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No 3018

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 décembre 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES((1)

sur
la proposition de directive relative à la taxation des poids lourds
pour l’utilisation de certaines infrastructures (Eurovignette)
(COM [2008] 438 final/E 3911)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gérard VOISIN,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE I : L’OBJET DE LA DIRECTIVE : LA PRISE EN COMPTE DES EXTERNALITÉS 15

I. LE DÉBAT THÉORIQUE 16

A. L’ANALYSE QUI SOUS-TEND LA NOTION D’EXTERNALITÉ N’EST GUÈRE CONTESTABLE 16

B. ELLE NE DOIT NÉANMOINS PAS CONDUIRE À DES CONCLUSIONS SIMPLISTES 17

II. LE DIFFICILE CALCUL DU MONTANT DES EXTERNALITÉS DU TRANSPORT ROUTIER 17

A. EN TERMES BUDGÉTAIRES LE TRANSPORT ROUTIER SUBVENTIONNE LES AUTRES MODES DE TRANSPORT 18

B. LE CHAMP DES EXTERNALITÉS À INTÉGRER DANS LE TRANSPORT ROUTIER 19

1. Les externalités aisément quantifiables 20

2. Les autres externalités 20

III. DES CONCLUSIONS DÉRANGEANTES 22

A. LE TRAFIC INTER URBAIN FINANCE SES EXTERNALITÉS 22

B. LE CALCUL DES EXTERNALITÉS MET EN ÉVIDENCE LA PÉNALISATION DU PAVILLON FRANÇAIS AU PROFIT DU TRAFIC DE TRANSIT 23

CHAPITRE II : LA PROPOSITION DE DIRECTIVE « EUROVIGNETTE » 27

I. UNE GESTATION DIFFICILE 27

A. LA LÉGISLATION INITIALE 27

B. LA PROPOSITION DE RÉVISION 29

C. LE COMPROMIS ÉLABORÉ PAR LA PRÉSIDENCE BELGE 30

II. UN TEXTE D’UNE AMBITION PLUS QUE LIMITÉE 31

A. LE PRODUIT DE L’EUROVIGNETTE SERA LIMITÉ 31

B. L’ABSENCE D’AFFECTATION OBLIGATOIRE DES RECETTES 31

1. Le point de vue des partisans de l’affectation 31

2. La situation française 32

a) Les arguments de la Cour des comptes 32

b) Le point de vue du rapporteur 33

III. DES CRITIQUES RECURRENTES 35

IV. LA QUESTION DE LA SUBSIDIARITE 37

CHAPITRE III : LES EXEMPLES ETRANGERS 39

I. L’EXEMPLE SUISSE 39

II. L’EXEMPLE ALLEMAND 40

A. LE SYSTÈME « TOLL COLLECT » 40

B. LES CONTREPARTIES OFFERTES AUX TRANSPORTEURS 41

III. L’EXEMPLE DE L’AUTRICHE 43

IV. L’EXEMPLE DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 45

CHAPITRE IV : LES EFFETS DE L’INTRODUCTION DU PÉAGE DES CAMIONS EN EUROPE 47

CHAPITRE V : L’ÉCOLOGISATION DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES AU SERVICE DU PAVILLON FRANÇAIS 53

I. L’IMPACT EN FRANCE DE L’EUROVIGNETTE, OU ECOTAXE POIDS LOURDS, DOIT ÊTRE NEUTRE POUR LE PAVILLON NATIONAL 54

II. L’IMPACT DE L’EUROVIGNETTE DOIT ETRE LIMITE POUR LE CONSOMMATEUR 56

III. L’EUROVIGNETTE DOIT PRIVILÉGIÉR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE : L’EXEMPLE DE LA MISE À DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA RCEA 56

IV. UNE ACTION PAR LA FISCALITÉ N’EST PAS SUFFISANTE 57

CONCLUSION 59

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

1. Communication de M. Gérard Voisin sur la proposition de directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (Eurovignette) (document E 3911), mardi 12 octobre 2010 61

2. Examen du rapport d’information sur la proposition de directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (E 3911), mardi 7 décembre 2010 65

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 71

ANNEXES 73

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 75

ANNEXE 2 : DONNEES STATISTIQUES SUR LE TRANSPORT DE MARCHANDISES 77

ANNEXE 3 : DONNEES ESSENTIELLES SUR LE TRANSPORT ROUTIER 93

ANNEXE 4 : STRATEGIE POUR UNE MISE EN œUVRE DE L’INTERNALISATION DES COUTS EXTERNES 97

ANNEXE V : PROPOSITION DE RESOLUTION DU PARLEMENT EUROPEEN SUR L’ECOLOGISATION DES TRANSPORTS ET L’INTERNATILISATION DES COUTS EXTERNES 105

ANNEXE 6 : LE CALCUL DES COUTS EXTERNES : LA CIRCULATION ROUTIERE EST-ELLE BIEN TARIFÉE ? 111

ANNEXE 7 : L’EUROVIGNETTE PEUT EVITER LE RECOURS A UNE CONCESSION : L’EXEMPLE DE LA RCEA 115

TION

Mesdames, Messieurs,

La mondialisation a marqué l’évolution économique de ces trente dernières années. Elle a favorisé la désindustrialisation de certains pays d’Europe occidentale par la recherche des coûts les plus bas, elle repose en grande partie sur la gestion du commerce et des entreprises à flux tendus, évitant le recours à des stocks coûteux ; d’où le développement du fret routier, garant de faibles coûts, fiable et souple.

Ce développement exponentiel du transport routier s’accompagne d’une contestation accrue de la part des populations, qui en perçoivent surtout les nuisances, sans mesurer à quel point leur mode de vie en dépend.

La proposition de directive Eurovignette illustre cette situation. Elle suscite la controverse depuis le départ, en opposant les Etats membres de l’Union européenne situés à la périphérie des principales routes aux Etats de transit, premières victimes du trafic important généré par le développement du transport routier de marchandises et supportant les coûts d’infrastructure, de congestion et de pollution l’accompagnant.

Au niveau européen, les déplacements par la route représentent 84 % des émissions de CO2 du secteur des transports, dont 28,5 % sont imputables au transport de marchandises. En France le secteur des transports est le premier émetteur de CO2 avec 34 % du total. Au niveau des infrastructures il faut noter qu’un camion de 40 tonnes cause aux infrastructures routières des dommages environ 160 000 fois supérieures à ceux d’une voiture.

S’il existe, depuis quelques année,s un discours soulignant qu’il convient de favoriser l’intermodalité et le développement du transport par fer, force est de constater que le transport routier de marchandises qui représentait 70 % du total en France en 1985, en représentait 83 % en 2008.

Ce mouvement a été favorisé incontestablement par le développement des échanges intracommunautaires et l’élargissement de l’Union européenne, en particulier à la péninsule ibérique et à l’Europe centrale.

Toutefois, poser les termes du débat en considérant que si la politique des transports de l’union européenne a incontestablement réussi sur le plan économique, elle aurait échoué sur le plan environnemental, en permettant le développement des modes de transport les plus polluants, constitue une erreur profonde.

Tous les pays de l’Union européenne n’ont en effet pas connu une désaffection du fret ferroviaire équivalente à la France. Il ne faut pas sous-estimer les facteurs propres à la situation française et à la SNCF, résultant de son sous–investissement dans le secteur du fret durant un demi siècle, et à la conflictualité excessive de cette entreprise.

En outre, si la politique des transports constitue une des politiques essentielles de l’Union européenne, et une des plus sensibles, les critères écologiques ne sauraient constituer une grille exclusive de lecture. Cette politique a également pour finalité le développement économique.

Considérer que la proposition de directive relative à « la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures » (Eurovignette), a pour seule finalité de pénaliser le transport routier – présumé pollueur – au profit d’autres modes de transport, considérés comme propre, correspond à une vision réductrice du sujet. Elle conduit à cristalliser l’opposition du monde des routiers, qui se sent injustement agressé.

Au contraire, le rapporteur estime que la mise en place de l’Eurovignette, si elle entraîne l’élaboration d’une politique du transport routier digne de ce nom, peut constituer une chance pour le pavillon français. Il doit s’intégrer dans la politique de l’Union européenne qui fait l’objet d’un large consensus sur deux points essentiels :

– la réorientation du transport des marchandises et des passagers de la route vers des modes de transport moins polluants est un élément fondamental de toute politique de transport durable ;

– elle peut s’effectuer en combinant route et rail, mer et rail ou encore rail et transport aérien.

Ces priorités ont été affirmées par le Livre blanc sur les transports de 2001 qui prévoyait un report modal volontariste de la route vers les modes de transport plus respectueux de l’environnement.

Or la politique de l’Union européenne a largement échoué à atteindre ces deux objectifs, pour trois raisons essentielles :

– la politique européenne a jusqu’à présent été définie par mode de transport (air, route, mer, rail) et non en intégrant la chaîne logistique complète, qui fait qu’un conteneur venant de Chine emprunte à la fois le camion le rail et le bateau ;

– une vision très libérale de la politique européenne a privilégié une politique de neutralité entre les modes de transport, tout en soulignant la nécessité d’un report intermodal. Il y a dans cette attitude une profonde contradiction. Il manque sans doute un « zeste de culture colbertiste » à la Commission européenne. Dès lors qu’elle affiche un volontarisme politique, elle ne doit pas renoncer par avance à des outils, tels que l’obligation de recourir au ferroutage sur certains corridors ;

– l’oubli de la dimension sociale conduit à fausser la concurrence dans le domaine du transport routier, comme l’illustre le tableau qui suit :

Il est néanmoins important de relever que le coût de la main-d’œuvre ne suffit pas à expliquer les difficultés du pavillon français. Les Néerlandais qui ont un coût de main d’œuvre supérieur au coût français ont des entreprises sensiblement plus performantes que les nôtres. Leur atout maître est le port de Rotterdam. Nous retrouvons ici l’importance de la notion de chaîne logistique. La faiblesse du transport routier international français est aussi le produit de notre incapacité à réformer le fonctionnement des ports et la branche fret de la SNCF, les pouvoirs publics étant inhibés par le poids de contraintes sociales, qui ont entravé les adaptations aux exigences de la mondialisation, limitant ainsi le développement de l’emploi en France.

La proposition de directive Eurovignette doit être considérée comme une tentative pour corriger ces travers par l’utilisation de la voie fiscale. Elle est insuffisante, à notre sens, car il convient d’intégrer également une réflexion sur l’utilisation par les Etats de leurs pouvoirs de police au service d’une politique de report intermodal, en imposant sur certains axes le recours au ferroutage, ce qu’a réussi la Suisse qui, au moment où elle a initié une politique de ce type, a imposé la traversée de son territoire par voie ferrée aux poids lourds de plus de 28 tonnes.

Lors de sa révision à mi-parcours en juin 2006 du Livre blanc de 2001, la Commission européenne a reconnu la faiblesse du transfert de la route vers les modes alternatifs, ce qui l’a conduit à se poser la question de la mise en oeuvre de moyens nouveaux, en particulier fiscaux, cette réflexion est à l’origine de la révision de la directive Eurovignette.

La directive Eurovignette(2) de 1999 relative à la taxation des poids lourds utilisant les infrastructures routières, révisée en 2006(3), permet aux pays concernés de faire payer aux transporteurs une grande partie des coûts d’infrastructures par la perception d’une taxe kilométrique d’utilisation du réseau routier.

La révision de 2006 a amorcé l’établissement d’un système basé sur le principe du « pollueur-payeur », en intégrant certains coûts externes du transport de marchandises, c’est-à-dire les atteintes à l’environnement et autres dégâts causés par le transport routier sans qu’il n’ait à en supporter le coût. Cette possibilité n’est aujourd’hui exploitée que par quatre Etats membres, l’Autriche, l’Allemagne, la République tchèque et la Slovaquie. La France a transposé cette directive, avec notamment les lois Grenelle 1 et 2 et la loi de finances pour 2009.

Le 8 juillet 2008, la Commission européenne a soumis un rapport présentant un modèle général de calcul des coûts externes liés aux transports, ainsi qu’une analyse de l’impact économique, social et environnemental de l’internalisation de ces coûts(4).

L’élaboration de ce modèle a abouti à la révision de la directive destinée à intégrer les coûts externes dans la perception de l’usage de l’infrastructure routière par les poids lourds(5).

Ainsi que l’ont souhaité les ministres des transports, ce projet n’aura qu’un caractère incitatif et n’aura pas de valeur contraignante. Nous pouvons le regretter mais la proposition de directive de la Commission européenne avait été bloquée faute de majorité au sein du Conseil, du fait des divergences entre Etats. La présidence belge de l’Union n’a pu la débloquer qu’en édulcorant considérablement les ambitions initiales, en autorisant une taxation supplémentaire sans que cette dernière ne s’accompagne de la mise en place d’une politique contraignante favorisant l’intermodalité(6).

Il est d’ailleurs intéressant de relever que pour l’association France nature environnement : « La Taxe Kilométrique Poids Lourds et, dans le futur, la prise en compte des externalités ne sont qu’un des nombreux volets d’une politique de transport de marchandises plus respectueuse de l’environnement. En visant à faire acquitter aux chargeurs via les transporteurs les vrais coûts d’usages de la route, la France fait un pas décisif vers l’internalisation des coûts complets de ce mode de transport de marchandises. Mais il reste encore un long chemin à parcourir, notamment en faisant adopter au niveau européen, par l’intermédiaire de la modification de la directive Eurovignette, l’intégration des coûts externes. Afin d’atteindre les objectifs environnementaux que s’est donnée la France en particulier au niveau climatique (Grenelle et Facteur 4 à l’horizon 2050), il sera nécessaire d’opérer de véritables ruptures, notamment dans les modes de production, de distribution et de consommation. Ainsi, on peut espérer que par le biais de ces politiques de transports, ce soit toute l’économie que l’on repense. En effet, pourquoi transporter autant de marchandises et si nécessaire ne peut-on pas les transporter autrement ? Les années à venir seront celles d’une nouvelle mobilité, d’une mobilité intelligente, adaptée à la disparition annoncée des ressources pétrolières, sensible à son impact sur l’environnement. Posons-nous dès maintenant les bonnes questions, et agissons dès aujourd’hui grâce à des politiques fiscales dès maintenant en reflétant les véritables coûts du transport. »



CHAPITRE I :
L’OBJET DE LA DIRECTIVE : LA PRISE EN COMPTE DES EXTERNALITÉS

Depuis quelques années les travaux universitaires sur la tarification des infrastructures se sont multipliés au point d’obscurcir, en la rendant trop complexe, la notion d’externalité.

La notion d’externalité est simple en apparence : il s’agit de faire en sorte que le transport routier supporte l’ensemble de ses coûts. La SNCF fait observer traditionnellement que les usagers de la route n’acquittent pas de péage pour l’utilisation des infrastructures non autoroutières, ce qui n’est pas son cas puisque elle doit régler un péage dans tous les cas et, elle estime que la concurrence entre le rail et la route est ainsi faussée.

L’objectif affiché par l’Eurovignette est donc d’établir la vérité des coûts entre les différents modes de transport, afin que soit assuré un report vers les modes les plus respectueux de l’environnement et les plus surs.

L’idée sous–jacente à ce raisonnement est profondément libérale, ses promoteurs estiment que le rétablissement des coûts véritables des différents modes de transport conduira à un redéploiement « naturel » vers les moins polluants. Plus exactement, qu’il amènera les chargeurs à prendre leurs décisions en fonction de l’optimum d’emploi de chaque mode de transport (par exemple la route pour des distances inférieures à 300 km et le chemin de fer au-delà). La faiblesse de ce raisonnement est qu’il n’intègre pas des données, telle que la souplesse d’emploi ou la rapidité(7), qui pèsent sur les décideurs.

Cette philosophie est clairement affirmée par la Commission européenne :

« Dans une économie de marché, un transfert de la route vers le rail, même s’il est hautement souhaitable, ne peut être imposé par les gouvernements nationaux ou les autorités de l’UE. Il doit être stimulé par des mesures d’incitation. Celles-ci peuvent prendre la forme d’investissements ciblés dans d’autres modes de transport afin de les rendre capables d’absorber le surcroît de trafic, ainsi que d’une tarification routière reflétant le coût réel de l’utilisation de l’infrastructure et encourageant une migration « naturelle » vers d’autres modes de transport. L’objectif est de réorienter les passagers et les marchandises de la route vers le rail, et de remplacer certains vols courts par des liaisons ferroviaires pour le transport de passagers. »

Ce texte de la Commission 8) illustre toutes les contradictions de la position de l’Union européenne : elle affirme que la neutralité dans le choix des transports implique la nécessité d’une tarification routière reflétant les coûts réels, tout en indiquant sa volonté de voir développer des modes de transport alternatifs à la route.

Cette position repose sur le postulat que le développement du transport routier a été fondé sur la non intégration des « externalités », c’est-à-dire du coût et de l’entretien des investissements, mais également des dégâts causés à l’environnement et à la santé.

Or, cette affirmation doit être relativisée : comme le montrent les travaux du Commissariat général au développement durable(9). Elle est exacte pour le transport urbain mais ne l’est pas pour le transport interurbain, dont les contributions équilibrent les externalités, à l’exception du trafic étranger de transit.

I. LE DÉBAT THÉORIQUE

A. L’analyse qui sous-tend la notion d’externalité n’est guère contestable

L’usage de la route entraîne un certain nombre de dégâts, appelés « externalités », parmi lesquelles l’émission de gaz à effet de serre, la pollution de l’air, la congestion, les accidents, le bruit, la diminution de la biodiversité, les atteintes aux paysages, etc.

Beaucoup de travaux académiques considèrent que ces nuisances sont aujourd’hui payées par l’ensemble de la société, non par ceux qui les engendrent, ne respectant pas ainsi le principe pollueur payeur.

Cette approche comporte une limite car in fine « l’homo oeconomicus » est à la fois consommateur, contribuable, bénéficiaire et victime des dégâts causés à l’environnement. En effet, l’augmentation des taxes acquittées par le pollueur se répercute sur le consommateur c’est pourquoi il faut se garder des discours trop simplificateurs.

Il est exact qu’une politique volontariste doit passer par une vérité des prix, qui implique l’intégration des coûts réels de l’usage de la route pour mettre fin aux handicaps économiques des modes alternatifs de transport, et pour pouvoir les financer à partir de ressources fiscales nouvelles.

Il est incontestable que la réduction des nuisances aura, à terme, des effets positifs sur l’environnement, l’économie et la société.

B. Elle ne doit néanmoins pas conduire à des conclusions simplistes

En s’appuyant sur les travaux faisant apparaître le coût réel de la route, certains en viennent à soutenir l’idée qu’il faut abandonner toute politique de réalisation d’infrastructures routières, au nom de la défense de l’environnement. Or la décision politique ne peut pas reposer sur des postures aussi simplistes, car elle doit intégrer au moins deux notions :

– le primat absolu de la sauvegarde de la vie humaine, ce qui a conduit le Gouvernement a poursuivre la construction d’autoroutes dans la mesure ou elles permettent de réduire le nombre de victimes sur les routes (par exemple, sur les cinq dernières années il y a eu 325 tués sur l’axe correspondant à l’A 65, Bordeaux-Pau et 53 sur la route centre Europe atlantique (RCEA), axes pour lesquels il existe des projets autoroutiers) ;

– les modes alternatifs de transport ne doivent pas être développés à n’importe quel prix. Nous entrons dans un monde où les ressources sont rares. Le déni de réalité peut conduire à promouvoir des alternatives à la route dénuées de pertinence économique et écologiques. Des trains diesels vides ne constituent pas nécessairement une alternative écologique au transport routier, et il ne faut pas oublier que la moitié du réseau ferré n’est pas électrifié.

II. LE DIFFICILE CALCUL DU MONTANT DES EXTERNALITÉS DU TRANSPORT ROUTIER

La prise en compte de données peu aisées à quantifier, telles que le coût de congestion, explique que le débat doctrinal en cours soit d’une grande complexité. Cela illustre également le caractère artificiel de certaines données évoquées à l’appui de la décision politique.

« Le seul point d’accord de la doctrine est celui de la tarification au coût marginal social mais ce dernier n’est une référence valable que dans une situation idéale et doit subir plusieurs requalifications pour l’adapter au monde réel (corriger les imperfections de marché notamment du transport ferroviaire ; tenir compte des considérations de financement de façon générale et des situations de service public dans le transport ferroviaire). La tarification est par ailleurs parfois mise en balance avec les systèmes d’enchères qui, même s’ils sont contestés en matière de lutte contre le réchauffement climatique, peuvent être utilisés pour la répartition de ressources rares. Les nombreuses difficultés de mise en œuvre concernent principalement le ciblage des charges d’infrastructures, dont les montants sont très variables et nécessitent une différenciation de la tarification, notamment pour le mode routier. La tarification est donc en devenir mais les gains à en retirer en termes de lutte contre les externalités sont considérables. »(10)

En effet le mode de calcul des externalités implique des postulats qui peuvent être débattus et des modes de calcul complexes, exposés dans l’annexe n° 3 de ce rapport. Pour éclairer ce débat nous essayerons d’exposer des données simples, en évitant de rentrer dans les méandres de la comptabilité nationale appliquée à l’environnement.

A. En termes budgétaires le transport routier subventionne les autres modes de transport

Le rapporteur rappellera simplement deux chiffres, en France, en 2009, les recettes publiques liées aux transports, tous modes de transport confondus (air, mer, terre), représentent 38,5 milliards d’euros pour une dépense de l’Etat de 11,5 milliards d’euros et des collectivités locales de 33,4 milliards d’euros soit 44,9 milliards d’euros ce qui conduit à un besoin de financement de 6,4 milliards d’euros.

Si nous regardons les données du transport routier les recettes des administrations sur le transport routier s’élèvent à près de 30 milliards d’euros (dont 24 milliards au titre de la TIPP).

En sens inverse les collectivités locales dépensent en voirie 13,619 milliards d’euros et l’Etat 2,980 milliards d’euros, c’est-à-dire une somme équivalente à la subvention du régime de retraite des cheminots (2,969 milliards d’euros).

Ces quelques chiffres signifient que les transports routiers reçoivent la moitié de ce qu’ils versent en taxes diverses ; on pourrait considérer qu’ils subventionnent donc déjà massivement les autres modes de transport.

Il est par ailleurs exact que les véhicules légers à essence constituent une « vache à lait » pour les pouvoirs publics et que leur contribution à la couverture des externalités engendrées est sensiblement plus importante que celle du transport routier de marchandises.

En d’autres termes, la taxe sur les émissions de carbone(11), le transport l’acquitte déjà depuis fort longtemps via la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers). Toutefois la TIPP ne couvre le coût des nuisances engendrées que pour les véhicules particuliers à essence, elle doit donc être complétée par d’autres instruments, du moins si nous nous basons sur les travaux académiques, qui ont quantifié le champ et le coût des nuisances devant être prises en compte.

B. Le champ des externalités à intégrer dans le transport routier

Des coûts difficiles à appréhender et à individualiser

Internaliser l’intégralité des coûts sociaux de la circulation supposerait de pouvoir distinguer les paramètres suivants : type de véhicule, type de réseau, niveau d’urbanisation, moment de la journée, niveau de congestion, type de conduite, etc. Même si les nouvelles technologies de type GPS permettraient en théorie une telle modulation, leur mise en place demeure très difficile, et l’on doit se contenter aujourd’hui d’instruments partiels, plus globaux, et présentant des coûts de mise en œuvre et de collecte d’information moindres. Plus précisément, la difficulté de la tarification de la circulation routière réside dans la modulation du prix à faire payer en fonction de l’utilisation de la route, la modulation devant être adaptée à l’utilisation, c’est-à-dire aux variations de coût liées aux différents paramètres.

A l’heure actuelle, la tarification des circulations routières se fait, pour l’essentiel, au travers de la TIPP. Cette taxe est adaptée de façon globale à la couverture des externalités, dans la mesure où elle varie avec la consommation du véhicule, mais est indifférenciée quant aux réseau, temps, lieu et type de véhicule.

Son taux diffère pour les deux carburants dominants, l’essence et le gazole. Sur le réseau autoroutier concédé, les véhicules doivent acquitter un péage qui peut être assimilé à un paiement kilométrique, différencié selon le réseau et le type de véhicule (voire parfois du moment de la journée) mais dont l’unique objet reste le financement et l’entretien de l’infrastructure. D’autres instruments, taxe sur les contrats d’assurances, taxe à l’essieu pour les poids lourds et taxe d’immatriculation pour les véhicules de société, peuvent également être considérés dans une approche globale de la tarification routière, mais ils ne sont pas directement liés aux niveaux des circulations et leurs montants globaux sont nettement inférieurs à ceux de la TIPP et des péages.

Ainsi, les instruments existants ne permettent pas de discriminer les circulations en fonction de tous les paramètres pertinents évoqués précédemment, la tarification ne peut pas individualiser les coûts que l’usager paie.

La première difficulté qui m’est apparue tient au champ des externalités qui se décompose en deux parties : l’une comporte des domaines aisément quantifiables et l’autre intègre des notions qui impliquent une part de subjectivité, où reposent sur des postulats discutables.

Ce débat théorique est plus important qu’il n’y parait car, pour l’établissement de la directive Eurovignette, il a d’abord fallu déterminer la liste des externalités prises en compte pour taxer les poids lourds.

1. Les externalités aisément quantifiables

Ce sont celles qui font l’objet d’une comptabilisation spécifique, par exemple le coût des accidents de la route, l’usure et l’entretien du réseau routier, qui peut être calculé à partir du volume du trafic et la masse des véhicules.

Les coûts générés par l’infrastructure sont de trois types :

– la construction des routes ;

– l’exploitation du réseau routier (interventions qui permettent de garantir la sécurité des usagers, la qualité de l’information et des indications) ;

– l’entretien (les poids lourds qui sont un important contributeur à la dégradation des infrastructures routières).

2. Les autres externalités

Il s’agit essentiellement des coûts générés par les flux de transport : pollution de l’air, des sols et des eaux, bruit, congestion, changement climatique, consommation d’espace, impact sur la faune et la flore…

Il existe un débat difficile qui a pesé sur l’élaboration de la proposition de directive Eurovignette : le calcul du coût lié à la rareté de l’infrastructure qui se traduit par la notion de coût de congestion, correspondant au coût du temps perdu par les usagers.

Ce débat est fondamental : si nous l’intégrons dans les calculs, nous conclurons que les transports routiers dans leur ensemble ne financent pas leurs coûts externes, si nous ne le prenons pas en compte dans les calculs, nous arriverons à la conclusion inverse.

Les calculs établis par le Commissariat général du développement durable montrent que le déséquilibre de 46 milliards d’euros entre les coûts externes et les recettes est dû pour l’essentiel à la circulation urbaine qui représente 44 milliards d’euros de coût pour des recettes de 6 milliards d’euros. A l’inverse le bilan de la circulation interurbaine n’est que légèrement déséquilibré (2 milliards d’euros).

Au final la congestion est comptée pour presque la moitié des coûts externes, l’insécurité et la pollution pour 20 % chacun, comme le montrent les tableaux ci-après.

Bilan de couverture des coûts de la circulation routière en France en 2005 (rareté de l’infrastructure valorisée au coût de congestion),
en Md€ 2005

COUTS EXTERNES

RECETTES

GLOBAL

 

CmU*

Rareté

Pollution

GES

Bruit

Insécurité

TOTAL

Péages

TIPP

Assurance

Essieu

Vignette

TOTAL

BILAN

Poids lourds

1,6

6

5

1,1

0,5

2,7

16,8

2

5,3

0,2

0,2

0

7,7

- 9,1

Véhicules utilitaires légers

0,8

6,1

3

0,7

0,2

2,2

13

0,8

3,8

0,1

0

0

4,7

- 8,4

Véhicules particuliers essence

0,9

9,8

2,4

0,9

0,4

4,3

18,6

1,4

7,9

0,3

0

0,1

9,7

- 8,9

Véhicules particuliers diesel

1,3

13,9

5,7

1,2

0,5

6,1

28,7

2

6,7

0,4

0

0,1

9,2

- 19,5

TOTAL

4,6

35,8

16,1

3,9

1,5

15,2

77,2

6,2

23,7

1

0,2

0,1

31,3

- 45,9

INTERURBAIN

Poids lourds

1,3

1,5

1,6

0,9

0,1

1,4

6,8

1,8

4,5

0,2

0,2

0

6,6

- 0,2

Véhicules utilitaires légers

0,6

1,2

1

0,5

0

1,2

4,5

0,7

2,9

0,1

0

0

3,7

- 0,8

Véhicules particuliers essence

0,7

1,8

0,8

0,7

0,1

2,2

6,4

1,3

6,2

0,2

0

0

7,7

1,4

Véhicules particuliers diesel

1

2,6

1,9

0,9

0,1

3,1

9,8

1,8

5,3

0,3

0

0,1

7,4

- 2,3

TOTAL

3,7

7,2

5,4

3,1

0,3

7,9

27,5

5,6

18,9

0,8

0,2

0,1

25,5

- 1,9

URBAIN

Poids lourds

0,3

4,5

3,4

0,2

0,4

1,3

10

0,2

0,8

0

0

0

1,1

- 8,9

Véhicules utilitaires légers

0,2

5

2

0,1

0,2

1,1

8,5

0,1

0,8

0

0

0

0,9

- 7,6

Véhicules particuliers essence

0,2

7,9

1,6

0,2

0,3

2,1

12,2

0,1

1,7

0,1

0

0

1,9

_ 10,3

Véhicules particuliers diesel

0,3

11,3

3,8

0,3

0,4

2,9

19

0,2

1,5

0,1

0

0

1,8

- 17,2

TOTAL

0,9

28,7

10,8

0,8

1,2

7,4

49,7

0,6

4,8

0,2

0

0

5,7

- 44

CmU : coût marginal d’usage.

Source : Données CGDD/SOeS ; MCE ; BOITEUX II ; calculs CGDD/SEEIDD.

III. DES CONCLUSIONS DÉRANGEANTES

A. Le trafic inter urbain finance ses externalités

Il faut se garder des a priori, le discours aux termes duquel le transport routier (dans sa globalité c’est-à-dire véhicule légers et lourds confondus) ne supporterait qu’une faible partie du coût des nuisances qu’il génère pour la société doit être largement nuancé, comme le montre le tableau ci-dessous.

Bilan de la couverture des coûts externes
de la circulation routière en 2005

(en milliards d’euros 2005)

 

Ensemble des circulations

Poids lourds en interurbain

Véhicules légers

     

Inter urbain

urbain

Total recettes

35,4

6,5

14,4

11,8

Total coûts

132,1

7,5

12,2

111,3

Bilan

-96,7

-0,9

2,3

-99,5

Source : Rapport de la commission des comptes et de l’économie de l’environnement, 2006.

Globalement, compte tenu de l’importance des coûts externes associés aux circulations urbaines, le bilan est largement négatif pour l’ensemble des circulations, y compris pour les véhicules particuliers à essence, bien que ceux-ci acquittent un niveau élevé de TIPP. Cette étude ignore les circulations des poids lourds en zone urbaine. En revanche, le bilan global sur les circulations interurbaines est positif, même s’il est légèrement déséquilibré pour les poids lourds (- 0,9 Md€ 2005).

Si nous déduisons les coûts de la congestion urbaine (111,3 milliards d’euros) le bilan de la couverture des coûts externes de la circulation routière apparaît équilibré, voir excédentaire. Or paradoxalement le projet d’Eurovignette et l’écotaxe poids lourds viennent frapper le transport interurbain.

Un travail conjoint de l’ex-ministère de l’équipement et des transports et de l’ex-Ministère de l’Écologie publié en 2003 dresse un état des lieux très complet. Il se fonde sur l’ensemble des circulations routières observées en 2000 et sur les valeurs tutélaires du rapport Boiteux II référence 4). Pour la congestion, il utilise les informations en terme d’encombrements et de bouchons relatifs à l’année 1990 et actualisés en 2000. Les résultats (figure 11) montrent un bilan global de la circulation négatif d’1 Md€ 2000, ainsi qu’une forte disparité des résultats selon le type de véhicule et de voirie. En particulier, les poids lourds couvrent globalement leurs coûts sociaux sur les autoroutes à péage mais seulement 60 % (i.e. 1,88/3,21) sur le réseau national non concédé.

Les véhicules légers couvrent entièrement leur coût sur le réseau autoroutier concédé et 75 % sur le réseau national non concédé où subsistent des situations de congestion et des nuisances sur certains tronçons.

Le constat est différent sur les réseaux locaux où les véhicules légers comme les poids lourds ne couvrent pas leurs coûts de circulation (-1,9 Md€ de déficit dans les deux cas).

Commissariat général au développement durable, novembre 2009.

B. Le calcul des externalités met en évidence la pénalisation du pavillon français au profit du trafic de transit

Une remarque s’impose le pavillon français supporte une part plus grande des coûts externes que les pavillons étrangers pour qui la France est un territoire de transit. En effet l’achat de carburant à l’étranger représentait en 2005 une perte annuelle de TIPP de 670 millions d’euros, pour le trésor français.

De ce fait les pavillons étrangers ne contribuent au financement des nuisances qu’ils engendrent que lorsqu’ils empruntent les autoroutes et acquittent un péage.

Ce constat conduit le rapporteur à une conclusion : l’équité commande d’utiliser les possibilités de taxation ouvertes par l’Eurovignette pour rétablir un minimum de justice entre les transporteurs français et ceux qui transitent par le territoire français, sans contribuer au financement de leurs nuisances. (cf. chapitre III)

CHAPITRE II :
LA PROPOSITION DE DIRECTIVE « EUROVIGNETTE »

I. UNE GESTATION DIFFICILE

A. La législation initiale

La directive Eurovignette (1999/62/CE), relative à la taxation des poids lourds utilisant les infrastructures routières, révisée en 2006 (2006/38/CE) permet d’ores et déjà aux pays concernés de faire payer aux poids lourds une grande partie des coûts d’infrastructures, par la perception d’une taxe kilométrique d’utilisation du réseau routier. Ce texte harmonise les systèmes de prélèvement, les taxes sur les véhicules, les péages et les droits liés à l’usage des infrastructures routières, et institue des mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs.

Elle a remplacé la directive 93/89/CEE relative à l’application par les États membres de taxes sur certains véhicules utilisés pour le transport de marchandises par route, ainsi que des péages et droits d’usage perçus pour l’utilisation de certaines infrastructures.

Elle s’applique aux taxes sur les véhicules, aux péages et aux droits d’usage imposés aux véhicules destinés au transport de marchandises par route et ayant un poids total en charge autorisé d’au moins 12 tonnes.

La directive énumère les conditions que doivent remplir les Etats membres afin de pouvoir introduire et/ou maintenir des péages ou introduire des droits d’usage. Ces conditions sont les suivantes :

– la perception concerne exclusivement l’utilisation d’autoroutes ou de routes analogues, de ponts, de tunnels et de routes de montagne franchissant des cols ;

– l’application du principe de non-discrimination en raison de la nationalité du transporteur ou de l’origine ou de la destination du transport ;

– l’absence de contrôle aux frontières intérieures ;

– le réexamen des taux maxima des droits d’usage au 1er juillet 2002, puis tous les deux ans ;

– l’application du principe de proportionnalité des taux des droits d’usage en fonction de la durée de l’utilisation des infrastructures ;

– la possibilité de variation des taux en fonction des catégories d’émissions des véhicules et/ou du moment de la journée ;

– la possibilité pour deux ou plusieurs États membres de coopérer pour instaurer un système commun de droits d’usage, moyennant le respect de certaines conditions telles que la répartition équitable des recettes entre les Etats membres.

Des taxes ou des droits perçus lors de l’immatriculation du véhicule ou frappant les véhicules ou les chargements dont le poids ou les dimensions sont hors normes ;

– des taxes de stationnement et des taxes spécifiques applicables au trafic urbain ;

– des droits destinés à combattre la congestion routière.

Les Etats membres qui mettent en place des systèmes électroniques de perception des péages font en sorte que leurs systèmes soient compatibles.

La directive 2006/38/CE du 17 mai 2006 modifie cette directive et met en place des règles pour le prélèvement par les Etats membres des péages ou des droits d’usage pour l’utilisation de routes, y compris les routes du réseau transeuropéen et les routes dans les régions montagneuses.

A partir de 2012, la directive 2006/38/CE s’appliquera aux véhicules dont le poids est compris entre 3,5 tonnes et 12 tonnes.

Les Etats membres ont la possibilité de différentier les péages en fonction du type de véhicule, pour sa catégorie d’émissions (classification «EURO»), pour le degré de dommages qu’il occasionne aux routes, ainsi que pour le lieu, le moment et le niveau de l’encombrement. Cela permet de lutter contre les problèmes causés par la congestion du trafic, y compris les dommages causés à l’environnement sur la base des principes de «l’utilisateur payeur» et de «pollueur payeur».

References

Acte

Entrée en vigueur

Transposition dans les Etats membres

Journal Officiel

Directive 1999/62/CE

20.7.2000

1.7.2000

JO L 187 du 20.7.1999

Acte(s) modificatif(s)

Entrée en vigueur

Délai de transposition dans les Etats membres

Journal Officiel

Directive 2006/38/CE

10.6.2006

10.6.2008

JO L 157 du 9.6.2006

Directive 2006/103/CE

1.1.2007

1.1.2007

JO L 363 du 20.12.2006

B. La proposition de révision

La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juillet 2008 modifiant la directive1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures doit permettre aux Etats membres d’internaliser les coûts liés à la pollution et aux encombrements causés par les poids lourds (coûts externes). Ils seront ainsi autorisés à intégrer dans le prix des péages perçus sur les poids lourds un montant correspondant au coût de la pollution atmosphérique et sonore due au trafic et au coût de la congestion frappant les autres véhicules. Ce montant variera en fonction de la catégorie d’émission EURO, de la distance parcourue, du lieu et du moment d’utilisation des routes. Les États membres devront affecter les recettes ainsi perçues à des projets liés au développement durable des transports. Les redevances devront être collectées au moyen de systèmes électroniques qui ne gênent pas la fluidité du trafic et qui ne produisent pas de nuisances aux postes de péage. En outre, le champ d’application de la directive est étendu au-delà du réseau transeuropéen de transport.

Cette proposition n’a pas dans un premier temps pu rassembler une majorité au Conseil et malgré son adoption par le Parlement européen le 11 mars 2009 nous étions pessimistes sur la poursuite du processus.

La présidence belge a réussi, le 15 octobre dernier, à parvenir, au sein du Conseil, à un compromis qui édulcore considérablement les propositions de la Commission européenne en abandonnant l’idée d’une affectation obligatoire des ressources et la prise en compte du coût de la congestion, qui représente l’essentiel du coût des externalités.

C. Le compromis élaboré par la présidence belge

Le fait que le principe pollueur payeur soit appliqué au transport routier de marchandises constitue bien sur un fait novateur, mais l’accord ne va pas aussi loin que la France l’aurait souhaité.

Au départ il était prévu la possibilité de taxation des poids lourds utilisant les infrastructures routières, en y intégrant le coût de trois externalités du transport ; la pollution atmosphérique, le bruit et la congestion qui disparaît dans le compromis adopté or, la congestion représente près de la moitié du montant des externalités.

La congestion n’est prise en compte que par la possibilité de modulation des péages en fonction de l’heure ou de la saison. Mais, alors que la France souhaitait une modulation pouvant atteindre 300 % elle sera limitée à 150 %.

La proposition ne permettrait pas toutefois aux Etats-membres, s’ils le souhaitent, d’intégrer les autres et importantes externalités du transport, que sont les accidents, le changement climatique, la perte de la biodiversité et les atteintes aux paysages.

Une décision nationale devrait être pourtant réalisable, l’Etat membre devrait être libre d’appliquer l’intégration de ces autres et importants coûts externes pour que la mise en place des péages soit plus efficace.

La Commission propose, de plus, un plafond des coûts externes imputables, ce qui en pratique limitera l’extension possible par les Etats-Membres.

Pour l’association France nature environnement la proposition de la Commission Européenne semble faire deux pas en avant et un pas en arrière.

« D’une part, il est aujourd’hui possible pour les Etats membres de faire payer aux poids lourds les impacts sanitaires et environnementaux de leurs trajets. Mais la taxe sera plafonnée à un tel niveau que les zones qui subissent les pires impacts environnementaux seront dans l’incapacité de fixer des péages qui reflètent les coûts réels. La décision de fixer des plafonds est incohérente sur les aspects économiques et environnementaux ».

La révision de la directive Eurovignette n’impose pas le recours obligatoire à ce mécanisme que les états demeurent libre où non de mettre en œuvre.

II. UN TEXTE D’UNE AMBITION PLUS QUE LIMITÉE

A. Le produit de l’Eurovignette sera limité

La mise en œuvre effective de ce dispositif aura un effet modeste, en tant qu’instrument de financement des infrastructures de transport à l’échelle de l’Union, car son produit sera limité.

– le coût externe « congestion » qui aurait généré la majeure partie des revenus, a été neutralisé ;

– les deux coûts externes maintenus (pollution atmosphérique et bruit), sont soumis à des plafonds qui ne devraient pas permettre une collecte importante de fonds ;

– l’intégration du coût externe « pollution atmosphérique » générera des recettes continuellement décroissantes, étant donné que la réglementation et les incitations diverses poussent les transporteurs à renouveler rapidement leur flotte pour acquérir des modèles peu polluants.

B. L’absence d’affectation obligatoire des recettes

La proposition initiale de directive prévoyait une affectation obligatoire vers des infrastructures destinées à promouvoir des projets de développement durable.

1. Le point de vue des partisans de l’affectation

Dans un contexte de crise économique et financière et considérant la difficulté de financer certains projets d’infrastructures de transport, l’internalisation de coûts externes pourrait représenter une source alternative importante de financement des projets de transport durable.

Une grande partie de la mouvance écologiste souhaitait voir le produit de ces taxes affecté au développement du transport durable. Elle est très fortement soutenue par le Parlement européen qui a adopté un tel dispositif. Il ne fait aucun doute que cette question constituera un des points essentiels du débat en seconde lecture devant le Parlement et une pierre d’achoppement entre le Conseil et le Parlement.

Il est évident que les ministres du budget de l’Union européenne, confrontés à des déficits abyssaux, disposeront de ces sommes pour les besoins de financement des Etats, et que sans l’affectation obligatoire des recettes de ces prélèvements supplémentaires au développement d’infrastructures de transport durables, cette directive manquera l’un de ses objectifs affichés : « le soutien du développement d’infrastructures efficaces et durables ».

Le refus de toute règle d’affectation implique que cette taxe sera perçue non comme un outil au service de l’environnement, mais comme un impôt supplémentaire.

2. La situation française

La France applique affecte dores et déjà le produit de l’écotaxe poids lourds par l’intermédiaire d’une structure l’AFITF(12) dont la Cour des comptes demande la suppression en considérant que cette structure ne sert à rien actuellement.

a) Les arguments de la Cour des comptes

Dans son rapport du 4 février 2009 la Cour des Comptes considère que : L’AFITF est « une agence de financement aux ambitions limitées, privée de ses moyens, désormais inutile ». En effet, le rapporteur ne peut que déplorer avec la Cour la complexité des circuits de financement de la politique de transports, qui semble n’exister que pour justifier l’existence de l’AFITF.

L’agence est devenue « essentiellement un outil administratif qui voit circuler des crédits qui partent du budget général avant d’y retourner », sans réelle valeur ajoutée, donc sans devenir l’instance d’évaluation et de décision qui aurait conforté sa légitimité. En effet, à quoi sert-il de créer de la complexité financière si l’information des citoyens et l’évaluation de la rentabilité socio-économique des investissements publics y perdent ?

La Cour des comptes relève ainsi que « l’AFITF aurait peut-être pu, en devenant un lieu de concertation, voire d’expertise, prendre une place dans un dispositif national renforcé d’évaluation des projets d’investissements publics préalable à la prise de décision. En fait, l’agence n’a pas cherché à pallier par ses débats le manque persistant d’évaluation sérieuse, publique et contradictoire des projets d’investissements avant leur lancement ». L’AFITF constitue également un manquement aux principes d’universalité budgétaire, qui n’est certes pas le premier dans le domaine des transports, mais ainsi que l’observe la Cour des comptes, « est d’autant moins justifié que l’état des finances publiques impose de choisir avec rigueur les investissements publics ».

La Cour recommande :

- la suppression de l’AFITF, et notamment la conclusion des conventions de financement ;

- la préparation par la DGITM (Direction générale des infrastructures terrestres et maritimes), en liaison avec la direction du budget, d’une programmation pluriannuelle (par exemple sur 6 ans) des infrastructures de transport ;

- la mise en place d’un comité des engagements (comme recommandé par la RGPP) assurant la transparence interministérielle a priori des projets financés.

b) Le point de vue du rapporteur

l Affecter le produit de l’Eurovignette à la route

L’histoire du financement des infrastructures de transports montre la difficulté de pérenniser une affectation des ressources, ainsi que l’illustre l’exemple du FITTVN(13) (1995-2001). Ce compte d’affectation spéciale, dont la vocation était de financer de nouvelles infrastructures, essentiellement dans un objectif de péréquation intermodale et d’aménagement du territoire, a été progressivement détourné de son objet afin de compenser les insuffisances du budget de l’Etat. Supprimé en 2001, les taxes qui l’alimentaient ont finalement été versées directement au profit du budget de l’Etat.

La ressource principale de l’AFITF à l’origine devait être les dividendes des sociétés d’autoroutes appartenant à l’Etat. Leur privatisation en décembre 2005 a permis à l’AFITF de bénéficier d’une partie de son produit mais l’a privé des dividendes qui lui étaient jusqu’ici affectés. L’AFITF se trouve donc aujourd’hui confrontée à une problématique de pérennité financière.

Quel que soit le mode de passation des marchés afférents aux grandes infrastructures, l’Etat et les collectivités sont appelés à participer au financement de ces opérations (LGV, Canal Seine Nord, TCSP, CPER...) dont le coût estimé est de 13.4 Mds€ à l’horizon 2014.

Le financement de ces dépenses, reposant principalement sur l’AFITF, est chiffré à 8.93 Mds€, d’où une impasse budgétaire de 4.17 Mds€.

Ce plan de financement a été élaboré par les services de l’Etat en contractant fortement les projets, et en intégrant en « ressources », 2.7 Mds€ de taxe poids lourds (TPL, à partir de juin 2012) or, cette recette ne se situera pas d’emblée à ce niveau et sera plus probablement perçue en 2013.

Nous pouvons mesurer avec les chiffres avancés que les sommes recueillies par la Taxe poids lourds ne seront même pas suffisantes pour le financement des infrastructures routières. Pour une meilleure acceptation de cette taxe, il est donc nécessaire que son produit serve d’abord à l’amélioration de la voierie routière.

l Créer une agence de moyens rénovée

Il faudrait donner de nouvelles bases à une agence de financement des infrastructures de transports dont le rôle serait de concourir au financement de projets d’intérêt national ou international relatifs à la réalisation ou à l’aménagement d’infrastructures routières, ferroviaires, fluviales ou portuaires ainsi qu’à la création ou au développement de liaisons maritimes régulières de transport de fret (autoroute de la mer).

Plus particulièrement, ses missions pourraient être de :

- suivre les opérations de mobilisation des fonds destinés à la construction et à l’entretien des infrastructures, en particulier en provenance de l’Union européenne ;

- sécuriser les ressources financières allouées au développement et à l’entretien des infrastructures ;

- garantir la liquidité des financements ;

- contrôler l’éligibilité des dépenses et la régularité des contrats ;

- s’assurer de l’effectivité des travaux ;

- exécuter rapidement les paiements des travaux à l’entreprise ;

- promouvoir la transparence dans la gestion des fonds destinés au développement et à l’entretien des infrastructures ;

- participer aux efforts de développement d’un tissu performant de PME locales d’entretien des infrastructures.

Cette institution serait donc expressément chargée de mobiliser des ressources au profit du développement et de l’aménagement des infrastructures de transports. Elle disposerait d’une véritable autonomie financière et de gestion ainsi que d’une autonomie administrative.

Ses recettes abonderaient les allocations budgétaires et proviendraient de redevances d’usage directement versées sur le compte du fonds. Elle aurait également la possibilité d’émettre des emprunts.

La taxe kilométrique sur le trafic des poids lourds pourrait lui être à terme dédiée mais le rapporteur préfèrerait que dans un premier temps son montant soit affecté à l’écologisation du transport routier, action qui permettra également d’améliorer la compétitivité de ce secteur(14).

Au final, une agence rénovée pourrait jouer trois rôles essentiels :

1. Etre l’interlocuteur des collectivités territoriales appelées à cofinancer les infrastructures, et des partenaires financiers privés, dans le cadre du financement des routes, des infrastructures ferroviaires, fluviales, portuaires... Outre la mise à disposition du financement d’Etat, elle aurait un rôle d’ingénierie financière, de supervision, voire de réalisation des dossiers de financement, y compris les dossiers de mise en concession et de partenariat public-privé (PPP), et développerait autant que de besoin de nouveaux modèles de concession(15). Elle pourrait recourir à l’emprunt, sur l’autorisation du Parlement. Enfin, elle assurerait une gestion dynamique des ressources propres (recettes affectées), en fonction notamment de la conjoncture économique.

2. Assurer la programmation et la planification, d’une part, le financement et la péréquation, d’autre part, des infrastructures de transport tous modes confondus, sous l’autorité du Parlement, qui pourrait, comme en Allemagne, établir périodiquement la liste des projets d’intérêt national prioritaires.

3. Enfin, la composition étendue du Conseil d’administration permettrait l’institutionnalisation d’un dialogue entre l’Etat, les collectivités territoriales et les usagers des infrastructures (chargeurs, transporteurs, autorités organisatrices...).

III. DES CRITIQUES RECURRENTES

Le texte de la directive adopté par le Parlement européen le 11 mars 2009 a suscité de vives critiques des professionnels de la route, pour lesquels il aggrave trop lourdement les charges du transport routier, et des partisans d’autres modes de transport pour lesquels au contraire il ne va pas assez loin.

L’Union internationale des transports routiers (IRU) estime que cette taxe allait « saigner à blanc le secteur ». L’IRU reproche essentiellement à la proposition de ne pas consacrer les recettes des taxes et péages au secteur. « Chaque année, les usagers de la route payent 330 milliards d’euros aux gouvernements par le biais des impôts, pourtant les dépenses publiques pour l’infrastructure routière ne s’élèvent qu’à 100 milliards d’euros ». L’IRU critique également le fait que les Etats membres ne peuvent pas dédommager les entreprises de transport routier qui payent davantage par des réductions sur d’autres taxes comme la taxe sur les véhicules à moteur ou les taxes sur les carburants. « Les ressources du secteur ont atteint leur limite en raison de la hausse sans précédent des prix du carburant », soutient l’IRU.

L’Alliance internationale du tourisme (AIT) et la Fédération internationale automobile estiment également que le « fait de circuler en voiture implique en lui-même de devoir payer ». Leur argument est que les taxes existantes, dont celles sur les carburants et sur les véhicules à moteur, couvrent les coûts externes liés à l’utilisation de l’infrastructure routière.

La Communauté européenne du rail (CER) s’est déclarée mécontente de l’accord, indiquant que le Parlement « a préféré un compromis rapide à un bon compromis ». Selon la CER, la décision est en contradiction avec le principe de ‘l’usager paie’ car « les péages ne peuvent pas refléter l’ensemble des coûts, notamment les coûts externes comme la congestion, la pollution de l’air et les accidents. » Le directeur exécutif de la CER, Johannes Ludewig, cite une récente étude de McKinsey selon laquelle le volume du transport ferroviaire en Europe occidentale chutera de 30 à 40 % sur le moyen terme dans le cadre des politiques existantes. « Les perspectives de développement du transport ferroviaire en Europe sont alarmantes », souligne-t-il.

Gilles Savary, ancien député européen (PSE, France) et vice-président de la commission Transports du Parlement, a qualifié cet accord sur l’internalisation des coûts de « victoire parlementaire importante contre la résistance des puissants groupes de pression et des pays à la périphérie [de l’UE] ». Le compromis, a-t-il ajouté, représente également « une certitude juridique bienvenue » pour les entreprises de transport de marchandises.

Cependant, M. Savary a regretté que la mise en œuvre de la directive soit laissée « au bon vouloir des gouvernements des Etats membres ». Le député socialiste français a recommandé l’adoption de nouvelles mesures en vue de doter l’UE de ses propres moyens budgétaires afin de financer les politiques de transport, proposant qu’une partie des taxes prélevées sur les poids lourds soient allouées aux réseaux trans-européens. 

Le groupe des Verts a déclaré que « le Parlement avait « manqué une occasion importante » de rendre la politique européenne du transport « véritablement durable ». Le coût des dommages pour la santé, pour l’environnement ou des accidents devra toujours être assumé par le grand public, ce qui signifie encourager davantage l’avalanche de camions » (Eva Lichtenberger (Autriche) et Michael Cramer (Allemagne)).

T&E, la fédération européenne pour le transport et l’environnement, considère que l’accord ne fait que retarder les mesures visant à inclure les coûts pour la santé et l’environnement dans la tarification routière. Markus Liechti de T&E s’appuie sur des études de l’OCDE et d’autres organismes pour affirmer que « les citoyens européens continueront de devoir payer une facture de 170 milliards d’euros chaque année tant que la Commission ne présentera pas une nouvelle proposition et qu’il n’y aura pas de nouvel accord. »

Pour le comité européen de l’Union internationale des transports publics (UITP), les voitures privées et les zones urbaines doivent absolument être comprises dans le champ d’application de la politique de tarification routière pour réduire la congestion et les dommages pour l’environnement. Selon lui, un exemple particulièrement concluant est le système mis en place à Londres, où une taxe de 5 livres sterling destinée à lutter contre la congestion aurait permis de réduire de 38 % cette dernière.

Le texte adopté par le Conseil « Transports » suscite des critiques exactement en sens inverse. Les écologistes critiquent l’absence de caractère obligatoire, la non-prise en compte de la congestion et l’absence d’affectation, les critiques des professionnels se concentrent sur l’impact de la taxe qui doit, au vu des exemples étrangers être relativisé.

Certains professionnels travaillant dans le secteur des infrastructures estiment que la mise en œuvre effective de ce dispositif est peu viable, en tant qu’instrument de financement des infrastructures de transport à l’échelle de l’Union du fait du trop faible montant des sommes récoltées.

En effet, le coût externe « congestion » qui aurait généré la majeure partie des revenus, a été neutralisé les deux coûts externes maintenus (pollution atmosphérique et bruit), sont soumis à des plafonds qui ne devraient pas permettre une collecte importante de fonds l’intégration du coût externe « pollution atmosphérique » générera des recettes continuellement décroissantes étant donné que la réglementation et les incitations diverses poussent les transporteurs à renouveler rapidement leur flotte pour acquérir des modèles peu polluants.

IV. LA QUESTION DE LA SUBSIDIARITE

La proposition de directive Eurovignette, si nous prenons en compte l’accord intervenu au sein du Conseil, appelle peu de remarques sur le plan de la subsidiarité, du fait de son caractère facultatif, laissant aux états le choix de recourir ou non au dispositif proposé.

Il n’en est pas de même de la proposition initiale de la Commission européenne qui imposait aux Etats la mise en place d’un dispositif précis.

L’appréciation de la subsidiarité est délicate car le principe d’un encadrement des taxes spécifiques au transport routier a été acté par la directive 93/89/CEE. Nous nous situons sur des textes modificatifs d’une situation existante.

L’intervention de l’Union européenne est légitime car l’activité de transport de marchandises est par nature transnationale et figure politique de l’Union européenne dans le traité (article 90 et suivants du traité de Lisbonne).

CHAPITRE III :
LES EXEMPLES ETRANGERS

Afin d’y voir clair sur l’impact de l’Eurovignette, il est utile d’analyser les exemples étrangers ; aussi le rapporteur a-t-il retenu quatre pays qui ont mis en œuvre l’Eurovignette : la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche et la République tchèque. Ils ont accompagné la mise en œuvre de l’Eurovignette de politiques dont nous pourrions nous inspirer.

I. L’EXEMPLE SUISSE

Depuis 2001, la Suisse applique la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP). Ses effets sont aujourd’hui couronnés de succès. Lorsque les externalités sont intégrées au prix du péage, il y a réduction des impacts sanitaires et environnementaux.

La Suisse a d’abord interdit sur ses routes les camions de plus de 28 tonnes puis elle a accepté ceux de 34 tonnes et depuis 2005 les 40 tonnes.

L’Union européenne a pesé pour que la Suisse ouvre plus largement son territoire. Les Helvètes ont accepté, à condition de pouvoir taxer lourdement les poids lourds. Depuis le 1er janvier 2001, les camions peuvent entrer sans restriction jusqu’à 34 tonnes et depuis 2005 jusqu’à 40 tonnes.

Le transport routier coûte aujourd’hui plus cher que le rail et surtout cette action s’est accompagnée d’investissements massifs dans le ferroutage. Une autoroute roulante (convois ferroviaires transportant les camions entiers) fonctionne sous le Simplon. Et les taxes récoltées sur les poids lourds financent en partie la construction de deux grands tunnels ferroviaires: sous le Lötschberg (37 km) et sous le Saint-Gothard (57 km) et les Suisse s’efforcent de rendre la vie impossible aux camions (renforcement des contrôles et stricte interdiction de rouler la nuit).

L’expérience suisse est particulièrement intéressante, les principaux résultats sont les suivants :

- efficacité des transports routiers : entre 2001 et 2005, le nombre de kilomètres réalisés par les poids lourds a baissé de 6,4 % tandis que le volume des marchandises transportées a augmenté de 16,4 % ;

- effets positifs sur l’environnement : réduction des émissions de particules de 10 % et des émissions d’oxyde d’azote (NOX), des émissions de dioxyde de carbone (CO2) de 6 %.

- absence d’effets négatifs sur le marché : le nombre d’emplois dans le secteur du transport routier a été maintenu ;

- effet négligeable sur les prix aux consommateurs : d’après les statistiques du gouvernement suisse, l’impact sur l’augmentation annuelle des prix aurait été de 0.1 %

- effets sur la compétitivité : la Suisse a grimpé dans les rangs des économies les plus compétitives du monde en 2006-2007, d’après le forum mondial de l’économie.

L’exemple suisse est particulièrement pertinent car il montre qu’une politique de taxation n’est pas suffisante pour détourner ver le fer du trafic routier si elle ne s’accompagne pas de mesures de police (obligation d’emprunt des autoroutes ferroviaires, interdiction de circuler la nuit, etc.)

II. L’EXEMPLE ALLEMAND

A. Le système « Toll collect »

Mis en service au 1er janvier 2005, le système allemand de péage fonctionne aujourd’hui sans problèmes.

L’introduction d’un péage routier en Allemagne a entraîné un ralentissement, puis une diminution de la distance moyenne parcourue.

Les statistiques relatives au transport national indiquent qu’en Allemagne, la distance moyenne parcourue par tonne de marchandises a augmenté constamment d’environ 3 % par an à partir de 1995 jusqu’à l’introduction du péage en 2005. A ce moment-là, la tendance à l’augmentation des distances s’est ralentie et la distance moyenne a même diminuée légèrement (0,5 %) en 2008, proportionnellement à l’augmentation de prix moyenne.

Avant l’introduction du péage, des augmentations du prix du transport routier d’environ 15 % étaient prévues ; dans les faits, elles ne furent que de l’ordre de 0,5 % en moyenne. Etant donné que ce dernier se base sur les kilomètres parcourus, il est logique que les chargeurs, les transporteurs et les logisticiens prennent des mesures pour diminuer les distances parcourues, en améliorant le planning de leurs itinéraires ou en modifiant les schémas commerciaux.

B. Les contreparties offertes aux transporteurs

En 2007, la Commission européenne a autorisé un régime d’aide allemand, visant à promouvoir l’utilisation de poids lourds respectueux de l’environnement, pour inciter les entrepreneurs de transport à acheter des poids lourds plus performants en termes d’émissions. Ce régime d’aide a eu des conséquences bénéfiques sur le plan environnemental du fait d’une réduction des émissions polluantes dues à la circulation routière. L’enjeu est important surtout dans les zones urbaines congestionnées, qui ont des difficultés à respecter les exigences européennes en matière de lutte contre la pollution.

Ces mesures ont consisté en l’octroi d’aides ou de primes à l’investissement pour les transporteurs qui achètent des camions satisfaisant à des normes environnementales plus strictes que celles déjà en vigueur. Les mesures d’aide permettent donc aux entrepreneurs de transport d’acheter des camions dont le coût initial est supérieur à celui de véhicules plus polluants. Il a été adopté pour une période de six ans, avec un budget annuel de 100 millions d’euros.

Les mesures mises en place par l’Allemagne sont les suivantes :

Le régime d’aide encourage l’acquisition de poids lourds équipés de moteurs répondant à la norme EURO 5, ou à des normes encore plus strictes en matière d’émissions – conformément aux valeurs limites d’émission prévues par la directive 1999/96/CE. Dans un premier temps une aide a été accordée pour l’achat de poids lourds respectant la norme EURO 5, moyennant le respect de certaines conditions, jusqu’au 30 septembre 2008. Dans un second temps l’octroi d’aides à l’acquisition de véhicules plus respectueux de l’environnement dont les moteurs répondent à des normes d’émission encore plus strictes que la norme EURO 5 a été approuvée pour une période de six ans.

Même si le versement d’une aide constitue un réel avantage économique pour les transporteurs utilisant des poids lourds, la Commission a estimé en 2007 que le régime d’aide proposé était conforme au droit communautaire, étant donné qu’il couvre des dépenses visant à la protection de l’environnement dans les limites autorisées et Jacques Barrot, Vice-président de la Commission européenne responsable des transports, a rappelé que : « l’un des principaux objectifs de la politique européenne des transports est de soutenir le développement d’un mode routier plus propre, plus respectueux de l’environnement ».

Dans le cadre de sa politique énergétique pour l’Europe, la Commission est résolue à encourager la fabrication et l’utilisation de véhicules plus performants sur le plan environnemental, afin de favoriser une mobilité durable à l’intérieur de l’Union européenne, notamment en réduisant les émissions de CO2 dues à l’activité de transport. Le régime d’aide contribue à la création d’un marché pour des poids lourds plus écologiques – des mesures similaires ont déjà été mises en application aux Pays-Bas et au Danemark » et le rapporteur souhaite qu’il en soit de même pour la France.

L’encadrement communautaire des aides d’Etat pour la protection de l’environnement(16) a été précisé par la communication de la Commission au Conseil européen et au Parlement européen « Une politique de l’énergie pour l’Europe » (COM (2007) 1 final du 10 janvier2007). Elle souligne que le maintien des politiques actuelles en matière d’énergie et de transports aboutirait à une augmentation des émissions de CO2 de l’UE d’environ 5 % d’ici 2030. Aussi, la Commission européenne a-t-elle approuvé le régime de déductions fiscales consenties pour les investissements en faveur de l’environnement en cas d’acquisition de moteurs Euro 5 aux Pays-Bas(17), ainsi que le régime d’aide pour le montage de filtres à particules sur les poids lourds au Danemark(18).

L’activité de transport génère actuellement un tiers des émissions de CO2, le gaz à effet de serre qui est un des principaux responsables du changement climatique – et on s’attend à ce que ces émissions augmentent considérablement. L’utilisation de véhicules respectant des normes d’émission plus strictes est l’un des moyens les plus efficaces de réduire les effets néfastes de l’activité de transport sur l’environnement, en particulier dans les zones urbaines congestionnées.

L’Allemagne a pu faire accepter à ses transporteurs la mise en place du système « Toll collect » par l’octroi d’une aide à l’achat de véhicules plus propres. Il serait utile que la France s’inspire de cet exemple.

III. L’EXEMPLE DE L’AUTRICHE

Le « Lkw-Maut » est appliqué sur les autoroutes autrichiennes depuis 2004 et s’applique à tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes. La figure ci-dessous illustre le changement des distances parcourues, avec une cassure abrupte en 2004 par rapport à la tendance à l’augmentation des distances observée antérieurement.

Au cours de la période allant de 2004 à 2006, une diminution de la distance moyenne parcourue par tonne peut être observée ; cette diminution est de 3 % environ par an. Comme en Allemagne, les tonnages transportés sont restées relativement constantes, mais les distances ont diminué. En Autriche toutefois, la tendance précédente semble avoir repris en 2007 lorsqu’une taxe kilométrique pour les camions a été introduite sur les autoroutes tchèques. En effet, une partie de la diminution des distances sur les autoroutes autrichiennes pourrait être attribuable à un report de trafic en République tchèque, ce phénomène s’inversant dès qu’une taxe kilométrique a été introduite dans ce pays. La France a constaté le même phénomène avec un report du trafic vers l’Alsace lors de la mise en place de « Toll collect » en Allemagne.

Elément important : les chiffres autrichiens mettent également en lumière un certain transfert modal à partir de 2004, le transport par rail progressant alors 2 % plus vite que le transport routier. L’effet sur la répartition modale est particulièrement évident et significatif pour le transport national. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le Maut autrichien a un effet plus limité sur le coût global du véhicule-km pour les sociétés de transport internationales. Il est donc plus intéressant, économiquement, pour les sociétés qui se livrent au transport national de confier certains volumes au rail. Toutefois, avec l’introduction du Maut allemand en 2005, cette démarche est également devenue pertinente pour les décisions relatives au transport international sur une plus longue distance.

IV. L’EXEMPLE DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Une taxe kilométrique a été introduite pour les véhicules de plus de 12 tonnes sur les autoroutes et les voies rapides en République tchèque à partir du 1er janvier 2007. Le volume du trafic des poids lourds sur ces routes a diminué de 10 % après cette introduction, alors que les taux de croissance économique restaient impressionnants au cours de cette période.

Toutefois, il est possible que le phénomène s’explique partiellement par un certain report du trafic des poids lourds des routes soumises à péage vers le reste du réseau (et vers des pays voisins, en particulier la Slovaquie, qui a depuis introduit ses propres taxes kilométriques en janvier 2010). Etant donné que l’importance de cet effet de report n’est pas encore chiffrée, il n’est pas possible de tirer des conclusions de l’impact global de la taxe kilométrique sur le volume des transports en République tchèque.

CHAPITRE IV :
LES EFFETS DE L’INTRODUCTION DU PÉAGE DES CAMIONS EN EUROPE

Le secteur du transport routier s’est élevé contre une évolution de la législation européenne conforme au principe du pollueur-payeur en avançant que des taxes supérieures ne réduiraient pas la pollution ni les embouteillages car la demande de transport de marchandises par la route serait relativement « inélastique » aux modifications de prix.

L’étude réalisée par la société de conseils Significance pour T&E communiquée au rapporteur apporte sur ce plan des conclusions intéressantes(19).

Les travaux de recherche qui analysent comment et pourquoi la demande de transport par camion réagit aux changements de prix sont peu nombreux. Cette situation laisse ouvertes des questions importantes sur les conséquences de l’introduction de taxes kilométriques : l’étude examine toutes les sources scientifiques pertinentes sur la sensibilité de la demande de transport routier aux changements de prix (« élasticité du prix de la demande » dans le langage économique), et vérifie les résultats en les comparant aux enseignements issus des systèmes de péage des camions déjà en place en Allemagne, en Autriche et en République tchèque.

Le nombre de camions sur la route et les distances que ceux-ci parcourent vont-il diminuer ? Dans quelle mesure ?

Les routes seront-elles moins encombrées, plus sûres et le transport de
marchandises sera-t-il moins polluant ?

Quel sera l’effet sur les recettes ?

Faire payer les camions pour chaque kilomètre parcouru, de manière à refléter les coûts que ceux-ci imposent à l’infrastructure (le « péage » qui est autorisée selon l’actuelle directive Eurovignette 2006/38/CE) et/ou à inclure les coûts externes des embouteillages, de la pollution et des accidents, a un effet direct sur le prix par véhicule-km.

L’étude dégage trois résultats fondamentaux :

l Une taxe de 0,15 €/km réduira le kilométrage des véhicules de 15 %

L’étude signale une valeur centrale pour l’élasticité de la demande au prix du véhicule-km égale à -0,9. Pour prendre un exemple pratique, sur base d’un coût moyen du transport routier communautaire d’environ 0,88 €/km : si un pays introduisait une redevance de 0,15 €/km, ceci représenterait une augmentation de prix de 17 %. La diminution correspondante du nombre de véhicule-km serait de (17 x 0,9) = 15 %. On observerait bien sûr, corrélativement à la réduction du volume de transport, une diminution de la consommation de carburant et des émissions de gaz à effet de serre.

l La réduction du nombre de véhicule-km résulte principalement de l’amélioration de l’efficacité des opérations de transport et de l’optimisation des chaînes de distribution. Un tiers seulement de la réduction peut être attribué au transfert du fret vers d’autres modes de transport (transfert modal).

Ce point de l’étude est extrêmement important car il montre qu’une politique de transfert de la route vers le rail ne peut pas reposer uniquement sur l’augmentation des taxes.

La plupart des effets se manifestent donc à l’intérieur ou secteur des transports routiers.

l Bien que la demande de transport soit sensible aux prix, les recettes
totales découlant du péage routier n’en sont pas fortement affectées.

Une taxe au kilomètre parcouru a pour objectif de gérer les véhicule-km et les incidences négatives associées. La présente étude démontre que de telles taxes sont efficaces pour atteindre ces objectifs. Les Etats membres doivent en tenir compte lorsqu’ils se livrent à des projections sur les recettes concernant les systèmes de taxation routière. Si, comme dans l’exemple ci-dessus, les véhicule-km diminuent de 15 % en raison de la taxe, le montant de celle-ci sera légèrement augmenté et les recettes perçues sur 85 % des véhicule-km initiaux.

Pourquoi les péages routiers induisent-ils une diminution du nombre de véhicule-km ?

Le secteur des transports routiers (chargeurs, transporteurs, logisticiens, commissionnaires de transport) peut réagir de nombreuses manières différentes à une augmentation du prix du véhicule-km. L’étude démontre que la diminution du nombre de kilomètres roulés s’explique par trois facteurs :

Cette étude montre clairement que la demande de transport routier de marchandises est relativement « élastique », ce qui signifie qu’elle réagit directement aux changements de prix. Le péage routier est donc une mesure efficace pour diminuer les embouteillages, la pollution et les accidents provoqués par les camions.

L’étude montre que la demande de transport de marchandises par la route est sensible aux changements de prix, et explique les façons dont les chargeurs, les transporteurs et les logisticiens peuvent réagir :

Pour la majeure partie, les augmentations de prix seront absorbées par des gains d’efficacité dans le secteur routier, par exemple par un planning amélioré des itinéraires, des facteurs de charge augmentés ou une réorganisation des localisations dans la chaîne de production et de distribution sur le long terme.

La partie restante (un tiers) de la réaction aux changements se manifeste par un passage à des modes concurrents (transfert modal).

Comme la demande diminue en réponse à l’augmentation des prix, cet effet doit être pris en compte dans les prévisions de recettes des systèmes de péage routier.

Les résultats des études universitaires, théoriques, sont largement confirmés par les enseignements issus des systèmes de péage des camions appliqués en Allemagne, en Autriche et en République tchèque. D’importantes conclusions quant à l’efficacité probable d’un système de péage des camions dans les Etats membres de l’Union européenne peuvent en être déduites :

Le « signal-prix » émis par le péage routier est efficace pour diminuer la demande de transport de marchandises par la route : la demande de véhicule-km diminue en rapport avec le changement de prix.

L’effet majeur est la diminution des distances parcourues par les camions et non une réduction du tonnage, ce qui signifie que la taxation routière ne porte pas atteinte au commerce.

Le péage routier induit une amélioration de l’efficacité dans le secteur du transport de marchandises par la route. Seront prioritairement corrigés les manques de rationalité dans les processus de planification, qui se manifestent en particulier par des facteurs de charge médiocres et des trajets à vide.

Les incidences négatives du transport de marchandises par la route sont directement proportionnelles aux distances parcourues : congestion, accidents, pollution de l’air et bruit. Elles seront donc également réduites.

CHAPITRE V :
L’ÉCOLOGISATION DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES AU SERVICE DU PAVILLON FRANÇAIS

Le rapporteur a exposé cette thèse, qui peut apparaître iconoclaste devant le congrès de la FNTR, et elle a été fort bien accueillie.

Le fait que l’Allemagne ou les Pays-Bas, dont les coûts sont équivalents au pavillon français, maintiennent des positions fortes doit nous interpeller. Or l’Allemagne en mettant en place son Eurovignette baptisée « Toll collect » l’a accompagné de mesures de soutien à ses camionneurs, autorisées en 2007 par la Commission européenne, de type aide à l’achat de véhicules moins polluants ou à la formation. Nous devons faire de même, ni plus ni moins, et affecter le produit de l’écoredevance poids lourd (environ un milliard d’euros à cette action). Cela n’est que justice puisque les transporteurs étrangers en transit ne financent pas leurs coûts externes.

Si le coût du transport augmente il est clair que l’intérêt à rechercher au loin un coût de la main d’œuvre toujours moindre diminuera. De ce point de vue le renchérissement des taxes touchant le transport routier peut avoir des effets proches de la mise en place d’une TVA sociale sur les délocalisations, mais il faudrait des augmentations de grande ampleur, très supérieures à celle autorisées par la directive Eurovignette.

Les sommes recueillies par l’Eurovignette ne permettront pas de soutenir un programme de transfert modal de grande ampleur. Par contre, elles peuvent être utiles à deux niveaux :

- comme le montre l’exemple allemand l’utilisation des sommes récoltées pour inciter les transporteurs à acquérir des matériels moins polluants est une action efficace au service de l’environnement. L’Allemagne y consacre 100 millions d’euros, nous sommes ici en phase avec les montants susceptibles de provenir de l’euro vignette.

- comme le montre l’exemple de la RCEA elle permettrait de transformer des axes accidentogènes en route à deux fois deux voies plus sures.

I. L’IMPACT EN FRANCE DE L’EUROVIGNETTE, OU ECOTAXE POIDS LOURDS, DOIT ÊTRE NEUTRE POUR LE PAVILLON NATIONAL

Il ne faut pas sous estimer l’importance du secteur logistique en termes de création d’emplois : en prenant en compte les objectifs du Grenelle, le secteur du transport routier de marchandises représentera, dans 15 ans encore 75 % du transport de marchandises.

En réalité, les emplois de la longue distance devront évoluer du fait du report modal escompté. Par contre, de nouveaux métiers dans la logistique urbaine et la courte distance vont se créer.

La Taxe Kilométrique Poids Lourds ne défavorisera pas le pavillon français s’il bénéficie de compensations appropriées car tous les usagers des réseaux concernés payeront la taxe. Au contraire, elle permettra de faire régler par tous leurs coûts d’usage, notamment pour certains transporteurs étrangers qui n’effectuent aucun approvisionnement en carburant en France. La part des poids lourds étrangers dans le total de la recette de la Taxe Kilométrique Poids Lourds est estimée à 30 %.

Il faut aller au-delà et dans une Union européenne marquée par des distorsions de concurrence enclencher une politique de lutte contre le transport à longue distance transitant par la France, par des investissements massifs dans le ferroutage, dont l’emprunt serait dans un premier temps obligatoire, à l’exemple de la Suisse, et dans le même temps avec le produit de l’Eurovignette enclencher une politique d’écologisation du transport routier par une aide massive à l’investissement et à la formation (qui représente 3 % de la masse salariale).

Il convient de noter que dans le cadre du plan de relance de l’économie nationale mis en place en décembre 2008, les entreprises peuvent bénéficier d’un « bonus » lors de l’acquisition ou la location de véhicules utilitaires légers (VUL) dont le niveau d’émission de CO2 est inférieur ou égal à 160g/km. Le montant du bonus s’élève à 20 % du prix d’achat TTC du véhicule, dans la limite d’un plafond de 5 000 €. Pour cette catégorie de véhicule, le versement de l’aide est prévu, à montant constant, pour toute facturation intervenant jusqu’en 2012 (décret no 2010-447 du 3 mai 2010 modifiant le décret no 2007-1873 du 26 décembre 2007 instituant une aide à l’acquisition des véhicules propres).

Ce bonus peut être majoré d’un « superbonus » ou « prime  à la casse » lorsque l’acquisition ou la prise en location du véhicule neuf s’accompagne du retrait de la circulation d’un véhicule particulier ou d’une camionnette de plus de dix ans à la date de facturation du véhicule neuf. Cette aide peut être attribuée seule lorsque le véhicule neuf n’ouvre pas droit au bonus. Les montants de la prime à la casse ont été modifiés par le décret no 2009-1581 du 18 décembre 2009 qui prévoit une diminution progressive de cette aide, qui prendra fin le 31 décembre 2010.

Le 24 janvier 2007 la Commission européenne a accepté que l’Allemagne instaure des aides ou en des primes à l’investissement pour les transporteurs qui achètent des camions satisfaisant à des normes environnementales plus strictes que celles déjà en vigueur pour une période de six ans, avec un budget annuel de 100 millions d’euros. Pourquoi la France n’offrirait-elle pas la même aide à ses transporteurs ?

Une partie du coût des charges sociales peut légitimement être transféré à la solidarité nationale : l’Etat pourrait prendre en charge pour la SNCF le mécanisme de retraite anticipé des routiers ; les écologistes justifient l’écotaxe au nom d’une concurrence juste entre le rail et la route, par la prise en compte des externalités, le principe d’égalité imposant le financement des retraites anticipés des routiers par l’Etat.

La formation représente environ 3% de la masse salariale, et peut être en partie financée par l’Etat, dans le respect des règles européennes

Ces deux exemples montrent bien que l’écotaxe peut, en respectant la réglementation européenne, ne pas aggraver les charges supportées par les transporteurs routiers.

Il faut souligner que pour soutenir la compétitivité européenne des entreprises de transport routier de marchandises, deux dispositions ont contribué à modérer la fiscalité spécifique à ce secteur :

- d’abord, la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) spécifique au gazole professionnel est stabilisée depuis janvier 2005 à son taux plancher, qui a été fixé pour la France, par la directive Énergie du 27 octobre 2003, à 39,19 centimes d’euro par litre. Il en résulte qu’au cours de ces dernières années, la TIPP appliquée au gazole professionnel s’est rapprochée de la moyenne communautaire de taxation, qui a été fixée à 38 centimes d’euro par litre au premier semestre 2010 ;

- ensuite, l’article 28 de la loi de finances pour 2009 a aligné, à compter du 1er janvier 2009, les tarifs de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), ou « taxe à l’essieu », sur les taux minimaux fixés par la directive Eurovignette du 17 juin 1999, ce qui représente une aide annuelle d’environ 50 millions d’euros pour l’ensemble des entreprises utilisant des poids lourds de 12 tonnes et plus.

Avec un prix de 0,94 €/l hors TVA, le coût du carburant en France se situe désormais dans la moyenne des pays européens. Toutefois, les pays proches, comme le Luxembourg (0,88 €/l) et l’Espagne (0,92 €/l) peuvent susciter le développement d’un « tourisme - gazole ».

II. L’IMPACT DE L’EUROVIGNETTE DOIT ETRE LIMITE POUR LE CONSOMMATEUR

Pour être acceptée toute taxation doit rester supportable pour le consommateur final.

L’impact sur le coût de transport d’une tonne transportée est estimé en moyenne au niveau national à 2,50 %. Sur le prix des marchandises il est encore plus faible : l’augmentation finale ne devrait pas dépasser 0,2 % pour les produits à faible valeur ajoutée. A titre d’exemple, pour les primeurs, l’impact sera au plus 0,5 centime au kilo sur une relation Bretagne-Région parisienne.

Ce constat est renforcé par l’expérience des pays européens qui ont mis en place cette tarification de l’infrastructure pour les poids lourds et dans lesquels la hausse des prix du fait de ces péages a été très limitée (0,2 % pour l’Allemagne par exemple).

III. L’EUROVIGNETTE DOIT PRIVILÉGIÉR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE : L’EXEMPLE DE LA MISE À DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA RCEA

Confronté dans son département de Saône et Loire au projet de transformation de la Route Centre Europe Atlantique (RCEA) en autoroute, le rapporteur a pu mesurer que la mise en concession de la RCEA était une solution calamiteuse pour les finances publiques. Pour construire une autoroute revenant à 1,1 milliard d’euros, elle coûtera 1,6 milliard à l’Etat ou aux collectivités locales qui perdront les recettes provenant de l’écotaxe poids lourds.

En effet la loi sur l’environnement dite « Grenelle1 », la loi de finances pour 2009 et la loi dite « Grenelle 2 » ont prévu et organisé la perception à partir de 2012 sur les routes qui ne sont pas à péage d’une écotaxe de 12 centimes d’euros par kilomètre, à laquelle seront assujettis les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Sur une base de 4 000 camions par jour cette taxe pourrait rapporter chaque année plus de 30 millions d’euros à l’Etat, ou aux départements s’ils demandent le transfert de la RCEA. Cette taxe, donc son produit, disparaîtrait en cas de péage.

Or, 30 millions d’euros de taxe multipliés par les soixante ans de durée d’une concession représentent une somme de 1,8 milliard d’euros perdus pour les finances publiques.

30 millions d’euros, alliés aux 150 millions d’euros de subvention d’équilibre que l’Etat envisage de donner au concessionnaire, permettent, par un emprunt sur 30 ans au taux de 3 %, plutôt élevé pour une collectivité publique, de financer la mise à deux fois deux voies de la RCEA sans qu’il en coûte un centime aux habitants de Saône et Loire ou de l’Allier. Au contraire au terme du remboursement de l’emprunt ces collectivités bénéficieront d’une ressource pérenne qui viendra alléger la fiscalité locale.

Les particuliers bénéficieront de la gratuité en empruntant la RCEA et les routiers avec l’écotaxe s’acquitteront d’une redevance inférieure de plus de la moitié au coût du péage. Mais, surtout en abandonnant le recours à une autoroute concédée, les travaux d’aménagement de la RCEA pourraient commencer immédiatement et éviter ainsi plus de trente tués supplémentaires en évitant les deux ans à trois ans de procédure qu’implique le recours à une autoroute à péage.

Une conclusion s’impose : du fait de la perte de l’éco-redevance poids lourds, qui n’est pas perçue sur les autoroutes concédées, le schéma de l’autoroute concédée à péage est de très loin le scénario le plus coûteux pour les finances publiques. Elle est probablement applicable à d’autres projets en France. Cet exemple illustre la transformation des données économiques de la construction d’infrastructures résultant pour les collectivités locales de la mise en place de l’Eurovignette. Car, il est possible de financer dès aujourd’hui l’achèvement de la RCEA par un emprunt dont les annuités de remboursement seraient couvertes par l’éco redevance poids lourds.

IV. UNE ACTION PAR LA FISCALITÉ N’EST PAS SUFFISANTE

Cette approche n’est peut être pas la plus libérale mais elle n’est sans doute pas la moins efficace.

Le taux de l’Eurovignette est important pour les transporteurs français dont il pourrait réduire les marges à néant si son coût n’était pas répercuté sur les chargeurs mais son ampleur n’est pas de nature à véritablement susciter un transfert important vers le rail.

Du fait de ces modifications, l’impact sur les coûts du transport sera faible (0,04 centime par tonnes), il pourra influencer quelques comportements mais, il est clair que seule une politique globale et ambitieuse des transports permettra de répondre aux objectifs affichés.

D’où l’intérêt de réduire le trafic international de transit par des mesures autoritaires, c’est-à-dire des mesures de police. En effet la sensibilité de l’Union européenne en matière d’environnement a changé. L’Union exige la non discrimination entre nationaux et ressortissant communautaire et des critères imposant le recours au ferroutage sur la base d’une distance kilométrique (par exemple 700 km, ne sont pas discriminatoires.

Les investissements à réaliser pour doter le pays d’un système imposant aux poids lourds le ferroutage où l’emprunt des autoroutes de la mer, sur de longues distances, sont colossaux.

La Cour de justice de l’Union européenne admet que des principes ou des règles européennes soient écartées au nom d’impératif de santé publique, de sécurité ou d’environnement, sous réserve de proportionnalité.

Il nous semble que le recours accru à l’intermodalité encouragé par le texte sur l’Eurovignette ne s’effectuera que marginalement sous l’impact de ce texte.

La principale raison, aux yeux du rapporteur, réside dans la nécessité d’investir des dizaines de milliards d’euros dans l’aménagement de corridors ferroviaires exclusivement dédiés au transfert des poids lourds à travers la France. Il ne sera possible de trouver des concessionnaires que si l’Etat garantit un volume important de circulation qui ne peut être envisagé qu »avec l’obligation d’emprunter ces infrastructures.

Une telle politique permettrait à terme de diminuer d’un tiers le trafic poids lourds sur nos routes et ainsi de lutter contre les émanations de gaz et de particules, le bruit et l’insécurité routière.

L’exemple suisse montre qu’une telle politique est possible et à notre sens dès lors qu’« elle est fortement argumentée, elle ne requiert pas l’accord de l’Union européenne ». Il nous semble en outre qu’un plan imposant le recours au ferroutage à l’échelle européenne doperait la croissance économique et susciterait l’adhésion du Parlement européen qui aiderait à surmonter les réticences de la commission européenne et des états qui ne sont pas victimes du transit.

Les montants collectés par l’Eurovignette ne sont pas à la hauteur des investissements à réaliser pour le ferroutage ou le transport modal. Il me semble plus sain d’utiliser des mesures de police imposant le recours à ce mode de transport (sur ce point, nous pourrions demander une étude au Conseil d’Etat). En garantissant ainsi un volume d’activité aux entreprises ferroviaires nous leur garantissons un volume d’activité qui autorise le recours à l’emprunt.

CONCLUSION

L’Eurovignette ? Une chance pour le pavillon français ?

Le transport routier, poids lourds et véhicules légers confondus, constitue depuis des décennies « la vache à lait » des ministres du budget français et européen.

Si nous prenons en compte la TIPP et la TVA perçues sur les véhicules neufs acquis en France, les sommes versées par le transport routier couvrent très largement les coûts qui peuvent lui être imputés (pollution, accidents de la route, infrastructures), tout au moins au niveau du trafic interurbain.

En outre, les chiffres avancés pour la pollution atmosphérique sont à analyser avec prudence car l’effet de la pollution atmosphérique, en particulier sur la santé, dépend beaucoup de la concentration des polluants.

Autrement dit, le coût pour la population, en termes de pollution, d’un camion qui traverse la forêt landaise et d’un véhicule qui circule dans la Ruhr n’est pas comparable.

Le refus de prendre en compte la congestion constitue donc une aberration contre laquelle s’est battu sans succès le gouvernement français. Or la prise en compte des coûts de congestion aurait pu constituer un outil de premier ordre en matière d’aménagement du territoire.

Cela est d’autant plus regrettable que notre pays n’est plus bénéficiaire, ou marginalement, des fonds structurels.

L’écotaxe, qui ne constitue que la déclinaison nationale de l’Eurovignette, pourrait permettre dans un grand nombre de cas d’éviter le recours à une concession accompagnée d’un péage.

« Il faut cesser de subventionner la mobilité, ce que l’on fait en ne lui imputant pas l’ensemble des coûts qu’elle induit. N’oublions jamais l’influence que la TIPP (« taxe intérieure sur les produits pétroliers », introduite en 1922) a eu dans la durée. Nous lui devons aujourd’hui de consommer, par habitant, trois fois et demi moins de carburants qu’aux Etats-Unis »(20).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Communication de M. Gérard Voisin sur la proposition de directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (Eurovignette) (document E 3911), mardi 12 octobre 2010

« Le rapporteur. L’évolution économique de ces trente dernières années a été marquée par deux phénomènes majeurs : la mondialisation, qui conduit à rechercher les coûts les plus bas , et la gestion du commerce et des entreprises à flux tendus, qui implique un niveau minimal de stocks.

Cette évolution, qui a favorisé la désindustrialisation de certains pays d’Europe occidentale, a reposé très largement sur le développement du fret routier, garant d’un coût de transport faible, de souplesse et de rapidité.

Les entreprises ne se seraient pas délocalisées si les coûts de transport et de logistique avaient absorbé les différentiels de rémunération. La gestion à flux tendus ne serait pas possible sans l’apport du transport routier, le rail et la voie d’eau impliquant des ruptures de charge et n’offrant pas suffisamment de souplesse.

D’où un développement exponentiel du transport routier, qui fait l’objet d’une contestation accrue de la part des populations qui en perçoivent les nuisances, sans mesurer à quel point leur mode de vie en dépend.

Ce sentiment est accru par l’impression, en partie justifiée, qu’une partie de la compétitivité des entreprises de transport routier étrangères reposent sur « l’exploitation » de leurs chauffeurs ; ce sentiment est sans doute excessif mais il est en partie exact. La France est une terre de transit où les entreprises étrangères ne respectent pas sa législation du travail, créant ainsi un risque important pour la sécurité routière du fait de la fatigue accrue des conducteurs étrangers soumis à des horaires de travail plus importants. La notion de temps de travail ne recouvre pas celle de temps de conduite.

La concurrence en Europe ne peut pas reposer sur les différences de conditions de travail et de rémunération des chauffeurs routiers. Aussi la proposition de directive qui nous est soumise, qui vise à faire supporter aux transport les conséquences des coûts environnementaux qu’il génère, peut, si elle est correctement appliquée par les autorités françaises, constituer une chance pour le développement du pavillon français qui pourrait regagner une partie des parts de marché perdues ces dernières années si le trafic de transit est plus lourdement taxé et si une partie du produit de cet impôt vient alléger les charges des transporteurs français.

C’est pourquoi cette proposition est importante non seulement pour l’environnement mais également pour l’emploi dans notre pays.

La directive 1999/62/CE du 17 juin 1999, modifiée par la directive 2006/38/CE du 17 mai 2006 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, harmonise les systèmes de prélèvement, taxes sur les véhicules, péages et droits liés à l’usage des infrastructures routières, et institue des mécanismes d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs.

Elle s’applique aux taxes sur les véhicules, aux péages et aux droits d’usage imposés aux véhicules destinés au transport de marchandises par route et ayant un poids total en charge autorisé d’au moins 12 tonnes.

La directive précise, pays par pays, quelles sont les taxes visées. Chaque Etat membre arrête les procédures de perception et de recouvrement de ces taxes. De plus, ces taxes sont perçues par l’Etat membre dans lequel le véhicule est immatriculé.

Les Etats membres ne peuvent fixer des taux de taxes sur les véhicules inférieurs aux taux minimaux définis dans la directive (c’est le cas, par exemple, de la taxe à l’essieu). La directive prévoit également la possibilité pour tous les Etats membres d’appliquer, dans certains cas et sous certaines conditions, des taux réduits ou des exonérations.

La directive énumère les conditions que doivent remplir les Etats membres afin de pouvoir introduire et/ou maintenir des péages ou introduire des droits d’usage.

Les Etats membres qui mettent en place des systèmes électroniques de perception des péages font en sorte que leurs systèmes soient compatibles.

La modification intervenue en 2006 a mis en place des règles pour le prélèvement par les Etats membres des péages ou des droits d’usage pour l’utilisation de routes, y compris les routes du réseau transeuropéen et les routes dans les régions montagneuses.

A partir de 2012, cette réglementation s’appliquera aux véhicules dont le poids est compris entre 3,5  tonnes et 12 tonnes.

Les Etats membres ont la possibilité de différencier les péages en fonction du type de véhicule, sa catégorie d’émissions (classification « Euro »), le degré de dommages qu’il occasionne aux routes, ainsi que le lieu, le moment et le niveau de l’encombrement. Cela permet de lutter contre les problèmes causés par la congestion du trafic, y compris les dommages causés à l’environnement sur la base du principe «pollueur payeur».

La Commission européenne, pour mieux prendre en compte les dégâts ou désordres environnementaux liés au développement du trafic poids lourds, a émis une proposition le 8 juillet 2008 pour modifier les directives précitées afin de permettre aux Etats membres d’internaliser les coûts liés à la pollution et aux encombrements causés par les poids lourds (coûts externes).

Le transport génère en effet des nuisances qui ont un coût pour la société et pour l’économie. Le transport routier de marchandises représente à lui seul les trois quarts du transport de marchandises. « L’internalisation des coûts externes » vise à donner un signal de prix fort afin que les utilisateurs supportent les coûts qu’ils génèrent et soient ainsi incités à modifier leur arbitrage au profit de modes de transport plus respectueux de l’environnement.

Cette notion « d’internalisation des coûts externes » doit être précisée. Il est toujours possible de faire supporter à un usager les coûts qui peuvent lui être imputés directement et évalués monétairement. Or, l’établissement de la preuve d’un lien de causalité et son évaluation monétaire ne sont pas toujours possibles. Dans le cas du transport routier il est par exemple très difficile de ventiler les conséquences environnementales du trafic routier entre véhicule légers et poids lourds, de même l’impact des dégâts liés aux émissions de polluants est extrêmement difficile à évaluer monétairement. Il est donc convenu par une approche forfaitaire, de pénaliser le pollueur sans que ce dernier ne puisse être nominativement identifié.

Le projet initial de proposition de directive visait à intégrer dans le prix des péages perçus sur les poids lourds un montant correspondant au coût des pollutions atmosphériques et sonores due au trafic et à celui de la congestion automobile.

Ce montant aurait dû varier en fonction de la catégorie d’émission, de la distance parcourue, du lieu et du moment d’utilisation des routes. En particulier, la directive « Eurovignette » s’accompagne d’une méthode de calcul conçue pour adapter le tarif de la redevance en fonction de la norme environnementale du véhicule, du type de route empruntée et de la durée de validité. Les systèmes de tarification électroniques calculeraient le prix correct en fonction de ces critères.

Les actuelles dispositions régissant l’Eurovignette ne s’appliquent qu’aux axes faisant partie du «réseau transeuropéen» (RTE, axes routiers expressément désignés reliant les pays de l’Union européenne) et aux véhicules de plus de 12 tonnes. Aux termes du nouveau projet de texte, les dispositions concernant l’Eurovignette s’appliqueraient à tous les axes du RTE et aux routes par lesquelles transite habituellement un important volume de transport international de marchandises. Les villes conserveraient leur droit de prélever des redevances locales sur leurs voies de circulation (comme la redevance appliquée à Londres).

Les Etats membres devraient affecter les recettes ainsi perçues à des projets liés au développement durable des transports. Les redevances étant collectées au moyen de systèmes électroniques ne gênant pas la fluidité du trafic.

Depuis le constat d’échec dressé par le Conseil des ministres des transports de septembre 2009, ce projet semblait bloqué par les divergences entre les Etats de transit, comme la France où l’Allemagne, et les Etats de destination, en particulier ceux de la péninsule ibérique. Or la présidence belge de l’Union, malgré ses difficultés de politique intérieure, s’est échinée à trouver un compromis qui pourrait aboutir le 15 octobre prochain. Cette situation conduit à présenter cette communication, qui sera suivi d’un rapport plus complet au mois de décembre.

Bien que ce projet se soit enlisé au niveau du Conseil, le Parlement européen l’a adopté le 11 mars 2009.

En particulier, les députés de tous les groupes politiques se sont ralliés au principe de « l’affectation » : les Etats membres seraient tenus d’investir les recettes générées par l’Eurovignette dans des projets visant à améliorer les normes environnementales des véhicules et à développer des infrastructures alternatives de transport, ce qui heurte la majorité du Conseil.

Pour les routes situées dans les régions montagneuses ou les conurbations, une majoration sera instaurée. Les recettes supplémentaires générées par cette majoration devraient être investies dans des moyens de transport parallèles alternatifs (ainsi, par exemple, la majoration instaurée sur le segment alpin de l’autoroute Lyon-Gênes financerait une liaison ferroviaire parallèle).

Bien entendu, ce projet se heurte à l’hostilité des ministres européens des finances qui refusent toute idée d’affectation des recettes.

D’autant que, selon une étude d’incidence réalisée par la Commission européenne, la méthode de calcul de l’Eurovignette aurait pour effet d’augmenter le coût supplémentaire global pour l’usager de 3 % environ si les Etats membres décidaient d’instaurer ces redevances.

Je vous propose de prendre position en faveur de ce projet de directive, dans la version adoptée par le Parlement européen le 10 mars 2009, et de défendre, malgré les réticences de notre ministre du budget, le principe de l’affectation des sommes recueillies par le biais de l’Eurovignette au profit du transport – qui verse déjà au budget général le triple des sommes qu’il reçoit.

Nous pourrions nous inspirer en particulier de l’Allemagne qui, avec son système « Toll collect », taxe le trafic de transit comme le trafic national, mais dans le même temps soutient ses transporteurs nationaux par des aides admises par la Commission européenne.

Par exemple, cette dernière a autorisé le 24 janvier 2007 l’Allemagne à mettre en place un régime d’aide visant à favoriser l’utilisation de poids lourds respectueux de l’environnement. Ces aides ont un impact non négligeable de 100 millions d’euros sur six ans et il semblerait opportun que la France suive cette voie.

Sur proposition du rapporteur, et sous les réserves qu’il a émises, la Commission a approuvé ce projet de directive. »

2. Examen du rapport d’information sur la proposition de directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (E 3911), mardi 7 décembre 2010

L’exposé de M.  Gérard Voisin, rapporteur, a été suivi d’un débat.

« Mme Odile Saugues. On ne peut que se réjouir de la mise en place de cette Eurovignette. A l’époque, j’avais estimé que le système allemand « Toll collect » reposait sur un bon principe. Pour autant, la solution de l’Eurovignette est encore insuffisante car elle résulte d’un processus de décision européen pour arriver à un compromis qui aboutit à, en quelque sorte, « raboter » les textes. En fait, il faudrait une réelle volonté politique. Or cela fait des années que la SNCF elle-même fait transporter ses traverses par camions et que les transports fonctionnent en gestion à flux tendus. Ainsi la semaine dernière, dans la région de Clermond Ferrand, on manquait de pneus neige… Alors que tout le monde se plaint de la pollution, il y a un échec patent du ferroutage par manque de volonté politique de la majorité des pays. Même si l’on est conscient de ce que l’on pourrait gagner en termes environnementaux, on en reste au niveau de l’incantation. Le rapporteur a rappelé combien les routiers français sont désavantagés par rapport aux routiers étrangers, qui pratiquent le cabotage, et ne faisant que traverser notre pays, utilisent et usent nos infrastructures. Il n’était pas normal – surtout quand on regarde le poids de la dette de la SNCF, porté par RFF – que ce système perdure et que les coûts des externalités ne soient pas compensés. Le rapporteur a évoqué un point dont il est fondamental de se saisir, la dimension sociale du problème. Les transporteurs étrangers souffrent de conditions de travail très difficiles, notamment en termes d’horaires, et le différentiel salarial est important. Ils travaillent couramment pendant sept à huit semaines d’affilée hors de leur pays. Cette fatigue accumulée est source d’accidents. Par ailleurs, ce dumping social fait une concurrence aux transporteurs français. Si l’on considère que les frontières doivent s’estomper, il faut jouer un jeu commun et l’Europe doit donc aller jusqu’au bout de la logique en élaborant des règles communes.

Le problème des transports n’est jamais abordé comme un problème majeur dans notre pays, comme dans d’autres d’ailleurs. En fait, ce n’est qu’en utilisant le levier de l’environnement que l’on traitera sérieusement de la question des transports, et que l’on se donnera les moyens nécessaires pour mieux utiliser les transports ferroviaires, qui sont très compétitifs, tant sur le plan économique que sur le plan technique. Je voterai les conclusions du rapporteur, même si je considère que l’Eurovignette n’est qu’un pâle reflet de ce qui aurait pu être institué.

Le rapporteur. Les différents rapports sur lesquels je travaille sont en fait complémentaires ; ainsi ce rapport sur l’Eurovignette me servira pour le rapport que je rendrai en mars sur l’ouverture du transport ferroviaire à la concurrence.

S’agissant du système « Toll collect », les Allemands nous ont montré le chemin, il y a déjà cinq ans. Il représente quatre milliards d’euros par an pour l’Etat fédéral, dont 500 millions sont consacrés au fonctionnement du système – siége social, infrastructures satellitaires et technologiques, entretien. On ne pourra améliorer le ferroutage que si l’on progresse sur le dossier de l’Eurovignette et de la mise en concurrence du rail. Ces dernières années, le fret ferroviaire français a baissé de 30 % alors que dans le même temps, il progressait de 36 % en Allemagne. Ce différentiel de 66 % s’explique en partie pour les raisons évoquées précédemment, mais il y en a d’autres : la moyenne de circulation des trains de marchandises est de 18 km/h, car ils passent après les trains de voyageurs, et par ailleurs, la SNCF est le plus grand transporteur routier de France.

Le problème social est bien sûr à prendre en compte mais la France n’est pas le seul pays à subir les conséquences des différentiels de salaires et de conditions de travail. Dans mon rapport, je citerai les chiffres de salaire annuel moyen tels que donnés par Eurostat : alors que les chiffres sont pour les Pays –Bas et la France, respectivement de 42 997 euros et 33 709 euros, ils sont pour la Bulgarie de 2 425 euros, pour la Roumanie de 3 398 euros, pour la Lettonie de 3 952 euros, pour la Lituanie de 5 535 euros et pour la Pologne, pays où le secteur des transports est très important, de 6 237 euros.

L’Eurovignette – par le biais du Grenelle de l’environnement et de l’écotaxe mise en place par la loi de finances pour 2009 – pourra contribuer à remplir les caisses de l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF), qu’il faudra réformer et que la Cour des comptes veut d’ailleurs supprimer. Il sera permis de cibler des recettes sur les voies mises sous écotaxe, à savoir les routes nationales, départementales, voire à péage urbain et en tout cas, partout où il n’y aura pas d’autoroutes concédées. En fait, si la caisse de l’AFITF est vide, c’est que l’on a vendu nos autoroutes au secteur privé pour 15 milliards d’euros.

M. Michel Diefenbacher. Ce rapport substantiel mériterait un examen approfondi. Une des propositions du rapporteur est de saisir le Conseil d’Etat d’une étude afin de déterminer s’il serait possible, et dans quelles conditions, de rendre obligatoire l’utilisation du rail pour les transports de frontière à frontière. Je souscris à cette idée intéressante mais, à supposer que cette obligation soit édictée, aurait-on la certitude de disposer des outils de transport suffisant pour assumer la totalité ou une partie de ces transports selon les règles qui auraient été établies ? Pour avoir, en tant que membre de la commission des finances, auditionné les présidents successifs de la SNCF, il est frappant de constater que la SNCF fait montre d’une volonté forte de développer le fret ferroviaire et dans la pratique, c’est l’inverse qui se passe. On peut certes mettre en cause le fonctionnement de l’opérateur : rigidité, conflits sociaux, insuffisante volonté d’améliorer la qualité de la commercialisation. Mais l’argument tiendrait si la libéralisation n’avait pas permis au secteur privé de venir sur ce marché, pour l’heure sans succès. N’étant pas un spécialiste de la question, je ne sais pas à quel niveau se situe le problème. Est il réglementaire, financier, juridique ? En tout état de cause, en parallèle avec cette étude du Conseil d’Etat, il faudrait étudier, avec la SNCF, les moyens de proposer une offre compétitive avec l’offre routière.

Le rapporteur. La solution est sans doute dans la mise en concession qui génère des recettes. Il ne faut pas attendre que l’Eurovignette apporte des recettes qui aillent alimenter le ferroutage. L’écotaxe doit permettre de cibler les recettes et il faut se mobiliser pour que la mise en concession permette d’augmenter la capacité d’investissement pour régler le problème des investissements nécessaires à la création de corridor de ferroutage. Dans le cadre du rapport que je rendrai en mars, j’essaierai de trouver des réponses par rapport notamment à l’exigence européenne de libre concurrence du rail. Je m’appuierai sur l’étude du Conseil d’Etat. On sait par exemple que si, juridiquement la SNCF et RFF sont des entités distinctes, il est parfois difficile de les distinguer. Ainsi dans les gares, on ne sait pas de qui dépendent les différents personnels.

Le taux de concurrence en matière de fret est de 12 à 15 %. Or on sait que la compétition est nécessaire si l’on veut faire baisser les coûts. La situation est aujourd’hui difficilement tenable. Le stock de la dette de la SNCF est de 9 milliards d’euros. Sa croissance est exponentielle et il faut y ajouter les 30 milliards d’euros dont RFF a « hérité ». Comme je le soulignais précédemment lors de ma communication sur le renouvellement du matériel ferroviaire d’Eurostar, c’est la SNCF qui est maître du jeu.

Mme Françoise Grossetête, députée européenne. Je ne vous apprendrais rien en vous disant que la SNCF est obligée, étant donné l’ouverture à la concurrence, d’élaborer ses projets en termes économiques. Elle est contrainte de fonctionner comme une entreprise privée et c’est pour cela qu’elle ne répond pas forcément aux attentes de certains clients. Ainsi dans ma circonscription européenne, dans le Sud Est de la France, des industriels qui utilisaient le fret ferroviaire pour transporter leurs productions ont été contraints, dans la mesure où leur plate forme n’est plus desservie, de se tourner vers le transport routier.

Les disparités salariales existeront tant que la crise ne permettra pas aux nouveaux Etats membres d’accorder des augmentations de salaires. Le Parlement européen est très concerné par cette question et si l’on ne peut agir sur le niveau des salaires, une directive uniformise autant que faire se peut la durée hebdomadaire du travail sur une base de 48 heures sur une seule semaine afin d’éviter les abus qui conduisaient à avoir des semaines de 65 à 75 heures par semaine, ce qui était très dangereux. Sur ce sujet, comme sur d’autres ainsi que l’évoquait Odile Saugues, on est toujours dans la recherche du compromis et les solutions auxquelles on parvient sont souvent – hélas- a minima. Je suis actuellement rapporteur sur une directive extrêmement importante et qui aura un impact considérable sur la vie quotidienne des citoyens européens. Je constate que les négociations avec le Conseil sont extrêmement difficiles. Le Conseil ne fonctionne plus d’une manière communautaire mais de façon intergouvernementale. Chaque Etat membre fait des propositions en fonction de ses propres intérêts. Les parlementaires sont donc sans cesse sur le fil rouge car les Etats ne veulent pas que ce projet aboutisse. L’Europe est très difficile à faire avancer…

Mme Odile Saugues. Il manque l’esprit communautaire

Mme Françoise Grossetête. Je suis député européen depuis 17 ans et je dois dire que je constate qu’effectivement, l’esprit communautaire n’existe plus.

Le rapporteur. De quelle directive s’agit-il ?

Mme Françoise Grossetête. Il s’agit de la directive relative aux soins transfrontaliers et à la mobilité des patients. Sur ce texte, il risque d’y avoir une minorité de blocage et les négociations sont très tendues même si la Présidence belge fait ce qu’elle peut. Je salue ici le travail fait par ce pays qui n’a pas de gouvernement depuis six mois mais qui exerce une très bonne présidence. Sur ce texte, on arrivera sans doute à ce que soient respectées certaines exigences mais alors que nous avions de grandes ambitions, nous serons vraisemblablement obligés de nous contenter d’un accord succinct à défaut de quoi, le projet entier sera refusé.

M. Gérard Voisin. Toutes choses étant égales par ailleurs, c’est ce qui se passe en matière d’intercommunalité qui se réduit souvent à des communautés d’agglomérations.

Mme Françoise Grossetête. La crise n’a pas facilité les choses.

Le rapporteur. La crise a sans doute accentué ces comportements. On voit l’importance des présidences pour l’évolution de l’Europe.

Mme Françoise Grossetête. Nous allons essayer de mettre à profit le dernier trilogue pour faire avancer des dossiers. J’insiste sur la responsabilité des parlements nationaux afin qu’ils travaillent en liaison avec le Parlement européen pour faire progresser nos convictions. J’ajoute que nous sommes aidés par la présence d’une représentation permanente française qui est remarquable.

Le rapporteur. C’est pourquoi le Président Pierre Lequiller est très soucieux de la participation des députés européens aux travaux de notre Commission des affaires européennes.

Mme Odile Saugues. Je voudrais insister sur l’injustice qu’il y a pour la SNCF, et maintenant RFF, d’avoir à porter le poids d’une dette importante. Il n’est en effet pas juste que le transport par rail ait eu à payer le coût de ses infrastructures alors que les autres transports n’ont pas eu à assumer cette charge. Il faudrait que cette dette soit apurée par l’Etat et que l’on remette tout à plat. La SNCF a certes des difficultés pour faire du fret à coût compétitif. C’est sans doute dû à une culture interne et à certaines lourdeurs mais cela n’explique pas tout.

M. Gérard Voisin. C’est vrai alors qu’en principe, la TIPP servait à cela. »

Puis, sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission,

Vu la proposition de directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (Eurovignette)
(COM [2008] 438 final/no E 3911),

1. Se félicite de l’accord intervenu au sein du Conseil des ministres des transports de l’Union européenne le 15 octobre 2010 ;

2. Approuve le texte de la directive ayant fait l’objet de cet accord ;

3. Regrette néanmoins que les négociations communautaires aient abouti à affaiblir la proposition initiale de la Commission, en prévoyant un caractère facultatif des règles, ainsi que l’absence d’affectation des ressources issues de la taxation. 

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

1. En France

Fédération nationale des transports routiers (FNTR)

- M. Jean-Paul Deneuville, délégué général

- M.  Nicolas Paulissen, délégué général adjoint.

Réseau ferré de France (RFF)

- Mme Véronique Wallon, directrice générale adjointe ;

- Mme Marie-Reine du Bourg, responsable des relations parlementaires, service des relations extérieures et accessibilité.

France Nature Environnement

- Mme Morgane Piederrière, chargée des relations institutions ;

- M. Jean-Baptiste Poncelet, coordinateur du réseau transports et mobilités durables ;

- M.  Michel Dubromel, pilote du réseau transports et mobilités durables.

Fédération nationale des travaux publics

- Mme Marie Eiller-Chapeaux, directrice des affaires européennes.

Sanef

- Mme Anne Forges, responsable Communication externe.

Eurotoll (groupe Sanef)

- M. Jean-Michel Martinez, président.

Signs – Intermédiation et Lobbying

- M. Franck de Bruyn, co-président.

2. En Allemagne

Ministère fédéral des transports, de la construction et du développement urbain

- Dr Veit Steinle, directeur général, politique de l’environnement et infrastructures ;

- Mme Petra Winkler-Maître, déléguée aux relations franco-allemandes ;

- Mme Edith Buss, département de la politique financière et de la concurrence, du commerce et de l’industrie, des péages et des coûts externes ;

- M. Thomas Schemel, département de la politique financière et de la concurrence, du commerce et de l’industrie, des péages et des coûts externes.

Bundestag

- M.  Winfried Hermann, député.

Toll collect

- M. Alain Estiot.

BGL

- M. Georg Stecker, directeur du bureau de Berlin.

ANNEXE 2 :
DONNEES STATISTIQUES SUR LE TRANSPORT DE MARCHANDISES

ANNEXE 3 :
DONNEES ESSENTIELLES SUR LE TRANSPORT ROUTIER

Entre 1990 et 2000 les émissions de CO2 du transport routier ont augmenté de 14,7 % elles sont stables depuis cette date du fait en grande partie du durcissement à de nombreuses reprises des normes (en 2009 a été introduite la norme Euro V) mais, l’augmentation du trafic vient bien sur relativiser ce gain.

Pour analyser les coûts engendrés par le transport routier de marchandises il convient d’abord d’identifier ses charges qui figurent dans le tableau ci-dessous :

Les coûts du transport routier

GAZOLE HORS TAXES

11,3 %

TIPP

11,1 %

TAXE À L’ESSIEU

0,4 %

PÉAGES

5,7 %

MAINTENANCE

8,4 %

MATÉRIEL

13,2 %

SALAIRES ET CHARGES

29,4 %

FRAIS DE DÉPLACEMENT

6,4 %

Source : Comité national routier.

Ce tableau est intéressant car il montre bien que les taxes supportées par le transport routier de marchandises ne constituent qu’une partie modérée de son coût de revient, de l’ordre de 12 %. Il convient de noter que du fait de la diminution de la consommation des poids lourds (un camion de 40t consomme aujourd’hui 34 l/100 km contre 50 l en 1970), la TIPP a vocation à diminuer.

En 2005, le transport combiné rail-route a permis d’éviter en France 1 500 poids lourds en moyenne par jour (520 000 sur l’année) et environ 600 000 tonnes de CO2 sur l’année. Pour acheminer un chargement de marchandises, un train de transport combiné émet 130 fois moins de CO2 qu’un poids lourd.

50 % du gazole consommé en ville l’est pour le transport de marchandises ! En ville, les véhicules dédiés au transport de marchandises représentent environ 30 % de l’ensemble des véhicules circulant sur la voirie (Transports en commun, voitures particulières, deux-roues). Bien que moins nombreux, les véhicules utilitaires de livraisons absorbent près de la moitié du gasoil consommé en ville.

46 % des ventes de voitures neuves en France en 2004 émettent moins de 140 g de CO2 par km. La moyenne des émissions de CO2 des voitures neuves en France en 2006 est de 149 g de CO2 par km.). Cette moyenne s’établie à 147 g de CO2 par km pour les voitures diesel (plus de 71 % des ventes des voitures neuves en France en 2006) et à 155 g de CO2 par km pour les voitures  essence. 

60 % des déplacements en ville se font en voiture particulière, 27 % par la marche à pieds, 9 % en transport en commun, 2 % en vélo et 2 % en deux-roues motorisés.

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie : http://www.ademe.fr .

La fiscalite du transport routier de marchandises en 2010

La fiscalité du transport routier de marchandises en 2010

Le transport routier de marchandises est assujetti à une fiscalité spécifique. Elle comprend la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), applicable au gazole consommé par des poids lourds et la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, dite taxe à l’essieu.

La loi de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle, qui prenait notamment en compte les investissements dans le matériel roulant, et l’a remplacée par la contribution économique territoriale (CET).

En matière de fiscalité, l’écart entre pays européens est source de distorsions de concurrence dans les transports et, par incidence, dans les autres secteurs de l’économie. Aussi, une harmonisation, nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, se met progressivement en place.

Au niveau communautaire, deux directives contribuent à cette harmonisation et également à l’institution de mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructures aux transporteurs :

- la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003, dite énergie, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité ;

- la directive 1999/62/CE du 19 juin 1999, dite Eurovignette, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, modifiée par la directive 2006/38/CE du 17 mai 2006.

La fiscalité du gazole professionnel (TIPP) constitue environ 11 % du coût total du transport. La taxe à l’essieu représente quelque 0,4 % des coûts du transport établis par le Comité national routier (CNR) pour les grands routiers exploitant des véhicules de 40 tonnes, dans les conditions économiques de 2009.

Source : Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, www.developpement-durable.gouv.f.

La fiscalité du gazole

En région, le gazole « à la pompe »

En application de l’article 52 de la loi de finances pour 2005, les conseils régionaux ont la possibilité d’appliquer une modulation du taux de la TIPP (entre 0 et 1,15 €/hl pour le gazole). Depuis le 1er janvier 2007, le niveau de la TIPP sur le gazole distribué à la pompe (part état + part région) est compris entre 41,69 € par hectolitre (€/hl) et 42,84 €/hl.

En 2010 comme en 2009, 20 régions sur 22 appliquent au gazole à la pompe le taux plafond de la TIPP, soit 42,84 €/hl.

La loi de finances pour 2010 permet aux régions d’appliquer une seconde tranche de modulation optionnelle (1,35 €/hl pour le gazole), destinée au financement des grands projets d’infrastructures de transport alternatives à la route, mentionnés dans la loi Grenelle 1 du 3 août 2009.

Les deux modulations de la TIPP se cumulent dans chaque région. Pour le gazole, la modulation cumulée peut donc atteindre 2,50 €/l.

Source : CNR (2009).

ANNEXE 4 :
STRATEGIE POUR UNE MISE EN
œUVRE DE L’INTERNALISATION DES COUTS EXTERNES

(Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions)

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 8.7.2008

COM (2008) 435 final

Stratégie pour une mise en œuvre de l’internalisation des coûts externes {SEC (2008) 2207}{SEC(2008) 2208}{SEC(2008) 2209}

1. INTRODUCTION: POUR UN TRANSPORT DURABLE

L’internalisation des coûts externes s’inscrit dans un «paquet» d’initiatives visant à rendre le transport davantage durable. Il est aujourd’hui crucial que le transport contribue aux grandes priorités de la Commission que sont le développement durable et le maintien de la compétitivité en Europe.

En 2006, le législateur a demandé que la Commission élabore «un modèle universel, transparent et compréhensible» pour l’évaluation des coûts externes.

« Le 10 juin 2008 au plus tard, après avoir examiné l’ensemble des éléments, notamment les coûts relatifs aux aspects environnementaux, de bruit, de congestion et de santé, la Commission présente un modèle universel, transparent et compréhensible pour l’évaluation de tous les coûts externes, lequel doit servir de base pour le calcul des frais d’infrastructure. Ce modèle est accompagné d’une analyse d’impact de l’internalisation des coûts externes pour tous les modes de transport et d’une stratégie pour la mise en œuvre graduelle du modèle pour tous les modes de transport.

Le rapport et le modèle sont accompagnés, le cas échéant, de propositions destinées au Parlement européen et au Conseil en vue d’une nouvelle révision de la présente directive» (directive 2006/38/CE) .

Un tel projet n’est pas nouveau. Depuis un certain nombre d’années déjà, la Commission européenne met en avant la nécessité d’avoir une tarification du transport plus efficace et reflétant mieux le véritable coût du transport [1]. Le transport génère des nuisances qui ont un coût pour la société et aussi pour l’économie. L’internalisation des coûts externes vise à donner un signal de prix correct afin que les utilisateurs supportent les coûts qu’ils génèrent et qu’ils aient ainsi une incitation à modifier leur comportement pour les réduire.

L’Union Européenne doit agir. Selon les résultats de l’analyse d’impact[2], si rien n’est fait dans les années qui viennent, les coûts environnementaux (pollution de l’air, CO2) pourraient représenter 210 milliards d’euros en 2020. Nos citoyens et entreprises seraient aussi confrontés à des encombrements sur plus d’un quart du réseau routier européen.

2. QU’ATTEND-ON DE L’INTERNALISATION: DES PRIX PLUS INTELLIGENTS

2.1. Prendre en compte les coûts générés par le transport

Les utilisateurs de transport ont des coûts directement liés à l’utilisation de leur moyen de transport (carburant, assurance, etc.). Ces coûts sont considérés comme privés au sens où ils sont directement payés par l’utilisateur. Pourtant, l’utilisateur de transport génère aussi des nuisances qui ont un coût pour la société et qu’il ne prend pas directement en charge (coûts externes ) que ce soient les pertes de temps des autres conducteurs liées aux encombrements, les problèmes de santé liés au bruit et à la pollution de l’air et, à plus long terme les effets des émissions de gaz à effet de serre sur le changement climatique. Ces coûts sont une réalité, même s’ils n’ont pas toujours une valeur explicite de marché : dépense de police et de gestion des infrastructures, frais d’hôpitaux et dépenses de santé publique, baisse de la qualité de vie. Ils sont généralement supportés par la collectivité et les citoyens. La somme de ces coûts privés et externes représente le coût social du transport. Seul un prix basé sur l’ensemble des coûts sociaux générés par l’utilisateur de transport contribuera à donner ce signal correct et représenterait la contrepartie des services utilisés et de la consommation des ressources rares.

Cependant, pour que ce signal de prix soit efficace, l’utilisateur de transport doit être sensible au prix. Quelquefois, cette situation n’est pas possible pour des raisons particulières: absence d’alternatives crédibles, situation concurrentielle insuffisante dans un mode de transport, incitation insuffisante à innover et à s’orienter vers des véhicules propres, etc. L’internalisation seule est donc une étape nécessaire, mais elle doit s’accompagner d’autres mesures visant à rendre la demande plus élastique, i.e. plus sensible aux variations de prix, à rendre une offre de certains services plus attractive ou à accélérer l’innovation technologique. L’objectif de réduction des coûts externes nécessite donc une stratégie qui doit comprendre plusieurs éléments en sus de l’internalisation de ces coûts externes: la mise à disposition d’infrastructures, l’incitation à l’innovation technologique, la politique de concurrence, la réglementation et la fixation de normes.

2.2. Avoir le bon instrument économique pour chaque coût externe

Dans la pratique, les principaux instruments économiques qui ont pour effet d’internaliser les coûts externes sont la taxation; le péage (ou droit d’usage) et dans certaines conditions[3] l’échange de droits d’émissions. Ces instruments économiques sont déjà utilisés à des degrés divers selon les modes de transport et les coûts visés. L’analyse d’impact[4] sur l’internalisation des coûts externes passe en revue la situation existante en matière de péages, de taxes et de droits d’émission dans chaque mode de transport.

Chaque coût externe possède des caractéristiques spécifiques qui requièrent l’utilisation d’instruments économiques adaptés. Certains coûts externes sont liés à l’utilisation de l’infrastructure et varient en fonction du temps et du lieu. C’est le cas des encombrements, de la pollution de l’air, du bruit et des accidents qui ont une forte dimension locale et qui varient selon la période, l’endroit et le type de réseau. L’application de charges différenciées est le meilleur moyen de tenir compte de ces variations. Pourquoi en effet un utilisateur devrait-il payer le même prix, qu’il voyage aux heures de pointe ou aux horaires conseillés, qu’il emprunte des routes congestionnées ou des itinéraires alternatifs? Bien plus, un véhicule propre paie le même prix qu’un véhicule plus polluant et bruyant.

En revanche, le changement climatique n’a pas cette dimension locale. Les émissions de CO2, et plus généralement de gaz à effet de serre, ne dépendent pas du temps ou du lieu, mais sont liées à la consommation de carburant. L’application de charges différenciées n’est donc pas nécessaire, mais il sera plus approprié d’utiliser un instrument directement lié à cette consommation, comme la taxation sur le carburant ou encore un système d’échange de droits d’émission de CO2.

2.3. Préserver le bon fonctionnement du marché intérieur

La préservation du marché intérieur est un principe fondamental de l’Union. En ce sens, il est nécessaire d’éviter une sur-tarification qui pourrait constituer un frein à la libre circulation ou qui, par son effet sur le trafic de transit, se ferait au détriment d’autres régions. C’est pourquoi les principes d’internalisation doivent s’établir au niveau européen afin d’éviter la fragmentation du marché. Dans le même temps, le caractère local de certains coûts externes doit être reconnu et il est important de trouver le juste équilibre entre les approches communautaire et locale.

L’établissement de principes communs aux États membres devrait empêcher toute discrimination et garantir la transparence du marché. La proposition d’une méthodologie commune permet d’éviter que les charges soient disproportionnées par rapport aux coûts externes existants. Enfin, la mise en place d’un système de suivi rendra le processus clair et efficace pour tous les acteurs.

3. PRINCIPES GÉNÉRAUX D’INTERNALISATION DES COÛTS EXTERNES: LA TARIFICATION AU COÛT MARGINAL SOCIAL

Donner les signaux corrects aux utilisateurs de transport doit se traduire par des prix qui ne conduisent pas à une surexploitation des ressources, et qui ne soient pas pénalisants pour les transports et, finalement, pour l’économie. Dans la littérature économique, le point d’équilibre est représenté par la «tarification au coût marginal social», qui est ainsi proposée comme principe général pour l’internalisation.

Selon cette approche, les prix dans le transport devraient être égaux au coût supplémentaire à court terme créé par un utilisateur additionnel de l’infrastructure. En théorie, ce coût supplémentaire devrait comprendre le coût de l’utilisateur et les coûts externes. La tarification au coût social marginal mènerait alors à une utilisation efficace de l’infrastructure existante. En outre, puisque l’utilisateur paierait pour le coût supplémentaire qu’il impose à la société, une telle tarification contribuerait à l’équité entre les usagers des transports et les non-utilisateurs et établirait un lien direct entre l’utilisation de ressources communes et le paiement selon le principe du «pollueur payeur» et de l’«utilisateur payeur». Une telle approche n’est possible que si le «pollueur» ne reçoit pas de compensation qui annihilerait les effets possibles de l’internalisation.

Néanmoins, les coûts marginaux varient dans le temps et l’espace et il est difficile d’évaluer précisément ces coûts marginaux dans la pratique. Une certaine simplification est donc inévitable. Généralement, les coûts marginaux peuvent correspondre à une moyenne des coûts variables.

Dans certains cas, l’approche par le coût marginal peut avoir certaines limites. Elle ne permet pas forcément la couverture des coûts de l’infrastructure, en cas de coûts fixes élevés ou de secteurs à faible densité de trafic. Si nécessaire, des approches complémentaires peuvent être mises en œuvre pour assurer le financement de l’infrastructure selon le principe de «l’utilisateur-payeur» et l’internalisation des coûts externes selon le principe du «pollueur-payeur». Cela peut également contribuer à assurer l’équité entre les usagers des transports et la société dans son ensemble. Bien plus, en ce qui concerne certains coûts comme le bruit, estimer les coûts marginaux requiert des méthodes très complexes et une approche pragmatique par le coût moyen peut être plus faisable (voir annexe technique[5]).

L’annexe technique propose un cadre commun de calcul des coûts externes de congestion, pollution de l’air, bruit et changement climatique grâce à l’établissement de principes communs et d’une méthodologie commune. Les accidents ne sont pas traités explicitement dans ce document (voir encadré 2 de l’annexe technique). L’internalisation des coûts externes des accidents devrait se faire par des mécanismes capables de prendre en compte les comportements à risque (vitesse, alcool au volant) et de donner les incitations à les corriger. Les primes d’assurance, par exemple via le système bonus/malus, répondent déjà à cette exigence en prenant en compte le profil à risque du conducteur, mais le niveau de primes est corrélé aux paiements des dommages qui, généralement, ne couvrent pas tous les coûts. Bien que la consultation ait montré un soutien en faveur d’une répercussion des coûts sur les primes d’assurance, une telle action devrait prendre en compte les différences qui existent entre États membres et nécessiterait un examen plus approfondi, notamment sur les questions de subsidiarité. À ce stade la réflexion n’est pas suffisamment avancée pour proposer une initiative au niveau européen.

4. STRATÉGIE POUR UNE INTERNALISATION DES COÛTS EXTERNES DANS TOUS LES MODES DE TRANSPORT

Si on peut établir un principe général pour l’internalisation (tarification au coût marginal social) et une méthodologie pour la quantification des externalités, il est difficile d’imaginer un mécanisme universel d’internalisation dans tous les modes de transport, qui se caractérisent par différentes technologies, différents nombres d’acteurs, cadres réglementaires et législatifs existants, etc. Le même principe doit s’appliquer avec des instruments différenciés.

L’Europe ne part pas de rien. L’Union a déjà pris des mesures qui permettent d’internaliser et contribuent à réduire les nuisances. L’harmonisation de la taxation de l’énergie a constitué une étape importante en 2003 et sa révision prévue pour 2008 cherchera à mieux prendre en compte les émissions de CO2. La récente proposition d’inclure l’aviation dans le système d’échange de droits pour 2011 représente une autre étape cruciale dans la contribution du transport à la lutte contre le changement climatique.

Les résultats de l’analyse d’impact permettent de moduler la stratégie globale selon les caractéristiques de chaque mode et d’aller plus loin.

4.1. Donner la possibilité d’internaliser dans le transport routier de marchandises

Le transport routier de marchandises représente les trois quarts du transport de marchandises et la possibilité d’internaliser les coûts externes pourrait contribuer à réduire les coûts environnementaux d’environ 1 milliard d’euros par rapport à une situation où on ne ferait rien. Bien plus, la réduction de la congestion réduit le temps passé dans les encombrements et peut contribuer à améliorer l’efficacité des chaînes de valeur ajoutée. La Commission propose ainsi de donner la possibilité d’internaliser certains coûts externes dans le transport routier de marchandises.

4.1.1. Tarification verte et intelligente: la révision de la Directive 1999/62/CE (juin 2008)

La directive de 1999 sur la tarification des poids lourds interdit d’incorporer un élément de coûts externes dans le calcul des péages. Elle a été modifiée en 2006 pour moduler les tarifs en fonction des caractéristiques environnementales des véhicules. Mais, à l’exception des zones de montagnes et seulement sous certaines conditions, les recettes des péages ne peuvent pas excéder les coûts d’infrastructures. Cela, même dans des régions à plus forte pollution ou congestion.

L’analyse d’impact a examiné différentes possibilités d’internaliser les coûts externes ; les résultats montrent dans quelle mesure la tarification de la pollution de l’air, du bruit et de la congestion contribuent à réduire les coûts externes sans avoir un impact négatif disproportionné sur l’économie. Les gains de temps liés à la réduction des encombrements contribuent positivement à l’efficacité économique et à une forte réduction des émissions de CO2.

La Commission propose donc la révision de la directive 1999/62/CE afin de permettre une tarification des coûts externes. Les principaux axes de révision porteront sur: (1) la prise en compte des coûts externes de pollution de l’air, du bruit et de la congestion, (2) l’établissement de mécanismes de coordination communautaire avec une méthode commune et des valeurs maximales pour le calcul des charges, (3) l’affectation des revenus au transport. Les résultats de la consultation publique valident cette approche. Pour des raisons d’efficacité, les péages devront être modulés selon les véhicules, le type de route et la période et perçus à travers des télépéages qui évitent les embouteillages aux barrières de péages.

4.1.2. Faciliter l’internalisation par la technologie (automne 2008)

Le plan d’action concernant un système de transport intelligent qui sera proposé à l’automne 2008 vise renforcer l’utilisation des moyens technologiques. La Commission adoptera les décisions de mise en œuvre de l’interopérabilité des télépéages comme prévu dans la directive 2004/52/CE. Ces décisions assureront l’interopérabilité totale de ces systèmes dans les trois ans qui suivent l’adoption de décisions relatives à la définition du service européen de télépéage.

4.2. Inciter nos citoyens à utiliser la voiture de façon plus durable (automne 2008)

Les voitures privées ne devraient pas être exclues de ce mouvement. Les principes de tarification proposés ici pourraient être utilement étendus aux voitures privées. Pour des raisons de subsidiarité, les Etats membres gardent le choix de les appliquer ou non.

Le plan d’action sur la mobilité urbaine qui sera proposé à l’automne 2008 examinera aussi les moyens d’améliorer la mobilité de nos citoyens dans les villes et réfléchira à la valeur ajoutée d’une action communautaire. Il fait suite à un large débat entamé avec la publication d’un Livre vert sur le transport urbain[6]. La dissémination des diverses expériences de tarification mises en place dans les villes européennes ainsi que la mise en place d’une plate forme de discussion pourraient contribuer à identifier les meilleures pratiques en matière de tarification. Bien plus, le développement de critères harmonisés en matière de restrictions pour le trafic urbain ainsi que la promotion de l’interopérabilité des technologies pourraient contribuer à harmoniser la mise en place d’une politique d’internalisation des coûts externes dans les zones urbaines en Europe.

Enfin, la proposition[7] concernant les taxes sur les voitures particulières est actuellement discutée au Conseil. Cette proposition prévoit la restructuration des taxes existantes afin de prendre en compte les émissions de CO2. La proposition de la Commission inclut trois mesures principales: suppression de la taxe d’immatriculation, la mise en place d’un système de remboursement de la taxe d’immatriculation et la restructuration de l’assiette de la taxe d’immatriculation et de la taxe annuelle de circulation en vue de la lier totalement ou partiellement aux émissions de CO2.

4.3. Vers une internalisation des coûts externes dans les autres modes de transport

L’Union européenne ne doit pas s’arrêter là. Les autres modes de transport ont leur part à jouer dans l’amélioration de la qualité de vie de nos citoyens. Chaque mode est confronté à un défi qui lui est davantage lié: le bruit dans le transport ferroviaire, la pollution de l’air et le changement climatique dans le transport maritime, le bruit, la pollution de l’air et le changement climatique dans le transport aérien. L’internalisation des coûts externes permet aussi d’utiliser les instruments les mieux adaptés pour inciter les utilisateurs à des comportements plus durables.

L’analyse d’impact a également considéré différentes options pour internaliser les coûts externes dans les autres modes. Les options politiques ont envisagé l’internalisation des coûts environnementaux – pollution de l’air et bruit – ainsi que ceux liés au changement climatique. Une telle stratégie aurait un impact positif sur la réduction des nuisances.

4.3.1. Transport ferroviaire (2008)

La directive 2001/14/CE permet l’internalisation des coûts externes. Pour autant, si l’internalisation implique une augmentation du niveau des recettes du gestionnaire de l’infrastructure, la directive ne le permet que s’il y a également augmentation dans les autres modes concurrents. La révision de la directive 1999/62/CE donnera donc la possibilité d’internaliser les coûts externes dans le transport routier qui est concurrent du transport ferroviaire.

Le bruit reste toutefois un défi majeur pour le transport ferroviaire. La Commission publie, en même temps que la présente Communication, une communication sur les mesures incitatives pour réduire le bruit et pourrait proposer des mesures législatives dans ce sens avant la fin 2008 lors de la refonte du 1er paquet ferroviaire.

4.3.2. Transport aérien (fin 2008)

Le transport aérien a déjà commencé à contribuer à ce programme. Les émissions provenant du transport aérien augmentant particulièrement rapidement, la Commission a proposé dès le 20 décembre 2006 d’intégrer les émissions de CO2 produites par l’aviation dans le système d’échange de droits d’émission européen(ETS). Dans ce cadre, à compter de 2011 ou 2012, les exploitants d’aéronefs devront restituer des quotas pour couvrir leurs émissions selon le principe du pollueur-payeur. Cette proposition de directive couvre les vols intra-communautaires mais aussi tous les autres vols à l’arrivée et au départ d’un aéroport au sein de l’UE; elle fixe un plafond d’émissions correspondant à 100% de la période de référence 2004-2006.

Sachant que l’impact de l’aviation sur le changement climatique dépasse celui attribuable aux émissions de CO2, la Commission a d’ores et déjà annoncé son intention de traiter des émissions d’autres gaz à effet de serre, en particulier celles d’oxyde d’azote (Nox). La Commission prépare ainsi une autre proposition visant à réduire les émissions de Nox qui sera présentée d’ici la fin 2008.

Enfin, la Commission a proposé une directive sur les redevances aéroportuaires le 24 janvier 2007. La proposition a été bien reçue par le Conseil et le Parlement. Des amendements proposent d’inclure une modulation des tarifs en fonction des dommages environnementaux.

4.3.3. Transport maritime (2009)

Le transport maritime a vu ses émissions de CO2 augmenter ces dernières années à raison de sa croissance. Les conclusions du Conseil européen de mars 2007 proposaient de prendre des mesures concernant les émissions dues aux activités du transport maritime international. La Commission souhaite inclure le secteur maritime dans l’accord post 2012 sur la prévention du changement climatique et souhaite également que l’Organisation Maritime Internationale (OMI) mette au point en 2009 des actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En l’absence de progrès suffisants à l’OMI, la Commission proposera cependant des mesures au niveau européen, envisageant parmi les options possibles l’inclusion du secteur maritime dans le système d’échanges de droits d’émission européen.

4.3.4. Voies navigables

La Communication sur le programme Naiades envisageait l’internalisation des coûts externes dans tous les modes avec comme date butoir 2013. La Communication rappelle qu’une telle approche pourrait relancer la navigation intérieure et permettrait de financer des projets de développement d’infrastructures dans le domaine. Les résultats de l’analyse d’impact montrent que les voies navigables bénéficieraient d’une telle stratégie et pourraient être, à la mesure de leur efficacité énergétique à la tonne/km transportée, les bénéficiaires d’une politique intermodale bien comprise.

4.4. Utiliser les revenus de l’internalisation pour rendre le transport durable

L’utilisation des revenus de l’internalisation devrait considérer dans une perspective communautaire les avantages de l’activité découlant du trafic international. Dans de nombreux cas, les revenus de l’internalisation proviennent de ce trafic. La part du transport routier international représente près d’un quart du transport routier en Europe. Dans sept États membres, elle représente même plus de la moitié (voire 74% en Belgique, 76% au Luxembourg, 85% en Estonie). En l’absence d’affectation des revenus au transport, chaque État membre pourrait être amené à utiliser les revenus de l’internalisation en fonction de son propre bien-être sans considérer les avantages d’une mobilité soutenable au niveau communautaire.

Or, pour rendre le transport durable, il existe d’énormes besoins en matière de recherche, d’innovation, d’investissements dans des matériaux d’infrastructures plus respectueux de l’environnement, de développement du transport public, etc. La liste est longue et requiert des efforts soutenus de la part des États membres. Bien plus, le développement des réseaux transeuropéens nécessite des financements importants, notamment pour les projets sélectionnés comme prioritaires par l’Union. Aussi, les recettes générées par l’internalisation devraient être affectées au secteur du transport et à la réduction de ces coûts externes, toujours sur la base d’études coûts/avantages ou similaires qui garantissent que les utilisations choisies maximisent les bénéfices nets pour la société. La proposition de réviser la directive 1999/62/CE envisage une telle approche.

5. PROCHAINES ÉTAPES

La Commission encourage les États membres à utiliser le cadre commun proposé. Le transport routier fait l’objet d’une proposition législative présente dans le paquet d’initiative ici proposé.

La Commission fera un bilan de ces actions en 2013 et rendra compte des progrès effectués en matière d’internalisation. L’évaluation des coûts externes sera actualisée en prenant en compte les recherches et travaux scientifiques en la matière. Si besoin est et en fonction des progrès effectués, d’autres coûts externes tels que la biodiversité, les coûts liés à la nature et aux paysages, ou l’occupation de l’espace pourront être inclus dans l’analyse.

[1] Le Livre vert de la Commission intitulé « Vers une tarification équitable et efficace dans les transports » adopté en 1995, le Livre blanc de la Commission « Des redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures: une approche par étapes pour l’établissement d’un cadre commun en matière de tarification des infrastructures de transport dans l’UE » adopté en 1998, le Livre blanc de la Commission «La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix » adopté en septembre 2001 ont mis en exergue le fait que les différents coûts occasionnés par l’usage des infrastructures de transport sont partiellement répercutés sur les usagers et surtout inégalement répartis entre ceux-ci. Le sujet a été repris lors de la révision à mi-parcours de ce dernier Livre blanc qui a eu lieu en 2006, à l’occasion de laquelle la Commission s’est engagée à proposer une méthodologie pour la tarification des infrastructures reposant sur la directive «tarification routière».

[2] Impact assessment on the internalisation of external costs - SEC(2008) 2208.

[3] La directive 2003/87 prévoit qu’au moins 90% des quotas de CO2 alloués par les États membres le sont à titre gratuits. Pour que les permis d’émissions internalisent, il faudrait que les instituts émetteurs les vendent à un prix par exemple égal au coût externe. La Commission a proposé en janvier 2008 - COM(2008) 16 - la mise en place d’un système d’enchères qui permette de refléter le principe du «pollueur payeur». Le système sera appliqué progressivement et il est prévu qu’au moins les deux tiers de la quantité totale de quotas seront mis aux enchères en 2013.

[4] SEC(2008) 2208.

[5] SEC(2008) 2207.

[6] Livre vert. Vers une nouvelle culture de la mobilité (septembre 2007). Consultable sur http://ec.europa.eu/transport/clean/green_paper_urban_transport/index_en.htm

[7] COM(2005) 261. Proposition de Directive concernant les taxes sur les voitures particulières.

ANNEXE V :
PROPOSITION DE RESOLUTION DU PARLEMENT EUROPEEN SUR L’ECOLOGISATION DES TRANSPORTS ET L’INTERNATILISATION DES COUTS EXTERNES 

Le Parlement européen,

–   vu la communication de la Commission du 8 juillet 2008 "Écologisation des transports" (COM (2008)0433),

–   vu la communication de la Commission du 8 juillet 2008 "Stratégie pour une mise en œuvre de l’internalisation des coûts externes" (COM (2008)0435),

–   vu la communication de la Commission du 8 juillet 2008 "Mesures de réduction du bruit ferroviaire concernant le parc existant" (COM (2008)0432),

–   vu sa résolution du 12 juillet2007 sur "Pour une Europe en mouvement - Mobilité durable pour notre continent"(1),

–   vu sa résolution du 11 mars 2008 sur la politique européenne du transport durable, eu égard aux politiques européennes de l’énergie et de l’environnement(2),

–   vu l’article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des transports et du tourisme (A6-0055/2008),

A. considérant les objectifs de l’Union européenne de réduire de 20 % les gaz à effet de serre, de faire passer à 20 % la part des sources d’énergie renouvelable et de faire diminuer la consommation d’énergie de 20 %, d’ici 2020,

B.  considérant que s’agissant de l’écologisation des transports, la Commission a proposé une série de suggestions visant à lutter contre le changement climatique, mais que ces suggestions n’ont débouché que sur la présentation d’une communication sur l’internalisation des coûts externes et une communication sur la réduction du bruit ferroviaire, ainsi qu’une proposition concrète de législation visant à réviser les péages pour les véhicules utilitaires lourds,

C. considérant que l’article 11, paragraphe 3, de la directive Eurovignette(3), dans sa version de 2006, stipulait déjà que le "10 juin 2008 au plus tard, après avoir examiné l’ensemble des éléments, notamment les coûts relatifs aux aspects environnementaux, de bruit, de congestion et de santé, la Commission présente un modèle universel, transparent et compréhensible pour l’évaluation de tous les coûts externes, lequel doit servir de base pour le calcul des frais d’infrastructure. Ce modèle est accompagné d’une analyse d’impact de l’internalisation des coûts externes pour tous les modes de transport et d’une stratégie pour la mise en œuvre graduelle du modèle pour tous les modes de transport; le rapport et le modèle sont accompagnés, le cas échéant, de propositions destinées au Parlement européen et au Conseil en vue d’une nouvelle révision de la présente directive",

D. considérant que la Commission expose de façon convaincante les effets préjudiciables, pour la santé de la population, du bruit ferroviaire, ce qui n’empêche que dans son initiative visant à réduire le bruit ferroviaire, elle pose pour seule exigence centrale le post-équipement des wagons de marchandises avec des freins à faible bruit,

Écologisation des transports

1.  se félicite de la communication de la Commission sur l’écologisation des transports, qui constitue un premier pas partiel mais important dans la voie d’une analyse générale visant à rendre les différents modes de transport davantage respectueux de l’environnement et dans la voie de la reconnaissance de l’importance et de la nécessité de rendre les transports plus efficaces dans le contexte de la lutte contre le changement climatique;

2.  souligne le grand intérêt que revêt la mobilité pour la qualité de la vie des citoyens, pour la croissance et l’emploi dans l’Union européenne, pour sa cohésion socioéconomique et territoriale et pour les échanges avec les pays tiers, ainsi que pour les entreprises et les personnes travaillant, directement et indirectement, dans le secteur des transports et de la logistique;

3.  reconnaît qu’en plus de ses effets positifs et de son caractère indispensable pour le développement économique et pour la cohésion socio-économique et territoriale de l’Union européenne, la mobilité a également des effets préjudiciables sur la nature et les êtres humains, et soutient, partant, que la politique européenne des transports doit, dans le respect des intérêts légitimes des citoyens et des entreprises en termes de mobilité, continuer à rechercher un meilleur respect de l’environnement dans le secteur des transports en supprimant ou, à tout le moins, en réduisant les effets préjudiciables du transport, en cohérence avec les objectifs de l’Union en matière de lutte contre le réchauffement climatique à l’horizon 2020;

4.  se félicite de ce que dans sa communication, la Commission dresse un "inventaire" des mesures prises jusqu’ici par l’Union européenne pour promouvoir une politique des transports durable;

5.  déplore que la Commission n’ait présenté aucun plan intégré visant à rendre le transport et tous les secteurs le composant davantage respectueux de l’environnement, mais fait observer que la Commission a déjà pris des initiatives préliminaires qui, à terme, doivent déboucher sur une stratégie générale pour l’internalisation des coûts externes dans tous les modes de transport, et qu’elle s’est jusqu’ici limitée:

–   à adopter une démarche ponctuelle en présentant une première série de lignes directrices de base pour l’évaluation des coûts externes du transport ainsi que pour leur internalisation dans différents secteurs (voir le manuel d’évaluation des coûts externes dans le secteur des transports),

–   à opter de nouveau pour une démarche progressive, en commençant par des propositions spécifiques d’application immédiate concernant des redevances d’utilisation des infrastructures routières plus élevées pour les véhicules utilitaires lourds, en modifiant la directive Eurovignette qui doit permettre aux États membres d’imputer les coûts externes et ce uniquement dans les États membres qui le souhaitent, et

–   à présenter un catalogue d’options et d’annonces dans le domaine de la réduction du niveau du bruit ferroviaire;

6.  invite dès lors la Commission à concevoir, pour tous les modes de transport, les mesures et instruments nécessaires pour continuer à rendre le transport davantage respectueux de l’environnement, en tenant compte des conventions internationales déjà en vigueur et des mesures déjà prises dans les différents secteurs du transport, et à réaliser, s’agissant de ces propositions, des analyses d’impact - fondées sur des éléments scientifiques - des différentes mesures et de leurs conséquences sur la concurrence entre les modes de transport, sur les coûts de la mobilité et sur la compétitivité, ainsi qu’à présenter ensuite, sur cette base, un plan intégré d’écologisation des transports, assorti de propositions législatives concrètes,

Internalisation des coûts externes

7.  note que dans sa communication sur la stratégie pour une mise en œuvre de l’internalisation des coûts externes, la Commission ne s’est pas conformée à ce que demandaient le Parlement et le Conseil conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive Eurovignette, dès lors qu’elle n’a pas – comme elle en convient - conçu ni présenté un modèle universel, transparent et compréhensible pour l’évaluation des coûts externes, n’ayant pas analysé les conséquences pour tous les modes de transport et, au niveau pratique, ayant présenté, uniquement pour les véhicules utilitaires lourds, une première ébauche de stratégie pour la mise en œuvre progressive du modèle pour tous les modes de transport;

8.  constate que dans sa communication, la Commission a fait quelques déclarations en ce qui concerne le calcul des coûts externes pour les différents modes de transport, renvoyant au manuel susmentionné et aux annexes techniques qui, compte tenu de la nature disparate des contributions, n’apportent des éclaircissements que sur un certain nombre de points;

9.  constate que dans sa communication, la Commission ne présente pas de justification scientifiquement cohérente pour l’imputation de chacun des coûts externes aux différents modes de transport et fait sienne une prétendue "approche pragmatique par le coût moyen"; soutient dans l’ensemble la base que choisit la Commission, la tarification des coûts sociaux marginaux, en harmonie avec le Livre blanc sur les transports de 2001;

10. regrette de constater qu’au-delà de ces contributions, la question des retombées positives des transports en termes de croissance économique et de compétitivité («externalités positives») n’ait pas fait l’objet de travaux de recherche significatifs et n’ait pas été prise en compte dans les calculs de la Commission, contrairement aux coûts externes qui ont fait l’objet de travaux abondants; reconnaît toutefois le rôle du pollueur payeur et attend de la Commission qu’elle prenne de nouvelles mesures pour développer cette approche pragmatique; reconnaît les contributions qui ont été celles jusqu’ici des différents modes de transport sur la base de la fiscalité générale, des taxes sur les véhicules et les huiles minérales, et des redevances d’utilisation des infrastructures routières à titre de compensation pour les coûts réels de construction et d’entretien des infrastructures, et qu’elle en fasse le point de départ de ses futurs travaux;

11. constate que dans sa communication, la Commission n’a à aucun moment tenté de calculer, d’évaluer et de décrire les conséquences de la méthode d’internalisation des coûts externes qu’elle propose sur la concurrence entre les différents modes de transport et sur le coût de la mobilité et sur la compétitivité, et demande à la Commission de le faire lorsqu’elle présentera d’autres propositions sur l’écologisation du secteur des transports;

12. déplore également que la Commission n’ait pas proposé de mesures visant à pallier les effets de l’augmentation du caractère périphérique découlant de l’élargissement de l’UE et qu’elle n’ait pas prévu non plus les conséquences de son application, notamment dans les États membres dans lesquels existent des barrières géographiques et pour ceux qui ne disposent pas encore d’alternatives multimodales; demande en conséquence à la Commission qu’elle remédie à ces insuffisances lors de la prochaine révision des réseaux transeuropéens de transport (RTE);

13. en ce sens, encourage la Commission à présenter, dans le cadre de la révision des RTE, une proposition complémentaire de corridors de mobilité multimodale, les "corridors verts", pour compenser les charges découlant de la proposition actuelle par une offre d’accessibilité et de mobilité sans obstacle;

14. constate que la Commission est, à différentes reprises, contradictoire, en ce sens que, d’une part, elle juge opportun d’internaliser les coûts externes pour les voitures particulières également, sans présenter certes à aucun moment des calculs, préférant laisser toute latitude en la matière aux États membres pour prélever des taxes sur les voitures particulières, comme ils le jugent approprié; invite dès lors la Commission à publier une méthodologie pour l’internalisation des coûts externes des véhicules individuels afin de donner des lignes directrices aux États membres, dans le respect du principe de subsidiarité;

15. demande à la Commission de présenter immédiatement des propositions concrètes pour tous les modes de transport, et, ensuite, de se conformer effectivement à l’article 11, paragraphe 3, de la directive Eurovignette de 2006, en présentant un schéma général de calcul et d’imputation des coûts externes et d’évaluation des conséquences sur la base d’un modèle compréhensible;

Réduction du bruit ferroviaire

16. reconnaît que dans sa communication sur les mesures de réduction du bruit ferroviaire concernant le parc existant, la Commission prend en compte le besoin de la réduction de la pollution sonore – en particulier celle qui est provoquée par les wagons de marchandises – à laquelle est exposée la population vivant à proximité du réseau ferroviaire;

17. souligne que le post-équipement des wagons à un coût raisonnable suppose de surmonter au préalable les obstacles techniques existants le plus rapidement possible et avant l’adoption de toute mesure législative contraignante;

18. invite la Commission à présenter une proposition de directive relative à la perception de redevances – modulées en fonction du niveau sonore – pour les locomotives et wagons pour inciter aussi rapidement que possible les compagnies ferroviaires à rendre sans tarder le matériel roulant moins bruyant par le remplacement des semelles de frein; estime que si et là où cela est nécessaire, des mesures de court terme peuvent aussi être prises en compte et qu’aucune mesure législative ne doit avoir de conséquences négatives pour le rail dans la concurrence intermodale;

19. attend de la Commission qu’elle conçoive dans sa proposition une méthode praticable garantissant, par l’affectation des recettes, le post-équipement non seulement des wagons des compagnies ferroviaires, mais aussi de ceux d’autres compagnies inclus dans les convois des premières;

*

* *

20. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

(1)

 JO C 175 E du 10.7.2008, p. 556.

(2)

 Textes adoptés, P6_TA(2008)0087.

(3)

 Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (JO L 187 du 20.7.1999, p. 42).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Un exposé des motifs n’étant pas mis aux voix au Parlement et n’étant pas davantage publié, votre rapporteur a délibérément renoncé à en présenter un, estimant que ce rapport d’initiative devait être suffisamment parlant par lui-même pour les citoyens, les milieux économiques et la société.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

11.2.2009

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

26

16

0

Membres présents au moment du vote final

Gabriele Albertini, Etelka Barsi-Pataky, Paolo Costa, Michael Cramer, Luis de Grandes Pascual, Arūnas Degutis, Christine De Veyrac, Petr Duchoň, Saïd El Khadraoui, Robert Evans, Emanuel Jardim Fernandes, Francesco Ferrari, Brigitte Fouré, Mathieu Grosch, Georg Jarzembowski, Stanisław Jałowiecki, Timothy Kirkhope, Jaromír Kohlíček, Rodi Kratsa-Tsagaropoulou, Sepp Kusstatscher, Jörg Leichtfried, Bogusław Liberadzki, Erik Meijer, Josu Ortuondo Larrea, Reinhard Rack, Ulrike Rodust, Gilles Savary, Renate Sommer, Dirk Sterckx, Michel Teychenné, Silvia-Adriana Ţicău, Yannick Vaugrenard, Armando Veneto, Roberts Zīle

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Johannes Blokland, Armando França, Lily Jacobs, Elisabeth Jeggle, Eleonora Lo Curto, Ari Vatanen, Corien Wortmann-Kool

Suppléant(s) (art. 178, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Samuli Pohjamo

Dernière mise à jour : 26 février 2009.

ANNEXE 6 :
LE CALCUL DES COUTS EXTERNES : LA CIRCULATION ROUTIERE EST-ELLE BIEN TARIFÉE ?

(Extraits de l’article de Laurent Meunier, Commissariat général au développement durable, service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable)

Les usagers de la route paient-ils le « juste » prix de leurs circulations ? Les instruments de tarification existants – au premier rang desquels TIPP et péages autoroutiers – permettent-ils « d’internaliser » correctement les coûts sanitaires, environnementaux et d’utilisation1 de l’infrastructure routière? A la suite de précédents travaux estimant le niveau de couverture des coûts sociaux des circulations routières, cette étude en propose un bilan actualisé.

Sur la base des valeurs tutélaires les plus récentes et d’une approche originale en matière de coût de rareté de l’infrastructure, il ressort que le coût des circulations routières n’est globalement pas couvert par la tarification en place. Ce résultat global masque cependant certaines hétérogénéités. En particulier, le déséquilibre est beaucoup plus important en milieu urbain qu’en milieu interurbain. En outre, le mode de calcul du coût de rareté de l’infrastructure (coût marginal de congestion ou coût marginal de développement) n’est pas neutre. En particulier, les poids lourds (PL) ne sont pas loin de payer leurs coûts ou apparaissent sous-tarifés selon le cas ; l’éco-taxe poids lourds prévue dans la loi Grenelle permettrait en tout état de cause de se rapprocher de l’équilibre sur le réseau routier national non concédé.

Cette étude conclut que la tarification actuelle des circulations routières, reposant essentiellement sur la TIPP, ne permet pas, sauf cas particulier, de couvrir l’effet de serre et qu’elle mériterait donc d’être complétée par une taxation du CO2 qui s’appliquerait à l’ensemble des carburants routiers.

La problématique de la tarification routière pose la question fondamentale du niveau de prix que doit payer l’usager de la route. En d’autres termes, il s’agit de déterminer un prix qui reflète bien la réalité de l’ensemble des coûts (i.e. coût social) de la circulation routière. Dans cette optique, le prix doit contenir non seulement ce que l’usager paie déjà -le coût privé (i.e. coût d’utilisation du véhicule, péage le cas échéant, etc...)- mais également le coût des externalités. Parmi les instruments économiques disponibles, une taxe peut être un moyen d’internaliser ce coût. Cette démarche n’a pas vocation à éradiquer totalement les nuisances liées aux externalités – cela reviendrait à interdire toute circulation - mais simplement à les réduire à un niveau où le prix payé par l’usager est équivalent au coût social de sa circulation, i.e. la somme du coût qu’il engendre pour lui-même (coût privé) et celui qu’il engendre pour les autres (coût des externalités).

Les coûts externes générés par la circulation routière

Le premier coût se rapporte à l’usure du réseau routier. Ce dernier peut être considéré comme une externalité dans la mesure où chaque kilomètre parcouru par un usager détériore le réseau, et c’est l’ensemble de la collectivité qui subit cette détérioration. Il s’agit du coût marginal d’usage, qui varie en fonction du véhicule et de l’axe routier considérés : la dégradation d’un réseau donné est liée aux masse et nombre des véhicules en circulation sur ce réseau.

La principale externalité non environnementale du transport routier est liée à la rareté de l’infrastructure. Une première approche pour appréhender ce coût consiste à estimer le coût marginal de congestion2. Ce dernier correspond au coût du temps perdu lié au choix d’un usager supplémentaire d’emprunter le réseau routier. Il est donc fonction : d’une part de la quantité de temps que l’usager supplémentaire fait perdre à l’ensemble des usagers déjà présents sur la voirie considérée (qui dépend des lieu et moment de circulation) ; d’autre part de la valeur du temps. Une 1 L’utilisation de l’infrastructure génère deux types de coûts externes : le premier est lié à l’usure de la voirie provoquée par le passage de tout véhicule ; le second est lié à l’utilisation à des moment et endroit donnés de l’infrastructure, cette dernière ne pouvant être utilisée à des moment et lieu donnés que par un nombre limité d’agents. Cette seconde externalité sera appelée coût de rareté dans la suite de l’article.

2 La congestion est une situation de trafic dense se traduisant par un allongement des temps de déplacement (considéré comme du « temps perdu »).

(La Revue | Novembre 2009)

24 | Commissariat général au développement durable – Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable approche alternative est de considérer l’investissement en infrastructure nécessaire pour maintenir la congestion à un niveau optimal, qui représente précisément, sous certaines hypothèses, le coût de cette dernière. Les deux approches seront développées ci-dessous pour les circulations interurbaines, alors que pour les circulations urbaines ne sera considérée que la première.

Les externalités environnementales et sanitaires traditionnellement valorisées dans les évaluations des coûts des circulations routières sont : les coûts d’insécurité non couverts par les contrats d’assurance, le bruit, la pollution locale de l’air et l’effet de serre. Les trois premiers ont des effets directs locaux et de court-moyen terme sur la santé et/ou la mortalité, tandis que le dernier a un effet global et de long terme sur la température moyenne à la surface de la planète. Toutefois, malgré la Nature différente de leurs impacts, tous dépendent du type de véhicule utilisé, de la voirie ainsi que du type de conduite adopté. Le coût marginal social (i.e. le coût pour la société d’un kilomètre parcouru supplémentaire) de ces externalités est donc hautement variable en fonction du type de véhicule et de l’axe routier considéré, voire du type de conduite. Afin d’illustrer ce propos, voici deux exemples : concernant le type de motorisation, la combustion d’un litre d’essence génère une quantité de CO2 inférieure à la combustion d’un litre de gazole ; concernant le milieu, l’émission de substances polluantes ou de nuisances sonores a des conséquences d’autant plus importantes que la zone de circulation est densément peuplée. Cette liste d’externalités n’est pas exhaustive. En particulier, elle serait à compléter avec les effets sur la biodiversité, les paysages et le découpage du territoire qui mériteraient d’être intégrés au calcul. Cependant, les difficultés, principalement d’ordre méthodologique, nous ont conduit à ne pas les prendre en compte.

Des coûts difficiles à internaliser, une tarification difficile à moduler

Internaliser l’intégralité des coûts sociaux de la circulation supposerait de pouvoir distinguer les paramètres suivants : type de véhicule, type de réseau, niveau d’urbanisation, moment de la journée, niveau de congestion, type de conduite, etc. Même si les nouvelles technologies de type GPS permettraient en théorie une telle modulation, leur mise en place demeure très difficile, et l’on doit se contenter aujourd’hui d’instruments partiels, plus globaux, et présentant des coûts de mise en œuvre et de collecte d’information moindres. Plus précisément, la difficulté de la tarification de la circulation routière réside dans la modulation du prix à faire payer en fonction de l’utilisation de la route, la modulation devant être adaptée à l’utilisation, c’est-à-dire aux variations de coût liées aux différents paramètres.

A l’heure actuelle, la tarification des circulations routières se fait, pour l’essentiel, au travers de la TIPP, taxe intérieure sur les produits pétroliers. Cette taxe est adaptée de façon globale à la couverture des externalités mais est indifférenciée quant aux réseau, temps, lieu et type de véhicule.

Son taux diffère pour les deux carburants dominants, l’essence et le gazole. Également, sur le réseau autoroutier concédé, les véhicules doivent acquitter un péage qui peut être assimilé à un paiement kilométrique, différencié selon le réseau et le type de véhicule (voire parfois du moment de la journée) mais dont l’unique objet reste le financement et l’entretien de l’infrastructure. D’autres instruments, taxe sur les contrats d’assurances, taxe à l’essieu pour les poids lourds et taxe d’immatriculation pour les véhicules de société, peuvent également être considérés dans une approche globale de la tarification routière, mais ils ne sont pas directement liés aux niveaux des circulations et leurs montants globaux sont nettement inférieurs à ceux de la TIPP et des péages.

Ainsi, les instruments existants ne permettent pas de discriminer les circulations en fonction de tous les paramètres pertinents cités précédemment, en conséquence de quoi la tarification ne peut pas être telle que chaque usager paie l’ensemble des coûts sociaux qu’il engendre (optimum de premier rang). Il s’agit donc de faire le mieux possible étant donné les contraintes et de rechercher un optimum relatif, i.e. tarifer de façon à atteindre l’optimum de second rang.

Actualisation de l’évaluation coûts-recettes des circulations routières

Le degré de couverture des externalités par les instruments existants peut être apprécié par la comparaison entre, d’une part, les coûts externes générés par les circulations routières3 (i.e. coûts d’usage des infrastructures, de congestion, de la pollution locale de l’air, de l’effet de serre, du bruit, de l’insécurité) et, d’autre part, les recettes et redevances directement liées aux circulations (i.e. la TIPP, les péages sur les autoroutes concédées, la taxe sur les contrats d’assurance, la taxe à l’essieu pour les PL et la vignette ou taxe à l’immatriculation pour les véhicules de société). Cette méthode, simple à mettre en oeuvre, présente toutefois des limites (encadré 1) : elle ne prend pas en compte la nature des instruments utilisés par le régulateur ni les distorsions liées à la fiscalité existante. A la

3 On compare en réalité des coûts sociaux marginaux « massifiés », c’est-à-dire les coûts marginaux par véhicule et réseau multipliés par le nombre de véhicules de ce type sur le réseau en question. Sauf pour la congestion, les coûts marginaux sont supposés constants, si bien que dans ces cas les coûts marginaux massifiés sont égaux aux coûts externes totaux.

Commissariat général au développement durable – Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable | 25

(La Revue | Novembre 2009)

Site de précédents travaux de ce type (encadré 2), une actualisation du bilan de la circulation routière a été menée sur la base des dernières références disponibles.

Les hypothèses de l’actualisation

L’estimation des coûts sociaux et des recettes a été menée sur les trafics relatifs à l’année 2005 et les valeurs tutélaires des externalités sont tirées des derniers travaux disponibles, en particulier du Manuel de la Commission européenne (MCE, ou Handbook on estimation of external cost in transport sector, référence 7), qui a été utilisé pour actualiser certaines valeurs tutélaires pour la France, c’est-à-dire les valeurs du groupe Boiteux II (référence 4) :

- le coût marginal d’usage de l’infrastructure a été déterminé suivant la méthode proposée par le rapport de 1991 du CGPC (référence 6) et les coûts actualisés (par un indice de prix) à partir des valeurs du rapport conjoint des ex-ministères de l’Ecologie et de l’Equipement sur la couverture des coûts des infrastructures routières (référence 11) ;

- pour les coûts de l’insécurité routière : les valeurs de la vie humaine et des blessés sont tirées du MCE (20 % supérieures à celles préconisées par le rapport Boiteux II) ;

- le coût du bruit est valorisé selon le MCE ; les valeurs sont très proches des valeurs Boiteux ;

- le coût de la pollution locale est aussi valorisé selon le MCE, soit un niveau environ 2,5 fois supérieur à celui établi à partir des valeurs Boiteux ;

- le coût de l’effet de serre suit les préconisations du rapport Boiteux, la valeur retenue pour 2005 est de 30 €2005/tCO2, ce qui est cohérent avec les récents travaux du CAS, 32 €2008/tCO2 en 2010 (référence 2). A titre indicatif, le MCE propose une valeur de 25 € en 2010 ;

- le coût de la rareté de l’infrastructure : les valeurs retenues tiennent compte des deux approches possibles pour déterminer le coût de rareté de l’infrastructure en interurbain. Elles sont basées sur le seul coût de congestion pour l’urbain. Concernant le trafic interurbain, les deux approches mentionnées précédemment, équivalentes en théorie sous certaines conditions, sont confrontées.

Approche de court terme (ou coût marginal de congestion)

Via une analyse fine par arc routier et des courbes débit-vitesse du SETRA4, le coût en temps de la congestion a été estimé puis valorisé à l’aide d’une valeur du temps tirée du rapport Boiteux (8,4 €1998/h). Cette valeur est compatible avec la fourchette de valeurs donnée par le MCE (23,82 €2002 pour motif professionnel et entre 7,11 et 10,89 €2002 pour les autres motifs). Les résultats sont consignés dans le tableau figure 1.

Figure 1 : Coût de rareté valorisée au coût de congestion, en interurbain c€/veh-km

 

Autoroutes concédées*

Routes nationales*

Routes départementales*

Poids lourds

3,5

9,2

2,0

Véhicules particuliers

1,4

3,2

1,0

*AC: Autoroute Concédée ; RN: Route Nationale ; RD: Route Départementale.

Ce découpage administratif du réseau routier est celui qui prévalait avant la réforme de 2006.

Sources : MEEDDM/ CCTN ; MCE ; Boiteux II

26 | Commissariat général au développement durable – Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable

Approche de long terme (coût de développement)

Le développement du réseau routier peut s’appréhender, sur la base de données (références 16 et 17) relatives au réseau routier national (RRN), de diverses manières. Premièrement, on peut s’intéresser, pour un arc donné, au coût d’une augmentation de la capacité (e.g. passage d’une route de 2 à 3 voies) de cet arc (approche microéconomique). Alternativement, on peut chercher à déterminer le coût de création d’un nouvel arc routier (approche macroéconomique) ou encore raisonner sur l’ensemble du réseau, en faisant l’hypothèse de rendements d’échelle constants (qui implique l’égalité entre coût marginal et coût moyen).

Les deux approches micro et macro économiques donnent des résultats comparables (figure 2). Le coût de développement du réseau routier national est estimé entre 2 et 4 c€/km pour les véhicules particuliers et entre 10 et 19 c€/km pour les poids lourds, selon le type de voirie et la méthode de calcul retenue. Les coûts de développement d’infrastructure sont donc globalement plus élevés que les coûts obtenus par la précédente approche.

ANNEXE 7 :
L’EUROVIGNETTE PEUT EVITER LE RECOURS A UNE CONCESSION :
L’EXEMPLE DE LA RCEA


I. Les coûts du projet :


Autoroute concédée à péage : 1 100 Mds €(
21)

Autoroute non concédé gratuite : 950

Route à 4 voies gratuite 760(
22)

II. Le coût des différents scénarios pour l’Etat


Autoroute concédée à péage  1,653 milliard € (150+1851-348)

150 Mds€ subvention d’équilibre + perte de l’éco redevance poids lourds sur 60 ans = 30 835 200 € x 60 ans = 1 851 millions d’Euros(
23).

Il convient de déduire les frais annuels d’entretien de la RCEA 5,8 millions d’euros x 60 ans = 348 millions d’euros.

Le calcul n’intègre pas la différence entre la TVA acquittée sur le prix des péages et le montant remboursé au concessionnaire, faute de renseignements.

Route à 4 voies gratuite : 1 008 millions d’euros (750+348)

Cette somme correspond au coût de réalisation majoré du coût d’entretien durant 60 ans.

III Les différents moyens d’atteindre l’objectif souhaité


Le délai le plus rapide


En termes de vies humaines, cet objectif doit être le premier de tous : sur la base d’une moyenne annuelle de 17 décès(
24) le retard de 2 à 3 ans qu’entraîne la nécessité de conduire une DUP pour une autoroute concédée représente entre 34 et 51 décès supplémentaires.

La gratuité


Elle exclut le principe de la concession.

La réalisation immédiate de la mise à 2 fois deux voies est possible immédiatement si nous pouvons trouver le financement nécessaire.

IV. Le financement


L’Etat apporte en dotation le montant de la subvention d’équilibre qu’il est prévu de verser au concessionnaire soit 150 millions d’euros.

Le besoin de financement s’élève dans ce cas à 760-150= 610 millions d’euros.

Un emprunt à taux fixe à 4% sur 30 ans permet pour un montant mensuel de remboursement de 30 millions d’euros d’emprunter 628 millions d’euros pour un coût de 451 millions d’euros.

V. Solutions


1. L’emprunt est porté par l’Etat
 : inconvénient l’aggravation de la dette de l’Etat au sens de Maastricht Cette solution est techniquement la meilleure car l’Etat dispose des conditions de prêts les plus favorables.

2. Une collectivité locale prend encharge l’aménagement de la RCEA
 :
La loi Grenelle 2 lui permet de bénéficier de droit du produit de l’éco redevance poids lourds, la gratuité est assurée et au bout de trente ans la collectivité locale disposera d’un revenu sans avoir eu à accroître sa fiscalité ni réduire ses investissements

Un partenariat public-privé conduit par une société d’économie mixte locale initiée par les communes traversées par la RCEA
permettrait également d’arriver à un résultat similaire.

(1 ) La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () 1999/62/CE.

3 () 2006/38/CE.

4 () Chapitre I.

5 () Chapitre II.

6 () Chapitre III.

7 () Le transport de fret ferroviaire affiche une vitesse moyenne de 18 km/h.

8 () Site Internet de la Commission européenne.

9 () « La tarification, un instrument économique pour des transports durables », novembre 2009.

10 ( Commissariat général au développement durable, « Présents pour l’avenir », novembre 2009.

11 () A ne pas confondre avec la « taxe carbone » qui, par des modalités redistributives, ambitionne de parvenir à une modification des comportements.

12 () Agence de financement des infrastructures de transport de France.

13 () Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables.

14 () cf. chapitre V.

15 () cf. chapitre V, l’exemple de la RCPA.

16 () JO C 37 du 3 février 2001, p. 3 à 15.

17 ( ) Dossier d'aide d'Etat no 643/05, décision de la Commission européenne du 24 janvier 2006.

18 () Dossier d'aide d'Etat no 90/04, décision de la Commission européenne du 20 juillet 2006, JO C 235 du 23 septembre 2005, p. 3 et 4.

19 () L'étude « Sensibilité du prix du transport européen de marchandises par la route - vers une meilleure compréhension des résultats existants », de Significance et CE Delft, peut être téléchargée à cette adresse : www.transportenvironment.org/lorrv-charqinq.

20 () Rapport de la conférence des experts et de la table ronde sur la contribution climat et énergie présidée par M.  Michel Rocard, 28 juillet 2009, p. 6.

21 () p. 47, dossier du maître d’ouvrage.

22 () Le coût des aménagements réduit de 20% la facture par rapport à une autoroute.

23 () L’éco redevance poids lourds a été calculée sur une base de 12 cts/km sur 176 km et un trafic journalier moyen de 4 000 camions se situant ente le tronçon le plus bas de 3 000 camions et le plus élevé de 5 472 camions /jour.

24 () 69 décès entre 2005 et 2009.