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No 3204

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la libéralisation du transport ferroviaire en Europe
(E 5642 et E 5840),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gérard VOISIN,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 11

A. LE FERROVIAIRE EST LE MODE DE TRANSPORT QUI S’EST LE MOINS DÉVELOPPÉ 11

B. LE RAIL, PRIORITÉ DE LA NOUVELLE POLITIQUE DES TRANSPORTS DE L’UNION EUROPÉENNE 13

1. L’objectif environnemental 13

2. Les remèdes envisagés par l’Union européenne 14

3. Les tabous à lever 14

4. Les préconisations du Parlement européen 16

C. L’EFFORT FRANÇAIS SANS PRÉCÉDENT EN FAVEUR DU RAIL S’INSCRIT DANS LE CADRE DE CETTE VOLONTÉ EUROPÉENNE 18

1. Les priorités européennes sont partagées par le gouvernement français 18

2. La politique française en faveur du rail traduit concrètement cet engagement 20

I. LE CADRE REGLEMENTAIRE EUROPEEN DU SYSTEME FERROVIAIRE 25

A. UN CADRE EUROPÉEN CONTRAIGNANT, EN VOIE DE STABILISATION 25

1. Les objectifs poursuivis 25

2. Les textes en vigueur 26

a) Les directives de 2001 constituent le « premier paquet ferroviaire », qui fait l’objet de la révision proposée 27

b) Les directives 2004/49/CE, 2004/50/CE et 2004/51/CE : le « deuxième paquet ferroviaire » 28

c) Le « troisième paquet ferroviaire » a été adopté en 2007. 28

d) Le « quatrième paquet ferroviaire » reste en devenir 28

e) Le règlement européen des obligations de service public 29

B. UNE CLARIFICATION NÉCESSAIRE 29

II. LA TRANSPOSITION DES TEXTES EUROPEENS EN DROIT FRANÇAIS 31

A. LES SUJETS DE TRANSPOSITION 31

1. Les infrastructures 31

2. Le réseau 31

3. Les gares 32

4. L’autorité de régulation 33

B. LA CONFORMITÉ AU DROIT EUROPÉEN 34

1. Les actions engagées par l’Union européenne 34

2. Le monopole de la SNCF pour l’attribution d’un contrat de service de transport ferroviaire régional fait l’objet d’une contestation 35

III. LES CONDITIONS DE LA REUSSITE DE L’OUVERTURE A LA CONCURRENCE 39

A. UNE INCONNUE : LA QUESTION SOCIALE 39

1. Le bilan dressé par la Cour des comptes 39

2. L’analyse du rapporteur 41

B. UNE NÉCESSITÉ : REVOIR LA PLACE DU GESTIONNAIRE D’INFRASTRUCTURE 43

1. L’organisation 44

a) L’appréciation portée par la Cour des Comptes 44

b) La position de l’AFRA (Association française du rail) 45

c) L’analyse du rapporteur 46

2. La révision du niveau des péages 48

3. L’état de l’infrastructure 49

IV. LA NECESSITE D’UNE POLITIQUE EQUILIBREE 53

A. LA DIFFICULTÉ DE L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE 53

1. Les craintes suscitées 53

a) Une politique européenne privilégiant la concurrence 54

b) Des résultats inattendus 54

(1) La situation catastrophique du fret et l’abandon de l’activité wagon isolé 54

(2) Une amélioration sans mise en concurrence : les TER 55

c) La réticence des Etats européens à s’ouvrir à la concurrence 56

(1) L’exigence de la sécurité 56

(2) L’exemple d’Eurostar 57

d) Un impératif de prudence pour la réforme du « premier paquet ferroviaire » 58

(1) Les réserves françaises 58

(2) Des Etats membres divisés 60

e) La question de la subsidiarité et de la proportionnalité 60

(1) Le point de vue de la CGT 60

(2) L’analyse du rapporteur 62

B. LES POLITIQUES STRUCTURANTES 63

1. La révision de la politique du Réseau transeuropéen de transports (RTE-T) 63

a) La révision prévue en 2010 64

b) Les enjeux pour la France 65

c) La position de la présidence hongroise, des Etats membres et du Parlement européen 66

2. Les systèmes de transport intelligents (STI) 66

3. Le financement du rail par le développement de la clientèle et l’exemple de l’Eurovignette 68

4. Un texte d’une ambition plus que limitée 69

a) Le produit de l’Eurovignette sera limité 69

b) L’absence d’affectation obligatoire des recettes 70

(1) Le point de vue des partisans de l’affectation 70

(2) La situation française 71

(a) Les arguments de la Cour des comptes 71

(b) Le point de vue du rapporteur 72

5. Une action par la fiscalité n’est pas suffisante 74

C. RAISONNER EN TERMES DE LOGISTIQUE DU TRANSPORT 75

1. Un plan d’action sur le déploiement des systèmes de transport intelligents (STI) 76

2. Le plan d’action sur la mobilité urbaine 77

3. Position française et enjeux pour la France 79

CONCLUSION 81

TRAVAUX DE LA COMMISSION 83

1. Communication de M. Gérard Voisin sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire (E 5642) (réunion du 12 octobre 2010) 83

2. Examen du rapport d’information de M. Gérard Voisin sur la libéralisation du transport ferroviaire en Europe (réunion du 9 mars 2011) 87

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE 93

ANNEXES 97

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 99

POUR DES PROBLÈMES DE GESTION DES DOCUMENTS, LES AUTRES ANNEXES NE SONT CONSULTABLES QUE DANS LA VERSION PDF DU RAPPORT 101

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Le débat sur l’ouverture à la concurrence du système ferroviaire est complexe car les pays européens ont dans le passé développé des réseaux incompatibles entre eux et disposent d’opérateurs puissants en situation de monopole.

D’autre part, à la différence du ciel, de la route ou de la mer, qu’un nouvel opérateur peut, au moins dans le principe, emprunter librement, le réseau ferré comporte une limite physique de capacité. Or, en France, ce dernier est souvent saturé ou vieillissant.

En outre, si l’ouverture à la concurrence du transport par fer, très progressive depuis 2001, a nécessité trois « paquets ferroviaires » successifs, sa mise en
œuvre concrète est jugée insatisfaisante par la Commission européenne qui poursuit treize Etats en manquement.

Il est aujourd’hui trop tôt pour mesurer les apports bénéfiques de l’ouverture à la concurrence qui, contrairement à ce qui pouvait à priori être escompté, concernera peu la grande vitesse mais pourrait, si la question sociale est harmonieusement réglée, avoir des conséquences significatives pour le transport régional.

Par ailleurs, nous devons constater, à ce stade, l’échec en France de la libéralisation du fret ferroviaire, situation qui contraste avec celle que connaît, de ce point de vue, l’Allemagne.

SUMMARY OF THE REPORT

The debate on the opening up to competition of the railway system is complex because European countries have, in the past, developed networks which are not compatible among themselves, and they have powerful operators in a situation of monopoly.

Also, unlike the sky, roads or the sea, which a new operator is theoretically free to use, the railway network has a physical capacity limit. What’s more, in France, the railway network is often saturated and ageing.


Additionally, while the highly progressive opening up to competition of railway transport since 2001 has required three successive ‘railway packages’, its practical implementation is considered unsatisfactory by the European Commission which is taking action against thirteen Member States in breach of the legislation.


It is today too early to measure the positive impact of the opening up to competition which, unlike what could be expected a priori, will little affect high speed but could, if the social issue is harmoniously settled, have significant consequences for regional transport.


Furthermore, we must observe, at this stage, the failure in France of the liberalisation of railway freight, a situation which contrasts in this respect with Germany’s.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La politique des transports constitue une composante essentielle des politiques de l’Union européenne. Il n’est pas faux de soutenir qu’aujourd’hui l’essentiel des législations nationales dans ce domaine provient de la transposition de la législation européenne.

Il n’existe pas de liberté de circulation en Europe sans transports performants et peu coûteux. Aussi, pour atteindre ces objectifs, ce secteur stratégique connaît-il une libéralisation, traduite par l’ouverture à la concurrence des secteurs maritime, aérien et routier et en partie ferroviaire. Dans les faits, ce mouvement s’est manifesté, par exemple, par le développement des compagnies aériennes à bas coûts, ou l’explosion du transport routier de marchandises.

Dans cet univers libéral - tel le village d’Astérix - un secteur rechigne à l’ouverture et demeure arc bouté sur ses monopoles historiques : le rail. Dans tous les pays, à l’exception du Royaume Uni, la politique d’ouverture à la concurrence s’accompagne de combats d’arrière garde, les compagnies historiques s’accusant mutuellement de velléités protectionnistes, tout en se préparant à une ouverture déjà partiellement réalisée.

Au moment où une réforme des directives relatives au « premier paquet ferroviaire » est engagée, il est temps de dresser un premier bilan de la politique conduite ces dernières années.

A. Le ferroviaire est le mode de transport qui s’est le moins développé

Les personnes comme les marchandises circulent et circuleront de plus en plus, en France, en Europe et dans le monde. Cette accélération de la mobilité affecte tous les modes de transport, qu’il s’agisse de l’aérien, de la route, du ferroviaire, du fluvial ou du maritime ; mais un constat s’impose le secteur ferroviaire n’est pas celui qui a le plus profité du développement des transports.

De 1970 à 1996, le trafic de voyageurs(2) a :

–  été multiplié par trois sur l’ensemble du réseau routier et multiplié par dix sur les autoroutes concédées ;

–  été multiplié par près de dix pour le transport aérien intérieur ;

–  augmenté de 50 % sur le réseau ferroviaire (hors Ile-de-France).

Jusqu’à 2020, on prévoit une croissance globale du trafic de 1,7 % à 2,8 % par an.

Le transport de marchandises a connu une évolution d’ensemble comparable : il a doublé de volume entre 1971 et 1996, mais cette évolution a été générée au bénéfice exclusif de la route (hausse supérieure à 150 %) car, dans le même temps, le fret ferroviaire a perdu un quart de ses parts de marché et le transport fluvial plus de la moitié.

Dans les vingt prochaines années, et sans changement notable de politique des transports, on peut anticiper une augmentation annuelle du trafic de marchandises se situant entre 1,6 % et 3,1 %. Pour chaque mode de transport, cela correspondrait à une progression annuelle qui se situerait entre 1,8 % et 3,4 % par an pour la route, de 0,4 % à 2,4 % pour le fluvial et entre 0,4 % et 1,7 % pour le ferroviaire.

S’appuyant sur ce mouvement, la Commission européenne dresse, dans sa communication de 2009, un bilan très positif de la politique des transports qu’elle a initié ces dix dernières années. A ses yeux, les orientations fixées en 2001 ont permis des avancées importantes, en matière de sécurité, de tarification, de concurrence et d’interopérabilité ; mais elle admet toutefois un échec relatif en matière de réduction de l’impact environnemental des transports. En effet, le transport routier, qui a fortement bénéficié de cette politique, est également le mode le plus polluant. Cette évolution contredit la politique de développement durable que l’Union européenne souhaite promouvoir, actée par ses engagements internationaux - en particulier par le protocole de Kyoto - qui impliquent de concilier croissance économique, progrès social et protection de l’environnement.

Cette approche nouvelle impose la conception et la mise en œuvre d’une politique des transports qui ne se limite plus à la recherche de la diminution des coûts et à l’amélioration de la flexibilité.

Il est important également de souligner que la diminution importante du prix du transport routier a favorisé, et amplifié, la délocalisation industrielle qu’a connue notre pays ces dernières années.

B. Le rail, priorité de la nouvelle politique des transports de l’Union européenne

L’Union européenne a aujourd’hui conscience qu’un effort important doit être fait pour réduire l’ensemble des impacts environnementaux du transport. Pour cela elle doit s’appuyer simultanément sur les nouvelles technologies(3), l’internalisation des coûts externes(4), une stratégie de report modal(5) et des actions visant à modifier le comportement des utilisateurs des transports.

1. L’objectif environnemental

Pour l’opinion publique européenne, les pollutions atmosphériques, avec leur impact sur la santé humaine et l’effet de serre, les nuisances sonores, l’insécurité et la congestion routières, ont atteint aujourd’hui un niveau préoccupant, voir insupportable.

Emissions de polluants atmosphériques en France selon le mode de transport(6) :

- la route génère entre 91 % et 99,7 % des polluants atmosphériques, notamment le CO, hautement toxique ;

- le maritime jusqu’à 6,9 % pour le SO;

- l’aérien jusqu’à 3,9 % du CO;

- le ferroviaire entre 0,1 % et 1,1 % selon les gaz ;

- le fluvial moins de 0,2 %.

Ce constat implique la remise en cause du « tout routier » en matière de transport au profit du ferroviaire et du fluvial, transports les moins polluants.

La politique conduite depuis une quarantaine d’années n’a pas réussi à entraver le développement rapide du transport routier, pour trois raisons principales : il est plus souple, plus rapide et moins cher que le transport ferroviaire.

Cette situation impose de rechercher des remèdes et de remettre en cause des tabous libéraux très prégnants dans l’« idéologie » de la Commission européenne, en particulier chez les commissaires issus des Etats ayant intégré le plus récemment l’Union européenne.

2. Les remèdes envisagés par l’Union européenne

En se fixant comme objectif la mise en place « d’un système de transport durable, qui réponde aux besoins économiques, sociaux et environnementaux de la société et qui soit propice à l’instauration d’une société ouverte à tous et d’une Europe parfaitement intégrée et compétitive », la Commission européenne conclue sa communication de 2009(7) en rappellant que sa politique a pour but, désormais, d’optimiser le fonctionnement d’un système de transport intégré.

Ce faisant, elle reconnaît que la réduction de l’impact des transports sur l’environnement est aujourd’hui prioritaire, mais elle fonde l’essentiel de ses propositions sur la technologie et la tarification, et affiche beaucoup moins de volontarisme sur des sujets tels que le report modal, l’intermodalité ou la nécessité d’un changement des comportements, par des procédés autres que la fiscalité.

Le rapporteur a souligné l’importance de ce thème dans son rapport sur la politique européenne en matière de systèmes intelligents de transports mais il est naïf de penser que l’essentiel d’une politique, qui se veut volontariste, peut reposer sur des techniques dont le déploiement mettra du temps à produire ses effets, les directives européennes n’étant pas contraignantes à cet égard en matière de calendrier.

En outre, tous les Etats de l’Union européenne n’étant pas disposés à avancer au même rythme, par exemple en matière de tarification des coûts externes (c’est-à-dire la facturation des dégâts environnementaux ou de l’insécurité routière), leurs réticences conduisent à l’adoption de directives minimalistes (par exemple l’« écotaxe transports »)(8). Il est donc vain de penser que cette politique pourra à court terme susciter des réorientations rapides entre les modes de transport.

3. Les tabous à lever

Il est incontestable qu’il existe aujourd’hui un large consensus sur le développement du transport ferroviaire. Il s’appuie sur le constat de la nécessité d’allier « une croissance soutenue des besoins en transport de marchandises » avec la nécessité du développement durable, c’est-à-dire la sécurité des personnes, la cohésion sociale, la protection de l’environnement et les économies d’énergie. Le rapporteur considère que cette réflexion ne pourra aboutir que si l’Union européenne accepte de lever quelques tabous :

En premier lieu, il faut considérer que la croissance économique et l’internationalisation grandissante des échanges, favorisés, pour ce qui concerne l’Europe, par la réalisation du marché unique, constituent indéniablement un moteur du développement du transport routier soutenu par la gestion à flux tendus et la recherche des coûts de production les plus faibles. Cette remarque ne signifie pas bien sur qu’il faille remettre en cause le marché unique, le positif l’emporte sur le négatif, mais, le sentiment européen ne doit pas conduire à nier les nuisances qu’il a pu amplifier.

S’il est clair que dans le domaine aérien le développement de la concurrence a eu des vertus indiscutables, s’agissant du transport routier de marchandises, l’accroissement du volume transporté est plus discutable lorsque cette croissance s’appuie sur le dumping social(9). Cette situation est particulièrement grave en matière de sécurité routière car la législation européenne accepte des durées de travail dans le transport routier incompatibles avec la politique de lutte contre les accidents de la route qu’elle entend par ailleurs promouvoir. Il est clair aux yeux du rapporteur qu’une politique des transports ne saurait se limiter au développement incontrôlé de la concurrence. La libre concurrence ne saurait constituer un objectif en elle-même, comme le donne à penser certaines communications de la Commission européenne, mais doit plutôt être regardée comme un moyen.

Il est discutable, d’un point de vue sociétal et environnemental, qu’un produit textile soit tissé dans un pays européen, transporté dans un deuxième pour y être teint, puis dans un troisième pour y être confectionné et enfin vers un dernier pays où il sera commercialisé.

La sous-tarification du transport routier de marchandises, qui résulte des excès de cette ouverture à tous crins à la concurrence, contribue également à cette hausse du trafic. Il faut également noter que les véhicules légers subventionnent assez largement l’utilisation des voies par les véhicules lourds, d’où la nécessité de mettre en place l’Euro-vignette pour rétablir une certaine équité.

D’autres facteurs viennent également peser sur les conditions d’exercice du transport :

- la généralisation du « flux tendu » et la réduction des stocks dans les entreprises exigent des acheminements continus de matériels et une organisation logistique adaptée ; or la route est plus à même que le rail de répondre aux exigences de souplesse induites par cette organisation.

- le développement du commerce électronique multiplie les livraisons éclatées (« monocolis » et service porte-à-porte pour les entreprises ou les particuliers) ; cette évolution avantage également la route, au moment où la SNCF abandonne le « wagon isolé ».

- la demande croissante de réduction générale des délais pour toute livraison, d’ordre privé ou professionnel, est une constante ; or, la vitesse moyenne du transport des marchandises par rail en Europe tourne autour de 20km/h.

C’est pourquoi le rapporteur considère qu’une politique européenne de réorientation du transport de la route vers le rail ne pourra obtenir des résultats que si elle est globale, d’envergure et non limitée à la politique de la concurrence.

Il est vain de soutenir que le développement de la concurrence en Europe permettra au rail de remettre en question les trois avantages principaux du transport routier sur le rail :

• Le rail n’aura jamais la souplesse de la route. Sur des trajets routiers inférieurs à 3 heures le fait de ne pas avoir de rupture de charge constitue un avantage déterminant pour les passagers aussi bien que pour les marchandises.

• Le développement du réseau autoroutier en France permet au transport routier d’être beaucoup plus rapide que le transport ferroviaire, en particulier pour les marchandises.

• S’agissant du coût de transport, le calcul économique est très souvent défavorable au fer pour les voyageurs et dans la plupart des cas pour les marchandises.

Le développement du rail ne pourra donc pas reposer exclusivement sur les lois du marché. Il impliquera la mise en œuvre de politiques plus dirigistes ; or, l’acceptation d’un zeste de colbertisme constitue un tabou difficile à lever à la Commission européenne.

4. Les préconisations du Parlement européen

Le rapporteur partage les préconisations du Parlement européen qui a adopté son rapport sur le transport durable le 6 juillet 2010, bien que ces conclusions soient formulées en des termes trop généraux pour être opérationnels. Nous savons par exemple que l’harmonisation des conditions de travail, souhaitée également par la France, sera très difficile à obtenir.

Les souhaits du Parlement européen sont les suivants :

1. Le développement d’une politique de co-modalité efficace, garantie par une bonne interconnexion et interopérabilité entre les différents modes, pour favoriser le report sur les modes les plus durables ;

2. L’achèvement du marché intérieur accompagné de mesures de sauvegarde de la qualité des services publics de transport, d’un plan d’investissement à long terme dans les infrastructures et l’intéropérabilité et d’un dialogue social au niveau européen, pour harmoniser les conditions de travail et de formation ;

3. L’établissement d’un cadre européen de financement des projets de transport créant un fond transport combinant les fonds structurels et le fond de cohésion avec les autres instruments financiers ;

4. L’engagement de créer une ligne budgétaire transport dans les nouvelles perspectives financières ;

5. Le maintien de la priorité aux projets RTE-T, en se concentrant sur les points faibles

6. L’accélération de la R&D dans le domaine de l’intéropérabilité et des systèmes « intelligents », des technologies propres et économes en énergie ;

7. La priorité à accorder à la sécurité des transports.

Le Parlement européen a également proposé de fixer des objectifs chiffrés :

1. Réduire de 40 % le nombre de morts et blessés graves sur les routes ;

2. Doubler le nombre de passagers transportés par bus, tram, chemin de fer et éventuellement bateaux ;

3. Réduire de 20 % les émissions de CO2 du transport routier, de fret et de passagers ;

4. Réduire de 20 % la consommation d’énergie du matériel ferroviaire ;

5. Equiper en système ERTMS compatible et interopérable tous les matériels roulants ferroviaires commandés à partir de 2011 et toutes les lignes ferroviaires construites ou rénovées ;

6. Réduire de 20 % des émissions de CO2 du mode aérien ;

7. Contribuer au financement de l’optimisation ou de la création de plateformes multimodales d’interconnexion entre le rail, les voies navigables et les ports, pour en augmenter le nombre de 20 %.

8. Enfin dans le domaine du transport urbain, le Parlement a demandé à la Commission d’introduire dans son plan d’action mobilité urbaine les plans de déplacement urbains durables pour les villes de plus de 100 000 habitants et d’inciter les villes plus petites à établir des plans de mobilité fondés sur l’intégration des différents modes.

C. L’effort français sans précédent en faveur du rail s’inscrit dans le cadre de cette volonté européenne

1. Les priorités européennes sont partagées par le gouvernement français

Nous ne pouvons que partager les propositions figurant dans le rapport d’initiative du 6 juillet 2010 du Parlement européen.

Votre rapporteur soulignera toutefois que ces objectifs n’ont pas fait l’objet d’étude d’impact ; si sur le plan des principes il est favorable à la proposition 5 sur l’équipement en système ERTMS, le coût de cette mesure, environ 3 milliards d’euros pour la France et 2,5 milliards pour l’Allemagne, la rend difficilement envisageable dans l’immédiat.

La lutte contre le changement climatique demeure une priorité majeure. Aussi est-il nécessaire que l’Union européenne se dote d’outils d’évaluation et de suivi des émissions de gaz à effet de serre pour l’ensemble du secteur des transports.

Le gouvernement français soutient l’objectif de donner aux Etats membres la possibilité d’internaliser les coûts externes dans tous les modes de transport. Il souhaite également que la réflexion sur les suites de l’actuel programme Marco Polo soit engagée et plaide pour que la réglementation communautaire ne vienne pas inutilement freiner les initiatives nationales en matière de report modal.

S’agissant de la mobilité urbaine, les autorités françaises considèrent que l’Union européenne a toute sa place pour agir, dans le respect du principe de subsidiarité, compte tenu notamment de l’impact des transports urbains et de la pollution atmosphérique(10).

Concernant la gouvernance, les autorités françaises estiment qu’une représentation unique par l’Union européenne dans les instances internationales n’est pas nécessairement adaptée. Il convient d’examiner au cas par cas et de façon pragmatique le renforcement de la présence de l’Union européenne dans ces instances.

Au niveau national, la politique des transports s’appuie notamment sur la loi de programmation de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement(11). C’est pourquoi les autorités françaises ont souhaité et fait savoir à la Commission que le futur livre blanc sur les transports serait mis en perspective et en relation avec les objectifs du « Grenelle environnement ».

Elles attendent qu’au niveau européen, la priorité soit donnée à une évolution décisive vers des transports ferroviaires, maritimes, fluviaux, aériens et routiers plus durables, économes en énergie et compatibles avec des ambitions fortes et quantifiées en matière de lutte contre le changement climatique.

En outre, elles souhaitent que les liens avec les autres politiques européennes, notamment en matière de changement climatique et de santé, soient plus clairement établis.

La réponse des autorités françaises à la consultation de la Commission, qui a été transmise le 30 septembre 2009, insistait à cet effet, sur l’importance d’une prise en compte des trois piliers du développement durable (économique, social et environnemental).

Concernant le volet économique, l’accent devrait être mis sur la poursuite de la politique du Réseau Trans-Européen de transport, les méthodes d’exploitation harmonisées (ERTMS dans le domaine ferroviaire et SESAR dans le domaine aérien), l’apport des nouvelles technologies et le rôle des programmes de positionnement par satellite GNSS.

En matière d’ouverture des marchés, il conviendrait de s’assurer que les normes de sécurité, les conditions de travail des personnels et les droits des consommateurs sont préservés et harmonisés. S’agissant du transport ferroviaire, il serait nécessaire de faire une évaluation préalable avant toute nouvelle étape, conformément à ce qui est prévu par le troisième paquet ferroviaire.

L’internalisation des coûts externes, l’optimisation des infrastructures existantes, la planification des transports, la réduction des charges administratives sont également des outils essentiels.

S’agissant du pilier social, le gouvernement français insiste sur les liens à créer entre la politique des transports et la politique d’aménagement du territoire. L’Union européenne pourrait à ce titre promouvoir l’utilisation des plans de déplacement urbain durables.

L’amélioration de la sécurité routière est une priorité essentielle, avec en particulier la nécessité de développer un outil pour l’échange de données informatisées permettant l’identification des propriétaires de véhicules (sanctions routières transfrontières)(12).

Les autorités françaises sont également favorables à une réglementation accrue et une plus grande harmonisation en matière de conditions de travail, de formation obligatoire et de reconnaissance des compétences professionnelles.

Enfin, la relation entre politiques des transports et de santé devrait être renforcée.

2. La politique française en faveur du rail traduit concrètement cet engagement

Il est très symbolique de constater que, depuis l’an dernier, ce n’est plus la France mais l’Espagne qui dispose du plus important réseau de ligne à grande vitesse en Europe. Le fret ferroviaire, qui représentait il y a trente ans plus de cinquante pour cent du transport de marchandise, en représente environ dix pour cent aujourd’hui ; surtout il chute non seulement en valeur relative mais également en valeur absolue, au niveau du tonnage transporté.

Le chemin de fer vient de traverser une période d’une cinquantaine d’années au cours de laquelle il a connu un long déclin. Dans ce contexte, la politique de concurrence et de libéralisation encouragée par l’Union européenne ne peut entraver ce déclin que si il existe une volonté politique forte de redonner au rail son lustre d’antan. Or, celle-ci existe aujourd’hui en France.

Les préoccupations environnementales, mais pas seulement celles-ci, ont conduit le Gouvernement français à faire de ce mode de transport une priorité nationale, en plein accord avec les priorités nouvelles définies au niveau européen.

Au-delà du constat d’échec de la politique ferroviaire, il est important de comprendre les raisons d’une défaillance collective où l’Etat, l’entreprise et ses personnels ont chacun une part significative de responsabilité.

En publiant son projet de schéma national des infrastructures de transport (Snit), le gouvernement a confirmé les objectifs du Grenelle de l’Environnement, qui fait la part belle aux projets ferroviaires. Rendu public le 13 juillet 2010, ce texte qui définit la politique de l’État pour les vingt à trente prochaines années prévoit un investissement de quelque 166 milliards d’euros, destinés pour près des deux tiers (62,2 %) au développement du réseau ferré. Cet effort de la collectivité nationale est sans précédent, mais il était devenu impossible de le différer.

De 1980 à 1998, les investissements en infrastructures de transport se montent à :

- 1 000 milliards de francs pour les routes (nationale, départementale et communale) et les autoroutes, soit 65,4 % de l’ensemble des investissements en infrastructure de transport ;

- 297,4 milliards de francs pour le ferroviaire, soit 19,4 % du total.

Cette répartition correspond à leurs parts de marché respectives.

Source : Rapports annuels de la Commission des Comptes de Transports de la Nation.

Les conclusions de l’audit conduit en 2006 par le Professeur Rivet sur l’infrastructure ferroviaire française sont à cet égard édifiantes ; elles montrent l’urgence de cet effort :

« La SNCF et RFF (depuis 1997) ont fourni leurs meilleurs efforts pour maintenir l’exploitation et la sécurité ferroviaire sur un réseau très étendu malgré les ressources nettement insuffisantes pour la maintenance (entretien et renouvellement) de l’infrastructure durant les 30 dernières années. »

« Ces efforts ont été réalisés grâce à la mise en oeuvre d’une politique de maintenance s’accommodant de cette situation de restrictions budgétaires tout en faisant le maximum pour maintenir l’ensemble du réseau en exploitation et favoriser les gains de productivité. »

« Une comparaison internationale confirme ce fait et démontre que la France investit sensiblement moins dans la maintenance de son réseau ferré que ne le font la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne et la Suisse, et ce, pour toutes les catégories de lignes chargées du réseau classique. »

« La grave contrepartie de ce processus est un vieillissement très important du réseau classique et une perte correspondante de capital (durée de vie résiduelle moyenne de l’infrastructure). »

« Ainsi, l’état moyen de l’infrastructure, sur une part importante du réseau, se dégrade continuellement et les prémices d’une dégénérescence apparaissent concomitamment, la fiabilité des composants du système ferroviaire décroît lentement mais sûrement. La poursuite de cette situation ne peut qu’augmenter la fragilité du réseau ferré et menacer la pérennité du réseau classique. ».

La situation du transport ferroviaire aujourd’hui est, en dehors de la grande vitesse, alarmante et justifie l’effort sans précédent engagé par le Gouvernement avec le schéma national d’infrastructures de transport et le plan de rénovation du réseau, car le développement du transport ferroviaire constitue un enjeu sociétal majeur.

Engagement national pour le fret ferroviaire

Synthèse

Le Gouvernement a rendu public le 16 septembre 2009 un Engagement national pour le fret ferroviaire dont l’objectif est de porter la part de marché du fret non routier à 25 % en 2022. Les mesures de ce plan portent pour l’essentiel sur l’infrastructure ferroviaire, afin de lui permettre de fournir la qualité de service requise pour fiabiliser les trafics existants et développer des services innovants. Ce plan se décline en huit axes :

Axe 1 : Créer un véritable réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées

Au-delà d’une augmentation du gabarit et de l’offre des autoroutes ferroviaires Perpignan-Bettembourg et alpine (dont le terminus sera rapproché de Lyon), une nouvelle autoroute ferroviaire sera lancée en 2011 entre Lille, Paris et Hendaye.

Axe 2 : Doubler le transport combiné de marchandises

Le réseau sera progressivement aménagé pour permettre la circulation de trains longs (1000m). Les plateformes de transport combiné seront modernisées et de nouvelles plateformes seront créées. Le montant de l’ « aide à la pince » sera revalorisé de 50 %.

Axe 3 : Créer des opérateurs ferroviaires de proximité

Ces opérateurs seront créées d’une part dans les ports (pour massifier/démassifier les flux et améliorer la connexion avec l’hinterland) et d’autre part dans les bassins industriels pour améliorer la dessertes des industriels embranchés.

Axe 4 : Développer le fret à grande vitesse entre les aéroports

Entre les grandes plateformes aéroportuaires, des TGV dédiés au fret emprunteront les LGV la nuit pour transférer de l’avion vers le train les flux de messageries postales. Une plateforme air-rail sera construite à cet effet à Roissy.

Axe 5 : Créer un réseau orienté fret

Le réseau orienté fret sera progressivement mis à niveau pour y fournir une infrastructure robuste, permettant d’assurer la fiabilité des circulations de flux ferroviaires massifiés. Cette mise à niveau passe (i) par des investissements sur les accès de l’Ile-de-France, (ii) par l’installation de dispositifs permettant aux trains de se doubler et rouler à contresens (IPCS), (iii) par le déploiement du dispositif européen unifié de signalisation (ERTMS) et (iv) par l’électrification des axes structurants du ROF.

Axe 6 : Supprimer les goulets d’étranglement

Les contournements de Nîmes et Montpellier d’une part, de l’agglomération parisienne d’autre part seront réalisés

Axe 7 : Favoriser la desserte ferroviaire des ports

Les investissements permettant la desserte ferroviaire des grands ports maritimes et les transbordements mer-rail seront accélérés, dans le cadre des projets stratégiques des GPM.

Axe 8 : Améliorer le service offert aux transporteurs

Cet axe n’est pas encore chiffré, il fera l’objet de la réunion de décembre.

La mesure permettant le levier le plus important pour les trafics pour un coût minimal est l’amélioration des dispositifs de planification et d’allocation des capacités ferroviaires qui passe (i) par la révision des processus et des outils de planification et d’allocation, (ii) par l’indemnisation des clients de RFF en cas de mauvaise qualité de service de l’infrastructure.

Source : Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

I. LE CADRE REGLEMENTAIRE EUROPEEN DU SYSTEME FERROVIAIRE

A la différence de la route, que tout véhicule peut emprunter, les chemins de fer européens ont été élaborés avec des normes distinctes rendant difficile la circulation d’un réseau à un autre.

« La libéralisation des services dans le transport ferroviaire au sein de la Communauté européenne a entraîné une restructuration complète de son organisation. On peut dire que les fondamentaux, à la base de l’organisation héritée du passé, ont littéralement « explosé », et cela d’autant plus que le système ferroviaire formait un ensemble national très structuré qui était devenu un monopole dans la plupart des pays en Europe. La venue sur le « marché » d’un grand nombre d’Entreprises Ferroviaires (EF) alternatives concurrentes, spécialisées dans le transport de voyageurs ou (et) de fret, a donc nécessite une refonte totale de l’organisation de l’ensemble du système ferroviaire pour offrir aux nouveaux entrants l’accès équitable et non discriminatoire au réseau »(13).

A. Un cadre européen contraignant, en voie de stabilisation

La mutation du système ferroviaire engagée depuis près de deux décennies a atteint sa phase de stabilisation. Cela explique que les directives soumises à notre examen apportent des clarifications et des précisions, mais ne modifient pas fondamentalement l’architecture du système.

1. Les objectifs poursuivis

Dans un Livre blanc du 30 juillet 1996 – « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires » – la Commission a exposé les mesures qui devraient être prises, en vue d’enrayer la dégradation continue des parts du rail dans le transport des marchandises. Elle estimait, en effet, que les trois directives adoptées au cours des années 1990 n’avaient pas permis d’atteindre cet objectif.

Aussi, conformément au Livre blanc de 2001, le Parlement européen et le Conseil ont adopté l’ensemble des trois directives qui constituent le premier paquet ferroviaire. Elles ont pour objectif :

1. Une ouverture progressive des réseaux en élargissant aux entreprises ferroviaires de l’Union européenne, pour les trafics de marchandises, les droits d’accès aux différents réseaux nationaux ;

2. Une fixation des conditions pour l’exercice des droits d’accès, par la mise en place d’une licence d’entreprise ferroviaire, à validité communautaire et d’un certificat de sécurité à validité nationale ;

3. Un renouvellement du cadre qui régit l’organisation et la régularisation du secteur, en confiant aux gestionnaires de l’infrastructure, et non plus aux entreprises ferroviaires, la répartition des capacités de l’infrastructure et en prévoyant la mise en place d’organismes de contrôle destinés à s’assurer de la correcte ouverture des réseaux.

Alors même que les dispositions du premier paquet ferroviaire de 2001 n’avaient pas encore été transposées, les Etats membres ayant jusqu’au 15 mars 2002 pour y procéder, la Commission a adopté le 23 janvier 2002 un second paquet ferroviaire visant à poursuivre l’ouverture à la concurrence du transport du fret et à améliorer les niveaux et les règles de sécurité applicables.

Pour ce second paquet, un accord a été trouvé entre le Parlement et le Conseil en mars 2004 sur la base d’un compromis aux termes duquel l’ouverture du marché ne s’applique qu’au fret ferroviaire.

C’est pourquoi, alors que les négociations sur le deuxième paquet ferroviaire se poursuivaient, la Commission a adopté en 2004 sa proposition d’un troisième paquet ferroviaire, notamment en réponse au Parlement européen qui aurait souhaité étendre « le deuxième paquet » à la libéralisation du trafic de passagers. Ce troisième paquet qui a été adopté en octobre 2007, à l’issue d’une conciliation entre le Parlement et le Conseil, ouvre le marché des lignes internationales des passagers, au 1er janvier 2010, et prévoit notamment une clause de rendez-vous en 2012 pour l’ouverture des lignes nationales de passagers.

2. Les textes en vigueur

La directive no 91/I4401CEE de la Commission européenne définit les conditions fondamentales de la séparation à opérer entre l’exploitation des services de transport et la gestion des infrastructures : elle interdit tout transfert d’aides publiques d’un opérateur à un autre et ouvre à certains exploitants internationaux la possibilité d’accès aux réseaux nationaux en faisant jouer la concurrence, les gestionnaires de l’infrastructure devant appliquer une redevance d’utilisation de cette infrastructure qui doit éviter toute discrimination.

Il est très important de souligner, car cela est en partie à l’origine des difficultés rencontrées aujourd’hui, que cette directive n’oblige pas les États membres à créer des institutions distinctes pour la gestion des infrastructures et l’exploitation des trains, mais uniquement à séparer les comptes ; cela explique que des pays comme la France aient pu mettre sur pied deux entités distinctes (la SNCF et Réseau ferré de France) alors que d’autres, par exemple l’Allemagne, ont transformé en holding regroupant des société distinctes au niveau comptable leur entreprise historique, la Deutschbahn.

Une directive 95/18/CE (modifiée par la directive 2001/13/CE) met en place un système de licences pour les entreprises ferroviaires, qui bénéficient ainsi d’une reconnaissance par tous les Etats membres.

a) Les directives de 2001 constituent le « premier paquet ferroviaire », qui fait l’objet de la révision proposée

Le premier paquet ferroviaire est constitué de :

1. La directive 2001/12, modifiant la directive 91/440 relative au développement des chemins de fer communautaires, pose, notamment, le principe du droit d’accès équitable des entreprises ferroviaires au réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF) ;

La directive 2001/12/CE, dispose, en outre, expressément que les comptes des exploitants de services de transport doivent être séparés et distinguer les services voyageurs des services marchandises, et que les comptes des services voyageurs soutenus par les pouvoirs publics doivent de plus être séparés des autres. Cette vérité des comptes interdit aujourd’hui que les réseaux bénéficiaires de la SNCF subventionnent ceux qui sont lourdement déficitaires, par exemple que les lignes à grande vitesse viennent subventionner le fret.

S’il n’est pas interdit de verser des aides publiques pour couvrir des services socialement importants l’affectation de ces sommes à des trafics exposés à la concurrence est interdite.

Cette directive impose en outre à chaque pays la création d’une autorité administrative indépendante du gestionnaire de l’infrastructure pour réglementer et examiner les appels concernant les conditions et les redevances d’accès au réseau, afin d’assurer à tous les exploitants un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure.

2. La directive 2001/13 modifiant la directive 1995/18 concernant les licences des entreprises ferroviaires élargit la notion d’entreprise ferroviaire. Elle prévoit que les licences doivent être accordées par un organisme qui n’effectue lui-même aucune prestation de services de transport ferroviaire.

3. La directive 2001/14, modifiant la directive 1995/19, concerne la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire.

La directive 2001/14/CE traite également de la répartition des capacités d’infrastructure et de la tarification de son accès, qui doit assurer la stabilité financière du gestionnaire des infrastructures, en faisant en sorte que les redevances acquittées par les utilisateurs et les contributions publiques couvrent 1a totalité des coûts financiers à long terme.

La directive 2001/16/CE, traite de l’amélioration de l’interopérabilité des équipements et installations de chemins de fer des Etats membres.

Le marché national du fret est ouvert le 1er janvier 2007. En France, il le fut, dans les faits, dès le 31 mars 2006.

Le deuxième paquet ferroviaire a été adopté en 2004.

b) Les directives 2004/49/CE, 2004/50/CE et 2004/51/CE : le « deuxième paquet ferroviaire »

La directive 2004/49/CE renforce le régime des licences des entreprises ferroviaires et habilite la Commission à instruire les cas de litige sur la répartition des capacités. La directive 2004/50/CE vise à améliorer l’interopérabilité des trains à grande vitesse et des trains rapides classiques. La directive 2004/51/CE réduit les délais dans lesquels les réseaux nationaux devront être accessibles aux exploitants internationaux titulaires d’une licence. Les réseaux transeuropéens de fret fer devront être accessibles aux exploitants internationaux titulaires d’une licence, dès 2006, et tous les exploitants, y compris ceux qui pratiquent le cabotage (transports effectués à l’intérieur d’un seul pays), devront avoir droit d’accès à tout le réseau ferroviaire communautaire, dès 2007.

c) Le « troisième paquet ferroviaire » a été adopté en 2007.

L’ouverture du transport ferroviaire au domaine des voyageurs a commencé par le marché international, le 1er janvier 2010. En France, cette ouverture fut anticipée en devenant effective le 13 décembre 2009.

Le « troisième paquet » a pour but d’ouvrir les services voyageurs internationaux à la concurrence en 2010 (2004/0047), d’instaurer un régime de certification des équipages des trains (2004/0048), de définir les droits et obligations des voyageurs internationaux (2004/0049) et d’imposer le versement de compensations, en cas de non-respect des exigences de qualité contractuelle applicables aux services internationaux de fret ferroviaire (2004/0050). Dans ce dernier texte, la responsabilité du gestionnaire des infrastructures peut être engagée.

d) Le « quatrième paquet ferroviaire » reste en devenir

Il concerne l’ouverture des transports de voyageurs régionaux, vraisemblablement à l’horizon 2012. Il faut noter que l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et la Suède ouvrent déjà leurs liaisons intérieures à la concurrence.

e) Le règlement européen des obligations de service public

Adopté par le Parlement et le Conseil européens, et en vigueur depuis le 3 décembre 2009, le règlement européen des Obligations de service public (OSP) délimite le cadre juridique de la concurrence sur les lignes conventionnées. Il impose l’appel d’offres comme règle générale. Toutefois, pour les contrats d’exploitation ferroviaire, il admet une dérogation laissant le choix aux autorités organisatrices (AO) entre cette procédure d’appel d’offres et les contrats de gré à gré.

Le règlement OSP prévoit une phase de transition de dix ans. La mise en œuvre implique une modification par la France de la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti) du 30 décembre 1982, loi cadre organisant les services publics de transport, à l’exclusion du transport maritime et aérien, qui prévoit le monopole de la SNCF sur les liaisons ferroviaires domestiques. Le comité, présidé par le sénateur Francis Grignon, pour établir les modalités d’ouverture à la concurrence du TER(14) doit rendre son rapport à ce sujet au cours de l’année 2011. Entre le 3 décembre 2014 et le 3 juin 2015, doit être fourni un rapport d’avancement sur l’application progressive du règlement OSP. Le principe de primauté de la loi européenne doit jouer. Le texte prévoit quoi qu’il arrive une ouverture de ce marché d’ici au 3 décembre 2019. En République fédérale d’Allemagne, les opérateurs privés ont près de 20 % de ce marché et en Grande-Bretagne, le trafic voyageur est aujourd’hui divisé entre 25 franchises.

Cette interprétation est contestée par les opérateurs privés qui estiment que le monopole de la SNCF est contraire à la législation européenne.

B. Une clarification nécessaire

Les rapports du Parlement européen ne reflètent pas toujours les profondes divergences existant entre les Etats.

Le débat d’orientation qui s’est tenu, sous présidence suédoise, au cours du Conseil du 9 octobre 2009, et les travaux préparatoires, en vue des conclusions du Conseil, ont clairement fait apparaître l’existence de difficultés entre Etats membres sur la définition des priorités en matière de politique européenne des transports, ce qui a, d’ailleurs, interdit l’adoption de conclusions par le Conseil.

Certains Etats membres ont mis fortement l’accent sur les disparités existant entre les nouveaux et les anciens États membres. Selon ces pays, la priorité devrait être donnée au renforcement des infrastructures de transport et au raccordement de ces infrastructures avec celles des pays tiers voisins.

Les Etats périphériques se sont montrés soucieux des impacts potentiels des mesures envisagées sur le coût des transports et mettent en avant la nécessité de tenir compte du contexte de crise économique.

Comme les autorités françaises, d’autres Etats membres ont insisté sur les défis environnementaux et énergétiques et sur la notion de report modal.

D’autres encore se sont montrés très réservés par rapport à une approche volontariste visant à modifier la répartition modale ou le comportement des usagers, leurs priorités étant les nouvelles technologies et l’amélioration de la compétitivité. Néanmoins, ils n’ont pas contesté la nécessité de répondre aux enjeux environnementaux et énergétiques.

La présidence hongroise devrait inviter le Conseil à entamer un débat d’orientation sur le nouveau Livre blanc sur le transport durable 2010-2020, pouvant donner lieu à des conclusions du Conseil lorsqu’il sera publié par la Commission. Elle a l’intention de faire porter les débats sur les questions liées à l’interconnexion des divers modes de transport, le développement des systèmes de transports intelligents, les transports publics de haute qualité, la logistique des marchandises, la mobilité urbaine, la sécurité routière et la protection de l’usager vulnérable.

II. LA TRANSPOSITION DES TEXTES EUROPEENS EN DROIT FRANÇAIS

A l’exception du fret, où les nouvelles entreprises ferroviaires représentent aujourd’hui 15 % du marché(15), la libéralisation du transport ferroviaire, qui est traduite dans notre droit, a eu peu de conséquences concrètes. Toutefois la transposition des directives composant les différents paquets ferroviaires par la France fait l’objet d’une contestation devant les juridictions européennes.

A. Les sujets de transposition

1. Les infrastructures

La gestion des infrastructures a été séparée de celle de l’exploitant ferroviaire, la SNCF, par la création en 1997 de Réseau Ferré de France (RFF), qui est propriétaire d’une partie de l’infrastructure ferroviaire (voies, terrains qui entourent les voies et bâtiments,...). Son rôle de pivot au sein du système ferroviaire français a été confirmé par la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires publiée le 8 décembre 2009. Toutefois deux questions n’ont pas été complètement tranchées : la gestion du réseau et celle des gares demeurent assurées par des structures de la SNCF. La volonté de la SNCF de demeurer une entreprise la plus possible intégrée a conduit à une réforme a minima, parfois peu lisible ; par exemple la SNCF demeure propriétaire des gares mais RFF possède les quais.

2. Le réseau

Cette explique également que RFF ne dispose pas des moyens de gérer l’exploitation des voies, qui fait l’objet d’un contrat avec la direction de la circulation ferroviaire (DCF), entité indépendante au sein de la SNCF, regroupant l’essentiel des effectifs affectés au réseau (environ 40 000 personnes), RFF étant quant à elle une structure légère de moins de 2 000 personnes.

La DCF comprend vingt et un établissements Infra Circulation (EIC), qui emploient 14 000 agents, dont des horairistes, aiguilleurs, agents de circulation et régulateurs. Elle dispose des Centres opérationnels de gestion des circulations (COGC).

Les agents de la direction de la circulation sont soumis à un code de déontologie spécifique. Son budget, distinct de celui de la SNCF, est financé par RFF. Cette direction assure l’égalité de traitement entre les différents opérateurs ferroviaires. Votre rapporteur a néanmoins le sentiment personnel que ces derniers regardent cette structure avec une certaine suspicion.

3. Les gares

S’agissant de la gestion des gares, tous les opérateurs rencontrés par le rapporteur lors de ses déplacements à l’étranger se sont plaints de devoir communiquer plusieurs mois à l’avance à la SNCF les renseignements relatifs à leur politique commerciale.

Plus exactement, ils doivent demander un espace ou un local pour commercialiser leurs produits à la nouvelle structure « Gares & Connexions » de la SNCF, créée en avril 2009, qui exerce la maîtrise d’ouvrage des gares voyageurs, la gestion opérationnelle des plates-formes et gère les différents services liés à « la prestation commune » (mise à disposition des bâtiments voyageurs, équipes Escale, accueil général, information des clients …).

Certes, le rapporteur a bien noté que « Gares & Connexions » est une branche autonome du groupe SNCF sur les plans géographique, organisationnel et comptable, et qu’en outre la partie ferroviaire de ses activités est également régulée par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).

Cette branche est essentielle car elle regroupe 3 000 gares voyageurs qui accueillent chaque année environ 2 milliards de voyageurs. Il est également prévu de consacrer 4 à 5 milliards d’euros sur dix ans pour développer les services dans les gares.

L’ensemble des activités (usage des gares et services rendus) génère 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaire, dont les deux tiers sont issus des redevances acquittées par les transporteurs (actuellement uniquement la SNCF). Les prestations sont calculées sur la base des charges d’exploitation de la gare. Elles prennent en compte la taille des trains et le nombre de voyageurs.

Ces redevances rémunèrent les prestations suivantes :

- l’accès aux gares avec les équipements et prestations pour accueillir les voyageurs, accès des clients aux trains ;

- la gestion opérationnelle des gares (pré-conditionnement, vidange WC, nettoyage des rames, approvisionnement en énergie, sable et liquide lave-glace) ;

- la maintenance (reprofilage des essieux en tour de fosse, assistance et dépannage).

Cette situation ne peut aux yeux du rapporteur qu’être transitoire, car RFF a vocation à créer de nouvelles lignes et par conséquent de nouvelles gares qui lui appartiendront et dont il pourrait déléguer la gestion à un opérateur privé (par exemple dans le cadre d’un partenariat public privé). Il est difficilement concevable que la gestion des gares soit durablement éclatée entre de multiples entités.

4. L’autorité de régulation

Promulguée le 9 décembre 2009, la loi française relative à l’Organisation et à la Régulation des Transports Ferroviaires est la traduction nationale de la réglementation européenne.

Elle crée l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), organisme public indépendant qui a la mission de veiller au bon fonctionnement de l’ensemble du système ferroviaire. Cette Autorité, dont la présidence a été confiée à Pierre Cardo est opérationnelle depuis le 1er décembre 2010. Elle vient de rendre un avis remarqué qui impose à RFF de modifier le calcul de certaines de ses redevances.

Son rôle est de vérifier l’accès équitable et transparent au réseau pour toutes les entreprises ferroviaires et les différents prestataires associés. Elle sanctionne le non respect des règles de concurrence et s’assure également de la cohérence des tarifs pratiqués par RFF. Elle est composée de sept membres, nommés par décret pour un mandat de six ans non renouvelable et désignés par tiers tous les deux ans. Trois d’entre eux, autres que le président, sont désignés par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental. Le siège de l’ARAF a été fixé au Mans mais elle ne dispose pas encore de la cinquantaine de personnes nécessaire à son fonctionnement. Il est intéressant de noter que l’Allemagne a regroupé dans une entité unique l’ensemble de ses autorités de régulation à caractère économique (Bundesnetz Agentur).

B. La conformité au droit européen

1. Les actions engagées par l’Union européenne

Les autorités françaises considèrent avoir transposé dans les temps le premier paquet ferroviaire. Toutefois, la Commission européenne a estimé qu’elles ont manqué à leurs obligations. Le 9 octobre 2009, elle a émis un avis motivé arguant de l’insuffisance persistante des mesures prises pour la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire.

Dans son avis motivé, la Commission a retenu trois griefs : le manquement aux obligations relatives à l’indépendance des facilités essentielles ; le non-respect des dispositions relatives à la tarification de l’accès à l’infrastructure ferroviaire ; le non respect des dispositions visant la création d’un organisme de contrôle.

Les autorités françaises ont répondu à cet avis motivé en notifiant à la Commission la loi du 9 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, qui institue l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et crée de manière indépendante, mais au sein de la SNCF, la Direction de la circulation ferroviaire, chargée de l’instruction des demandes de sillons pour le compte de RFF et complète la transposition du premier paquet ferroviaire.

La Commission a, toutefois, décidé en juin 2010 de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 du Traité de Lisbonne à l’encontre de la France et de douze autres Etats membres pour un défaut de mise en œuvre des dispositions du premier paquet ferroviaire. Néanmoins, la Commission a insisté fortement sur la nécessité de ne pas lier le projet de refonte aux procédures d’infractions en cours. Dans un communiqué de presse datant du 24 novembre 2010, la Commission a néanmoins salué l’amélioration de la législation ferroviaire française et a donc réduit le champ de la procédure d’infraction la concernant (du fait de la création de l’ARAF).

Il a été indiqué à votre rapporteur que le gouvernement français partageait avec la Commission la volonté de préciser les conditions et les modalités de séparation des diverses activités, notamment entre activités concurrentielles et activités en monopole, et de renforcer les pouvoirs et l’indépendance des régulateurs. A ce titre, les autorités françaises se sont particulièrement attachées, dans la transposition des textes européens, à assurer l’indépendance organique effective du gestionnaire d’infrastructure Réseau ferré de France par rapport à l’entreprise ferroviaire historique la SNCF, et à renforcer l’indépendance fonctionnelle – aujourd’hui complète -de la DCF par rapport à la SNCF.

Conformément au « premier paquet ferroviaire », la France a, par ailleurs, informé la Commission qu’elle a créé un organisme indépendant de régulation du rail qui est en place à compter du 1er décembre 2010. Elle a en outre renoncé à faire intervenir l’Etat dans la détermination des redevances d’infrastructures ferroviaires, qui seront désormais fixées par le gestionnaire de l’infrastructure, sous le contrôle de l’autorité de régulation dont la création est une étape essentielle dans l’ouverture à la concurrence du marché des services ferroviaires. Cet organisme a notamment pour mission d’empêcher toute discrimination à l’encontre des exploitants ferroviaires lors de l’accès aux infrastructures.

2. Le monopole de la SNCF pour l’attribution d’un contrat de service de transport ferroviaire régional fait l’objet d’une contestation

L’Association française du rail (AFRA), qui regroupe les compagnies ferroviaires voulant entrer sur le marché français, conteste l’obligation pour les régions d’attribuer l’exploitation de leurs réseaux ferrés à la SNCF et estime la législation française incompatible avec la réglementation européenne.

Cette question est d’une grande importance car, si cette position était suivie par les tribunaux, le monopôle actuel de la SNCF sur le transport régional volerait en éclat, comme ce va être le cas en Allemagne.

Le contrat entre la société de transports en commun Rhin-Ruhr et Deutsche Bahn (DB) portant sur l’attribution de l’exploitation de ce réseau suburbain a été déclaré nul par la Cour Fédérale de Karlsruhe, suite à la procédure judiciaire initiée par Abellio. Cette entreprise ferroviaire se considérait comme désavantagée, car l’attribution de l’exploitation de ce réseau n’avait pas été soumise à un appel d’offres européen. La loi ferroviaire générale donnait le choix entre appel d’offres et attribution directe, alors que la loi contre les restrictions de concurrence exigeait la mise en concurrence. A présent, les Länder et les autorités organisatrices de transport ne peuvent plus attribuer directement l’exploitation de réseaux ferroviaires de proximité ; cette décision aura des conséquences sur plus de trente contrats attribués directement.

Une telle remise en cause pourrait arriver en France. L’AFRA a transmis au rapporteur l’analyse juridique reproduite ci-contre, étant précisé que s’il nous semble utile de la livrer intégralement, cela n’implique ni approbation ou improbation de la part du rapporteur :

« Le Règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (dit règlement OSP) introduit, à compter du 3 décembre 2009, un nouveau régime d’attribution des contrats de services publics de transport de voyageurs par chemin de fer ».

« Prenant acte des carences du règlement CEE no 1191/69 en la matière, le nouveau règlement précise la manière dont les contrats de service public de transport doivent être attribués dans la Communauté et, notamment, dans quelles circonstances ces contrats doivent faire l’objet d’une mise en concurrence ».

« Par son article 5 §3, le règlement érige en principe l’attribution des contrats de service public de transport par voie de mise en concurrence – sans pour autant exclure la possibilité d’une attribution directe dans le cas des transports ferroviaires. Ceci présuppose naturellement que le marché de transport public ferroviaire soit ouvert à la concurrence. L’article précité du règlement dispose d’ailleurs que « la procédure […] est ouverte à tout opérateur, est équitable, et respecte les principes de transparence et de non-discrimination ».

« Par ailleurs, et indépendamment du mode d’attribution choisi, le règlement souligne que toute autorité compétente doit pouvoir choisir librement son opérateur de services publics1. Chacune doit ainsi avoir le choix entre l’opérateur traditionnel ou l’un de ses concurrents. Ceci présuppose une nouvelle fois que l’accès d’opérateurs tiers au marché des transports publics ferroviaires soit possible ».

« Or, sur ce point, la loi nationale française est en contradiction avec le règlement européen. Les articles L2141-1 et L2121-4 du Code des transports (anciens articles 18 et 21-4 de la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs) confèrent à l’établissement public industriel et commercial « Société nationale des chemins de fer français » (SNCF) le monopole de l’exploitation des services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national. La loi impose notamment aux régions de passer une convention avec la SNCF ».

« Depuis le 3 décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Règlement (CE) no 1370/2007, les articles cités du Code des transports enfreignent ainsi tant l’esprit que la lettre du règlement : or l’attribution par voie de mise en concurrence d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer, selon des règles équitables, et dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination est impossible, et la disposition du règlement par conséquence sans objet ; or les autorités compétentes sont privées de la possibilité de choisir librement leur opérateur. »

« Il faut par ailleurs noter que l’article 5 §6 du règlement permettant, par dérogation à l’article 5 §3 et « sauf interdiction en vertu du droit national, [aux] autorités compétentes […] d’attribuer directement des contrats de service public de transport par chemin de fer » n’entre pas en conflit avec l’exigence d’ouvrir le marché. Ceci transparaît particulièrement dans le fait qu’en cas d’attribution directe des règles supplémentaires de transparence s’appliquent aux autorités compétentes. Celles-ci doivent : dans un délai d’un an à compter de cette attribution, rendre publique tout une série d’informations détaillées à l’article 7 §32. »

« 2 Article 7 §3 : « […] l’autorité compétente rend publiques les informations ci-après […] : a) nom de la partie contractante, structure de son capital et, le cas échéant, nom de l’organe ou des organes de contrôle légal, b) durée du contrat de service public, c) description des services de transport de voyageurs à exécuter, d) description des paramètres de calcul de la compensation financière, e) objectifs de qualité, tels que la ponctualité et la fiabilité, ainsi que primes et pénalités applicables, f) conditions relatives aux actifs essentiels ». Or à la demande de toute partie intéressée, communiquer les motifs de leur décision relative à cette attribution (article 7 §4). »

« Or, ces dispositions prennent tout leur sens seulement si plusieurs opérateurs animent le marché. Les autorités compétentes conservent ainsi la liberté de choisir leur opérateur même si elles souhaitent procéder par voie d’attribution directe. Rappelons enfin que la possibilité pour les autorités compétentes d’attribuer directement un contrat de service public n’a pas été motivée par des objectifs de restriction de la concurrence ou de perpétuation des monopoles, mais cherchait à tenir compte de la diversité des organisations territoriales des différents États membres. »

« Le règlement européen étant d’applicabilité directe, rien n’empêche une autorité compétente française d’attribuer un contrat à un opérateur ferroviaire distinct de la SNCF. »

« Du fait du principe de l’applicabilité directe des règlements européens, le Règlement (CE) no 1370/2007 s’impose à toute loi nationale a fortiori contraire. En l’occurrence, il ne peut être excipé des articles précités du Code des transports l’interdiction pour une autorité compétente d’attribuer un contrat de service public de transport ferroviaire à un opérateur différent de la SNCF. »

« Cette position a d’ailleurs été confirmée au nom de la Commission européenne par le Commissaire européen aux Transports, M. Tajani : dans sa réponse datée du 25 février 2009 à une question posée par l’eurodéputé Gilles Savary, relative à l’interprétation de l’article 5 §6 du Règlement (CE) no 1370/2007, M. Tajani indiquait ainsi que « [cet article] ne permet[tait] pas l’adoption ou le maintien d’une législation nationale qui prohiberait aux autorités compétentes la faculté de mettre en concurrence les contrats de service publics ferroviaires en imposant, en droit ou en fait, l’attribution directe de ce type de contrats, [et] qu’en conséquence une législation nationale qui interdirait la faculté d’attribuer par voie concurrentielle les contrats de service publics ferroviaires serait en conflit avec le règlement ». »

« Quant à la question de savoir si les dispositions de l’article 8 reportaient à la fin de la période de transition l’entrée en vigueur effective des dispositions de l’article 5, Mme Houtman, à l’époque directrice à la DG TREN, a clairement précisé que l’article 8 § 2 prévoyait l’application progressive des dispositions de l’article 5 du règlement dès l’entrée en vigueur de ce dernier, soit le 3 décembre 2004. Autrement dit, tout renouvellement de contrat de service public de transport ferroviaire postérieur à cette date est réalisé sous le régime du Règlement (CE) no 1370/2007. »

« En conclusion de ce qui précède, l’AFRA défend la thèse selon laquelle, en vertu du règlement (CE) no 1370/2007 et nonobstant les dispositions contraires du Code des transports, toute autorité compétente procédant au renouvellement d’un contrat de service public de transport ferroviaire a la faculté de procéder par voie de mise en concurrence et, partant, d’attribuer le contrat à un opérateur ferroviaire distinct de la SNCF. »

Le rapporteur ne peut que constater le sérieux de l’argumentaire qui lui a été soumis. Il ne se prononcera pas sur le fond mais il est évident que les autorités européennes abondent dans le sens d’une liberté de choix de l’autorité organisatrice et que de toute façon le monopole de la SNCF sera à terme remis en cause avec l’émergence du quatrième paquet ferroviaire.

La question reste ouverte. Le « comité Grignon », chargé de réfléchir aux modalités d’une ouverture à la concurrence des trains express régionaux (TER), devrait rendre ses conclusions après avoir recueilli l’avis des régions ; ce travail permettra sans doute d’y voir plus clair à ce propos.

Il faut en tout état de cause noter qu’aux termes du règlement obligations de service public (OSP), la France n’a pas d’obligation à libéraliser le transport ferroviaire à courte distance. Les autorités peuvent attribuer des contrats de service public de transport par chemin de fer. Il convient de rappeler que la SNCF a préconisé un cadre social harmonisé pour tous les opérateurs ferroviaires de transport régional. Elle défend, de plus, l’idée que si la SNCF devait perdre une ligne, les cheminots devraient rester attachés à leurs lignes ou activités et qu’en conséquence, ils devraient continuer de travailler pour le nouvel opérateur. A l’horizon 2015, la libéralisation du transport de voyageurs sur les lignes nationales sera peut-être rendue possible mais, en attendant il est clair qu’il ne saurait y avoir d’ouverture à la concurrence du transport régional sans que la question du devenir des personnels n’ait été réglée.

III. LES CONDITIONS DE LA REUSSITE DE L’OUVERTURE A LA CONCURRENCE

La France avance prudemment vers la libéralisation ferroviaire, pour deux raisons principales :

• Le bénéfice de l’ouverture à la concurrence du secteur du rail n’apparaît pas clairement pour l’opinion, faute d’avoir été effectivement mis en œuvre.

• Les conditions d’une concurrence équitable ne sont pas réunies en particulier en matière sociale.

Pour reprendre une expression de son Président « la SNCF est aujourd’hui lancée dans une course de vitesse(16). L’arrivée de concurrents n’est pas un débat. C’est un fait. La seule question qui se pose est de savoir si la concurrence sera loyale et équitable ».

A. Une inconnue : la question sociale

1. Le bilan dressé par la Cour des comptes

La Cour des comptes, dans son rapport public pour 2010, souligne que les « ressources humaines de la SNCF conditionnent le succès de la réforme ferroviaire engagée en France en 1997 dans la perspective de l’ouverture à la concurrence des réseaux ferrés en Europe. La gestion de ses personnels constitue en effet pour la SNCF un des principaux leviers de sa transformation interne et une des clés de son adaptation à un environnement de plus en plus concurrentiel. »

« Or, l’entreprise, en dépit de tentatives pour améliorer ses performances économiques et faire évoluer le cadre social de ses activités, est confrontée à des rigidités structurelles et réglementaires qui sont souvent des entraves au changement. En dépit d’avancées significatives pour faire évoluer tant son cadre réglementaire que son modèle social, la SNCF reste aujourd’hui soumise à des contraintes statutaires qui pèsent sur la productivité du travail, le régime de retraite des personnels et l’évolution des relations sociales au sein de l’entreprise. »

Le bilan dressé par la Cour conduit à faire quelques remarques sur la gestion sociale de la SNCF. La mise en oeuvre de la réforme des 35 heures entre 1999 et 2001 a entraîné une hausse des effectifs estimée entre 7 000 et 7 500 agents. Le surcroît d’effectifs que la réforme a entraîné représente près de la moitié du nombre des postes supprimés durant les sept exercices suivants, qui s’élève à 15 600 agents entre 2002 et 2008, soit une baisse de 8,8 %. Au 31 décembre 2008, la SNCF comptait un effectif réel de 160 693 agents.

Les personnels ont souvent une durée effective de travail inférieure à leurs obligations statutaires : « En 2008, les conducteurs de ligne travaillent effectivement 6 h 14 par jour, soit 1 h 35 de moins que la durée de travail théorique ; les conducteurs de manoeuvre travaillent 7 h 25, soit entre 20 et 35 minutes de moins ; les agents d’accompagnement de la branche Voyageurs France Europe (VFE) travaillent 6 h 13, ceux de l’activité TER, 6 h 08, soit environ 1 h 35 de moins. Au total, la durée journalière de travail effectif moyenne des conducteurs est de 6 h 22 (durée à distinguer du temps de conduite, sensiblement inférieur). S’agissant du cas particulier du RER B, ligne cogérée avec la RATP, le temps de travail effectif des agents descend même à 5 h 50 par jour »(17).

Le temps de travail des personnels de la SNCF est sensiblement inférieur à celui de leurs homologues européens. La Cour des comptes souligne en effet qu’une « une analyse comparative des heures de travail à la SNCF par rapport à celles accomplies par les personnels d’autres opérateurs ferroviaire en Europe [allemand (DB), autrichien (ÖBB), italien (CCNLFS), luxembourgeois et suisse (CFF)], fait apparaître, dans l’ensemble, une situation nettement plus favorable aux agents de la SNCF. Selon cette étude, commanditée par la SNCF, il en est ainsi pour la plupart des indicateurs : durée maximale journalière du travail effectif, amplitude de la journée de service, durée de repos journalier, durée hebdomadaire de travail, ou encore durée maximale de conduite ininterrompue. »

La SNCF pratique une politique salariale plus « généreuse » que l’Etat vis-à-vis de ses fonctionnaires (entre 2001 et 2007, les mesures générales à la SNCF ont été de +10,95 %, soit un chiffre inférieur de 0,93 % à celui de l’inflation, mais de 4,81 % supérieur à l’évolution des mesures générales en faveur des fonctionnaires).

A partir de ce constat quelques conclusions s’imposent.

Face à une concurrence de plus en plus vive, la SNCF doit améliorer sa productivité, tributaire de la durée et de l’organisation du travail, du volume des effectifs et du coût salarial et social de ses agents.

Les pouvoirs publics ne peuvent pas faire l’économie d’un dialogue social véritable qui sera dynamisé par la mise au point d’un projet de développement de la SNCF, enthousiasmant pour les personnels et soutenu financièrement par les pouvoirs publics, Etat et collectivités locales.

La SNCF est partiellement parvenue à modifier les conditions d’organisation du travail en obtenant une extension des plages horaires, par exemple la durée maximale de travail par jour pour les agents en service posté, qui avait été abaissée à 7 h 30 en 1982, a été relevée à 8 heures, ce qui a facilité l’organisation du service et a augmenté la productivité. La direction de la SNCF souhaitait étendre la mesure aux personnels roulants mais elle s’est heurtée à un ferme refus syndical et n’a pas pu accroître la durée journalière de travail de cette catégorie d’agents au-delà de 7 h 46. La Cour des comptes note que le passage négocié de 7 h 30 à 7 h 46 (en échange de 8 jours de repos supplémentaires) permet désormais d’allonger les étapes et de limiter le nombre de relais. Un agent de conduite peut ainsi maintenant faire l’aller-retour Paris-Marseille dans la journée, sans qu’il soit nécessaire de lui adjoindre un collègue pour le relayer en cours de route.

« L’un des enjeux du plan d’entreprise « Destination 2012 » est ainsi d’accélérer l’harmonisation du cadre social de la SNCF avec celui de son environnement qui est un cadre de droit commun établi, de façon conventionnelle, entre partenaires sociaux. Il s’agirait notamment de faire évoluer la réglementation applicable à la SNCF (décret du 29 décembre 1999), réglementation à la fois très détaillée dans ses modalités et de caractère contraignant. La SNCF estime que les diverses mesures réglementaires spécifiques qu’elle supporte et qu’elle n’est pas parvenue à assouplir dans ses négociations avec les syndicats ou avec les administrations de tutelle, induisent à son détriment des écarts de productivité pouvant aller jusqu’à 30 %, en particulier dans le domaine du fret. » : Cour des comptes, rapport publié en 2010.

De fait l’organisation du temps de travail dans les entreprises de transport concurrentes (comme d’ailleurs l’obligation faite depuis 2009 à toutes les entreprises du secteur d’appliquer l’accord conclu le 14 octobre 2008 entre l’Union des transports publics et ferroviaires et certaines organisations syndicales), rend de toute façon indispensable une harmonisation des règles du jeu entre la SNCF et les opérateurs privés.

2. L’analyse du rapporteur

La Cour des comptes présente les termes du débat de manière semble-t-il incontestable : La SNCF ne pourra pas lutter à armes égales avec ses concurrents, en particulier lors de l’ouverture à la concurrence du transport régional, avec un surcoût variant selon les catégories de personnel de 12 à 30 % de la masse salariale.

Le rapporteur, conscient du problème a donc auditionné les principales centrales syndicales dont les contributions annexées au présent rapport lui paraissent fort utiles. Il partage par exemple le point de vue de la CGT sur le nécessaire respect de la subsidiarité par le projet de directive (cf. IIe partie).

Il semble qu’un accord de principe existe entre les entreprises ferroviaires et les syndicats pour mettre sur pied une convention collective des « travailleurs du rail », pour reprendre l’expression du syndicat Sud.

L’AFRA l’a formalisé en des termes qui bien évidement ne peuvent pas recueillir l’assentiment de la SNCF, qui représente l’essentiel de l’activité ferroviaire française ; il est également probable qu’il serait difficile de trouver un accord avec les syndicats sur ce point :

« L’AFRA souhaite un cadre social moderne et cohérent au bénéfice de la profession ferroviaire…La proposition (de la SNCF) d’un cadrage préalable du dialogue social et d’une supervision par le gouvernement est inacceptable. Il faut donner sa chance au dialogue social comme cela a été le cas pour la convention collective du fret. »

« Le Président de la République souhaite que l’ouverture du marché ferroviaire soit réalisée dans un « cadre social harmonisé ». Le Président de la SNCF interprète cette orientation en exigeant que la négociation couvrant l’ensemble des salariés et des opérateurs du secteur se réfère aux seules règles en vigueur aujourd’hui au sein de l’opérateur historique. Il demande notamment à l’Etat de soutenir sa démarche et, ce, alors qu’aucune ouverture de marché en France, dans l’aérien, les télécoms ou l’énergie n’a été faite sous une telle contrainte ! »

« En outre, cette approche ne tient absolument pas compte des avantages dont bénéficie la SNCF dans le cadre actuel des appels d’offres : connaissance du marché, contrôle des réseaux commerciaux, maîtrise de la gestion des circulations et des gares,... Il s’agit donc pour l’entreprise publique d’obtenir un avantage supplémentaire injustifié. »

« L’AFRA souhaite que l’ouverture du transport ferroviaire à la concurrence soit, comme cela a été le cas dans d’autres pays européens, l’occasion pour le chemin de fer et le service public d’entrer dans une nouvelle ère de développement au bénéfice de toutes les parties prenantes (clients, cheminots, autorités organisatrices de transport, gestionnaire d’infrastructure et exploitants y compris l’entreprise publique). De nouveaux équilibres entre une organisation du travail performante et les compensations qui y sont attachées sont à négocier, comme cela a été le cas avec succès pour le fret. »

« Une approche qui consisterait à appliquer aux nouveaux entrants les équilibres propres à la SNCF serait la négation même du principe de concurrence. Pour l’Association Française du Rail, un tel dispositif entérinerait le modèle existant à la SNCF et ne permettrait pas de faire bénéficier les voyageurs, les collectivités locales et les comptes publics, de l’innovation commerciale et des performances opérationnelles qu’apporte la mise en concurrence des monopoles publics. »

« L’Association française du rail entend que les négociations sociales qui vont s’ouvrir au sein de l’UTP (Union des Transports Publics) aboutissent rapidement à une convention collective de branche destinée à donner un cadre social cohérent et moderne au bénéfice de la profession ferroviaire. »

Si syndicats et patronat souhaitent une convention de branche, les positions de départ, entre l’alignement de tous sur le statut des cheminots souhaitée par les syndicats et l’harmonisation minimale souhaitée par ailleurs, semblent difficilement conciliables.

La position du rapporteur peut-être synthétisée autour des points suivants :

1. Le fait que les directives européennes ne contiennent aucune disposition organisant un minimum de coordination dans les règles sociales en vigueur est profondément regrettable.

2. Un accord de branche est indispensable et constitue un préalable à toute poursuite de la politique d’ouverture à la concurrence voulue par l’Union européenne.

3. Cet accord n’a pas vocation à dupliquer le statut des salariés de la SNCF mais les dispositifs contenus dans les dispositions susceptibles d’avoir un impact sur la sécurité, en particulier le temps de travail, doivent être traités par un tel accord.

4. Comme indiqué par la CFDT : « La formation des salariés, notamment à la sécurité de l’exploitation ferroviaire, est primordiale et essentielle ; de ce point de vue, elle ne peut reposer sur des minima ».

5. Par contre l’opérateur ferroviaire doit pouvoir disposer d’une certaine latitude dans l’organisation des tâches de son personnel et cette liberté doit être respectée.

6. Le personnel de compagnies étrangères exerçant l’essentiel de son activité en France doit être soumis au droit du travail français.

B. Une nécessité : revoir la place du gestionnaire d’infrastructure

Dans un rapport particulier du 16 avril 2008, la Cour des Comptes porte le jugement suivant sur l’organisation du système ferroviaire français : « Une réforme inachevée, une stratégie incertaine ».

1. L’organisation

a) L’appréciation portée par la Cour des Comptes

Le rapporteur partage très largement le jugement de la Cour et une partie de ses recommandations sur la loi du 13 février 1997, qui a transféré à un nouvel établissement public, Réseau ferré de France (RFF), l’infrastructure ferroviaire et 20,5 Md€ de dettes de la SNCF.

« Ce bilan est doublement réservé : la réforme a certes permis de désendetter la SNCF sans endetter l’Etat dans le contexte difficile du passage à l’euro, mais au prix d’un endettement excessif de RFF qui l’a fragilisé d’emblée ; elle a certes permis de séparer le gestionnaire d’infrastructure (RFF) de l’entreprise de transport (SNCF), mais sans le doter des moyens d’exercer ses missions, faute de pouvoir faire accepter le transfert des quelque 55 000 cheminots affectés à la gestion du réseau. »

La loi a donc créé un dispositif institutionnel unique en Europe, dans lequel RFF est contraint de déléguer la plupart de ses fonctions à la branche infrastructures de la SNCF, dont il est pratiquement le seul client. La confusion des responsabilités qui en résulte crée de sérieux dysfonctionnements, par exemple lorsqu’il s’agit d’établir les horaires, d’attribuer les droits de circulation des trains (les sillons) ou de programmer les travaux.

« Ce compromis aurait pu être un facteur de progrès si l’appui de l’Etat avait permis à RFF de compenser sa faiblesse et de pleinement jouer son rôle d’aiguillon de la SNCF. Or l’Etat a souvent failli dans son rôle d’arbitre : il n’a pas su résoudre les situations de conflit (10 ans après la réforme, le patrimoine n’est toujours pas réparti entre RFF et la SNCF) ; il a plutôt accentué les tensions en obligeant RFF à équilibrer ses comptes tout en lui laissant des dettes impossibles à amortir, en lui imposant de financer des investissements non rentables et en ne prenant pas d’engagements clairs sur les subventions qu’il lui verse. Lorsqu’il a dû prendre des décisions, comme sur le barème des péages, ce fut souvent sur la base de compromis dépourvus de rationalité économique.

La réforme de 1997 a eu indéniablement des effets positifs, notamment à travers le développement d’une capacité d’expertise et de conduite des projets d’investissement extérieure à la SNCF, mais elle reste inachevée. Aussi la Cour recommande-t-elle notamment : »

une reprise par l’Etat de la dette que RFF ne pourra pas rembourser (12 à 13 Md€ sur 28 Md€ fin 2007) et qu’il porte artificiellement pour le compte de l’Etat ;

- une complète remise à plat du partage des moyens et compétences entre la SNCF et RFF ;

- un renforcement de la régulation du système ferroviaire. »

Le rapporteur partage complètement ce constat : un système où, notamment, les gares appartiennent à la SNCF et les quais à RFF lui apparaît peu lisible.

b) La position de l’AFRA (Association française du rail)

L’AFRA, qui représente des entreprises ferroviaires nouvelles entrantes sur le marché ferroviaire, est également très critique et reprend les analyses formulées par les entreprises allemandes et italiennes dont le rapporteur a auditionné les dirigeants.

Elle formule en particulier neuf propositions sur la refonte du premier paquet ferroviaire :

« Dans le but d’assurer l’équité de traitement, la transparence ainsi que la confidentialité commerciale des demandes de sillons, l’AFRA demande que :

1. les fonctions relatives à la gestion de l’infrastructure et à la répartition des sillons soient assumées en totalité par un organisme unique doté de moyens propres et sans délégation.

2. Accès aux prestations minimales / facilités essentielles pour assurer un maximum de sécurité juridique aux opérateurs et éviter toute discrimination,

3. Les conditions d’accès aux services et aux installations ainsi que leur disponibilité et les modalités de leur tarification fassent l’objet d’une publication annuelle. Ces informations doivent être soumises au contrôle ex-ante de l’autorité de régulation.

4. Le refus d’accès à une infrastructure de service ou d’un service essentiel demandé par une entreprise ferroviaire soit justifié par le gestionnaire de l’installation et soumis au contrôle ex-ante de l’autorité de régulation avant notification à l’opérateur ferroviaire.

5. L’amendement concernant l’utilisation des centres de maintenance soit modifié afin d’éviter que cette mesure ne devienne une arme anticoncurrentielle lors du renouvellement des contrats de service public.

6. L’insertion dans la liste des prestations minimales d’un « service minimum » en cas de grève pour toutes les entreprises ferroviaires. »

Pour permettre aux opérateurs de bâtir des stratégies commerciales durables avec leurs clients, l’AFRA demande que :

7. La tarification de l’infrastructure repose sur un processus transparent, dont l’évolution doit pouvoir être évaluée par les opérateurs ferroviaires.

8. Le montant des péages fasse l’objet d’une programmation pluriannuelle au-delà de l’obligation de publication des principes de tarification déjà applicable en France.

9. Afin d’éviter aux opérateurs des ruptures prolongées d’activité l’AFRA demande que le délai accordé à l’autorité de régulation pour examiner les plaintes ayant trait à des cas de discrimination dans l’accès à l’infrastructure et aux services soit réduit.

c) L’analyse du rapporteur

Le constat dressé par la Cour des comptes d’une réforme inachevée de l’organisation ferroviaire est incontestable.

• Il est regrettable que les statuts des gestionnaires d’infrastructure n’aient pas été harmonisés au niveau européen. Si en France le PDG de la SNCF est amené à critiquer la politique de RFF, son homologue allemand n’a pas à le faire puisqu’il est à la tête d’une holding qui coiffe les deux entités. Les critiques allemandes adressées à la SNCF sur ce plan nous semblent difficilement recevables du fait de l’organisation en holding de la Deutsch-Bahn.

• Le rapporteur est favorable à une véritable séparation entre les fonctions de gestion de l’infrastructure et celles d’exploitation ferroviaire, y compris les gares, à condition que ce système soit étendu à l’ensemble de l’Union européenne. La législation européenne actuelle est insuffisante pour garantir une véritable indépendance dans la gestion de l’infrastructure, socle d’une concurrence juste et optimale au niveau européen. C’est pourquoi nous devons plaider pour que la proposition de refonte du premier paquet ferroviaire inclue l’exigence d’une indépendance totale des gestionnaires d’infrastructures par rapport aux entreprises ferroviaires.

• La question des facilités essentielles (gares et ateliers) doit également être traitée au niveau européen et non être laissée à l’appréciation des Etats et des opérateurs historiques.

Le rapporteur appuie les demandes suivantes :

• Davantage de transparence et de prévisibilité pour les péages,

• Renforcement des pouvoirs du régulateur national.

Ce dernier, fraîchement installé vient d’ailleurs de demander à RFF de revoir sa copie sur la question des péages, ce qui montre une affirmation rapide des prérogatives de cette nouvelle structure.

• Mise en place d’un régulateur européen capable de traiter les problèmes européens et ayant à charge la coordination des régulateurs nationaux et la cohérence de leur jurisprudence apparaît également comme une nécessité.

La fixation du niveau des péages conditionne la compétitivité du transport ferroviaire.

Dans la situation actuelle RFF fixe le niveau des péages que doivent lui verser les opérateurs ferroviaires et dispose pour cela d’un large pouvoir d’appréciation.

La stratégie appliquée à la maintenance et au développement du réseau est incertaine. La Cour constate que les investissements de RFF sont déséquilibrés, car ils reflètent une priorité donnée de facto au développement du réseau (lignes nouvelles à grande vitesse, électrification…) plutôt qu’à son renouvellement. Ce déséquilibre est doublement critiquable : « d’une part, il conduit à privilégier des investissements de développement dont la rentabilité, pour l’ensemble de la société comme pour RFF, est insuffisamment démontrée ; d’autre part, il aboutit à ce que près de la moitié du réseau soit en mauvais état, faute de crédits suffisants, stables et bien répartis entre l’entretien et le renouvellement » (Cour des comptes, rapport public 2010).

La maintenance du réseau est aussi pénalisée par des coûts trop élevés qui tiennent en partie à une organisation inadéquate de la SNCF. « Il existe d’ailleurs, de manière plus générale, des gisements considérables d’amélioration de la productivité et des services rendus aux clients au sein de la branche infrastructure de la SNCF. Par exemple, le réseau est exploité avec environ 2000 postes d’aiguillage qui, pour un tiers, ont une technologie obsolète et sont parfois dans un état préoccupant alors qu’une grande partie des aiguillages pourraient être télécommandés par moins de 20 centres de régulation. La SNCF réalise certes des gains de productivité mais à un rythme qui parait surtout dicté par les flux de départs naturels des agents ».

La Cour des comptes recommande notamment de :

- rouvrir le débat sur l’avenir des lignes les moins fréquentées ;

- donner une priorité plus affirmée aux investissements de renouvellement sur les investissements de développement et mieux justifier ces derniers ;

- engager et mener à bien à un rythme suffisamment rapide les grands projets d’amélioration de la productivité et de la qualité du service.

2. La révision du niveau des péages

Les calculs exposés ci-dessous ont été effectués à partir des barèmes inclus dans les « Documents de référence du réseau » publiés par les gestionnaires d’infrastructure (RFF pour la France). Ils montrent comment sont calculés les péages auxquels sont assujettis les opérateurs ferroviaires. Ils indiquent qu’effectivement les péages en France sont parmi les plus élevés d’Europe. Ceci s’expliquant très largement par les charges liées au remboursement de la dette supportée par RFF.

Ils sont exprimés en euros par train-kilomètre, c’est-à-dire le montant moyen du péage pour un train effectuant un kilomètre sur un itinéraire.

Péages sur ligne à grande vitesse

L’exemple pris ici est celui de l’itinéraire Paris – Lyon, soit 433 km dont 413 km sur ligne à grande vitesse. Afin de comparer ce niveau de péage avec celui des pays voisins, on a appliqué à ce même itinéraire, les barèmes des pays voisins.

Péage pour un trajet de Paris à Lyon Part-Dieu

 

2010

2011

2012

€ / trkm

Heures normales

Heures de pointe

Heures normales

Heures de pointe

Heures normales

Heures de
pointe

France RFF

13,1

20,7

15,8

25,8

17,0

28,0

Allemagne DB Netz

14,6

14,9

15,2

Espagne ADIF

8,0

18,9

       

Belgique Infrabel

9,4

12,5

     

Italie RFI

9,5

10

       

Autres péages voyageurs

Les trains dits conventionnés, TER ou TET (Trains d’Equilibre du Territoire) seront à terme l’objet d’une mise en concurrence, sous une forme à déterminer, mais dont il est probable qu’elle sera proche d’une franchise par ligne ou par région. Dans ces conditions, le niveau du péage a un impact quasi nul car c’est toujours du financement public, soit directement au gestionnaire d’infrastructure, soit via le péage qui pourrait être ajusté à la rentabilité de la ligne.

Toutefois, on peut indiquer que le péage acquitté en 2009 pour les activités TER + Transilien ressort en moyenne à 5 € par train kilomètre, à comparer à un montant de 4 € pour les activités comparables en Allemagne, DB Regio + DB Urban.

Péages fret

Le tableau ci-dessous a été établi par la SNCF pour partie, en prenant l’exemple d’un train de 900 tonnes partant de la gare du Bourget en région parisienne, pour arriver à Rotterdam en traversant bien sûr la Belgique, circulant de nuit comme beaucoup de trains de fret et donc hors périodes de pointe. Pour l’Allemagne, on a calculé le péage qui serait du sur deux itinéraires distincts.

Comparaisons de péages Fret dans quelques pays européens entre 2009 et 2011

Pays

Itinéraire

 

2009

2010

2011

Observations

 

de

à

Nb de km

Péage

€/km

Péage

€/km

Péage

€/km

 

France

Bourget Triage

Wennehain-front

255

354 €

1,4 €

1 088 €

4,3 €

1 112 €

4,4 €

Départ à 21 heures avant subvention

Belgique

Mouscron

Essen Grens

150

303 €

2,0 €

304 €

2,0 €

311 €

2,1 €

 

Pays-Bas

Rosendael

Rotterdam Nord-Goederen

73

ND

 

190 €

2,- €

192 €

2,6 €

tarifs 2009 plus disponibles

Allemagne

Kehl

Lindau

264

627 €

2,4 €

644 €

2,4 €

657 €

2,5 €

sillon standard

Allemagne

Aachen

Bremen-Neustadt-Süd Grenze

415

1 118 €

2,7 €

1 146 €

2,8 €

1 169 €

2,8 €

 

Péage hors consommation d’énergie électrique et hors usage d’installations fret comme triages, chantiers de transport combiné.

Il importe de souligner que le calcul du péage pour des trains de fret en France est fait, avant prise en compte de la compensation par l’Etat du surcoût induit par le mode de calcul de la redevance établie par RFF à partir de 2010. La charge pour les entreprises ferroviaires est donc inférieure à l’application stricte du barème, mais en l’absence, à notre connaissance, d’accord formel de la Commission européenne à ce stade, les entreprises ferroviaires risquent de devoir, a posteriori, rembourser cette « compensation ».

3. L’état de l’infrastructure

Avec les trois initiatives que sont le Grenelle de l’Environnement, le Schéma National d’Infrastructure de Transport (SNIT) et le Plan de Rénovation du Réseau, notre pays a véritablement choisi de donner la priorité au mode ferroviaire.

Le Grenelle de l’environnement a constitué une étape majeure dans ce sens. En effet, il a, pour la première fois, clairement affiché une priorité pour les investissements orientés vers le développement durable, notamment, ceux concernant les d’infrastructures de transport. Le rééquilibrage voulu entre les modes de transport (la route restant quoi qu’il en soit très largement le mode de transport majoritaire) repose sur un consensus politique et socioculturel indiscutable entre les partis politiques, consensus qui constitue la base d’une action publique volontariste en faveur des modes de transports alternatifs.

Après un demi siècle d’investissements axés sur la grande vitesse, le réseau ferroviaire français n’est pas aujourd’hui en état de relayer la volonté des pouvoirs publics de privilégier ce mode de transport.

Une condition absolument indispensable, mais dont on parle peu pour que la concurrence puisse se développer harmonieusement, est liée à l’état de l’infrastructure. En effet il n’est pas possible de faire rouler des trains supplémentaires sur des lignes ferroviaires déjà saturées à des horaires convenant aux opérateurs. Aussi la France est-elle aujourd’hui engagée dans un programme d’investissements sans précédent dans ses infrastructures ferroviaires, depuis l’après-guerre, en particulier dans le domaine du fret où l’Etat vient de décider d’investir 7 milliards d’euros pour construire un nouveau réseau.

La dégradation du réseau concerne surtout les 13 600 km de lignes les moins fréquentées (46 % du total) qui ne supportent que 6 % du trafic. Le ralentissement des convois et un entretien coûteux ont jusque là permis de maintenir la sécurité des circulations, mais la régularité des trains en souffre déjà.

L’avenir de ces lignes est lié au maintien d’un minimum de trafic, car la diminution du trafic conduit Etat, RFF et la SNCF à délaisser ces lignes à faible trafic. Peut-être qu’elles seront un jour fermées ou reprises par les régions, mais leur avenir n’a pas été sérieusement débattu depuis longtemps. Leur maintien en activité est pourtant coûteux et n’est même pas toujours justifié d’un strict point de vue environnemental. Un plan de rénovation du réseau a certes été lancé en 2006 mais son financement n’est pas complètement assuré et les premiers résultats sont décevants.

La publication du Rapport Rivier de l’Ecole polytechnique ferroviaire de Lausanne en 2006 a conduit à une prise de conscience de la dégradation du réseau et à la mise en œuvre d’un plan de rénovation focalisé sur l’objectif de stopper le vieillissement du réseau ferré.

En 2004, le nombre de kilomètres de voies rénovées chaque année était tombé à 450 – soit seulement 1,5 % de l’ensemble du réseau – ce qui conduisait progressivement à la fermeture de 70 % de ce même réseau à l’horizon 2020. Il fallait donc consentir un effort considérable pour pouvoir inverser cette tendance.

L’Etat va plus que doubler le rythme de rénovation de son réseau, passant ainsi de 400 km par an à près de 900 km, pour un investissement total de 13 milliards d’euros.

Nous revenons ainsi à notre plus haut niveau historique avec comme objectifs, plus de sécurité, plus de fiabilité et plus de compétitivité.

L’apport du Grenelle de l’environnement :

L’objectif est d’augmenter de 25 % d’ici 2012 la part du fret non routier. En particulier, le transport combiné représente aujourd’hui le segment de fret ferroviaire le plus dynamique : l’objectif est d’en doubler le trafic d’ici 2012, grâce à des aménagements du réseau ferré national :

« Les deux principaux axes Nord-Sud du réseau seront aménagés afin de permettre la circulation de trains longs d’au moins mille mètres ».

« Un réseau d’autoroutes ferroviaires à haute fréquence sera développé pour offrir une alternative performante aux transports routiers à longue distance, notamment pour les trafics de transit. »

« La création d’opérateurs ferroviaires de proximité sera encouragée afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire de wagons isolés. La faculté de réserver des sillons sera donnée aux opérateurs de transport combiné. »

« Les projets innovants, comme les projets de fret à grande vitesse, seront encouragés par des dispositifs spécifiques » (source : Loi Grenelle 1 (art. 10, § 2)).

Le transport de passagers

En matière de transport de passagers, la loi Grenelle 1 organise « un système de transport intégré et multimodal privilégiant les transports ferroviaires dans leur domaine de pertinence » (art. 11, § 1).

La loi Grenelle 1 propose aussi des moyens pour assurer le report du transport de voyageurs vers le ferroviaire :

« Le maillage du territoire par des lignes ferrées à grande vitesse sera poursuivi, non seulement pour relier les capitales régionales à Paris mais aussi pour les relier entre elles et assurer la connexion du réseau français au réseau européen » .

« La réalisation de 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse sera lancée d’ici 2020 () L’Etat contribuera, à hauteur de 16 milliards d’euros, au financement de ce programme d’investissements. ».

« Un programme supplémentaire de 2 500 kilomètres sera défini dans une perspective de long terme.

« La connexion des grandes plates-formes aéroportuaires avec le réseau ferroviaire à grande vitesse sera améliorée ». (Source : art 11, § 2 de la loi Grenelle 1).

IV. LA NECESSITE D’UNE POLITIQUE EQUILIBREE

L’augmentation prévisible du trafic ne pourra pas à l’avenir être supportée par la route, notamment pour des raisons de congestion de pollution et de sécurité.

L’accélération de la mobilité des voyageurs entre 1970 et les années 2000 s’est traduite par une multiplication par quatre du trafic routier et par 0,5 du transport de passagers par le rail. De même dans le transport de marchandises nous sommes passés d’un trafic routier de 123,9 Gt.km en 1983 à 260,3 en 1999 mais, à l’inverse du mouvement enregistré pour les voyageurs, le transport ferroviaire de marchandise a connu un déclin en valeur relative et absolue puisque nous sommes passés de 74 milliards de tonnes-km en 1974 à 44 en 2006.

Le déclin global du transport ferré doit être nuancé s’agissant des voyageurs, car le développement de la clientèle sur les lignes à grande vitesse a pu contribuer à masquer certains problèmes, au premier rang desquels l’état dégradé du réseau, qui limite drastiquement les possibilités d’intervention de la concurrence.

Sur de longues distances, le ferroviaire doit être privilégié pour des raisons d’environnement, mais également de sécurité routière. Les poids lourds ne sont pas plus « accidentogènes » que les véhicules légers (ils représentent 5 % du volume de trafic et sont impliqués dans 5,3 % des accidents corporels). Mais leur masse peut expliquer une plus grande gravité des accidents dans lesquels ils sont impliqués : 1 032 personnes ont été tuées en 1999 dans des accidents impliquant au moins un poids lourd, soit 12,9 % du total des tués par accident de la circulation.

Il ne pourra toutefois se développer que dans le cadre d’une politique globale qui à coté de l’ouverture à la concurrence est capable de s’exprimer de manière plus volontariste.

A. La difficulté de l’ouverture à la concurrence

1. Les craintes suscitées

L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire consiste en une évolution majeure tant culturellement que fonctionnellement, pour cette raison elle ne peut pas s’opérer rapidement, car les entreprises historiques étaient des entreprises intégrées ; la séparation de la gestion du réseau et de l’exploitation ne se fait pas sans résistances.

a) Une politique européenne privilégiant la concurrence

A l’étranger, les questions relatives à la concurrence dominent toujours l’actualité ferroviaire : en Allemagne, la Cour fédérale vient de trancher un débat juridique en décidant que les régions et autorités organisatrices ne pourraient attribuer l’exploitation de lignes de proximité qu’après un appel d’offres européen ; en Pologne, la société de transport de fret PKP Cargo devrait être privatisée dès cette année, mais pas sa grande soeur dédiée au transport de voyageurs, PKP Intercity, qui doit d’abord redresser son image.

Dans leurs contributions, les syndicats de la SNCF synthétisent parfaitement les craintes des salariés mais également des clients devant la politique européenne.

L’UNSA nous indique qu’elle « a toujours exprimé son ambition de voir se construire une Europe sociale et solidaire capable de constituer, pour les salariés européens, un bouclier efficace face aux dangers de la mondialisation de l’économie. Pour l’UNSA-Cheminots, nous constatons un déséquilibre entre la construction à marche forcée du marché unique et les retards accumulés dans l’élaboration de l’Europe sociale. Elle se traduit pour les cheminots SNCF par une pression constante visant à remettre en cause les acquis sociaux, et pour les salariés des nouveaux entrants, par des conditions de travail difficiles et une convention collective à minima. »

« D’autant que le risque de voir une dégradation de la sécurité des usagers et des salariés semble se préciser. »

b) Des résultats inattendus

(1) La situation catastrophique du fret et l’abandon de l’activité wagon isolé

Alors que sur de courtes et moyennes distances, la route reste un moyen de transport bien adapté, le transport de fret ferroviaire est surtout pertinent sur de longues distances. Il a donc vocation à se développer à l’échelle européenne. C’est pourquoi la mise en place, préconisée par la France, d’un réseau européen de fret ferroviaire et d’une harmonisation des conditions économiques et sociales constituent la première étape d’un processus qu’il est désormais nécessaire d’accélérer. L’accord récemment intervenu sur les trois projets de directives du paquet ferroviaire constitue un pas important dans cette direction.

Le rapporteur partage assez largement le bilan de la situation du fret dressé par l’UNSA.

« En ce qui concerne le ferroviaire, nous avons déjà l’exemple du fret, progressivement ouvert depuis 2003, nous avons déjà un recul nécessaire pour en tirer les premiers enseignements. Bien que la différence entre le marché ouvert du fret et le marché conventionné ne permette pas une comparaison en tous points, nous pouvons constater que la concurrence se positionne plus sur des enjeux stratégiques que sur une volonté économique. »

« En effet, à ce jour, la première Entreprise Ferroviaire (EF), non SNCF, n’est pas en mesure d’équilibrer ses comptes et ne survit que grâce à des fonds issus d’une EF étrangère cherchant coûte que coûte à s’implanter sur le marché français. Un plan social est à craindre dans cette entreprise. »

« Un deuxième opérateur, bien connu sur les marchés conventionnés, a choisi le fret pour démontrer ses compétences dans le domaine ferroviaire. En définitive, cette entreprise a préféré se séparer de son secteur fret. »

« Sur ce point, le constat est sans appel. Les nouveaux entrants, malgré un positionnement sur les niches (trains complets) les plus favorables, ne sont pas en capacité de dégager un résultat positif dans cette activité. Par ailleurs, l’entreprise historique se voyant privée de ses marchés les plus rentables est également contrainte à réduire son offre pour chercher à équilibrer ses comptes. »

« Après près de sept ans d’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, la réalité économique pousse les chargeurs à privilégier le mode routier. Avec 22 MTK budgétés, le tonnage transporté par fret SNCF sera le plus faible depuis des décennies. ».

(2) Une amélioration sans mise en concurrence : les TER

Depuis la régionalisation et le conventionnement des TER, dans quelques régions expérimentales dans un premier temps, puis généralisées depuis 2000, le transfert de compétences aux AOT (Autorités Organisatrices des Transports) a permis une rationalisation et une amélioration importante de la productivité de cette activité. De nombreuses régions ont mis en œuvre un cadencement développant sensiblement l’offre, en apportant une réelle plus-value au usager, le TER est devenu un outil incontournable et performant de l’aménagement du territoire.

Il est paradoxal de constater que cette amélioration ne s’est pas faite par l’ouverture à la concurrence mais par délégation de l’Etat.

En Allemagne les subventions des Länder aux entreprises ferroviaires atteignent 20 milliards d’euros et la concurrence s’est positionnée sur ce créneau extrêmement rentable. Il en sera probablement de même en France.

En effet si la grande vitesse est emblématique, elle nécessite des investissements très élevés pour une rentabilité aléatoire ce qui n’est pas le cas du transport régional. Cet enjeu sera au centre des discutions européennes car un certain nombre de pays ont déjà ouvert leur marché, au moins en droit.

c) La réticence des Etats européens à s’ouvrir à la concurrence

Le rapporteur s’est rendu en Allemagne et en Italie et il a pu mesurer que si ces pays accusaient facilement notre pays de protectionnisme, ils n’étaient pas eux-mêmes au-dessus de toute critique en termes d’ouverture à la concurrence. Par exemple l’établissement allemand chargé de la sécurité ferroviaire se montre souvent extrêmement tatillon et exige des modifications substantielles, par exemple au niveau des freins, sur des matériels français qui circulent partout en Europe depuis plusieurs années.

(1) L’exigence de la sécurité

Pourtant la question de la sécurité du système ferroviaire demeure essentielle. Elle a partout reposé sur un fonctionnement intégré à l’entreprise historique mais aujourd’hui l’architecture du système de sécurité ferroviaire tend à s’éclater. L’empilement de structures, entreprises ferroviaires françaises ou européennes multiples, RFF, ARAF, agence européenne des transports, ne semble pas constituer une garantie face aux enjeux de la sécurité des circulations.

Ce point de vue est partagé par M. Guillaume PEPY, président de la SNCF, qui dans un courrier daté du 8 novembre 2010, informe le Secrétaire d’Etat aux transports de ses craintes sur l’architecture de la sécurité ferroviaire (cf. annexe no 3).

Il nous semble que l’Agence européenne de sécurité ferroviaire, située à Valenciennes, devrait jouer un rôle majeur en particulier en élaborant un système de certification unique valable sur l’Europe entière car aujourd’hui il faut deux licences pour faire circuler du matériel, une européenne et une nationale.

L’agence européenne de sécurité ferroviaire

L’Agence ferroviaire européenne (en anglais European Railway Agency (ERA)) est une agence communautaire créée le 29 avril 2004 par un règlement du Parlement européen et du Conseil faisant partie du 2ème paquet ferroviaire. Elle a une double mission dans les domaines de la sécurité et de l’interopérabilité ferroviaire.

Cet organisme dont le siège est situé à Valenciennes mais tient ses réunions et conférences internationales à Lille emploie une centaine de personnes pour un budget évalué à environ 14,5 millions d’euros par an.

Elle a pour tâche principale de rapprocher les règles techniques et les règles de sécurité nationales des pays membres de l’union car l’incompatibilité entre les réseaux est une source de limitation du développement des chemins de fer en Europe. Son objectif est d’établir progressivement des règles de sécurité communes à tous les réseaux européens pour aider à la création d’un marché ferroviaire véritablement intégré, capable d’être compétitif avec les autres modes de transport, tout en conservant son niveau élevé de sécurité.

(2) L’exemple d’Eurostar

L’exemple de la commande par Eurostar de trains allemands ICE pour circuler dans le tunnel sous la Manche illustre notre propos.

Eurostar a annoncé que Siemens avait été préféré à Alsthom pour remplacer les rames TGV actuellement en service entre Paris et Londres. Ce contrat représente 800 millions d’euros, pour l’achat de dix rames ICE.

Sachant qu’Eurostar est une filiale à 55 % de la SNCF, cette annonce a surpris, d’autant que les normes actuellement en vigueur dans le tunnel sous la Manche ne permettent pas à aux rames ICE de circuler.

En effet, seules peuvent circuler de très grandes rames sécables de 400 mètres de long, motorisées aux extrémités, combinées avec des refuges tous les 375 mètres afin de favoriser les éventuelles évacuations. Comme l’a indiqué devant notre commission M. Dominique Bussereau, ministre des transports, lors de son audition le 20 octobre dernier, « la volonté d’Eurostar d’acquérir de nouvelles rames est tout à fait compréhensible, mais il faut tenir compte des enseignements des trois accidents survenus dans ce tunnel en matière d’évacuation des personnes car la catastrophe du tunnel du Mont Blanc a montré que le risque d’asphyxie était la question essentielle. Les rames de 200 mètres de long à motorisation répartie le long du convoi posent donc des problèmes de sécurité ; on ne peut pas faire marcher les gens sur 200 mètres dans un tunnel. L’autre problème concerne la motorisation répartie qui ne permet pas de redémarrer avec la motrice de tête ou de queue en cas d’incident sur une motrice. »

« Eurostar a fait une erreur d’annoncer la commande de telles rames sans tenir compte du fait que de nouvelles normes de sécurité n’étaient pas encore établies, sur lesquelles il faut maintenant travailler. »

Le 3 décembre dernier, la Commission intergouvernementale, qui doit se prononcer sur la mise en œuvre de nouvelles règles permettant à des trains à motorisation réparties d’emprunter le tunnel sous la Manche, n’est pas parvenue à un accord, la partie britannique refusant la demande française d’études complémentaires.

Malgré ce fait, Eurostar et le conglomérat industriel allemand Siemens ont paraphé, vendredi 4 décembre 2010, le contrat portant sur dix trains à grande vitesse.

L’attitude d’Eurostar traduit une pression illégitime de la part d’une société, filiale d’une entreprise publique française, vis-à-vis du Gouvernement français, dont la fermeté ne peut qu’être approuvée.

Par ailleurs, la Commission européenne, a été saisie par Alstom d’une contestation de l’appel d’offres d’Eurostar s’appuyant sur le fait que ce dernier aurait été rédigé par le même consultant que Siemens. Cette demande a donné lieu à une enquête, qui est en cours. Il n’est pas convenable aux yeux de votre rapporteur que la Société Eurostar ait conclu ce contrat sans attendre la décision gouvernementale de modification des règles de sécurité.

C’est pourquoi votre rapporteur a proposé à la Commission des affaires européennes d’adopter des conclusions demandant au gouvernement français de refuser d’engager toute discussion sur la modification des règles de sécurité du tunnel sous la Manche, tant que le contrat conclu par la société Eurostar n’aura pas été rapporté et que l’enquête diligentée par la Commission européenne n’aura pas abouti. Il n’est pas correct qu’une société privée mette ainsi les gouvernements devant le fait accompli, surtout lorsque la sécurité est en question.

Conclusions adoptées par la Commission des affaires européennes
le 12 octobre 2010

« La Commission des affaires européennes,

Considérant que la société Eurostar a conclu un contrat pour l’achat de rames de trains à grande vitesse d’un modèle qui n’est pas autorisé à emprunter le tunnel sous la Manche,

Considérant que cette décision traduit une volonté de pression sur les Etats en charge de la sécurité dans le tunnel sous la Manche,

Considérant que ce contrat a fait l’objet d’une contestation devant la Commission européenne,

Considérant que la société Eurostar n’a pas attendu les conclusions de la Commission européenne avant de parapher le contrat définitif,

Demande au gouvernement français de rejeter l’examen de toute demande visant à autoriser le matériel en cause à emprunter le tunnel sous la Manche tant que le contrat concerné n’aura pas été rapporté. »

d) Un impératif de prudence pour la réforme du « premier paquet ferroviaire »

(1) Les réserves françaises

Les autorités françaises soutiennent les objectifs du projet de révision du premier paquet ferroviaire. Il devrait conduire à une clarification des modalités de mise en œuvre de la libéralisation du secteur ferroviaire en Europe. Néanmoins, s’agissant du thème relatif au financement et à la tarification de l’infrastructure ferroviaire, qui a fait l’objet des premiers travaux au Conseil lors de la présidence belge, les autorités françaises ont exprimé les positions suivantes.

Concernant l’adoption d’un « plan d’entreprise » par le gestionnaire de l’infrastructure (article 8 § 3), elles ont soutenu cette disposition à condition qu’elle ne s’applique pas aux gestionnaires de l’infrastructure gérant les réseaux locaux ou privés (Source : proposition de directive sur la refonte du secteur ferroviaire européen unique).

S’agissant de la conclusion de contrats pluriannuels (article 30) prévus entre l’État et le gestionnaire de l’infrastructure et précisant les modalités de financement de ce dernier sur une période sur une période de 5 ans, destinées à imposer le « transfert » d’une partie significative de la diminution des coûts de gestion de l’infrastructure en réduction des charges d’infrastructure, les autorités françaises s’interrogent sur la durée de 5 ans et la notion de rétrocession d’une partie « significative » du gain de productivité du gestionnaire de l’infrastructure aux entreprises ferroviaires, qui empêcherait l’État de diminuer son déficit budgétaire.

En effet, votre rapporteur note qu’il manque aujourd’hui environ un milliard d’euros chaque année au système ferroviaire pour équilibrer ses comptes. Il convient à terme à ses yeux que chaque mode de transport puisse s’autofinancer, investissements compris et il ne serait pas sain de graver dans le marbre que l’exploitation ferroviaire n’aurait pas à assumer le coût d’investissement de ses infrastructures. Une telle disposition pourrait être interprétée en ce sens. En outre, on ne voit pas au nom de quel principe on interdirait aux Etats la perspective très aléatoire de pouvoir récupérer un jour une partie des financements apportés au secteur ferroviaire.

Les autorités françaises ont soutenu les dispositions relatives aux méthodes coordonnées concernant la tarification de l’infrastructure ferroviaire des sillons internationaux (article 29 § 2 et 37).

Concernant le rôle du régulateur (article 55) les autorités françaises ont estimé que le rôle du régulateur devrait rester celui, prévu actuellement par les textes, de garant d’un accès non discriminatoire au réseau.

La question de la séparation des fonctions n’a pas encore fait l’objet d’un débat. Lorsque celui-ci interviendra la France rappellera que la séparation stricte entre gestionnaire d’infrastructure et entreprise ferroviaire constitue un préalable incontournable du projet avant toute ouverture du transport intérieur de voyageurs. En effet, les formules allemandes où le président d’une société holding préside conjointement l’opérateur historique et le gestionnaire d’infrastructure ne semble pas satisfaisant pour votre rapporteur car même s’il existe des barrières juridiques solides, il est évident que les questions stratégiques essentielles sont franchies dans le sens voulu par la Deutsche Bahn.

La SNCF qui doit faire face à une situation différente qui conduit RFF à prendre des décisions n’allant pas dans le sens qu’elle souhaite, est incontestablement pénalisée par ce fait.

(2) Des Etats membres divisés

Le Parlement européen a indiqué dans sa résolution du 12 juillet 2007, que l’application intégrale du premier paquet ferroviaire était une priorité absolue.

Le 17 juin 2010, le Parlement européen a adopté une nouvelle résolution sur la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire visant à rappeler son attachement à ce dossier, et a été à l’initiative de la demande à la Commission de révision du premier paquet. Il a, ainsi, invité la Commission à traiter en priorité, lors de cette révision, des problèmes de l’indépendance des gestionnaires d’infrastructure, de l’insuffisance des ressources et des pouvoirs dont disposent les organismes de réglementation, et à proposer des principes de tarification de l’accès à l’infrastructure aptes à stimuler les investissements publics et privés dans le secteur ferroviaire.

La présidence belge a engagé les travaux au Conseil sur ce texte, sans s’être fixé d’objectif de calendrier particulier. Un débat d’orientation relatif au rapport sur l’état d’avancement des travaux s’est tenu au Conseil des 2 et 3 décembre 2010. La présidence avait décidé d’organiser ce débat afin d’approfondir trois questions clefs du projet de refonte : la nécessité de se doter d’une stratégie de développement des infrastructures, la prise en compte du bruit dans la tarification ferroviaire et la modulation des redevances en fonction du déploiement du système européen de contrôle des trains (ETCS). Ces trois sujets n’ont pas fait l’objet de consensus et il en ressort que les débats sur la révision du premier paquet ferroviaire s’annoncent difficiles sous la présidence hongroise compte tenu des réticences de nombre de délégations sur plusieurs points. La présidence hongroise a d’ailleurs indiqué vouloir tenir, durant la présidence, une réunion par semaine sur le projet de refonte, sans pour autant annoncer d’ambitions particulières à ce stade.

e) La question de la subsidiarité et de la proportionnalité

(1) Le point de vue de la CGT

La CGT a saisi le rapporteur de la demande suivante qui a trait au contrôle de proportionnalité.

« Le Traité de Lisbonne a donné de nouvelles prérogatives aux parlements nationaux, notamment en ce qui concerne le contrôle du respect du principe de subsidiarité (….).

C’est dans ce nouvel environnement et dans le cadre des travaux menés au niveau communautaire et au niveau national sur la proposition de refonte du premier paquet ferroviaire intitulé « Espace ferroviaire unique européen », que la Fédération CGT des Cheminots tenait à vous faire part de son analyse et de ses observations sur le projet précité (…).

« A cet effet, la Fédération CGT des Cheminots tient à attirer votre attention sur plusieurs points de cette proposition.

« Ainsi, au prétexte de fixer des exigences en matière de coûts et de redevance en rapport avec l’infrastructure, la commission demande la mise en place d’un système d’amélioration des performances prenant en compte et classant les retards en plusieurs catégories. »

« L’une d’entre‐elles ne serait affectée ni au gestionnaire d’infrastructure, ni aux entreprises ferroviaires, mais conduirait les Etats membres à fixer des critères de service minimum en cas de grève, sur un périmètre d’ailleurs susceptible d’évoluer au gré des techniciens de Bruxelles. »

« C’est au détour de l’annexe VIII que la Commission engage cette initiative, paraissant faire fi des dispositions nationales réglant le droit de grève ; dispositions fondées sur une valorisation du dialogue social. »

« Si cette lecture venait à être confirmée, cette initiative se situerait hors du champ de compétence de la commission. En effet, l’article 153‐3 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne prévoit l’exclusion de toute initiative communautaire sur cette dimension, ainsi que sur le droit d’association, le droit de lock out et les rémunérations. »

« Celle‐ci remettrait d’autre part en cause le respect des principes de la Charte des Droits fondamentaux pourtant intégrés dans le Traité de Lisbonne. »

« Un autre point concerne l’utilisation de la procédure des actes délégués prévu par le Traité de Lisbonne et rédigé comme suit : »

… Par ce biais, la commission se réserve la possibilité de statuer sur l’organisation du secteur en agissant sur le contenu des annexes et la répartition des différentes parties au sein de celles‐ci, sans passer par le Parlement européen et le Conseil, mais en s’appuyant sur un accord interinstitutionnel entre la commission, le Parlement et le Conseil dont le contenu est encore à négocier.

Il nous semble opportun de rappeler que l’article 91 du Traité sur l’Union européenne prévoit l’application de la procédure législative ordinaire pour les transports.

« De même, les termes des Traités successifs définissent les transports comme une compétence partagée entre les Etats membres et la Commission.

En l’espèce, l’initiative de la Commission, assimilable à une prise de pouvoir unilatérale, ne nous semble pas respecter les dispositions précitées. »

« Le sujet est d’autant plus important que la Commission en porte application pour l’accessibilité des installations de services (Ateliers de maintenance gares, …), les exigences en terme de capacité financière, le contenu du document de référence du réseau, les principes de base et paramètres des contrats passés entre les autorités compétentes et les gestionnaires d’infrastructures, les exigences en matière de coûts et de redevances en rapport avec l’infrastructure ferroviaire, l’organisme de contrôle et les comptes réglementaires à lui soumettre. »

« Si cette disposition venait à être validée, la Commission aurait tout loisir de revoir le contenu et la répartition des différentes missions au titre des services à fournir aux entreprises ferroviaires au titre des prestations minimales, des prestations complémentaires et des prestations connexes. »

« Enfin, au travers du dernier alinéa de l’article 5 de sa proposition, la commission use d’une rédaction très alambiquée, qui n’apporte aucune amélioration aux dispositions actuelles mais est de nature à remettre en cause le statut d’Etablissement Public Industriel et Commercial de la SNCF. »

« La Fédération CGT des Cheminots y voit une mise sous contrainte des pouvoirs publics sur les orientations stratégiques de l’opérateur public et une mise en accusation de la gestion publique par rapport à la gestion privée qui ignore les origines de la crise financière et économique actuelle. »

(2) L’analyse du rapporteur

Depuis longtemps, le rapporteur est réservé sur l’intervention des actes délégués ou de la comitologie. Il lui apparaît effectivement que les questions sociales qui sont essentielles dans le domaine du rail ne sauraient être traités par cette voie.

Il est clair que le contenu des annexes ne doit comporter que des décisions techniques sans incidences directes sur la gestion des sociétés ferroviaires dans le domaine social ou sur le choix du statut de la SNCF.

Afin de lever toute ambiguïté sur ces points, le rapporteur vous proposera d’adopter une résolution en ce sens.

B. Les politiques structurantes

1. La révision de la politique du Réseau transeuropéen de transports (RTE-T)

L’harmonisation, la jonction et le développement des infrastructures à l’échelle du continent européen sont apparus comme les instruments clés pour permettre la circulation des marchandises et des personnes et renforcer la cohésion économique et sociale et territoriale de l’Union européenne. L’instrument retenu pour poursuivre cet objectif a été celui du Réseau Trans-Européen de Transport (RTE-T), destiné à réaliser l’interconnexion nécessaire entre les systèmes nationaux.

Au début des années 1990, divers Conseils européens ont adopté les premiers schémas de transport européen, lignes ferroviaires à grande vitesse, transport combiné, autoroutes, voies navigables. Par la suite, en 1994, le Conseil européen d’Essen a donné une impulsion particulière pour quatorze grands projets dont quatre lignes à grande vitesse concernant la France :

1. La ligne Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres, très largement réalisée) ;

2. La ligne Sud Europe Madrid-Barcelone-Perpignan-Montpellier-Madrid-Vito-ria-Dax, dont le tunnel Perpignan-Figueras, aujourd’hui achevé ;

3. La ligne EST Europe Paris-Metz-Strasbourg-Karlsruhe, Metz-Saarbrücken-Manhein et Metz-Luxembourg, très largement réalisée pour la partie française ;

4. La ligne à grande vitesse et de transport combiné Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste, actuellement en cours d’étude.

Sur proposition de la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil ont adopté en 1996 les orientations pour le développement du RTE-T qui ont défini les objectifs assignés au réseau et les modalités de l’action communautaire. La liste des projets retenus au Conseil européen d’Essen a été annexée à ces orientations.

En prévision des élargissements de 2004 et de 2007 et afin de donner une nouvelle impulsion à la mise en œuvre du RTE-T, notamment dans le cadre des orientations du Livre blanc sur les transports, le Parlement et le Conseil ont adopté le 30 avril 2004, une décision révisant les orientations de 1996 pour le développement du RTE-T en portant à trente le nombre de projets prioritaires déclarés d’intérêt européen pour une réalisation à l’horizon de 2020.

Pour la France, aux quatre projets français mentionnés précédemment ont été ajoutés la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône dont un premier tronçon est en cours de réalisation, la liaison fluviale Seine-Nord actuellement en cours d’études, les autoroutes de la mer Atlantique et Méditerranée et la perspective d’une troisième traversée ferroviaire des Pyrénées.

Cette décision de 2004 a fixé la date de 2010 comme échéance pour une nouvelle révision destinée à faire le point sur les projets prioritaires.

Le RTE-T s’est fortement dilué, puisqu’il concerne aujourd’hui près de la moitié du trafic total de marchandises et de passagers dans l’Union européenne. Des progrès significatifs ont été réalisés tant en matière d’interopérabilité ferroviaire qu’en ce qui concerne la réalisation des maillons manquants. Quelques-uns des projets dits « d’Essen » sont aujourd’hui achevés, comme la liaison fixe entre le Danemark et la Suède, le réseau ferroviaire à grande vitesse entre Londres, Paris et Bruxelles et ses prolongements vers Cologne et Amsterdam, la ligne ferroviaire à grande vitesse Paris-Strasbourg ou les liaisons ferroviaires trans­pyrénéennes, avec la construction achevée du tunnel Perpignan-Figueras.

Cependant, beaucoup reste encore à faire d’ici 2020, notamment pour les projets prioritaires, en particulier pour les projets techniquement difficiles ou particulièrement coûteux, comme la réalisation des grands tunnels, des ponts pour le franchissement de massifs montagneux ou de bras de mer, ou pour résorber les goulets d’étranglement qui gênent le développement du fret ferroviaire ou de la navigation fluviale.

La principale difficulté de mise en œuvre du réseau tient aux difficultés de financement au moment où les efforts de convergence des politiques économiques et financières des Etats membres, dans le cadre de la réalisation de l’Union économique et monétaire, impliquent une politique de rigueur budgétaire. La Commission estime ainsi que, pour l’ensemble du réseau, les investissements à réaliser s’élèveraient à environ 500 milliards d’euros, ce qui apparaît difficile, pour ne pas dire hors de portée.

a) La révision prévue en 2010

La Commission a publié le 4 février 2009 un Livre vert sur l’avenir de la politique du RTE-T qui constitue la première étape du processus de révision qui aurait dû intervenir en 2010. Dans ce document, elle avance trois grandes options. La première consiste à poursuivre les orientations actuelles combinant un réseau global et des projets prioritaires. La seconde, tirant parti de la réalisation des projets prioritaires, vise à recentrer la politique du RTE-T sur ce réseau « prioritaire ». Dans la troisième, la Commission propose de maintenir le réseau global, tout en reconnaissant un réseau « prioritaire » et un réseau dit « virtuel théorique » dans les divers modes de transport.

A l’initiative de la présidence tchèque, le Conseil des ministres du 11 juin 2009 avait adopté des conclusions, sur la base du Livre vert de la Commission, dans lesquelles il soutient l’idée de la mise en place d’un réseau prioritaire tout en invitant la Commission à achever les 30 projets déjà existants et préconise leur maintien en tant que base de référence pour toute une série de mesures législatives dans le secteur du transport.

La présidence hongroise a exprimé son intention de poursuivre les travaux relatifs à la révision des orientations et à la méthodologie visant à parvenir à un réseau européen intégré de transport. Elle veillera en particulier à accorder une place à tous les moyens de transport, y compris les ports maritimes et intérieurs, et les zones environnantes qui doivent être intégrées dans le Réseau Trans­Européen de Transport. Elle a prévu, à cet effet, de centrer une réunion informelle des ministres des transports sur cette politique.

La Commission, de son coté, envisage de lancer les travaux de définition du réseau central dès les premiers mois de 2011 et de préparer sa proposition de révision de la Décision du Parlement et du Conseil fixant les orientations pour le développement du RTE-T, fondamental pour l’infrastructure ferroviaire.

Cette question est essentielle car aujourd’hui le développement du transport ferroviaire, en particulier du fret, doit reposer sur une chaîne logistique où les ports jouent un rôle essentiel.

b) Les enjeux pour la France

Dans leur réponse au Livre Vert, les autorités françaises ont rappelé que, bénéficiant du financement RTE-T pour plusieurs des projets d’infrastructure structurants, elles souhaitent maintenir ce financement. Mais, elles estiment que le système actuel est perfectible, en termes de prise en compte du système global de transport et d’une plus grande valorisation des nœuds d’interconnexion, comme les ports maritimes ou intérieurs.

Elles ont suggéré d’accélérer les projets prioritaires, plutôt que les « projets d’intérêt commun », dont la plus-value apparaît limitée au regard des rapport aux objectifs initiaux de la politique des RTE-T. Enfin, elles ont souligné la nécessité de développer plus rapidement les systèmes de transport intelligents, et de simplifier et de globaliser les modes de financements des projets prioritaires.

Les autorités françaises ont manifesté leur intérêt à la poursuite des travaux, mais ont rappelé à la Commission qu’elles attendent que les Etats membres soient très étroitement associés à la définition du réseau.

c) La position de la présidence hongroise, des Etats membres et du Parlement européen

Le Parlement européen a présenté un avis le 3 avril 2009 sur le Livre Vert de la Commission, qui souligne, entre autres, la nécessité d’avoir une approche plus intégrée, reflétant les besoins de liaisons intermodales, et donnant la priorité aux chemins de fer, aux ports, et aux voies navigables, et à leur liaison avec l’arrière pays ou des nœuds intermodaux. Il souligne également la nécessité de prendre en compte la protection du climat, et de respecter les objectifs communautaires de réduction d’émission de CO2. Il invite enfin la Commission à intensifier ses efforts, afin de mieux coordonner sur le plan communautaire le développement territorial (Agenda territorial de l’Union européenne et principe de la cohésion territoriale) et la planification des transports.

La commission du développement régional a également rendu un avis, le 13 février 2009, dans lequel elle a insisté sur la nécessité d’une meilleure coordination de la politique des transports et du développement régional afin d’améliorer l’efficacité de la contribution des Fonds structurels, en particulier du Fonds de cohésion, aux objectifs de la politique RTE-T. Le RTE-T est invité à contribuer à la politique de cohésion au titre du développement équilibré et à la réduction des disparités territoriales.

2. Les systèmes de transport intelligents (STI)

Le secteur ferroviaire connaît beaucoup de pesanteurs protectionnistes et un matériel homologué en France ne l’est pas nécessairement en Allemagne. Il est donc extrêmement important de poursuivre le mouvement d’harmonisation déjà engagé.

Au-delà du matériel, les systèmes d’exploitation et de gestion du trafic sont absolument au cœur de la gestion des chemins de fer et reposent aujourd’hui sur des systèmes de transport intelligents (STI).

L’article 12 du règlement (CE) no 881/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 instituant une Agence ferroviaire européenne prévoit que l’Agence ferroviaire européenne veille à ce que les spécifications techniques d’interopérabilité, « les STI », soient adaptées au progrès technique, aux évolutions du marché et aux exigences sociales et propose à la Commission les modifications des STI qu’elle estime nécessaires.

Votre rapporteur a pu constater lors de son déplacement en Allemagne, en se penchant sur la question de la sécurité avec l’Office fédéral, que des divergences nombreuses pouvaient exister avec son homologue français et qu’il convenait de disposer de textes suffisamment précis. Or les textes proposés dans ce domaine par la Commission européenne sont trop généraux et ne permettent pas une réelle interopérabilité, vu la trop grande liberté d’interprétation laissée aux gestionnaires d’infrastructures.

Les entreprises ferroviaires sont confrontées à de nombreuses spécificités nationales qui complexifient l’exploitation de services internationaux, alors même que celles-ci ne sont pas justifiées par des infrastructures historiquement différentes : par exemple l’absence d’obligation pour les gestionnaires d’infrastructures de délivrer les données à fournir par les entreprises ferroviaires aux agents de conduite dans un format commun.

Les propositions de la Commission européenne ne sont pas assez explicites sur la responsabilité des différents intervenants en matière de chargement.

L’Agence ferroviaire européenne et la Commission auraient dû tenir compte des obligations reposant respectivement sur l’expéditeur, le destinataire, le chargeur, le remplisseur et l’exploitant de wagon-citerne au titre des annexes de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (publiée par le décret no 2006-1186 du 27 septembre 2006) dont certains aspects ont été intégrés au droit européen par la directive 2008/68/CE. Or, le texte proposé (modifiant les spécifications techniques d’interopérabilité relative au sous-système « exploitation et gestion du trafic » du système ferroviaire E 5949) fait porter la responsabilité uniquement sur les entreprises ferroviaires, en contradiction avec l’article 4 § 4 de la directive 2004/49/CE.

Par ailleurs, l’article 4.8 du projet de décision n’est pas conforme à la directive 2008/57/CE.

Contrairement à ce que cet article prétend, les gestionnaires d’infrastructures nationales et européennes des types autorisés de véhicules sont des éléments essentiels pour permettre à l’entreprise ferroviaire de s’assurer de la compatibilité entre son matériel roulant et les lignes sur lesquelles il va circuler, obligation qui lui est faite par l’article 4.2.2.5 de ce texte.

Il est, enfin, anormal de constater que, selon les § 2.2.2 et 6.2.1 de cette proposition, le respect de ses exigences se fait au travers du seul système de gestion de la sécurité (SGS) de l’entreprise ferroviaire, en contradiction avec la directive 2004/49/CE.

En effet, l’Agence ferroviaire européenne et la Commission anticipent sur l’évolution de la directive 2004/49/CE qui comporte deux parties en matière de certificat de sécurité, l’une valable dans toute l’Union européenne et l’autre correspondant aux spécificités nationales.

3. Le financement du rail par le développement de la clientèle et l’exemple de l’Eurovignette

Si, comme le note la SNCF, on « ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les moyens économiques de financer les infrastructures et notamment celles permettant un report vers les modes plus respectueux de l’environnement »,il faut augmenter les dotations des fonds du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) et accroître le taux de cofinancement des projets, dans un environnement favorable aux PPP (partenariats publics-privés).

Le niveau des péages participant au financement doit être cohérent avec le marché et harmonisé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pour votre rapporteur, les péages doivent offrir suffisamment de visibilité aux entreprises ferroviaires et être aptes à stimuler les investissements publics et privés dans le secteur ferroviaire.

Le projet de révision de la directive 1999/62 dite « Eurovignette », adopté par la Commission européenne le 8 juillet 2008 dans le cadre du paquet écologisation des transports, vise à améliorer l’efficacité environnementale des transports au profit du transport ferroviaire.

L’objectif spécifique de cette proposition législative est de permettre la prise en compte d’un certain nombre de nuisances (congestion, bruit et pollution locale) par la tarification du transport routier de marchandises afin de modifier le comportement des opérateurs et de favoriser le report modal.

Il s’agit d’un projet ambitieux qui veut rompre avec la logique traditionnelle liant la tarification routière au recouvrement des seuls coûts d’infrastructures pour affirmer la notion de coût social et environnemental, conformément au principe « pollueur-payeur ».

Depuis la publication de la proposition de directive, les pays périphériques, dont notamment l’Espagne, ont manifesté leur opposition de principe au texte, comme ils l’avaient déjà manifesté lors des négociations d’Eurovignette I et d’Eurovignette II, arguant de leur situation géographique pénalisante pour les échanges. Ils estiment, par ailleurs, que le contexte de crise économique empêche toute initiative d’internationalisation des coûts externes. Sur les différents points de la négociation, l’Espagne a, notamment, considéré que la base juridique devait se référer aux dispositions fiscales, que le champ d’application devait rester limité au RTE-T et elle s’est opposée à l’insertion de la congestion parmi les coûts externes à internaliser.

La présidence belge a inscrit la révision de la directive Eurovignette dans son programme de travail considérant ce dossier comme « prioritaire » et a mené d’intenses travaux de négociation reposant sur deux concessions importantes par rapport à la proposition initiale de la Commission, à savoir, l’abandon de l’internationalisation de la congestion et de l’affectation obligatoire des recettes.

Dès la reprise des travaux, la Commission a fait preuve d’une grande flexibilité afin d’obtenir un compromis, et s’est montrée, en conséquence, très favorable au compromis de la présidence belge. Elle a ainsi accepté la suppression de l’internalisation de la congestion et a montré une attitude plutôt ouverte vis-à-vis de la question de l’affectation ou non des recettes.

Les autorités françaises ont accueilli favorablement la proposition de directive dans la mesure où elle constitue un premier pas vers une meilleure prise en compte des externalités dans la tarification des transports. Si les autorités françaises ont conscience que le contexte économique actuel n’est pas le plus propice à la discussion sur ce texte, elles considèrent toutefois que l’objectif de la révision ne doit pas être considéré comme devant pénaliser un mode de transport par rapport aux autres, ni affecter la compétitivité européenne, mais doit viser la poursuite des efforts pour parvenir à une tarification des infrastructures plus juste, plus transparente et plus responsable et donner ainsi un sens concret au principe du pollueur-payeur. En conséquence, les autorités françaises ont réaffirmé à la présidence belge leur attachement à la révision de ce texte qui est un outil pertinent pour aboutir à une mobilité plus durable.

En ce qui concerne l’affectation obligatoire des revenus d’externalités, les autorités françaises souhaitent que celle-ci soit limitée au maximum.

La commission TRAN a voté le 11 février 2009 en faveur du projet de directive avec un ensemble d’amendements reprenant bon nombre des propositions avancées par la présidence française, notamment en ce qui concerne les modalités de prise en compte de la congestion, le champ d’application géographique de la directive et la suppression du recours obligatoire au télépéage en flux libre. Toutefois, le vote en session plénière du Parlement européen du 11 mars 2009 en première lecture n’a repris que partiellement le compromis de la commission TRAN. En particulier, le Parlement européen, tout en acceptant le principe de la tarification de la congestion, a supprimé toute autre référence à cette externalité dans le texte, si bien qu’aucune contrainte ne pèserait sur les Etats membres qui voudraient internaliser cette nuisance (pas de méthode commune de calcul, pas de plafonds, pas de contrôle de la Commission). Le Parlement européen semble vouloir aboutir à un compromis en deuxième lecture avec le Conseil. Les négociations de 2011devraient porter essentiellement sur l’affectation des recettes, la modulation en fonction de la congestion, les exemptions pour les EURO VI et la tarification des poids lourds de 3,5 tonnes.

4. Un texte d’une ambition plus que limitée

a) Le produit de l’Eurovignette sera limité

La mise en œuvre effective de ce dispositif aura un effet modeste, en tant qu’instrument de financement des infrastructures de transport à l’échelle de l’Union, car son produit sera limité.

– le coût externe « congestion » qui aurait généré la majeure partie des revenus, a été neutralisé ;

– les deux coûts externes maintenus (pollution atmosphérique et bruit), sont soumis à des plafonds qui ne devraient pas permettre une collecte importante de fonds ;

– l’intégration du coût externe « pollution atmosphérique » générera des recettes continuellement décroissantes, étant donné que la réglementation et les incitations diverses poussent les transporteurs à renouveler rapidement leur flotte pour acquérir des modèles peu polluants.

b) L’absence d’affectation obligatoire des recettes

La proposition initiale de directive prévoyait une affectation obligatoire vers des infrastructures destinées à promouvoir des projets de développement durable.

(1) Le point de vue des partisans de l’affectation

Dans un contexte de crise économique et financière et considérant la difficulté de financer certains projets d’infrastructures de transport, l’internalisation de coûts externes pourrait représenter une source alternative importante de financement des projets de transport durable.

Une grande partie de la mouvance écologiste souhaitait voir le produit de ces taxes affecté au développement du transport durable. Elle est très fortement soutenue par le Parlement européen qui a adopté un tel dispositif. Il ne fait aucun doute que cette question constituera un des points essentiels du débat en seconde lecture devant le Parlement et une pierre d’achoppement entre le Conseil et le Parlement.

Il est évident que les ministres du budget de l’Union européenne, confrontés à des déficits abyssaux, disposeront de ces sommes pour les besoins de financement des Etats, et que sans l’affectation obligatoire des recettes de ces prélèvements supplémentaires au développement d’infrastructures de transport durables, cette directive manquera l’un de ses objectifs affichés : « le soutien du développement d’infrastructures efficaces et durables ».

Le refus de toute règle d’affectation implique que cette taxe sera perçue non comme un outil au service de l’environnement, mais comme un impôt supplémentaire.

(2) La situation française

La France applique affecte dores et déjà le produit de l’écotaxe poids lourds par l’intermédiaire de structure l’AFITF(18), dont la Cour des comptes demande la suppression en considérant que cette structure ne sert à rien actuellement.

(a) Les arguments de la Cour des comptes

Dans son rapport du 4 février 2009 la Cour des Comptes considère que : L’AFITF est « une agence de financement aux ambitions limitées, privée de ses moyens, désormais inutile ». En effet, le rapporteur ne peut que déplorer avec la Cour la complexité des circuits de financement de la politique de transports, qui semble n’exister que pour justifier l’existence de l’AFITF.

L’agence est devenue « essentiellement un outil administratif qui voit circuler des crédits qui partent du budget général avant d’y retourner », sans réelle valeur ajoutée, donc sans devenir l’instance d’évaluation et de décision qui aurait conforté sa légitimité. En effet, à quoi sert-il de créer de la complexité financière si l’information des citoyens et l’évaluation de la rentabilité socio-économique des investissements publics y perdent ?

La Cour des comptes relève ainsi que « l’AFITF aurait peut-être pu, en devenant un lieu de concertation, voire d’expertise, prendre une place dans un dispositif national renforcé d’évaluation des projets d’investissements publics préalable à la prise de décision. En fait, l’agence n’a pas cherché à pallier par ses débats le manque persistant d’évaluation sérieuse, publique et contradictoire des projets d’investissements avant leur lancement ». L’AFITF constitue également un manquement aux principes d’universalité budgétaire, qui n’est certes pas le premier dans le domaine des transports, mais ainsi que l’observe la Cour des comptes, « est d’autant moins justifié que l’état des finances publiques impose de choisir avec rigueur les investissements publics ».

La Cour recommande :

- la suppression de l’AFITF, et notamment la conclusion des conventions de financement ;

- la préparation par la DGITM (Direction générale des infrastructures terrestres et maritimes), en liaison avec la direction du budget, d’une programmation pluriannuelle (par exemple sur 6 ans) des infrastructures de transport ;

- la mise en place d’un comité des engagements (comme recommandé par la RGPP) assurant la transparence interministérielle a priori des projets financés.

(b) Le point de vue du rapporteur

l Affecter le produit de l’Eurovignette à la route

L’histoire du financement des infrastructures de transports montre la difficulté de pérenniser une affectation des ressources, ainsi que l’illustre l’exemple du FITTVN(19) (1995-2001). Ce compte d’affectation spéciale, dont la vocation était de financer de nouvelles infrastructures, essentiellement dans un objectif de péréquation intermodale et d’aménagement du territoire, a été progressivement détourné de son objet afin de compenser les insuffisances du budget de l’Etat. Supprimé en 2001, les taxes qui l’alimentaient ont finalement été versées directement au profit du budget de l’Etat.

La ressource principale de l’AFITF à l’origine devait être les dividendes des sociétés d’autoroutes appartenant à l’Etat. Leur privatisation en décembre 2005 a permis à l’AFITF de bénéficier d’une partie de son produit mais l’a privé des dividendes qui lui étaient jusqu’ici affectés.

Quel que soit le mode de passation des marchés afférents aux grandes infrastructures, l’Etat et les collectivités sont appelés à participer au financement de ces opérations (LGV, Canal Seine Nord, TCSP, CPER...) dont le coût estimé est de 13,4 Mds€ à l’horizon 2014.

Le financement de ces dépenses, reposant principalement sur l’AFITF, est chiffré à 8,93 Mds€, d’où une impasse budgétaire de 4,17 Mds€.

Ce plan de financement a été élaboré par les services de l’Etat en contractant fortement les projets, et en intégrant en « ressources », 2,7 Mds€ de taxe poids lourds (TPL, à partir de juin 2012) or, cette recette ne se situera pas d’emblée à ce niveau et sera plus probablement perçue en 2013.

Nous pouvons mesurer avec les chiffres avancés que les sommes recueillies par la taxe poids lourds ne seront même pas suffisantes pour le financement des infrastructures routières. Pour une meilleure acceptation de cette taxe, il est donc nécessaire que son produit serve d’abord à l’amélioration de la voierie routière.

l Créer une agence de moyens rénovée

Il faudrait donner de nouvelles bases à une agence de financement des infrastructures de transports dont le rôle serait de concourir au financement de projets d’intérêt national ou international relatifs à la réalisation ou à l’aménagement d’infrastructures routières, ferroviaires, fluviales ou portuaires ainsi qu’à la création ou au développement de liaisons maritimes régulières de transport de fret (autoroute de la mer).

Plus particulièrement, ses missions pourraient être de :

- suivre les opérations de mobilisation des fonds destinés à la construction et à l’entretien des infrastructures, en particulier en provenance de l’Union européenne ;

- sécuriser les ressources financières allouées au développement et à l’entretien des infrastructures ;

- garantir la liquidité des financements ;

- contrôler l’éligibilité des dépenses et la régularité des contrats ;

- s’assurer de l’effectivité des travaux ;

- exécuter rapidement les paiements des travaux à l’entreprise ;

- promouvoir la transparence dans la gestion des fonds destinés au développement et à l’entretien des infrastructures ;

- participer aux efforts de développement d’un tissu performant de PME locales d’entretien des infrastructures.

Cette institution serait donc expressément chargée de mobiliser des ressources au profit du développement et de l’aménagement des infrastructures de transports. Elle disposerait d’une véritable autonomie financière et de gestion ainsi que d’une autonomie administrative.

Ses recettes abonderaient les allocations budgétaires et proviendraient de redevances d’usage directement versées sur le compte du fonds. Elle aurait également la possibilité d’émettre des emprunts.

La taxe kilométrique sur le trafic des poids lourds pourrait lui être à terme dédiée mais le rapporteur préfèrerait que dans un premier temps son montant soit affecté à l’écologisation du transport routier, action qui permettra également d’améliorer la compétitivité de ce secteur.

Au final, une agence rénovée pourrait jouer trois rôles essentiels :

1. Etre l’interlocuteur des collectivités territoriales appelées à cofinancer les infrastructures, et des partenaires financiers privés, dans le cadre du financement des routes, des infrastructures ferroviaires, fluviales, portuaires... Outre la mise à disposition du financement d’Etat, elle aurait un rôle d’ingénierie financière, de supervision, voire de réalisation des dossiers de financement, y compris les dossiers de mise en concession et de partenariat public-privé (PPP), et développerait autant que de besoin de nouveaux modèles de concession. Elle pourrait recourir à l’emprunt, sur l’autorisation du Parlement. Enfin, elle assurerait une gestion dynamique des ressources propres (recettes affectées), en fonction notamment de la conjoncture économique.

2. Assurer la programmation et la planification, d’une part, le financement et la péréquation, d’autre part, des infrastructures de transport tous modes confondus, sous l’autorité du Parlement, qui pourrait, comme en Allemagne, établir périodiquement la liste des projets d’intérêt national prioritaires.

3. Enfin, la composition étendue du Conseil d’administration permettrait l’institutionnalisation d’un dialogue entre l’Etat, les collectivités territoriales et les usagers des infrastructures (chargeurs, transporteurs, autorités organisatrices...).

5. Une action par la fiscalité n’est pas suffisante

Cette approche n’est peut être pas la plus libérale mais elle n’est sans doute pas la moins efficace.

Le taux de l’Eurovignette est important pour les transporteurs français dont il pourrait réduire les marges à néant si son coût n’était pas répercuté sur les chargeurs mais son ampleur n’est pas de nature à véritablement susciter un transfert important vers le rail.

Du fait de ces modifications, l’impact sur les coûts du transport sera faible (0,04 centime par tonnes), il pourra influencer quelques comportements mais, il est clair que seule une politique globale et ambitieuse des transports permettra de répondre aux objectifs affichés.

D’où l’intérêt de réduire le trafic international de transit par des mesures autoritaires, c’est-à-dire des mesures de police. En effet la sensibilité de l’Union européenne en matière d’environnement a changé. L’Union exige la non discrimination entre nationaux et ressortissants communautaires ; des critères imposant le recours au ferroutage sur la base d’une distance kilométrique (par exemple 700 km) ne sont pas discriminatoires.

Les investissements à réaliser pour doter le pays d’un système imposant aux poids lourds le ferroutage ou l’emprunt des autoroutes de la mer, sur de longues distances, sont colossaux.

La Cour de justice de l’Union européenne admet que des principes ou des règles européennes soient écartées au nom d’impératif de santé publique, de sécurité ou d’environnement, sous réserve de proportionnalité.

Il nous semble que le recours accru à l’intermodalité encouragé par le texte sur l’Eurovignette ne s’effectuera que marginalement sous l’impact de ce texte.

La principale raison, aux yeux du rapporteur, réside dans la nécessité d’investir des dizaines de milliards d’euros dans l’aménagement de corridors ferroviaires exclusivement dédiés au transfert des poids lourds à travers la France. Il ne sera possible de trouver des concessionnaires que si l’Etat garantit un volume important de circulation qui ne peut être envisagé qu’avec l’obligation d’emprunter ces infrastructures.

Une telle politique permettrait à terme de diminuer d’un tiers le trafic poids lourds sur nos routes et ainsi de lutter contre les émanations de gaz et de particules, le bruit et l’insécurité routière.

L’exemple suisse montre qu’une telle politique est possible et à notre sens, dès lors qu’« elle est fortement argumentée, elle ne requiert pas l’accord de l’Union européenne ». Il nous semble en outre qu’un plan imposant le recours au ferroutage à l’échelle européenne doperait la croissance économique et susciterait l’adhésion du Parlement européen qui aiderait à surmonter les réticences de la commission européenne et des états qui ne sont pas victimes du transit.

Les montants collectés par l’Eurovignette ne sont pas à la hauteur des investissements à réaliser pour le ferroutage ou le transport modal. Il me semble plus sain d’utiliser des mesures de police imposant le recours à ce mode de transport (sur ce point, nous pourrions demander une étude au Conseil d’Etat). En garantissant ainsi un volume d’activité aux entreprises ferroviaires nous leur garantissons un volume d’activité qui autorise le recours à l’emprunt.

C. Raisonner en termes de logistique du transport

Toutefois votre rapporteur est convaincu de l’insuffisance de cette démarche.

Il ne peut pas y avoir de développement du fret sans une politique qui intègre toute la chaîne logistique.

Conformément à ce qu’elle avait annoncé en 2005 dans sa révision du Livre blanc sur les transports, et faisant suite à sa communication de juin 2006 « La logistique du transport de marchandises en Europe, la clé de la mobilité durable », la Commission européenne a adopté le 18 octobre 2007, dans le cadre d’une communication sur « L’agenda de l’UE pour le transport de marchandises », un plan d’action pour la logistique du transport de marchandises. Ont été également adoptées concomitamment deux communications, l’une sur le réseau ferroviaire a priorité fret, l’autre sur une politique portuaire européenne, ainsi que deux documents de travail soumis à consultation, l’un sur un espace maritime européen sans barrières, l’autre sur les autoroutes de la mer.

Le plan d’action de la Commission pour la logistique du transport de marchandises suggère une série d’actions visant à promouvoir la gestion du fret et du trafic, la qualité durable et l’efficacité, et la simplification des processus administratifs. La Commission souhaite, maintenant, mettre en place un ensemble d’initiatives, visant notamment à déployer les systèmes de transport intelligents, simplifier les procédures dans le domaine du transport maritime et modifier les normes applicables aux poids lourds.

Des conclusions sur ce plan d’action ont été adoptées sous présidence portugaise au Conseil Transports du 30 novembre 2007. Mise à part la question de la révision de la directive 96/53 sur les caractéristiques maximales des poids lourds, les Etats membres se sont félicités de l’initiative de la Commission et l’ont invitée à mettre en œuvre son plan d’action, en insistant particulièrement sur :

1. La contribution de l’innovation technologique à une meilleure gestion des infrastructures, des flux de marchandises et du trafic, notamment par des initiatives axées sur l’interopérabilité, la messagerie commune et l’identification ainsi que sur l’exploitation de Galileo ;

2. La qualité de la logistique et l’élaboration d’indicateurs de qualité non contraignants en vue de leur incorporation dans un code de bonnes pratiques ainsi que la nécessité de remédier aux goulets d’étranglement et l’amélioration de la reconnaissance mutuelle des qualifications comparables ;

3. La nécessité d’une simplification, notamment par la création d’un document de transport unique adapté à tous les modes de transport et d’un guichet unique pour les formalités administratives ;

4. L’utilisation par les plateformes intermodales de nouvelles technologies, notamment par la promotion du transport maritime à courte distance, et la préconisation de la création de corridors « verts » ;

5. Le développement de la mobilité en milieu urbain.

Les engagements pris par la Commission dans le cadre de son plan d’action pour la logistique du transport de marchandises ont trouvé des traductions concrètes en 2008-2009 et 2010, qui profitent au transport ferré.

1. Un plan d’action sur le déploiement des systèmes de transport intelligents (STI)

Le 16 décembre 2008, la Commission a adopté un plan d’action sur le déploiement des systèmes de transport intelligents qui liste 24 priorités pour lesquels une coordination au niveau de l’Union européenne est considérée comme indispensable. Les modalités de mise en œuvre des actions répertoriées dans le plan ont fait l’objet d’une proposition de directive-cadre adoptée conjointement avec le plan. La proposition de directive s’articule autour de quatre domaines d’action prioritaires, à savoir, l’utilisation optimale des données, la continuité des services, la sécurité et la sûreté routière et l’intégration des véhicules aux infrastructures. Le Conseil Transports du 30 mars 2009 a adopté des conclusions sur le plan d’action relatif au déploiement des systèmes de transport intelligent et le projet de directive a fait l’objet d’un accord en seconde lecture à l’issue d’un vote par le Parlement en juillet 2010.

En matière maritime, la Commission a adopté le 21 janvier 2009 deux communications, l’une sur la stratégie du transport maritime jusqu’en 2018 et l’autre sur l’Europe maritime sans barrières. Cette dernière a trouvé une traduction concrète par une proposition visant à refondre la directive sur les formalités applicables aux navires, directive qui a été adoptée en octobre 2010 par le Parlement et le Conseil. Cette directive a pour objet principal de simplifier et de réduire les charges administratives imposées aux entreprises de transport maritime, notamment en harmonisant les délais de transmission des formalités à l’entrée des ports ainsi que par la dématérialisation des données et leur transmission électronique via un guichet unique. Une orientation générale a été adoptée au Conseil Transports du 17 décembre 2009 et ce texte a fait l’objet d’un accord en première lecture, le vote du Parlement étant intervenu en juillet 2010.

En ce qui concerne le développement des corridors « verts », la Commission a adopté, le 11 décembre 2008, une proposition de règlement relative au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif qui vise à constituer un réseau a priorité fret sur la base de « corridors fret » internationaux, reliant des « terminaux stratégiques ». Ce texte a fait l’objet d’un accord en seconde lecture entre le Conseil et le Parlement en septembre 2010.

2. Le plan d’action sur la mobilité urbaine

Le plan d’action sur la mobilité urbaine du 30 septembre 2009 présente vingt initiatives que la Commission prévoit d’engager d’ici 2012. Il est structuré autour de six thèmes : la promotion des politiques intégrées, les actions en faveur des citoyens, l’écologisation des transports urbains, les financements, le partage des expériences et des connaissances et l’optimisation de la mobilité urbaine grâce en particulier aux systèmes de transport intelligents. Le Conseil Transports a adopté en juin 2010 des conclusions sur ce plan d’action et a encouragé la Commission à appuyer l’action des États membres dans ce domaine conformément au principe de subsidiarité.

La mise en œuvre du plan d’action de 2007 relatif à la logistique des marchandises doit être évaluée en 2010 et celle-ci devrait donner lieu à une adaptation de cette approche, ainsi qu’au lancement de nouvelles mesures au cours du second semestre 2010. C’est pourquoi, la présidence belge a inscrit ce thème de la logistique à son programme de travail.

Elle a organisé les 15 et 16 septembre 2010 à Anvers une réunion informelle des Ministres des Transports intitulée « Vers une complète intégration des transports par voie d’eau au sein des chaînes de transports et de logistique de l’Union européenne ». L’objectif de ce débat était d’échanger sur les moyens d’intégrer complètement le transport par voie d’eau – transport maritime à courte distance et transport fluvial – dans les chaînes de transports et de logistique, notamment pour en améliorer son efficacité.

Cette réunion a également permis à la présidence d’introduire le concept de « Blue Belt » qui désigne la zone maritime entourant l’Union européenne, ainsi que les voies fluviales, d’utiliser la technologie et les meilleures pratiques pour rationaliser et améliorer l’efficacité du transport par voie d’eau. Le projet Blue Belt vise ainsi à alléger et à simplifier les procédures administratives et douanières applicables aux navires européens dans les ports, pour permettre à ces derniers d’opérer le plus librement possible au sein d’un marché unique européen.

En différenciant les navires effectuant du commerce international de ceux effectuant du commerce intra-européen, et en simplifiant pour ces derniers le régime de contrôle (sur le modèle du fret routier), « Blue Belt » est conçu comme un instrument au service de l’amélioration de la compétitivité du transport maritime de courte et moyenne distance, dans la ligne droite du Livre Blanc sur la politique des transports.

La présidence a proposé un projet de conclusions qui a été adopté lors de la dernière session du Conseil Transports du 2 décembre 2010. Ces conclusions s’intègrent dans la continuité de la communication portant sur l’espace maritime sans barrière du 21 janvier 2009, qui visait à développer, pour le transport maritime, un espace de marché unique, tel qu’il en existe un pour les transports terrestres. Le Commissaire aux Transports a insisté sur la nécessité de rendre plus compétitifs ces modes de transport, notamment par une meilleure interopérabilité entre les systèmes d’information, et par la suppression des barrières administratives intra-communautaires. Il a également souligné la priorité à donner au report modal, à la réduction des impacts environnementaux des transports par voie d’eau, notamment par le biais de la réduction des émissions de soufre. Il a, en outre, rappelé l’enjeu de la qualification du personnel afin de rendre plus efficaces les systèmes de transport, et à ce titre, a annoncé son intention de définir l’agenda social en tant que priorité pour l’année 2011.

Or cette question du trafic maritime, y compris fluvial est fondamentale pour le transport ferroviaire français, qui ne se développera dans le domaine du fret que si nos ports retrouvent leur dynamisme.

3. Position française et enjeux pour la France

Les autorités françaises ont approuvé le projet de conclusions du Conseil du 30 novembre 2007, considérant qu’il s’inscrit bien dans la voie du développement durable et qu’il propose une série d’actions utiles et réalistes afin de promouvoir la comodalité et d’accroître l’efficacité du système européen de transports de marchandises. Ce secteur est d’autant plus important qu’il constitue une source d’emplois et participe au renforcement de la compétitivité de l’Europe. En conséquence, elles ont fortement encouragé la Commission à rapidement concrétiser son plan d’action.

Les autorités françaises soutiennent l’objectif des conclusions proposées portant sur l’intégration du transport par voie d’eau dans les chaînes européennes de transports et de logistique. Le report modal est, en effet, une des priorités de la politique française des transports. Les autorités françaises se sont attachées à faire préciser le contenu et les modalités de pilotage du projet pilote « Blue Belt ».

Les autorités françaises se sont montrées favorables aux points des conclusions visant à une meilleure intégration des ports dans le réseau européen, et au développement des autoroutes de la mer, notamment par le biais de la révision des orientations de la politique des RTE-T en cours. Cela favoriserait en effet l’attractivité des ports européens et un meilleur report modal. En revanche, les autorités françaises se sont montrées réservées sur la mention explicite du secteur privé en tant qu’élément clé du développement des ports, celui-ci ne devant être associé qu’en tant que de besoin.

Les autorités françaises ont soutenu la présidence concernant l’agenda social maritime afin de favoriser la création d’emplois dans le secteur du transport par voie d’eau.

Sur la question de la directive sur les poids et dimensions des véhicules routiers, les autorités françaises ont considéré qu’une révision de la directive 96/53 serait nécessaire pour permettre l’extension de l’utilisation des véhicules de 44 tonnes, actuellement réservée au transport combiné par containers, de façon à favoriser le développement du transport combiné. En revanche, elles sont opposées à l’extension du poids et des dimensions des véhicules (gigaliners).

CONCLUSION

Le débat sur l’ouverture à la concurrence du système ferroviaire est complexe car les pays européens ont dans le passé développé des réseaux incompatibles (avec, par exemple, des écartements de voies différents) et disposé d’opérateurs puissants en situation de monopole.

D’autre part, à la différence du ciel, de la route ou de la mer, qu’un nouvel opérateur peut emprunter en principe librement, le réseau ferré comporte une limite physique de capacité. Or, en France, ce dernier est souvent saturé ou vieillissant.

En outre, l’ouverture à la concurrence, très progressive depuis 2001, a nécessité la mise en œuvre de trois paquets ferroviaires, jugée insatisfaisante par la Commission européenne, qui poursuit treize Etats en manquement.

Il est aujourd’hui trop tôt pour mesurer d’éventuels bienfaits de la concurrence qui, contrairement à ce que nous pourrions penser, concernera peu la grande vitesse mais pourrait, si la question sociale est harmonieusement réglée, voir des conséquences significatives dans le transport régional. Il convient également de ne pas dissimuler l’échec rencontré dans le développement du fret ferroviaire. Ce secteur nécessite des solutions volontaristes qui imposent le transfert « autoritaire » d’une partie du trafic de transit des poids lourds en France, il y va de la qualité de l’air que nous respirons et de la sécurité routière.

Par ailleurs, nous devons constater l’échec en France de la libéralisation du fret ferroviaire qui contraste avec la situation allemande.

En toutes hypothèses, le secteur ferroviaire ne constitue qu’un maillon essentiel d’une politique européenne des transports pour laquelle la libéralisation constitue un outil indispensable mais, il faut se garder de confondre outils et finalités.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Communication de M. Gérard Voisin sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire (E 5642) (réunion du 12 octobre 2010)

« M. Gérard Voisin, rapporteur. La concurrence constituant un objectif du traité de l’Union et étant souvent parée de toutes les vertus par la Commission européenne, celle-ci préconise, à travers la proposition de refonte de la directive établissant un espace ferroviaire européen, une communication et un Livre blanc à venir, de favoriser une « saine » concurrence sur tout le réseau, une interopérabilité renforcée, une standardisation accrue et la fin des obstacles administratifs qui empêchent encore aujourd’hui le rail de trouver sa place dans une chaîne de transport multimodale optimale, au sein de laquelle le passage d’un mode de transport à un autre, pour les passagers comme pour le fret, se ferait tout naturellement.

Cette proposition de directive dont nous sommes saisis, et que nous examinerons ultérieurement dans toute sa substance, car elle est très complexe, et la position du Gouvernement n’étant pas encore établie, confirme la volonté de libéralisation de la Commission européenne.

Une autre proposition législative de la Commission européenne devrait intervenir en 2012 au plus tard viendra remettre en cause les monopoles nationaux, de droit ou de fait.

Pour les nombreux services ferroviaires entrant dans la catégorie des « obligations de service public » – non rentables d’un point de vue commercial – il serait question de soumettre l’octroi des contrats à des procédures d’appel d’offres. Ce qui passerait sans doute par une modification du règlement 1370/2007 qui définit les règles de passation des contrats de service public dans les transports en commun. Par dérogation, celui-ci permet toujours aux autorités publiques d’attribuer ce type de contrat directement, sans procédure d’appel d’offre.

Il apparaît également que la Commission européenne envisage très clairement une séparation totale (« full separation ») entre les gestionnaires d’infrastructures et les entreprises qui opèrent les services de transport. A l’heure actuelle, la législation ne requiert pas une séparation institutionnelle totale entre les activités de transport et de gestion d’infrastructure. Le gestionnaire d’infrastructure peut faire partie d’une holding qui inclut aussi une ou plusieurs entreprises ferroviaires. Avec l’indépendance « formelle et pratique » que prévoit la Commission, on se dirigerait vers la fin de ce type de formule. L’objectif de la proposition est d’éviter les discriminations vis-à-vis des nouveaux entrants.

Le cabinet du commissaire aux transports, M. Siim Kallas, a affirmé que « la question n’est pas encore tranchée. Elle est de première importance pour la SNCF qui est un opérateur intégré ».

Ces réformes concerneraient en particulier les TER dont l’ouverture à la concurrence pourrait éventuellement avoir des conséquences sociales importantes, les charges sociales étant pour les cheminots supérieures de 13 % à celles des salariés du secteur privé.

Une grande prudence des autorités françaises est nécessaire. En effet, faute de cadre social harmonisé et d’apurement de la dette de la SNCF, cette dernière aura du mal à se mesurer à armes égales avec la concurrence.

Les objectifs poursuivis par la Commission européenne semblent contradictoires : elle souhaite favoriser la concurrence, tout en désirant promouvoir le transport intermodal et les corridors de fret ferroviaire. Or ces politiques que nous devons soutenir impliquent pour être efficaces de se doter des outils nécessaires.

Nous ne pouvons qu’être d’accord sur la nécessité d’une modernisation des opérateurs historiques, mais la libéralisation ne doit pas conduire à casser les outils dont nous disposons ou oublier les impératifs d’aménagement du territoire.

Sur le plan budgétaire l’exemple anglais qui a conduit à une socialisation des pertes par l’Etat et à un taux de rentabilité exceptionnel pour les opérateurs privés nous conduit à regarder avec prudence une politique de libéralisation trop rapide du rail.

Au-delà de cette présentation très succincte, la nécessité d’approfondir notre réflexion me conduit à proposer à notre Commission la rédaction d’un rapport d’information sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire.

M. Jacques Desallangre. Il est plus que temps de réfléchir enfin aux conséquences concrètes de la frénésie de libéralisation qui a mené l’Europe dans l’impasse. Il est évident que la SNCF serait dans une position très délicate face à la concurrence. Et cela ne tient pas seulement aux 13 % de surcoût salarial sur lesquels notre rapporteur s’est étrangement concentré. Il faut rappeler que la SNCF assume de nombreuses missions d’intérêt général dans notre pays, qui exercent inévitablement un impact sur sa rentabilité. Je pense à l’aménagement du territoire, chacun de nous connaissant bien les conséquences concrètes des fermetures de ligne sur l’affaiblissement de notre maillage économique. Mais je pense aussi à la sécurité et au défi écologique, l’expérience outre-manche montrant sans ambiguïté combien ces objectifs essentiels peuvent être compromis par une concurrence aveugle.

M. Philippe Cochet. Il faut distinguer la problématique du transport de passagers de celle du fret. Cette dernière concentre les plus grandes difficultés et appelle les modernisations les plus urgentes. Ma conviction est que la concurrence est plus efficace que le monopole de la SNCF pour motiver le changement.

Le rapporteur. Le sujet est en effet vaste, et sollicite de nombreux aspects de l’action publique. Il n’en reste pas moins que la question financière, qui comporte celle des charges en particulier sociales, est au cœur des défis. N’oublions pas que la SNCF accumule 9 milliards d’euros de dettes, qui croissent de manière exponentielle. Nous ne pouvons, dans ce contexte, faire l’économie d’une réflexion sur la compétitivité, en observant notamment que la Deutsch Bahn a pris 10 % du marché au cours des dernières années.

Mme Odile Saugues. Ces réflexions sont essentielles, mais je m’étonne qu’elles interviennent après la bataille. L’ouverture du fret à la concurrence est actée. Je l’avais critiquée en son temps, pressentant les difficultés que chacun semble découvrir aujourd’hui. Non, la concurrence n’est pas une recette magique, et la précipitation dans la libéralisation est le plus sûr chemin vers l’échec. Pour le fret, où est le progrès lorsque l’on sait, par exemple, que désormais la SNCF transporte ses traverses… par des camions ? Pour le transport de voyageurs, l’exemple anglais sur la sécurité ou la ponctualité me semble devoir être médité. Au fond, la question centrale est celle de l’ampleur des investissements que requiert le rail. C’est pour cette raison que RFF est étranglé depuis sa création par une dette colossale, qui obère son indispensable régénération des voies dont l’insuffisance est la source de l’augmentation des retards que l’on constate partout. Et la hausse des péages acquittés par la SNCF n’est pas une solution, l’entreprise se plaignant déjà de leur niveau qui entame à ses yeux sa compétitivité.

M. Régis Juanico. Je partage la conviction de mes collègues que l’enjeu ferroviaire dépasse largement la seule question de la rentabilité. Il nous faut préserver les atouts importants dont disposent notre réseau et la SNCF. Il suffit pour s’en convaincre de voir ce qui se passe ailleurs. Et il ne faut pas oublier le rôle décisif des collectivités territoriales, dont l’avis, en particulier pour les TER, doit être pleinement pris en compte. De même, l’avenir du fret, qui sollicite des problématiques complexes passant notamment par la clarification des relations entre RFF et la SNCF, passe par la question des moyens, en particulier pour nous doter de voies internationales performantes.

M. Christophe Caresche. En effet, la prudence face à la libéralisation est l’attitude responsable, sans récuser la perspective prometteuse d’un vrai espace ferroviaire européen, qui serait un formidable atout économique et, surtout, écologique.

Mais cette approche critique et constructive, débarrassée des œillères idéologiques, doit s’étendre à la question globale de la concurrence. Les temps de la concurrence effrénée entre chaque Etat européen, dont la compétition récente entre Alstom et Siemens donne un exemple éloquent, me semblent révolus. Il est temps de comprendre que la vraie concurrence se joue avec le reste du monde, et que nous perdrons toute chance de l’affronter si nous persistons dans une logique étroitement nationale qui divise nos forces plutôt que de les additionner. Cela place la question de la politique industrielle européenne au cœur de l’agenda. Où sont les grands projets communs conquérants relayant le succès d’Airbus ? Voilà à mes yeux l’enjeu décisif, et nous devons tout faire pour convaincre nos partenaires, en particulier allemand, d’avancer dans cette voie.

Le Président Pierre Lequiller. C’est en effet une question essentielle, à laquelle d’ailleurs MM. Jérôme Lambert et Jacques Myard consacrent pour la Commission un rapport sur le renouveau de la politique industrielle.

M. Marc Dolez. Il importe de dresser au préalable un bilan détaillé des effets de la libéralisation du fret, en n’oubliant pas les 262 gares supprimées, le million de camions supplémentaires jetés sur nos routes et les milliers d’emplois disparus. Ce bilan ne doit pas occulter l’état inquiétant de nos infrastructures, qu’avaient notamment dénoncé MM. Daniel Reiner, Michel Billout et Claude Biwer, sénateurs, en février 2008 dans leur mission d’information, relevant que 30 à 60 % de nos infrastructures risquaient de n’être plus utilisables dans quelques années.

Le Président Pierre Lequiller. Pour répondre à toutes ces interrogations, je rappelle que notre Commission recevra, conjointement avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports, le mercredi 20 octobre prochain.

M. Jean Gaubert. Je doute à mon tour de l’utilité de créer un troisième opérateur en France. L’expérience d’EDF, que même sa nouvelle direction juge désormais désastreuse, devrait nous inspirer un peu plus de prudence. Et chacun voit bien que la concurrence ne serait guère à l’avantage de notre pays. Je rappelle notamment que la Deutsche Bahn assoit sa réelle compétitivité sur l’étroit maillage des villes allemandes, qui nourrit la forte rentabilité des liaisons inter cité, avantage dont ne dispose pas notre entreprise nationale.

Le rapporteur. Ce passionnant débat donne une belle impulsion à mon futur rapport. J’en retiens des lignes directrices consensuelles. En premier lieu, l’enchevêtrement entre RFF et SNCF doit absolument être démêlé si l’on veut y voir plus clair, en gardant l’abyssale dette au cœur de nos préoccupations. En second lieu, la compétitivité est, qu’on le veuille ou non, un enjeu majeur, et un combat loin d’être perdu d’avance. Cela implique d’être attentif aux coûts, car ils sont réels, imposant réalisme à tous les acteurs, élus compris. En outre, les collectivités territoriales sont des acteurs essentiels, et doivent être pleinement associées. Enfin, il faut en effet tenir compte des spécificités nationales. Je remarque ainsi qu’en Allemagne ces questions intéressent directement les Länder, alors que l’approche nationale est plus forte en France.

M. Jacques Desallangre. Attention toutefois à bien mesurer toutes les conséquences d’une logique de rentabilité exclusivement comptable. Chacun doit par exemple garder à l’esprit le fait que le recours effréné de la SNCF au transport routier, qui va jusqu’au transport des essieux évoqués tout à l’heure, est lié à la sectorisation de l’entreprise qui fait que chaque unité veut améliorer sa rentabilité propre dans une logique étroite qui ignore les intérêts d’ensemble du secteur.

M. Michel Lefait. Je partage les craintes exprimés, et m’inquiète de l’indécision manifeste du Gouvernement, qui un jour évoque une taxe sur les TGV pour financer les TER, le lendemain laisse RFF accroître ses péages tout en demandant à la SNCF de contenir ses tarifs, et demeure incapable de tenir un discours clair sur la libéralisation et sur l’avenir des voies déficitaires.

Mme Odile Saugues. Une nouvelle fois je m’interroge sur le timing de ces travaux. Le train me semble lancé, la SNCF a déjà trouvé des marchés chez ses voisins, comme le montre, par exemple, le succès de l’exploitation de la ligne Ashford-Pancras par sa filiale Keolis… N’est-il pas trop tard pour freiner les choses ?

Le rapporteur. Le moment est donc opportun pour faire le point et suggérer les améliorations utiles, dans la lignée des travaux conduits par la majorité. »

2. Examen du rapport d’information de M. Gérard Voisin sur la libéralisation du transport ferroviaire en Europe (réunion du 9 mars 2011)

La Commission s’est réunie le 9 mars 2011, sous la présidence de M. Gérard Voisin, Vice-président et rapporteur, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Philippe Armand-Martin. Je félicite le rapporteur pour la qualité et la précision de son exposé, et cantonnerai mon intervention à deux questions : quel organisme sera chargé de surveiller la mise en conformité de la gestion et des infrastructures européennes ? Quel est le calendrier prévu pour la libéralisation, et sera-t-il le même pour chaque pays ?

Le rapporteur. L’Agence ferroviaire européenne, implantée à Valenciennes, sera chargée de cette mission. Le calendrier quant à lui n’est pas encore figé et demeure l’objet de négociations. J’espère évidemment qu’il vaudra pour tous les Etats sans exception.

M. Yves Bur. Merci pour ce rapport, qui jette un éclairage éloquent sur les atouts et les faiblesses de notre système ferroviaire. Je crois cependant utile d’assumer un diagnostic clair : je pense que cette situation difficile est moins due à la libéralisation qu’à ses lenteurs et ses insuffisances. Après tout, les Etats les plus courageux sur ce front, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Autriche ou l’Estonie, ont vu leur trafic, en particulier de fret, augmenter au rythme de la libéralisation, pendant qu’il s’effondrait chez nous. Dans un même esprit, abandonnons de vieilles lunes, comme ce postulat totalement contredit par les faits que la libéralisation entame la sécurité ferroviaire, puisque nous constatons l’inverse dans des pays comme le Royaume-Uni.

S’ajoutent les traditionnelles faiblesses françaises. Je pense évidemment à la confusion des missions et des prérogatives entre la SNCF et RFF, de la dette colossale qui obère les investissements aux ambiguïtés du financement, au moment où l’Allemagne flèche directement 3,5 milliards d’euros par an aux infrastructures, sans oublier les injonctions contradictoires des pouvoirs publics, qui un jour demande au second de valoriser son patrimoine immobilier pour le lendemain rappeler son rôle éminent dans l’aménagement du territoire. Et, évidemment, la dimension sociale, mise en exergue dans la proposition de résolution, pourrait constituer un frein très puissant au progrès sur ces questions décisives.

Enfin, il ne faut pas oublier les enjeux de la coordination européenne. On débat aujourd’hui de grands chantiers européens susceptibles de conforter notre croissance. Or, quel meilleur candidat que le ferroviaire, et la construction de grands axes transnationaux aujourd’hui au point mort, comme l’illustre par exemple le projet de liaison Paris-Budapest ?

Le rapporteur. Si je mets en avant la problématique sociale, c’est par souci de réalisme. Nous n’avons pas le choix, soit on avance vers l’harmonisation, soit on rencontre le blocage. Il demeure indéniable que la lourde masse salariale, d’ailleurs moins due aux rémunérations des cheminots qu’au dérapage des recrutements, en particulier au moment des 35 heures, obère la compétitivité de la SNCF. A cette question s’ajoute la vétusté de notre réseau. Même notre fleuron, le réseau à grande vitesse, est désormais dépassé en taille par l’Espagne.

Cette lucidité commande aussi de discerner les progrès. Certes l’Allemagne consacre grâce à l’impôt désormais près de 20 milliards d’euros au système ferroviaire, dont 4 en provenance de l’«écotaxe », mais cela résulte aussi d’une politique entamée bien avant nous. Dès aujourd’hui, notre pays mobilise 1,2 milliard d’euros, ce qui est pour le moins un début encourageant.

Mme Odile Saugues. Nous abordons là un point extrêmement sensible, qui touche à l’identité même de la SNCF, si légitimement fière de sa « conscience cheminote ». Je ne saurai trop vous prévenir contre les assauts maladroits, qui, à chaque fois, ont généré plus de problèmes qu’ils ne voulaient en résoudre. Je ne nie pas la nécessité d’avancer, pour enfin promouvoir le fret dans notre pays ; et la route est longue quand on voit, par exemple, que la SNCF fait transiter l’armature de ses voies par… camions. Il faut avancer vers un « rail unique » européen sans doute aussi nécessaire que le « ciel unique », et peut être inéluctable, dès lors que notre opérateur historique lui-même s’est désormais solidement implanté chez nos voisins par une acquisition ambitieuse de filiales, et pour moderniser notre réseau, qui donne de sérieux signes d’essoufflement. Mais doit-on le faire au détriment du social ? Je suis convaincu du contraire. D’abord, parce que l’alignement des coûts vers les moins-disants socialement est une aberration, et nous serions inévitablement les victimes expiatoires d’une harmonisation sociale qui ne se ferait pas par le haut. Ensuite, parce qu’à la SNCF plus qu’ailleurs, le dialogue social est l’unique voie du progrès, hors de laquelle nous risquons forts de nous condamner à l’immobilisme et à l’impuissance.

Le rapporteur. C’est bien pourquoi je vous propose de citer cette exigence sociale dans la proposition de résolution que je vous soumets. Mais n’en oublions pas pour autant quelques constats solidement établis. Le nombre de cheminots en France est très supérieur à celui de nos voisins, par exemple par rapport à l’Allemagne où, à ma connaissance, le système ferroviaire ne fonctionne guère plus mal, c’est un euphémisme. Ensuite, comme vous le relevez, la SNCF s’est d’ores et déjà diversifiée dans de nombreux pays de l’Union, et a donc pris le train de la libéralisation en marche, si j’ose dire. Enfin, les blocages dépassent largement le monde ferroviaire. Je pense en particulier à la situation de nos ports, comme celui de Marseille, dont les fermetures incessantes font désormais qu’il est plus sûr de faire transiter les marchandises d’Anvers à Lyon que de passer par la porte naturelle de la vallée du Rhône. Et reste un constat, qui appelle l’action. Le trafic fret a augmenté de 36 % en Allemagne, pendant qu’il s’effondrait de 40 % en France, où la vitesse moyenne ne dépasse pas les 18 km/h.

Mme Marie-Louise Fort. J’aimerais demander au rapporteur comment il envisage, au point 1 de la proposition de résolution, une harmonisation préalable des statuts des personnels du rail, compte tenu des difficultés actuelles, et, au point 2, ce qu’il adviendrait de la suspension de la procédure d’infraction contre la France devant la Cour de justice de l’Union européenne, après la réussite ou l’échec des négociations en cours.

Le rapporteur. Treize pays sont en infraction sur la séparation des fonctions d’exploitation et d’utilisation du réseau et les négociations en cours devraient permettre d’aboutir à une harmonisation européenne.

M. Michel Diefenbacher. Nous avons tous reçu, il y a quelques jours, une note de RFF indiquant que les nouveaux opérateurs sont passés en un an de 10 % à 18 % du fret ferroviaire en France, mais que la baisse globale du fret ferroviaire n’est pas enrayée et que c’est une situation unique en Europe. Le trafic des voyageurs et du fret progresse partout en Europe sauf en France. Est-ce une fatalité française ? Si le marché continue à se rétrécir et que la concurrence des opérateurs privés augmente, il n’y aura bientôt plus de fret SNCF. La SNCF doit trouver une solution. Le rapporteur dit qu’il faut constater cette évolution, mais faut-il s’y résigner ?

Le rapporteur. Il ne s’agit nullement de se résigner. Ce rapport fait d’abord un constat sur un sujet brûlant pour trouver ensuite des solutions. Par exemple, intégrer toute la chaîne logistique pour développer le fret est une orientation qui mériterait d’être approfondie dans l’avenir.

Mme Anne Grommerch. La Cour des comptes dit que la SNCF est moins compétitive que ses concurrents de l’intérieur et des pays voisins notamment parce qu’elle a un coût supérieur de 12 % à 30 % et que la durée réelle du travail est inférieure aux obligations du statut. J’aimerais connaître la position des syndicats sur ce point.

Le rapporteur. J’ai rencontré tous les syndicats qui se sont montrés d’une grande prudence en raison de la proximité des élections internes fin mars et je ne suis pas prêt à répondre aujourd’hui précisément à la question de notre collègue Grommerch. Mais il y a des variantes de point de vue entre les syndicats.

L’Allemagne s’est redressée au niveau ferroviaire, mais l’Etat a apuré la dette de l’opérateur, contrairement à la France. Un haut responsable de la SNCF m’a dit qu’il n’était pas possible en France de faire du ferroviaire sans un apport financier de l’Etat, donc du contribuable.

M. Jacques Desallangre. Il faut d’abord rappeler que la SNCF a abandonné le fret diffus au bénéfice des opérateurs privés pour se concentrer sur les trains longs et massifs. Dans la proposition de résolution du rapporteur, il manque l’objectif de la sécurité dans ses souhaits et demandes. Or le Président Guillaume Pepy, qui est pourtant un chaud partisan de la libéralisation, a exprimé la crainte que la multiplication des opérateurs ne mette en cause les conditions de sécurité. Je souhaiterais donc un paragraphe supplémentaire sur la nécessité de porter plus d’attention à la sécurité.

Le rapporteur. Le point 6 souhaitant que la Commission européenne propose une procédure de certification unique du matériel ferroviaire, alors qu’actuellement chaque pays a ses règles de certification des matériels, répond à cette préoccupation de sécurité.

M. Jacques Desallangre. La sécurité ferroviaire ne dépend pas seulement de la certification des matériels, mais elle est mise en cause par la baisse des effectifs de cheminots passés en France de 240 000 à 180 000. Les cheminots disent aussi qu’il n’y a bien souvent plus qu’un cheminot au lieu de trois sur les postes de travail et que la sécurité est aussi une question de « matériel humain ».

Le rapporteur. Le paragraphe 4 de la proposition de résolution répond à votre préoccupation lorsqu’il considère que la proposition de directive doit comporter un volet social plus affirmé.

Mme Anne Grommerch. Le déclin du fret ferroviaire pose plus une question d’organisation que de sécurité, quand la SNCF a deux cheminots par kilomètre pour un cheminot par kilomètre partout ailleurs en Europe.

Mme Odile Saugues. Je propose d’ajouter un paragraphe supplémentaire demandant que la libéralisation du fret ferroviaire ne se fasse pas au détriment de la sécurité.

Le rapporteur. Je propose un paragraphe nouveau soulignant que « l’ouverture à la concurrence ne doit pas se faire au détriment de la sécurité ».

M. Bernard Deflesselles. Il ne faut pas tourner autour du pot. Le fret ferroviaire est au service des entreprises. Pourquoi y renoncent-elles ? Parce que les délais sont trop longs et les coûts trop lourds par rapport à la route, pour des entreprises qui doivent elles-mêmes servir vite et bien leurs clients et être approvisionnées vite et bien par leurs fournisseurs.

Mais je voudrais surtout évoquer un point très important pour réussir l’ouverture à la concurrence du fret : l’état de l’infrastructure. Je souhaite que le rapport développe cet aspect fondamental. Ainsi, dans la région PACA, l’infrastructure, qui date de 150 ans, est dans un état lamentable. Il faudrait cinq milliards d’euros pour la remettre à niveau, soit bien plus que les crédits de l’AFIFT ou de RFF. Si l’on veut résister et ouvrir à la concurrence et être compétitif, il faut, dans le cadre de cette résolution sur un renforcement de la libéralisation européenne, faire un peu de franco-français et peser dans le débat sur les infrastructures qui est un vrai problème de fond. La résolution incite le Gouvernement à engager le plus rapidement possible une réflexion sur les compétences entre RFF et SNCF et, plus loin, à renforcer les moyens de fonctionnement de l’autorité de régulation ferroviaire. C’est très bien, mais il faudrait aussi demander des moyens pour que RFF puisse réinvestir dans le réseau.

M. Jacques Desallangre. Ce point est absolument essentiel.

Le rapporteur. Le rapport consacre déjà trois pages à l’état du réseau et j’y ajouterai les conclusions du rapport Rivet et de l’école polytechnique de Lausanne de 2006, ainsi que le rapport du sénateur Haenel de 2008.

M. Bernard Deflesselles. La situation ne s’est pas arrangée depuis la publication de ces rapports.

Le rapporteur. Une raison majeure de la lenteur de circulation du fret ferroviaire est liée à la priorité donnée aux trains de voyageurs ; les trains de marchandises sont garés systématiquement sur des voies de garage pour les laisser passer.

M. Jacques Desallangre. On privilégie les trains et les lignes à grande vitesse au détriment des trains de fret parce qu’on n’a pas assez de lignes et qu’on est obligé de faire des choix, alors que les deux devraient pouvoir circuler en même temps.

Pour réduire son déficit, la SNCF a abandonné le fret diffus qui n’est pas repris en charge correctement par les opérateurs privés de proximité. On ne peut pas lui reprocher. Les entreprises à qui l’on propose de leur enlever un wagon chaque semaine au lieu d’un par jour, se sont tournées naturellement vers la route.

Le rapporteur. Il ne faut pas oublier que la SNCF a une filiale qui est un très gros transporteur routier et que cette situation influe sur sa stratégie globale de transport.

Mme Odile Saugues. La mise en place de la libéralisation ne marchera que si l’on mobilise tous les acteurs sur une remise en question totale. Or cette culture, nous ne l’avons pas.

M. Jacques Desallangre. Je rappelle quand même que les cheminots sont passés de 300 000 à 140 000 actifs et qu’ils ont payé leur tribut.

Le rapporteur. Les choses ont changé aussi, mais le rapport n’est nullement une attaque en règle contre le statut du cheminot.

Pour répondre au point intéressant soulevé par Bernard Deflesselles, on pourrait rajouter au septième paragraphe : « et à donner au secteur ferroviaire les moyens d’investissement nécessaires pour la remise en état du réseau ».

M. Bernard Deflesselles. Certes, mais c’est à l’exécutif d’être à la manœuvre et pas à nous. Je dis que, pour que l’ouverture du réseau soit effective et profitable à nos entreprises, il faut en passer pour la remise à niveau des infrastructures par une mise en connexion générale entre RFF, la SNCF, l’Etat et les régions. Or on est loin du but.

Le rapporteur. Le rapport rappelle que le Gouvernement a rendu public, le 27 janvier 2010 après le Grenelle de l’environnement, le schéma national des infrastructures de transport, par lequel l’Etat s’engage à investir 166 milliards d’euros au cours des vingt-trente prochaines années, dont deux tiers seront consacrés au réseau ferré.

Mme Odile Saugues. Je précise qu’une remise en question doit concerner tous les partenaires, notamment RFF pour l’infrastructure et les sillons, la SNCF pour le matériel roulant et les personnels, les régions pour le matériel voyageurs et l’Etat pour les investissements d’infrastructure et le cadre général en vue de l’adaptation à cette vision de l’Europe.

La Commission a ensuite approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après à l’unanimité.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen, COM (2010) 475 final/no E 5642

1. Prend acte et se félicite de la proposition de la Commission européenne visant à préciser les modalités de séparation de la gestion et de l’utilisation des réseaux ferrés ;

2. Souhaite que la procédure d’infraction diligentée contre la France devant la Cour de justice de l’Union européenne, au titre d’une insuffisante séparation entre les fonctions d’exploitation et d’utilisation du réseau, soit suspendue durant la procédure de ratification de la directive précitée, afin de faciliter la négociation en cours ;

3. Demande que la proposition de directive précise que les Etats n’ont pour l’instant aucune obligation de libéraliser le transport ferroviaire à courte distance, afin que soit prévenu tout contentieux ultérieur ;

4. Considère que la proposition de directive doit comporter un volet social plus affirmé, précisant que la poursuite de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire sera favorisée par une harmonisation préalable des conditions sociales des personnels du rail ;

5. Demande que les obligations d’indemnisation mises à la charge des transporteurs et des exploitants excluent expressément les motifs liés aux cas de force majeure et que, conformément au principe de subsidiarité, l’appréciation de ces situations relève des autorités nationales ;

6. Demande que l’ouverture à la concurrence ne se fasse pas au détriment de la sécurité ;

7. Souhaite que la Commission européenne propose une procédure visant à une certification unique du matériel ferroviaire, au sein de l’Union européenne, s’agissant des règles de sécurité ;

8. Invite le Gouvernement à engager le plus rapidement possible une réflexion sur la répartition des compétences et des moyens entre la SNCF et RFF et à assurer au secteur ferroviaire les moyens d’investissements nécessaires pour la remise en état du réseau ;

9. Demande au Gouvernement de renforcer les moyens de fonctionnement de l’Autorité de régulation ferroviaire et d’étudier un éventuel élargissement de ses compétences.

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION

The National Assembly,

In the light of Article 88-4 of the Constitution,

In the light of the proposal for a directive of the European Parliament and of the Council establishing a single European railway area, COM (2010) 475 final/no. E 5642,

1. Takes note of and welcomes the proposal of the European Commission to clarify the procedures for separating the management and use of railway networks;

2. Desires that the infringement proceedings initiated against France before the European Court of Justice, on the grounds of a lack of independence of the infrastructure manager in relation to railway operators, should be suspended during the ratification procedure of the afore-mentioned directive, to facilitate the ongoing negotiation;
3. Asks that the proposal for a directive should specify that for the time being the Member States do not have any obligation to liberalise short-distance railway transport. This would be to avert any subsequent dispute;

4. Considers that the proposal for a directive should comprise a stronger social facet specifying that the continuation of the opening up to competition of railway transport will be promoted by a prior harmonisation of the social conditions for railway personnel;

5. Asks that the obligations for carriers and operators to pay indemnities should expressly exclude reasons related to cases of force majeure and that, in accordance with the subsidiarity principle, the appreciation of such situations is a matter for the national authorities;

6. Asks that the opening up to competition should not take place to the detriment of safety;

7. Desires that the European Commission should propose a procedure introducing a single certification of rolling stock, within the European Union, with reference to safety rules;

8. Invites the Government to start as soon as possible a discussion on the breakdown of powers and means between the SNCF and RFF and provide the railway sector with the necessary investment means to overhaul the network;

9. Asks the Government to strengthen the operating means of the Railway Regulatory Authority (ARF) and study a possible broadening of its powers.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

1. Mission en Allemagne :

Ø Ministère BMVBS (transports)

– M. Wolfgang Küpper, directeur transports ferroviaires.

Ø BundesetzAgentur (Autorité de régulation)

– M. Wolfgang Groβ ;

– M. Axel Müller ;

– M. André Meyer-Sebastian ;

– Mme Sabine Bross ;

– Mme Eva Plum ;

– Mme Viet-Anh Pham.

Ø Eisenbahnbundesamt (office fédéral ferroviaire)

– M. Schneider, vice-président.

Ø Deutsche Bahn AG

– M. Christophe Gardavaud, chargé des relations instittutionnelles.

Ø Verband der Bahnindustrie (VDB)

– M. Schuppe, directeur ;

– M. Nicolai, responsable de la communication.

Ø Mofair Keolis

– M. Hans Leister, directeur.

– Mme Anne Lambusson, président du conseil de surveillance.

2. Mission en Italie

– Son Exc. M. Jean-Marc de La Sablière, ambassadeur de France en Italie.

Ø Service économique régional :

– M. Marc Maupas-Oudinot, ministre conseiller pour les affaires économiques ;

– M. Nicolas Sornin-Petit, chef du pôle industrie et développement durable et Loraine ;

– Mme Loraine Ernst-Bonerba, responsable d’études transports infrastructures.

Ø Cofindustria :

– M. Giuseppe Mele, directeur adjoint aux politiques industrielles.

Ø Direction centrale stratégie et planification :

– Mme Barbara Morgante, directrice.

Ø NTV :

– M. Claudio Ubertini, directeur service production ;

– Mme Monica Giugliano, directrice service juridique ;

– Mme Vincenza Alessio-Ruffo, service relations média ;

– M. Mario Taliani, service presse.

Ø Ministère des infrastructures et des transports :

– M. Fabio Crocoolo, directeur général du service de régulation.

Ø Commission des affaires européennes de la Chambre des députés :

– M. Mario Pescante, président ;

– Mme Silvia Velo, vice-présidente.

Ø Arenaways :

– M. Giuseppe Arena, président.

3. Personnes auditionnées en France

Ø Association française du rail (AFRA) :

– M. Jacques Malécot, directeur général.

Ø Alstom :

– M. Jacques Beltran, vice-président, affaires publiques et intelligence économique ;

– M. Maurice Benassayag, conseiller d’Etat, directeur des relations instutionnelles ;

– M. Etienne Bodard, chargé de mission affaires publiques.

Ø Keolis :

– Mme Anne Lambusson, directrice générale adjointe internationale.

Ø RFF :

– Mme Veronique Wallon, directeur général adjoint responsable du pôle gouvernance et stratégie ;

– M. Abdelkrim Amoura, directeur régional Bourgogne Franche-Comté ;

– Mme Marie-Reine Du Bourg, responsable des relations avec le Parlement.

Ø SNCF :

– M. Guillaume Pepy, président ;

– M. Stéphane Volant, secrétaire général ;

– M. Charles Joder, directeur régional Bourgogne Franche-Comté ;

– M. Pierre Messalam, directeur de la stratégie ;

– M. Bernard Alibert, directeur du département interopérabilité et normes ;

– Mme Karine Grossetête, conseillère parlementaire ;

– Mme Sophie Boissard, directrice générale de « gare et connexions ».

POUR DES PROBLÈMES DE GESTION DES DOCUMENTS, LES AUTRES ANNEXES NE SONT CONSULTABLES QUE DANS LA VERSION PDF DU RAPPORT

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Source : projet de schémas de services collectifs de transport de marchandises et de voyageurs, novembre 2000.

3 () cf. Rapport Gérard Voisin 2010 n° 2649 : le véhicule électrique une révolution ?

4 () cf. Rapport Gérard Voisin 2010 n° 3018 : « eurovignette » la taxation des coûts du transport routier au service du pavillon français.

5 () cf. Rapport Gérard Voisin 2010 n° 2134 : le déploiement des systèmes de transports intelligents à la recherche d’une coordination européenne.

6 () Source : Projet de schémas de services collectifs de transport de marchandises et de voyageurs, novembre 2000.

7 () Communication sur l’avenir des transports adoptée le 17 juin 2009.

8 () cf. Rapport Gérard Voisin n° 3018.

9 () cf. Rapport Assemblée Nationale n° 3018 page 9.

10 () Voir communication Gérard Voisin devant la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, rapport d’information n° 1054 page 13,1 juillet 2009.

11 () Rapport Gérard Voisin n° 2029 : « Grenelle environnement ».

12 () Rapport Gérard Voisin n° 3023, 8 décembre 2010.

13 ()Commission européenne, présentation de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen (refonte) (E 5642).

14 () Il s’agit d’une mission confiée au sénateur Grignon par le Gouvernement.

15 () Source : Rapport d’activité 2009 de RFF

16 () L’express du 12 mars 2011

17 () Rapport public 2010 de la Cour des Comptes.

18 () Agence de financement des infrastructures de transport de France.

19 () Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables.