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No 2979

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les négociations internationales relatives au changement climatique,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Bernard DEFLESSELLES et Jérôme LAMBERT,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : LES DEFIS DE L’APRES-COPENHAGUE 7

I. UN RESULTAT DECEVANT PAR RAPPORT AUX AMBITIONS DE L’UNION EUROPEENNE 7

A. UN ACCORD POLITIQUE A MINIMA 7

B. LES RAISONS DE LA DÉCEPTION 10

II. LES OBJECTIFS TRANSMIS MONTRENT UNE LARGE ACCEPTATION DE LA DEMARCHE MAIS UN NIVEAU D’AMBITION TOUJOURS INSUFFISANT 14

III. L’UNION EUROPÉENNE : UNE POSITION PLUS PRUDENTE 17

A. LE RESPECT DES OBJECTIFS DE KYOTO ET LA PRÉPARATION DE L’APRÈS-2012 17

1. Des réductions d’émissions plus fortes que prévues 17

2. L’application du paquet énergie-climat 18

B. UNE APPROCHE DES « PETITS PAS » 21

C. LA POURSUITE DU DÉBAT SUR LE PASSAGE À 30% ET SUR LES FUITES DE CARBONE 23

IV. LA PERSISTANCE DU RISQUE DE BLOCAGE CHINE-ETATS-UNIS 27

1. Les Etats-Unis : une situation interne défavorable à l’adoption d’un accord international sur le climat 27

2. La Chine refuse toujours toute contrainte internationale 28

DEUXIÈME PARTIE : QUE PEUT-ON ATTENDRE DE CANCUN ? 29

I. UN ÉQUILIBRE QUI RESTE À DÉFINIR 29

II. LA POSSIBILITÉ D’UNE DÉCISION EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION 31

A. UN PROCESSUS INITIÉ PAR LA CONFÉRENCE DE BALI 31

B. DES PROGRÈS IMPORTANTS DEPUIS L’ACCORD DE COPENHAGUE 32

1. Les contours de REDD+ se précisent et laissent espérer une décision à Cancun 32

2. Le partenariat REDD+ : des engagements financiers substantiels de la part des pays développés 33

C. LES DÉFIS DE LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION : L’EXEMPLE DU BRÉSIL 35

1. Des objectifs ambitieux 36

2. La complexité de la lutte contre la déforestation 36

3. La position du Brésil dans les négociations internationales 37

III. LES ENJEUX DU FINANCEMENT EN FAVEUR DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 39

A. LE FINANCEMENT FAST START : UN FINANCEMENT D’URGENCE POUR CRÉER LA CONFIANCE 39

1. Un impératif de transparence 39

2. Un effort important de la France 41

3. Des débats entre pays en développement et pays développés sur la notion de financements nouveaux et additionnels 42

B. LE DÉFI DU FINANCEMENT DE LONG TERME 43

1. La nécessité de combiner différentes sources, dont des sources innovantes 43

2. Quelle architecture ? 47

3. Le soutien à l’adaptation et au transfert de technologies 48

IV. UN SYSTÈME INTERNATIONAL DE MESURE, DE NOTIFICATION ET DE VÉRIFICATION EST ESSENTIEL POUR GARANTIR L’EFFECTIVITE DES ENGAGEMENTS 49

V. DES DECISIONS SUR L’ATTÉNUATION ET L’AVENIR DU PROTOCOLE DE KYOTO SERONT DIFFICILES A OBTENIR 51

CONCLUSION 55

TRAVAUX DE LA COMMISSION 57

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 61

ANNEXES 65

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS ET REMERCIEMENTS 67

ANNEXE 2 : ACCORD DE COPENHAGUE 73

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La conférence de Copenhague, parce qu’elle n’a pas permis l’adoption d’un traité international sur le changement climatique pour la période après 2012, a suscité de la déception. L’accord de Copenhague négocié par vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement est de nature politique. Il définit de grandes orientations et esquisse un équilibre entre les engagements des pays en développement à mener des actions de lutte contre le changement climatique et le soutien que leur apporteront les pays développés. Il représente un compromis a minima entre des pays aux positions très éloignées et n’a pas de portée juridique contraignante.

Les défis de la conférence de Cancun qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre 2010 sont donc nombreux.

Ils concernent bien entendu le changement climatique, puisqu’il devient véritablement urgent d’obtenir un accord sur les différents volets du futur régime international, susceptible d’entrer en vigueur le 1er janvier 2013, date d’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto. La communauté internationale doit se donner les moyens d’atteindre l’objectif de limitation du réchauffement à 2°C recommandé par le groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) et validé par l’accord de Copenhague.

Cependant, de l’avis général, Cancun ne permettra pas l’adoption d’un traité global et les perspectives d’adoption d’un tel accord d’ici 2013 sont incertaines, du fait notamment de l’évolution de la situation interne des Etats-Unis. L’adoption d’une législation interne sur le climat, qui conditionne leur engagement international, paraît en effet hautement improbable d’ici 2013. En outre, les négociations, notamment lors des dernières sessions de Bonn et de Tianjin, n’ont pas permis de dépasser les blocages de Copenhague sur les engagements et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni sur la forme juridique que prendrait le futur accord, deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, qui ne concerne que les pays développés, ou accord global incluant les pays en développement, en particulier les Etats émergents. La Chine en particulier, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, continue à refuser toute notion d’engagement contraignant et de vérification internationale en matière de réduction des émissions.

Les attentes de l’Union européenne pour Cancun sont plus limitées que pour la conférence de Copenhague, puisque Cancun est considérée comme une conférence d’étape, devant permettre l’adoption d’un ensemble de décisions équilibré. Les décisions espérées à Cancun devraient ouvrir la voie à une mise en oeuvre concrète des orientations politiques de l’accord de Copenhague. Tout l’enjeu sera donc de définir un équilibre global et de progresser sur les différents volets de la négociation, qu’il s’agisse de l’atténuation et du système de mesure, notification et vérification (MRV) des engagements ou du soutien financier aux actions dans les pays en développement, notamment en matière de lutte contre la déforestation.

La conférence de Cancun est également perçue par beaucoup comme un test de la capacité du système des Nations unies et du multilatéralisme à permettre des progrès en matière d’environnement et de climat. Après Copenhague, on a assisté à une remise en cause du cadre des Nations unies et de la méthode du consensus. Des partenariats thématiques se sont créés entre des groupes d’Etats volontaires en marge des négociations onusiennes. Certains ont permis des progrès importants : le partenariat REDD+ (réduction des émissions liées à la déforestation et au déboisement), mis en place en mai 2010 à l’initiative de la France et de la Norvège, a permis un engagement financier des Etats développés de 4 milliards de dollars pour la période 2010-2012 et le développement de projets concrets dans les grands bassins forestiers des pays en développement. La thématique REDD+ est l’un des sujets qui pourrait faire l’objet d’un accord à Cancun.

La conférence de Nagoya sur la biodiversité qui s’est tenue en octobre 2010 a depuis montré qu’il était encore possible d’obtenir un accord mondial à l’unanimité en matière d’environnement. Il ne faut cependant pas ignorer les spécificités des négociations sur le climat, qui sont liées à des enjeux économiques immenses. Les Etats accepteront-ils à Cancun de jouer le jeu du multilatéralisme comme l’Union européenne le souhaite ? Elle repose elle-même sur un modèle multilatéral mais son exemplarité n’a pas eu jusqu’à maintenant l’effet d’entraînement escompté sur les autres Etats.

La question du financement des actions des pays en développement est cruciale. En particulier, la mise en œuvre du financement d’urgence de 30 milliards de dollars décidé à Copenhague pour la période 2010-2012 doit permettre de recréer de la confiance entre pays du Nord et pays du Sud. Les réflexions sur le financement de long terme et sur les sources potentielles doivent aussi ouvrir des perspectives aux pays en développement. Bien qu’il s’agisse d’un sujet difficile, la question des financements innovants, et en particulier d’une taxe sur les transactions financières dont une partie des recettes pourrait être affectée aux actions climatiques, devrait être portée au plus haut niveau politique.

PREMIERE PARTIE :
LES DEFIS DE L’APRES-COPENHAGUE

I. UN RESULTAT DECEVANT PAR RAPPORT AUX AMBITIONS DE L’UNION EUROPEENNE

Signé par un groupe représentatif de vingt-huit chefs d’Etats et de gouvernement(2), l’accord de Copenhague est un accord politique de trois pages, qui n’a pas pu être adopté par la Conférence des Parties (COP) réunie à Copenhague, en raison de l’opposition de quelques Etats (Venezuela, Nicaragua, Bolivie, Arabie Saoudite, Cuba et Soudan). La Conférence des Parties a simplement « pris note » de l’accord, qui n’a donc pas de portée juridique.

La Conférence de Copenhague n’a pas permis la conclusion d’un accord juridiquement contraignant sur le régime qui succèdera au protocole de Kyoto à partir du 1er janvier 2013. L’accord lui-même ne fixe pas d’échéance pour la conclusion d’un traité. La Conférence des Parties a décidé de prolonger les mandats des deux groupes de travail ad hoc au titre de la Convention sur le changement climatique (Ad hoc working group on long term cooperative action under the convention ou AWG-LCA) et du protocole de Kyoto (Ad hoc working group on further commitments for annex I parties under the Kyoto Protocol ou AWG-KP).

A. Un accord politique a minima 

Négocié à la fin de la Conférence de Copenhague et en marge de la COP, l’accord de Copenhague est un compromis entre des Etats ayant des positions très éloignées, alors que les négociations de la COP n’avaient pu aboutir à un texte commun. Les grandes lignes de l’accord concernent :

1. Les objectifs d’atténuation : l’accord fixe un objectif de limitation du réchauffement climatique en dessous de 2°C, conformément aux recommandations du GIEC, et reconnaît la nécessité d’atteindre le pic des émissions le plus rapidement possible.

Cependant, l’accord ne fixe aucun objectif de réduction des émissions d’ici 2050 ni d’échéance pour le pic des émissions.

Aucun objectif de moyen terme (2020) n’est fixé, l’accord indiquant seulement que les Etats développés devront déclarer leurs objectifs au secrétariat de la Convention avant le 31 janvier 2010 et renforcer ces objectifs par rapport au protocole de Kyoto. Les Etats en développement devront mener des actions d’atténuation (pour les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires, il ne s’agit pas d’une obligation) et les communiquer dans les mêmes délais. Ces engagements seront inclus dans les deux annexes de l’accord.

Le GIEC estime que l’objectif de 2°C implique une baisse globale de 50 à 85 % des émissions en 2050. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent atteindre leur pic en 2015, puis reculer de 25 à 40 % dans les pays développés et dévier de façon importante dans les pays en développement par rapport à la tendance actuelle.

2. L’adaptation : l’accord reconnaît la priorité à donner à l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement, en particulier les plus vulnérables (les pays les moins avancés, les petits Etats insulaires et les pays d’Afrique) et la nécessité d’un programme global d’adaptation incluant des aides financières.

3. Le financement : les pays développés s’engagent à fournir des ressources nouvelles et additionnelles pour la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Celles-ci s’élèvent à 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012. Il s’agit du financement à mise en œuvre rapide dit financement Fast start.

D’ici 2020, l’objectif collectif des pays développés est de consacrer 100 milliards de dollars par an à la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Pour cela, différentes sources de financement sont citées : publiques, privées, bilatérales et multilatérales. Il est fait référence à la création d’un « Fonds vert mondial » qui devra assurer une part significative de ces financements. Un groupe de haut niveau sera créé pour étudier les sources potentielles de revenus, dont les sources alternatives.

4. Le transfert de technologies : l’accord prévoit la création d’un mécanisme pour accélérer le développement et le transfert de technologies.

5. La réduction de la déforestation : la création d’un mécanisme permettant de mobiliser des financements des pays développés en faveur de la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, incluant l’initiative REDD+, est jugée nécessaire.

6. La gouvernance : Les réductions d’émissions et le financement des Etats développés feront l’objet d’un système de mesure, notification et vérification (measure, reporting and verification ou MRV) « rigoureux, robuste et transparent ».

Les mesures d’atténuation des pays en développement seront mesurées, notifiées et vérifiées au niveau national et feront l’objet de communications nationales tous les deux ans. Il n’y aura donc pas de contrôle par le secrétariat de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) comme c’est le cas pour les pays de l’annexe I du protocole de Kyoto.

Seules les actions d’atténuation des pays en développement susceptibles de faire l’objet de financements internationaux seront inscrites dans un registre international et soumises à un système de contrôle international.

7. Un réexamen de l’accord est prévu en 2015, ce qui rend possible un renforcement des objectifs chiffrés au regard du prochain rapport du GIEC qui sera présenté en 2014.

L’accord, qui fixe des objectifs et des orientations à l’échelle globale, en particulier sur la réduction des émissions et sur le financement en faveur des pays en développement, comporte certaines avancées qui n’avaient pas pu être obtenues dans les négociations onusiennes : l’objectif de 2°C, l’enregistrement des objectifs d’atténuation des pays développés et des actions des pays en développement, des orientations sur le dispositif de MRV, la mise en œuvre de financements, en particulier à court terme.

Cependant, il est très en deçà des attentes de l’Union européenne, qui souhaitait l’obtention d’un accord global, ambitieux et juridiquement contraignant. Il représente un compromis a minima sur les principes d’un futur régime encore à définir. Le texte de l’accord est en effet vague et peu détaillé. Comme le souligne une étude récente de la Caisse des dépôts (CDC climat)(3), « L’accord signé à Copenhague rompt avec la logique de Kyoto. Il introduit un système d’engagements à géométrie variable, déterminé en fonction des objectifs de chaque pays, sans lien explicite avec les mécanismes économiques facilitant leur atteinte. »

De plus, le fait que la COP ait simplement « pris note » de l’accord rend son statut très incertain. C’est pourquoi l’un des défis de la Conférence de Cancun est d’ancrer les principes de l’accord dans les négociations onusiennes et de parvenir à des décisions de la COP reprenant et précisant ces principes.

B. Les raisons de la déception

La conférence de Copenhague a donné lieu à de très nombreux commentaires et à différentes interprétations. Comment expliquer le résultat décevant de Copenhague ?

1. Le poids des intérêts et des situations nationales, en particulier pour les deux principaux émetteurs, la Chine et les Etats-Unis, s’est exercé au détriment d’une approche collaborative multilatérale, qui a toujours été promue par l’Union européenne. L’accord de Copenhague marque les limites de l’idée d’un ordre juridique international imposant des contraintes aux Etats et de l’approche « top-down ».

L’un des éléments expliquant l’absence d’accord à Copenhague est bien entendu la situation interne des Etats-Unis, pour qui il est impossible de s’engager internationalement sans l’adoption préalable d’une législation interne par le Congrès. L’administration souhaite éviter la répétition de l’échec du protocole de Kyoto, qui avait été signé par l’exécutif mais auquel le Sénat s’était ensuite opposé. La lutte contre le changement climatique était l’un des engagements de M. Barack Obama pendant sa campagne électorale et dès son élection, il a affirmé la volonté de la nouvelle administration de favoriser un réengagement des Etats-Unis dans les négociations internationales sur le climat.

Si la Chambre des représentants a adopté un projet de loi fixant un objectif de réduction des émissions et créant un marché fédéral du carbone, le projet Waxman-Markey en juin 2010(4), le processus au Sénat n’avait pas abouti avant la conférence de Copenhague. Or la position du Sénat est déterminante pour l’administration car 67 voix sur 100 sont nécessaires pour obtenir la ratification d’un accord international sur le climat.

Le Président Obama avait indiqué à Copenhague que l’engagement des son pays ne pourrait pas aller au-delà des 17 % approuvés par la Chambre des représentants (soit seulement une réduction de 3,67 % par rapport à 1990, l’année de référence du protocole de Kyoto) et que l’objectif final dépendrait de la législation adoptée par le Congrès. Par ailleurs, les Etats-Unis ont manifesté dans les négociations des attentes fortes vis-à-vis des pays émergents et du système MRV.

De son côté, la Chine s’est montrée extrêmement réticente dans les négociations, refusant toute notion d’engagement contraignant. Le sommet de la coopération économique Asie-Pacifique (APEC) qui s’était tenu quelques jours avant Copenhague, au terme duquel la Chine et les Etats-Unis avaient affirmé qu’il n’y aurait pas de traité conclu à Copenhague, avait déjà suscité la crainte d’un intérêt commun des deux puissances à l’absence d’un accord mondial contraignant sur le climat, et d’un « G2 » entre les deux pays, capable de bloquer les négociations.

D’autre part, les négociations ont été marquées par une forte défiance entre les pays en développement et les pays développés, les premiers exigeant des seconds des engagements élevés en matière de réduction des émissions et de financement, en se fondant sur leur responsabilité historique et les impératifs du développement, tandis que les pays développés demandaient une différenciation entre les pays en développement et les pays émergents, en considérant que ces derniers devaient prendre des engagements de réduction des émissions, compte tenu de leur part dans les émissions mondiales.

2. La conférence de Copenhague a également mis en exergue le poids désormais considérable des grands pays émergents, en particulier de la Chine qui a cherché à éviter toute contrainte. La rédaction de l’accord de Copenhague reflète cette volonté : les actions d’atténuation des pays en développement ne seront pas soumises à un système de MRV international. Toutefois, comme le souligne un article de l’IDDRI(5), ces pays ont fait une concession en acceptant la référence à des « consultations et des analyses au niveau international » dans le paragraphe consacré à la communication des mesures d’atténuation.

3. Les négociations ont une très forte dimension économique, et sont liées à des enjeux considérables en matière de compétitivité, de technologies, de transition énergétique. L’importance de ces enjeux s’est notamment manifestée par l’émergence de la notion d’intensité carbone (volume des émissions par rapport au PIB), utilisée par la Chine et par l’Inde pour exprimer leurs objectifs nationaux. Cet indicateur souligne le lien fait par ces pays entre les impératifs de la lutte contre le changement climatique et la nécessité de préserver leurs perspectives de croissance et de développement économique.

4. L’organisation des négociations a fait l’objet de critiques. Le fait que la séquence avec les chefs d’Etat et de gouvernement soit intervenue à la fin de la Conférence a favorisé l’attentisme, dans l’hypothèse d’un dénouement in extremis. Les différentes étapes préalables des négociations n’ont donc pas permis de progresser vers un texte commun et ce sont les chefs d’Etat et de gouvernement eux-mêmes qui ont dû rédiger l’accord de Copenhague en marge de la COP. Au terme de 15 heures de discussion, celle-ci n’a pas pu approuver l’accord et en a simplement pris note.

Plus largement, Copenhague a abouti à une remise en cause du système des Nations unies, s’appuyant en particulier sur des critiques de la règle du consensus à 192 pays.

Il n’était de toute façon pas envisageable d’obtenir un accord sans la volonté des deux principaux émetteurs, la Chine et les Etats-Unis. Depuis, la conférence de Nagoya sur la biodiversité, qui s’est tenue du 18 au 29 octobre dernier, a montré qu’il était possible d’obtenir un accord mondial juridiquement contraignant en matière d’environnement. Les négociations sur le climat occupent une place particulière dans le multilatéralisme environnemental, du fait de leurs enjeux économiques considérables et les difficultés actuelles doivent être analysées dans ce contexte. La création d’une organisation mondiale de l’environnement, souhaitée par la France dans la perspective du sommet de la terre « Rio+20 » qui se tiendra à Rio en mai 2012, permettrait de mieux intégrer les enjeux environnementaux dans la gouvernance mondiale.

Après Copenhague, on a assisté à la multiplication des partenariats et réunions thématiques entre des groupes d’Etat, menant des dialogues en dehors du processus onusien : processus Paris-Oslo sur les forêts à l’initiative de la France et de la Norvège, partenariat sur le MRV à l’initiative de l’Allemagne, sur les technologies à l’initiative des Etats-Unis, « dialogue de Genève » sur le financement de long terme à l’initiative de la Suisse et du Mexique…etc. Les négociations dans le cadre de la CCNUCC ont parallèlement repris. Après la déception de Copenhague, il semble de nouveau aujourd’hui y avoir un accord sur le fait que les Nations unies restent le cadre indispensable de la coopération internationale en matière de climat, les partenariats intervenant de façon complémentaire pour faire avancer différents sujets.

5. L’Union européenne a eu des difficultés à peser dans les négociations.

Depuis l’adoption du paquet énergie-climat en décembre 2008, sous présidence française, l’Union européenne s’était placée en leader et en exemple de la lutte contre le changement climatique. A cet égard, la Conférence de Copenhague représente une double déception :

la position ambitieuse de l’UE n’a pas eu l’effet d’entraînement escompté sur les autres pays émetteurs de gaz à effet de serre ; l’Union n’a pas réussi à peser face aux Etats-Unis et aux pays émergents, ni à créer de la confiance avec les pays en développement. Malgré ses efforts très importants au plan interne, elle a été critiquée par ces pays en raison de sa position ambiguë sur le protocole de Kyoto. Elle n’avait en effet pas réussi avant Copenhague à arrêter une position claire sur l’instrument juridique du futur accord, deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto ou nouveau traité mondial incluant les pays en développement. L’offre conditionnelle des 30 % et les désaccords entre Etats membres sur cette question ont également affaibli la position européenne. Enfin, la communication sur le paquet énergie-climat, dont les objectifs sont extrêmement ambitieux et qui met en œuvre toute une série d’instruments novateurs pour les atteindre, a sans doute été insuffisante.

Ce manque d’influence internationale de l’Union s’inscrit dans une problématique plus générale. Comme le souligne le rapport d’information de Mme Elisabeth Guigou et M. Yves Bur sur le service européen d’action extérieure(6), « l’Union européenne pensait que l’exemplarité de son modèle multilatéral régional lui donnerait la légitimité pour exercer une influence décisive dans la régulation et la gouvernance mondiales. Or la multipolarité n’a pas favorisé le multilatéralisme ni la coopération, mais plutôt le retour de la géopolitique traditionnelle sur la scène internationale. »

- l'Union européenne a peiné à parler d’une seule voix à Copenhague. Trois grands Etats (l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France) ont participé activement à la négociation de l’accord de Copenhague mais l’Union en tant que telle a eu des difficultés à défendre ses intérêts.

Cette question doit être analysée dans le contexte plus large de la représentation internationale de l’Union européenne. Le traité de Lisbonne introduit plusieurs nouveautés à cet égard, avec l’institution d’un président stable du Conseil européen, d’un haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi que d’un service européen d’action extérieure. Cependant, la question de la représentation de l’Union européenne dans les négociations internationales n’a pas été clarifiée.

Les modalités de cette représentation pour les négociations environnementales varient selon les conventions. Par exemple, la Commission européenne est responsable des négociations sur la convention de Montréal sur la protection de la couche d’ozone, tandis que pour d’autres accords, la Commission et le Conseil interviennent conjointement. Pour les négociations sur le climat, c’est la présidence tournante du Conseil qui négocie. La Commission est cependant très présente, dans le cadre de sa fonction d’initiative. Dans la pratique, cette situation manque de clarté et risque de réduire la capacité d’influence de l’Union.

Une autre difficulté, soulevée par Mme Connie Hedegaard, commissaire à l’action pour le climat, lors de son audition par les rapporteurs, est que le mandat de négociation adopté par le Conseil pour Copenhague était excessivement détaillé et ne laissait que peu de marges aux négociateurs. Les mandats sont en outre transparents, les conclusions du Conseil étant publiques, ce qui ne facilite pas le travail de négociation. Cette situation s’explique par les modalités de décision internes de l’Union : le mandat reflète un compromis négocié à 27 et l’approche comme la procédure s’inspirent de l’action normative de l’Union européenne, alors que des négociations internationales sont d’une tout autre nature.

II. LES OBJECTIFS TRANSMIS MONTRENT UNE LARGE ACCEPTATION DE LA DEMARCHE MAIS UN NIVEAU D’AMBITION TOUJOURS INSUFFISANT

A ce jour, 140 pays ont exprimé leur soutien à l’accord de Copenhague. Les pays ayant communiqué leurs offres de réduction et leurs actions nationales représentent 80 % des émissions mondiales, alors que le protocole de Kyoto couvre seulement 30 % de ces émissions. Cependant, en l’absence d’accord juridique, ces engagements n’ont pas de dimension contraignante comme l’ont les objectifs des pays de l’annexe I dans le cadre du protocole.

Tous les pays de l’annexe I, à l’exception de la Turquie, ont communiqué leurs engagements. A quelques exceptions près(7), les offres de réduction des émissions n’ont pas évolué par rapport à la Conférence de Copenhague.

Engagements de réduction des émissions des pays de l’annexe I
du protocole de Kyoto

Pays partie à
l’annexe I

Objectif de réduction des émissions en 2020

Année de référence

Objectif par rapport à 1990

Australie

-5 à -15 % ou -25 %

2000

+13 à -11  %

Biélorussie

-5 à -10 %

1990

 

Canada

-17 %

2005

+3%

Croatie

-5 %

1990

 

Etats-Unis

-17 %

2005

-3,67 %

Islande

-30 %

1990

 

Japon

-25 %

1990

 

Kazakhstan

-15 %

1990

 

Liechtenstein

-20 %/-30 %

1990

 

Monaco

-30 %

1990

 

Nouvelle Zélande

-10 à -20 %

1990

 

Norvège

-30/-40 %

1990

 

Russie

-15 à -25 %

1990

 

Suisse

-20 %/-30 %

1990

 

Ukraine

-20 %

1990

 

Union européenne

-20 % /-30 %

1990

 

Source : secrétariat de la CCNUCC et Commission européenne.

Plusieurs Etats parties à l’annexe I, dont l’Union européenne, ont fait des offres conditionnelles. Selon l’analyse réalisée par la Commission européenne en mars 2010(8), les objectifs communiqués se situent entre - 13 et - 18 % pour les pays de l’annexe I, ce qui est insuffisant pour atteindre l’objectif des 2°C, le GIEC ayant estimé l’effort de réduction des émissions nécessaire à -25 à -40 %.

Quarante trois pays n’appartenant pas à l’annexe I ont communiqué leurs actions d’atténuation nationales appropriées (NAMAs).

Les grands pays émergents (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique) ont déclaré être favorables à l’accord de Copenhague et communiqué des objectifs chiffrés. Cependant, il est difficile d’évaluer leurs engagements, exprimés en termes relatifs, le plus souvent par rapport à un scenario de référence d’évolution de leurs émissions (dit business as usual) ou par rapport au PIB, comme l’ont fait la Chine et l’Inde.

Objectifs de réduction des émissions des grands pays émergents

Pays

Objectif

Afrique du Sud

-34 % par rapport
à un scénario de référence

Brésil

-36,1 à -38,9 % par rapport
à un scénario de référence

Chine

-40 à -45 % de l’intensité carbone par rapport à 2005

Corée du Sud

-30 % par rapport à un scénario de référence

Inde

-20 à-2 5% de l’intensité carbone par rapport à 2005

Indonésie

-26 %
sans référence

Mexique

-30 % par rapport à un scénario de référence


Source
 : secrétariat de la CCNUCC.

Selon les estimations réalisées par le pôle recherche de CDC climat, en fonction de projections d’évolution des émissions et du PIB(9), les émissions des pays émergents, s’ils respectent leurs objectifs, dévieraient de leur tendance de 2,6 % d’ici 2020 dans un scénario haut jusqu’à 27,2 % dans un scénario bas.

Estimations des émissions des pays émergents résultant des engagements pris à Copenhague

Source : CDC Climat recherche.

Ces estimations, agrégées aux engagements des pays de l’annexe I, montrent un infléchissement de la trajectoire d’émissions entre 2005 et 2020, mais aucune stabilisation, même dans les hypothèses les plus optimistes.

III. L’UNION EUROPÉENNE : UNE POSITION PLUS PRUDENTE

A. Le respect des objectifs de Kyoto et la préparation de l’après-2012

1. Des réductions d’émissions plus fortes que prévues

L’Union européenne poursuit ses efforts en vue de respecter les objectifs auxquels elle a souscrit dans le cadre du protocole de Kyoto. L’objectif global de réduction des émissions de l’Union européenne à 15 est de - 8 % d’ici 2012, par rapport au niveau de 1990, et cet objectif est décliné par Etat membre.

Selon le rapport de progrès publié par la Commission européenne le 12 octobre 2010(10), les émissions de l’UE-15 avaient, en 2008, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, baissé de 6,9 % par rapport à 1990, alors que le PIB a connu pendant cette période une croissance de 45 %. Pour l’Union européenne à 27, les émissions ont été réduites de 14,3 %.

Les projections établies montrent que six Etats membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Finlande, Grèce et Suède) sont en voie d’atteindre leurs objectifs au plan interne. En prenant en compte les mécanismes de flexibilité du protocole, l’utilisation de la réserve des nouveaux entrants du marché européen de quotas et les puits de carbone, deux Etats seulement, l’Autriche et l’Italie, pourraient rencontrer des difficultés dans la réalisation des objectifs de Kyoto, sans compromettre le respect de l’objectif global de l’Union. Les nouveaux Etats membres devraient également atteindre leurs objectifs.

Les données provisoires pour 2009 montrent que les émissions ont reculé de 6,9 % par rapport à 2008 dans l’UE-15 et l’UE-27, soit de 12,9 % par rapport à l’année de référence pour l’UE-15 et de 17,3 % pour l’UE-27. Les objectifs de Kyoto sont dépassés mais, comme le souligne la Commission européenne, cette forte baisse des émissions est liée au contexte économique.

Au plan mondial, selon les estimations de l’organisation Global carbon project, les émissions devraient augmenter de 3 % en 2010. En 2009, les émissions liées à la combustion d’énergies fossiles n’ont baissé que de 1,3 % par rapport à 2008. Leur baisse dans les pays développés a été compensée par leur augmentation dans les pays émergents, la part de la Chine atteignant 24 %.

2. L’application du paquet énergie-climat

On peut rappeler que le paquet énergie-climat, adopté formellement en avril 2009, après son approbation par le conseil européen en décembre 2008, met en œuvre l’objectif des « trois fois vingt » d’ici 2020 :

- réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ;

- augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique ;

- proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la production d’énergie.

Le paquet se compose de quatre textes :

- une directive révisant la directive no 2003/87/CE établissant un système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SCEQE) afin d’étendre son champ d’application et de modifier les modalités d’allocation ;

- une décision sur le partage des efforts entre Etats membres, visant les secteurs non couverts par le SCEQE ;

- une directive sur les énergies renouvelables ;

- une directive sur le stockage géologique du dioxyde de carbone (CSC).

La directive sur le SCEQE prévoit qu’à partir du 1er janvier 2013, les quotas d’émission jusqu’alors alloués gratuitement aux principaux émetteurs industriels seront progressivement mis aux enchères(11). Pour le secteur de l’électricité, l’intégralité des quotas sera mise aux enchères dès 2013. L’aviation désormais incluse dans le marché européen, devra acquérir 15 % de ses quotas.

La mise en œuvre du paquet énergie-climat est en cours. Elle implique l’adoption d’une vingtaine d’actes d’ici 2013.

La directive SCEQE prévoyait l’adoption par la Commission européenne, selon la procédure de comitologie, d’un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères avant le 30 juin 2010.

Ce règlement a été adopté à l’unanimité par le comité du changement climatique, qui réunit des représentants des Etats membres et de la Commission européenne, le 14 juillet 2010, puis adopté définitivement par la Commission européenne le 12 novembre 2010((12). Le retard pris par rapport au calendrier du paquet énergie-climat s’explique par des désaccords entre Etats membres sur la plateforme d’enchères.

La Commission européenne s’était initialement prononcée en faveur d’une plateforme d’enchères européenne commune. Cela correspondait à la position de la France, qui avait suivi les recommandations d’un groupe d’experts présidé par M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances(13). Le rapport soulignait en effet qu’« une plate-forme européenne unique présente les propriétés requises pour : maximiser l’efficacité allocative des enchères en Europe ; apporter toutes garanties aux entreprises sur l’unicité du signal-prix carbone ; minimiser les coûts (économies d’échelle) et les risques opérationnels pour les acteurs des adjudications ; contribuer à positionner l’Union européenne de manière visible et crédible, en prévision du marché mondial qui va se mettre en place ».

Quatre Etats membres, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et la Pologne, se sont opposés à la création d’une plateforme unique de mise aux enchères. Le règlement prévoit donc la possibilité de créer des plateformes nationales. Cependant, comme l’a souligné Mme Fabienne Keller, sénatrice, dans une communication présentée le 29 septembre 2010 à la commission des affaires européennes du Sénat, l’encadrement des plateformes nationales organisé par le règlement réduit les risques de distorsion de concurrence et de perturbation du marché européen du carbone. Il est probable que la plateforme européenne sera commune à vingt-quatre ou vingt-cinq Etats membres, seuls le Royaume-Uni et l’Allemagne étant certains de choisir d’avoir leur propre plateforme.

Le règlement prévoit également un système d’enchères à un tour, sous pli cacheté et à prix unique, la détermination annuelle du calendrier d’enchères et des volumes et la désignation d’une instance commune de surveillance des enchères.

Outre ce texte important, plusieurs autres actes ont été ont été récemment adoptés :

- sur le système européen d’échange de quotas d’émissions et les fuites de carbone(14) : la liste des secteurs exposés comprend 164 secteurs, ce qui correspond à 75 % de la totalité des secteurs industriels ;

La Commission européenne doit publier en décembre 2010 une décision sur les modalités d’allocation gratuite des quotas (définition de benchmarks).

- sur la quantité de quotas à allouer(15) ;

- sur le captage et le stockage du carbone (CSC) et le SCEQE(16) ;

La directive SCEQE prévoit également un mécanisme de financement destiné aux démonstrateurs de taille commerciale de captage et stockage du CO2 (CSC) et de démonstrateurs d’énergies renouvelables innovantes. Ce mécanisme de financement est doté de 300 millions de quotas d’émissions provenant de la réserve des nouveaux entrants du système d’échange communautaire, soit entre 4,5 et 9 milliards d’euros pour un cours du CO2 compris entre 15 et 30 euros par tonne. Le premier des deux appels à projet, doté de 200 millions de quotas, a été lancé cette année par la Commission européenne et la sélection des projets se fera fin 2011, pour une mise en service des démonstrateurs au plus tard fin 2015.

- sur l’inclusion de l’aviation dans le SCEQE(17).

Il faut noter à ce sujet que les discussions sur la participation de l’aviation civile à la lutte contre le changement climatique ont franchi une étape importante avec l’adoption par l’Assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) d’une résolution le 8 octobre 2010. Dans ce document non contraignant, les 190 Etats membres se sont engagés à une stabilisation des émissions en 2020, obtenue grâce à un gain de rendement des moteurs aériens de 2 % par an jusqu’en 2050. La déclaration fixe également l’échéance de 2013 pour la mise en place d’une norme sur les émissions de CO2 des moteurs d’avion. Elle définit aussi un cadre pour le développement des carburants de substitution pour le secteur. Enfin, la déclaration reconnaît que certains Etats peuvent se fixer des objectifs plus ambitieux, ce qui peut être interprété comme une validation de l’approche de l’Union européenne, qui a décidé d’inclure l’aviation internationale dans le SCEQE.

B. Une approche des « petits pas »

Après le bilan décevant de Copenhague, la Commission européenne a adopté le 9 mars 2010 une communication(18), qui propose des lignes directrices pour l’action future de l’Union européenne en matière de politique climatique. Il s’agit du premier document publié à l’initiative de la nouvelle commissaire à l’action pour le climat, Mme Connie Hedegaard, après la création de ce poste décidée par le Président de la Commission européenne lors du renouvellement intervenu en janvier 2010.

La communication réaffirme l’objectif premier de l’Union européenne : l’adoption d’un accord solide et juridiquement contraignant dans le cadre de la CCNUCC. Pour cela, la Commission estime qu’il faut d’abord viser un « ensemble équilibré de décisions concrètes » traduisant les orientations politiques de l’accord de Copenhague à Cancun puis un traité en Afrique du Sud fin 2011. Ce faisant, la Commission propose une approche moins ambitieuse et plus réaliste que celle de l’Union européenne avant Copenhague, avec des attentes plus circonscrites. Elle reconnaît que l’Union doit « repenser sa démarche » et « réfléchir à la meilleure façon d’accroître [son] efficacité et [son] influence dans les négociations internationales ».

A ce stade, la Commission ne propose pas de position sur l’instrument juridique du futur accord - nouvelle période d’engagement du protocole de Kyoto ou accord global – mais elle annonce qu’elle procédera à une évaluation des différentes formes juridiques. Elle met en avant les insuffisances du protocole de Kyoto, en rappelant qu’il ne couvre que 30 % des émissions mondiales et que certaines lacunes risquent de compromettre son intégrité environnementale :

- les quotas d’émissions excédentaires accumulés depuis le début des années 1990 du fait de la chute de la production industrielle dans les pays de l’ancien bloc soviétique ;

- les règles de comptabilisation des émissions provenant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans les pays développés.

On se souvient que l’absence de position claire de l’Union européenne sur l’avenir du protocole de Kyoto avait suscité lors de la Conférence de Copenhague de vifs reproches de la part des pays en développement qui l’accusaient de vouloir ainsi « tuer » le protocole et par là même les engagements futurs des pays développés. Cette situation avait eu pour conséquence regrettable d’occulter les efforts réels que l’Union s’était d’ores et déjà imposés à travers le paquet énergie-climat.

Depuis, l’Union a fait évoluer sa position, en se déclarant prête à accepter une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto. La France était favorable à un tel engagement, susceptible d’envoyer un signal positif dans les négociations internationales et pour lequel l’Union européenne est prête, du fait de l’adoption du paquet énergie-climat. Les conclusions du Conseil environnement du 14 octobre 2010 et du conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 posent certaines conditions : l’Union s’engagerait pour une deuxième période du protocole de Kyoto dans un cadre global, engageant toutes les grandes économies ; elle affirme sa préférence pour un accord juridiquement contraignant, sans en faire une condition de son engagement. Elle demande également un renforcement de l’intégrité environnementale du protocole.

Cependant, parmi les pays développés, l’Union européenne paraît isolée dans sa volonté de maintenir le cadre du protocole. Compte tenu de leur situation interne, il est désormais clair que les Etats-Unis ne pourront pas s’engager avant l’expiration de la première période d’engagement. Pour sa part, le Japon a exprimé lors de la session de négociations de Tianjin en octobre 2010 sa préférence pour un accord unique réunissant tous les grands émetteurs.

Concernant l’action future de l’Union, la communication insiste sur les efforts pour passer à une économie à faibles émissions de carbone, dans le contexte de sa stratégie « Europe 2020 ». Elle fait ainsi le lien entre la lutte contre le changement climatique, la sécurité énergétique et la création d’emplois. Sont cités l’efficacité énergétique, les véhicules verts, les réseaux intelligents, le captage et le stockage du carbone, les énergies renouvelables. Cette approche a le mérite de prendre en compte les enjeux technologiques et économiques indissociables des négociations sur le climat.

La Commission souligne l’importance de la mise en œuvre du financement Fast start, pour lequel la contribution de l’Union et de ses Etats membres a été fixée par le Conseil européen de décembre 2009 à 2,4 milliards d’euros. Elle précise également quelles pourraient être les sources du financement de long terme de 100 milliards de dollars par an (marché international du carbone, transport aérien et maritime, financement public international).

C. La poursuite du débat sur le passage à 30% et sur les fuites de carbone

Le 26 mai 2010, la Commission européenne a adopté une communication sur l’éventuel passage de l’objectif de réduction des émissions à 30 % et sur l’évaluation du risque de fuites de carbone(19). Elle estime que les conditions nécessaires pour porter dès maintenant l’objectif à 30 % ne sont pas réunies (elle fait en particulier référence à la crise économique) mais que cet objectif doit rester une option viable pour l’Union européenne.

Les coûts liés à la réalisation de l’objectif de 20 % ont diminué : alors qu’ils avaient été évalués à 70 milliards d’euros d’ici 2020 lors de l’élaboration du paquet énergie-climat, ils sont maintenant estimés à 48 milliards d’euros. Plusieurs facteurs sont cités : le ralentissement de la croissance qui rend l’objectif moins contraignant, la hausse des prix du pétrole qui favorise l’efficacité énergétique, la faiblesse du prix du carbone, en raison du report des quotas non utilisés pendant la récession. Passé de 25 euros la tonne à 8 euros début 2009, ce prix se situe actuellement entre 12 et 15 euros. Il est estimé à 16 euros la tonne en 2020, alors qu’en 2008, l’estimation était de 32 euros.

La communication analyse ensuite les différentes options qui permettraient d’atteindre un objectif de 30 % : adaptations sur le marché européen du carbone, modifications d’ordre technologique (nouvelles normes, réseaux intelligents), taxes sur le carbone, intégration dans les politiques de l’Union des objectifs de lutte contre le changement climatique, de façon à créer des incitations (politique de cohésion, politique agricole commune), évolution du mécanisme de développement propre (MDP).

La France soutient la création d’une taxation des émissions de carbone au niveau européen, dans le cadre d’une révision de la directive de 2003 sur la fiscalité des produits énergétiques. Cette taxation s’appliquerait aux secteurs non inclus dans le SCEQE.

Le coût total additionnel pour passer d’un objectif de 20 % à un objectif de 30 % est estimé à 33 milliards d’euros d’ici 2020, soit 0,2 % du PIB, et seulement à 11 milliards d’euros par rapport aux estimations du paquet énergie-climat. Pour permettre la réalisation de cet objectif, la Commission estime que le prix du carbone devrait être de 30 euros la tonne. Dans cette hypothèse, les émissions de l’Union européenne diminueraient de 25 % et les 5 % restants seraient obtenus au moyen de quotas excédentaires et de crédits internationaux (MDP).

La Commission précise que les coûts sont moins élevés du fait de la crise mais que les capacités d’investissement dans les technologies sobres en carbone sont également amoindries.

Alors que la Commission européenne, bien que prudente dans la communication, semble avoir une préférence pour un renforcement de l’objectif de l’Union, afin de faire preuve d’exemplarité dans les négociations internationales, les Etats membres ont des divergences sur cette question. Certains Etats sont traditionnellement favorables à un relèvement des ambitions (Royaume-Uni, Danemark, Suède, Pays-Bas) tandis que d’autres sont très réticents (Italie, pays d’Europe centrale et orientale). La France estime que l’option du passage à 30 % doit rester ouverte mais que l’Union européenne ne peut s’engager seule et que le risque économique et environnemental de fuites de carbone doit être pris en compte. Elle demande également que des réflexions soient menées sur les étapes intermédiaires entre 2020 et 2050.

Les conclusions du Conseil européen des 18 et 29 octobre 2010 indiquent que l’Union européenne évaluera à nouveau la situation après la conférence de Cancun et continuera à analyser les options possibles pour aller au-delà de l’objectif de 20 %. Cette question sera abordée au Conseil européen de mars 2011.

La communication précitée contient également une évaluation du risque de fuites de carbone, comme le prévoyait le paquet énergie-climat. Le risque de fuites de carbone est celui de délocalisation des activités industrielles à fortes émissions de gaz à effet de serre vers des pays dont les normes environnementales sont moins exigeantes. Les conséquences négatives en seraient une réduction de l’activité et de l’emploi, ainsi qu’un déplacement des émissions compromettant les objectifs de la politique climatique européenne.

La Commission estime que l’incidence sur la production de l’objectif de 20 % de réduction des émissions est de moins de 1 % et que si l’Union européenne passait à un objectif de 30 %, les conséquences sur la production des industries à forte intensité énergétique seraient limitées. Ces estimations se fondent sur l’hypothèse selon laquelle les pays tiers appliquent leurs objectifs les moins ambitieux.

Le paquet énergie-climat prévoit la possibilité de maintenir l’allocation gratuite des quotas pour les secteurs ou sous-secteurs exposés au risque de fuites de carbone. La liste de ces secteurs a fait l’objet d’une décision de la Commission européenne adoptée en décembre 2009. Compte tenu du résultat de la conférence de Copenhague et des incertitudes qui subsistent, la Commission estime justifiée l’allocation de quotas à titre gratuit.

Outre cette solution, la directive SCEQE prévoit deux options si les négociations internationales relatives au climat ne donnent pas de résultat satisfaisant :

- la conclusion d’accords sectoriels internationaux ;

- l’inclusion des importations des pays tiers dans le système européen d’échange de quotas d’émissions (mécanisme d’inclusion carbone ou taxe carbone aux frontières).

La communication évoque la possibilité d’accords sectoriels entre l’Union européenne et des pays tiers, par exemple avec la Chine sur l’acier. Ces accords inclueraient des dispositions sur les crédits issus des mécanismes de projet du protocole de Kyoto, afin de permettre un meilleur ciblage et de renforcer leur intégrité environnementale. Peu de progrès ont cependant été enregistrés dans le domaine des accords sectoriels, à l’exception du secteur du ciment.

L’initiative CSI (Cement sustainability initiative) : la préfiguration d’un accord sectoriel sur le ciment ?

L’intiative CSI du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) réunit 24 grands producteurs de ciment dans plus de 100 pays, représentant 30% de la production mondiale, afin de mettre en œuvre une approche sectorielle du développement durable, et notamment de la lutte contre le changement climatique. L’industrie du ciment est responsable de 5% des émissions de CO2 d’origine anthropique.

Dans le cadre de cette initiative, différentes actions sont mises en œuvre :

- un système de mesures des émissions, les entreprises s’étant fixé leurs propres objectfs de réduction ;

- l’identification des leviers d’action pour réduire les émissions : efficacité énergétique, énergies renouvelables, CSC ;

- la définition d’un modèle économique d’approche sectorielle, dans lequel les gouvernements et les industries coopéreraient pour mettre en œuvre des politiques, secteur par secteur, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette approche serait fondée sur la mise en place de marchés du carbone dans les pays développés et l’adoption de cibles d’intensité dans les pays en développement.

La Commission reprend ses réserves traditionnelles concernant le mécanisme d’inclusion carbone (MIC) soutenu par la France, qui imposerait aux importateurs d’acheter des quotas sur le marché européen, correspondant au contenu en carbone des importations. Elle cite la nécessité d’une réflexion sur la compatibilité avec les règles de l’OMC, les difficultés techniques pour définir la teneur en carbone des importations, les conséquences sur la politique commerciale et le coût des importations. Lors de son audition par les rapporteurs, la commissaire Mme Connie Hedegaard a indiqué que compte tenu de ces réserves, il convenait selon elle de laisser le MIC « dans la boîte à outils ».

La France continue à soutenir la création du MIC, en soulignant que celui-ci serait complémentaire de l’allocation gratuite de quotas. La mise en œuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone présenterait en effet des avantages, tant au plan économique, en ce qu’elle permetttrait d’assurer des conditions de concurrence équitables, qu’au plan environnemental car elle garantirait une réduction effective des émissions de CO2, en évitant que celles-ci ne se déplacent simplement vers des régions qui pratiquent un « dumping environnemental ».

IV. LA PERSISTANCE DU RISQUE DE BLOCAGE CHINE-ETATS-UNIS

Les négociations depuis Copenhague n’ont pas montré d’évolution dans la position des deux principaux émetteurs mondiaux, qui privilégient des actions au plan interne par rapport à un engagement international.

La session de négociations qui s’est tenue à Tianjin du 4 au 9 octobre 2010 a souligné la persistance d’un risque de blocage. La Chine insiste toujours sur les responsabilités historiques des pays développés et sur son appartenance aux pays en développement. Elle exprime ses doutes sur la sincérité de l’engagement des pays développés à mettre en œuvre le financement Fast start. Les Etats-Unis soulignent à l’inverse la nécessité d’abolir les différences entre les pays de l’annexe I et les pays hors annexe I. Les deux pays se renvoient déjà la responsabilité en cas d’échec de la conférence de Cancun.

1. Les Etats-Unis : une situation interne défavorable à l’adoption d’un accord international sur le climat

En juin 2009, la Chambre des réprésentants avait adopté un projet de loi American Clean Energy and Security Act, dit Waxman-Markey, fixant l’objectif de 17 % de réduction des émissions d’ici 2020 (en référence à 2005) et créant un marché fédéral du carbone. Au Sénat, après plusieurs reports de l’examen d’un projet de loi sur l’énergie et le changement climatique (proposition Kerry-Boxer, puis proposition Kerry-Lieberman publiée en mai 2010), le constat d’un blocage a été fait au mois de juillet 2010, l’opposition républicaine de l’époque étant susceptible de bloquer la discussion avec 41 voix sur 100.

Le fait que les républicains aient obtenu la majorité à la Chambre des représentants et renforcé leur position au Sénat lors des élections de mi-mandat rend d’autant plus improbable l’adoption d’une législation sur le climat d’ici fin 2012, date d’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto. Dans ces conditions, les Etats-Unis ne s’engageront pas dans un traité sur le changement climatique pour l’après-2012.

En l’absence d’une législation spécifique, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) intervient par la voie réglementaire pour limiter les émissions. Elle fonde son action sur un arrêt de la Cour Suprême de 2007(20), selon lequel les gaz à effet de serre sont des polluants relevant de la législation sur la pollution atmosphérique, le Clean Air Act. En avril 2009, l’EPA a adopté des conclusions reconnaissant que les gaz à effet de serre sont des polluants atmosphériques dangereux pour la santé publique et le bien-être. Cette décision a conduit l’Agence à intervenir pour limiter les émissions dans deux domaines. En avril 2010, l’EPA a publié un règlement sur le contrôle des émissions des véhicules individuels et des véhicules utilitaires légers, qui prendra effet en janvier 2011 pour les nouveaux véhicules mis sur le marché. Elle a d’autre part adopté en mai 2010 un règlement sur les émissions des sources stationnaires dans le cadre du programme de permis du Clean Air Act. Il concerne les installations industrielles responsables de 70 % des émissions, notamment les usines électriques, les raffineries et les usines de ciment. L’EPA prévoit une mise en œuvre progressive à partir de janvier 2011. Les installations industrielles concernées devront acquérir des permis pour leurs émissions de gaz à effet de serre, en fonction des seuils définis par l’Agence. Elle examinera en 2015 s’il convient d’étendre le système des permis aux plus petits émetteurs.

2. La Chine refuse toujours toute contrainte internationale

Si elle refuse toujours toute notion de contrainte internationale, la Chine agit au plan interne mais peu d’informations sont disponibles sur ses initiatives. La presse chinoise a très récemment fait état de projets gouvernementaux tendant à créer un marché du carbone lors du plan quinquennal 2011-2015. La Chine poursuit ses investissements massifs dans les énergies renouvelables : elle occupe le premier rang mondial pour l’installation de parcs éoliens et produit avec Taiwan la majorité des panneaux photovoltaïques dans le monde.

Les enjeux économiques mondiaux de la lutte contre le changement climatique sont de plus en plus visibles et pourraient déclencher un affrontement commercial. L’annonce récente par les Etats-Unis de l’ouverture d’une enquête, au titre de la section 301 de la loi sur le commerce, sur les subventions chinoises au secteur des énergies renouvelables(21), qui pourrait déboucher sur une plainte à l’OMC, en est une illustration patente. Il est aujourd’hui évident que la Chine et les Etats-Unis se sont lancés dans une véritable course technologique pour les énergies du futur et que les technologies énergétiques d’avenir sont devenues un élément-clé de la compétition mondiale.

DEUXIÈME PARTIE : QUE PEUT-ON ATTENDRE DE CANCUN ?

I. UN ÉQUILIBRE QUI RESTE À DÉFINIR

Il existe maintenant un consensus sur l’objectif général de la conférence de Cancun, parvenir à un « paquet » de décisions équilibré, mais les différents acteurs n’ont pas la même vision de la notion d’équilibre ni du contenu des décisions susceptibles d’être prises. La notion d’équilibre elle-même n’est pas explicitée. Si l’on se réfère à l’accord de Copenhague, il pourrait s’agir d’un équilibre entre les engagements des pays en développement d’un côté et le soutien que peuvent leur apporter les pays développés de l’autre.

Les pays en développement ont des attentes fortes en ce qui concerne le volet « soutien », c’est-à-dire le financement, la lutte contre la déforestation, l’adaptation et les technologies. Les pays développés insistent sur le système de mesure, de notification et de vérification (MRV) des objectifs et des actions d’atténuation. Les objectifs d’atténuation eux-mêmes semblent moins au centre des négociations que lors de la conférence de Copenhague. Les chiffres communiqués en janvier 2010 n’évolueront pas et les Etats-Unis n’accepteront pas de prendre un engagement contraignant. Les négociations à Cancun devraient donc plutôt se concentrer sur les mécanismes.

L’objectif de l’Union européenne est d’ancrer les principes de l’accord de Copenhague, en renforçant le degré de précision, et d’obtenir des progrès sur tous les thèmes de la négociation, de façon à obtenir un cadre global. L’idée est également d’obtenir des résultats tangibles se traduisant en actions, selon la même démarche que celle du financement Fast start. Les conclusions du conseil environnement du 14 octobre 2010 n’établissent pas de hierarchie entre les sujets et demandent des décisions sur l’ensemble des thèmes : adaptation, atténuation, technologies, renforcement des capacités, REDD+, agriculture, MRV, finance et mécanismes de marché. L’Union européenne demande également l’adoption d’un programme de travail pour les prochaines étapes, en soulignant qu’il convient d’éviter un hiatus entre l’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto et l’adoption d’un cadre juridique global.

Certains sujets, comme la réduction des émissions liées à la déforestation, semblent prêts à faire l’objet d’un accord mais le résultat final est incertain car il dépendra de l’équilibre général du paquet.

II. LA POSSIBILITÉ D’UNE DÉCISION EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION

La question de la déforestation avait été exclue du protocole de Kyoto, qui visait essentiellement les actions des pays développés. Or il s’agit d’un enjeu important de la lutte contre le changement climatique car on estime que la déforestation est responsable de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les forêts représentent 30 % de la surface terrestre et renferment 25 % du carbone accumulé dans les écosystèmes. La déforestation libère le carbone stocké dans les forêts mais réduit également la capacité d’absorption globale de la biosphère.

A. Un processus initié par la Conférence de Bali

Lancées en 2005 à la 11ème COP de Montréal, les négociations internationales sur la réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD) se sont concrétisées par une première décision prise par la conférence de Bali en décembre 2007. Elle initiait une phase d’expérimentation de différentes activités de lutte contre la déforestation. Ces activités sont dites REDD + car elles incluent, outre les émissions évitées, la capacité de stockage de carbone des forêts (activités de boisement et reboisement), ainsi que leur gestion durable.

Sur la base de cette décision, plusieurs initiatives internationales ont été lancées. On peut citer :

- le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) et le programme d’investissements pour la forêt (FIP) de la Banque Mondiale ;

- le partenariat entre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (OAA), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dédié au REDD : UN-REDDD ;

- l’action du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) ;

- le Fonds forestier du Bassin du Congo, géré par la Banque africaine de développement et auquel contribuent le Royaume-Uni et la Norvège ;

- des initiatives bilatérales : l’initiative Forêt Climat de la Norvège, l’initiative Forêt Carbone de l’Australie…etc.

Par la suite, la conférence de Poznan en décembre 2008 a permis l’adoption d’une nouvelle décision fixant un cadre pour les travaux futurs :

- une approche intégrant tous les usages des sols (déforestation, dégradation, maintien des forêts et plantations) ;

- la recherche de critères pour l’élaboration de scénarios de référence (choix d’une base historique pour mesurer les progrès accomplis) ;

- la création d’un cadre unifié de coordination des activités de renforcement des capacités dans les pays en développement ;

- la communication par les pays en développement de leurs données d’inventaires forestiers (seuls l’Inde et le Brésil disposant de telles données de manière précise et fiable).

B. Des progrès importants depuis l’accord de Copenhague

1. Les contours de REDD+ se précisent et laissent espérer une décision à Cancun

L’Union européenne soutient un objectif de réduction de la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux actuels et l’arrêt d’ici 2030 de la diminution du couvert forestier mondial.

L’accord de Copenhague demande la création d’un mécanisme REDD+, afin de permettre la mobilisation de financements des pays développés. Cependant, l’absence d’accord global dans le cadre des Nations unies à Copenhague n’a pas permis de concrétiser ce mécanisme.

De l’avis de nombreux acteurs des négociations, REDD+ est l’un des sujets qui pourraient faire l’objet d’un accord lors de la Conférence de Cancun, dans le cadre d’un paquet équilibré.

Il y a un consensus sur une mise en œuvre de REDD+ en 3 phases :

- une phase de préparation, au cours de laquelle les pays en développement élaboreront une stratégie nationale et renforceront leurs capacités. Cette phase doit permettre une analyse des causes de la déforestation et de la dégradation des forêts, ainsi que la définition d’un scénario de référence et d’un système de MRV des émissions. Plus de quarante pays ont entamé cette phase ;

- une phase intermédiaire devant permettre l’application des politiques et des mesures au plan national, ainsi que la mise en œuvre de projets et de programmes pilotes. Certains pays plus avancés, comme le Brésil, pourront entrer dans cette phase plus tôt que d’autres. Pour la plupart des pays, cette phase ne s’achèverait cependant qu’à partir de 2020 ;

- une phase finale permettant le paiement aux résultats. Les pays recevront des financements en fonction des réductions d’émissions constatées par rapport à un scénario de référence, grâce à un système MRV fiable et transparent.

Les trois phases nécessiteront des financements de la part des pays développés. Plusieurs incertitudes subsistent, concernant le financement au-delà du Fast start et l’organisation de la troisième phase : le financement s’appuiera-t-il sur un fonds (dont les sources restent à identifier) ou sera-t-il lié aux marchés du carbone (avec la possibilité de crédits liés à des projets REDD+) ? Il existe des divergences entre les Etats sur cette question.

2. Le partenariat REDD+ : des engagements financiers substantiels de la part des pays développés

A Copenhague, les Etats-Unis, la France, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni et l’Australie s’étaient engagés à consacrer 3,5 milliards de dollars au financement précoce de REDD+ sur la période 2010-2012, dans le cadre du financement Fast start.

Ces engagements se sont par la suite renforcés dans le cadre du processus Paris-Oslo initié par la France et la Norvège. A la suite de deux conférences réunissant les pays des grands bassins forestiers et les donateurs, à Paris en mars 2010 et à Oslo en mai 2010, un partenariat REDD+ a été créé. Il rassemble les pays bénéficiaires volontaires, représentatifs des grands bassins forestiers mondiaux (bassin du Congo, bassin amazonien et bassin indonésien) et les principaux pays donateurs, soit soixante-et-onze pays au total. L’accord de partenariat prévoit une co-présidence par un pays développé et un pays en développement. Le Japon et la Papouasie-Nouvelle Guinée assurent jusqu’à la fin de l’année la co-présidence du partenariat, puis la France et le Brésil leur succéderont au premier semestre 2011. Ce partenariat est considéré comme provisoire, car il devrait s’intégrer dans un mécanisme de la CCNUCC lorsqu’un accord sur REDD+ aura été conclu.

Les engagements des donateurs s’élèvent à 4 milliards de dollars pour 2010-2012 (2,8 milliards d’euros).

Engagements des différents donateurs dans le cadre du partenariat REDD+

Pays

Engagement en dollars

Norvège

Au moins 1 milliard

Etats-Unis

Au moins 536 millions en 2010 et 2011

Allemagne

503 millions

Japon

500 millions

France

330 millions

Royaume-Uni

300 millions (chiffre indicatif)

Finlande

69 millions

Australie

100 millions

Espagne

26 millions

Danemark

16,5 millions

Source : Partenariat REDD+, chiffres au 27 mai 2010.

L’engagement de la France est de 246 millions d’euros, soit 20 % de son engagement au titre du financement Fast start. 100 millions proviennent des ressources budgétaires, tandis que 150 millions vont être obtenus par la vente des unités de quantité attribuée excédentaires, dont la France dispose parce qu’elle a dépassé ses objectifs au titre du protocole de Kyoto.

Exemples de projets REDD+ susceptibles d’être financés par la France dans un cadre bilatéral

Ces projets pourront être mis en œuvre par le fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) ou par l’Agence française de développement (AFD).

- imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale : mise à disposition d’équipement, d’assistance technique, d’imagerie satellite d’archives et de nouvelles images pour la période 2010-2015, à tous les acteurs publics et associatifs de REDD+ dans le bassin du Congo afin d’assurer le suivi de la déforestation ;

- gestion forestière durable dans la province du Kalimantan (Indonésie) : appui à l’aménagement durable des concessions forestières et préparation à l’écocertification, dans le cadre d’une approche pilote intégrée de protection des forêts à l’échelle d’un district ;

- coopération régionale sur le plateau des Guyanes : création et animation d’une plateforme régionale de coopération pour la protection des forêts entre la Guyane française et ses voisins (Suriname, Guyana, Etat d’Amapa au Brésil et Venezuela) pour la mutualisation des connaissances, du savoir-faire et des équipements nécessaires au suivi de l’état des forêts et à la lutte contre la déforestation.

Source : Ministère de l’économie.

Les rapporteurs se sont rendus en Norvège, début novembre 2010, à l’invitation du ministère norvégien des affaires étrangères, qu’ils tiennent à remercier. Ils ont rencontré M. Erik Solheim, ministre de l’environnement et de la coopération internationale, M. Hans Brattskar, ambassadeur chargé du climat et de la forêt, M. Petter Myhre, Président de la Commission des affaires étrangères du Stortinget, et ont également eu des entretiens avec des autorités et des élus locaux, des représentants de l'industrie et de la société civile et des scientifiques.

Les rapporteurs ont pu constater à quel point la Norvège a fait de la lutte contre le changement climatique une priorité nationale. Son engagement de réduction des émissions de 30 %, pouvant être porté à 40 % en cas d’engagement comparable des principaux émetteurs, est le plus ambitieux des pays développés. La Norvège est de plus le principal pays contributeur à la lutte contre la déforestation dans les pays en développement. Son engagement remonte à 2007, lorsqu’elle a annoncé au cours de la Conférence de Bali, qu’elle y consacrerait 3 milliards de couronnes par an (environ 370 millions d’euros). Elle soutient la coordination internationale dans ce domaine et est à l’origine, avec la France, du partenariat REDD+ créé à la suite de la conférence d’Oslo du 27 mai 2010. Dans ce cadre, elle s’est engagée à un financement d’un milliard de dollars par an, soit 25 % du total des engagements, ce qui représente un effort considérable pour un pays de moins de 5 millions d’habitants.

L’aide de la Norvège est mise en œuvre par le biais de différents canaux : multilatéraux (UN-REDD, dont elle finance intégralement la première phase, Fonds FCPF et FIP de la Banque Mondiale, Fonds pour le bassin du Congo de la Banque africaine de développement) et bilatéraux. A cet égard, elle établit des coopérations en concentrant ses financements sur quelques pays forestiers, dont le Brésil, l’Indonésie et le Guyana. La Norvège s’est ainsi engagée à apporter une aide pouvant aller jusqu’à un million de dollars via le Fonds pour l’Amazonie pour la période 2008-2015 ; une vaste coopération technique est également mise en œuvre. La Norvège privilégie dans ses coopérations bilatérales un financement en fonction des résultats obtenus.

La Norvège espère un accord sur REDD+ à Cancun dans le cadre d’un accord global équilibré. A cet égard, elle est prête comme l’Union européenne à s’engager pour une nouvelle période du protocole de Kyoto.

C. Les défis de la lutte contre la déforestation : l’exemple du Brésil

Les rapporteurs se sont rendus au Brésil en juin 2010, avant les élections présidentielles qui ont eu lieu en octobre 2010. Ils ont rencontré des représentants du Cabinet civil (Présidence de la République), des différents ministères impliqués dans la lutte contre le changement climatique (ministères de l’environnement, des relations extérieures et des sciences et technologies), des députés membres de la commission de l’environnement, des représentants d’ONG, ainsi que des chercheurs brésiliens et français.

1. Des objectifs ambitieux

Le Brésil a défini un plan national contre le changement climatique depuis 2008. Avant la Conférence de Copenhague, des objectifs ambitieux ont été annoncés, puis adoptés en décembre 2009 dans une loi sur la politique nationale relative au changement climatique.

L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 36 % à 39 % d’ici 2020, par rapport à leur tendance actuelle. Selon le ministère des sciences et technologies, cet effort correspond, en termes absolus, à celui proposé par les Etats-Unis pour la même période. Il s’agit, dans le contexte des négociations internationales, d’un objectif volontaire.

Ces chiffres sont déclinés par secteur : l’essentiel des efforts doit porter sur la lutte contre la déforestation, qui doit représenter 24,7 % des réductions d’émissions, tandis que l’agriculture doit contribuer à hauteur de 4,9 à 6,1 %, et l’énergie de 6,1 à 7,7 %. Des objectifs spécifiques de réduction de la déforestation ont été définis : celle-ci doit reculer de 80 % en Amazonie (qui représente la moitié du territoire brésilien) et de 40 % dans le Cerrado.

La loi crée également un Fonds national du changement climatique, dont la principale ressource est une taxe de 10 % sur les bénéfices des compagnies pétrolières. Celui-ci est destiné à financer des actions incitatives en matière d’atténuation et d’adaptation. Un financement de 10 milliards de réaux (environ 5 milliards d’euros) est prévu sur dix ans.

2. La complexité de la lutte contre la déforestation

La déforestation a nettement reculé en 2009, ce qui poursuit la tendance depuis 2004 : elle est passée de 27 000 km² en 2004 à 7500 km2 en 2009. D’ici 2020, l’objectif est de limiter la déforestation à 4 000 km2 par an.

L’intensité de la déforestation varie selon les zones, la pression s’exerçant surtout sur l’Est de l’Amazonie. Elle s’explique par la transformation illégale de zones forestières en terres agricoles (culture du soja, élevage…), qui s’opère notamment le long des routes.

Si la législation actuelle est jugée satisfaisante, de nombreux interlocuteurs ont souligné le fait qu’en pratique, la lutte contre la déforestation est complexe. Les principaux obstacles sont la structure administrative (avec le niveau fédéral, le niveau fédéré et les communes) et la situation foncière. En Amazonie, 75 % des terres sont publiques et une part importante est occupée illégalement par des populations pauvres, souvent soumises aux pressions des grands propriétaires. Afin de sortir de cette situation, depuis 2005, des concessions forestières ont été créées. Elles sont allouées à des entreprises ou à des communautés. Des efforts sont également faits pour augmenter la productivité agricole des terres déjà déboisées.

Dans ce contexte, il est difficile d’avoir des moyens de contrôle et de sanction de la déforestation. La police fédérale mène des actions de contrôle efficaces mais l’absence de cadastre en Amazonie est un obstacle important car il n’est pas possible de savoir à qui appartiennent les terres déboisées. Il existe actuellement des contrôles par satellite de la déforestation, mais les images ne sont pas assez précises pour permettre un contrôle des propriétés.

L’ensemble des personnes rencontrées par les rapporteurs a manifesté son inquiétude à propos du projet de réforme du code forestier, toujours en cours d’examen au Congrès. Celui-ci prévoit de réduire les contraintes pour les propriétaires, qui ont actuellement l’obligation de préserver une partie de leurs terres de la déforestation (80 % en Amazonie, 20 % dans le Sud, mécanisme de la « réserve légale »). Ce projet est fortement poussé par les producteurs agricoles et les grands propriétaires.

3. La position du Brésil dans les négociations internationales

Avant la Conférence de Copenhague, le Brésil et la France avaient adopté une position commune, élaborée par un groupe de travail conjoint sur le climat. Celle-ci avait permis de démontrer que les clivages Nord-Sud pouvaient être dépassés, au bénéfice d’une démarche ambitieuse de lutte contre le changement climatique.

Le Brésil considère que Copenhague a débouché sur des résultats en deçà des attentes, mais que l’accord comporte de nombreuses avancées. Il est maintenant important d’obtenir des résultats concrets à Cancun sur tous les thèmes de l’accord de Copenhague. En particulier, il est essentiel de mettre en œuvre le financement Fast start qui doit permettre des aides réellement nouvelles. Il faut également une impulsion de la part des Etats, la conditionnalité des offres des pays industrialisées étant jugée comme un obstacle.

La thématique REDD est également prioritaire pour le Brésil, qui juge positif l’accord obtenu à Oslo en mai dernier. Un accord sur ce thème devrait porter sur l’inventaire forestier, le contrôle et prévoir la possibilité de mécanismes de marché dans une phase finale.

Enfin, le Brésil soutient avec la France la réforme de la gouvernance internationale de l’environnement, grâce à la création d’une organisation mondiale de l’environnement (OME) incluant la dimension du développement durable, lors de la Conférence Rio+20 qui se tiendra à Rio en mai 2012.

III. LES ENJEUX DU FINANCEMENT EN FAVEUR DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

A. Le financement Fast start : un financement d’urgence pour créer la confiance

Décidé à Copenhague, le financement Fast start de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 est un engagement important des pays développés, visant à créer de la confiance entre pays du Nord et pays du Sud et à entrer dans une dynamique positive, afin de construire le cadre post-2012 de la lutte contre le changement climatique. Il s’agit d’une aide d’urgence sur trois ans, hors du cadre des Nations unies, finançant des actions d’atténuation (y compris dans le domaine de la lutte contre la déforestation), d’adaptation, de mise au point et de transfert de technologies et de création de capacités.

1. Un impératif de transparence

La transparence des financements (respect des engagements, objectifs, actions financées, comptabilisation) est essentielle. Les pays développés souhaitent la promouvoir, afin que leurs efforts soient bien pris en compte dans le contexte global des négociations sur le climat. L’accord de Copenhague repose en effet sur un équilibre entre l’engagement des pays en développement de mener des actions de lutte contre le changement climatique et celui des pays développés de contribuer financièrement à la mise en œuvre de ces actions.

Afin de favoriser la transparence, les Pays-Bas ont créé un site Internet(22) consacré au financement Fast start dans lequel sont recensés les engagements des pays développés. A ce jour, dix-huit Etats ainsi que l’Union européenne ont transmis des informations.

Engagements des pays développés dans le cadre du financement Fast start

Pays

Engagement 2010-2012

Allemagne

1,26 milliard d’euros

Belgique

150 millions d’euros dont 42 millions pour 2010

Danemark

1,2 milliard de DKK dont 308 millions de DKK pour 2010

Espagne

375 millions d’euros

Finlande

110 millions d’euros

France

1,26 milliard d’euros, dont 420 millions d’euros pour 2010

Irlande

Jusqu’à 100 millions d’euros

Luxembourg

9 millions d’euros

Pays-Bas

310 millions d’euros

Portugal

36 millions d’euros

Royaume-Uni

1,5 milliard de livres

Slovenie

8 millions d’euros

Suède

800 millions d’euros

Commission européenne

150 millions d’euros

Engagement global de l’UE

7,55 milliards d’euros

Australie

582,7 millions de dollars pour l’année fiscale 2010-2011

Canada

389,2 millions de dollars pour 2010

Etats-Unis

1,7 milliard de dollars en 2010

Japon

15 milliards de dollars23

Norvège

357 millions de dollars pour 2010

Suisse

141,4 millions de dollars

TOTAL (Estimation octobre 2010)

28,34 milliards de dollars

Sources : site « faststartfinance » et World research institute.

Par ailleurs, l’Union européenne a présenté en juin 2010, lors de la session de négociations de Bonn, un rapport sur la mise en œuvre du financement Fast start. Elle rappelle que son engagement et celui des Etats membres s’élève à 2,4 milliards d’euros par an sur trois ans(24), ce qui représente le tiers des engagements des pays développés, et que ces engagements seront tenus puisque les engagements pour 2010-2012 s’élèvent à 7,55 milliards d’euros.

Pour 2010, 970 millions d’euros sont affectés aux actions d’atténuation et 561 millions d’euros à l’adaptation (le reste n’ayant pas encore été affecté). Environ 60 % des financements sont alloués par des canaux bilatéraux et 40 % par des canaux multilatéraux, les principaux étant le Fonds d’investissement pour le climat (208 millions d’euros), le Fonds pour l’environnement mondial (108 millions d’euros) et le fonds d’adaptation du protocole de Kyoto (56 millions d’euros). Plus de 60 % des aides bilatérales sont destinées à des pays africains. Enfin, 73 % des aides sont attribuées sous forme de subventions. L’Union européenne présentera un nouveau rapport lors de la conférence de Cancun puis des rapports annuels.

2. Un effort important de la France

L’engagement de la France s’élève à 1,26 milliard d’euros, soit 420 millions d’euros par an, dont 20 % seront consacrés à la lutte contre la déforestation. La France souhaite également qu’au moins 20 % des financements soient consacrés à des actions d’adaptation.

Les financements sont alloués par les instruments existants et inclus dans les allocations à ces instruments.

Canal de mise en œuvre

Montant triennal

Multilatéral

430 M€

Fonds pour l'Environnement mondial

95 M€

Fonds pour les technologies propres

335 M€

   

Bilatéral

830 M€

Fonds français pour l'Environnement mondial

50 M€

Agence française de développement

780 M€

Total

1 260 M€

Source : Ministère de l’économie.

La France souhaite utiliser à partir de 2011 le produit de la vente de l’excédent de crédits carbone dont elle dispose dans le cadre du protocole de Kyoto. Elle financerait ainsi des actions en faveur de la protection des forêts, pour un montant de 150 millions d’euros pour 2011-2012.

La contribution française comprendra des dons et des prêts concessionnels(25), finançant des actions nouvelles dans la perspective ouverte par l’accord de Copenhague.

Pour 2010, une vingtaine de projets sont financés à hauteur de 420 millions d’euros. On peut citer :

- une aide multilatérale : la contribution de la France au Fonds pour les technologies propres, qui s’élève à 203 millions d’euros comptabilisés sur 3 ans ; ce fonds doit financer à hauteur de 750 millions d’euros le plan solaire méditerranéen décidé dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée ;

- des financements bilatéraux : le prêt d’appui au gouvernement indonésien pour la mise en œuvre de sa stratégie nationale de lutte contre le changement climatique (142 millions d’euros), l’appui au développement des énergies renouvelables au Kenya (56 millions d’euros), le financement par le Fonds français pour l’environnement mondial du programme régional de gestion durable des terres en Afrique de l’Ouest, ainsi que du suivi de la ressource en eau dans le bassin du Congo.

3. Des débats entre pays en développement et pays développés sur la notion de financements nouveaux et additionnels

L’accord de Copenhague prévoit que le financement au titre du Fast start repose sur des ressources nouvelles et additionnelles. Malgré les efforts de transparence fournis par les pays donateurs, les pays en développement expriment leurs doutes quant au caractère nouveau et additionnel des financements par rapport aux budgets existants de l’aide au développement. Ils souhaitent que le financement Fast start fasse l’objet d’une décision à Cancun, afin de formaliser les engagements des pays développés et d’assurer un suivi. A l’inverse, les pays développés ne sont pas favorables à un tel encadrement des financements, en raison de leur caractère volontaire et de court terme et considèrent que la transparence est une garantie suffisante.

Le concept même de financements nouveaux et additionnels n’est pas interprété par tous de la même façon. Certains proposent de ne tenir compte que de l’augmentation des budgets annuels. La France souligne que cette approche a pour conséquence de pénaliser les Etats qui, comme elle, se sont engagés depuis longtemps dans la lutte contre le changement climatique. Elle y consacre déjà en effet 1 à 2 milliards d’euros par an. D’autres pays proposent d’exclure les financements au titre du Fast start de l’aide publique au développement. La France insiste sur la nécessité d’une approche globale dans laquelle l’action en faveur du développement est liée à la lutte contre le changement climatique. Elle indique qu’elle comptabilisera ses financements climatiques comme aide publique au développement s’ils en remplissent les critères.

B. Le défi du financement de long terme

L’accord de Copenhague est caractérisé par un renforcement très net des engagements financiers des pays développés en faveur de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, avec le passage d’un ordre de grandeur en milliards à un ordre de grandeur en dizaines de milliards de dollars. Plusieurs estimations internationales des besoins avaient été réalisées antérieurement, notamment par le secrétariat de la CCNUCC, par la Banque mondiale et par la Commission européenne(26). Le chiffre de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 a été proposé par les Etats-Unis à Copenhague.

1. La nécessité de combiner différentes sources, dont des sources innovantes

L’accord de Copenhague prévoyait la création d’un groupe de haut niveau qui étudierait les sources possibles de financement et présenterait ses conclusions à la Conférence des Parties. Ce groupe consultatif, créé par M. Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, en février 2010 a remis son rapport le 5 novembre dernier.

Le mandat du groupe de travail lui donnait pour mission d’examiner les moyens de renforcer les mécanismes existants mais aussi la possibilité de recourir à de nouvelles sources de financement pour atteindre l’objectif d’un financement de 100 milliards de dollars par an. Le groupe était à l’origine
co-présidé par M. Meles Zenawi, Premier ministre de l’Ethiopie et M. Gordon Brown, Premier ministre du Royaume-Uni. Lorsque celui-ci a quitté ses fonctions en mai 2010, il a été remplacé par M. Jens Stoltenberg, Premier ministre de Norvège. La composition du groupe est originale : il a réuni des chefs d’Etats et de gouvernement, des ministres (dont Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie), des hauts fonctionnaires, des experts, ainsi que des personnalités du monde de la finance (par exemple M. George Soros) venant de pays développés et de pays en développement.

Le groupe estime que l’objectif de 100 milliards de dollars par an est un défi mais qu’il est réalisable. Le rapport identifie quatre catégories de sources de financement et souligne la nécessité de combiner ces sources :

Ø Le financement public, à travers des subventions ou des prêts avec un degré élevé de concessionalité

Le groupe estime que les contributions budgétaires directes devraient continuer à jouer un rôle déterminant, en dépit du contexte budgétaire difficile pour les pays développés. Certains grands pays émergents souhaitent privilégier ce mode de financement par rapport aux financements innovants.

Les nouvelles sources qui pourraient contribuer au financement public sont :

- les instruments fondés sur le prix du carbone dans les pays développés (instruments publics tels que revenus d’enchères sur les permis d’émissions, taxes carbone nationales, taxes internationales et marchés d’échange de quotas d’émissions). Le groupe de haut niveau estime qu’un prix du carbone de l’ordre de 20 à 25 dollars la tonne contribuerait significativement à l’objectif de financement de 100 milliards de dollars par an. Les enchères sur les permis d’émissions et les taxes carbone pourraient alors dégager un financement de 30 milliards de dollars par an.

Les marchés du carbone sont encore peu développés au plan mondial. Le marché européen est le principal, puisqu’il a représenté 83 % des transactions en 2009. Il ne couvre que 4 % des émissions mondiales mais il peut servir de modèle pour le développement de marchés du carbone nationaux ou régionaux. Aux Etats-Unis, la mise en œuvre d’un marché fédéral est retardée du fait des difficultés du processus législatif au Congrès mais l’Agence de protection de l’environnement envisage de créer un marché par voie réglementaire. La Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud ont fait état de leur volonté de créer des marchés du carbone.

On peut imaginer, si les marchés du carbone se développent au plan national ou régional, que ceux-ci soient reliés entre eux de façon à s’orienter vers un marché mondial. Lors de son audition, M. Benoît Leguet, directeur du pôle recherche de CDC climat, a souligné l’importance dans cette perspective de pérenniser un système de mécanismes de projets sous le contrôle des Nations unies, qui permettrait de faire le lien entre marchés et d’éviter des évolutions économiques divergentes.

Le rapport du groupe consultatif souligne qu’une coordination internationale des instruments fondés sur le prix du carbone, par exemple dans le domaine du transport international, pourrait permettre de dégager des ressources importantes (estimées à au moins 10 milliards de dollars par an) et recommande la poursuite des travaux dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI) et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

- une taxe globale sur les transactions financières, idée défendue par la France. Le groupe souligne que la part qui serait allouée à l’action pour le climat est une question politique. Une forte coordination internationale limiterait les distorsions de concurrence. Plusieurs difficultés liées à la création d’une telle taxe sont citées : le manque d’acceptabilité politique, l’incertitude de son effet sur les pays en développement. De nettes divergences existent sur l’opportunité de créer une telle taxe et différents points de vue se sont exprimés au sein du groupe de travail. Les revenus potentiels qui seraient liés à cette taxe, dont les contours restent à définir, ainsi que ceux résultant du redéploiement des subventions aux énergies fossiles, sont estimés à 10 milliards de dollars par an.

Le rapport écarte en revanche la possibilité de créer d’autres instruments, comme un fonds reposant sur des droits de tirage spéciaux du fonds monétaire international (FMI)(27).

Le débat sur la possibilité d’une taxe sur les transactions financières dépasse la question du changement climatique et doit s’inscrire dans la réflexion générale sur l’aide au développement et les objectifs du millénaire adoptés en 2000.

La réflexion sur les financements innovants en faveur du développement

A la suite de l’adoption des objectifs du millénaire, la notion de financements innovants en faveur du développement est apparue dans le débat international en 2002, lors de la conférence de Monterey.

Créée à l’initiative du président Chirac en 2006, la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion est appliquée par un groupe de pays volontaires (le Chili, la Côte d’Ivoire, la France, la Corée du Sud, Madagascar, l’île Maurice et le Niger) qui allouent tout ou partie des revenus à une facilité internationale d’achats de médicaments (UNITAID).

Institué à Paris en février 2006, sous l’impullsion notamment de la France et du Brésil, le groupe pilote sur les financements innovants pour le développement a pour mission de :

- contribuer à l’émergence et à la diffusion de projets dans le domaine des financements innovants du développement ;

- promouvoir le principe des contributions de solidarité auprès des partenaires et dans les enceintes internationales ;

- développer le projet de contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion déjà mis en œuvre par un groupe de pays pionniers en vue de son élargissement à d’autres pays selon leurs possibilités ;

- examiner les modalités d’utilisation des recettes de la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion pour des actions coordonnées et pérennes dans le domaine de la santé et du développement ;

En octobre 2009, un groupe de travail sur les transactions financières réunissant 12 pays a été créé dans le cadre du groupe pilote. A sa demande, un groupe d’experts a rédigé un rapport sur la faisabilité des différentes options de financements innovants, publié en juillet 2010(28). Ont été étudiées :

- une taxe sur les activités financières ;

- une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les services financiers ;

- une taxation large sur les transactions financières ;

- une taxe sur les transactions de change mono-devise collectée au niveau national ;

- une taxe sur les transactions de change multi-devises collectée de manière centralisée au niveau mondial.

Le rapport conclut que l’instrument le plus approprié serait une taxe mondiale sur les transactions de change et que la création d’une telle taxe est techniquement et juridiquement envisageable. Le rapport propose un taux de 0,005 %, qui ne devrait pas avoir d’effet significatif sur les transactions et permettrait de dégager 30 milliards de dollars par an.

L’Union européenne est favorable à une taxation mondiale du secteur financier et les conclusions du Conseil européen du 17  juin 2010 affirment que : « L'UE devrait jouer un rôle de premier plan dans les efforts consentis pour définir une stratégie à l'échelle de la planète visant à l'instauration de systèmes de prélèvements et de taxes sur les établissements financiers, en vue de maintenir des conditions égales pour tous au niveau mondial, et elle défendra vigoureusement cette position vis-à-vis de ses partenaires du G20. Il conviendrait de réfléchir à l'introduction d'une taxe mondiale sur les transactions financières et de faire avancer les travaux dans ce domaine. »

En revanche, les Etats membres sont divisés sur l’introduction d’une taxation uniquement au niveau européen. La Commission européenne recommande d’envisager une taxe sur les activités financières29, qui ciblerait les bénéfices et les rémunérations des sociétés du secteur financier. Le Conseil européen de décembre débattra des différentes options possibles.

Ø Les financements des banques de développement et du système des Nations unies

Le groupe estime que celles-ci pourraient contribuer à hauteur de 11 milliards de dollars par an en flux nets.

Ø les marchés de compensation carbone : les flux financiers pourraient atteindre 30 à 50 milliards de dollars par an, soit 10 milliards de dollars de flux nets. Le groupe n’a pas pu adopter de position sur la prise en compte de ces flux dans l’objectif global de financement.

Ø les flux d’investissement privé, qui pourraient être encouragés par le financement public : 10 à 20 milliards de dollars par an pourraient être dégagés sur la base d’un prix du carbone entre 20 et 25 dollars la tonne.

Le tableau suivant récapitule les sources de financement potentielles et leurs contributions.

Sources de financement identifiées par le groupe consultatif de haut niveau sur le financement du changement climatique

Sources de financement

Montants estimés par an
(milliards de dollars)

Enchères sur les permis d’émission et taxes carbone

30

Contribution des secteurs maritime et aérien

Au moins 10

Taxe sur les transactions financières

10

Financements des banques de développement

11

Investissements privés

10 à 20

Marchés de compensation carbone

30 à 50

10 (flux nets)

La France, qui a participé activement au groupe de travail, insiste sur la nécessité de combiner différentes sources pour atteindre l’objectif de financement ambitieux défini dans l’accord de Copenhague. Elle indique sa préférence pour les mécanismes de taxation ou de marché de permis pour les émissions des secteurs maritime et aérien internationaux, le renforcement des marchés du carbone, les mécanismes susceptibles d’avoir un effet de levier sur les financements privés, la participation des institutions financières internationales et la création d’une contribution sur les transactions financières. Elle souhaite enfin une coordination internationale des financements.

2. Quelle architecture ?

L’accord de Copenhague prévoit la création d’un « Fonds vert » pour le soutien des actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Cependant, les contours de la future architecture financière internationale dédiée au climat ne sont pas encore connus. Des progrès ont été enregistrés lors des négociations de Tianjin et une décision lançant le processus de création du Fonds pourrait être prise à Cancun, si les divergences entre la position du G77 et celle des Etats-Unis sont surmontées. Le G77 voudrait en effet que le Fonds vert soit rattaché à la CCNUCC, tandis que les Etats-Unis souhaitent qu’il soit créé en dehors de celle-ci, sur le modèle du fonds climat de la Banque Mondiale.

La France souhaite une architecture décentralisée, fondée sur les institutions existantes (bilatérales, locales ou multilatérales), avec une coordination. Le Fonds vert interviendrait de façon complémentaire. L’AFD a formulé des propositions, elle soutient une organisation reposant sur trois mécanismes :

- un « schéma global d’assistance technique d’accompagnement des pays »

Ce mécanisme permettrait une aide aux pays en développement qui le souhaitent dans l’élaboration de leurs politiques en matière de climat. Des groupes thématiques d’experts seraient créés par secteur économique et des ressources financières nationales et internationales seraient allouées aux études, à l’assistance technique, au renforcement de capacités et à l’amorçage d’actions pilotes. La coordination serait assurée par les Nations unies.

- un « dispositif de collaboration financière ».

Une coordination des nombreux acteurs financiers (nationaux, internationaux, publics et privés) serait créée sous l’autorité des Nations unies. Elle prendrait en charge la présentation des demandes de financement, et permettrait la constitution de « pool » de financement diversifiés et adaptés à la demande.

- le Fonds vert de Copenhague pour le climat

Le Fonds vert pour le climat interviendrait en complément de l’action des différents acteurs financiers nationaux et internationaux. Il fonctionnerait sous l’égide de la convention climat et serait géré par un conseil exécutif assurant une représentation équilibrée des Etats du Nord et du Sud, ainsi que par un comité de crédit responsable de la décision sur les engagements financiers du fonds, constitué d’institutions financières nationales et internationales.

Le système serait ainsi rapidement opérationnel et permettrait une coordination des financements, ainsi qu’une cohérence avec les politiques des pays bénéficiaires.

3. Le soutien à l’adaptation et au transfert de technologies

Des décisions de la COP seraient possibles sur l’adaptation et le transfert de technologies, deux autres aspects du soutien aux pays en développement, même si lors de la session de Tianjin, le thème de l’adaptation a peu progressé, notamment parce qu’il est dépendant d’autres volets de la négociation (financement et atténuation).

Dans le domaine des technologies, les négociations visent à créer un mécanisme technologique, composé d’un comité technologique exécutif, d’un centre et d’un réseau climat. Cependant, les progrès enregistrés à Tianjin sont également modestes et certains sujets, comme le lien entre le mécanisme financier et le mécanisme technologique et les droits de propriété intellectuelle, posent difficulté.

IV. UN SYSTÈME INTERNATIONAL DE MESURE, DE NOTIFICATION ET DE VÉRIFICATION EST ESSENTIEL POUR GARANTIR L’EFFECTIVITE DES ENGAGEMENTS

Comme l’ont montré les négociations à Copenhague, la question du mécanisme de suivi, notification et de vérification des émissions et des actions (en anglais monitoring, reporting, verification ou MRV) est un enjeu important car elle conditionne la crédibilité et l’effectivité des engagements des Etats. Selon l’accord de Copenhague, « les réductions opérées et les moyens de financement fournis par les pays développés seront mesurés, notifiés et vérifiés conformément aux lignes directrices existantes et à celles que pourrait adopter la Conférence des Parties, la comptabilisation de ces objectifs et de ces moyens de financement devant être rigoureuse, fiable et transparente. »

Le protocole de Kyoto et les décisions prises par la Conférence des parties organisent le système actuel de notification et d’examen des informations fournies par les Etats de l’annexe I. Il prévoit que ces Etats mettent en place des systèmes nationaux d’estimation de leurs émissions par sources ainsi que des absorptions par les puits de carbone. La méthodologie de ces mesures est établie selon les recommandations du GIEC. Les Etats doivent soumettre annuellement leurs inventaires de gaz à effet de serre ainsi que leurs communications nationales, qui fournissent des informations sur le respect de leurs objectifs. Des équipes d’experts examinent ensuite ces documents. Les données ainsi établies servent de base aux calculs relatifs aux quotas pouvant être échangés, et aux mécanismes de projet.

Un système de registres permet de contrôler les unités de quantité attribuée détenues par chaque Etat. Les Etats tiennent des registres nationaux, tandis que le secrétariat de la CCNUCC tient un registre spécial pour le MDP.

Les négociations ont fait apparaître un certain consensus pour que le futur système de MRV des engagements des pays développés soit élaboré à partir du système existant dans le protocole de Kyoto. Cependant, cette question est étroitement liée à celle des engagements eux-mêmes, sur laquelle un accord à Cancun est peu probable.

Selon l’accord de Copenhague, seules les actions des pays hors annexe I qui bénéficient de financements internationaux devront être soumises à un mécanisme international de MRV, conforme aux lignes directrices adoptées par la Conférence des Parties. Ces règles ne sont pas encore définies. Les autres actions des pays hors annexe I seront mesurées et vérifiées au plan national, puis les résultats seront présentés tous les deux ans dans les communications nationales, « des dispositions étant prises en vue de consultations et d’analyses au niveau international selon des lignes directrices clairement définies permettant de respecter la souveraineté nationale. » Ces lignes directrices restent également à définir. La question du mécanisme de MRV est liée par les pays en développement à la souveraineté nationale, ce qui en fait un sujet difficile des négociations. En particulier, la Chine est très réticente sur cette question et la notion de consultations et d’analyses internationales est clairement une concession de sa part.

L’Union européenne souhaite un cadre commun de MRV pour tous les Etats, incluant un système de consultation et d’analyse internationale, et prenant en compte les responsabilités différenciées des pays développés et des pays en développement. Elle insiste sur la nécessité que les consultations et analyses internationales incluent l’application des méthodologies et lignes directrices, et qu’il y ait une transparence des informations transmises.

V. DES DECISIONS SUR L’ATTÉNUATION ET L’AVENIR DU PROTOCOLE DE KYOTO SERONT DIFFICILES A OBTENIR

Concernant les objectifs d’atténuation, les positions des Parties n’ont pas évolué par rapport à la Conférence de Copenhague. Il est donc peu probable que Cancun débouche sur une décision à ce sujet. Les objectifs communiqués à la CCNUCC par les pays de l’annexe I ne sont pas juridiquement contraignants et la dernière session de négociations à Tianjin n’a pas permis d’avancées sur leur transformation en objectifs de réduction quantifiés, c’est-à-dire en objectifs contraignants au sens du protocole de Kyoto. Par ailleurs, les pays en développement font de l’engagement des Etats développés dans une deuxième période du protocole une condition de leur propre engagement.

Or une décision sur l’avenir du protocole de Kyoto paraît également difficile à obtenir.

Depuis le début des négociations, deux groupes de travail ad hoc fonctionnent en parallèle : l’un dans le cadre de la Convention et l’autre dans celui du protocole de Kyoto. Lors de la conférence de Copenhague, les Parties ont décidé de prolonger le mandat des deux groupes, et donc de maintenir deux voies de négociation distinctes.

Il existe des divergences entre les pays de l’annexe I sur la possibilité d’une deuxième période d’engagement. Comme on l’a vu, l’Union européenne est prête à s’engager pour une deuxième période mais les Etats-Unis souhaitent un accord global incluant des objectifs de réduction des grands pays émergents. Le Japon a exprimé ses réserves quant à la possibilité de souscrire une nouvelle période d’engagement. Le Canada est également très réticent. Les pays en développement insistent au contraire sur l’importance du protocole de Kyoto comme cadre de l’engagement des pays développés.

Compte tenu du peu d’avancement des négociations, ainsi que de la procédure d’entrée en vigueur des amendements au protocole de Kyoto, il existe un risque de vide juridique à partir du 31 décembre 2012, date d’expiration de la première période d’engagement. Cette situation menacerait la continuité des instruments créés par le protocole, tels que le marché international du carbone et les mécanismes de flexibilité, mécanisme de développement propre (MDP) et mise en œuvre conjointe (MOC).

Une note du secrétariat de la CCNUCC de juillet 2010(30) recense les solutions juridiques envisageables pour éviter un hiatus entre la première période d’engagement et les périodes suivantes, lié à la procédure de ratification, et décrit quelles seraient les conséquences d’un tel hiatus. Elle rappelle que compte tenu de la procédure d’entrée en vigueur des amendements au Protocole, ceux-ci devraient être ratifiés par les trois quarts des Parties, soit 143 Etats avant le 3 octobre 2012. Si ces amendements étaient adoptés lors de la Conférence du Cap en décembre 2011, cela laisserait moins d’un an pour les procédures de ratification, qui incluent au plan interne une approbation par les parlements.

Plusieurs possibilités, comme une modification de la procédure, ou une application provisoire des amendements, sont évoquées pour permettre une entrée en vigueur plus rapide. Une prolongation de la première période d’engagement (la note cite la date de 2014) serait possible, et celle-ci pourrait s’appuyer sur une décision de la Conférence des parties, qui constituerait un engagement politique. Les Parties devraient alors décider s’il y a lieu de recalculer les objectifs des Etats de l’annexe I.

Le document précise que « le protocole de Kyoto est un accord qui prévoit un ensemble d’institutions et d’engagements pour une période indéfinie, même si les objectifs chiffrés de limitation et de réduction des émissions des Parties visées à l’annexe I sont fixés période d’engagement par période d’engagement. Les institutions et les obligations découlant du protocole ne pâtiraient donc pas toutes d’un hiatus entre ces deux périodes ». Au-delà du 1er janvier 2013, les engagements chiffrés des Etats de l’annexe I ne s’appliqueraient plus. En revanche, le secrétariat de la CCNUCC estime que la question de l’avenir des mécanismes de projet (mise en œuvre conjointe et mécanisme de développement propre) en cas de hiatus entre les périodes d’engagement relève de l’interprétation de la conférence des Parties. Il considère que la possibilité de continuer à procéder à des échanges de drois d’émission n’est pas certaine, compte tenu de l’absence d’engagements de réduction des émissions.

Si une deuxième période d’engagement était décidée, une autre question se pose, celle de l’intégrité environnementale du protocole. Du fait de l’effondrement de l’ancien bloc soviétique, une grande quantité de crédits d’émissions alloués dans le cadre du protocole de Kyoto (« unités de quantité attribuée ») n’ont pas été utilisés par les Etats membres d’Europe centrale et orientale, et les Etats tiers comme la Russie et l’Ukraine. On estime que fin 2012, 10 milliards d’unités de quantité attribuée resteront inutilisées. Leur report après 2012, et donc la possibilité de les vendre sur le marché international du carbone, pourrait considérablement affaiblir les engagements des Etats en matière de réduction et de limitation des émissions et réduire la portée du futur accord. La Commission européenne, dans sa communication précitée du 9 mars 2010, souligne que les engagements des pays développés seraient alors réduits de 6,8 % par rapport à 1990 : ils ne seraient plus de 13,2 à 17,8 %, ce qui est déjà insuffisant pour l’objectif de 2°C, mais de 6,4 à 11 %.

Les règles de comptabilisation des émissions pour les secteurs du boisement, du déboisement, du reboisement et de la gestion des forêts menacent également l’intégrité environnementale du protocole de Kyoto. Elles permettent aux Etats de l’annexe I de comptabiliser les flux nets sans les comparer à ceux d’une année de référence, comme c’est la règle pour les autres émissions. Bien que le volume des absorptions résultant de la gestion des forêts soit plafonné, leur prise en compte selon la méthode actuelle de comptabilisation a pour effet de réduire l’effort global de réduction des émissions des Etats concernés. Si elles sont appliquées de façon extrême, la Commission européenne estime qu’elles peuvent réduire l’ambition des pays développés de 9 % par rapport à 1990.

Enfin, il faudra définir quel peut être l’avenir des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. L’Union européenne est favorable à une réforme du mécanisme de développement propre (MDP), permettant d’améliorer son intégrité environnementale, son efficacité, sa gouvernance et la répartition géographique des projets, qui bénéficient actuellement essentiellement aux grands pays émergents(31). L’Union souhaite que les pays les moins avancés puissent bénéficier du MDP et demande la création de mécanismes sectoriels, notamment dans les pays émergents.

CONCLUSION

Les défis de la conférence de Cancun sont donc réels. Il faut espérer que les risques de blocage sur la notion centrale d’équilibre seront surmontés et que des décisions concrètes pourront effectivement être prises. Dans un tel contexte, le rôle du Mexique, pays hôte de la Conférence pourrait être déterminant. Les conclusions du Conseil « Environnement » du 14 octobre 2010 l’invitent d’ailleurs à prendre toutes les initiatives nécessaires dans la préparation et le déroulement de la conférence. La tâche est délicate, la responsabilité du Danemark ayant été mise en cause lors de la conférence de Copenhague. Les pays en développement ont insisté à Tianjin sur la nécessité d’avoir un processus piloté par les parties. Le Mexique peut en tout état de cause agir comme facilitateur dans les négociations.

Cancun ne sera qu’une étape dans la définition du futur cadre international de la lutte contre le changement climatique, mais nous devons absolument réussir cette étape.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 23 novembre 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. Je voudrais remercier les deux rapporteurs pour leur excellence maîtrise du sujet et souhaite qu’ils continuent leurs travaux.

M. Jacques Myard. Je serai un peu moins pessimiste que les rapporteurs. Quand on regarde les conceptions même que vous défendez et l’impact qu’elles ont sur la communauté internationale, si l’on n’obtient rien à court terme, quelque chose va progressivement se dessiner à long terme. En revanche, la paralysie de l’Europe est patente alors que l’institution de la taxe carbone aux frontières aurait sans doute un effet déclencheur radical, notamment sur la Chine car elle serait un instrument très efficace contre le « dumping environnemental ». Cela serait à relier avec ce qui va se passer en termes monétaires. La France a donc tout intérêt à pousser dans ce sens mais elle aura sans doute à vaincre les réticences des industriels du CAC 40 qui sont des investisseurs actifs en Chine.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Nous sommes tout à fait d’accord avec cette idée. Mais l’idée de cette taxe n’est pas mûre au sein de l’Union européenne où les positions sont divergentes. Ainsi la Commission européenne n’y est pas favorable ; de même, elle ne fait pas l’unanimité parmi les vingt-sept Etats membres. Mais petit à petit on progresse sur cette idée de rééquilibrage plus juste et il est possible qu’un jour l’on y parvienne. En tout état de cause, il s’agit d’un axe que l’on doit continuer de tenir, ce que fait la France. Par ailleurs, il faut avancer en matière de forêts sur les thèmes de la lutte contre la déforestation et des financements innovants. Enfin, les progrès se poursuivent sur les nouvelles technologies. Pour le captage et le stockage du carbone (CSC), l’Europe a décidé de la mise en service, à l’horizon 2015, de démonstrateurs pour lesquels des financements ont été avancés. La technologie du CSC est, selon nous, capitale pour l’avenir car 50 % de l’électricité des Etats-Unis provient du charbon et ce pays a des réserves pour 250 ans. En Chine, une centrale à charbon s’ouvre chaque semaine. Les Etats-Unis et la Chine travaillent aussi sur le CSC et l’Europe doit continuer à innover sur ce sujet.

L’Union européenne a suscité beaucoup d’espoir en 2008 à travers la directive énergie climat sur laquelle nous avions fait un premier rapport . Avec la règle des trois fois vingt, l’Europe faisait figure de leader et on a alors cru qu’elle pourrait avoir un poids important voire décisif dans les engagements de Copenhague. Or il n’en a rien été du fait du blocage des Etats-Unis et de la Chine qui représentent à eux deux 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc essayer d’amener dans nos filets ces pays qui n’ont pas d’engagements contraignants dans le cadre du Protocole de Kyoto mais qui nous assurent qu’ils ont leurs plans nationaux de réduction de leurs émissions et qu’à l’horizon 2030-2040, leurs courbes rejoindront celles des pays européens. Nous en acceptons l’augure ! Ce sujet est complexe et passionnant.

M. Philippe Tourtelier. Je partage vos analyses. Le problème est de savoir où l’on place le curseur de l’optimisme et du pessimisme… Je me montrerai sans doute plus pessimiste que les rapporteurs. Ainsi l’une des raisons de l’échec de Copenhague est liée au non-respect des engagements financiers des pays développés. Sur les financements précoces, les choses ne sont pas claires. A l’occasion de son audition par plusieurs membres de notre commission, la commissaire européenne, Mme Connie Hedegaard, avait indiqué que les financements seraient en partie additionnels alors que Jean-Louis Borloo avait dit que ce ne seraient pas des financements additionnels. Si l’on examine le budget français consacré à l’aide au développement, il est bien difficile de discerner ce qui est additionnel ou pas. Nous risquons de ne pas être plus crédibles qu’à Copenhague. Ceci dit, le risque d’être déçu est moindre dans la mesure où la barre n’est pas placée très haut ! Ainsi, quand la nouvelle directrice exécutrice de la convention climat, Mme Christiana Figueres, dit que Cancun servira à définir le « socle commun des négociations futures », on voit qu’on est très prudent sur les résultats attendus !

Par ailleurs, l’Europe va-t-elle parler d’une seule voix et quelle sera-t-elle ? Celle, comme le voudrait la logique institutionnelle, de la Haute représentante qui , pour l’heure ne s’est pas exprimée sur le sujet et qui semble à l’écart de la négociation ? Celle de la commissaire ? Celle de la présidence belge ? Des risques de cacophonie pourraient être accentués par le fait que certains Etats seront tentés par un jeu personnel. Ainsi quand M. Jean-Louis Borloo a voulu se rapprocher du Brésil et de l’Afrique, cela s’est fait sans concertation avec les autres Etats membres et ces initiatives n’ont pas été valorisées à Copenhague. Les pays vont-ils négocier séparément ou pour le compte de l’Europe ?

Sur le fond, des problèmes se posent, notamment sur la forêt même si c’est le domaine sur lequel on a le plus avancé. Ainsi, quelle définition donner de la forêt ? L’accord de Marrakech de 2001 sur le mécanisme de développement propre inclut les plantations. Si l’on retient cette définition, cela reviendrait à financer les plantations qui fournissent l’huile de palme, responsables d’une grande partie de la déforestation. Un autre enjeu politique n’est pas réglé, celui des scénarios de référence : va-t-on aider les pays à reboiser au détriment des pays vertueux qui ont préservé leurs forêts? Par ailleurs, doit-on considérer la forêt du bassin du Congo dans son ensemble ou dans ses entités nationales, ce qui pose le problème de la responsabilisation des Etats ? S’agissant des financements, l’Union européenne avait dans un premier temps refusé une taxe intérieure sur les transactions financières. La commission de l’environnement du Parlement européen a proposé une taxe de 0,01 %, ce qui équivaudrait à 20 milliards par an. Ce projet va être soumis cette semaine au Parlement européen et ce serait pour l’Union européenne une occasion de retrouver une crédibilité en tant que leader.

Il faudrait aussi avancer sur la structure juridique du Fonds vert sur laquelle la position de l’Europe n’est pas claire. Quel type de gouvernance adopter ? Une gouvernance à l’image de la Banque mondiale ou une gouvernance spécifique qui donnerait plus de poids aux pays en développement pour décider de l’utilisation des fonds ? Tous ces sujets sont éminemment politiques.

Le protocole de Kyoto n’est qu’un symbole dans la mesure où il n’y a pas de sanctions. A partir du moment où l’Union européenne a adopté le paquet énergie-climat, elle va continuer dans ce sens. Elle garde sans doute « dans sa manche » comme un argument de négociation, le passage de 20 à 30 % de réductions des émissions, pour montrer qu’elle y croit. On pourrait techniquement avancer à Cancun sur le renforcement de la structuration des mécanismes de vérification. Le principe des déclarations volontaires a été acté à Copenhague et l’ONU a les moyens techniques de leur vérification. Cela peut être l’occasion de constituer un socle commun afin de donner de la crédibilité aux engagements des Etats et de préparer la suite. Les résultats de Cancun ne seront sans doute pas grandioses mais l’Europe peut saisir cette occasion pour jouer un rôle sur la scène internationale et de modifier sa façon de négocier. Mais j’avoue quelques inquiétudes sur ce dernier point…

M. Yves Bur. Quelles seront les avancées à Cancun dans la mesure où peu de choses ont changé depuis Copenhague ? L’Union européenne a essuyé là un véritable échec par rapport à ce que celle-ci pensait obtenir. Les leçons en ont-elles été tirées ? On n’a pas beaucoup avancé non plus en matière de gouvernance, qui va diriger les négociations maintenant ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Ce sera la présidence belge.

M. Yves Bur. Est-ce que la situation de Copenhague, chaque Etat menant ses propres négociations en fonction d’impératifs de politique intérieure, va se reproduire ?

Je suis plutôt pessimiste car les décisions se prendront en dehors de l’Union européenne qui va perdre son exemplarité et toute capacité d’entraînement. Les innovations en matière d’environnement progressent partout dans tous les Etats se souciant de ce problème. Ainsi, en matière d’économies d’énergie, les Etats-Unis et la Chine sont très en pointe, la Chine pouvant devenir le pays le plus avancé dans ce domaine. Il faut donc tirer les conclusions de cet échec de Copenhague pour que l’Union européenne retrouve des moyens d’action.

Enfin il faut tenir compte de la confiance des citoyens envers la capacité d’action de l’Union européenne. Celle-ci a été très décevante en matière de gouvernance financière et risque de l’être autant dans le domaine de l’environnement.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. J’acquiesce en partie à cet avis mais ne suis personnellement ni optimiste ni pessimiste. Il faut être réaliste mais une ou quelques avancées seront peut-être possibles à Cancun, sans qu’on sache encore lesquelles.

La difficulté est que le premier semestre de 2010 a été atone après l’échec de Copenhague, les activités ayant repris aux conférences de l’été dernier, à Bonn et à Tianjin, où des oppositions se sont manifestées. Nous allons bientôt rencontrer de nouveau M. Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique afin d’avoir une vision actualisée de la situation. Il faut être moins sévère pour l’Europe même si un effort continu doit être fait dans le domaine des technologies car la Chine et les Etats-Unis investissent beaucoup dans les technologies vertes. La prudence s’impose car lorsqu’ils seront prêts, ils reviendront sur la scène internationale et pourront ainsi nous imposer leurs normes. Il faut donc rester mobilisés.

Il ne faut pas reproduire la situation de Copenhague et il est nécessaire de prêter plus d’attention aux points de vue des scientifiques qui ont été oubliés. Les engagements actuels ne permettent pas de respecter l’objectif des 2° qui avait été fixé à Copenhague. Cependant, chaque Etat a publié sa feuille de route dès le mois de janvier de cette année comme cela avait décidé : ce fragile accord de Copenhague a donc été tenu.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Plusieurs écoles sont en présence pour organiser l’architecture financière. L’Union européenne, comme l’a décidé le Conseil environnement de la mi-octobre, souhaite s’appuyer sur les institutions existantes et le Fonds vert à la convention climat.

Je partage les inquiétudes de M. Tourtelier concernant la définition de la forêt qui sera adoptée. Il n’y a pas de réponse pour l’instant, elle sera dans l’accord final qui n’est pas présigné d’avance.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous félicite pour votre très important travail. Il me semble important que vous puissiez continuer à assurer, au nom de notre Commission, le suivi des négociations climatiques, au-delà de la conférence de Cancun.

Puis la Commission a approuvé la proposition de conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission,

Vu les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010,
Vu les conclusions du Conseil « Environnement » du 14 octobre 2010,

Vu la communication de la Commission européenne du 9 mars 2010 « Politique internationale en matière de climat après Copenhague : agir maintenant pour redynamiser l’action mondiale contre le changement climatique » (COM (2010) 86 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 26 mai 2010 « Analyse des options envisageables pour aller au-delà de l’objectif de 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre et évaluation du risque de fuites de carbone » (COM 2010 (265) final),
1. Regrette que, compte tenu de l’évolution des négociations internationales sur le changement climatique, les conditions de l’adoption d’un traité international susceptible d’entrer en vigueur le 1er janvier 2013, date d’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto, ne soient toujours pas réunies ;
2. Souhaite que la conférence de Cancun sur le changement climatique qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre 2010 permette l’adoption d’un ensemble de décisions équilibré mettant en
œuvre concrètement les principes de l’accord de Copenhague et permettant d’avancer dans la définition du futur régime mondial de lutte contre le changement climatique ;

3. Considère que ces décisions devraient permettre des progrès tant dans le domaine des engagements de réduction des émissions des Etats et de leur contrôle international, que dans celui du soutien apporté par les pays développés aux actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement ;

4. Demande en particulier une décision sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD+), ces activités étant responsables de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ;

5. Souligne le risque de hiatus entre l’expiration de la première période d’engagement du protocole de Kyoto et l’adoption d’un accord international sur le climat et insiste sur la nécessité que la conférence de Cancun fixe un calendrier, dans la perspective de la Conférence du Cap qui se tiendra en décembre 2011 ;

6. Approuve la position de l’Union européenne, qui a indiqué qu’elle était prête à s’engager dans une deuxième période au titre du protocole de Kyoto, dans un cadre global engageant toutes les grandes économies, en rappelant sa préférence pour un traité juridiquement contraignant ;

7. Se félicite que les Etats responsables de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre aient transmis leurs objectifs de réduction mais souligne que le niveau d’ambition est insuffisant pour atteindre l’objectif de limitation à 2°C du réchauffement climatique recommandé par le groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) et fixé par l’accord de Copenhague ;
8. Souligne l’effort déjà très important de l’Union européenne dans le cadre du paquet énergie-climat et approuve le fait que celle-ci continue à examiner les options possibles pour aller au-delà de son objectif de 20 % de réduction des émissions, tout en reconnaissant que les conditions d’un passage à 30 % ne sont pas réunies actuellement ;

9. Rappelle l’intérêt que présenterait la mise en
œuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone (MIC) ou « taxe carbone aux frontières », tant au plan économique, car il permettrait d’assurer des conditions de concurrence équitables, qu’au plan environnemental, car il éviterait un déplacement des émissions vers les pays ayant les normes les moins exigeantes ;

10. Estime que le financement des actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement est essentiel et souhaite la poursuite de la mise en
œuvre des engagements des pays développés dans le cadre du financement de court terme décidé à Copenhague pour la période 2010-2012 (dit financement Fast start), l’effort de transparence sur la mise en œuvre des financements devant également perdurer ;

11. Considère qu’il est urgent de définir les sources du financement de long terme, pour lequel l’accord de Copenhague fixe un objectif de de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, qui devront inclure des sources privées et publiques ;

12. Insiste sur le rôle que pourraient tenir les financements innovants, et en particulier une taxe internationale sur les transactions financières, et souhaite que ce sujet soit porté au plus haut niveau politique international.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
ET REMERCIEMENTS

Les rapporteurs tiennent à témoigner leur gratitude à l’ensemble des personnes qu’ils ont rencontrées.

*

* *

1. Paris

Ø Commission européenne :

– Mme Connie Hedegaard, commissaire européenne en charge de l’action pour le climat.

Ø Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement :

– Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

– M. Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique ;

– M. Paul Watkinson, chef de l’équipe de négociation ;

– M. Pascal Dupuis, chef du service Climat et efficacité énergétique ;

– Mme Hélène Le Du, sous-directrice du service Climat et de la qualité de l'air ;

– M. Daniel Delalande, chef du département lutte contre l'effet de serre ;

– M. Joffrey Celestin-Urbain, chef du bureau Marchés du carbone ;

– M. Aurélien Million, responsable du pôle Emissions, projections, modélisations.

Ø Ministère des affaires étrangères :

– M. Jean Lamy, sous-directeur du service du climat et de l'énergie.

Ø Ministère de l’économie :

– M. Christophe Bonnard, directeur-adjoint du cabinet de la ministre ;

– M. Benjamin Fremaux, conseiller technique ;

– M. Rémy Rioux, sous directeur, affaires multilatérales et développement, direction générale du Trésor ;

– M. Cyril Rousseau, chef du bureau de l’aide au développement et des institutions multilatérales de développement, direction générale du Trésor ;

– M. Schwan Badirou, adjoint au chef du bureau Environnement et agriculture, direction générale du Trésor ;

Ø Ambassade du Mexique :

– M. Carlos de Icaza, ambassadeur ;

– M. Andrés Ordoñez, ministre conseiller ;

– Mme Rocio Carbajal, conseiller pour les droits de l’homme et les affaires multilatérales.

Ø Ambassade de Norvège :

– M. Tarald Brautaset, ambassadeur ;

– M Børge Romsloe, premier secrétaire, chargé des affaires économiques ;

– Mme Helge Helland STAI, conseillère technique.

Ø Ambassade des Etats-Unis :

– M. Frederic Maerkle, conseiller scientifique.

Ø Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) :

– M. Emmanuel Guerin, directeur du programme Climat.

Ø Mission climat de la Caisse des dépôts :

– M. Benoit Leguet, directeur du pôle recherche ;

– Mme Anaïs Delbosc, chef de projet recherche.

2. Bruxelles

Ø Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne :

– M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent adjoint ;

– Mme Camille Bonenfant-Jeanneney, conseillère pour l'environnement.

Ø Commission européenne :

– M. Baptiste Legay, administrateur en charge des négociations internationales, unité des relations internationales et interinstitutionnelles, direction générale "Action climatique" ;

– Mme Ariane LABAT, administratrice, unité en charge de la stratégie et l'évaluation économique, direction générale "Action climatique".

3. Brésil

a) Rio

– M. João Augusto FORTES, directeur du centre Tom Jobim, Culture et environnement ;

– M. Ronaldo SEROA, chercheur à l’Institut de recherche en économie appliquée ;

– Mme Aspasia CAMARGO, conseillère municipale de Rio ;

– M. Alfredo Sirkis, conseiller municipal de Rio ;

– Mme Daniela PIRES DE ALBUQUERQUE, directrice adjointe pour la biodiversité et les aires protégées de l’INEA (institut d’état de l’environnement) ;

– Mme Marcia REAL, expert climat et marché du carbone du secrétariat de l’environnement de l’INEA ;

– M. Eduardo LARDOSA, biologiste, chef du service de la planification et de la recherche scientifique de l’INEA ;

– M. Gilles Barrier, consul général adjoint ;

– M. Jean-Claude Reith, attaché pour la science et la technologie au consulat général.

b) Brasilia

Ø Casa Civil  (Présidence de la République)

– M. Johannes Eck, conseiller en charge de la coordination de l’action générale.

Ø Ministère des Relations extérieures :

– M. Andre Odenbreit Carvalho, chef du service de la politique climatique.

Ø Ministère de l’Environnement :

– Mme Branca Americano, secrétaire à la qualité de l’environnement et aux changements climatiques.

Ø Ministère des Sciences et Technologies :

– Dr José Domingos Miguez, Coordinateur Général Changement climatique ;

– M. Marco Antonio Chamon, directeur technologique de l’INPE.

Ø Représentation de l’Union européenne :

– M. Arnold Jacques de Dixmude, coordinateur du programme de coopération sur le changement climatique.

Ø Chambre des députés :

– M. J. Khoury, président de la commission de l’environnement

– M. Luiz Carreira, député ;

– M. Edson Duarte, député ;

– M. Cassio Taniguchi, député.

Ø Ambassade de France :

– M. Yves Saint-Geours, ambassadeur de France.

– M. Bruno Margueritte, premier secrétaire

4. Norvège

a) Oslo

– M Erik Solheim, ministre de l’environnement et du développement international ;

– M Petter N. Myhre, député, président de la Commission des affaires étrangères du Stortinget ;

– M. Hans Brattskar, ambassadeur chargé du climat et de la forêt ;

– M. Hans-Aasmund Frisak, Directeur de la communication de Statoil ;

– M. Lars Løvold, Responsable du Rainforest Foundation, Norvège.

Ø Ministère des affaires étrangères

– Mme Tove Stub, directrice adjointe

– M. Ole T. Horpestad, Conseiller spécial Section Grand Nord ;

– Mme Line Aune, Conseiller Section Grand Nord ;

– Mme Tone Cecilie Engdahl, Conseiller spécial, Section juridique ;

– Eiler Fleischer, directeur adjoint Section de l’Union européenne ;

– Gustav Solvang, conseiller principal Section de l’Union européenne.

b) Tromsø

– Mme Gunn Sissel Jaklin, consul honoraire de France à Tromsø et directrice de la communication de l’Institut Polaire ;

– M. Nigel Yoccoz, professeur en biologie marine et arctique à l´Université de Tromsø ;

– Einar Ellingsen, Kongsberg Satelite Service ;

– Mme Mai-Eli Johansen et M.Cyrille Petryniak, Kongsberg Satellite Services ;

– M. Lennart Nilsen et M. Arve Elvebakk, Université de Tromsø ;

– M. Bjørn Fossli Johansen, directeur adjoint de l´Institut Polaire ;

– Mme Nina Buvang Vajaa, directrice du secrétariat du Conseil Arctique ;

– M. Arild Hausberg, Maire de Tromsø ;

– M. Terje Olsen, président du département de Tromsø ;

– M. Svein Ludvigsen, préfet de Tromsø et ancien ministre norvégien de la pêche.

ANNEXE 2 :
ACCORD DE COPENHAGUE

Nous, les chefs d’État, chefs de gouvernement, ministres et autres chefs des délégations ci-après présents à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2009 à Copenhague: […]

Soucieux d’atteindre l’objectif ultime de la Convention tel qu’il est énoncé à l’article 2 de celle-ci,

Guidés par les principes et les dispositions de la Convention,

Notant les résultats des travaux effectués par les deux groupes de travail spéciaux,

Souscrivant à la décision 1/CP.15 relative au Groupe de travail spécial de l’action concertée à long terme et à la décision 1/CMP.5 qui demande au Groupe de travail spécial des nouveaux engagements des Parties visées à annexe I au titre du Protocole de Kyoto de poursuivre ses travaux,

Sommes convenus du présent Accord de Copenhague qui prend effet immédiatement.

1. Nous soulignons que les changements climatiques représentent un des plus grands défis de notre temps. Nous confirmons notre ferme volonté politique de lutter sans tarder contre ces changements conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives. Pour atteindre l’objectif ultime de la Convention consistant à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique, nous entendons, compte tenu de l’opinion scientifique selon laquelle la hausse de la température mondiale devrait être limitée à 2 °C, renforcer notre action concertée à long terme visant à combattre les changements climatiques, sur la base de l’équité et dans l’optique d’un développement durable. Nous sommes conscients des lourdes conséquences des changements climatiques et de l’impact que des mesures de riposte peuvent avoir sur les pays particulièrement exposés à leurs effets néfastes et insistons sur la nécessité de mettre en place un programme global d’adaptation comprenant un appui international.

2. Nous nous accordons à penser qu’une forte diminution des émissions mondiales s’avère indispensable selon les données scientifiques et comme l’a établi le quatrième rapport d’évaluation du GIEC, en vue de réduire ces émissions pour que la hausse de la température de la planète reste inférieure à 2 °C, et entendons prendre, pour atteindre cet objectif, des mesures cadrant avec les données scientifiques et fondées sur l’équité. Nous devrions coopérer pour parvenir dans les meilleurs délais au plafonnement des émissions mondiales et nationales, en reconnaissant qu’il faudra plus de temps aux pays en développement pour atteindre le pic des émissions et en se rappelant que le développement social et économique et l’élimination de la pauvreté sont les priorités premières et essentielles de ces pays et qu’une stratégie de développement à faible taux d’émission est indispensable pour conférer à celui-ci un caractère durable.

3. Tous les pays sont confrontés au défi que représentent l’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et l’impact potentiel de mesures de riposte. Il faut d’urgence renforcer l’action engagée en matière d’adaptation et la coopération internationale dans ce domaine pour assurer la mise en oeuvre de la Convention en rendant possible et en soutenant l’application de mesures d’adaptation propres à réduire la vulnérabilité et à accroître la résilience des pays en développement, notamment ceux qui sont particulièrement exposés, et surtout les pays les moins avancés, les petits États insulaires en développement et les pays d’Afrique. Nous estimons que les pays développés doivent prévoir des ressources financières adéquates, prévisibles et pérennes, des technologies et un renforcement des capacités à l’appui de la mise en oeuvre de mesures d’adaptation dans les pays en développement.

4. Les Parties visées à l’annexe I s’engagent à réaliser, individuellement ou conjointement, les objectifs chiffrés fixés en matière d’émissions pour l’ensemble de l’économie pour 2020, qu’elles doivent soumettre au secrétariat d’ici au 31 janvier 2010 sous la forme indiquée à l’appendice I et que le secrétariat rassemblera dans un document de la série INF. Les Parties visées à l’annexe I qui sont parties au Protocole de Kyoto renforceront encore à cet égard les réductions d’émissions lancées par le Protocole de Kyoto. Les réductions opérées et les moyens de financement fournis par les pays développés seront mesurés, notifiés et vérifiés conformément aux lignes directrices existantes et à celles que pourrait adopter la Conférence des Parties, la comptabilisation de ces objectifs et de ces moyens de financement devant être rigoureuse, fiable et transparente.

5. Les Parties non visées à l’annexe I de la Convention appliqueront des mesures d’atténuation, notamment celles qu’elles doivent soumettre au secrétariat d’ici au 31 janvier 2010 sous la forme indiquée à l’appendice II et que le secrétariat rassemblera dans un document de la série INF, conformément aux paragraphes 1 et 7 de l’article 4 et dans l’optique du développement durable. Les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement peuvent prendre des mesures à titre volontaire et avec un appui. Les mesures d’atténuation prises ultérieurement et envisagées par les Parties non visées à l’annexe I, y compris les rapports nationaux d’inventaire, sont communiquées tous les deux ans dans les communications nationales conformément à l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 12, suivant les lignes directrices qu’adoptera la Conférence des Parties. Les mesures d’atténuation mentionnées dans les communications nationales ou communiquées sous une autre forme au secrétariat seront ajoutées à la liste figurant à l’appendice II. Les mesures d’atténuation prises par les Parties non visées à l’annexe I seront mesurées, notifiées et vérifiées au niveau national, le résultat obtenu étant présenté tous les deux ans dans leurs communications nationales. Les Parties non visées à l’annexe I communiqueront des renseignements sur la mise en oeuvre de leurs mesures dans les communications nationales, des dispositions étant prises en vue de consultations et d’analyses au niveau international selon des lignes directrices clairement définies permettant de respecter la souveraineté nationale. Les mesures d’atténuation appropriées au niveau national pour lesquelles un appui international est sollicité seront consignées dans un registre, tout comme les technologies, les moyens de financement et l’appui au renforcement des capacités correspondants. Les mesures bénéficiant d’un appui seront ajoutées à la liste figurant à l’appendice II. Les mesures d’atténuation appropriées au niveau national qui bénéficient d’un appui seront mesurées, notifiées et vérifiées au niveau international conformément aux lignes directrices adoptées par la Conférence des Parties.

6. Nous reconnaissons combien il est crucial de réduire les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts et de renforcer les absorptions d’émissions de gaz à effet de serre par les forêts et sommes conscients de la nécessité de prévoir des incitations positives en faveur de telles mesures par la mise en place immédiate d’un mécanisme, comprenant l’initiative REDD-plus, qui permette de mobiliser des ressources financières auprès des pays développés.

7. Nous décidons de suivre différentes démarches, y compris les possibilités de recourir aux marchés, pour renforcer le rapport coût-efficacité des mesures d’atténuation et promouvoir celles-ci. Il faudrait offrir des incitations aux pays en développement, en particulier à ceux qui ont une économie peu polluante, pour qu’ils conservent un mode de développement à faibles émissions.

8. Un financement accru, nouveau et additionnel, prévisible et adéquat ainsi qu’un meilleur accès à celui-ci devraient être fournis aux pays en développement, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, pour permettre et soutenir une action renforcée concernant à la fois l’atténuation, y compris d’importants moyens financiers pour réduire les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD-plus), l’adaptation, la mise au point et le transfert de technologies, ainsi que la création de capacités, en vue d’une application renforcée de la Convention. L’engagement collectif des pays développés consiste à fournir des ressources nouvelles et additionnelles, englobant le secteur forestier et des apports d’investissements par les institutions internationales, de l’ordre de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012, en les répartissant de manière équilibrée entre l’adaptation et l’atténuation. Le financement de l’adaptation sera destiné en priorité aux pays en développement les plus vulnérables, dont les pays les moins avancés, les petits États insulaires en développement et les pays d’Afrique. Dans l’optique de mesures concrètes d’atténuation et d’une mise en œuvre transparente, les pays développés adhèrent à l’objectif consistant à mobiliser ensemble 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement. Ce financement proviendra de diverses sources, publiques et privées, bilatérales et multilatérales, y compris d’autres sources de financement. De nouveaux moyens de financement multilatéraux en faveur de l’adaptation seront fournis par le biais de dispositifs financiers efficaces et rationnels, assortis d’une structure de gouvernance prévoyant une représentation égale des pays développés et des pays en développement. Une part appréciable de ce financement devrait être acheminée par l’intermédiaire du Fonds vert de Copenhague pour le climat.

9. À cet effet, un groupe de haut niveau sera constitué sous la direction de la Conférence des Parties, à laquelle il devra rendre compte, pour étudier la contribution des sources possibles de recettes, y compris des autres sources de financement, à la réalisation d’un tel objectif.

10. Nous décidons qu’il est constitué un Fonds vert de Copenhague pour le climat, en tant qu’entité chargée d’assurer le fonctionnement du mécanisme financier de la Convention, en vue de soutenir dans les pays en développement des projets, des programmes, des politiques et d’autres activités, concernant l’atténuation, y compris l’initiative REDD-plus, l’adaptation, le renforcement des capacités et la mise au point et le transfert de technologies.

11. Afin de renforcer l’action engagée dans le domaine de la mise au point et du transfert de technologies, nous décidons de créer un mécanisme technologique chargé d’accélérer la mise au point et le transfert de technologies à l’appui de mesures d’adaptation et d’atténuation qui suivront une démarche impulsée par les pays et seront fondées sur la situation et les priorités nationales.

12. Nous demandons que la mise en oeuvre du présent accord fasse l’objet d’une évaluation d’ici à 2015, notamment à la lumière de l’objectif ultime de la Convention. Cela impliquerait d’envisager de renforcer l’objectif à long terme en tenant compte de divers éléments fournis par les travaux scientifiques, en ce qui concerne en particulier une hausse des températures de 1,5 °C.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Notamment les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, le Soudan, l’Ethiopie, l’Algérie.

3 () Cancun, l’an un après Copenhague, Henri Casella, Anaïs Delbosc et Christian de Perthuis, Etude climat n° 24, octobre 2010.

4 () Voir le rapport d’information n°2124 sur la préparation de la Conférence de Copenhague.

5 () « The Copenhagen Accord : What happened ? Is it a good deal ? Who wins and who loses ? What is next? », Emmanuel Guérin et Matthieu Wemaere, Idées pour le débat, IDDRI décembre 2009.

6 () Rapport d’information n°2631 au nom de la Commission des affaires européennes.

7 () Le Canada qui a réduit son objectif et l’Islande qui l’a augmenté.

8 () Communication du 9 mars 2010 « Politique internationale en matière de climat après Copenhague : agir maintenant pour redynamiser l’action mondiale contre le changement climatique », COM (2010) 86 final et document de travail SEC (2010) 261

9 () « Cancun, l’an un après Copenhague », Henri Casella, Anaïs Delbosc et Christian de Perthuis, Etude climat n°24, octobre 2010.

10 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Progrès dans la réalisation des objectifs de Kyoto », COM (2010) 569

11 () Voir le rapport d’information n° 1260.

(12 ) Règlement (UE) de la Commission relatif au calendrier, à la gestion et aux autres aspects de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, 7744/2010.

13 () Rapport du groupe de travail sur les modalités de vente et de mise aux enchères des quotas de CO2 en France éléments relatifs a la phase III sous la présidence de Jean-Michel Charpin inspecteur général des finances, avril 2010.

14 () Décision de la Commission 2010/2/UE du 24 décembre 2009 établissant, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone.

15 () Décision de la Commission du 22 octobre 2010 adaptant la quantité de quotas à délivrer pour l’ensemble de l’Union pour 2013 dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et abrogeant la décision 2010/384/UE.

16 () Décision n° 2010/345/UE du 8 juin 2010 modifiant la décision 2007/589/CE afin d'ajouter des lignes directrices pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre résultant du captage, du transport et du stockage géologique du dioxyde de carbone.

17 () Règlement (UE) N o 82/2010 de la Commission du 28 janvier 2010 modifiant le règlement (CE) n° 748/2009 concernant la liste des exploitants d'aéronefs ayant exercé une activité aérienne visée à l’annexe I de la directive 2003/87/CE à compter du 1er janvier 2006 et précisant l’État membre responsable de chaque exploitant d’aéronefs.

18 () « Politique internationale en matière de climat après Copenhague : agir maintenant pour redynamiser l’action mondiale contre le changement climatique » COM(2010)90 final

19 () « Analyse des options envisageables pour aller au-delà de l’objectif de 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre et évaluation du risque de « fuites de carbone », COM (2010) 265 final.

20 () Massachussetts v. EPA, 549 U.S. 497 (2007), 2 avril 2007.

21 () L’administration américaine avait été saisie par le syndicat de l’acier.

22 www.faststartfinance.org

23 7,2 milliards en aide publique au développement et 7,8 milliards d’autres financements en collaboration avec le secteur privé

24 () Conclusions du Conseil européen du 11 décembre 2009.

25 () Un prêt est dit concessionnel s’il est constitué à plus de 35 % par un don.

26 () Rapport sur le développement dans le monde « Développement et changement climatique », octobre 2009, Banque mondiale et communication de la Commission européenne« Accroître le financement de la lutte contre le changement climatique : un projet européen pour l’accord de Copenhague », document COM (2009) 475/3.

27 () Cette dernière proposition avait été faite par M. Dominique Strauss Kahn, Directeur général du FMI, lors du forum de Davos en janvier 2010.

28 () « Mondialiser la solidarité : arguments en faveur des contributions financières : rapport du groupe d’experts à la taskforce sur les transactions financières internationales pour le développement », juillet 2010.

29 Communication sur la taxation du secteur financier, COM (2010) 549

30 () « Considérations juridiques relatives à un hiatus éventuel entre la première période d’engagement et les périodes d’engagement suivantes », FCC/KP/AWG/2010/10.

31 () 35 % des projets sont réalisés en Chine et 25 % en Inde.