt européen, en liaison avec la mise en œuvre de « Europe 2020 » et qui ont été évoqués précédemment.

C’est cette seconde démarche que les rapporteurs souhaitent voir se concrétiser. Ils appellent à la pérennisation du FESF pour les situations de crise, mais sont surtout préoccupés par le risque que la crise qui se prolonge n’amène les pays d’Europe à sacrifier les « dépenses d’avenir ». Le niveau de ces dépenses doit non seulement être préservé, mais conforté, à la fois par la mutualisation des budgets nationaux dans certains secteurs, mentionnée précédemment, et par l’étude de la faisabilité d’un « emprunt européen » consacré à de grands investissements.

L’idée d’un « grand emprunt européen » présente beaucoup d’intérêt : identification précise par les citoyens de l'Union européenne d’objectifs véritablement européens, probabilité d’obtenir des financements à des taux raisonnables, possibilité d’engager ou de mener enfin à bien des projets d’investissement lourds et de long terme dans le domaine de l’énergie, de l’environnement, de la recherche ou des transports…

Mais cette idée soulève de nombreuses interrogations : confierait-on la gestion de cet « emprunt européen » à la BEI par exemple, pour éviter de créer une nouvelle institution dans l’Union et pour tirer bénéfice de l’excellente réputation et de la compétence anciennement établie de cette Banque, ou bien à un « Fonds monétaire européen » spécialement créé ? Celui-ci serait-il de nature intergouvernementale, pourrait-il prendre la forme d’une « coopération renforcée » au sens du traité ? L’emprunt serait-il financé uniquement par appel aux marchés, ou bien par l’utilisation du produit d’une ressource fiscale (comme une taxe sur les transactions financières), ou bien par les éventuelles amendes infligées aux Etats ne respectant pas le Pacte de stabilité ?

A ce stade, selon les indications fournies aux rapporteurs par le ministère de l’Economie, le gouvernement français ne considère pas qu’il soit opportun de créer un « Fonds monétaire européen », les solutions existantes associant action européenne et interventions du FMI étant satisfaisantes, d’autant que le FMI transforme actuellement sa gouvernance pour la faire gagner en légitimité. Quant à l’éventuelle émission d’une dette commune, le gouvernement français n’y semble pas opposé, mais souligne que cette innovation supposerait de résoudre préalablement d’importantes questions pratiques (effet sur l’encours de la dette existante, coût budgétaire de la mutualisation pour les Etats les mieux notés…). S’agissant des grands projets d’investissement, le gouvernement français privilégie la piste d’un meilleur usage des ressources disponibles et des instruments communautaires existants, c’est-à-dire la BEI et le budget communautaire.

II. LES PROPOSITIONS EN DISCUSSION : RENFORCER LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE, CRÉER UNE SURVEILLANCE DES DESEQUILIBRES MACROECONOMIQUES EXCESSIFS

A. Le « paquet » législatif proposé par la Commission européenne (29 septembre 2010)

La Commission européenne a présenté le 29 septembre dernier une série de six propositions législatives (cinq règlements et une directive) sur le renforcement de la coordination des politiques économiques dans l’Union européenne, comme elle l’avait annoncé dans sa communication du 30 juin. Tous ces textes se basent sur les traités existants. Les nouvelles sanctions proposées ne concernent, dans un premier temps, que les pays de la zone euro – mais la Commission n’exclut pas de présenter ultérieurement d’autres propositions de sanctions visant également les pays de l'Union européenne non-membres de la zone euro.

Quatre textes constituent le pilier « surveillance et assainissement des budgets nationaux », pour renforcer les volets préventif et correctif du Pacte de stabilité et de croissance :

- deux propositions(13) pour modifier les règlements du 7 juillet 1997 qui constituent les bases juridiques du Pacte de stabilité et de croissance, et qui concernent tous les Etats de l’Union, qu’ils soient ou non dans l’euro (UE-27) ;

- une proposition de directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres (qui appellera donc des mesures de transposition nationales, contrairement aux règlements qui seront directement applicables une fois adoptés)(14), concernant également les vingt-sept Etats de l’Union, pour préciser les obligations que les autorités nationales doivent respecter pour se conformer aux dispositions des traités relatives au Pacte ;

- et une proposition de règlement pour introduire de nouveaux instruments d’exécution pour la mise en œuvre du Pacte dans les pays de la zone euro, qui ne concerne donc que les Etats membres de la zone euro (actuellement au nombre de seize, ils seront rejoints prochainement par l’Estonie)(15).

Deux autres textes viennent créer un volet « surveillance macroéconomique » :

- une proposition de règlement « sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques »(16: c’est l’étape « surveillance », qui concernera tous les Etats de l’Union (UE-27) ;

- et une proposition de règlement « établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques dans la zone euro »(17) : c’est l’étape « correction », qui ne s’appliquera qu’aux Etats de la zone euro.

1. Le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance passe, selon la Commission européenne, par une amélioration de ses dispositions, des instruments d’exécution plus efficaces, et des dispositions applicables aux droits budgétaires nationaux

Le Conseil européen de juin 2010 a décidé de renforcer les volets préventif et correctif du Pacte, et d’accorder une importance beaucoup plus grande, pour ce faire, au niveau et à l’évolution de la dette publique. Le Conseil européen a également prévu que les Etats membres devraient utiliser au niveau national des règles et des procédures budgétaires conformes au Pacte, et que la qualité des données statistiques devrait être assurée.

a) Réforme du volet préventif du Pacte : le système de surveillance multilatéral (UE-27)

Dans le Pacte tel qu’il fonctionne actuellement, les Etats doivent présenter chaque année des « programmes de stabilité » (pays de l’euro) et des « programmes de convergence » (pays de l'Union européenne non-membres de la zone euro) qui exposent comment ils entendent atteindre leur objectif budgétaire de moyen terme (OMT). Les Etats membres n’ayant pas atteint leur OMT sont censés s’en rapprocher à un rythme annuel de 0,5 % du PIB en termes structurels.

La Commission constate que les progrès en direction de ces OMT ont généralement été insuffisants – même avant le déclenchement de la crise actuelle. En outre, la pratique a montré que le solde structurel n’était pas une indication suffisante de la position budgétaire « réelle » d’un pays : dans un certain nombre de pays, les positions budgétaires apparemment saines d’avant la crise masquaient en fait une forte dépendance à l’égard de recettes exceptionnelles pour le financement des dépenses.

Il s’agit donc à la fois de remédier à des défauts du Pacte constatés avant la crise actuelle et de tirer les leçons de celle-ci.

La réforme proposée conserve le système des OMT et l’exigence de convergence annuelle de 0,5 % du PIB, mais y ajoute, pour les rendre plus opérationnels, le principe selon lequel la croissance annuelle des dépenses ne devrait pas dépasser un taux de croissance « prudent » du PIB sur le moyen terme. Il s’agit d’obtenir que les recettes exceptionnelles ne soient pas dépensées mais consacrées à la réduction de la dette.

En ne respectant pas le taux convenu d’augmentation des dépenses et les mesures prescrites en matière de recettes, les Etats membres s’exposeraient à recevoir un avertissement de la Commission et, en cas de manquement persistant « ou particulièrement grave », une recommandation du Conseil les invitant à prendre des mesures correctives.

Cette recommandation, bien qu’émise dans le cadre du volet préventif du Pacte, serait étayée, uniquement pour les pays de la zone euro, par un mécanisme d’exécution créé en vertu de l’article 136 du traité, une sanction financière : l’obligation de constituer un dépôt égal à 0,2 % du PIB et portant intérêt. Cette somme serait restituée à l’Etat « fautif » une fois que le Conseil aurait constaté que cet Etat s’est mis en conformité avec ses obligations.

La sanction serait prise par le Conseil des ministres, sur proposition de la Commission européenne, selon la règle de la « majorité qualifiée inversée » : le dépôt deviendrait exigible à moins que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, décide de ne pas sanctionner.

Pour mémoire, cette majorité serait calculée en tenant compte du seul vote des Etats membres de la zone euro, sans l’Etat en cause, et correspondrait à au moins 55 % des membres du Conseil participant au vote réunissant au moins 65 % de la population de ces Etats. En pratique, une telle majorité qualifiée paraît particulièrement difficile à réunir, d’où le caractère dit « automatique » des sanctions.

Le montant serait en principe de 0,2 % du PIB de l’Etat concerné, sauf si le Conseil décide à l’unanimité de réduire ce montant ou si la Commission européenne propose une réduction.

Aux propositions de révision des textes communautaires sur le Pacte de stabilité, la Commission ajoute une proposition de directive pour que s’effectue en parallèle une réforme des lois nationales relatives aux règles et aux procédures budgétaires de chaque Etat membre. On peut rappeler que les textes européens relatifs aux statistiques ont déjà été modifiés par deux règlements de 2009. La proposition de directive, elle, concerne le régime du « cadre budgétaire » propre à chaque Etat membre, c’est-à-dire les systèmes de comptabilité budgétaire, les règles de planification budgétaire, les procédures budgétaires, le cadre budgétaire à moyen terme, le mandat des institutions ou offices budgétaires nationaux indépendants, les mécanismes régissant les relations budgétaires entre les pouvoirs publics d’un sous-secteur à l’autre de l’administration publique.

La directive édicte des exigences quant au caractère exhaustif de la comptabilité publique, à la publication régulière de données budgétaires afférentes à tous les sous-secteurs de l’administration publique, aux prévisions macroéconomiques et budgétaires… Elle prévoit que les Etats membres doivent disposer « de règles budgétaires chiffrées », couvrant tous les sous-secteurs de l’administration, prévoyant et précisant « notamment : - le respect des valeurs de référence définies conformément au traité pour le déficit public et pour la dette publique ; - l’adoption d’une planification budgétaire pluriannuelle (…) ; - les objectifs cibles et le champ d’application des règles ; - l’exercice d’un contrôle efficace et en temps utile du respect des règles, par exemple par des institutions ou des offices budgétaires indépendants (…) ; - les conséquences d’un non-respect des règles ».

b) Réforme du volet correctif du Pacte : la procédure des déficits excessifs (zone euro)

La procédure existante concernant les déficits excessifs (PDE) comporte une série d’étapes pouvant éventuellement aboutir, dans le cas des pays de la zone euro, à l’imposition de sanctions financières. Ces sanctions n’ont, dans les faits, jamais été appliquées, alors que la PDE a été mise en œuvre à plusieurs reprises.

La Commission européenne part du constat que la PDE actuelle comporte « différentes faiblesses ». Alors que, dans les textes de 1997, les critères du déficit (seuil de 3 % du PIB) et de la dette (seuil de 60 % du PIB) sont en principe placés sur le même plan, dans la pratique c’est le seuil des « 3 % du PIB » qui a fait presque exclusivement l’objet de l’engagement d’une PDE, tandis que la dette n’a jusqu’à maintenant joué qu’un rôle mineur. Or on peut estimer
– c’est ce que fait la Commission – que des niveaux d’endettement élevés et persistants compromettent plus sérieusement la viabilité des finances publiques que des déficits occasionnellement importants. Seconde faiblesse : la PDE est appuyée par un mécanisme d’exécution qui, sur le papier, est fort (sanctions financières). Mais même au stade théorique de telles sanctions entrent sans doute en jeu trop tard pour être dissuasives.

En conséquence, la Commission européenne présente les propositions suivantes, en cherchant, semble-t-il, à trouver un équilibre entre un système plus rigoureux et un certain pragmatisme :

- Dans le sens d’une sévérité accrue : l’ajout d’un nouveau critère chiffré, le renforcement des sanctions :

i) La Commission souhaite rendre le critère de la dette « opérationnel », par l’adoption d’une valeur numérique permettant de déterminer si le ratio de la dette se rapproche du seuil de 60 % du PIB à un rythme « satisfaisant » : le ratio dette/PIB, lorsqu’il est excessif, serait considéré comme diminuant à un rythme satisfaisant si son écart par rapport à la valeur de référence (60 %) « s’est réduit d’environ un vingtième par an au cours des trois années précédentes ».

ii) La Commission cherche aussi à introduire dans la procédure, pour les pays de la zone euro uniquement, des sanctions financières qui s’appliqueraient plus tôt et de manière graduée :

- un dépôt de 0,2 % du PIB serait imposé dès la décision prise de placer un pays en « déficit excessif » ;

- ce dépôt serait converti en amende en cas de non-respect des recommandations initiales sur la correction du déficit ; l’amende est constituée d’une composante fixe (les 0,2 % du PIB) et d’une composante variable ;

- si le non-respect se poursuit, la sanction serait ensuite aggravée par des amendes supplémentaires.

A chacune de ces étapes successives, il est proposé de recourir au vote à la majorité inversée : à chaque étape de la PDE, la Commission proposerait une sanction qu’elle juge appropriée, qui serait considérée comme adoptée à moins que le Conseil n’en décide autrement à la majorité qualifiée dans un délai de dix jours. Le Conseil statuerait bien sûr sans qu’il soit tenu compte du vote de l’Etat concerné par la proposition de sanction.

On peut noter que pour les étapes d’alourdissement de la sanction la Commission propose un vote à la majorité qualifiée, et qu’en revanche pour décider la réduction ou l’annulation du dépôt ou de l’amende, la Commission prévoit que le Conseil devrait se prononcer à l’unanimité ou sur la base d’une proposition spécifique de la Commission.

- Mais ce renforcement s’accompagne de dispositions qui laissent une marge de manœuvre aux politiques (obligation de prendre en compte « tous les facteurs pertinents », extension des délais en cas de crise économique générale) :

Le non-respect du critère chiffré concernant le rythme de réduction de la dette ne signifierait pas forcément que la PDE sera déclenchée pour le pays concerné : une telle décision (prise par le Conseil sur recommandation de la Commission) devrait tenir compte « de tous les facteurs pertinents, en tant que circonstances aggravantes ou atténuantes ».

Parmi les circonstances « aggravantes », la Commission cite les « risques découlant de la structure de la dette, de l’endettement du secteur privé et des passifs potentiels liés au vieillissement démographique ». Parmi les circonstances « atténuantes » (pour l’appréciation de la dette comme pour celle des déficits), l’adoption et la mise en œuvre de réformes du système de retraite, les efforts d’assainissement budgétaire consentis en période de conjoncture favorable, les investissements publics, la mise en œuvre de politiques s’inscrivant dans la stratégie Europe 2020.

Toujours au stade du volet correctif du Pacte, « une plus grande attention doit être portée aux facteurs pertinents en cas de non-respect du critère de déficit pour les pays dont la dette est inférieure à 60 % du PIB ».

Comme c’est déjà le cas dans le régime du Pacte en vigueur, le Conseil pourrait décider de prolonger le délai qu’il a accordé à un Etat pour se conformer aux recommandations, « si des évènements négatifs inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques se produisent après l’adoption de ces recommandations », mais également – élément nouveau dans les textes – « en cas de grave récession économique de nature générale ».

2. La surveillance et la coordination des politiques budgétaires est complétée par une nouvelle démarche, qui porte, au-delà des budgets nationaux, sur les évolutions macroéconomiques des pays membres

A la procédure des déficits excessifs, réformée par les textes précédemment évoqués, viendrait s’ajouter une « procédure concernant les déséquilibres excessifs », élément totalement nouveau dans le droit communautaire ; elle comprendrait une évaluation périodique des risques de déséquilibres, un mécanisme d’alerte, et des règles permettant d’engager une action corrective. Cette procédure serait applicable à tous les Etats de l'Union européenne.

a) Prévention des déséquilibres macroéconomiques (UE-27)

Il s’agit de compléter le processus de surveillance par pays prévu dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Le mécanisme d’alerte serait basé sur un « tableau de bord », c’est-à-dire un ensemble d’indicateurs, internes et externes, pour chaque Etat membre. Des seuils d’alerte seraient fixés et annoncés pour chaque indicateur. Toutefois, la Commission souligne bien que ces indicateurs « ne sont pas des objectifs ou des instruments de politique ». Par exemple, un déficit de la balance courante de 3 % peut être jugé acceptable dans un pays en phase de convergence avec de forts besoins d’investissement, mais pas dans une économie plus « avancée » où la population vieillit plus rapidement. Les seuils sont donc présentés par la Commission comme des « valeurs indicatives servant à orienter l’évaluation, mais pas interprétés de manière mécanique ».

La proposition de règlement renvoie à des textes qui devront être présentés et adoptés ultérieurement la définition exacte des indicateurs du tableau de bord, de la valeur de chacun d’eux et des méthodologies sur lesquelles ils reposent. Les composantes du tableau de bord pourront évidemment évoluer au fil du temps, mais incluront nécessairement des mesures de la position extérieure d’un pays (par exemple la balance courante et la dette extérieure) et de sa compétitivité en termes de prix ou de coûts, et des indicateurs internes tels que l’endettement des secteurs privé et public.

La Commission s’attribue le rôle de publier régulièrement tous ces indicateurs et de dresser la liste des Etats membres « qui paraissent présenter un risque de déséquilibres », tout en précisant que « des discussions préalables sur ce point au sein du Conseil et de l’Eurogroupe » précèderaient la présentation de ses évaluations. A partir de ces analyses de la Commission européenne, trois hypothèses :

- si la Commission estime que les déséquilibres macroéconomiques ne posent pas de problème, la procédure ne serait pas engagée ;

- si elle considère que des déséquilibres (ou même simplement un risque de déséquilibre) existent, elle recommanderait au Conseil d’adopter des « recommandations préventives » à l’égard de l’Etat membre concerné ;

- si elle considère qu’existent dans un Etat membre, de « graves déséquilibres » ou des déséquilibres « qui compromettent le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire », elle recommanderait au Conseil d’adopter des « recommandations correctives » assorties d’un délai et rendues publiques.

On est donc en présence d’un système de « pression des pairs » analogue à celui qui existait jusqu’à présent en matière de surveillance multilatérale des situations budgétaires nationales. L’ouverture d’une « procédure de déséquilibre excessif » obligerait l’Etat concerné à adopter un plan de mesures correctives dans le délai imparti, plan que le Conseil évaluerait dans les deux mois et pourrait lui demander de modifier. Puis, sur la base d’une recommandation de la Commission, le Conseil se prononcerait sur l’action corrective engagée par l’Etat membre ; si le Conseil délivre un « satisfecit » à l’Etat pour les progrès accomplis, la procédure serait suspendue, l’Etat serait tenu de faire un rapport périodiquement et ferait l’objet d’une surveillance jusqu’à la clôture de la procédure – clôture prononcée par le Conseil lorsque celui-ci constate que l’Etat membre ne présente plus de déséquilibre excessif.

Si le Conseil juge que l’Etat n’a pas engagé d’action appropriée, il réitèrerait ses recommandations (recommandations révisées assorties d’un nouveau délai), et, pour les Etats de la zone euro uniquement, la procédure pourrait déboucher sur des sanctions.

b) Sanction des déséquilibres macroéconomiques (zone euro)

Si un Etat membre de la zone euro persiste à ne pas se conformer aux recommandations du Conseil pour remédier à ses déséquilibres macroéconomiques excessifs, il se verrait infliger une amende annuelle. Cette amende, identique pour tous les Etats de la zone euro, serait égale à 0,1 % du PIB de l’Etat concerné.

Comme pour toutes les sanctions proposées par le « paquet » de la Commission européenne, cette amende serait infligée sur proposition de la Commission, réputée adoptée si le Conseil n’émet pas un avis contraire dans les dix jours à la majorité qualifiée. Le Conseil pourrait également, mais à l’unanimité, amender la proposition de la Commission. Et c’est aussi sur la base d’une proposition de la Commission que le Conseil annulerait ou éventuellement réduirait l’amende.

Ces décisions prises par le Conseil et relatives aux amendes seraient prises uniquement par les membres de la zone euro, le vote de l’Etat concerné n’étant pas pris en compte.

Le produit des amendes serait réparti entre les Etats de l’euro « vertueux », c’est-à-dire ne faisant pas l’objet d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs ni d’une procédure concernant les déficits excessifs, proportionnellement à leur part dans le RNB total. Ceci s’inspire d’une disposition existante : dans le régime juridique actuel des sanctions prévues par le Pacte de stabilité, l’article 16 du règlement 1467/97 de 1997 prévoit que les intérêts produits par les dépôts et amendes prononcés contre un Etat seront répartis entre les Etats qui ne sont pas en situation de déficit excessif.

Remarques :

- la Commission européenne ne propose que des sanctions financières, pas de sanctions consistant en une suspension des droits de vote, et raisonne à traités constants ;

- les sanctions proposées ne concernent que les Etats de l’euro ; les pays candidats à l’entrée dans l’euro souhaitent y être astreints, afin d’éviter une « Europe à deux vitesses » ;

- le caractère « plus automatique » des sanctions avait au départ le soutien de l’Allemagne, mais pas de la France ; les Etats dont le ratio de dette est le plus élevé (Italie, Belgique, Grèce…) se sont bien sûr opposés à une automaticité des sanctions basées sur ce critère, et la France demandait un examen au cas par cas ;

- pour la surveillance macroéconomique, la liste des indicateurs à retenir est imprécise à ce stade. Dans sa résolution du 20 octobre sur la gouvernance économique, le Parlement européen en donne une liste indicative(18).

B. Le rapport final du groupe de travail présidé par M. Herman Van Rompuy (18 octobre 2010)

Le Conseil européen de mars 2010 avait chargé son président, M. Herman Van Rompuy, de mettre en place un groupe de travail composé de représentants des États membres, de la présidence tournante et de la Banque Centrale Européenne, afin de présenter avant la fin de l’année les mesures propres à améliorer le cadre de résolution des crises et à assurer une meilleure discipline budgétaire. Puis, après la présentation par le groupe de travail d’un rapport d’étape en juin dernier, le Conseil européen avait demandé à ce que le rapport final lui soit présenté dès le mois d’octobre. Le groupe de travail s’est réuni à six reprises.

Son rapport final(19) a été approuvé par les membres du groupe le 18 octobre dernier. Il formule un certain nombre de recommandations, qui doivent être validées par le Conseil européen des 28 et 29 octobre. Le groupe de travail considère que son mandat est ainsi épuisé. Sur cette base, le Conseil européen sera invité à indiquer s’il souscrit aux conclusions du groupe de travail, ce qui aura pour conséquence de déterminer les principes de la position du Conseil dans la négociation sur les propositions législatives de la Commission européenne.

Comme la Commission européenne, le groupe de travail a raisonné à traités constants. Il préconise tout d’abord le renforcement de la discipline budgétaire et du Pacte de stabilité. Celle-ci devrait permettre une meilleure prise en compte du critère de la dette, avec, dans le volet préventif, une trajectoire d’ajustement aux objectifs de moyen terme plus rapide pour les Etats dont le niveau d’endettement dépasse 60 % du PIB ou dont la situation d’endettement présente des risques d’insoutenabilité. Dans le volet correctif (procédure de déficit excessif), une évaluation de la trajectoire de réduction de l’endettement serait introduite.

Le rapport recommande également le recours à de nouvelles sanctions, d’ordre politique et financier.

Les sanctions politiques prendraient la forme de recommandations, de rapports du Conseil et de l’Eurogroupe au Conseil européen et de missions de contrôle sur place de la Commission européenne dans le cadre de la procédure de déficit excessif. En revanche, la possibilité d’une suspension des droits de vote, souhaitée par l’Allemagne, n’est pas proposée. Le rapport souligne que cette question, qui nécessite une révision des traités, pourra être examinée par le Conseil européen.

Les sanctions financières – le rapport cite des dépôts, porteurs d’intérêts ou non, ainsi que des amendes – seraient appliquées dans un premier temps uniquement aux pays de la zone euro. Des mesures d’application renforcées s’appliqueraient ensuite « dès que possible »(20) à l’ensemble des Etats membres, à l’exception du Royaume-Uni auquel s’applique un régime dérogatoire basé sur le protocole no 15 du traité. Il s’agirait de prévoir, dans les différentes législations relatives aux dépenses de l’Union, des clauses de conditionnalité relatives au respect du Pacte de stabilité.

Cette proposition semble s’inspirer des dispositions déjà prévues dans le règlement sur les fonds structurels, qui n’ont jamais été appliquées. Le rapport reste vague sur les politiques qui pourraient être concernées (politique de cohésion ? politique agricole commune ? prêts de la Banque européenne d’investissement ? programmes de financement pluriannuels ?) et se borne à indiquer que le champ d’application devrait être le plus large possible et que les sanctions devront être proportionnelles au PIB des Etats membres.

Enfin, les sanctions pour les membres de la zone euro interviendraient plus tôt et seraient progressives.

Dans le cadre du volet préventif, elles pourraient être décidées dès lors qu’un Etat membre dévie de manière significative de la trajectoire d’ajustement prévue dans le Pacte, même si son déficit est inférieur à 3 %. C’est l’évolution du déficit structurel qui serait prise en compte. Dans un premier temps, la Commission européenne adopterait un avertissement et le Conseil une recommandation sur les mesures à prendre. Puis, si l’Etat est membre de la zone euro, un dépôt portant intérêt pourrait être décidé par le Conseil, selon une règle de majorité inversée, s’il n’a pas pris les mesures nécessaires dans un délai de cinq mois. L’ensemble de la procédure durerait six mois au maximum.

En cas de déclenchement de la procédure de déficit excessif, le dépôt portant intérêt serait transformé en dépôt sans intérêt, puis une amende pourrait être décidée selon la règle de la majorité inversée. Celle-ci pourrait être augmentée si l’Etat n’applique toujours pas les recommandations.

Enfin, le groupe de travail recommande que les cadres budgétaires nationaux intègrent mieux les règles européennes, en particulier ce qui concerne les systèmes de comptabilité publique et de statistiques et les règles de prévision.

Le deuxième grand volet du système proposé concerne la création d’un mécanisme de surveillance macro-économique. Celui-ci s’appliquerait à tous les Etats membres, tout en tenant compte des spécificités de la zone euro. Dans le cadre de son évaluation des programmes nationaux de réforme (volet macro-économique de mise en œuvre de la stratégie Europe 2020) et des programmes de stabilité et de convergence (volet budgétaire, mise en œuvre du Pacte), la Commission pourrait déclencher un mécanisme d’alerte précoce en cas de déséquilibres graves définis par rapport à une liste d’indicateurs validée par le Conseil.

Les indicateurs ne sont cependant pas précisés à ce stade. M. Van Rompuy a cité comme exemple de déséquilibres les bulles immobilières, les déséquilibres graves de la balance des paiements, ainsi que les divergences fortes de compétitivité.

Les sanctions ne seraient possibles que pour les pays de la zone euro. La procédure serait la même que pour les nouvelles sanctions proposées dans le cadre du Pacte de stabilité. La nature des sanctions elles-mêmes n’est pas précisée.

Enfin, le groupe de travail soutient la création d’un cadre plus robuste de gestion des crises à moyen terme, afin d’assurer la stabilité financière. La proposition reste cependant très générale, et seules quelques problématiques sont évoquées : la nécessité de définir le rôle du secteur privé, du FMI, de prévoir une forte conditionnalité des aides, ainsi que de définir les rôles respectifs de l’Union, de la zone euro et de ses Etats membres. Pour le reste, le rapport renvoie à un travail ultérieur. Il précise que la création d’un mécanisme de gestion des crises pourrait nécessiter une révision des traités et renvoie cette question au Conseil européen.

C. Les positions communes de la France et de l’Allemagne

Durant toute la période d’activité du groupe de travail Van Rompuy, la France et l’Allemagne ont œuvré pour rapprocher au maximum leurs positions respectives, qui semblaient au départ fort éloignées. Ce rapprochement, difficile, a néanmoins été fructueux, et s’est notamment traduit par la présentation de deux contributions franco-allemandes(21) qui ont joué un rôle très important même si les résultats finaux ne reprennent pas toutes ces propositions :

- En juillet 2010, les gouvernements français et allemand ont rédigé ensemble une contribution écrite commune aux travaux de la task force, apportant un soutien aux éléments suivants : la mise en place du « semestre européen » (« sans empiéter sur les compétences budgétaires des parlements nationaux ») ; l’adoption par les Etats membres de règles de droit interne qui formalisent la trajectoire de rétablissement des finances publiques ; l’élargissement de la surveillance aux divergences de compétitivité, aux réformes structurelles et à la dette privée, avec émission de recommandations « contraignantes » ; des sanctions « rapidement imposées » dans le volet préventif et dans le volet correctif du Pacte, avec une possibilité de sanctions liées aux dépenses du budget européen (fonds structurels uniquement) ; des sanctions politiques « telles que la suspension des droits de vote » ; la mise en place à moyen terme d’un « cadre crédible pour la résolution des crises ».

- Lors du sommet de Deauville qui s’est tenu le 18 octobre, l’Allemagne et la France ont adopté une déclaration précisant leurs points d’accord :

Les deux pays sont désormais d’accord pour demander une révision des traités, qui serait ratifiée avant 2013, sur deux points : l’établissement d’un mécanisme de traitement des crises et la suspension des droits de vote en cas de violation grave des principes de l’Union économique et monétaire, ce qui était une demande de l’Allemagne depuis le déclenchement de la crise grecque.

Selon les indications fournies par le ministère de l’économie aux rapporteurs, la suspension des droits de vote ne figure actuellement pas dans le chapitre du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif à la politique économique et monétaire et devrait donc y être introduite. Par ailleurs, la mise en place d’un mécanisme de résolution des crises doit, selon l’analyse partagée des gouvernements français et allemand, faire l’objet d’une introduction dans le Traité pour en clarifier la bonne articulation avec les dispositions existantes, notamment l’article 125 (clause dite de « no bail-out »).

S’agissant du calendrier des travaux ultérieurs, la France et l’Allemagne souhaitent qu’un nouveau mandat de travail soit confié au Président Van Rompuy pour explorer les options concrètes pour l’établissement d’un mécanisme permanent de gestion des crises, en vue du Conseil européen de mars 2011.

La déclaration ne précise pas la teneur de ce « mécanisme ». Les rapporteurs considèrent qu’il doit impérativement se baser sur une pérennisation, au-delà de 2013, de l’actuel Fonds européen de stabilité financière, complété par d’autres dispositions permettant la résolution de crises affectant gravement la situation financière d’un Etat membre. Il ne faut cependant pas se dissimuler qu’une révision des traités est une entreprise lourde et hasardeuse.

Concernant la surveillance budgétaire et la procédure de sanction dans le cadre du Pacte de stabilité, la déclaration de Deauville ne fait pas référence au système de vote à la majorité qualifiée « inversée », mais le rapport final du groupe de travail, qui reflète en principe un consensus entre les vingt-sept Etats membres, prévoit expressément le recours à cette modalité de vote au Conseil.

Pour le nouveau contrôle des « déséquilibres macroéconomiques excessifs », la France et l’Allemagne ne sont pas opposées à ce que des sanctions financières soient le cas échéant imposées, mais souhaitent que soit ajoutée à la procédure proposée une étape : l’évocation de la situation de l’Etat concerné par le Conseil européen.

Afin que les positions des parlements nationaux puissent être prises en compte dans le débat, il est absolument nécessaire que les députés français travaillent en concertation avec le Bundestag sur ces questions. La commission des affaires européennes de l’Assemblée a eu l’occasion d’aborder la question de la gouvernance économique européenne lors de la réunion commune qu’elle a eue avec la commission des affaires européennes du Bundestag le 17 juin dernier à Berlin. Les présidents des deux commissions avaient alors adopté un texte commun pour souligner la nécessité de renforcer le Pacte de stabilité mais aussi la compétitivité, à travers une meilleure coordination des politiques économiques, en évitant les divergences excessives fiscales et sociales. Ils avaient marqué leur accord avec la proposition d’une information précoce de la Commission européenne sur la situation budgétaire des Etats membres, tout en rappelant qu’il ne s’agissait pas de remettre en cause les pouvoirs des parlements en matière budgétaire.

Le thème de la gouvernance économique sera également à l’ordre du jour de la réunion parlementaire du « triangle de Weimar » qui se tiendra à l’Assemblée nationale les 16 et 17 novembre prochains. Les membres de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale pourront ainsi débattre avec leurs collègues allemands et polonais des récentes évolutions du débat européen.

D. Les propositions du Parlement européen (résolutions du 20 octobre 2010)

Lors de la séance plénière du 20 octobre 2010, le Parlement européen a adopté deux résolutions, l’une sur la base du rapport d’étape de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale(22), et l’autre sur la base d’un rapport d’initiative de la commission des affaires économiques et monétaires(23). Les deux résolutions formulent des propositions relatives à la gouvernance économique de l’Union, en particulier dans la zone euro.

A ce stade, les positions du Parlement européen ne rejoignent pas entièrement les propositions de la Commission européenne ni celles du groupe de travail de M. Van Rompuy. Certes, comme le groupe de travail, comme l’Allemagne et désormais comme la France, le Parlement européen envisage ouvertement une révision des traités, un renforcement du Pacte de stabilité avec une attention bien plus grande portée aux évolutions des dettes publiques, tout en évitant « une approche unique simpliste » pour définir la trajectoire de consolidation budgétaire de chaque Etat… Mais le Parlement européen ajoute dans ses propositions d’autres éléments :

- s’agissant des rôles respectifs des différentes institutions, outre un souci bien compréhensible de se voir lui-même étroitement associé au futur gouvernement économique, le Parlement européen attribue à la Commission européenne une responsabilité bien plus importante que ne sont prêts à lui accorder les Etats : elle devrait pouvoir « donner directement aux Etats membres des conseils à un stade précoce », et tre informée systématiquement par les Etats membres avant que ceux-ci ne prennent « des décisions de politique économique susceptibles d’avoir des répercussions importantes ». Le commissaire responsable des affaires économiques devrait, selon le PE, être également vice-président de la Commission, chargé de veiller à la cohérence de l’action de l’ensemble de la Commission, participer aux travaux du Conseil européen, présider l’Eurogroupe et représenter l'Union européenne dans les instances internationales. La résolution basée sur le rapport de Mme Berès préconise même que, dans la zone euro, soit instauré un système contraignant de sanctions « relevant sans ambiguïté de [la] compétence » de la Commission européenne ;

- le Parlement européen envisage l’instauration de sanctions pour garantir la mise en œuvre par les Etats des objectifs de la stratégie Europe 2020, idée qui n’a pas été retenue par le Conseil européen en juin dernier ;

- il est en revanche intéressant de signaler que le Parlement européen mentionne dans ses recommandations, outre des mesures préventives et des sanctions, l’utilisation d’incitations – sans plus de précisions quant à leur nature, malheureusement. Des « incitants » seraient mis en place non seulement pour favoriser la réalisation des objectifs d’Europe 2020, mais également dans l’application du Pacte de stabilité, sous forme de « mesures d’incitation économiques en faveur des pays qui ont atteint leur objectif budgétaire de moyen terme plus vite que prévu » ;

- enfin, les deux résolutions du Parlement européen rappellent la nécessité de compléter le gouvernement économique « interne » de l'Union européenne par une dimension « externe », pour résoudre la question de la représentation de l’Union au sein du FMI, notamment. La résolution basée sur le rapport de Mme Berès propose, par exemple, que l'Union européenne devienne signataire directe des conventions de l’OIT et prenne l’initiative de proposer une réforme des Nations unies.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 27 octobre 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. Je me suis entretenu à ce sujet avec le rapporteur général de l’Assemblée nationale, M. Gilles Carrez, qui est d’accord avec cette proposition et la période du mois de mai. Nous souhaitons « greffer » cette rencontre sur une réunion interparlementaire annuelle existante consacrée aux questions budgétaires, mais comme la fixation de la date de celle-ci dépend de la présidence tournante du Conseil, il va falloir obtenir de la présidence hongroise du premier semestre 2011 qu’elle puisse avoir lieu en mai plutôt qu’au début de l’année.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Le troisième acquis dans la construction du gouvernement économique est le Fonds européen de stabilité financière. Le Fonds, créé au printemps 2010 pour trois ans, peut en théorie mobiliser jusqu’à 750 milliards d’euros : jusqu’à 60 milliards d’euros que la Commission européenne pourrait emprunter sur les marchés et prêter ensuite, à un taux supérieur, à un Etat demandeur, garantis par le budget européen ; jusqu’à 440 milliards d’euros garantis par les Etats de la zone euro, et jusqu’à 250 milliards d’euros de prêts du FMI. Les opérations éventuelles du Fonds s’apparenteront à des plans de sauvetage, pas à des instruments de convergence économique. Pour autant, on peut considérer ce dispositif comme une modalité – temporaire – du gouvernement économique de la zone euro.

Le Fonds n’existe que jusqu’au 30 juin 2013. Sera-t-il pérennisé, ou transformé, ensuite ? L’Allemagne est depuis le départ hostile à une pérennisation du Fonds actuel, redoutant que son existence n’incite pas les Etats à la vertu. M. José Manuel Barroso, M. Jean-Claude Trichet, le président de l’Eurogroupe M. Jean-Claude Juncker et le président de la BEI, M. Philippe Maystadt, ont exprimé leur souhait de voir transformé le « véhicule spécial » qu’est le Fonds européen de stabilité financière en un « Fonds monétaire européen », sur la base d’un traité et qui impliquerait que plus un pays fera appel au FME, plus il perdra sa souveraineté budgétaire.

Selon les indications fournies aux rapporteurs par le ministère de l’Economie, le gouvernement français ne considère pas qu’il soit opportun de créer un « Fonds monétaire européen ». Quant à l’éventuelle émission d’une dette commune, le gouvernement français n’y semble pas opposé, mais souligne que cette innovation supposerait de résoudre préalablement d’importantes questions pratiques (effet sur l’encours de la dette existante, coût budgétaire de la mutualisation pour les Etats les mieux notés…).

D’autres propositions ont été présentées, notamment pour relancer l’idée déjà relativement ancienne d’« euro-bonds » ou d’emprunts européens. On doit distinguer, dans les propositions relatives à des dispositifs d’« emprunt européen », celles qui tendent à faciliter le financement des dettes souveraines des Etats membres en cas de crise, de celles qui préconisent de procéder collectivement à des emprunts destinés à financer de grands projets d’investissement d’intérêt européen, en liaison avec la mise en œuvre de « Europe 2020 » et qui ont été évoquées précédemment.

L’idée d’un « grand emprunt européen » présente à nos yeux beaucoup d’intérêt : identification précise par les citoyens de l’UE d’objectifs véritablement européens, probabilité d’obtenir des financements à des taux raisonnables, possibilité d’engager ou de mener enfin à bien des projets d’investissement lourds et de long terme dans le domaine de l’énergie, de l’environnement, de la recherche ou des transports…

Mais cette idée soulève de nombreuses interrogations : à qui confierait-on la gestion de cet « emprunt européen » ? A la BEI, pour éviter de créer une nouvelle institution dans l’Union et pour tirer bénéfice de l’excellente réputation et de la compétence anciennement établie de cette Banque ? Ou bien à un « Fonds monétaire européen » spécialement créé ? Celui-ci serait-il de nature intergouvernementale, ou pourrait-il prendre la forme d’une « coopération renforcée » au sens du traité ? L’emprunt serait-il financé uniquement par appel aux marchés, ou bien par l’utilisation du produit d’une ressource fiscale (comme une taxe sur les transactions financières), ou bien par les éventuelles amendes infligées aux Etats ne respectant pas le Pacte de stabilité ?

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Les propositions encore en discussion sont difficiles à résumer car elles comportent beaucoup d’éléments. L’un des volets qui va faire l’objet de décisions au Conseil européen de cette semaine est le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance – qui aujourd’hui consiste essentiellement en un suivi des déficits publics – dans son contenu, et le renforcement de son respect, avec la mise en place d’un dispositif de sanctions efficace. Le dispositif actuel ne marche pas ; comment le rendre opérationnel ?

Plusieurs initiatives ont été lancées. Tout d’abord, celle confiée au Président Van Rompuy de constituer une « task force » qui va présenter ses conclusions au Conseil européen, qui se prononcera sur elles. Une autre initiative est celle présentée par la Commission européenne, sous forme d’un ensemble de six textes législatifs, qui a largement alimenté le débat. Il y a eu également un accord franco-allemand à Deauville le 18 octobre dernier, qui contient aussi des éléments très importants. Le Conseil européen va se nourrir de ces trois initiatives.

Les propositions de la Commission européenne sont extrêmement précises. Elles concernent d’abord le volet préventif du Pacte, avec l’instauration d’un système de surveillance et de contrôle de son respect, afin de voir si les objectifs annoncés par les Etats se traduisent bien dans leurs budgets. Les Etats membres, avec les « objectifs budgétaires de moyen terme » (OBMT), sont censés se rapprocher chaque année de l’objectif de déficit de 3 % du PIB à un rythme correspondant à 0,5 % de leur PIB. La réforme proposée conserve le système des OBMT et l’exigence de convergence annuelle de 0,5 % mais modifie le régime des sanctions.

Si une dérive est constatée, des sanctions seront applicables, sous forme d’un dépôt s’élevant à 0,2 % du PIB, portant intérêt – ce qui signifie que quand l’Etat concerné le récupère, il ne perdra pas d’argent. Une innovation importante et très contestée est proposée : la Commission européenne constaterait la dérive, proposerait la sanction, et le Conseil aurait dix jours pour contester la sanction et devrait pour cela réunir la majorité qualifiée. C’est le système dit de la « majorité qualifiée inversée ». La marge de manœuvre du Conseil serait réduite, les sanctions seraient plus automatiques que si elles étaient laissées à l’appréciation du Conseil.

A cela s’ajoute le volet correctif. Il intègrerait le critère de la dette (60 % du Pib) qui jusqu’à présent n’était qu’indicatif. La Commission propose d’en faire un critère réellement appliqué. De la même manière, en cas de dérive excessive de la dette – « excessive » faisant l’objet d’une quantification – à nouveau des sanctions seraient encourues, sous forme d’un dépôt de 0,2 % du PIB ne portant pas intérêt, et également infligée par vote à la majorité qualifiée inversée.

Tout ceci forme le volet « surveillance des budgets ». Ces propositions de la Commission européenne ont été largement commentées, avec deux approches : l’approche française visant à introduire de la souplesse, une marge d’appréciation plus importante pour le Conseil sur les sanctions, et la position allemande plus favorable aux propositions de la Commission.

La déclaration de Deauville est très importante car elle marque un accord entre la France et l’Allemagne. Il en ressort tout d’abord que la majorité qualifiée inversée n’est pas retenue par les gouvernements français et allemand : la France a obtenu l’accord de l’Allemagne pour que dans le nouveau système le Conseil n’ait pas simplement le pouvoir de bloquer une sanction, mais dise, à la majorité qualifiée, s’il engage une procédure de sanction ou pas ; on s’éloigne ainsi du système quasi-automatique de la Commission.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. L’introduction d’un nouveau système de prise de décision, cette majorité qualifiée « inversée », ne nous paraît pas opportune.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Le deuxième point de la déclaration de Deauville concerne les sanctions. Pour la France et l’Allemagne, dans le volet préventif, le Conseil pourra évidemment décider de la sanction mais aussi en fixer le montant exact. Il pourra ainsi choisir un montant inférieur à 0,2 % du PIB, il aura la capacité d’appréciation tant sur l’opportunité que sur la nature de la sanction. Par contre, dans le volet correctif, le montant de 0,2 % serait automatiquement choisi.

Il reste des ambiguïtés, puisque dans le rapport final de la « task force » le système de la majorité qualifiée inversée continue de figurer. On verra dans quel sens le Conseil européen tranchera. Il me paraît difficile, et pas souhaitable, de ne pas suivre sur ce point l’accord franco-allemand.

Un élément très important et très positif dans les propositions de la Commission européenne est le fait que la surveillance ne soit pas seulement budgétaire mais aussi macroéconomique. C’est l’idée d’un tableau de bord avec un certain nombre d’indicateurs pas uniquement budgétaires. Il y a là la volonté de tirer les leçons de ces dernières années, et de mener une surveillance plus large, notamment pour la nécessaire surveillance de la dette privée. Je pense qu’il faut accentuer cet aspect. La Commission européenne propose un dispositif permettant de constater les déséquilibres liés à ces indicateurs macroéconomiques, avec la possibilité d’imposer une amende de 0,1 % du PIB quand il y a un déséquilibre excessif.

La déclaration franco-allemande fait rapidement référence à cette proposition mais ne se prononce pas directement à ce propos.

J’en viens à la position commune franco-allemande. Les deux approches nationales étaient assez différentes, mais on est arrivés à une déclaration commune, notamment sur la nécessité d’un mécanisme en cas de crise. L’Allemagne soutenait que celui-ci ne serait pas nécessaire, la surveillance préventive devant suffire. Mais la France, plus prévoyante, souhaitait un tel mécanisme de crise, car, si aucune solidarité n’est affichée quand un Etat de l’euro est au bord de la faillite, on a bien vu que la spéculation se déchaîne. Dans la crise grecque, l’absence de mécanisme de crise dans la zone euro a considérablement aggravé la situation. Aussi la déclaration de Deauville parle-t-elle d’un mécanisme « robuste et permanent », dont on ne connaît pas encore la configuration. Dans ce cadre se pose la question de la pérennisation du Fonds européen de stabilité financière. Nous insistons sur cette pérennisation.

La France et l’Allemagne ont aussi pérennisé l’idée, pour les Etats en infraction par rapport aux principes de l’UEM, de rendre possible de leur retirer leur droit de vote au Conseil. C’est la contrepartie à la mise en place d’un mécanisme de résolution des crises : l’existence de celui-ci n’incitant pas à la vertu, il faut l’accompagner d’un système de sanctions politiques, que l’Etat fautif aura le plus grand mal à assumer vis-à-vis de sa population. Ce serait donc une sanction forte, et qui nécessite une révision des traités. La France n’était au départ pas favorable à une révision, mais l’Allemagne a fait valoir que, vis-à-vis de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, il serait obligatoire de réviser les traités. La révision des traités est cependant une entreprise difficile.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. La France et l’Allemagne souhaitent qu’un nouveau mandat de travail soit confié à M. Van Rompuy afin d’explorer les options sur ce sujet, jusqu’au Conseil européen de mars 2011.

S’agissant de nos propositions de conclusions, je précise que nous modifions nos propositions initiales pour ajouter, dans le paragraphe 7, le domaine du numérique à la liste des secteurs pouvant utilement faire l’objet d’une mutualisation des budgets nationaux, et qu’au début du paragraphe 8, nous souhaitons que notre commission « prenne acte » de la déclaration de Deauville. Quant au paragraphe 9, ce n’est pas un vœu pieux, mais une attitude volontariste de notre part.

Le Président Pierre Lequiller. Je remercie les deux rapporteurs pour leurs exposés très complets et passionnants sur une réforme d’une extrême importance. Il faut en effet rappeler que sur l’idée d’un « gouvernement économique », l’Allemagne était au départ en arrière de la main. Cette idée a dû faire son chemin en Allemagne et pour y parvenir, des concessions réciproques ont été nécessaires. A cet égard, je considère que l’accord de Deauville constitue une contribution extrêmement positive au débat en cours au niveau de l’Union. En tout état de cause, le sujet n’est pas épuisé et évolue à grande vitesse. Il faudra continuer à travailler, notamment sur le plan interparlementaire : nous le ferons, par exemple, lors de la prochaine réunion du Triangle de Weimar, le 17 novembre à l’Assemblée.

M. Jérôme Lambert. Je salue l’exposé des rapporteurs et j’approuve leurs conclusions, dans la mesure où le point 8 a été modifié. Cependant, le débat est loin d’être clos. Le journal allemand « Die Welt » publiera demain un entretien avec Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe ; celui-ci juge « inacceptable » la proposition commune de la France et de l’Allemagne sur la réforme du pacte de stabilité. Lors de la dernière réunion de la COSAC, plusieurs intervenants ont par ailleurs dénoncé l’accord franco-allemand. S’il est souhaitable que l’Europe ait une locomotive, il ne faudrait pas qu’elle soit coupée de ses wagons…Sur une question aussi sensible où il s’agit de sanctionner, il est contreproductif d’afficher que l’on a travaillé à deux et que les autres Etats membres doivent se contenter de suivre. Quand je lis les propos de M. Juncker qui parle au nom des autres ministres des finances, je me dis qu’il y a eu des maladresses et qu’il faudra sans doute retravailler ce dossier.

Le Président Pierre Lequiller. C’est tout le problème du franco allemand. Quand les relations franco allemandes ne sont pas au beau fixe, on considère que la construction européenne en pâtit. Quand tout va bien entre la France et l’Allemagne, beaucoup – souvent les mêmes – craignent un « condominium ».

L’axe franco allemand est indispensable car sans impulsion, on n’aboutit à rien. Cependant, il faut que cela se fasse en liaison étroite avec les autres pays. L’accord de Deauville n’est en aucune façon un « dictat ». C’est une contribution commune extrêmement utile aux travaux du Conseil européen.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Toutes ces prises de positions s’expliquent en grande partie parce que le Conseil européen se réunit demain. Cet accord franco allemand bouscule les habitudes. La première fois que la chancelière allemande a évoqué l’idée d’un gouvernement économique européen date d’à peine un semestre…

M. Jérôme Lambert. L’accord franco-allemand est certes essentiel mais il n’aurait pas dû prendre cette forme dans un domaine si sensible. Quand la France et l’Allemagne expriment une position commune lors d’un sommet à 27, c’est plus acceptable qu’une réunion préalable à deux après laquelle les autres membres ont l’impression de se faire dicter leur attitude et une décision.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Le problème est en fait un débat de fond entre ceux qui sont favorables à des sanctions souples et les tenants de sanctions automatiques. M. Juncker et d’autres ministres des finances sont partisans de cette deuxième solution. Derrière les déclarations de M. Juncker, ce qui est en cause c’est l’application rigoureuse du pacte de stabilité avec toutes les conséquences que cela implique. Appliquer les sanctions de façon automatique revient à imposer une politique de rigueur à tous les Etats membres avec le risque d’étouffer les tendances à la reprise de la croissance. Nous avons eu cette discussion la semaine dernière avec Pierre Lellouche. Il s’agit de faire une application intelligente du pacte de stabilité. Si la déclaration franco allemande n’était pas retenue par le Conseil, je serai très inquiet car cela signifierait que l’on se replierait sur la position de la Commission qui souhaite réduire les marges d’appréciation du Conseil par rapport aux sanctions.

Il est vrai que la déclaration franco allemande a été interprétée en Allemagne de façon assez négative, l’opinion considérant que la chancelière avait cédé face à la France. Il n’est qu’à voir les propos du gouverneur de la Bundesbank. Cela reflète une tendance forte de l’opinion allemande.

La France doit être très vigilante afin de ne pas se laisser imposer une solution qui n’irait pas dans notre sens. Ce qui se joue actuellement en Europe, c’est le risque de voir la crise accuser les divergences économiques. Ainsi l’économie de l’Allemagne repart, profitant de l’assainissement et récoltant les fruits de son travail. Ces divergences vont exacerber le difficile problème de l’exercice de la solidarité. On a constaté avec la crise grecque que le risque de dislocation de la zone euro existe. La France a joué un rôle important dans la résolution de cette crise.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Il est vrai que le sujet n’est pas clos. Les réactions en Allemagne s’expliquent en grande partie par des raisons de politique intérieure qui ont commencé avec la polémique autour de la crise grecque. Certains ont jugé que la position de Mme Merkel avait été trop tardive. Les positions française et allemande étaient divergentes. De même, les positions des deux pays sur le gouvernement économique européen étaient éloignées. Sauf à arrêter tout mouvement vers l’idée de ce gouvernement, une inflexion réciproque des positions était donc indispensable. L’accord franco allemand s’inscrit dans ce contexte. Il ne s’agit pas d’un diktat mais en tout état de cause, il ne pouvait pas avoir d’évolution de la réflexion sur un gouvernement économique sans rapprochement des positions.

M. Jérôme Lambert. Je vous remercie de ces éclaircissements. Je voudrais dire que je n’adhère pas à la position de M. Juncker et que ce qui a été proposé à Deauville est, sur le fond, préférable à ce qu’il propose !

Le Président Pierre Lequiller. Sur le fond, dans la mesure où les positions étaient au départ différentes, il fallait bien en débattre pour trouver un accord. Le Président de la République a bien dit qu’il ne s’agissait pas d’une décision mais que cette proposition était soumise à la réflexion et l’approbation des autres Etats membres.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Dans la mesure où l’on plaide pour un gouvernement économique européen, il fallait impérativement œuvrer pour ce rapprochement.

Mme Marietta Karamanli. Cette affaire est encore loin d’être résolue et il convient de voir quelle est la position de la Banque centrale européenne. Il serait important de dire si l’interdiction faite à la Banque centrale européenne de financer les Etats est ou non levée, et si non, si c’est aux banques commerciales de jouer ce rôle.

La spéculation a été attisée par les agences de notation. Celles–ci ne devraient pas être autorisées à peser sur les taux d’intérêt des marchés financiers. Cela devrait être réaffirmé dans les conclusions du rapport afin qu’elles ne contribuent pas à déclencher pas une nouvelle crise.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Un règlement est déjà intervenu sur les agences de notation et M. Michel Barnier travaille actuellement sur une autre proposition.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Le mécanisme de crise fait encore débat mais la déclaration franco-allemande prévoit, en cas de non intervention de la BCE et du Fonds de stabilisation, une intervention des banques privées.

Mme Annick Girardin. Où en est l’élaboration de ce mécanisme ?

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Le Fonds de stabilisation court actuellement jusqu’en 2013. Le groupe de M. Van Rompuy va continuer à travailler sur ce mécanisme de crise. Une des possibilités serait d’interdire aux banques européennes de spéculer contre un Etat européen.

Mme Marietta Karamali. Ce sont des mesures à appliquer en cas de crise mais l’action sur les agences de notation relève de la prévention. Il serait bien d’avoir une agence européenne publique de notation.

M. Gérard Voisin. La relation franco-allemande est absolument nécessaire. Il conviendrait de mentionner, dans les conclusions de cet excellent rapport, le Pacte pour le marché unique adopté ce matin par le collège des Commissaires, qui a une très grande importance non seulement pour les entreprises mais aussi pour l’emploi en Europe.

Le Président Pierre Lequiller. Il me semble nécessaire de rester sur la gouvernance économique et les travaux du groupe de M. Van Rompuy. Le problème des agences de notation est du ressort de la supervision financière et le Pacte pour le marché unique sera quant à lui évoqué le 1er décembre prochain lors de l’audition de M. Michel Barnier.

Puis la Commission a approuvé les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu les conclusions du Conseil européen des 25 et 26 mars 2010 et du 17 juin 2010,

Vu les conclusions du Conseil « Affaires économiques et financières » du 7 septembre 2010,

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (COM (2010) 526 final/no E 5698),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en
œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (COM (2010) 522 final/no E 5694),

Vu la proposition de directive du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres (COM (2010) 523 final/no E 5695),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en
œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro (COM(2010) 524 final/no E 5696),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (COM(2010) 527 final/no E 5741),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro (COM(2010) 525 final/no E 5697),

Vu le rapport final du groupe de travail sur la gouvernance économique européenne présidé par M. Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen,

1. Considère que la procédure du « semestre européen » approuvée par le Conseil le 7 septembre 2010, qui prévoit notamment la remise simultanée par les Etats membres à la Commission européenne et au Conseil de leurs programmes pluriannuels de finances publiques, des principaux paramètres de préparation des budgets nationaux annuels et de leurs programmes de réformes structurelles, permettra une meilleure intégration de la dimension européenne dans les budgets des Etats membres ;

2. Demande que les parlements nationaux soient pleinement associés à ce dispositif, à travers la tenue d’une réunion annuelle de représentants des parlements nationaux et du Parlement européen,
3. Souligne la nécessité, dans le cadre des réformes actuellement envisagées, de créer un mécanisme permanent de gestion des crises, qui devra se baser sur la pérennisation du Fonds européen de stabilité financière ;

4. Note que le débat sur le gouvernement économique européen s’est concentré jusqu’à maintenant sur la surveillance budgétaire, et notamment sur la question des sanctions dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ;

5. Considère que les considérations légitimes tendant au renforcement de la discipline budgétaire des Etats membres doivent être conciliées avec la nécessité, pour le futur dispositif de gouvernement économique européen, d’intégrer une forte dimension de solidarité entre les Etats membres de l’Union européenne, et en particulier entre les Etats membres de la zone euro,

6. Insiste sur l’importance de la surveillance macro-économique dans le cadre du futur système, procédure nouvelle qui va permettre de rééquilibrer le Pacte de stabilité et de croissance en ne se focalisant plus exclusivement sur les données budgétaires, et souhaite que les travaux sur la définition d’un tableau de bord et d’indicateurs aboutissent rapidement ;

7. Considère que la question des investissements dans les projets d’avenir est essentielle pour le succès de la stratégie Europe 2020, et regrette qu’elle ne soit pas suffisamment traitée à ce stade ;

8. Demande qu’un débat sur le financement de ces investissements soit organisé, en envisageant d’une part une mutualisation des budgets des Etats membres qui le souhaitent dans les domaines de la recherche et de l’innovation, de l’énergie, des transports, de la défense et du numérique, et d’autre part un emprunt européen consacré à ces grands projets d’intérêt commun ;

9. Prend acte de la déclaration adoptée par le Président de la République française et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne à Deauville le 18 octobre dernier sur le gouvernement économique européen ;

10. Réaffirme que, quelles que soient les dispositions qui seront finalement adoptées pour construire un véritable gouvernement économique européen, ces réformes devront être suffisamment lisibles pour les citoyens européens, et appelle dans ce but les institutions européennes et les gouvernements nationaux à prévoir et mettre en
œuvre un ensemble de mesures d’information des citoyens, afin de renforcer la légitimité démocratique du nouveau système et d’empêcher qu’il soit perçu comme une ingérence excessive de l’Europe dans les budgets nationaux ou comme une contrainte supplémentaire exercée au nom de celle-ci.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
CONTRIBUTION FRANCO-ALLEMANDE AUX TRAVAUX DE LA « TASK FORCE » (JUILLET 2010)

« L’Europe a fait la preuve au cours des derniers mois de son attachement indéfectible à la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro.

En même temps que nous avons élaboré un dispositif assurant la stabilité financière de la zone euro, nous nous sommes aussi engagés à assurer un gouvernement économique européen effectif, fondé sur les enseignements que nous avons tirés de la grave crise à laquelle nous avons été confrontés, conformément à l’accord entre le Président de la République et la Chancelière allemande le 14 juin 2010 à Berlin.

Nous avons la détermination et la responsabilité d’agir et de faire des propositions précises et spécifiques pour que notre engagement se concrétise en actions et en changements opérationnels et crédibles dans la conduite de nos politiques économiques. Il importe que nous avancions vite, de manière pragmatique et en exploitant toutes les possibilités offertes par les traités existants, afin de cimenter la stabilité financière de notre Union, au service de l’efficacité et de l’emploi. Dans ce contexte, la France et l’Allemagne sont unies dans la volonté de proposer à l’Europe les moyens de ses ambitions.

L’existence d’une monnaie unique ne peut se concevoir que dans le cadre d’une coordination accrue des politiques économiques. Les différents instruments de coordination et de surveillance que sont les programmes de stabilité et les grandes orientations de politique économique, complétés par les revues de compétitivité et les analyses sur la stabilité financière, doivent être mieux articulés tout en restant formellement distincts. Avec la stratégie Europe 2020, ils doivent constituer le socle d’une véritable stratégie économique européenne de croissance et d’emploi.

Les propositions de la Commission européenne vont globalement dans le bon sens. Le Conseil européen du 17 juin a validé les orientations issues des travaux du groupe présentées par le président van Rompuy. Sur cette base, la France et l’Allemagne entendent faire ici des propositions concrètes et opérationnelles. Il importe en effet de réaliser des avancées majeures s’agissant tant du volet préventif (1) que du volet correctif (2) du Pacte de stabilité et de croissance. Forts de notre expérience, il nous faut également élaborer un cadre crédible pour la résolution des crises.

1. Renforcement de la surveillance budgétaire multilatérale en vue d’une meilleure articulation entre les procédures budgétaires nationales et le Pacte de stabilité et de croissance.

Les politiques économiques devraient être mieux coordonnées en amont, sans pour autant empiéter sur les compétences budgétaires des parlements nationaux.

Il convient de mettre en place un « semestre européen » visant à améliorer la coordination européenne, sans pour autant empiéter sur les compétences budgétaires des parlements nationaux, qui resteront les principaux acteurs de l’élaboration et du contrôle des budgets nationaux. Le calendrier devrait être suffisamment souple pour tenir compte des procédures budgétaires nationales.

• Les Etats membres devraient adopter des règles de droit interne qui formalisent la trajectoire de rétablissement des finances publiques et fixent des objectifs budgétaires cohérents avec les objectifs de moyen terme du Pacte de stabilité et de croissance.

Il faudrait attacher une importance bien plus grande au niveau et à l’évolution de la dette ainsi qu’à la viabilité globale de la surveillance budgétaire. Ainsi, l’évolution souhaitable de la réduction de la dette pourrait être présentée comme une fonction croissante de l’éloignement par rapport au seuil de 60 % : dans le cas des pays très endettés, il s’agirait de déployer un effort supplémentaire de réduction de la dette, tel que prévu lors de la détermination des objectifs budgétaires de moyen terme.

La surveillance devrait être élargie aux divergences de compétitivité, aux réformes structurelles et à la dette privée, ainsi qu’à la stabilité financière.

• Doter l’UE d’un mécanisme effectif de surveillance de la compétitivité, reposant sur un ensemble d’indicateurs objectifs permettant un suivi précis de l’évolution de la compétitivité et de la dette privée. Il s’agit de détecter au plus tôt les évolutions non viables présentant un risque systémique, et de prendre les mesures nécessaires pour le surmonter. Plus précisément, nous devons être capables d’identifier et de faire face à la situation dans laquelle les Etats membres seraient engagés dans des stratégies macroéconomiques non viables, et tout particulièrement ceux qui sont peu compétitifs et finissent par mettre en danger le bon fonctionnement de l’union monétaire. Il nous faut également nous donner les moyens d’émettre des recommandations claires et contraignantes.

• S’appuyer sur les analyses du futur Conseil européen des risques systémiques, chargé de la surveillance de la stabilité financière.

• S’appuyer sur les analyses d’un groupe d’experts indépendants ad hoc.

• Prendre plus explicitement en compte les engagements implicites (y compris les réformes structurelles telles que les réformes des retraites ou du système de santé) lors de l’évaluation de la soutenabilité globale des finances publiques d’un Etat membre.

Le pouvoir d’avertissement et de recommandation devrait être étendu en cas de non-respect des grandes orientations de politique économique ou de risques graves pour le bon fonctionnement de l’UEM prévu à l’article 121.4 du traité. Il serait précédé d’une discussion en amont au sein du Conseil.

Nous pourrions oeuvrer à une plus grande transparence des comptes et des statistiques et les soumettre à un contrôle plus efficace, en approuvant les propositions de la Commission relatives au renforcement des pouvoirs d’enquête d’Eurostat, de sorte que tous les offices de statistiques respectent les normes professionnelles d’indépendance.

• Les programmes de stabilité des membres de la zone euro pourraient être soumis à un examen plus rigoureux.

2. Mise en œuvre efficace de la surveillance économique par le biais de sanctions appropriées

• Il nous faut renforcer la crédibilité de la surveillance budgétaire de l’UE par une application des sanctions fondée sur des règles. Les sanctions devront être rapidement imposées aux Etats membres qui enfreignent le Pacte de stabilité et de croissance dans ses volets préventif et correctif.

• Pour les Etats membres de la zone euro, un dépôt portant intérêt devrait être imposé à titre provisoire aux pays dont les progrès en matière d’assainissement budgétaire ne suffisent pas à atteindre les objectifs de moyen terme.

• Le budget de l’UE pourrait servir de levier complémentaire pour assurer la conformité avec les principales conditions macroéconomiques posées par le PSC. Les sanctions devraient clairement distinguer les fonds attribués aux budgets nationaux et ceux qui résultent d’un droit individuel conféré par la législation européenne. Les sanctions devaient être proportionnelles à la gravité de l’infraction aux dispositions du PSC et être en lien avec la politique de cohésion (fonds structurels et régionaux).

• La procédure pour déficit excessif, voire l’introduction de sanctions à l’encontre des pays faisant régulièrement l’objet de cette procédure, devrait être accélérée.

Des sanctions politiques telles que la suspension des droits de vote devraient être imposées aux Etats membres qui enfreignent de manière grave et/ou répétée les engagements communs. Le fondement juridique de ces sanctions doit faire l’objet d’une étude minutieuse. Ce mécanisme devrait être inclus dans toute révision du Traité susceptible d’être acceptée à l’avenir.

• Dans l’immédiat, une alternative politique, sans contrainte juridique, pourrait prendre la forme d’un accord politique permettant aux Etats membres de la zone euro soit d’exclure de certains votes ou délibérations un Etat membre qui se trouve dans la situation décrite plus haut, soit de prendre un engagement politique afin de neutraliser l’effet du vote de ce membre.

3. A moyen terme, mettre en place un cadre crédible pour la résolution des crises respectant la compétence budgétaire de chaque Etat membre.

Il importe que le cadre de résolution soit à l’abri de tout aléa moral. C’est pourquoi il nous faut améliorer les incitations données aux pays pour qu’ils mettent en oeuvre des politiques budgétaires solides et aux acteurs des marchés financiers pour qu’ils prêtent de façon responsable.

* * *

Le renforcement du gouvernement économique est une nécessité impérieuse. Il doit s’accompagner d’une stratégie économique européenne cohérente et ambitieuse qui favorise une croissance forte, durable et créatrice d’emplois. »

ANNEXE 2 :
DECLARATION DU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANCAISE ET
DE LA CHANCELIERE DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D’ALLEMAGNE
(DEAUVILLE – LUNDI 18 OCTOBRE 2010)

« La France et l'Allemagne sont d'accord sur la nécessité de renforcer le gouvernement économique européen. A cette fin, ils se sont entendus sur les points suivants.

1) La France et l'Allemagne soulignent que les procédures qui assurent la surveillance budgétaire et la coordination des politiques économiques devraient être renforcées et accélérées. Cela passe par les éléments suivants :

Une gamme de sanctions plus large devrait être progressivement applicable dans le volet préventif du Pacte comme dans son volet correctif. Ces sanctions devraient être plus automatiques, tout en respectant le rôle des différentes institutions et l'équilibre institutionnel.

Dans la mise en oeuvre du volet préventif du Pacte, le Conseil doit pouvoir décider, à la majorité qualifiée, d'imposer de manière progressive des sanctions sous la forme de dépôts portant intérêt lorsque la trajectoire de consolidation budgétaire d'un État membre dévie de manière particulièrement significative par rapport à la trajectoire d'ajustement prévue sur la base du Pacte.

S'agissant du volet correctif du Pacte, lorsque le Conseil décide d'ouvrir une procédure de déficit excessif, il devrait y avoir des sanctions automatiques dès lors que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, décide qu'un État membre n'a pas pris les mesures correctrices nécessaires dans un délai de 6 mois.

Afin de compléter le cadre législatif de surveillance des déséquilibres macro-économiques, le cas d'un État membre affecté d'un déséquilibre persistant et placé sous la surveillance du Conseil devra être discuté au Conseil européen.

2) La France et l'Allemagne considèrent qu'il est nécessaire de réviser le traité et qu'il devrait être demandé au président du Conseil européen de présenter, en étroit contact avec les membres du Conseil européen, des options concrètes permettant l'établissement d'un mécanisme robuste de résolution des crises avant la réunion de mars 2011.

La révision des traités sera limitée aux points suivants :

- L'établissement d'un mécanisme permanent et robuste pour assurer un traitement ordonné des crises dans le futur, comprenant les arrangements nécessaires pour une participation adéquate du secteur privé et permettant aux Etats membres de prendre les mesures coordonnées appropriées pour préserver la stabilité financière dans la zone euro.

- Dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire, et suivant les procédures appropriées, la suspension des droits de vote de l'État concerné.

Les amendements nécessaires devraient être adoptés et ratifiés par les Etats membres en accord avec leurs règles constitutionnelles respectives, en temps utile avant 2013. »

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Dans sa résolution du 20 octobre 2010 sur la crise financière, économique et sociale.

3 () Auteur d’une étude pour la fondation Robert Schuman « Un gouvernement économique européen : du slogan à la réalité ? », Questions d’Europe, avril 2010.

4 () Communication de la Commission européenne du 30 juin 2010 « Améliorer la coordination des politiques économiques au profit de la stabilité, de la croissance et de l’emploi – Outils pour renforcer la gouvernance économique de l'Union européenne »

5 () « Spécifications relatives à la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance et Lignes directrices concernant le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence » - ce document n’est à ce jour disponible qu’en anglais.

6 () Les « programmes nationaux de réforme » sont présentés chaque année par les Etats dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne au niveau national et, désormais, dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie “Europe 2020” ; quant aux « programmes de stabilité » (Etats de la zone euro) et aux « programmes de convergence » (autres Etats de l'Union européenne), ils sont transmis à la Commission européenne chaque année par les Etats dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, et portent donc uniquement sur les finances publiques.

7 () « to provide policy advice on fiscal policy intentions»

8 () S’agissant du Royaume-Uni, où l’année fiscale ne correspond pas l’année civile, cette présentation aura lieu après la présentation du « Budget de printemps » (Spring budget).

9 () Dans les recommandations détaillées annexées à la seconde résolution adoptée en plénière le 20 octobre 2010, qui porte sur « l’amélioration de la gouvernance économique ».

10 () Mécanisme de prêts, régi par le règlement (CE) no 332/2002 du Conseil du 18 février 2002 ; en 2009, le plafond de prêt de ce mécanisme a été porté de 25 à 50 milliards d’euros (règlement no 431/2009 du 18 mai 2009).

11 () Conseil « Ecofin » du 9 mai 2010.

12 () Jacques Delpla et Jakob von Weizsäcker, « The Blue Bond Proposal », Bruegel Policy Brief, mai 2010.

13 () Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (COM (2010) 526 final – E 5698) ; et proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (COM (2010) 522 final – E 5694).

14 () Proposition de directive du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres (COM (2010) 523 final – E 5695)

15 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro (COM (2010) 524 final – E 5696)

16 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (COM (2010) 527 final – E 5741).

17 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro (COM (2010) 525 final – E 5697).

18 () « (…) ces indicateurs peuvent être : les taux de change réels effectifs, les paiements courants, la productivité (y compris la productivité des ressources et la productivité totale des facteurs), les coûts salariaux unitaires, la croissance du crédit et l’évolution des prix des actifs (y compris les actifs financiers et les marchés immobiliers), le taux de croissance et d’investissement, le taux de chômage, les positions nettes des actifs étrangers, l’évolution de l’assiette d’imposition, la pauvreté et la cohésion sociale et les indicateurs des effets externes sur l’environnement » (recommandations détaillées présentées en annexe de la résolution précitée du 20 octobre).

19 () « Strenghtening economic governance in the EU – Report of the task force to the European Council » - le rapport n’est disponible qu’en anglais.

20 () Selon les indications fournies aux rapporteurs par le ministère de l’économie, ce serait au plus tard dans le cadre des prochaines perspectives financières, c’est-à-dire à partir de 2014.

21 () Ces deux documents figurent en annexe du présent rapport.

22 () Rapporteure de la commission spéciale : Mme Pervenche Berès (S&D, France).

23 () Rapport d’initiative de M. Diogo Feio (PPE, Portugal).