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No 3510

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juin 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la politique industrielle,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Jérôme LAMBERT et Jacques MYARD,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 11

PREMIÈRE PARTIE : LES ENJEUX MONDIAUX DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE 13

I. UNE INDUSTRIE FRÀNÇAISE ET EUROPÉENNE EN RECUL 13

A. LE DÉCLIN DE L’EMPLOI INDUSTRIEL 13

B. LES FAIBLESSES FRANÇAISES 14

1. L’insuffisance de la recherche au sens large 14

2. L’investissement dans l’enseignement supérieur, encore trop faible 15

3. Une mauvaise performance en matière d’innovation 16

II. LE CONTEXTE EUROPÉEN : LE « TOUT CONCURRENCE » 23

A. LA RIGIDITÉ DES RÈGLES EUROPÉENNES 23

1. La lutte contre les ententes illicites 24

2. L’abus de position dominante 24

3. Le contrôle des concentrations 26

B. L’ÉCHEC DE LA STRATÉGIE DE LISBONNE 28

III. LE MODÈLE ASIATIQUE 31

A. LA MONDIALISATION ET L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX ACTEURS AYANT UNE CONCEPTION FORTE DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE 31

B. LE RÔLE DE L’ETAT 32

1. En Chine : des acteurs de la politique industrielle nombreux et relativement cloisonnés 32

2. En Corée du Sud, l’étroite association des entreprises et des pouvoirs publics 36

C. LA RECHERCHE ET L’INNOVATION 37

1. En Chine 37

2. En Corée du Sud 38

D. LA PROMOTION DES CHAMPIONS NATIONAUX 39

DEUXIÈME PARTIE : PROMOUVOIR UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE NATIONALE 41

I. LE SOUTIEN À L’INDUSTRIE : UNE NÉCESSITÉ 41

II. DE NOMBREUX OUTILS 43

A. DES OUTILS QUI ONT FAIT LEURS PREUVES 43

1. Les pôles de compétitivité 43

2. L’Agence des Participations de l’Etat (APE) rénovée 44

3. L’aide à la Recherche & Développement (R&D) 46

a) Le Crédit Impôt Recherche (CIR) : le dispositif central d’aide à la recherche et développement (R&D) 46

b) La Jeune entreprise innovante (JEI) 48

c) Le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologiques innovantes 49

d) L’installation de nouvelles entreprises de R&D en France 49

4. Les Etats généraux de l’industrie (EGI) 50

B. LES OUTILS DONT L’EFFICACITÉ MÉRITERAIT D’ÊTRE AMÉLIORÉE 51

1. Les investissements du grand emprunt 51

2. Le renforcement des fonds propres des entreprises 53

a) Le Fonds stratégique d’investissement (FSI) 53

b) OSEO, un instrument en devenir 55

3. La DATAR : pour une logique d’innovation 56

C. LES PREMIÈRES PISTES ÉVOQUÉES 58

1. La stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) 58

2. Le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche  (MESR) 59

3. Les comités stratégiques de filières industrielles françaises 60

III. CLARIFIER ET MODERNISER LE CADRE DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE 63

A. RECENTRER L’ACTION 63

1. Remédier à l’émiettement de l’organisation administrative et créer un réel ministère de l’industrie 63

2. Eviter le saupoudrage 63

B. DÉFINIR LES PRIORITÉS 64

1. Le besoin d’une meilleure prospective 64

2. Encourager l’innovation et la haute technologie 65

C. OFFRIR UN CADRE STABLE 67

D. CRÉER UN CONSEIL STRATÉGIQUE DE L’AVENIR INDUSTRIEL 68

TROISIEME PARTIE : DÉVELOPPER UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE AU NIVEAU EUROPÉEN 71

I. UNE PRISE DE CONSCIENCE ENCORE INSUFFISANTE AU NIVEAU EUROPÉEN 71

A. LA PHILOSOPHIE EUROPÉENNE : PRIVILÉGIER L’ENVIRONNEMENT DES ENTREPRISES 71

1. Le rapport Monti 72

2. L’exemple de l’accord de libre échange avec la Corée du Sud 73

B. LE DÉVELOPPEMENT D’OUTILS EUROPÉENS 73

1. Les programmes cadre de recherche et de développement (PCRD) 73

2. Les initiatives technologiques conjointes (ITC) et les plateformes technologiques européennes (PTE) 77

3. L’Institut européen de technologies (IET) et le Conseil européen de la recherche (CER). 78

4. Le Small Business Act (SBA) : un premier pas vers un renforcement du tissu industriel des PME 78

5. La communication de la Commission européenne de l’automne 2010 80

C. LES AIDES D’ETAT : UN DISPOSITIF ENCORE TROP RIGIDE 81

II. AU NIVEAU EUROPÉEN, INSTAURER UNE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE 87

A. FAIRE DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE UNE POLITIQUE EUROPÉENNE À PART ENTIÈRE 87

B. POUR UNE APPROCHE SECTORIELLE 88

C. LE RÔLE DE LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT (BEI) 89

III. ENCOURAGER LES CHAMPIONS EUROPÉENS 91

A. L’ÉMERGENCE DE CHAMPIONS EUROPÉENS 91

1. S’inspirer du pionnier EADS 91

2. Créer des projets fédérateurs dans les secteurs source de création de valeur 92

3. Se doter d’outils européens 93

B. LA PROTECTION DES CHAMPIONS EUROPÉENS : LE PRINCIPE DE RÉCIPROCITÉ 94

1. Remédier à l’asymétrie des règles mondiales : l’exemple des marchés publics 94

2. La normalisation : un enjeu à ne pas omettre 98

CONCLUSION : LES 20 PROPOSITIONS 101

TRAVAUX DE LA COMMISSION 105

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 111

RÉSUMÉ DU RAPPORT

L’industrie est, encore aujourd’hui, un enjeu majeur en Europe, moteur de l’économie européenne. Or, la notion de « politique industrielle » a longtemps été absente du débat communautaire. L’objet du présent rapport consiste notamment à mesurer l’évolution dans la prise en compte de cette notion au niveau européen, en particulier au regard de la récente crise économique et financière. Même si une légère inflexion s’est opérée, avec l’adoption de l’initiative de la Commission européenne à l’automne 2010 intitulée « Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation », elle demeure encore insuffisante. La réflexion menée dans le présent rapport concerne également les orientations de la politique industrielle française, la politique industrielle étant largement menée par les Etats, dans un cadre européen.

I. Les enjeux mondiaux de l’industrie française et européenne font apparaître une industrie française et européenne en recul. L’emploi industriel décline, la contribution de l’industrie à la valeur ajoutée est passée en France de 22 % en 1998 à 16 % en 2009, contre 22,4 % pour la zone euro et 30 % pour l’Allemagne. De 1980 à 2007, l’industrie française est passée de 5,3 à 2 millions d’emplois. Fin 2000, la France comptait encore 4,4 millions d’emplois industriels. Les faiblesses françaises sont l’insuffisance de la recherche au sens large, l’encore trop faible investissement dans l’enseignement supérieur, ainsi qu’une mauvaise performance en matière d’innovation.

L’industrie est désormais globalisée ; la France et l’Europe doivent faire face à la montée en puissance des pays émergents, lesquels sont demandeurs de transferts de technologies. Ces nouveaux acteurs ont une conception forte de la politique industrielle. Le modèle asiatique se caractérise par un rôle important de l’Etat : en Chine, les acteurs de la politique industrielle sont nombreux et relativement cloisonnés ; en Corée du Sud, les entreprises et les pouvoirs publics sont étroitement associés. Il existe une vraie vision de la politique industrielle à long terme en Chine comme en Corée. Ces deux pays privilégient également la recherche de l’innovation et promeuvent fortement les champions nationaux.

La rigidité des règles européennes (lutte contre les ententes illicites, abus de position dominante, contrôle des concentrations, ainsi que l’échec de la « stratégie de Lisbonne », définie par les Etats membres en 2000 comme devant « permettre à l’Europe de devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde en 2010 », témoignent du contexte international fortement concurrentiel.

II. Afin de promouvoir une politique industrielle nationale, le soutien à l’industrie est une nécessité. De nombreux outils existent, certains ont fait leurs preuves, comme les pôles de compétitivité, l’Agence des participations de l’Etat (APE), l’aide à la Recherche & Développement (Crédit Impôt Recherche (CIR), la Jeune Entreprise Innovante (JEI), le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologiques innovantes, installation de nouvelles entreprises de R&D en France) et les Etats généraux de l’industrie (EGI). L’efficacité d’autres outils, comme les investissements du grand emprunt, les outils destinés au renforcement des fonds propres des entreprises (Fonds stratégique d’investissement (FSI), OSEO) et la DATAR, mériterait d’être améliorée. Les premières pistes ont été évoquées par la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI), par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et par les comités stratégiques de filières industrielles françaises.

Afin de clarifier et moderniser le cadre de la politique industrielle, il est nécessaire de recentrer l’action pour éviter le saupoudrage et remédier à l’émiettement de l’organisation administrative. à cette fin il est souhaitable de créer un réel ministère de l’industrie qui soit distinct de celui des finances, ainsi qu’une représentation permanente de l’industrie sui generis regroupant tous les acteurs concernés. Il faut définir les priorités pour répondre au besoin d’une meilleure prospective et encourager l’innovation et la haute technologie. Un cadre stable, c’est-à-dire une sorte de « sécurité juridique industrielle », est indispensable.




III. Enfin, il faut développer une politique industrielle au niveau européen, où la prise de conscience est encore insuffisante.

La philosophie européenne dominante consiste à privilégier l’environnement des entreprises et à envisager la politique industrielle dans cette optique uniquement, selon la règle du « level playing field ». L’industrie n’apparaît pas comme étant prioritaire, comme le montrent les exemples du rapport Monti ou de l’accord de libre échange avec la Corée du Sud. Certes, des outils européens se développent : les programmes cadre de recherche et de développement (PCRD) ; les Initiatives technologiques conjointes (ITC) et plateformes technologiques européennes (PTE) ; l’Institut européen de technologies (IET) et Conseil européen de la recherche (CER) ; le Small Business Act (SBA), le premier pas vers un renforcement du tissu industriel des PME ; la communication de la Commission européenne de l’automne 2010. Cependant, le dispositif des aides d’Etat est encore trop rigide.

Au niveau européen, il faudrait instaurer une véritable politique industrielle, dotée d’une approche sectorielle et s’appuyant sur la Banque européenne d’investissement (BEI). Les champions européens doivent être encouragés, en s’inspirant du pionnier EADS, en créant des projets fédérateurs dans les secteurs source de création de valeur et en se dotant d’outils européens. Ils doivent aussi être protégés, notamment en remédiant à l’asymétrie des règles mondiales et en n’omettant pas l’enjeu de la normalisation, qu’il convient de remettre au centre de l’influence de l’industrie française et européenne.

A ces fins, vingt propositions sont présentées en conclusion du présent rapport.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’industrie est, encore aujourd’hui, un enjeu majeur en Europe, moteur de l’économie européenne :

- 3/4 des exportations communautaires sont industrielles ;

- un emploi du secteur privé sur quatre se trouve dans l’industrie et au moins un autre emploi sur quatre dans les services qui dépendent de l’industrie, comme fournisseur ou comme client ;

- les 2/3 des emplois industriels des européens sont dans les PME.

Dans le précédant rapport de 2007 portant sur la politique industrielle européenne(2), il était rappelé que la notion de politique industrielle désigne deux conceptions différentes :

- une conception volontariste et sectorielle, selon laquelle la politique industrielle « vise à promouvoir des secteurs qui, pour des raisons d’indépendance nationale, d’autonomie technologique, de faillite de l’initiative privée, de déclin d’activités traditionnelles, d’équilibre territorial ou politique méritent une intervention »(3) ;

- une conception horizontale, la politique industrielle reposant alors avant tout sur le libre fonctionnement des marchés, permettant le développement de ce que les anglo-saxons nomment un « level playing field », c’est-à-dire des conditions de jeu égales pour les entreprises, agissant sans entraves. Dans cette conception, l’intervention publique en matière industrielle doit se limiter à l’élimination de toutes les difficultés règlementaires, notamment celles qui empêchent les entreprises de se développer, ainsi qu’à la correction des défaillances du marché, lorsque celui-ci ne permet pas de financer la recherche et développement, par exemple.

Si l’Union européenne n’a qu’une compétence complémentaire à celle des Etats membres s’agissant de la politique industrielle stricto sensu, elle dispose toutefois de compétences étendues s’agissant d’autres politiques très imbriquées avec la politique industrielle (politique commerciale commune, règles de concurrence sur le marché intérieur, politique monétaire), ainsi que de compétences partagées avec les Etats en matière de politique de recherche et développement technologique.

La notion de « politique industrielle » a longtemps été absente du débat communautaire. L’objet du présent rapport consiste en particulier à mesurer l’évolution dans la prise en compte de cette notion au niveau européen, notamment au regard de la récente crise économique et financière. Même si une légère inflexion s’est opérée, avec l’adoption de l’initiative de la Commission européenne à l’automne 2010 intitulée « Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation », elle demeure encore insuffisante.

La réflexion menée dans le présent rapport concerne également les orientations de la politique industrielle française, la politique industrielle étant largement menée par les Etats, dans un cadre européen.

En matière de politique industrielle, la France et l’Union européenne doivent tenir compte de quelques principes et réalités :

- des mutations sont apparues depuis les années 1980 avec la mondialisation et la montée en puissance de pays émergents concurrents d’une part, et, d’autre part, la financiarisation de l’économie, c’est-à-dire une dictature du court terme, qui ne devrait pas régir l’activité industrielle et l’emploi.

- une continuité est nécessaire, dans la mesure où le temps industriel est un temps long, tandis que le temps politique est un temps court ;

- l’Europe doit absolument développer une industrie haut de gamme à forte valeur ajoutée, en donnant priorité à l’innovation et à l’exportation ;

- le cadre juridique actuel est insuffisant : il existe un marché unique, une monnaie unique, mais pas de politique industrielle commune.

Ces états de fait invitent à plaider, tant au niveau national qu’européen, pour l’impératif d’une politique industrielle.

PREMIÈRE PARTIE : LES ENJEUX MONDIAUX DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE

L’état des lieux de l’industrie, en France et en Europe, témoigne tant de la nécessité que de l’urgence d’une politique industrielle forte.

I. UNE INDUSTRIE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE EN RECUL

A. Le déclin de l’emploi industriel

La contribution de l’industrie à la valeur ajoutée est passée en France de 22 % en 1998 à 16 % en 2009(4), contre 22,4 % pour la zone euro et 30 % pour l’Allemagne. La France se situe désormais au même niveau de que le Royaume-Uni, qui n’est pas un pays réputé pour sa force industrielle, et où l’industrie représente aussi 16 % de la valeur ajoutée marchande. L’excédent brut d’exploitation (EBE) de l’industrie a baissé en valeur absolue de 40 % lors des 10 dernières années.

De 1980 à 2007, l’industrie française est passée de 5,3 à 2 millions d’emplois. Fin 2000, la France comptait encore 4,4 millions d’emplois industriels.

La part de l’industrie dans l’investissement en France a diminué, passant de 33,8 % en 1999 à 19 % en 2009.

Selon la DATAR(5), le recul de l’emploi industriel est un phénomène massif et quasiment ininterrompu depuis au moins trente ans. Les travaux comparatifs du Bureau of Labor Statistics font remonter le début du recul de l’emploi industriel en France à 1974, comme dans d’autres pays développés ; le phénomène est cependant plus ou moins prononcé selon les pays.

La désindustrialisation ne doit pas pour autant être surestimée. Le terme même est discutable. En effet, une partie des services aux entreprises (dont l’intérim) et d’autres branches d’activité marchande, correspondent à des tâches externalisées ; de plus la production industrielle (en volume) augmente généralement d’une année sur l’autre, hors périodes de crise.

La DATAR indique que la baisse de l’emploi industriel est pour l’essentiel la contrepartie des gains de productivité dans l’industrie, lesquels financent globalement la demande accrue de services. La désindustrialisation ressemble ainsi de ce point de vue à l’exode rural qui l’a précédé : le « déversement » des emplois agricoles vers les emplois industriels et de services s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui, le poids de l’agriculture dans l’emploi total fondant de 29 % en 1949 à 3 % en 2009.

Selon la DATAR, si beaucoup de territoires en France connaissent les fermetures d’usines, dans l’ensemble, le recul de l’emploi industriel est d’autant plus rapide que le territoire est d’industrialisation forte et ancienne. Entre fin 1998 et fin 2007, avant même la crise économique, le taux de décroissance de l’emploi manufacturier est de – 12 % dans les zones d’emplois très industrielles (comptant plus d’un quart d’emploi industriel) et de seulement -7 % dans les zones d’emplois les moins industrielles.

B. Les faiblesses françaises

1. L’insuffisance de la recherche au sens large

Le rapport entre la Dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) et le produit intérieur brut (PIB) mesure la proportion du PIB qui est consacré à la recherche. Il est de 2,08 % en 2007, soit 1,31 % pour les entreprises et 0,77 % pour l’administration(6). Les premières estimations pour 2008 donnent un chiffre global DIRD/PIB de 2,02 %(7), soit un montant de DIRD de 40,6 milliards d’euros en 2008, en hausse de 0,9 % par rapport à 2007. Cette dépense est exécutée à 63 % par les entreprises (2007).

En 2009, le nombre de doctorants s’est élevé à 66 500 inscrits et 11 400 doctorats délivrés ; s’agissant de la recherche contractuelle, les contrats passés par des entreprises représentent 4,6 % du budget de recherche publique, contre 11,8 % en Allemagne ; les licences concédées à l’industrie représentent 1 % du budget des universités françaises, contre 3 % aux Etats-Unis, ce malgré la présence de services de valorisation dans toutes les universités françaises(8).

Le nombre de dépôts de brevets d’invention en France est faible. En 2009(9), 16 106 brevets ont été déposés à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI)(10), soit une baisse de 3,6 % par rapport à 2008 ; sur ce total, environ 4 000 demandes de dépôts de brevets l’ont été par la recherche publique et 12 000 environ pour le secteur privé(11). Cette diminution résulte de deux tendances contraires : d’une part le secteur automobile, qui constitue traditionnellement une part importante des dépôts, s’est replié en raison de la crise économique ; d’autre part les PME ont connu une hausse de 6,8 %, témoignant de la poursuite de leurs efforts en matière d’innovation.

Le palmarès des vingt principaux déposants de brevets(12) fait apparaître les grands secteurs industriels français (automobile, cosmétique, aéronautique, électronique, chimie ainsi que des organismes de recherche), soit un total de 6 140 brevets. Cela signifie que 10 000 dépôts de brevets émanent de structures plus petites. Il n’en demeure pas moins que les PME allemandes déposent davantage de brevets que leurs homologues françaises. Ce manque de diligence français à déposer des brevets est à l’origine de pertes de parts de marché et d’un affaiblissement de la position concurrentielle de la France.

Il est par conséquent essentiel de communiquer vis-à-vis des chercheurs et de leur dire l’avantage qu’ils tireront d’un brevet. Le faible nombre de dépôts de brevets d’invention en France est en effet avant tout la conséquence de l’absence d’un enseignement spécifique en matière de brevets dispensé dans les écoles d’ingénieurs et dans les universités françaises. La propriété industrielle n’est souvent qu’une option facultative de l’enseignement alors qu’elle devrait être obligatoire. De fait, peu de cadres de l’industrie connaissent les critères de brevetabilité en France.

Il est souhaitable de rendre obligatoire l’enseignement de la propriété intellectuelle ou industrielle dans toutes les écoles d’ingénieurs et dans tous les cursus universitaires ayant un lien avec l’industrie.

2. L’investissement dans l’enseignement supérieur, encore trop faible

D’après une note du Centre d’analyse stratégique(13), la France dépense 1,3 % de son produit intérieur brut pour financer l’enseignement supérieur alors que les pays de l’OCDE y consacrent en moyenne 1,5 %. Ce résultat s’explique non pas tant par un moindre accès des jeunes à l’enseignement supérieur dans notre pays, mais par une dépense par étudiant plus faible que dans les grands pays développés.

Dans la majorité des pays de l’OCDE, le financement public, tout en restant prépondérant tend à diminuer ; les ménages (les étudiants ou leurs parents) et les entreprises (souvent par le truchement de fondations et le développement des coopérations avec les établissements dans le domaine de la recherche) sont davantage mobilisés. La France fait partie des pays où les frais de scolarité sont peu élevés, mais où peu nombreux sont les étudiants qui perçoivent des aides, sous formes de bourses ou de prêts.

La note conclut qu’à l’horizon de dix ou quinze ans, une augmentation des dépenses consacrées à l’enseignement supérieur paraît nécessaire. Si les projections laissent prévoir une stabilité des effectifs étudiants, un rattrapage concernant la dépense moyenne par étudiant contribuerait à améliorer la performance des formations supérieures.

Les implications d’un alignement sur la dépense par étudiant dans les pays où le niveau du PIB par habitant est comparable à la France ne seraient cependant pas neutres pour le modèle de financement de l’enseignement supérieur. Ainsi aux Etats-Unis par exemple, les dépenses d’enseignement supérieur représentent 2,9 % du PIB (contre 1,3 % pour la France) et absorbent près de 40 % des dépenses d’éducation, soit trois fois plus que l’Italie.

Rappelons que 24 universités supplémentaires sont passées à l’autonomie au 1er janvier 2011 ; au total, 75 universités sont autonomes en 2010, soit 90 % d’entre elles. Elles vont gérer près de 123 700 emplois, soit près de 7,3 milliards d’euros de masse salariale(14).

3. Une mauvaise performance en matière d’innovation

Le dernier «tableau de bord de l’Union de l’innovation», publié le 1er février 2011 par la Commission européenne montre que globalement, l’Union européenne est dépassée par ses principaux concurrents malgré des progrès dans de nombreux Etats membres.

Les résultats montrent qu’en matière d’innovation, l’Union européenne ne parvient pas à combler l’écart avec ses principaux concurrents internationaux, à savoir les Etats-Unis et le Japon, principalement en raison d’une trop faible implication des entreprises (trop peu de copublications public-privé, insuffisance des dépenses de R&D des entreprises ainsi que des recettes de licences et brevets).

Globalement, l’Union européenne à 27 maintient son avance sur l’Inde et la Russie. Cependant, elle est en train de perdre une partie de son avance sur le Brésil et, surtout, sur la Chine, qui continuent de réduire rapidement leur écart de performance avec elle, comme le montre le graphique ci-après.

NB : L’UE se situe au croisement des deux lignes en pointillés

Ce baromètre, dit « EIS », de la Commission européenne(15) pour 2009 permettait de comparer de manière détaillée l’écart en matière d’innovation entre les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne et, d’une part, les Etats-Unis, d’autre part, le Japon. Si l’Union européenne considérée dans son ensemble réduit progressivement son « déficit » vis-à-vis des Etats-Unis, l’écart vis-à-vis du Japon peine à se résorber. En tout état de cause, l’écart de l’Union vis-à-vis de ces deux pays demeure significatif et il semble difficile d’envisager un rattrapage du niveau américain.

L’Union européenne dans son ensemble réalise toutefois une bien meilleure performance en matière d’innovation que les pays dits BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Sur ces quatre pays, c’est la Chine qui se situe en tête et son écart avec l’Union a fortement décru.

L’Union européenne doit envisager ce leadership sur les pays BRIC en matière d’innovation comme autant d’opportunités de croissance.

Au sein de l’Union européenne, si la France est un grand pays de recherche, elle est toujours considérée comme un pays suiveur parmi les quatre catégories distinguées.

Le tableau de bord classe en effet les Etats membres dans les quatre groupes de pays suivants :

- les champions de l’innovation : le Danemark, la Finlande, l’Allemagne et la Suède présentent des performances très supérieures à la moyenne de l’UE27 ;

- les suiveurs de l’innovation : l’Autriche, la Belgique, Chypre, l’Estonie, la France, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Slovénie et le Royaume-Uni présentent des performances proches de la moyenne de l’UE27 ;

- les innovateurs modérés : les performances de la Croatie, de la République tchèque, de la Grèce, de la Hongrie, de l’Italie, de Malte, de la Pologne, du Portugal, de la Slovaquie et de l’Espagne sont inférieures à la moyenne de l’UE27 ;

- les innovateurs modestes : les performances de la Bulgarie, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Roumanie sont très inférieures à la moyenne de l’UE27.

Les performances des Etats membres de l’Union européenne en matière d’innovation

NB : les performances moyennes sont mesurées en utilisant un indicateur composite fondé sur les données de 24 indicateurs allant d’une performance la plus faible possible de 0 à une performance la plus forte possible de 1. Les performances moyennes de 2010 reflètent les performances de 2008-2009 en raison d’un retard dans la disponibilité des données.

Les performances des champions de l’innovation dépassent de 20 % ou plus celles de l’UE27 ; les performances des suiveurs de l’innovation se situent entre 10 % en dessous et 20 % au-dessus de celles de l’UE27 ; les performances des innovateurs modérés se situent entre 50 % et 10 % au-dessous de celles de l’UE27 ; les performances des innovateurs modestes se situent à 50 % et plus au-dessous de celles de l’UE27.

Au classement global de l’indice de la compétitivité 2010-2011(16), la France se situe à la 15e position, derrière la Suisse la Suède, Singapour, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Japon, la Finlande, les Pays-Bas, le Danemark, le Canada, Hong-Kong, le Royaume-Uni, Taiwan et la Norvège.

Cet indice est établi à partir de douze piliers : les institutions, les infrastructures, l’environnement macroéconomique, la santé et l’enseignement primaire, l’enseignement supérieur, l’efficience du marché des biens, l’efficience du marché du travail, le développement des marchés financiers, l’adaptation technologique, la taille du marché, la qualité du réseau des affaires, et l’innovation. S’agissant de ce dernier critère, la situation française est contrastée.

Situation de la France au regard de l’innovation

(12e pilier de l’indice global de la compétitivité)

Critère

Rang (sur 139 pays)

Capacité d’innovation

8

Qualité des institutions de recherche scientifique

19

Dépenses de recherche et développement des entreprises

13

Collaboration université/industrie dans la recherche et développement

44

Commande publique de produits de haute technologie

48

Disponibilité de scientifiques et d’ingénieurs

12

Brevets d’invention par million d’habitant

21

TOTAL

19

Source : The Global Competitiveness Report 2010-2011© 2010 World Economic Forum.

II. LE CONTEXTE EUROPÉEN : LE « TOUT CONCURRENCE »

A. La rigidité des règles européennes

TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE

TITRE XVII

INDUSTRIE

Article 173

(ex-article 157 TCE)

1. L’Union et les Etats membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées.

à cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à :

— accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels ;

— encourager un environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises de l’ensemble de l’Union, et notamment des petites et moyennes entreprises ;

— encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises ;

— favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d’innovation, de recherche et de développement technologique.

2. Les Etats membres se consultent mutuellement en liaison avec la Commission et, pour autant que de besoin, coordonnent leurs actions. La Commission peut prendre toute initiative utile pour promouvoir cette coordination, notamment des initiatives en vue d’établir des orientations et des indicateurs, d’organiser l’échange des meilleures pratiques et de préparer les éléments nécessaires à la surveillance et à l’évaluation périodiques. Le Parlement européen est pleinement informé.

3. L’Union contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 au travers des politiques et actions qu’elle mène au titre d’autres dispositions des traités. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, peuvent décider de mesures spécifiques destinées à appuyer les actions menées dans les Etats membres afin de réaliser les objectifs visés au paragraphe 1, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres. Le présent titre ne constitue pas une base pour l’introduction, par l’Union, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ou comportant des dispositions fiscales ou relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés.

De manière significative, l’industrie n’apparaît qu’au titre XVII du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec l’article 173.

S’agissant de la politique industrielle stricto sensu, l’Union européenne n’a qu’une compétence complémentaire : le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne lui permet d’intervenir que pour appuyer l’action des Etats membres (à travers des interventions financières essentiellement) ; elle peut légiférer, mais elle ne peut pas harmoniser les dispositions législatives et réglementaires nationales.

L’Union européenne dispose toutefois de compétences étendues s’agissant d’autres politiques, très imbriquées avec la politique industrielle. L’Union dispose en effet d’une compétence exclusive en matière de politique commerciale commune, de règles de concurrence sur le marché intérieur, et de politique monétaire, ainsi que de compétences partagées avec les Etats en matière de politique de recherche et développement technologique.

La notion de « politique industrielle » a longtemps été absente du débat communautaire, ce qui est d’autant plus paradoxal que l’Union européenne est, avec les Etats-Unis, l’une des deux grandes puissances industrielles mondiales. Une légère inflexion s’est toutefois opérée, même si elle demeure insuffisante, notamment avec l’adoption par la Commission européenne à l’automne dernier, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, d’une initiative intitulée : « Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation ».

1. La lutte contre les ententes illicites

TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE

Article 101 (ex-article 81 TCE)

1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction,

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement,

d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.

3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :

— à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises,

— à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises,

— à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans : a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.

Avec la politique commerciale, la politique du marché intérieur et la PAC, la politique de la concurrence est la plus intégrée de toutes les politiques communautaires. La Commission européenne a privilégié en premier lieu la lutte contre les ententes illicites.

2. L’abus de position dominante

La notion de position dominante avait été définie dans le contexte du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises comme « une situation de puissance économique détenue par une ou plusieurs entreprises qui leur donnerait le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs »(17).

TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE

Article 102 (ex-article 82 TCE)

Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

Une communication de la Commission européenne de février 2009, portant sur la mise en œuvre de l’ex article 82du TCE, redéfinit l’abus de position dominante, même si la remise en cause est moindre que s’agissant du contrôle des concentrations.

Cette communication rappelle que « l’article 82 du traité instituant la Communauté européenne (« l’article 82 ») interdit l’exploitation abusive d’une position dominante. Conformément à la jurisprudence, il n’est pas illégal en soi pour une entreprise d’occuper une position dominante et cette entreprise dominante peut participer au jeu de la concurrence par ses mérites. Il lui incombe toutefois une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. L’article 82 constitue la base juridique d’une composante essentielle de la politique de concurrence et son application effective permet un meilleur fonctionnement des marchés, au bénéfice des entreprises et des consommateurs. Il revêt une importance particulière dans le contexte de l’objectif plus vaste d’un marché intérieur intégré »(18)

La Commission européenne se dote par conséquent d’un nouvel outil, le test d’atteinte significative à la concurrence effective.

« Les opérations de concentration seront désormais ainsi appréciées au regard d’un test « d’atteinte à la concurrence ». Si celui-ci est négatif, il peut être rééquilibré par des éléments de progrès économique et social, pour autant que ceux-ci répondent à certaines exigences précisées par la jurisprudence du Conseil d’Etat. La caractérisation d’une atteinte à la concurrence repose sur un faisceau d’indices convergents. Si la première étape réside dans l’identification des caractéristiques de l’entité fusionnée et du type d’effets de l’opération sur le ou les marchés concernés, l’analyse est dynamique et prend ensuite en compte l’existence de barrières à l’entrée de nature à limiter la pression concurrentielle exercée par des entrants potentiels, ou au contraire le caractère ouvert du marché ; ainsi que les éléments internes au marché qui sont de nature à équilibrer son fonctionnement (capacité de réponse des concurrents en cas de renforcement de l’une des firmes actives sur le marché ; puissance de la demande).

Le test concurrentiel – la substance même du contrôle – est pour sa part demeuré inchangé dans son expression légale : la finalité du contrôle demeure de s’assurer qu’une concentration ne porte pas atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. D’ailleurs, la légitimité de son énoncé a été renforcée par l’adoption du règlement 139/2004, relatif au contrôle communautaire des concentrations, qui a rapproché la formulation du test communautaire de celle du test national, avec le passage de la référence à la position dominante à celle relative à l’entrave significative à la concurrence, avec renvoi comme cas particulier à la position dominante.

La Commission n’ignore pas que l’important est de protéger l’exercice d’une concurrence effective et non de protéger simplement les concurrents. Or, cette politique peut avoir pour effet de faire disparaître du marché les concurrents moins intéressants pour les consommateurs du point de vue des prix, du choix, de la qualité et de l’innovation »(19).

3. Le contrôle des concentrations

Entré en vigueur le 1er mai 2004 en même temps que l’élargissement de l’Union européenne, le nouveau règlement sur le contrôle des concentrations a réformé en profondeur le cadre réglementaire de référence et a répondu à la nécessité d’assouplir le système de contrôle des concentrations.

Tout en renforçant le principe de « guichet unique », le règlement CE no 139/2004 encourage effectivement la participation des autorités nationales de la concurrence et simplifie la procédure de notification et d’enquête. Surtout, il facilite un renforcement du pouvoir de marché des entreprises pour leur permettre d’être plus efficaces. L’examen de la concentration s’effectue désormais au regard du critère de l’efficacité accrue de l’entreprise.

Le règlement sur les concentrations adopté en 1989(20) était axé sur le principe du «guichet unique», permettant à la Commission un contrôle exclusif sur toute fusion transfrontalière importante. Le nouveau règlement, tout en évitant que la même concentration soit notifiée à plusieurs autorités de concurrence dans l’Union européenne, reprend le « principe de subsidiarité », selon lequel est compétente l’autorité juridictionnelle la mieux placée pour examiner une concentration donnée. Il comporte les éléments novateurs suivants :

- la clarification du critère de fond pour l’analyse des concentrations. Le nouveau règlement considère que le critère de la « position dominante », qui est le critère de fond utilisé jusqu’alors, et celui de la « diminution substantielle de la concurrence », utilisé par d’autres systèmes juridictionnels, ont produit des résultats largement convergents. Le règlement de 1989 se fondait sur la notion de « position dominante », selon laquelle une ou plusieurs entreprises sont réputées détenir une telle position dominante si elles possèdent le pouvoir économique d’influencer les paramètres de la concurrence, en particulier les prix, la production, la qualité de la production, la distribution, l’innovation, et de restreindre sensiblement la concurrence. Ce critère considère crucial de savoir s’il subsiste une concurrence suffisante après la concentration pour que les consommateurs disposent d’un choix suffisant ;

- la rationalisation des délais de notification introduisant la possibilité de notifier une opération avant que celle-ci ne fasse l’objet d’un accord contraignant entre les parties ainsi que la suppression de l’obligation de notifier dans la semaine durant laquelle cet accord contraignant a été conclu ;

- la simplification du système de renvoi de la commission aux autorités nationales ou inversement ;

- l’assouplissement du calendrier des enquêtes avec la possibilité d’étendre de trois semaines le délai des parties pour soumettre leurs solutions, et avec l’accord des parties, une extension de quatre semaines pourra être accordée pour permettre à la Commission un examen approfondi ;

- le renforcement des pouvoirs d’enquête de la Commission pour qu’elle puisse recueillir plus facilement les renseignements dont elle a besoin pour infliger des amendes plus élevées aux compagnies qui lui font obstruction.

Le nouveau règlement précise qu’il « s’applique à toutes les « concentrations » de « dimension communautaire ». Ce système de renvoi aux autorités nationales pour la concurrence n’entend pas affaiblir le principe du « guichet unique », mais vise à permettre un examen de la concentration au niveau le mieux placé pour en apprécier les effets potentiels. L’objectif de cet examen est de vérifier la compatibilité d’une concentration de dimension européenne avec le marché commun, c’est-à-dire savoir si la concentration crée ou renforce une position dominante entravant de manière significative une concurrence effective sur le marché(21). »

B. L’échec de la stratégie de Lisbonne

La « Stratégie de Lisbonne », définie par les Etats membres en 2000, devait « permettre à l’Europe de devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde en 2010 ». Face au déclin de l’emploi industriel et aux délocalisations, il s’agissait de la réponse de l’Europe à la mondialisation, marquant ainsi le retour de la question industrielle au niveau européen.

En 2005, le Conseil européen a complété ces objectifs en y ajoutant celui d’une « politique industrielle active » visant à renforcer « les avantages compétitifs de la base industrielle en veillant à la complémentarité de l’action aux niveaux national, transnational et européen ». Il s’agissait de promouvoir « des initiatives technologiques basées sur des partenariats public-privé et par l’organisation de plates-formes technologiques visant à définir des agendas de recherche à long terme ».

Force est de constater aujourd’hui l’échec de la stratégie de Lisbonne. à titre d’exemple, l’objectif fixé pour les dépenses de R&D était de 3 % du PIB ; en 2008, elles s’élevaient seulement à 1,9 % du PIB dans la zone euro.

Comme l’a souligné M. Louis Gallois, les objectifs de Lisbonne « auraient pu avoir des retombées positives sur notre industrie, mais les politiques nécessaires n’ont pas été mises en œuvre. (…) Les deux seuls grands projets industriels communs identifiés sont GALILEO, le futur GPS européen, et SESAR, c’est-à-dire le ciel unique européen. Pas davantage de nouveau champion industriel européen depuis EADS. On peut d’ailleurs se demander si la toute-puissante direction générale de la concurrence, à Bruxelles, souhaite que de tels champions émergent »(22).

La Commission européenne semble avoir pris acte de ce bilan décevant de la stratégie de Lisbonne : elle a présenté, en mars 2010, sa nouvelle stratégie sur dix ans, destinée à relancer l’économie européenne. Axée sur les PME et l’économie durable, elle s’intitule Europe 2020 « Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » ; elle réforme et prolonge la précédente stratégie de Lisbonne par une gouvernance plus étroite au sein de l’Union. Elle vise à développer une croissance « intelligente, durable et inclusive » s’appuyant sur une plus grande coordination entre les politiques nationales et européennes.

Les grands axes de la stratégie Europe 2020 sont la promotion des industries sobres en carbone, l’investissement dans le développement de nouveaux produits, l’exploitation des possibilités de l’économie numérique et la modernisation de l’éducation et de la formation. L’Union européenne a également fixé cinq objectifs liés entre eux pour guider et orienter les progrès :

- remonter le taux d’emploi à au moins 75 % contre 69 % aujourd’hui ;

- consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche et au développement, au lieu des 2 % actuels, qui laissent l’Union loin derrière les Etats-Unis et le Japon ;

- réaffirmer les objectifs de l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique (dits « 20/20/20 »), qui sont déjà parmi les plus ambitieux du monde ;

- proposer de réduire le taux de pauvreté de 25 %, ce qui reviendrait à faire sortir 20 millions de personnes de la pauvreté ;

- améliorer les niveaux d’éducation en réduisant le taux d’abandon scolaire à 10 % et en portant à 40 % la proportion des personnes de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent.

Pour réaliser les transformations voulues, la stratégie Europe 2020 propose aux Etats membres d’adopter des objectifs nationaux à travers la mise en place de programmes de réforme propres à chacun d’eux. Or, la stratégie de Lisbonne a précisément échoué car elle s’est contentée de textes et de la fixation d’objectifs pour les Etats, sans financement ni levier européens.

III. LE MODÈLE ASIATIQUE

A. La mondialisation et l’émergence de nouveaux acteurs ayant une conception forte de la politique industrielle

La compétitivité française souffre de la mondialisation de l’économie. Après huit années de recul ininterrompu, la part de marché française à l’exportation s’était stabilisée entre 2007 et 2009. L’année 2010 marque un retour à la baisse plutôt préoccupant : en douze ans, la France a déjà perdu quatre points de part de marché à l’exportation, soit un manque à gagner de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Dans les échanges mondiaux, la part des exportations françaises est même tombée à 4 % en juin 2010, « un nouveau record à la baisse »(23). On ne peut ignorer que cette perte de compétitivité est aussi due en grande partie à la surévaluation de l’euro.

Certes, la France tire profit de la reprise du commerce mondial : ses exportations sont en forte hausse (+ 9,8 % en juillet 2010 sur un an), mais cette dynamique est bien moins vive que dans l’ensemble de la zone euro (+ 22 % sur un an). « Ce recul des parts de marché s’explique, d’une part, par la perte de compétitivité extérieure des exportateurs français et, d’autre part, par la forte reprise des exportations allemandes », selon COE-Rexecode. En effet, lors de la chute des échanges mondiaux, les exportations françaises avaient plutôt bien résisté, ses domaines de spécialisation (aéronautique, produits pharmaceutiques…) étant relativement épargnés par les aléas de la conjoncture. Mais à l’heure de la reprise, la France perd des parts de marché au profit de l’Allemagne qui est plus tournée vers les pays émergents et dont la spécialisation (les machines-outils, par exemple) est plus en phase avec la demande actuelle.

L’industrie est désormais globalisée ; la France et l’Europe doivent faire face à la montée en puissance des pays émergents, lesquels sont demandeurs de transferts de technologies. Auparavant, la France était avant tout en compétition ses principaux concurrents historiques européens, sur les mêmes marchés. Un double changement radical s’est produit il y a quelques années :

- l’arrivée des marchés des pays émergents ;

- l’arrivée des champions nationaux qui exportent : coréens puis chinois.

L’Asie représentera la moitié du marché mondial dans vingt ans, dont la moitié environ pour la Chine.

B. Le rôle de l’Etat

1. En Chine : des acteurs de la politique industrielle nombreux et relativement cloisonnés

Le secteur secondaire représentait 46,3 % du PIB de la Chine en 2009, l’industrie y contribuait à hauteur de 39,7 % et la construction pour 6,6 %. Ce secteur représentait sur la même période 27,8 % de l’emploi total en Chine pour 430 000 entreprises, dont 180 000 dans l’industrie légère et 250 000 dans l’industrie lourde. Il contribuait par ailleurs à 95 % aux exportations chinoises, et sa contribution à la croissance est estimée à 2,7 points de pourcentage sur les 9,1 % de croissance du PIB en 2009.

La production industrielle en Chine s’est accrue de 13,5 % en 2010 (selon le MIIT(24)) après avoir augmenté de 10,8 % en 2009, et de 12,4 % en 2008, malgré les difficultés suscitées par la crise économique.

S’il est un pays au monde qui a une politique industrielle, c’est la Chine. A la différence de l’Union européenne, où l’on crée les conditions de marché (concurrence, fonctionnement du marché interne, centres de recherche, approche globale sans choisir le secteur qui doit être identifié), la Chine adopte une approche diamétralement opposée.

La politique industrielle chinoise est étroitement corrélée à la mise en œuvre du plan quinquennal, qui prévoit les grands investissements et projets réalisés sur la période. Le 11e plan est achevé et a laissé sa place, après son vote en mars 2011 par l’Assemblée nationale populaire, au 12e plan quinquennal (2011-2015).

Le 11e plan quinquennal pour la période 2006-2010 donnait la priorité à onze industries stratégiques. Parmi ses propositions détaillées figuraient :

- accélérer le développement des industries de haute technologie, notamment en informatique, biotechnologie, nouveaux matériaux, et pour l’industrie aéronautique et spatiale ;

- revitaliser le secteur de la fabrication d’équipements, y compris l’industrie automobile et la construction navale ; accélérer la restructuration des industries de matières premières, y compris l’industrie métallurgique et l’industrie chimique ;

- promouvoir l’utilisation des technologies de l’information.

Le 12e plan quinquennal poursuivra les politiques antérieures de sélection des principaux secteurs stratégiques pour le soutien préférentiel. En septembre 2010, le Conseil d’Etat a ratifié sept « nouvelles orientations stratégiques de croissance innovantes » :

- technologies de l’information de nouvelle génération (les nouvelles plates-formes basées sur la technologie, sur l’Internet, le « cloud computing ») ;

- fabrication de matériel haut de gamme (y compris la technologie ferroviaire à grande vitesse) ;

- les matériaux de pointe (nano-matériaux) ;

- voitures à carburant alternatif (voitures à pile à combustible, voitures hybrides, voitures à hydrogène et voitures solaires) ;

- les économies d’énergie et la protection de l’environnement (les industries de la technique, de l’équipement industriel et des services qui préservent les ressources et protègent l’environnement) ;

- l’énergie alternative (dont l’énergie solaire, énergie géothermique, énergie éolienne, l’énergie des océans, la biomasse) ;

- la biotechnologie (y compris la bio-agriculture, la bio-médecine).

Des politiques ou des plans sectoriels (dans le domaine automobile ou de l’acier par exemple) viennent compléter les orientations du plan quinquennal, éventuellement sur des échéances plus longues (plan en matière de véhicule économe en énergie sur la période 2011-2020 par exemple).

La mise en œuvre de ces différents plans est confiée principalement à deux ministères :

- la NDRC (Commission nationale pour le développement et la réforme, ancien ministère du plan) définit les objectifs économiques du gouvernement à moyen et long terme, planifie les grands projets, supervise et approuve les grands projets d’investissements. Elle participe à l’élaboration des politiques sectorielles, fixe la politique publique des prix, détermine la politique énergétique et oriente le développement régional ;

- le MIIT (Ministère de l’Industrie et technologies de l’information), qui a bénéficié du transfert de certaines compétences de la NDRC, exerce la tutelle des différents secteurs industriels. Il émet des propositions en matière de stratégie industrielle, élabore et supervise l’exécution des plans sectoriels, propose les normes et les standards obligatoires en matière industrielle à la Commission de la standardisation (SAC) et approuve les standards de référence. L’articulation entre ces deux acteurs n’est pas fluide, alors qu’ils cherchent l’un et l’autre à assurer leur suprématie dans le pilotage des différents secteurs.

D’autres ministères ont également un rôle important en matière industrielle. Le MoST (Ministère des sciences et des technologies) pilote les grands programmes de recherche (fondamentale et appliquée) et tient un catalogue des technologies que doit acquérir ou développer la Chine. Le MOFCOM (ministre du commerce) est chargé de la politique commerciale, exerce un contrôle sur les investissements étrangers et gère la politique de la concurrence. L’AQSIQ (l’administration générale du contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine) est responsable à travers ses différentes composantes de la délivrance des certificats CCC liée à l’homologation de 159 catégories de produits importés ou de l’approbation des normes obligatoires de niveau national. Dans le secteur ferroviaire, le MoR (ministère des chemins de fer) reste l’acteur incontournable.

Le département de l’administration des capitaux étrangers au MOFCOM sort, avec la NDRC, un catalogue d’investissements étrangers suivant les secteurs définis selon :

- les secteurs à encourager (avantages tels que baisse droits de douane pour importations d’équipements) ;

- les secteurs à limiter (pour catégorie limitée : contraintes par ex de parts d’action dans la société, restriction concrète par ex majorité chinoise) ;

- les secteurs à interdire.

Depuis dix sept ans, la Chine occupe la première place parmi les pays en développement en terme d’accueil et d’investissement étranger.

Les partenariats entre des entreprises étrangères et des entreprises chinoises ont été encouragés, voire rendus obligatoires, par des règles strictes en matière d’investissement ou d’obtention de licences (qui se sont cependant assouplies dans de nombreux domaines), la mise en œuvre opaque et parfois différenciée de nombreuses réglementations entre entreprises chinoises et entreprises étrangères, ou des procédures d’autorisation des dossiers d’investissement les plus importants, pour favoriser les transferts de technologie et accélérer le rattrapage technologique de la Chine.

L’obtention de contrats importants dans des secteurs technologiques est directement corrélée à l’importance des transferts technologiques réalisés. Ce point est examiné scrupuleusement notamment par la NDRC dans l’instruction des dossiers d’investissements qu’elle réalise pour préparer les décisions du Conseil des affaires d’Etat. L’augmentation de la part d’Airbus en Chine doit beaucoup aux efforts consentis par l’avionneur (par exemple la mise en place de la chaîne d’assemblage final des A320 à Tianjin). Les succès de Bombardier ou de Siemens dans le domaine ferroviaire sont liés aux transferts de technologie réalisés par ces entreprises dans le domaine de la très grande vitesse. Cette règle s’observe dans la plupart des secteurs. Les autorités chinoises n’hésitent pas en la matière à acheter les différentes technologies existantes dans un domaine pour en réaliser ensuite une appropriation et une synthèse locales. La Chine n’hésite pas non plus à fermer temporairement certains secteurs aux entreprises contrôlées par les capitaux étrangers, jusqu’à sécuriser l’émergence de groupes importants par l’achat et l’adaptation de technologies étrangères (par exemple dans le secteur éolien).

En complément de ces acteurs institutionnels, le rôle des entreprises chinoises doit être souligné, compte tenu notamment de l’importance du secteur public. Parmi les 430 000 entreprises industrielles chinoises, 360 000 sont à capitaux majoritairement chinois, 30 000 à capitaux de Hong-Kong ou Macao et 40 000 à capitaux étrangers. Sur les 360 000 entreprises à capitaux chinois, 260 000 sont des entreprises privées et près de 100 000 relèvent du secteur des entreprises publiques, dont 9 000 directement possédées par l’Etat. Parmi celles-ci se trouvent de très grandes entreprises dans la mesure où quatre entreprises privées seulement se comptent dans les cinquante plus grandes entreprises chinoises.

Il existe ainsi une certaine dualité dans la structure des entreprises chinoises. Le secteur privé a connu jusqu’ici davantage de difficultés à se moderniser que le secteur d’Etat qui intègre mieux des technologies de pointe, mais sans parvenir néanmoins à toujours assurer sa rentabilité. L’Etat a longtemps assuré notamment l’emploi dans les régions du Nord Est et la production de biens « stratégiques ».

Les Chinois s’appuient également sur un système financier entièrement fixé par l’Etat (taux d’intérêt fixés par l’Etat, prêts quand cela est nécessaire). La Chine impose des contenus locaux et favorise les « joint-ventures » dans lesquels les Chinois sont majoritaires à hauteur d’au moins 51 %.

2. En Corée du Sud, l’étroite association des entreprises et des pouvoirs publics

Il existe une vraie vision de la politique industrielle à long terme en Corée, très articulée autour des différents acteurs, où l’Etat a davantage une fonction de stratège que d’opérateur.

La définition de la politique industrielle en Corée est le fruit d’une concertation étroite entre les pouvoirs publics et les entreprises. Cette concertation peut porter à la fois sur la définition des domaines prioritaires, la définition des normes applicables, ou la mise en place de co-financements publics-privés pour les projets de recherche et développement. La dimension export est intégrée d’emblée dans la définition des politiques industrielles et des efforts sont portés sur la recherche et développement.

La concertation entre les pouvoirs publics et les entreprises est d’autant plus efficace que la concentration des grands groupes industriels coréens (les « chaebols ») permet de réunir rapidement les acteurs essentiels pour mettre en œuvre les priorités décidées et capitaliser les savoir-faire existants (par exemple dans le développement de l’industrie des panneaux solaires et des batteries électriques en tirant parti des expertises des grands groupes coréens en matière d’électronique et de batteries de téléphones portables). Cette concertation est voulue et encouragée au plus haut sommet de l’Etat.

La banque centrale de Corée est indépendante du Gouvernement en théorie, mais en fait le Ministre de l’économie est présent ou représenté aux réunions stratégiques (s’agissant par exemple de décisions relatives aux taux).

L’Etat coréen n’hésite pas à recourir à des formes de protectionnisme déguisé afin de permettre le développement et l’essor de ses propres produits. Par exemple, la Corée avait raté le créneau industriel de l’iPad américain ; elle en a bloqué la procédure de certification sur son territoire, le temps pour le coréen Samsung de développer son propre produit.

C. La recherche et l’innovation

1. En Chine

En Chine, les autorités cherchent à développer, sur la base notamment des technologies acquises, une politique d’innovation locale. Des parcs technologiques, des incubateurs scientifiques, ainsi que des zones de développement technologique sont apparus dès le début des années 80. Une politique nationale de promotion des innovations est venue compléter ce dispositif à partir des années 2000. Le système d’innovation soutenu par le Gouvernement a été en priorité destiné aux entreprises publiques et aux centres de R&D issus du système pour produire une autonomie de la Chine en R&D.

Des mesures nombreuses visent donc à renforcer une innovation entièrement chinoise : une analyse précise réalisée par le MoST s’agissant des technologies à acquérir, des dispositions visant à contraindre la protection de l’innovation étrangère en Chine, des mesures destinées à favoriser l’innovation « indigène » notamment dans le cadre de l’accès aux marchés publics.

La capacité de financement des entreprises chinoises est très importante. Le secteur financier est piloté d’une manière extrêmement serrée par les autorités chinoises, alors que la plupart des plus grandes banques chinoises sont publiques. Si l’encours en matière de prêts concessionnels de l’EXIMBANK reste limité, une banque dite commerciale comme China Development Bank a pu mettre en place des lignes de crédits d’un montant impressionnant pour accompagner le développement d’entreprises chinoises, à l’étranger notamment (lignes de crédits de 30 milliards de dollars pour Huawei et de 15 milliards de dollars pour ZTE en 2009 par exemple). Les autorités chinoises ne semblent pas de ce point de vue connaître les même contraintes que celles que ce sont fixées l’Union européenne ; elles soutiennent leurs entreprises avec une toute une gamme d’instruments financiers.

Les entreprises chinoises recherchent une internationalisation croissante dans de nombreux secteurs, laquelle est soutenue par les autorités chinoises. Pour certains secteurs, comme le textile et l’acier, le levier fiscal est utilisé (remboursements de TVA). Pour l’automobile, il s’agit de développer un environnement favorable à l’émergence des constructeurs chinois « indépendants » compétitifs sur les marchés extérieurs. Des financements importants peuvent accompagner les projets d’entreprises chinoises et s’avérer décisifs pour emporter certains marchés. Les entreprises européennes se retrouvent de plus en plus fréquemment en compétition avec des entreprises chinoises sur des marchés extérieurs et peuvent être handicapées dans certains cas par des conditions de financement avantageuses octroyées dans le cadre des offres chinoises.

2. En Corée du Sud

L’effort consacré par la Corée du Sud à la recherche et développement (environ 3,5 % du PIB) est important, qu’il s’agisse des pouvoirs publics ou des entreprises privées.

D’une manière générale, la politique de recherche est menée sur la base de partenariats publics-privés, articulés autour de co-financements. Cet effort de recherche et développement correspond à la volonté de la Corée de passer à une troisième phase de son développement industriel, après les deux premières phases basées respectivement sur le développement des industries légères puis des industries lourdes et mécaniques.

La priorité est désormais donnée aux secteurs jugés d’avenir (notamment la croissance verte comprenant voitures et batteries électriques, les biotechnologies, les nanotechnologies, le développement des matériaux dits « d’avenir »), en misant également de plus en plus sur le développement de l’industrie des services.

D. La promotion des champions nationaux

En Chine, le Conseil d’Etat a publié en 2008 une stratégie nationale en matière de propriété intellectuelle visant à faire émerger des champions nationaux dotés de droits équivalents à ceux de leurs concurrents étrangers et favorisant l’innovation locale.

La politique industrielle chinoise, construite initialement sur l’avantage d’une main d’œuvre à bas coût, promeut l’émergence de champions nationaux et recherche une base technologique à travers les transferts de technologie, pour construire ensuite une innovation autonome.

Le gouvernement chinois favorise un ou deux champions nationaux par secteur. Les autorités chinoises œuvrent ainsi à la concentration des acteurs dans de nombreux secteurs pour favoriser l’émergence de champions nationaux compétitifs au niveau international et optimiser l’utilisation des ressources et de l’énergie, par une fermeture des structures obsolètes ou d’une taille insuffisante. Cette politique a fonctionné dans certains secteurs industriels : ordinateurs (Lenovo, premier producteur du monde), équipements de télécommunication (Huawei, numéro 2 mondial des équipements de télécommunication après Ericsson, avec la spécificité d’être une entreprise privée dont la totalité de l’actionnariat est actuellement salarié), Haier (numéro 1 mondial dans plusieurs segments d’équipements électro-ménager). En matière de télécommunications, la Chine compte des opérateurs de téléphonie parmi les premiers du monde, comme China Mobile, propriété de l’Etat, premier opérateur de télécommunication de Chine et premier opérateur de téléphonie mobile au monde, ou China Telecom, encore détenu à 70,89 % par l’Etat ; cela est dû à la fois à la taille du marché chinois et à la mise en place de barrières à l’entrée pour limiter l’accès des entreprises de services étrangères.

L’une des caractéristiques de la politique industrielle coréenne est, quant à elle, d’intégrer d’emblée dans sa définition de départ les aspects liés aux exportations. Les décideurs coréens sont en cela fidèles au modèle de développement de la Corée, basé sur des industries exportatrices. Ce modèle s’est concentré dans un premier temps sur le développement d’industries légères à forte intensité de main-d’oeuvre, avant d’évoluer à la fin des années 1970 vers le développement d’industries lourdes et d’industries mécaniques (sidérurgie, construction navale, construction automobile, électronique). Le déploiement à l’export sur les marchés étrangers des industriels coréens est favorisé par la structure intégrée de la plupart des grands groupes et leur relative autonomie par rapport à leur actionnariat (souvent, rôle prépondérant de l’actionnariat familial).

Ce développement à l’export est également favorisé, dans certains cas, par les positions fortes dont disposaient sur leur marché domestique les groupes coréens, qui disposent ainsi de la base industrielle et des ressources nécessaires pour leur développement à l’export. Cet essor des exportations coréennes a grandement favorisé le développement de la Corée du Sud.

DEUXIÈME PARTIE : PROMOUVOIR UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE NATIONALE

I. LE SOUTIEN À L’INDUSTRIE : UNE NÉCESSITÉ

Au-delà de sa contribution directe à la valeur ajoutée marchande, l’industrie joue un rôle central dans l’économie. La crise économique et financière qui a débuté en 2008 a rappelé que la politique industrielle est une nécessité, pour plusieurs raisons :

- l’industrie tire l’innovation : près de 85 % des dépenses de recherche et de développement (R&D) des entreprises françaises sont réalisées dans l’industrie. Sans base industrielle, il n’y a pas presque pas d’innovation ;

- l’industrie tire les exportations et permet par conséquent d’assurer le niveau de vie du pays : elle représente 80 % des ventes de biens et services à l’étranger en 2007. Sans base industrielle, il n’y a presque pas d’exportations ;

- l’industrie tire le secteur des services aux entreprises, qui représentent 16,6 % du PIB. Elle est nécessaire aux emplois, l’industrie et les services associés représentant 45 % de l’ensemble des secteurs marchands en France. Si la part de l’industrie dans le PIB,  d’environ 15 %, est relativement modeste, elle représente 20 à 30 % si l’on y inclut les services. Sans base industrielle, les services à valeur ajoutée sont menacés.

II. DE NOMBREUX OUTILS

A. Des outils qui ont fait leurs preuves

1. Les pôles de compétitivité

Les pôles de compétitivité associent des entreprises de toute taille, des centres de recherche et des organismes d’enseignement supérieur, sur une thématique et un territoire donnés autour d’une stratégie commune de développement. La politique des pôles de compétitivité est basée sur le soutien de projets d’innovation en partenariat public-privé. En reconnaissant, sur un domaine et un territoire, l’existence d’une masse critique d’acteurs et de leur potentiel, l’Etat soutient les actions coopératives en faveur de la compétitivité.

Dans un premier temps, les acteurs des pôles se sont organisés pour sélectionner des projets de R&D (expertise technologique et économique), qui peuvent bénéficier de financements publics. Le Fonds unique interministériel (FUI) doté de 600 millions d’euros sur 2009-2011, l’Agence nationale de la recherche (ANR), OSEO Innovation, les collectivités territoriales ou l’Union européenne participent également au financement de ces projets R&D. La stratégie des pôles comprend une logique de développement de leur écosystème. Il s’agit de renforcer les collaborations entre les membres et de sélectionner, pour les accompagner, les projets innovants prometteurs ou structurants. L’objectif est de faire émerger des projets de développement d’entreprises solides, conçus sur la base d’un dialogue entre fournisseurs et utilisateurs de technologies.

Les pôles de compétitivité se sont renforcés : ils créent une synergie entre les entreprises et en particulier les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur. Ils constituent un outil efficace et durable pour renforcer la compétitivité et lutter contre la désindustrialisation (25). En 2010, un projet sur cinq financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) est labellisé par un pôle de compétitivité.

Les fonds régionaux ou nationaux affiliés à CDC Entreprises ont investi un montant global (y compris avant la création des pôles) de 583 millions d’euros dans 366 PME membres de pôles de compétitivité, soit un ticket moyen de 1,6 million d’euros. Ces investissements représentent 298 PME actives membres de pôles fin 2008 et un montant global de 509 millions d’euros, en tenant compte des différentes sorties (essentiellement des entreprises sorties des pôles ou des portefeuilles des fonds par cession ou liquidation)(26).

S’inspirant du modèle des pôles de compétitivité français, la création de pôles de compétitivité européens pourrait être encouragée.

2. L’Agence des Participations de l’Etat (APE) rénovée

Service à compétence nationale placé sous l’autorité du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, l’Agence des participations de l’Etat (APE) exerce quatre missions principales :

-  incarner et exercer la fonction d’actionnaire ;

- exercer l’intégralité des missions de l’Etat actionnaire ;

- rendre l’action de l’Etat actionnaire transparente ;

- améliorer l’efficacité de la fonction d’actionnaire.

L’Etat exerce vis-à-vis des entreprises publiques des responsabilités multiples et potentiellement conflictuelles : il est leur actionnaire et parfois leur client, il règlemente et régule leur secteur d’activité, il peut leur déléguer par contrat des missions de service public. Alors que les entreprises publiques évoluent dans un univers très largement ouvert à la concurrence, il est devenu indispensable de bien distinguer ces missions et de mieux identifier, au sein de l’Etat, le métier d’actionnaire. L’APE a été créée pour incarner cette fonction d’actionnaire, dans le cadre des orientations fixées par le gouvernement. Pleinement opérationnelle depuis début 2004, l’objectif central de l’APE est de veiller aux intérêts patrimoniaux de l’Etat dans les conditions définies par le décret du 9 septembre 2004 qui l’a instituée.

Le champ de compétence de l’APE est strictement défini. Il comprend des participations minoritaires et des entités d’un poids significatif contrôlées par l’Etat mais qui ne sont pas des opérateurs de politique publique. Au total, environ 70 entités et participations composent ce portefeuille et constituent le périmètre d’établissement des comptes des entreprises publiques. L’Agence conduit son action en liaison avec les autres ministères qui participent au comité de direction de l’Etat actionnaire chargé de déterminer le cadre général de la stratégie de l’Etat dans ce domaine.

« L’exercice par l’Etat de sa fonction d’actionnaire a été profondément rénové en 2010. La nomination, à compter du 15 septembre 2010, d’un commissaire aux participations de l’Etat rattaché directement au ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi s’inscrit dans une évolution majeure du rôle que doit jouer l’Etat actionnaire et de ses modes d’intervention afin d’améliorer son efficacité et sa pertinence économique et industrielle.

La démarche retenue conduit l’Etat à mettre désormais au premier plan la vision industrielle du pilotage de ses participations et à affirmer ainsi, pour les entreprises concernées, une stratégie de développement industriel et économique claire de long terme, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux et de l’objet social de chacune de ses participations.

Pour chaque entreprise où l’Etat est actionnaire, une réunion entre le ministre de l’économie, les autres ministres intéressés (défense, transports, industrie, énergie ou communication selon le cas) et les dirigeants de l’entreprise est désormais organisée afin de faire un point stratégique régulier. Un administrateur représentant l’Etat et compétent en matière industrielle est nommé systématiquement à côté de l’administrateur représentant le ministère de l’Économie au titre des intérêts patrimoniaux.

Les processus de nomination, de renouvellement et de succession des dirigeants sont mieux anticipés en demandant, avant la fin du deuxième mandat, à l’organe compétent du conseil d’administration, de les préparer.

Des revues régulières sur la répartition par pays ou grandes zones des investissements, de l’emploi, de la valeur ajoutée et des achats/sous-traitances sont demandées à l’ensemble des entreprises où l’Etat est actionnaire afin d’évaluer la contribution de chaque entreprise au développement industriel de la France. (…).

Un compte-rendu périodique sur la politique de gestion des personnels et la manière dont chaque entreprise s’efforce de donner une meilleure visibilité à ses collaborateurs, ainsi que, sur l’existence d’éventuels dispositifs de détection et de prévention des situations de détresse ou de fragilité, est également demandé à l’ensemble des entreprises concernées.

Avec un tel plan d’action, l’Etat joue davantage son rôle d’actionnaire industriel pour amener ces entreprises à converger vers trois priorités qui sont les siennes : contribuer à la compétitivité de long terme de notre industrie et de l’économie, créer de la valeur et fournir aux 1,9 million de salariés concernés des perspectives d’emploi et de développement de leur projet professionnel »(27).

Pour pouvoir mettre en œuvre ces orientations, les textes régissant l’Agence des participations de l’Etat ont évolué en conséquence, tout en maintenant l’unité de gestion des moyens et des personnels de l’APE et de la direction générale du Trésor au sein du ministère chargé de l’Économie. Cette nouvelle politique a été annoncée par le Président de la République lors des Etats généraux de l’Industrie le 4 mars dernier.

Afin de lui permettre d’exercer pleinement son rôle, il est souhaitable que l’APE soit destinataire de l’ensemble de l’information pertinente relevant de son domaine de gestion, en particulier les études réalisées par la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS). Il s’agit de substituer une vision horizontale de diffusion de l’information à la pratique verticale existante.

3. L’aide à la Recherche & Développement (R&D)

Le financement sur projet, via l’Agence nationale de la recherche (ANR) et les programmes européens, est désormais inscrit dans le paysage français de la recherche. D’autres dispositifs ont démontré leur efficacité.

a) Le Crédit Impôt Recherche (CIR) : le dispositif central d’aide à la recherche et développement (R&D)

Le CIR n’est pas un dispositif nouveau. Cependant, depuis 2008, le CIR est devenu le dispositif central d’aide à la R&D. Il représentera en 2011 près de 5 milliards d’euros. La quasi-totalité des entreprises qui réalisent des travaux de recherche l’utilisent. Le dynamisme de la dépense intérieure de R&D montre qu’il a joué un rôle puissant d’amortisseur de la crise. Il constitue un élément phare d’attractivité du territoire, comme en témoigne l’augmentation importante du nombre de centres de R&D étrangers en France. Il prémunit de la délocalisation des centres de recherche et contribue à rendre le système de recherche plus attractif.

« Le crédit d’impôt recherche a été créé dans le cadre de la loi de finances pour 1983 (no 82-1126 du 29 décembre 1982, article 67). Sa logique profonde est demeurée la même jusqu’en 2004 : le crédit d’impôt ne devait financer que l’accroissement des dépenses de R&D des entreprises, et non les dépenses de R&D elles-mêmes (sauf entre 1988 et 1992). Il ne s’agissait donc que d’accompagner ponctuellement les entreprises actives dans ce domaine, pour les quelques années durant lesquelles leurs dépenses s’accroissaient, et non d’un outil de soutien structurel »(28).

Depuis le 1er janvier 2008, le crédit impôt recherche consiste en un crédit d’impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu’à 100 millions d’euros et 5 % au-delà de ce montant. Les entreprises entrant pour la première fois dans le dispositif bénéficient d’un taux de 50 % la première année puis de 40 % la deuxième année.

Une évolution du CIR a en effet été amorcée en 2004 et achevée par la loi de finances pour 2008(29), qui a modifié l’économie générale du dispositif.

Le « maintien de l’économie générale du crédit d’impôt recherche dans sa forme issue de la réforme de 2008 » est souhaitable pour trois raisons : « le caractère prometteur des premiers éléments (certes partiels) relatifs à la réforme du CIR ; le besoin de visibilité des entrepreneurs engageant des dépenses de long terme ; enfin, la nécessité pour l’Etat d’assumer ses choix et ne pas céder à la tentation de la « réforme permanente », au risque de ne plus être compris des contribuables

Le CIR a un coût, estimé à environ 4 milliards d’euros par an, ce qui fait de ce crédit d’impôt la deuxième dépense fiscale de l’Etat après le taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans (5,2 milliards d’euros)(30) ».

Le CIR a joué le rôle d’amortisseur dans une conjoncture de crise en apportant un soutien fort aux dépenses de R&D des entreprises. Il incite également à la collaboration entre les grands groupes et les PME d’une part, et les entreprises et les organismes publics de recherche d’autre part.

Crédit d’impôt recherche et sous-traitance

(extrait de l’article 244 quater B du code général des impôts)

II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt sont :

(...)

« d) Les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à :

« 1° Des organismes de recherche publics ;

« 2° Des établissements d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant un grade de master ;

« 3° Des fondations de coopération scientifique agréées conformément au d bis ;

« 4° Des établissements publics de coopération scientifique ;

« 5° Des fondations reconnues d’utilité publique du secteur de la recherche agréées conformément au d bis ;

« 6° Des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ayant pour fondateur et membre l’un des organismes mentionnés aux 1° ou 2° du présent d ou des sociétés de capitaux dont le capital ou les droits de vote sont détenus pour plus de 50 % par l’un de ces mêmes organismes. Ces associations et sociétés doivent être agréées conformément au d bis et avoir conclu une convention en application de l’article L. 313-2 du code de la recherche ou de l’article L. 762-3 du code de l’éducation avec l’organisme précité. Les travaux de recherche doivent être réalisés au sein d’une ou plusieurs unités de recherche relevant de l’organisme mentionné aux 1° ou 2° du présent d ayant conclu la convention.

« Ces dépenses sont retenues pour le double de leur montant à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l’article 39 du présent code entre l’entreprise qui bénéficie du crédit d’impôt et l’entité mentionnée aux 1° à 6° du présent d ;

« d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. Pour les organismes de recherche établis dans un Etat membre de la Communauté européenne, ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale, l’agrément peut être délivré par le ministre français chargé de la recherche ou, lorsqu’il existe un dispositif similaire dans le pays d’implantation de l’organisme auquel sont confiées les opérations de recherche, par l’entité compétente pour délivrer l’agrément équivalent à celui du crédit d’impôt recherche français ;

« d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d’impôt recherche dans la limite globale de deux millions d’euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d’euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l’article 39 entre l’entreprise qui bénéficie du crédit d’impôt et ces organismes ;

« Le plafond de 10 millions d’euros mentionné au premier alinéa est majoré de 2 millions d’euros à raison des dépenses correspondant aux opérations confiées aux organismes mentionnés au d »

b) La Jeune entreprise innovante (JEI)

Le dispositif de la jeune entreprise innovante (JEI) permet à une PME, au sens communautaire, de moins de huit ans consacrant au moins 15 % de ses charges à des dépenses de R&D de bénéficier, notamment, d’une exonération de cotisations sociales patronales pour tout son personnel participant à des tâches de recherche.

Suite à la réforme de l’aide aux projets des JEI qui introduit un plafonnement des exonérations ainsi qu’une sortie progressive du dispositif, avec un taux d’exonération dégressif au bout de la 4e année, il a été demandé à OSEO d’appuyer les JEI qui seraient en difficultés :

- la part des cotisations sociales qui ne sera plus exonérée pourra être incorporée dans l’assiette du CIR ;

- OSEO pourra également la réintégrer dans l’assiette de ses aides à l’innovation, que cela concerne des projets nouveaux ou déjà accordées ;

- les dispositifs de financement d’OSEO, comme ses produits de garanties, pourront aussi être mobilisés, afin de faciliter les prêts bancaires aux JEI.

Plus de 2 000 entreprises bénéficient de ce dispositif, pour un montant de 120 millions d’euros en 2008 et de 130 millions d’euros en 2009.

c) Le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologiques innovantes

Le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes a été créé à l’initiative du ministère chargé de la recherche. Depuis, il a été reconduit chaque année et est devenu une pièce majeure du dispositif de soutien à l’innovation.

Les lauréats « en émergence » reçoivent, à titre personnel, une subvention d’un montant maximum de 45 000 euros pour financer jusqu’à 70 % des prestations nécessaires à la maturation de leur projet et à l’établissement de la preuve du concept. Les entreprises créées par les lauréats « création-développement » bénéficient d’une subvention d’un montant maximal de 450 000 euros, destinée à financer jusqu’à 60 % du programme d’innovation de l’entreprise.

Depuis 1999, les jurys ont sélectionné 2 049 lauréats. 50 % des projets portés par ces lauréats valorisent des résultats de la recherche publique. Le concours contribue chaque année à la création d’environ une centaine d’entreprises de technologies innovantes qui ont permis au total la création de près de 1 100 entreprises.

d) L’installation de nouvelles entreprises de R&D en France

Au cours des dix dernières années, la structure des investissements étrangers en France s’est modifiée, au profit des projets dans les secteurs intensifs en technologie et valeur ajoutée, qu’il s’agisse d’activités de services comme le conseil et l’ingénierie, les logiciels et prestations informatiques, ou des activités industrielles à fort contenu technologique que  sont les médicaments et les biotechnologies, les composants et matériels électroniques, l’énergie, la chimie, le matériel aéronautique, naval et ferroviaire. Ces secteurs sont à l’origine de 33 % des projets en 2009, contre 29 % en 2007.

Certaines opérations sont particulièrement notables(31), comme :

- la création d’un centre de recherche et développement dans les technologies de l’information et de la communication par l’entreprise américaine INTEL corporation – fabricant leader mondial de processeurs – dédié à la recherche et au développement sur le calcul haute performance, dans la région Ile-de-France (40 emplois créés) ;

- la création d’un centre de recherche et développement par la société américaine EON Reality, Inc –premier centre de réalité virtuelle en France (et le quinzième mondial) dans la région Auvergne (10 emplois créés) ;

- l’implantation récente  d’un centre de R&D du groupe pharmaceutique GlaxoSmithKline dans l’Essonne  qui emploie 70 personnes et qui sera utilisé comme une plate-forme partenariale entre le public et le privé.

4. Les Etats généraux de l’industrie (EGI)

Les Etats généraux ont rassemblé plus de 5 000 participants sur trois mois et ont fait émerger plus de 1 000 propositions d’actions. Sur la base du diagnostic d’un recul préoccupant de l’industrie française depuis plus de dix ans, ils ont montré une volonté collective, des industriels aux partenaires sociaux, de redonner au pays une ambition industrielle.

Le plan d’actions annoncé le 4 mars 2010 à Marignane par le Président de la République en clôture de ces travaux complète les mesures structurantes déjà engagées par le Gouvernement, comme la montée en puissance des pôles de compétitivité, la réforme du crédit impôt recherche en 2008 puis son remboursement anticipé en 2009 et 2010, la création du fonds stratégique d’investissement, la suppression de la taxe professionnelle ou encore le lancement de l’emprunt national.

Les vingt-trois mesures de ce plan se répartissent en cinq leviers d’action :

- mettre l’industrie au coeur d’un grand projet commun, notamment grâce à la création d’une conférence nationale de l’industrie associant les partenaires sociaux, à la proposition de mesures structurantes au niveau européen et à la promotion du « Made in France » ;

- développer l’emploi et les compétences sur les territoires, en particulier en créant un dispositif de soutien à la réindustrialisation doté de 200 millions d’euros, et en développant le tutorat « senior-junior » et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau territorial ;

- structurer les filières industrielles françaises, par exemple en créant des comités stratégiques par grande filière industrielle, en développant des fonds sectoriels, ou en nommant un médiateur de la sous-traitance. 300 millions d’euros seront consacrés à cette politique ;

- renforcer la compétitivité des entreprises et l’innovation industrielle, notamment grâce à la mise en place de 500 millions d’euros de prêts verts à taux bonifiés, à des mesures de simplification réglementaire, ou à la pérennisation du remboursement anticipé du crédit impôt recherche pour les PME. Le Président de la République a également souhaité l’engagement d’une réflexion sur le mode de financement de la protection sociale ;

- assurer le financement de l’industrie en France, en particulier grâce à une réflexion sur la fiscalité de l’épargne pour l’orienter davantage vers l’investissement de long terme dans les entreprises et sur la création d’un « livret épargne industrie ».

Lors de la clôture des EGI, le 4 mars 2010, le Président de la République a dessiné les contours de la nouvelle politique industrielle française, à laquelle quatre objectifs sont assignés :

- une augmentation de la production industrielle de plus de 25 % d’ici fin 2015 ;

- la pérennisation de l’emploi industriel en France sur le long terme ;

- le retour à une balance commerciale industrielle (hors énergie) durablement positive d’ici 2015 ;

- un gain de plus de 2 % de la part française dans la production industrielle en Europe (Europe à 15).

La quasi totalité des vingt-trois mesures sont actuellement opérationnelles : mise en place de l’ensemble des comités stratégiques de filières, entretien d’un dialogue constructif avec les partenaires sociaux dans le cadre de la Conférence nationale de l’industrie, pérennisation du remboursement immédiat du crédit impôt recherche pour les PME, création de France Brevets, etc. La première édition de la semaine de l’industrie, du 4 au 10 avril 2011, est l’une des dernières mesures à être opérationnelle, un an après la clôture des EGI ; la mobilisation des acteurs à cette occasion (autour de plus de 1 400 manifestations sur l’ensemble du territoire) témoigne de l’importance et du potentiel de l’industrie française.

B. Les outils dont l’efficacité mériterait d’être améliorée

1. Les investissements du grand emprunt

La loi de finances rectificative pour 2010 a ouvert 35 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur le budget de l’Etat pour financer des actions dans le cadre du programme des investissements d’avenir. La mise en œuvre de ces actions passe par des opérateurs, chargés de distribuer les fonds. Parmi ces 35 milliards d’euros, 18,1 milliards d’euros de crédits bénéficient directement ou indirectement à l’industrie.

Les actions au bénéfice direct de l’industrie sont les suivantes :

- 6,5 milliards d’euros de crédits visent à consolider les avantages compétitifs majeurs dont disposent plusieurs filières, dans un contexte de mutations économiques et technologies rapides :

- 1 milliard d’euros est consacré au développement des véhicules du futur et destinés à financer des projets de démonstrateurs et de plateformes expérimentales dans tous les domaines de la mobilité durable ;

- 2 milliards d’euros sont consacrés au secteur aéronautique (1,5 milliard d’euros) et spatial (0,5 milliard d’euros), afin notamment de permettre le développement de l’avion du futur, plus performant et moins consommateur de carburant, et de maintenir l’avance technologique de la France en matière d’industrie spatiale des lanceurs ;

- 2,5 milliards d’euros sont consacrés au soutien des PME innovantes (1,5 milliard d’euros), au développement de l’amorçage des entreprises innovantes (0,4 milliard d’euros), à l’entreprenariat social et solidaire (0,1 milliard d’euros) et au renforcement des pôles de compétitivité (0,5 milliard d’euros) ;

- 1 milliard d’euros est consacré au financement des mesures issues des Etats généraux de l’industrie.

Les actions au bénéfice indirect de l’industrie sont les suivantes :

Parmi les crédits dédiés au renforcement de l’enseignement supérieur et la recherche, 3,5 milliards d’euros visent à créer un fonds national valorisation et des Instituts de recherche technologiques, qui permettront notamment une meilleure synergie entre les entreprises et le monde de la recherche, et à renforcer la valorisation de la recherche, notamment auprès des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) :

- Instituts de recherche technologique : 2 milliards d’euros ;

- Fonds National de Valorisation (SATT) : 950 millions d’euros ;

- France Brevet : 50 millions d’euros ;

- Renforcement des instituts Carnot(32) : 500 millions d’euros.

Parmi les actions en matière de développement durable, qui visent essentiellement à réaliser une avancée décisive en matière de recherche et de développement des technologies industrielles décarbonées, 3,6 milliards d’euros bénéficient indirectement à l’industrie :

- 2,6 milliards d’euros pour le financement de projets de recherche expérimentale : projets innovants de démonstrateurs et plateformes technologiques (1,6 milliard d’euros) et d’instituts de recherche (1 milliard d’euros) dans le secteur des énergies renouvelables ;

- 1 milliard d’euros pour le financement de la prochaine génération de réacteur nucléaire et le développement de solutions innovantes pour le traitement des déchets radioactifs.

Enfin, dans le secteur des technologies numériques, les investissements d’avenir visent à soutenir le développement sur le territoire des réseaux à très haut débit et à favoriser le soutien aux usages, services et contenus numériques innovants. Ces actions contribuent également indirectement à l’industrie, par la promotion et la diffusion de l’usage des TIC :

- 2 milliards d’euros pour favoriser l’équipement de la France en équipements numériques à très haut débit, et notamment la couverture des zones peu denses ;

- 750 millions d’euros pour la numérisation du patrimoine culturel, éducatif et scientifique et le soutien au développement des technologies de numérisation ;

- 1,75 milliard d’euros pour le développement des usages et contenus innovants, dont notamment le développement de l’informatique en nuage (« cloud computing »), des supercalculateurs, des nouvelles utilisations de l’Internet (e-santé, résilience des réseaux, ville numérique, transport intelligent, e-éducation) et des technologies de base (nanoélectronique, logiciels, etc.).

Les pistes sélectionnées par le grand emprunt sont nombreuses et correspondent pour l’essentiel à une valorisation des forces scientifiques existantes. Les investissements « d’avenir » ne sont par conséquent pas véritablement la traduction de vision ou de choix prospectifs.

2. Le renforcement des fonds propres des entreprises

a) Le Fonds stratégique d’investissement (FSI)

Le Fonds stratégique d’investissement (FSI) est la réponse initiée par les pouvoirs publics aux besoins en fonds propres d’entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française.

Le FSI, filiale du groupe Caisse des Dépôts, créée le 20 novembre 2008, est détenu à 51 % par la Caisse des Dépôts et 49 % par l’Etat français. Il intervient en fonds propres en investisseur avisé dans des entreprises françaises, dans les secteurs industriels et dans les services, porteuses de projets industriels créateurs de valeur et de compétitivité pour l’économie. Le FSI prend des participations minoritaires et a vocation à intervenir seul ou en co-investissement. Au sein du FSI, le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, est dédié au renforcement en fonds propres des équipementiers.

Le FSI a pour objectif d’accompagner :

- le développement des petites et moyennes entreprises de croissance pour lesquelles il participe au financement en fonds propres via le Programme France Investissement (valeur d’entreprise inférieure à 100 millions d’euros) ;

- des entreprises de taille moyenne (valeur d’entreprise comprise entre 100 millions et 2 milliards d’euros) qui disposent d’un potentiel de création de valeur, notamment parce qu’elles maîtrisent des technologies innovantes ou peuvent bâtir des positions de leader, pour lesquelles il joue un rôle de catalyseur de développement et d’innovation ;

- des entreprises de taille moyenne présentes sur des secteurs en phase de mutation qui, parce que leurs fondamentaux (notamment techniques, humains ou produits) sont sains, peuvent émerger comme acteur de référence de leur segment ; par son intervention en fonds propres, le FSI joue alors le rôle d’accélérateur des redéploiements industriels ;

- des grandes et moyennes entreprises qui jouent un rôle important dans leur secteur et dont la stabilisation du capital rend possible la réalisation d’un projet industriel créateur de valeur, et donc de richesses en termes de compétences, de technologies et d’emplois.

Le FSI a vocation à investir dans des entreprises existantes. Il n’a pas vocation à participer au financement de projets de création d’entreprises ou d’infrastructures, dans le cadre notamment de partenariats public-privé ; il n’a pas non plus vocation à investir dans les services financiers, la distribution et l’immobilier ou les activités non concurrentielles.

Si le FSI a identifié les filières (points forts et faibles par filière), il n’a toutefois pas encore défini de politique, d’action à mener, par filière. Il est souhaitable qu’il investisse dans les secteurs d’avenir, davantage qu’en fonction des dossiers ou d’une logique de court terme. Les contours du FSI gagneraient ainsi à être précisés, dans la mesure où il a vocation à développer une politique industrielle et où la lisibilité de son action est faible.

En outre, une plus grande synergie entre le FSI et d’autres organismes exerçant une mission relativement proche, comme l’APE dont la vision est plus concrète, est à développer.

Au-delà du seul FSI, la Caisse des Dépôts consacre chaque année un tiers de ses résultats à des investissements d’intérêt général. Ces investissements, réalisés sur ses fonds propres, accompagnent les politiques de développement initiées par les collectivités territoriales et les acteurs publics. En 2008, elle a ainsi apporté 354,4 millions d’euros d’investissements et 106,4 millions d’euros de crédits d’études et d’ingénierie à des projets structurants pour le territoire. La Caisse des Dépôts intervient essentiellement dans des secteurs relevant des priorités définies dans son plan stratégique Elan 2020 : logement et immobilier, renouvellement urbain, universités et économie de la connaissance, infrastructures publiques, numérique, énergies renouvelables, création de TPE-PME.

b) OSEO, un instrument en devenir

Né en 2005 du rapprochement de l’ANVAR et de la BDPME, OSEO est le résultat de la fusion de sept structures : la BDPME (Banque du développement des petites et les moyennes entreprises PME) issue de la fusion de la SOFARIS (Société française pour l’assurance du capital risque des PME) et du CEPME (Crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises), lui-même issu de la fusion de la CNME (Caisse nationale des marchés de l’Etat) et du Crédit hôtelier, l’ANVAR (agence nationale de valorisation de la recherche), et l’AII (agence de l’innovation industrielle).

Entreprise publique, OSEO exerce trois métiers :

- l’aide à l’innovation ;

- la garantie des concours bancaires et des investisseurs en fonds propres ;

- le financement en partenariat.

OSEO est placé sous la tutelle du ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, ainsi que du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

OSEO est présent sur l’ensemble du territoire, proche des entrepreneurs, grâce à ses directions régionales. L’Etat, par acte unilatéral ou par convention, et les collectivités territoriales, en particulier les régions ainsi que leurs établissements publics, par convention, confient à l’établissement des missions d’intérêt général. L’Etat et les régions dotent les fonds de garantie et d’innovation. OSEO est également un relais actif de la politique européenne en faveur des PME et de l’innovation.

Grâce aux relations privilégiées avec les régions et les acteurs qui appuient le développement des PME, OSEO offre une forte capacité à partager les risques et procure un effet de levier maximum aux interventions. Cette capacité à faire levier permet de mutualiser et d’optimiser l’impact des moyens mis à disposition des porteurs de projets, tout en offrant un cadre simplifié et efficace aux PME.

Le capital d’OSEO est détenu à 51 % par l’Etat, à 25 % par la CDC et par 500 actionnaires (banques, capitaux risqueurs, etc.). Il s’élève à 1,5 milliard d’euros, auquel il faut ajouter les 440 millions provenant du grand emprunt, soit un total d’environ 2 milliards de capital social. La moitié des crédits d’OSEO proviennent de la CDC (livret de développement durable - ancien CODEVI -) et la moitié des marchés, le grand emprunt venant en sus.

Des établissements comme OSEO et ses homologues européens pourraient également contribuer à la réalisation de l’ambition de relance européenne affichée dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », si les instruments communautaires (BEI, FEI) acceptaient de déléguer sa mise en œuvre dans une logique de subsidiarité. La BEI (Banque européenne d’investissement) s’appuierait sur des courroies de transmission existant dans les Etats pour relayer ces financements, ce relais étant OSEO en France ; afin de permettre leur identification, ces prêts se dénommeraient « prêt BEI ».

Par ailleurs, on constate une difficulté de l’Etat au « management » de ses structures, ce dont OSEO aurait besoin : il n’existe pas de commande claire sous-tendue par une véritable vision industrielle. Des directives claires émanant de l’Etat et indiquant les secteurs stratégiques à l’horizon des vingt ou trente années à venir sont nécessaires. Dans ce qui pourrait y contribuer, comme un conseil stratégique de la réorganisation industrielle, OSEO a toute sa place et achèverait ainsi son évolution.

3. La DATAR : pour une logique d’innovation

Administration de mission à vocation interministérielle, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) est un service du Premier ministre mis à disposition du ministre en charge de l’aménagement du territoire.

La DATAR prépare, impulse et coordonne les politiques d’aménagement du territoire menées par l’Etat. à ce titre, elle assure la préparation des Comités interministériels d’aménagement et de développement des territoires (CIADT).

Dans une perspective de développement durable, l’action de la Délégation est guidée par un double objectif :

- renforcer l’attractivité des territoires ;

- assurer leur cohésion et leur équilibre dans une Europe élargie et dans un cadre partenarial avec les collectivités territoriales et les autres acteurs du développement local.

Afin d’assurer ce double objectif, la DATAR :

- participe à l’élaboration des stratégies nationales d’attractivité économique et de compétitivité des territoires (développement des pôles de compétitivité, des grappes d’entreprises, élaboration d’une réflexion prospective et stratégique sur les métropoles françaises…) ;

- participe à l’élaboration des stratégies nationales et politiques de cohésion et de développement durable des territoires ;

- met en œuvre une politique active de soutien au profit des territoires confrontés aux mutations économiques et aux restructurations de défense  (anticipation des mutations, contrats de redynamisation de sites de défense…) ;

- prépare les programmes destinés à promouvoir un aménagement équilibré et durable des territoires ruraux, littoraux et de montagne ;

- coordonne la préparation et le suivi des politiques et des procédures contractuelles d’aménagement et de développement associant l’Etat et les collectivités territoriales (cf. contrats de projets Etat-régions) ;

- contribue à la négociation, à la mise en œuvre et au suivi de la politique européenne de cohésion économique, sociale et territoriale ;

- contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques tendant à favoriser l’accès aux services aux publics sur l’ensemble du territoire ;

- veille à la coordination des politiques sectorielles (transport, TIC…) intéressant l’attractivité et la cohésion des territoires et propose toutes mesures tendant au renforcement de l’équité territoriale dans le déploiement des services et infrastructures nationales ;

- est chargée de la prospective et de l’observation en matière d’aménagement du territoire.

Instance de pré-arbitrage qui peut être fort utile en amont au Gouvernement, la DATAR dispose cependant d’outils qui s’avèrent être insuffisants, dans la mesure où le facteur essentiel de réussite - l’innovation - n’est pas abordé. Elle souffre en outre de logiques trop sectorielles et ministérielles (positionnement administratif fluctuant), renforcées par la LOLF et la RGPP. La DATAR gagnerait à s’intégrer dans une logique de transversalité, guidée par une véritable conduite de projet.

C. Les premières pistes évoquées

Les industries de demain sont liées aux enjeux sociétaux de demain : vivre mieux et plus longtemps, renforcer les capacités de communication, « verdir » les activités, développer une mobilité plus durable. Un certain nombre de pistes ont déjà été lancées.

1. La stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI)

Il s’agit d’un document de référence définissant les priorités de recherche, à partir d’un diagnostic partagé sur les grands défis scientifiques, technologiques, et sociétaux à relever. Le ministère de l’enseignement supérieur a piloté ce travail regroupant acteurs publics et privés. Ce type de document existe déjà dans de nombreux grands pays de recherche et d’innovation comme le Japon, le Royaume-Uni, la Russie ou l’Allemagne. Il doit être fondé sur des travaux des chercheurs eux-mêmes, mais aussi des représentants de la société civile, du secteur économique et de l’ensemble des autres ministères.

Ce sont ainsi près de 600 chercheurs, industriels, parlementaires et représentants associatifs qui se sont largement mobilisés dans des groupes de travail thématiques et ont permis de faire émerger des priorités de recherche. Il a été soumis pour avis à différentes institutions scientifiques et techniques comme l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, l’Académie des sciences ou l’Académie des technologies.

L’exercice a permis de définir cinq principes directeurs et trois axes prioritaires de recherche qui constituent désormais une référence pour orienter les financements de l’Etat et les programmes de recherche des opérateurs.

Les cinq principes directeurs déclinés dans la SNRI sont les suivants :

- la recherche fondamentale est indispensable à toute société de la connaissance ;

- une recherche ouverte à la société et à l’économie est le gage de la croissance et de l’emploi ;

- une meilleure maîtrise des risques et un renforcement de la sécurité doivent être des dimensions privilégiées de l’innovation, sociale et culturelle autant que technologique ;

- les sciences humaines et sociales doivent avoir un rôle majeur au sein de tous les axes prioritaires ;

- la pluridisciplinarité est indispensable.

Les trois axes prioritaires dégagés dans la Stratégie nationale de recherche et d’innovation sont les suivants :

- la santé, le bien-être, l’alimentation et les biotechnologies ;

- l’urgence environnementale et les écotechnologies ;

- l’information, la communication et les nanotechnologies.

Ces priorités de recherche ont été intégrées dans les investissements d’avenir.

2. Le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche  (MESR)

Le MESR joue un rôle moteur pour constituer des filières industrielles dans les domaines porteurs, notamment :

- le photovoltaïque car la France dispose d’une excellence scientifique reconnue mondialement. Les principaux acteurs de la R&D dans ce domaine sont l’Institut national pour l’énergie solaire (INES), l’IRDEP (un institut mixte entre EDF, le CNRS et l’école nationale supérieure de chimie de Paris) et le laboratoire LPICM à l’Ecole Polytechnique ;

- la chimie (la reconversion de la filière plus précisément). Les enjeux d’actualité sont : le passage à une chimie durable respectueuse de son environnement, la recherche de nouvelles voies d’élaboration des molécules et matériaux du futur, le renforcement des interactions entre la recherche académique et le monde industriel ;

- les véhicules électriques dont la recherche porte essentiellement sur les batteries (nouveaux matériaux, processus de développement plus performants). Le MESR a accompagné la création d’un réseau national basé sur une interaction forte entre les principaux acteurs de la recherche académique (CNRS et Universités), les organismes de recherche scientifique et technologique finalisée (CEA, IFP, INERIS, LCPC-INRETS) et les industriels ;

- le spatial où la recherche et l’industrie françaises sont leaders européens. Le cadre d’une politique spatiale européenne (compétence spatiale partagée avec les Etats membres de l’Union européenne et la reconnaissance récente d’une préférence européenne pour les lanceurs français) permet de lancer des grands programmes spatiaux comme Galileo et GMES ;

- l’aéronautique européenne, mieux structurée avec la création en 2008 du CORAC (Conseil pour la recherche aéronautique civile) et l’initiative européenne Cleansky qui a permis de démarrer six démonstrateurs au niveau européen (800 millions d’euros du PCRD). Les investissements d’avenir permettront de réaliser sept démonstrateurs technologiques allant de l’avion tout composite au cockpit du futur pour 900 millions d’euros.

3. Les comités stratégiques de filières industrielles françaises

Après examen de la situation actuelle des différentes filières industrielles et concertation avec les organisations professionnelles et syndicales concernées, dix comités de filières sont créés.

Leur composition sera définie au cas par cas : organismes représentatifs des entreprises de la filière, syndicats professionnels ou fédérations professionnelles, syndicats de salariés, personnalités qualifiées, organismes spécialisés (pôles de compétitivité, centres techniques ou professionnels, universités, écoles, organismes de recherche).

Quatre comités stratégiques de filières seront mis en place pour les filières de matériels de transport :

- un pour l’automobile, qui prendra la succession de la commission sur la sous-traitance automobile, et dont l’animation sera confiée au président de la FIEV et de la plate-forme automobile ;

- un pour l’aéronautique, qui sera animé par le Président du GIFAS ;

- un pour la construction ferroviaire et dont le Président de la FIF sera l’animateur ;

- un comité stratégique de la filière « construction et réparation navales » (y compris les plates-formes off shore), qui sera animé par le Président du GICAN.

Trois comités stratégiques de filière seront créés dans les domaines suivants :

- l’ensemble des technologies et services de l’information et de la communication (y compris composants et électroniques), qu’il est apparu préférable de laisser dans une seule filière ;

- l’industrie chimique, dont l’actuel comité d’orientation stratégique de l’industrie chimique (COSIC) sera élargi à l’ensemble « Chimie et matériaux ». L’animation de ces travaux sera confiée au président de l’UIC ;

- les industries de santé, qui sera animé par le Président du groupe Ipsen.

Enfin, trois comités porteront sur des biens de consommation :

- le comité stratégique qui vient d’être mis en place pour les industries de la mode pourrait être étendu aux industries de la mode et du luxe et dont l’animatrice sera issue de Balenciaga ;

- un comité stratégique des industries des biens de consommation et de l’équipement de la maison et des lieux de vie dont le président du Climo sera l’animateur ;

- un comité stratégique de l’agroalimentaire, au sein duquel le président de l’ANIA sera appelé à jouer un rôle important.

Les partenariats se multiplient quant à eux : on recense désormais 214 laboratoires public-privé, dont plus de la moitié créés après 2005.

III. CLARIFIER ET MODERNISER LE CADRE DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE

A. Recentrer l’action

1. Remédier à l’émiettement de l’organisation administrative et créer un réel ministère de l’industrie

Il a fallu attendre l’année 2009 pour que le ministère de la recherche publie une « stratégie nationale de recherche et d’innovation ». La multiplicité des d’organismes ayant vocation à aider l’industrie rend la traçabilité des circuits financiers particulièrement complexe.

Ainsi, l’émiettement de l’organisation administrative française conduit à ce que beaucoup de secteurs échappent au ministère de l’industrie. àu sein de l’administration économique et financière, d’autres directions s’occupent de la politique économique sans être en rapport étroit avec la direction générale de l’industrie. L’industrie agro alimentaire, aérospatiale ou encore l’industrie de la santé ne relèvent pas du ministère de industrie ; le ministère de l’environnement a développé sa propre vision des questions industrielles sans lien avec celui de l’industrie. L’enseignement professionnel a peu de lien avec le ministère de l’industrie, etc. Il est souhaitable de créer un réel ministère de l’industrie qui soit distinct de celui des finances, ainsi qu’une représentation permanente de l’industrie sui generis regroupant tous les acteurs concernés.

En Allemagne, le terme de « politique industrielle » est étranger au discours économique et politique. L’approche est en fait celle de la compétitivité globale, et non pas seulement celle d’un secteur ou de certaines branches. Le gouvernement allemand s’est pourtant doté en 2008 d’une cellule spéciale en son sein afin de mieux coordonner la politique industrielle du pays. Ce « cabinet industriel » réunit, sous la houlette du ministre de l’économie, les ministres des finances, de l’environnement, de la recherche et de travail. Son objectif est d’améliorer la coordination en permettant d’améliorer l’interface entre les responsables politiques et le monde de l’économie.

2. Eviter le saupoudrage

La micro-gestion des aides d’Etat est parfois problématique. Une vision industrielle d’ensemble doit nécessairement s’accompagner d’actions, et par conséquent de distribution des aides, cohérentes. L’exemple des énergies renouvelables témoigne de la manière dont les aides non suffisamment sous-tendues par une vision industrielle peuvent handicaper l’avenir.

« Le Grenelle de l’environnement, lancé en juillet 2007, a impliqué toutes les parties prenantes dans la définition d’objectifs de production d’énergie renouvelable ambitieux. (…) Le gouvernement y a fait le choix d’agir sur la demande, en faisant usage de mécanismes divers : incitations tarifaires, incitations fiscales, modification du code de l’urbanisme, simplification des démarches administratives, campagnes de promotion au niveau local, etc… Or cette approche pose un double problème. Premier problème : le choix de privilégier de manière quasi-exclusive la demande sur l’offre handicape l’essor d’une filière industrielle « verte » nationale. (…). Second problème : le choix de la demande rend les évolutions dépendantes de la qualité du dosage des aides - un dosage difficile et fragile puisque les filières sont en évolution rapide. Ce dosage n’est aujourd’hui pas le bon »(33).

B. Définir les priorités

1. Le besoin d’une meilleure prospective

Il est souhaitable d’orienter la dépense publique vers la préparation de l’avenir bien davantage qu’elle ne l’a été jusqu’à présent.

Ainsi, « il convient de réaffirmer la légitimité et la nécessité d’un Etat « amorceur ». Un chantier prometteur a été ouvert dans le cadre du grand emprunt national, en identifiant à la fois les conditions d’un investissement public utile et les secteurs à soutenir en priorité (sciences du vivant, énergies décarbonées, mobilité écologique, société numérique, etc.).

Pour s’en tenir à l’aéronautique et à l’espace, les prochaines générations d’avions, d’hélicoptères et de lanceurs spatiaux civils devraient bénéficier du grand emprunt au travers du financement de prototypes, ce que l’on appelle dans l’industrie des « démonstrateurs » technologiques, qui constituent une étape essentielle dans le développement d’un grand programme. Cette décision était indispensable pour rester durablement compétitifs face à la concurrence des Etats-Unis et des pays émergents »(34).

Les pistes sont d’ores et déjà connues :

- « la lutte contre le réchauffement climatique et la mise en place d’une croissance plus respectueuse de l’environnement réclament de nouvelles solutions pour capter l’énergie solaire, stocker l’énergie, réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments et les transports, etc. »(35).

Ainsi, l’essor des énergies renouvelables au niveau mondial est très important. Les énergies renouvelables constituent un gisement d’emplois considérable. Au total plus de 2,3 millions d’emplois verts ont été créés ces dernières années dans le secteur des énergies renouvelables. L’Organisation Internationale du travail estime que plus de 20 millions d’emplois supplémentaires devraient être créés dans le secteur des énergies renouvelables d’ici 2030 ;

- « offrir des conditions de vie décentes à une population de plus en plus âgée nécessitera des avancées technologiques majeures, notamment dans le domaine de la bio-ingénierie ;

- la raréfaction des matières premières impose à la fois une meilleure maîtrise de la chaîne de récupération des constituants des produits obsolètes, et la recherche de nouveaux matériaux remplissant les mêmes fonctions avec une intensité énergétique et une consommation de matière moindres ;

- la limitation des terres cultivables nécessite des réponses technologiques et industrielles en matière d’agronomie et d’hydraulique, afin de pouvoir nourrir la planète ;

- plus globalement, les immenses besoins des pays en développement nécessitent des réponses industrielles »(36).

2. Encourager l’innovation et la haute technologie

Lorsque du matériel de très haute technologie est vendu à un pays étranger, le fournisseur est désormais obligé de faire un transfert de technologie. Le « package » inclut la plupart du temps des transferts technologiques, partie intégrante de l’offre remise au client et permettent de différencier une offre. Dans la concurrence internationale, la technologie est un avantage essentiel des pays du Nord, aux économies plus intensives en capital et à plus forte intensité technologique, face aux pays du Sud, qui s’appuient traditionnellement sur leurs faibles coûts de main d’œuvre. Mais, précisément, la montée en gamme des industries du Sud s’appuie sur des technologies transférées par les pays industrialisés. L’industrie nucléaire coréenne s’est ainsi développée grâce à des transferts technologiques français ou américains qui lui permettent aujourd’hui de concurrencer les pays du Nord sur les marchés émergents. Les pays importateurs nous ayant imposé ces transferts de technologies, il faut axer davantage encore les efforts français sur la haute technologie, ce qui implique un niveau de financement suffisant de financement de la recherche et développement.

Les enseignements de la Commission pour le grand emprunt ont montré que « la France est marquée par un sous-investissement structurel : il manque 1 à 2 points de PIB (20 à 40 milliards d’euros), non pas sur un coup mais par an, pour maintenir la France dans le peloton de tête des pays les plus développés. (…) Un effort unique sera insuffisant. Les économistes Charles Wyplosz et Jacques Delpla ont chiffré il y a quelques temps à 400 milliards d’euros le retard global d’investissement de la France. Le sous-investissement de la France est chronique. On ne répond pas à un problème structurel par une mesure conjoncturelle. (…) Tous les grands pays se lancent dans des programmes d’investissement d’avenir. C’était déjà le cas des nations les plus compétitives : Etats-Unis, Japon, Corée, pays nordiques. Ils sont désormais suivis par le Royaume Uni (nouveau concept de « political industrialism »), l’Allemagne (programme massif pour des universités d’excellence), le Canada (lancement d’un fonds pour la recherche d’excellence). Si nous n’investissons pas nous aussi durablement, notre déclin est inévitable »(37).

La Commission « investir pour l’avenir, priorités stratégiques d’investissement et emprunt national » soulignait ainsi en novembre 2009 que dans un contexte de recherche d’économies face à la dégradation des finances publiques, la part de l’investissement dans les dépenses publiques a reculé : elle en représentait autour de 6 % au début des années quatre-vingt-dix mais n’en représente plus désormais que 5 %. L’augmentation de l’investissement réalisé par les collectivités locales depuis une dizaine d’années n’a pas compensé la diminution continue des investissements de l’Etat. La Commission a dégagé les priorités suivantes :

- soutenir l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation ;

- favoriser le développement de PME innovantes ;

- accélérer le développement des sciences du vivant ;

- développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion des ressources ;

- faire émerger la ville de demain ;

- inventer la mobilité du futur ;

- investir dans la société numérique.

Les besoins identifiés au titre de ces priorités stratégiques, visant à assurer la transition vers un nouveau modèle de développement, correspondaient selon la Commission, à un investissement de l’Etat de 35 milliards d’euros.

C. Offrir un cadre stable

Aujourd’hui, l’intervention directe de l’Etat sur une entreprise est très encadrée :

- le rôle de l’« Etat acheteur » s’est fortement amoindri, en raison notamment de la privatisation des télécommunications, de la décentralisation des grands achats liée à la décentralisation (émiettement des marchés des travaux de voirie par exemple), le secteur énergétique étant quant à lui de plus en plus soumis à la concurrence. Le rôle de l’« Etat acheteur » subsiste uniquement dans les domaines que sont l’armement et l’informatique ;

- l’« Etat régulateur » existe dans tous les secteurs où cela est nécessaire : il s’agit des secteurs de l’énergie, des télécommunications, de la santé (approbation des médicaments), de l’alimentation (normalisation). La question est de savoir si les régulateurs soutiennent la filière dont ils ont charge ou simplement le consommateur, la plupart d’entre eux étant des agences autonomes qui ne sont pas dotées du pouvoir de tutelle ;

- le troisième rôle de l’Etat est la formation supérieure et la recherche (produire de la connaissance pour la transformer en produits), l’accent devant être mis sur l’innovation, dans la mesure où celle-ci est compatible avec les règles européennes.

L’un des rôles de l’Etat dont l’efficacité est certaine serait donc actuellement d’offrir un environnement stable aux entreprises, une sorte de « sécurité juridique industrielle ». Le crédit impôt recherche par exemple, est un outil qui a fait ses preuves, mais à la condition qu’un dispositif nouveau ne soit pas mis en place tous les deux ans.

Le diagnostic est en effet régulièrement posé d’une « réglementation complexe, trop évolutive et parfois plus sévère que dans d’autres pays européens. En effet, l’environnement législatif et règlementaire dans lequel évoluent les entreprises a une influence déterminante sur leur compétitivité et leur capacité à créer des emplois. Il convient donc de veiller à ce que les charges directes et indirectes découlant de cet environnement n’entravent pas leur développement économique. Or la multiplication des normes et l’instabilité juridique engendrée par des modifications successives et régulières compliquent parfois l’action des entreprises et occasionnent des coûts de mise en oeuvre qui pourraient sans doute être plus limités. Ce problème touche particulièrement les PME qui ne disposent pas toujours de moyens financiers suffisants ni d’un personnel qualifié capable d’analyser les textes législatifs et réglementaires et de remplir les multiples obligations administratives qui en découlent »(38).

Les difficultés rencontrées par les entreprises par rapport à l’environnement juridique de leur activité sont de plusieurs ordres. Elles peuvent tenir :

- à l’instabilité de l’environnement législatif et réglementaire ;

- à l’inflation normative et au manque de lisibilité de certains textes ;

- à des réglementations nationales parfois plus contraignantes que celles définies au niveau européen ou déclinées au niveau national dans les autres Etats-membres de l’Union européenne ;

- à des procédures de contrôle inégalement appliquées faussant ainsi la concurrence ;

- à un manque d’accompagnement des entreprises face à la charge réglementaire ;

- aux contradictions réglementaires ;

- à des effets de seuil encore trop pénalisants ;

- à des délais d’instruction administrative trop longs ;

- aux difficultés à obtenir un consensus suffisant.

Ce constat est partagé dans d’autres Etats européens ; par exemple, l’Allemagne a elle-même jugé ses réglementations « trop nombreuses, trop changeantes et trop peu lisibles », ce qui l’a conduite à engager des actions de simplification. La France ne peut rester à l’écart de cette évolution ».(39)

D. Créer un Conseil stratégique de l’avenir industriel

Il apparaît indispensable de créer un Conseil stratégique de l’avenir industriel.

Il ne s’agit pas de ressusciter le plan, mais de mettre en place un organisme de prospective.

Ce Conseil doit regrouper tous les acteurs économiques et sociaux dont l’action a un impact sur l’industrie : les entreprises industrielles, les chercheurs, les universitaires, les syndicats et l’Etat.

Il doit être chargé de définir les orientations d’avenir de l’industrie. Placé sous l’autorité du Premier ministre, voire du Président de la République, son secrétariat devra être assuré conjointement par le ministre de l’industrie et par le ministre des universités et de la recherche.

TROISIEME PARTIE : DÉVELOPPER UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE AU NIVEAU EUROPÉEN

I. UNE PRISE DE CONSCIENCE ENCORE INSUFFISANTE AU NIVEAU EUROPÉEN

A. La philosophie européenne : privilégier l’environnement des entreprises

La Commission européenne privilégie l’environnement des entreprises et envisage la politique industrielle dans cette optique uniquement ; c’est le bon fonctionnement du marché intérieur qui prime. Selon la règle du « level playing field », il convient de favoriser un environnement dans lequel toutes les entreprises d’un marché donné doivent suivre les mêmes règles, sans introduire de distorsion de concurrence entre les pays de l’Union européenne.  De fait, le choix de permettre, par exemple, l’existence de filières stratégiques est exclu.

La Direction générale de la concurrence fait le choix de laisser jouer les forces de marché ; elle intègre la théorie économique des avantages comparatifs selon laquelle, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale. Les deux tiers de la richesse provenant du secteur des services, l’industrie n’apparaît pas comme étant prioritaire.

Le Vice-président de la Commission européenne en charge de la politique de la concurrence affirmait d’ailleurs récemment que « l’Europe doit être fière de sa politique anti-concentrations » et que « les règles de la concurrence auraient plutôt l’effet positif d’encourager les entreprises à être plus innovantes et fortes pour faire face à leurs rivales sur le marché global et conquérir de nouveaux clients et marchés »(40). Témoignent de cette philosophie générale deux exemples récents.

1. Le rapport Monti

En vue d’obtenir une contribution pour une initiative destinée à relancer le marché unique, la nouvelle Commission européenne a confié à une personnalité extérieure, M. Mario Monti, la mission d’établir un rapport contenant des options et des recommandations sur ses priorités. La politique industrielle n’en faisait pas partie.

Lettre de mission du président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso (Extraits)

Bruxelles, le 20 octobre 2009

Monsieur le Professeur,

Le marché unique a été et demeure la pierre angulaire de l’intégration européenne et de la croissance durable. Mais il faut insuffler à ce grand projet européen un nouvel élan politique pour lui permettre de produire tous ses effets. Comme je l’ai mentionné dans mes orientations politiques, la Commission a l’intention de jouer un rôle de premier plan dans ce processus, en veillant à ce que les Etats membres, le Parlement européen et toutes les parties prenantes y soient pleinement associés.(…)

La crise récente a montré que la tentation est toujours grande, en particulier dans des périodes difficiles, de démanteler le marché unique et de chercher refuge dans des formes de nationalisme économique. La Commission a toujours été et restera un défenseur résolu du marché unique en faisant pleinement usage de ses pouvoirs d’exécution, en particulier dans les domaines du marché intérieur et de la politique de concurrence, notamment le contrôle des aides d’Etat. Mais il faut aussi que l’opinion publique et les milieux politiques prennent conscience des conséquences dramatiques qu’entraînerait un affaiblissement du marché unique. (…) Le marché unique n’a pas encore produit tous ses effets. Dans de nombreux domaines, il est loin d’être pleinement en place. De plus, certains chaînons manquants empêchent un marché encore fragmenté de jouer son rôle de puissant moteur de croissance et d’offrir aux consommateurs tous les avantages qu’il recèle. La Commission a l’intention d’adopter une approche plus systématique et intégrée pour procéder à l’achèvement d’un véritable marché intérieur et en assurer un contrôle efficace.(…)

En vue d’obtenir une contribution utile et précieuse pour une initiative destinée à relancer le marché unique en tant qu’un des objectifs stratégiques clés de la nouvelle Commission, je souhaiterais vous confier la mission d’établir un rapport contenant des options et des recommandations.

Remis au Président de la Commission européenne le 9 mai 2010, le « rapport Monti », intitulé « Une nouvelle stratégie pour le marché unique (au service de l’économie et de la société européennes) », répond à la demande de la Commission et porte essentiellement sur la relance du marché unique, très peu sur la politique industrielle.

De fait, les douze chantiers présentés en avril 2011 par M. Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, destinés à relancer le marché unique (accès au financement pour les PME, mobilité des citoyens, droits de propriété intellectuelle, consommateurs, services, réseaux, marché unique numérique, entrepreneuriat social, fiscalité, cohésion sociale, environnement réglementaire des entreprises, marchés publics), ne comportent aucune disposition relative à la politique industrielle stricto sensu.

2. L’exemple de l’accord de libre échange avec la Corée du Sud

L’accord de libre-échange (ALE) entre l’Union européenne et la Corée du Sud, dont l’entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2011, vise à supprimer près de 98 % des droits de douane sur les produits industriels et agricoles échangés entre l’UE et la Corée d’ici à cinq ans, leur quasi-totalité à plus longue échéance. L’accord couvrira également les activités liées au commerce telles que les marchés publics, les droits de propriété intellectuelle, la réglementation du travail et les questions environnementales, soit un éventail de compétences bien plus large que ceux des accords de l’OMC. Il vise aussi à démanteler les barrières non tarifaires et prévoit des dispositions pour la coopération culturelle et le développement durable. Il est doté de son propre mécanisme de règlement des différends commerciaux.

La nature des marchés respectifs de l’Union européenne et de la Corée du sud (12 millions de voitures pour la première contre 2 millions en Corée) démontre la volonté européenne d’ouvrir ses marchés aux produits coréens dans le domaine industriel, en contrepartie d’une ouverture pour elle dans le marché des services en Corée. La vision européenne n’est par conséquent pas portée par l’affirmation d’une politique industrielle ; elle consiste au contraire à considérer que les services sont l’avenir, et non pas l’industrie.

En témoignent les clauses de sauvegarde novatrices, destinées à protéger l’industrie et l’emploi en Europe, qui ont été annexées à cet accord commercial. Elles prévoient la possibilité de rétablir des droits de douanes, si des importations trop massives de certains produits coréens venaient à mettre en péril un secteur industriel de l’Union produisant des marchandises concurrentes.

B. Le développement d’outils européens

1. Les programmes cadre de recherche et de développement (PCRD)

Les programmes-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT) sont des programmes pluriannuels gérés par la Direction Générale Recherche de la Commission Européenne, qui constituent le principal instrument communautaire de financement de la recherche au niveau européen.

Doté d’un budget de l’ordre de cinquante milliards d’euros pour la période 2007-2013 (7e PCRDT), le PCRDT de l’Union européenne s’est installé dans le paysage de la recherche européenne. Pour la seule année 2013, ce sont plus de dix milliards d’euros qui devraient ainsi être consacrés à la recherche au titre du programme-cadre.

Les objectifs stratégiques du 7e programme-cadre sont le renforcement de l’intégration de la recherche (coordonner des politiques nationales et régionales, disséminer les résultats de la recherche plus largement, consolider l’Espace Européen de la Recherche), le rassemblement des ressources (atteindre une masse critique à la hauteur des défis, créer les infrastructures nécessaires au développement de l’activité scientifique, exercer un effet d’entraînement sur l’investissement privé) et le renforcement de l’excellence scientifique (soutien de la carrière et de la mobilité des chercheurs, création de centres d’excellence de niveau mondial, émulation entre chercheurs au niveau européen).

Quatre programmes spécifiques sont ensuite déclinés par thématiques :

- le programme Coopération est doté de 32,4 milliards d’euros soit 61 % du budget total du 7e PCRDT, il a pour objectif de stimuler la coopération et de renforcer les liens entre l’industrie et la recherche dans un cadre transnational. Il comporte neuf thèmes, autonomes dans leur gestion mais complémentaires dans leur mise en œuvre (santé, alimentation, agriculture et biotechnologie, technologies de l’information et de la communication, nanosciences, nanotechnologies, matériaux et nouvelles technologies de production, énergie, environnement - changements climatiques inclus -, transports - aéronautique comprise -, sciences socio-économiques et humaines, sécurité et espace). Ces thématiques sont mises en œuvre par la recherche collaborative, la création de partenariats public-privé à moyen et long terme et par la coordination des programmes de recherche nationaux ;

- le programme Idées est doté de 7,5 milliards d’euros. Il a vocation à renforcer la recherche exploratoire. Le Conseil européen de la recherche est chargé de sa mise en œuvre et soutient les projets de recherche les plus ambitieux et les plus innovants par le financement de projets individuels proposés par les chercheurs sur tous les domaines de recherche fondamentale. Un conseil scientifique définit les priorités et stratégies scientifiques de façon autonome ;

le programme Personnes est doté d’un budget de 4,75 milliards d’euros, il vise à améliorer les perspectives de carrière des chercheurs en Europe et attirer plus de jeunes chercheurs de qualité. La Commission souhaite encourager la formation et la mobilité pour exploiter tout le potentiel du personnel de la recherche en Europe (formation initiale des chercheurs – réseaux Marie Curie ; formation tout au long de la vie et développement de carrière – bourses individuelles ; passerelles et partenariats entre les entreprises et les universités ; composante internationale – bourses internationales "sortantes " et "entrantes", modèle de coopération internationale, bourses de réintégration ; prix d’excellence) ;

le programme Capacités est doté d’un budget de 4,1 milliards d’euros. Ce programme doit permettre de fournir aux chercheurs des outils performants pour pouvoir renforcer la qualité et la compétitivité de la recherche européenne. Il s’agit d’investir davantage dans les infrastructures de recherche dans les régions les moins performantes, dans la formation de pôles régionaux de recherche et dans la recherche au profit des PME (infrastructures de recherche, recherche au profit des PME, régions de la connaissance, potentiel de recherche, science dans la société, soutien au développement cohérent des politiques, activités de coopération internationale).

Par ailleurs, le 7e programme-cadre finance les actions directes du Centre commun de recherche (1,75 milliards d’euros) ainsi que les actions couvertes par le programme-cadre Euratom (2,7 milliards d’euros sur 2007-2011). Le Centre commun de recherche (CCR) est l’une des directions générales de la Commission européenne. Il compte sept instituts de recherche situés dans cinq Etats membres de l’UE (Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Espagne). La mission du Centre Commun de Recherche est de fournir un soutien scientifique et technique à la conception, à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques communautaires en répondant aux demandes de celles-ci. Le programme-cadre sur la recherche nucléaire et les activités de formation, Euratom, est axé notamment sur la recherche à l’échelon communautaire, le développement technologique, la coopération internationale, la diffusion d’informations techniques, l’exploitation d’activités ainsi que la formation. Les activités financées sont l’énergie de fusion –ITER et la fission nucléaire et protection contre la radiation.

Les fonds alloués dans le cadre du 7e PCRDT le sont sous forme de subventions aux acteurs de la recherche pour cofinancer des projets de recherche, de développement technologique et de démonstration. Les subventions sont accordées sur la base d’appels à propositions lancés régulièrement par la Commission européenne. La participation au 7e PCRDT est ouverte à une vaste gamme d’organisations : entreprises, équipes de recherche…

Ventilation des crédits du 7e PCRDT par programme en milliards d’euros

Sur l’ensemble du programme précédent (PCRDT 6, 2000-2006) et sur la première année du PCRDT 7, la France a récupéré environ 12 % des financements (entreprises, centres de recherche et universités confondus). Elle se classe en troisième position des bénéficiaires derrière l’Allemagne, première avec environ 18 % et le Royaume-Uni, deuxième avec 13 %.

Le PCRDT 7 (2007-2013) a un budget total de 50,5 milliards d’euros, dont 18,1 milliards d’euros orientés vers les entreprises. Le reste du programme, soit 32,4 milliards d’euros, est consacré au soutien de projets de coopération transnationale dans dix domaines thématiques. En extrapolant le taux de 12 % mentionné ci-dessus, les montants revenant à la France sur les programmes thématiques sont fournis par le tableau suivant.

7E PCRDT : PROGRAMMES THÉMATIQUES

(en milliards d’euros)

Santé

6,1

0,87

0,105

Alimentation, agriculture, pêche et biotechnologies

1,9

0,27

0,032

TIC

9,1

1,3

0,156

Nanosciences, nanotechnologies, matériaux et nouvelles technologies de production

3,5

0,5

0,06

Énergie

2,4

0,36

0,041

Environnement (changement climatique inclu)

1,9

0,27

0,033

Transport (aéronautique comprise)

4,5

0,64

0,077

Sciences socio-économiques et humaines

0,6

0,086

0,01

Espace

1,4

0,2

0,024

Sécurité

1,4

0,2

0,024

TOTAL

32,4

4,7

0,56

La France obtient ainsi 560 millions d’euros par an sur les thématiques.

Cependant, au niveau européen, seuls 30 % de ces montants sont orientés vers les entreprises, le solde allant vers les organismes de recherche, et les financements destinés aux entre prises sont de l’ordre de 170 millions d’euros par an.

La préparation des futurs programmes de l’Union européenne en faveur de la recherche et l’innovation pour la période qui suivra (2014-2020) devra permettre d’améliorer la cohérence entre les instruments de soutien à la recherche et les instruments de soutien à l’innovation, qui font aujourd’hui l’objet de deux programmes distincts et sans interaction (le PCRDT et le programme-cadre pour la compétitivité et l’innovation).

Il s’agira également d’assurer une meilleure articulation entre les programmes et les instruments de financement européens et nationaux. Les crédits de l’Union européenne pourraient par exemple être utilisés de manière à exercer un effet de levier sur les programmes nationaux, en leur apportant une contribution financière en échange de leur inscription dans une démarche européenne coordonnée.

Le programme cadre européen souffre également d’un problème de bureaucratisation excessive auquel il est nécessaire de remédier : les règles d’application sont lourdes et complexes et 85 % de l’effort de recherche n’est pas coordonné. 

Enfin et surtout, il conviendra de promouvoir l’avènement d’un véritable espace de recherche européen, seulement 15 % du financement étant actuellement purement européen.

2. Les initiatives technologiques conjointes (ITC) et les plateformes technologiques européennes (PTE)

L’ampleur des objectifs technologiques ou de recherche et les ressources nécessaires peuvent justifier la mise en place de partenariats public-privé à long terme sous la forme d’«initiatives technologiques conjointes» (ITC). Les ITC ont pour objectif de renforcer des orientations stratégiques en apportant un soutien à des programmes de recherche communs ambitieux dans des domaines essentiels pour la compétitivité et la croissance, et de réunir et coordonner à l’échelon européen une masse critique de recherche. Pour ce faire, elles s’appuient sur toutes les sources possibles d’investissement en R&D, qu’elles soient publiques ou privées, et associent plus étroitement recherche et innovation. Elles favorisent aussi les investissements européens en matière de R&D en incitant l’industrie et les Etats membres à accroître leurs dépenses dans ce domaine.

Les plateformes technologiques européennes (PTE) rassemblent des entreprises, des instituts de recherche et d’autres organisations, en vue de définir, au niveau européen, un programme stratégique de recherche (PSR) commun fixant des objectifs, des calendriers et des plans d’action de R&D en vue d’avancées technologiques, mobilisant ainsi une masse critique de ressources publiques et privées nationales et européennes. Elles abordent également des questions technologiques et non technologiques en vue de la mise en œuvre de ce programme. Elles permettent aux acteurs concernés des secteurs public et privé de déterminer ensemble leurs besoins en matière de recherche, tandis que les ITC sont un moyen de mener à grande échelle des activités de recherche appliquée et à finalité économique en se fondant, notamment, sur les besoins définis par les PTE. Les PTE ne sont pas financées par le programme-cadre tandis que les ITC peuvent l’être.

3. L’Institut européen de technologies (IET) et le Conseil européen de la recherche (CER).

L’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) est un organisme dédié à l’éducation (l’enseignement supérieur), la recherche et l’innovation. Sa mission consiste essentiellement à faire converger les trois éléments du triangle de la connaissance (l’éducation, la recherche et l’innovation) vers un seul et même objectif : accroître la croissance économique et la compétitivité européennes à travers le renforcement des capacités d’innovation de l’Union européenne et de ses Etats membres. Il doit permettre d’identifier les domaines prioritaires ; favoriser la diffusion des bonnes pratiques permettant l’intégration du triangle de la connaissance ; devenir une référence mondiale en tant qu’organisme d’excellence ; sensibiliser les organisations partenaires potentielles ; assurer la complémentarité et les synergies entre ses activités et d’autres programmes communautaires ; sélectionner, désigner et coordonner les communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI) dans les domaines prioritaires ; mobiliser les fonds nécessaires auprès de sources publiques et privées et les gérer ; promouvoir la reconnaissance des titres et diplômes de l’EIT dans les Etats membres. Doté d’un budget 7,5 milliards d’euros pour la période 2007-2013, il finance des projets de 1 à 5 millions d’euros allant de 3 à 5 ans maximum.

Le Conseil européen de la recherche (CER) a été créé en 2007. C’est la première organisation européenne à soutenir des projets de recherche fondamentale  sur le seul critère de l’excellence scientifique d’un chercheur et de la force innovante de son idée, quels que soient sa nationalité, son âge ou son domaine de recherche. Il gère le programme « Idées », une des quatre composantes du VIIe programme-cadre de recherche européen. Ainsi chaque année, le Conseil européen de la recherche octroie d’importantes bourses de recherche à de scientifiques en début de carrière (« ERC Starting grants ») ou à des scientifiques expérimentés reconnus dans leur domaine (« ERC advanced grants »). Le chercheur doit répondre aux appels à propositions publiés par le CER et pouvoir être accueilli dans une université, un centre de recherche ou un laboratoire privé, basé dans l’un des vingt-sept pays de l’UE  ou bien dans l’un des pays associés au VIIe programme-cadre.

4. Le Small Business Act (SBA) : un premier pas vers un renforcement du tissu industriel des PME

Adopté en juin 2008, le « Small Business Act » (SBA) pour l’Europe est le cadre stratégique de l’Union européenne visant à renforcer les PME pour leur permettre de se développer et de créer des emplois.

Le SBA s’applique à toutes les entreprises qui sont indépendantes, qui emploient moins de 250 salariés et qui ne dépassent pas un certain seuil pour leur chiffre d’affaires et/ou leur bilan, soit 99 % de toutes les entreprises européennes.

Le SBA a défini un ensemble de dix principes(41) destinés à guider la conception et la mise en œuvre des politiques au niveau de l’Union européenne comme à celui des Etats membres :

- créer un environnement dans lequel les entrepreneurs et les entreprises familiales peuvent prospérer et où l’esprit d’entreprise est récompensé ;

-  faire en sorte que les entrepreneurs honnêtes qui ont dû déposer leur bilan bénéficient rapidement d’une seconde chance ;

- définir les règles selon le principe « penser d’abord petit » ;

- assurer la réactivité des administrations aux besoins des PME ;

- adapter les outils des pouvoirs publics aux besoins des PME : faciliter la participation des PME aux marchés publics et mieux exploiter les possibilités qui sont offertes aux PME en matière d’aides d’Etat. L’application française de ce dispositif permet aux administrations de réserver jusqu’à 15 % des marchés publics, passés selon la procédure adaptée, à des PME innovantes ou bien de traiter les dossiers de candidature des ces PME de manière préférables par rapport à une offre d’une autre entreprise équivalente ;

- faciliter l’accès des PME au financement et mettre en place un environnement juridique et commercial favorisant la ponctualité des paiements lors des transactions commerciales ;

- aider les PME à profiter davantage des potentialités du marché unique ;

- promouvoir le renforcement des qualifications au sein des PME et l’innovation sous toutes ses formes ;

- permettre aux PME de transformer les défis environnementaux en opportunités ;

- encourager et aider les PME à tirer parti de la croissance des marchés.

Entre 2008 et 2010, la Commission et les Etats membres ont mis en œuvre des actions définies dans le cadre du SBA afin d’alléger les charges administratives et de faciliter l’accès des PME au financement et aux nouveaux marchés. Bien que la plupart des initiatives prévues par le SBA aient été lancées, l’évaluation de leur mise en œuvre, en février 2011, révèle qu’il faut faire davantage pour aider les PME.

Ce réexamen propose de nouvelles mesures à prendre dans un certain nombre de domaines prioritaires, notamment s’agissant d’améliorer l’accès au financement pour permettre aux PME d’investir et de se développer, d’élaborer une réglementation intelligente pour permettre aux PME de se concentrer sur leur activité principale, de tirer pleinement profit du marché unique ainsi que d’aider les PME à relever les défis de la mondialisation et du changement climatique.

5. La communication de la Commission européenne de l’automne 2010

La communication «Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation» adoptée le 28 octobre 2010 par la Commission européenne est une initiative phare de la stratégie Europe 2020. Elle expose une stratégie dont l’objectif est de stimuler la croissance et la création d’emplois en maintenant et soutenant, en Europe, une base industrielle forte, diversifiée et concurrentielle qui offre des emplois bien rémunérés, tout en émettant moins de carbone. Elle est accompagnée d’un rapport sur les performances en matière de compétitivité dans les différents Etats membres et du rapport annuel sur la compétitivité européenne.

Les dix actions clés proposées pour la compétitivité industrielle européenne sont les suivantes :

- un « examen explicite et détaillé de l’incidence sur la compétitivité » des nouvelles législations sera entrepris. L’incidence sur la compétitivité de toutes les propositions politiques sera soigneusement analysée et prise en compte ;

- des « bilans de qualité » de la législation existante identifieront les possibilités de réduction des effets cumulés de la législation, de manière à diminuer les coûts pour les entreprises en Europe ;

- la création et le développement des PME seront soutenus: celles ci bénéficieront d’un accès plus facile au financement et d’une aide à l’internationalisation ;

- une stratégie visant à renforcer la normalisation européenne sera présentée afin de répondre aux besoins de l’industrie ;

- les infrastructures et services européens du transport, de l’énergie et des communications seront mis à niveau de manière à pouvoir servir plus efficacement l’industrie, en tenant mieux compte de l’environnement concurrentiel actuel en constante évolution ;

- une nouvelle stratégie sur les matières premières sera présentée dans le but de créer les conditions-cadres adéquates pour un approvisionnement et une gestion durables des matières premières primaires domestiques ;

- les performances d’innovation sectorielles feront l’objet d’actions dans des secteurs comme les technologies manufacturières avancées, la construction, les biocarburants et les transports routier et ferroviaire, en vue notamment d’améliorer leur efficacité en matière de ressources ;

- les défis des industries à forte consommation d’énergie feront l’objet d’actions destinées à améliorer les conditions-cadres et à soutenir l’innovation ;

- une politique spatiale sera menée et élaborée en collaboration avec l’Agence spatiale européenne et les Etats membres. La Commission mettra en place une politique de l’industrie spatiale afin de créer une base industrielle solide couvrant la totalité de la chaîne d’approvisionnement ;

- la Commission fera rapport sur la compétitivité de l’Europe et des Etats membres, ainsi que sur leurs performances et politiques industrielles sur une base annuelle.

Cette approche holistique de la politique industrielle retenue par la Commission, qui doit articuler les politiques et instruments européens en faveur de la compétitivité de l’industrie, et combiner les dimensions transverses et verticales, est positive.

Le vice-président de la Commission européenne et commissaire à l’industrie et à l’entrepreneuriat, M. Antonio Tajani a déclaré : « L’industrie est au cœur de l’Europe et elle est indispensable pour relever les défis actuels et futurs qui se présentent à notre société. L’Europe a besoin de l’industrie et l’industrie a besoin de l’Europe. Il nous faut exploiter tout le potentiel du marché unique, de ses 500 millions de consommateurs et de ses 20 millions de chefs d’entreprise » La Stratégie Europe 2020 reconnaît donc officiellement la nécessité d’une politique industrielle pour garder une base industrielle solide et durable en Europe. Il importe désormais que les leviers et instruments qui influencent directement la compétitivité de l’industrie, y compris le renforcement du capital humain, soient effectivement pris en compte.

C. Les aides d’Etat : un dispositif encore trop rigide

La composante du droit de la concurrence que constituent les aides d’Etat « est restée en retrait du mouvement de modernisation et de clarification des objectifs qui a affecté les trois autres branches(42). (…) à aucun moment dans l’analyse des aides d’Etat on ne va s’interroger sur ce qui est la question essentielle, voire unique, en matière de concurrence : est-ce que l’aide va ou non fausser la concurrence ? L’atteinte à la concurrence est présumée à partir du moment où le critère de sélectivité de l’aide est rempli : dans la mesure où l’aide " favorise certaines entreprises ou certaines productions ", c’est-à-dire à partir du moment où l’on a affaire à une aide d’Etat et non à une mesure de portée générale, alors la concurrence est nécessairement faussée »(43).

Les Etats membres devraient être « juges de l’opportunité économique des politiques qu’ils mettent en œuvre et de l’emploi efficace des deniers publics dont ils ont la charge. On peut regretter que les Etats ne fassent pas toujours un examen suffisamment approfondi de l’impact de leurs dépenses, on peut regretter que les politiques industrielles ne soient pas mieux coordonnées au niveau européen »(44), mais ces questions dépassent le cadre de préservation de la concurrence de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

On pourrait imaginer par exemple, que l’aide d’Etat serait compatible si elle bénéficie au consommateur et « qu’il faudrait ensuite démonter qu’en l’absence de l’aide, cet impact favorable au consommateur n’aurait pu avoir lieu ; en d’autres termes, l’aide doit être efficace et ne doit pas conduire à des "effets d’aubaine". (…) L’atteinte à la concurrence ne serait plus présumée mais résulterait d’une analyse économique des effets de l’aide sur le surplus du consommateur »(45).

Une amélioration de l’analyse économique dans le domaine des aides d’Etat « devrait en particulier porter sur la mise en balance des aspects positifs des aides et des restrictions de concurrence, sans méconnaître le fait que les aides répondent aussi à des impératifs politiques »(46).

L’encadrement communautaire pour les aides à la recherche et au développement et à l’innovation (« aides à la RDI »)

Plafond des aides à la RDI en termes de montant

Les aides à la RDI ne sont pas plafonnées à un montant déterminé. Les aides aux projets de R&D et certaines aides en faveur des PME sont exemptées de notification de puis l’entrée en vigueur du règlement d’exemption par catégorie (règlement CE no 800/2008 de la Commission européenne du 6 août 2008 - article 31 et suivants du règlement -) et ce dès lors que les aides sont transparentes (subventions ou autre modalité d’aide dès lors que le calcul d’équivalent subvention brut peut être effectué sur le fondement d’une méthode approuvée par la Commission européenne intégrant les risques). Si les aides à la RDI ne sont pas exemptées elles doivent faire l’objet de la notification d’un régime préalablement approuvé par la Commission européenne avant sa mise en œuvre. Les aides à la RDI sont soumises à des seuils administratifs dans tous les cas (notification ou exemption) :

1) seuil d’information : au delà d’un montant de 3 millions d’euros alloué pour un seul projet à une entreprise donnée, une information sera transmises à la Commission européenne ;

2) seuil de notification individuel :

- au delà d’un seuil de 20 millions d’euros d’aide par entreprise et pour un projet de R&D comportant une majorité de coûts classés en recherche fondamentales ;

- au delà 10 millions d’euros d’aide par entreprise et pour un projet de R&D comportant une majorité de coûts classés en recherche industrielle ;

- au delà de 7,5 millions d’euros d’aide par entreprise et pour un projet de R&D comportant une majorité de coûts classés en développement expérimental ;

- au delà de 5 millions d’euros d’aide pour une plate-forme (aides aux pôles d’innovation) ;

- au delà de 5 millions d’euros d’aide par entreprise et pour un projet d’aide aux innovations de procédé ou d’organisation dans les services.

Une notification individuelle est nécessaire pour requérir l’avis favorable de la Commission européenne avant l’octroi de l’aide. Les seules aides RDI plafonnées sont les aides pour le recours à des services de conseil et prestations de services en innovation. Elles sont plafonnées à un montant de 200 000 euros sur trois années glissantes pour une entreprise.

L’encadrement communautaire pour les aides à la recherche et au développement et à l’innovation (« aides à la RDI »)

Plafond des aides à la RDI en termes d’intensité d’aide

Les aides à la RDI correspondent à : 100 % pour la recherche fondamentale ; 50 % pour la recherche industrielle (bonus de 20 % pour les petites entreprises, 10 % pour les moyennes) ; 25 % pour le développement expérimental (bonus de 20 % pour les petites entreprises, 10 % pour les moyennes).

En cas de projets collaboratifs entre entreprises et organismes de recherche, sous certaines conditions, les intensités d’aides précitées pour la recherche industrielle et le développement expérimental peuvent bénéficier d’un bonus supplémentaire de 15 %.

Les aides aux études de faisabilité technique pour les PME sont de 75 % pour les études préalables aux activités de recherche industrielle, 50 % pour celles relatives aux activités de développement expérimental ; s’agissant des grandes entreprises, elles sont respectivement de 65 et 40 %.

Les aides destinées à couvrir les frais de droits de propriété industrielle des PME sont d’un montant équivalent à celui des aides à la RDI dont auraient pu bénéficier les activités de recherche ayant conduit à l’obtention des droits de propriété industrielle en cause.

Les aides aux jeunes entreprises innovantes ne peuvent excéder 1 million d’euros (1,25 million d’euros en zone d’aide à finalité régionale métropolitaine, 1,5 million d’euros pour les DOM). Le bénéficiaire ne peut recevoir l’aide qu’une seule fois au cours de la période pendant laquelle il répond à la définition de jeune entreprise innovante.

Les aides en faveur de l’innovation de procédé et d’organisation dans les services sont de 15 % pour les grandes entreprises, 25 % pour les moyennes, 35 % pour les petites.

Les aides pour le recours à des services de conseil en innovation et de soutien à l’innovation ne peuvent excéder 200 000 euros sur trois ans et sont réservées aux seules PME.

Les aides pour l’engagement temporaire de personnel hautement qualifié détaché auprès d’une PME par un organisme de recherche ou une grande entreprise sont de 50 % pour une durée maximale de trois ans par entreprise et par personne détachée.

Les aides aux pôles d’innovation sont des aides à l’investissement de 15 % pour les grandes entreprises, 25 % pour les moyennes, 35 % pour les petites.

Les aides au fonctionnement pour l’animation des pôles d’innovation peuvent être accordées pendant une période maximale de 5 ans si l’aide est dégressive. Son intensité peut atteindre 100 % la 1re année, mais doit baisser de façon linéaire pour arriver à un taux zéro à la fin de la cinquième année. En cas d’aide non dégressive, sa durée est limitée à 5 années et son intensité ne doit pas excéder 50 % des coûts admissibles.

N.B. : la définition de la PME au sens communautaire s’applique ; micro entreprise : moins de 10 salariés, moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires ou total de bilan inférieur à 2 millions d’euros ; petite entreprise : moins de 50 salariés, moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires ou total de bilan inférieur à 10 millions d’euros ; moyenne entreprise : moins de 250 salariés, moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou total de bilan inférieur à 43 millions d’euros.

TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE

Article 107 (ex-article 87 TCE)

1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. Sont compatibles avec le marché intérieur :

a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits,

b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires,

c) les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la république fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. Cinq ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter une décision abrogeant le présent point.

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur :

a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l’article 349, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale,

b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre,

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun,

d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun,

e) les autres catégories d’aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission.

Article 108 (ex-article 88 TCE)

1. La Commission procède avec les Etats membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d’Etat n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

Si l’Etat en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre Etat intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation aux articles 258 et 259.

Sur demande d’un Etat membre, le Conseil, statuant à l’unanimité, peut décider qu’une aide, instituée ou à instituer par cet Etat, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation des dispositions de l’article 107 ou des règlements prévus à l’article 109, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l’égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l’Etat intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu’à la prise de position du Conseil. Toutefois, si le Conseil n’a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.

3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.

4. La Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d’aides d’Etat que le Conseil a déterminées, conformément à l’article 109, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 du présent article.

Les aides d’Etat sont soumises à un processus très contraignant d’encadrement communautaire. Il est par conséquent souhaitable que soit modifié sur ce point le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de façon à :

permettre une voie de recours au niveau du Conseil européen en cas de décision négative de la Commission ;

favoriser la collaboration de la Direction générale de la concurrence avec les autres directions, afin d’éviter un fonctionnement en vase clos.

En outre, s’agissant des dispositions relevant du marché intérieur, il est souhaitable de :

- mettre en place des règles de réciprocité d’accès aux marchés ;

instaurer une clause d’alignement permettant d’autoriser les aides plus importantes lorsqu’il est établi qu’un pays concurrent direct non européen obtient davantage de financement (ou finance davantage), dans le même domaine.

II. AU NIVEAU EUROPÉEN, INSTAURER UNE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE

A. Faire de la politique industrielle une politique européenne à part entière

La politique de la concurrence européenne est fondée uniquement sur la protection du consommateur. Il est souhaitable de refonder la politique de la concurrence, celle du marché intérieur, en allant dans le sens d’une politique plus équilibrée entre l’intérêt du producteur et l’intérêt du consommateur. La « protection de l’intérêt économique européen » pourrait figurer dans les objectifs des régulateurs.

Il faut créer un environnement favorable à l’industrie. L’Union européenne est par exemple une zone très concurrentielle en matière automobile. Or, les Etats-Unis allouent un programme d’aide de 18 milliards de dollars par an de soutien public au secteur de l’automobile, le Japon 3 milliards d’euros par an, tandis que l’Union européenne n’a programmé que 500 millions d’euros par an dans son PCRD.

L’Union européenne doit par conséquent lever deux obstacles principaux :

- l’insuffisance de moyens budgétaires ;

- des règles de concurrence qui ne permettent pas l’instauration d’une véritable politique industrielle.

Ainsi, « l’encadrement des aides d’Etat pourrait être assoupli afin de prendre en compte les mesures qui s’inscrivent dans le cadre d’objectifs européens communs (par exemple en matière d’innovation) ainsi que les enjeux spécifiques aux secteurs stratégiques. Le problème n’est pas tant l’existence d’une politique de la concurrence rigoureuse que l’absence d’une véritable politique industrielle qui puisse faire contrepoids et puisse faire l’objet d’arbitrages internes à la Commission.

De même, la démarche « mieux légiférer » qui vise à améliorer l’environnement réglementaire des entreprises est parfois utile – à condition qu’elle ne conduise pas au moins-disant réglementaire – mais ne remplace pas la politique industrielle. La politique d’amélioration du cadre juridique du marché unique devrait davantage viser à mieux faire respecter ses règles dans l’ensemble de l’espace européen et à favoriser une application plus uniforme afin d’assurer une concurrence loyale.

L’amélioration du cadre de la propriété industrielle est indispensable pour combler le déficit d’innovation européen »(47).

L’instauration de règles plus protectrices au sein de l’Union européenne serait parfaitement compatible avec la réglementation de l’organisation mondiale du commerce (OMC).

Les subventions interdites à l’OMC sont les suivantes :

- les subventions à l’export de produits industriels ;

- les subventions conditionnées dans le processus de fabrication par l’utilisation de biens domestiques.

Pour le reste, les subventions non spécifiques (par secteur ou entreprise spécifique) sont autorisées.

Les « subventions actionnables » ne sont ni autorisées ni interdites mais font l’objet d’une étude au cas par cas. La base de l’action pour une subvention est l’effet discriminant sur les échanges, la charge de la preuve incombant à celui qui doit démontrer l’effet négatif de l’échange.

Hormis ces exceptions, la politique industrielle est compatible avec les règles de l’OMC, celles-ci étant simplement fondées sur le principe de la réciprocité.

B. Pour une approche sectorielle

L’Union européenne gagnerait à se doter d’une véritable politique industrielle sectorielle. Elle pourrait ainsi « concentrer ses efforts sur quelques secteurs considérés comme de véritables priorités collectives, pour des raisons économiques et/ou de souveraineté, en visant essentiellement l’excellence technologique et la différentiation par la qualité. (…)

Aujourd’hui, la part des dépenses publiques de recherche coordonnée au niveau communautaire ou intergouvernemental ne dépasse pas 15 % de l’ensemble des dépenses consacrées à la recherche. Cette fragmentation est source d’une moindre qualité et d’une duplication inutile des activités, parfois inutilement redondantes au lieu d’être complémentaires. L’échec de la stratégie de Lisbonne, fondée sur la « coordination souple » entre des politiques essentiellement nationales, montre que les pays européens doivent véritablement unir leurs efforts. Les plans de relance adoptés depuis l’automne 2008 illustrent les effets pervers de cette stratégie non coopérative : chaque Etat, pour relancer l’économie nationale, privilégie des secteurs protégés comme la construction et investit trop peu dans la recherche et l’innovation, qui auraient pourtant le plus d’impact sur la croissance de long terme.

Les fonds communautaires devraient être dirigés en priorité sur les secteurs stratégiques. Jusqu’à présent, le programme cadre de recherche et développement a moins servi une véritable logique économique qu’il n’a visé à encourager des coopérations transnationales au sein de la communauté scientifique, au service d’un objectif d’intégration et de cohésion. (…)

Enfin, un soutien européen ciblé sur quelques pôles de compétitivité de dimension mondiale dans des secteurs clés serait bienvenu. Les efforts de mise en réseau des pôles identifiés et soutenus au niveau national doivent être intensifiés. De plus, la politique de cohésion devrait être encore davantage orientée vers le soutien à ces pôles, par exemple en soutenant des projets universitaires ou en développant le soutien public au capital-risque »(48).

C. Le rôle de la Banque européenne d’investissement (BEI)

Afin de développer une véritable politique industrielle, l’Union européenne dispose d’un outil : la BEI, « la banque » de l’Union européenne.

La BEI a pour mission de favoriser la réalisation des objectifs de l’Union européenne en accordant des financements à long terme en faveur d’investissements viables. La BEI est au service de l’Union. La BEI a été créée par le Traité de Rome. Ses actionnaires sont les Etats membres, dont les ministres des finances constituent son Conseil des gouverneurs.

La Banque offre des services à valeur ajoutée grâce à son évaluation et à son suivi des projets et programmes d’investissement : pour recevoir son appui, les projets et programmes doivent être viables dans quatre domaines essentiels : économique, technique, environnemental et financier.

Chaque projet d’investissement est soigneusement évalué et suivi jusqu’à son achèvement grâce à son financement : par ses opérations de prêt et sa capacité à attirer d’autres concours financiers, la Banque permet d’élargir les possibilités de financement. Par ses emprunts, elle favorise le développement des marchés financiers au travers de l’Union.

La solidité financière de la Banque vient de la force et de l’engagement de ses actionnaires, de son indépendance professionnelle et de ses réussites passées. Elle autorise les meilleures conditions d’emprunt, dont la BEI fait profiter les destinataires de ses prêts.

La BEI associe d’autres partenaires à son action. Ainsi les orientations suivies par la Banque sont définies en étroite collaboration avec les Etats membres et les autres institutions de l’Union européenne. En outre, la BEI coopère étroitement avec le monde des affaires et le secteur bancaire, ainsi qu’avec les grandes organisations internationales présentes dans son domaine.

La BEI finance ses opérations en empruntant sur les marchés des capitaux plutôt qu’en faisant appel au budget communautaire. La Banque jouit d’une indépendance décisionnelle au sein du système institutionnel de l’Union européenne. Les structures de direction et de contrôle de la BEI reflètent cette indépendance et permettent à la Banque de prendre des décisions concernant ses activités de prêt et d’emprunt sur la seule base de l’intérêt des projets et des meilleures conditions disponibles sur les marchés financiers. Les actionnaires de la Banque européenne d’investissement sont les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne. Les pays membres de l’Union ont plein accès aux financements de la Banque, sans prérogative géographique ou pré-répartition par secteur d’activité.

La participation de chaque Etat membre au capital de la Banque est fonction de son poids économique dans l’Union européenne (exprimé
par le PIB) lors de son entrée dans l’Union. àux termes des statuts, l’encours total des prêts et des garanties accordés par la Banque ne doit pas excéder deux fois et demie le montant de son capital souscrit. Au 1er avril 2009, le capital souscrit de la Banque s’élevait à plus de 232 milliards d’euros.

C’est à la Commission européenne qu’il revient de proposer une politique, la BEI constituant un outil. Si l’Union européenne se dote d’une politique industrielle, la BEI la mettra en œuvre et inscrira son action dans le cadre de cette politique.

III. ENCOURAGER LES CHAMPIONS EUROPÉENS

Si la Commission européenne reconnaissait le caractère mondialisé de la concurrence et acceptait l’existence de champions européens sur toute la chaîne de valeur ajoutée y compris la sous-traitance, les protégeait face aux pays émergents, alors elle pourrait être un outil puissant d’accompagnement.

A. L’émergence de champions européens

1. S’inspirer du pionnier EADS

EADS est un groupe européen résultant d’une construction pragmatique entre les Etats, ainsi que d’une volonté politique. Il ne résulte pas d’une intervention des instances européennes. 97 % de ses effectifs sont localisés dans les quatre pays européens qui le composent (France, Allemagne, Royaume-Uni et Espagne), en faisant ainsi le groupe le moins délocalisé d’Europe.

EADS est un acteur majeur de l’industrie et de l’économie françaises. Il marque le succès d’une transformation de l’industrie française et européenne aéronautique, spatiale et de défense, mais également la poursuite de la croissance de l’industrie française de hautes technologies.

La gouvernance est partagée entre les Etats membres et la Commission européenne, ainsi qu’avec l’Agence spatiale européenne.

VERSION CONSOLIDÉE DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE

Article 189

1. Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en oeuvre de ses politiques, l’Union élabore une politique spatiale européenne. à cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l’exploration et l’utilisation de l’espace.

2. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires, qui peuvent prendre la forme d’un programme spatial européen, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.

3. L’Union établit toute liaison utile avec l’Agence spatiale européenne.

4. Le présent article est sans préjudice des autres dispositions du présent Titre.

2. Créer des projets fédérateurs dans les secteurs source de création de valeur

Les futurs « champions » capables de rivaliser avec les grandes entreprises américaines, chinoises ou indiennes seront nécessairement européens plutôt que « nationaux ». Mais comme l’a indiqué le PDG d’EADS, il n’est « pas de firme multinationale qui n’ait des racines. Ce n’est pas parce qu’ils se mondialisent, et se mondialiseront de plus en plus, que nos grands groupes doivent perdre une identité qui est un atout pour eux ».(49)

Il existe beaucoup de projets fédérateurs et source de création de valeur susceptibles d’émerger au niveau européen, à condition de créer l’incitation nécessaire à leur développement.

En 2005, le Conseil européen a affirmé sa volonté d’une « politique industrielle active » visant à renforcer « les avantages compétitifs de la base industrielle en veillant à la complémentarité de l’action aux niveaux national, transnational et européen ». Il s’agissait de promouvoir « des initiatives technologiques basées sur des partenariats public-privé et par l’organisation de plates-formes technologiques visant à définir des agendas de recherche à long terme ».

Force est de constater que « le bilan est mince. Les deux seuls grands projets industriels communs identifiés sont GALILEO, le futur GPS européen, et SESAR, c’est-à-dire le ciel unique européen. Pas davantage de nouveau champion industriel européen depuis EADS. On peut d’ailleurs se demander si la toute-puissante direction générale de la concurrence, à Bruxelles, souhaite que de tels champions émergent ».(50)

Hormis ces projets, qu’il convient de continuer à développer, il est temps que l’Union européenne fasse véritablement le choix d’une industrie forte, sous-tendue par des champions.

Une stratégie industrielle sectorielle mise en place au niveau communautaire pourrait permettre de soutenir certains rapprochements d’entreprises. « La Commission européenne pourrait alors arbitrer entre les impératifs liés à la concurrence et ceux de la politique industrielle – ce qui, dans certains cas, reviendrait à comparer l’intérêt du consommateur à court terme à la croissance et à la compétitivité à long terme de l’économie européenne dans son ensemble ».(51)

3. Se doter d’outils européens

Les outils européens doivent, non pas être redondants avec ceux qui peuvent exister au niveau national, mais au contraire être complémentaires.

Un instrument puissant de soutien à la politique industrielle consiste dans la mis en œuvre d’avances remboursables. Assimilée à des capitaux propres, dans la mesure où la localisation est conditionnée, l’avance remboursable (AR) est une modalité d’aide importante dans le cadre des politiques françaises en faveur de l’innovation. Les avances remboursables représentent un apport de trésorerie pour réaliser un projet de R&D, qui réduisent le risque du projet ainsi financé dans la mesure où l’avance n’est remboursée qu’en cas de succès.

Les Etats qui en sont à l’origine prennent des risques, puisque le remboursement de l’avance est lié au succès du projet de l’entreprise, mais le retour financier est au rendez-vous en cas de succès. Dans le cas d’EADS, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne partagent ces avances. Depuis quelques années l’Etat français reçoit plus d’argent qu’il n’en prête.

Les Etats-Unis ont contesté devant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) la volonté française d’aider Airbus à financer le développement du futur long courrier A350 avec des avances remboursable. Ils ont contesté « l’octroi de prêts à des conditions préférentielles, la prise en charge et l’annulation des créances résultant de l’aide au lancement et d’autres financements pour le développement et la production d’aéronefs civils gros porteurs, l’octroi de dons et la prise de participations au capital social, l’octroi de prêts à la recherche-développement et de dons en faveur du développement d’aéronefs civils gros porteurs conférant directement des avantages aux sociétés Airbus, et toutes autres mesures qui impliquent une contribution financière aux sociétés Airbus3 ».(52)

Si elle a condamné certaines des aides européennes versées à Airbus, l’OMC a, pour l’essentiel, validé le système des avances remboursables. Dans son rapport définitif, elle estimait par contre que Boeing a reçu des « aides massives et illégales ». L’OMC a ainsi estimé que 70 % des aides versées à Boeing sont illégales ; elles ont par conséquent affaibli l’industrie européenne. Le rapport de l’OMC indiquait que la NASA et le Pentagone sont les « principaux canaux des subventions versées à Boeing ». L’OMC parlait également de « cadeaux » faits à Boeing sous forme notamment d’aides locales de la part des Etats de Washington, où sont implantées les principales usines de l’avionneur américain, de l’Illinois ou encore du Kansas. Airbus a estimé que l’ensemble de ces aides lui avaient causé un préjudice commercial « d’au moins 45 milliards de dollars », selon ses propres calculs.

Tandis que les Etats-Unis continuent de poser comme préalable aux négociations futures avec Airbus l’abandon du système de prêts remboursables de la part des Européens, de nouveaux rivaux en provenance des pays émergents accélèrent leur progression avec le soutien d’argent public.

Le système européen de prêts à Airbus a été déclaré légal. Le principe de l’avance remboursable est un système qui a montré son efficacité ; il est acceptable par l’Union européenne, dans la mesure où il ne s’agit pas de subventions mais d’avances. Cet outil, qui permet à l’entreprise de partager le risque avec l’Etat qui demande en contrepartie une localisation sur son sol, n’existe pas au niveau européen.

D’autres pistes peuvent être explorées, avec la transposition au niveau européen d’outils qui ont fait leurs preuves au niveau national.

B. La protection des champions européens : le principe de réciprocité

1. Remédier à l’asymétrie des règles mondiales : l’exemple des marchés publics

La révision des règles d’accès aux marchés publics internationaux est nécessaire. « Le principe de réciprocité doit pouvoir être appliqué car des asymétries de fait nuisent à la compétitivité des entreprises européennes : alors que celles-ci se conforment aux règles du marché et sont contrôlées, des compétiteurs d’autres contrées profitent d’interventions Etatiques plus ou moins affichées qui aménagent les règles internationales à leur avantage faussant la donne. La réciprocité est un principe destiné à instaurer la loyauté et l’équité dans les relations économiques, une application plus systématique de ce principe, déjà énoncé en droit européen (directive sur les OPA, exception au libre accès des marchés publics…) mais manifestement peu utilisé permettrait de jouer la partition d’une ouverture régulée ».(53)

L’Union européenne est particulièrement concernée par le manque de réciprocité dans les marchés publics internationaux puisqu’elle impose, au nom de sa philosophie libérale, l’ouverture des marchés publics des Etats membres par l’établissement de règles strictes de mise en concurrence et d’égalité de traitement non seulement entre eux mais également à l’égard des tiers, respectueuse des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les sociétés européennes sont donc confrontées à une concurrence sur leurs marchés d’origine et soumises dans le même temps à des restrictions plus ou moins directes à l’accès aux marchés publics d’Etats tiers.

Marchés publics chez les principaux partenaires commerciaux*

 

UE

Etats-Unis

Japon

Canada

Corée

Brésil**

Argentine**

Inde**

Total de la valeur des marchés publics (en milliards d’euros)

2 088

1 077

565

225

106

133

15

64

(% du PIB)

16 %

11 %

18 %

22 %

14 %

13 %

8 %

8 %

Total de la valeur des marchés publics au dessus de la valeur de seuil de l’AMP (en milliards d’euros)

370

279

96

59

25

42**

3,7**

20**

(% du PIB)

3 %

3 %

3 %

6 %

3 %

4 %**

2 %**

2,5 %**

Marchés publics soumis à l’AMP (en milliards d’euros)

312

34

22

2

5

nc

nc

nc

(% des marchés publics au dessus de la valeur seuil)

84 %

12 %

23 %

3 %

60 %

nc

nc

nc

Source: Estimations de la Commission européenne. Extrait de la communication de la Commission européenne « La politique commerciale au coeur de la stratégie Europe 2020 » ; 9 novembre 2010 ; COM(2010) 612 final.

* Données comparables pour la Chine non disponibles.

** Pas parties à l’AMP. Estimations de la Commission européenne sur l’ouverture potentielle du secteur des marchés publics suite aux engagements contractés par ces pays s’ils venaient à adhérer à l’AMP.

Les marchés publics sont un secteur dans lequel les marchés étrangers sont particulièrement fermés aux entreprises de l’Union européenne. Les marchés publics, qui représentent plus de 10 % du PIB des grands pays industrialisés et qui sont en progression dans les économies émergentes, constituent des opportunités commerciales dans des secteurs où l’industrie de l’Union européenne est hautement compétitive. Il s’agit notamment des transports publics, des dispositifs médicaux, des produits pharmaceutiques et des technologies vertes.

Les marchés publics avaient été initialement soustraits au champ d’application des principales règles commerciales multilatérales qui ouvraient l’accès aux marchés. Les gouvernements ont entrepris, durant les négociations commerciales du Tokyo Round, d’appliquer aux marchés publics les règles convenues au plan international, ce qui s’est traduit par la signature, en 1979, du premier accord sur les marchés publics qui est entré en vigueur en 1981. Il a été modifié en 1987, cette version modifiée entrant en vigueur en 1988. Parallèlement au Cycle d’Uruguay, les Parties à l’accord ont mené des négociations pour étendre la portée et le champ d’application de l’accord. L’accord sur les marchés publics (AMP) qui est actuellement en vigueur a été signé à Marrakech le 15 avril 1994, en même temps que l’accord instituant l’OMC. Le nouvel àccord est entré en vigueur le 1er janvier 1996.

L’AMP est à ce jour le seul accord juridiquement contraignant à l’OMC qui porte spécifiquement sur les marchés publics. Il a pour objet d’ouvrir à la concurrence internationale une partie aussi large que possible des marchés publics. Il vise à faire en sorte que les lois, réglementations, procédures et pratiques en matière de marchés publics soient plus transparentes et qu’elles n’aient pas pour effet de protéger les produits ou fournisseurs nationaux ou d’entraîner une discrimination à l’encontre des produits ou fournisseurs étrangers.

Vingt-huit membres, dont l’Union européenne, ont signé l’accord. L’accord se compose, d’une part, de règles et d’obligations générales et, d’autre part, des listes des entités nationales de chaque pays membre dont les marchés relèvent de l’accord. Une grande partie des règles et obligations générales ont trait aux procédures d’appel d’offres. Le nouvel accord entré en vigueur le 1er janvier 1996 s’étend aussi aux services (y compris les services de construction), aux marchés passés à l’échelon de gouvernements sous-centraux (par exemple Etats, provinces, départements et préfectures), et aux marchés passés par les services d’utilité publique.

En outre, l’accord renforce les règles garantissant l’absence de discrimination et une concurrence internationale loyale. Par exemple, les gouvernements seront tenus de mettre en place des procédures nationales permettant aux soumissionnaires privés se jugeant lésés de contester les décisions d’attribution des marchés et d’obtenir réparation au cas où ces décisions s’avéreraient incompatibles avec les règles de l’accord.

L’accord s’applique aux marchés dont la valeur dépasse certains seuils. Il a été transposé dans le droit communautaire par la Décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ces compétences, des accords des négociations multilatérales du Cycle d’Uruguay (1986-1994)(54).

Les 27 pays de l’Union européenne sont partie prenante à cet accord, qui permet la mise en œuvre de la réciprocité et d’une certaine protection dans la mesure où il comporte des règles garantissant l’absence de discrimination et une concurrence internationale loyale. Or, certains pays dont la France, n’ont pas pris les mesures de transposition de cet accord dans leur droit national. Il convient par conséquent de veiller à ce que les législations nationales doivent soient adaptées aux exigences de l’AMP. Tous les instruments d’application doivent en effet être adoptés, au niveau national et européen, pour pouvoir invoquer cet accord pour avoir accès aux marchés.

L’exemple de la transposition de la directive(55) « marchés publics de défense et de sécurité » est également significatif.

Cette directive vise à améliorer l’ouverture et le caractère concurrentiel des marchés publics dans le domaine de la défense de l’Union européenne en vue de l’établissement progressif d’un marché européen des équipements de défense. Elle permettra de réduire le morcellement actuel de la réglementation dans ce domaine et d’accroître la concurrence et la transparence, permettant ainsi aux sociétés européennes, y compris les petites et moyennes entreprises, de répondre à des appels d’offre dans toute l’Europe. Le texte précise que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque Etat membre, tant dans le domaine de la sécurité que dans celui de la défense.

En vertu des nouvelles règles harmonisées applicables aux marchés publics de l’armement, des munitions et du matériel de guerre, les cas exceptionnels dans lesquels les Etats membres peuvent restreindre les possibilités de soumissionner pour des marchés publics seront limités notamment à ceux qui ont une incidence sur leurs intérêts en matière de sécurité nationale. Les nouvelles règles tiennent compte des spécificités du marché, à savoir la sécurité de l’approvisionnement et la sécurité des informations. Le délai de transposition de cette directive est fixé au 20 août 2011.

La directive obligera les pays à ouvrir leurs consultations aux fournisseurs situés au sein des autres pays européens. Elle prévoit cependant la possibilité pour les Etats membres de pouvoir « décider si oui ou non leurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent autoriser des agents économiques de pays tiers à participer aux procédures de passation des marchés ».(56)

La loi qui va transposer la directive dans le droit français doit en conséquence donner la possibilité à l’acheteur public de rester maître de ses choix, en ayant la possibilité de ne pas retenir des acteurs économiques non membres de l’Union européenne. Sans une disposition spécifique allant dans ce sens, des industriels américains ou chinois par exemple pourraient concourir librement, et présenter des offres qu’il sera difficile d’écarter.

En l’état actuel, le projet de loi de transposition ne permet pas aux acheteurs publics de pouvoir maîtriser l’accès d’industriels de pays n’appartenant pas à l’Union européenne aux marchés publics de défense français. L’intégration de la directive, avant d’être un problème juridique, est l’expression de la volonté éminemment politique, de conserver en Europe une industrie de souveraineté, attribut d’indépendance militaire et technologique et créatrice d’emplois à forte valeur ajoutée. L’automaticité d’accès sans liberté donnée aux autorités adjudicatrices d’écarter des industriels de pays tiers quelle que soit leur nature (y compris des sous-traitants) constitue une menace grave sur la pérennité d’un tel secteur.

La rédaction actuelle du projet de loi de transposition n’offre pas la souplesse et les garanties nécessaires pour permettre aux autorités adjudicatrices de ne choisir que des sociétés européennes, notamment en raison d’une définition trop souple des opérateurs économiques considérés comme ressortissants de l’Union européenne. Il est souhaitable de remédier à ces lacunes.

2. La normalisation : un enjeu à ne pas omettre

Les principaux partenaires commerciaux de l’Union européenne que sont les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde et le Brésil présentent les caractéristiques suivantes :

- « les Etats-Unis sont de loin le principal partenaire d’échanges et d’investissement de l’Union européenne. Malgré des différends occasionnels, le commerce et les investissements transatlantiques s’effectuent avec plus de liberté que pratiquement partout ailleurs dans le monde. Les plus gros obstacles restants résident dans la divergence des normes et réglementations outre Atlantique, même si les objectifs réglementaires de l’Union européenne sont très similaires.

- la Chine est le deuxième partenaire commercial de l’Union européenne. Néanmoins, les échanges avec la Chine demeurent bien en deçà de ce qu’ils pourraient être. Des obstacles importants continuent de barrer l’accès au marché - normes et réglementation, services, investissements et marchés publics, non-respect des droits de propriété intellectuelle, système de normalisation opaque, procédures de certification lourdes. L’Union européenne a contesté un certain nombre de ces mesures auprès de l’OMC et au niveau bilatéral et continuera à le faire.

- la Russie est notre proche voisin le plus important. C’est également la deuxième destination des exportations de l’Union européenne, la troisième source des importations de l’Union européenne à l’échelle mondiale et le plus gros fournisseur d’énergie pour de nombreux Etats membres. L’adhésion de la Russie à l’OMC reste un objectif crucial à court terme pour la politique commerciale de l’Union européenne. Entre-temps, l’accord bilatéral en cours de négociation entre l’Union européenne et la Russie, qui devrait remplacer l’actuel accord de partenariat et de coopération, devrait permettre d’aboutir à un environnement commercial plus efficace ».(57)

L’enjeu de la standardisation internationale s’avère être fondamental, dans la mesure où l’absence de normalisation ou une normalisation de moindre exigence constituent un obstacle certain aux échanges. Son coût en équivalent tarifaire est loin d’être négligeable.

Estimation des équivalents tarifaires des obstacles aux services (en %)

 

Télécoms

Construction

Commerce

Transports

Finances

Services aux entreprises

Autres

Pays développés

24

42

31

17

34

24

26

Asie

33

25

17

8

32

15

17

UE 25

22

35

30

18

32

22

27

Etats-Unis

29

73

48

14

41

34

7

Pays en développement

50

80

47

27

57

50

34

Total moyen

35

58

38

21

44

35

29

Max

119

119

95

53

103

101

54

Source: DG TRADE/ CEPII. Sur la base de la modélisation gravitaire des données sur les flux commerciaux de services.

Il est souhaitable de remettre la normalisation au centre de l’influence de l’industrie française et européenne, dans le respect de l’identité de chaque secteur et de l’expression des enjeux propres à chaque industrie.

Au niveau européen, il faut inviter les partenaires commerciaux de l’Europe à s’engager dans la normalisation internationale, à introduire des modèles de réglementation compatibles avec les normes et à promouvoir la cohérence entre les normes nationales et internationales. Les obligations au titre de l’accord sur les obstacles techniques au commerce de l’OMC (accord OTC) doivent être respectées.

L’accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC)

de l’Organisation mondiale du commerce (OMC),

entré en vigueur en 1995 avec la création de l’OMC

Les règlements techniques et les normes de produits peuvent varier d’un pays à l’autre. L’existence d’un grand nombre de règlements et de normes différents rend les choses difficiles pour les producteurs et les exportateurs. Si les règlements sont établis arbitrairement, ils peuvent servir de prétexte au protectionnisme. L’accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) de l’OMC vise à faire en sorte que les règlements, normes et procédures d’essai et d’homologation ne créent pas d’obstacles non nécessaires.

Toutefois, l’accord reconnaît aussi le droit des pays d’adopter les normes qu’ils jugent appropriées, par exemple pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux, préserver les végétaux, protéger l’environnement ou défendre d’autres intérêts des consommateurs. De plus, il n’est pas interdit aux Membres d’adopter les mesures nécessaires pour veiller au respect de leurs normes. Mais ces mesures sont contrebalancées par des disciplines. L’existence d’une multitude de règlements peut être un cauchemar pour les fabricants et les exportateurs. Les choses seraient plus simples si les gouvernements appliquaient des normes internationales, comme l’accord les y encourage. En tout Etat de cause, les règlements adoptés ne doivent pas avoir un caractère discriminatoire.

L’accord énonce aussi un code de bonne pratique pour l’élaboration, l’adoption et l’application de normes facultatives par les gouvernements et par les organismes non gouvernementaux ou sectoriels. Plus de 200 organismes de normalisation appliquent le code.

L’accord dispose que les procédures d’évaluation de la conformité des produits avec les normes pertinentes doivent être justes et équitables. Il décourage le recours à des méthodes qui donneraient un avantage inéquitable aux produits fabriqués dans le pays. Il encourage aussi les pays à reconnaître mutuellement les procédures d’essai utilisées pour évaluer la conformité d’un produit. Faute d’une telle reconnaissance, les essais devraient peut être menés deux fois, d’abord par le pays exportateur, puis par le pays importateur.

Les fabricants et les exportateurs ont besoin de savoir quelles sont les normes en vigueur sur les marchés où ils cherchent à s’implanter. Pour que ces renseignements soient aisément disponibles, tous les gouvernements Membres de l’OMC sont tenus d’établir des points d’information nationaux et de se tenir mutuellement informés par l’intermédiaire de l’OMC quelque 900 règlements nouveaux ou modifiés sont notifiés chaque année. Le Comité des obstacles techniques au commerce est pour les Membres le principal centre d’échange de l’information et la principale enceinte où ils débattent de leurs préoccupations concernant les règlements et leur mise en œuvre.

CONCLUSION :
LES 20 PROPOSITIONS

Au niveau national:

- Proposition no 1 : rendre obligatoire l’enseignement de la propriété intellectuelle ou industrielle dans toutes les écoles d’ingénieurs et dans tous les cursus universitaires ayant un lien avec l’industrie ;

- proposition no 2 : rendre l’Agence des participations de l’Etat (APE) destinataire de l’ensemble de l’information pertinente relevant de son domaine de gestion, en particulier des études réalisées par la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) afin d’assurer une cohérence dans la gestion politique des participations de l’Etat ;

- proposition no 3 : d’une manière générale, substituer une vision horizontale de diffusion de l’information à la pratique verticale existante ;

- proposition no 4 : préciser les contours du Fonds stratégique d’investissement (FSI), dans la mesure où il a vocation à développer une politique industrielle et où la lisibilité de son action est insuffisante ;

- proposition no 5 : développer une plus grande synergie entre le FSI et d’autres organismes exerçant une mission relativement proche, comme OSEO et l’APE dont la vision est plus concrète ;

- proposition no 6 : intégrer la DATAR dans une logique de transversalité, guidée par une véritable conduite de projet ;

- proposition no 7 : mieux définir la notion d’entreprise européenne dans le projet de loi de transposition de la directive(58) « marchés publics de défense et de sécurité » afin de prendre en compte la réalité internationale ;

- proposition no 8 : remédier à l’émiettement de l’organisation administrative en créant un réel ministère de l’industrie qui soit distinct de celui des finances, ainsi qu’une représentation permanente de l’industrie sui generis regroupant tous les acteurs concernés ;

- proposition no 9 : mettre en place une prospective nationale élaborée grâce à la synergie de tous les acteurs économiques et promouvoir des directives claires émanant de l’Etat, en créant un Conseil stratégique de l’avenir industriel permettant de définir les axes prioritaires de recherche et d’innovation industrielle : les ministres de l’Industrie et de l’Enseignement et de la Recherche assurent le secrétariat de ce Conseil qui est placé sous l’autorité du Premier ministre, voire du Président de la République.

- proposition no 10 : en raison des transferts de technologies imposés par les pays importateurs, axer davantage encore les efforts français sur la haute technologie, ce qui implique de privilégier le financement de la recherche et développement ;

- proposition no 11 : veiller à ce que les législations nationales soient adaptées aux exigences de l’accord sur les marchés publics (AMP) ; adopter tous les instruments d’application, au niveau national et européen, pour pouvoir invoquer cet accord en vue d’un accès aux marchés ;

Au niveau européen :

- proposition no 12 : améliorer la cohérence entre les instruments de soutien à la recherche et les instruments de soutien à l’innovation, qui font aujourd’hui l’objet de deux programmes distincts et sans interaction (le PCRDT et le programme-cadre pour la compétitivité et l’innovation), dans le cadre de la préparation des futurs programmes de l’Union européenne en faveur de la recherche et l’innovation pour la période 2014-2020 ;

- proposition no 13 : assurer une meilleure articulation entre les programmes et les instruments de financement européens et nationaux tout en remédiant à l’excessive bureaucratisation des programmes cadre européens afin de favoriser l’avènement d’un véritable espace de recherche européen (seulement 15 % du financement étant actuellement purement européen) ;

- proposition no 14 : s’agissant des aides d’Etat et des opérations concentrations, modifier le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de façon à  permettre une voie de recours au niveau du Conseil européen en cas de décision négative de la Commission concernant la concurrence ; améliorer l’analyse économique dans le domaine des aides d’Etat en mettant davantage en balance les aspects positifs des aides et les restrictions de concurrence tout en prenant en compte les réalités internationales ;

proposition no 15 : demander au Conseil européen de donner des directives à la Commission pour que les décisions de la Direction générale Concurrence prennent en compte la défense de l’industrie européenne ;

- proposition no 16 : s’agissant des dispositions relevant du marché intérieur, modifier le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne de façon à mettre en place des règles de réciprocité dans l’accès aux marchés ;

- proposition no 17 : instaurer une clause d’alignement permettant d’autoriser des aides plus importantes lorsqu’il est établi qu’un pays concurrent direct non européen obtient davantage de financement (ou finance davantage), dans le même domaine ;

- proposition no 18 : refonder la politique de la concurrence européenne, celle du marché intérieur, en allant dans le sens d’une politique plus équilibrée entre l’intérêt du producteur et l’intérêt du consommateur ; faire figurer la « protection de l’intérêt économique européen » dans les objectifs des régulateurs ;

- proposition no 19 : utiliser la BEI comme outil de mise en œuvre d’une politique industrielle européenne ;

- proposition no 20 : inviter les partenaires commerciaux de l’Europe à s’engager dans la normalisation internationale, à introduire des modèles de réglementation compatibles avec les normes et à promouvoir la cohérence entre les normes nationales et internationales ; veiller aux respect des obligations au titre de l’accord sur les obstacles techniques au commerce de l’OMC (accord OTC).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 1er juin 2011, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. C’est là un sujet central. Après ses importants progrès institutionnels, l’Europe doit se pencher sur son industrie comme élément vital de sa puissance notamment face aux pays émergents.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Le monde, face à la crise, cherche de nouvelles voies ; il faut en tirer avantage pour faire bouger les choses. Nos conclusions, pour certaines volontairement un peu provocatrices, sont susceptibles de susciter un vrai débat.

Le Président Pierre Lequiller. Je suis en accord avec l’essentiel de votre analyse : le tout-concurrence n’est pas la solution et, face aux pays émergents, il faut instaurer une vraie réciprocité.

Je comprends que vous ayez voulu insérer, dans les conclusions, un paragraphe relatif à l’action nationale, mais ce n’est pas de la compétence directe de la Commission des affaires européennes, même si bien sûr des liens incontestables existent entre les niveaux de compétence.

Je ne suis pas convaincu par l’idée d’une intrusion du Conseil dans les prérogatives de la Commission européenne, à travers des injonctions éventuelles à la Commission. En revanche, je suggère depuis toujours que le commissaire chargé de la concurrence soit aussi responsable de la politique industrielle et que cela figure dans son titre, l’objectif étant d’édifier de grands groupes européens. Si elle ne réagit pas à la politique de certains pays émergents, l’Europe va dans le mur.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. Le problème est de nature socio-administrative, il tient au poids de la DG concurrence : c’est le « Saint des Saints », comme la Direction du trésor au ministère des finances. Même si un commissaire était chargé à la fois de la concurrence et de l’industrie, la DG concurrence l’emporterait.

Au demeurant, pour casser les décisions de la DG concurrence, il faut porter l’affaire devant le tribunal. Or, sur ces questions, lorsque le verdict tombe, c’est trop tard ; l’affaire Schneider-Legrand l’a montré.

En matière industrielle, il faut donner des impulsions politiques, en Europe comme partout ailleurs. Nous maintiendrons notre proposition car nous estimons que la fonction régalienne de la Commission européenne a montré ses limites.

M. Philippe Cochet. Les Chinois investissent depuis des années dans des équipements automatisés et ils ont pris beaucoup d’avance. De surcroît, avec un marché intérieur aussi important, la Chine à le loisir de perdre de l’argent à l’export.

Il est effectivement primordial de créer un Conseil stratégique de l’avenir industriel. C’est au cœur des débats de la mission d’information sur les faiblesses et défis du commerce extérieur français, que préside Axel Poniatowski : avant d’élaborer une stratégie pour que l’Europe devienne championne du monde, il faut que chacun de ses Etats membres détermine les domaines dans lesquels il est le meilleur. Il y a urgence. Un certain nombre de secteurs d’activités l’ont compris depuis longtemps et, quand ils sont accompagnés par le pouvoir public, c’est toujours une réussite.

Il y a une autre maillon manquant : la puissance commerciale. Si un pays produit beaucoup mais ne vend pas, il garde ses produits sur les bras. Un gros effort est accompli, notamment avec Ubifrance, et, à terme, il faudrait créer « Ubieurope ». Même en Europe, nous sommes concurrencés par des pays nettement moins performants mais qui savent vendre.

M. Marietta Karamanli. Le sujet est d’une actualité brûlante. Je partage beaucoup d’analyses avec les rapporteurs mais je formulerai deux remarques.

Le problème de la concurrence se pose déjà au sein de l’Union européenne. Cela nous fait perdre de l’énergie et nous nous en trouvons moins performants.

Les Chinois ne redistribuent jamais chez eux ce qu’ils gagnent en exportant.

Pour promouvoir une coopération industrielle sectorielle, la question de la réduction des émissions de carbone mérite aussi d’être soulevée. Les personnes que vous avez entendues y sont-elles sensibles ? Ont-elles des objectifs en la matière ?

M. Gérard Voisin. Ce rapport est très riche, intelligent et bien ciblé. Il faut trouver de nouvelles pistes, allant au-delà de la recherche d’une sortie de crise.

Nous sommes, à l’évidence, de très mauvais exportateurs, ce qui nuit à notre valeur ajoutée. Nous en reparlerons lorsque le rapport d’information de la Commission des affaires européennes sera remis.

Le coût social contribue aussi au problème : comment se battre sur un pied d’égalité, y compris avec les pays d’Europe centrale, alors que les charges pesant sur les entreprises sont si inégales ? Il me semble que cette dimension manque dans votre rapport.

Les anciens élèves des écoles d’ingénieurs appellent inlassablement à une reconnaissance gouvernementale de leurs établissements, qui sont des fers de lance. Ce serait un signe de confiance déterminant.

L’accord commercial bilatéral Europe-Japon va enfin être signé, ce qui permettra aux chefs d’entreprise de pénétrer ce marché.

J’éprouve un grand respect pour l’administration, mais il est anormal que le pouvoir politique, en Europe et particulièrement en France, lui soit soumis. Il y a aussi une question liée au niveau du pilotage politique : par exemple, pour les transports, ce dossier est trop important pour être traité par un secrétariat d’Etat, quels que soient les grands mérites de son titulaire, et non par un ministère de plein exercice.

M. Jean Gaubert. Il est bon de rappeler que la France et l’Europe restent des puissances industrielles. Nous n’avons pas à rougir des compétences de nos entreprises, pour innover et créer de la richesse, dans les secteurs de l’aéronautique, du spatial, des transports terrestres ou de l’énergie. Malheureusement, nos concitoyens ne le savent pas et cèdent au déclinisme. Quand je monte dans un Airbus, je pense avec fierté que les Américains n’ont toujours pas réussi à faire valider leur gros Boeing !

Cependant, lorsqu’il s’agit de vendre, nous ne sommes pas toujours au rendez-vous, parfois parce que nous avons des scrupules, souvent parce que l’absence de concurrence loyale nous est défavorable. Nous nous donnons des règles sociales ou environnementales, qui entraînent des coûts, en refusant d’appliquer le principe de réciprocité. Je ne réclame pas la fermeture de nos frontières, je sais que nous avons beaucoup à gagner à l’ouverture, mais celle-ci doit se faire dans une optique de réciprocité.

Du reste, le tout-concurrence, à force de tirer les prix vers le bas, finira par nous conduire à une situation dans laquelle nous n’aurons plus de salaires à payer puisqu’il n’y aura plus d’emploi.

De grâce, arrêtons d’être des enfants de chœur ! A l’instar des Etats-Unis, le Canada, membre du groupe de Cairns, est l’un des pays les plus fermés du monde : l’industrie énergétique y a été mise au service des aluminiers, ce que nous refusons de faire en Europe. Des entreprises comme Alcan ou Alcoa commencent à se demander si elles ne vont pas se redéployer en Chine, où elles pollueront neuf fois plus mais où elles gagneront cinq fois plus. Si la France et l’Europe ne prennent pas conscience de ces situations, c’est à désespérer. Il est impossible de priver nos entreprises de leurs avantages compétitifs et d’acheter des produits fabriqués suivant des normes très différentes.

Mme Anne Grommerch. Ce sujet est essentiel pour notre pays. Je partage les propositions de niveau européen des rapporteurs mais, concrètement, quelles sont celles qui ont vraiment une chance d’aboutir dans un avenir proche ?

M. Régis Juanico. Je suis élu de la Loire, département qui a toujours su rebondir grâce à son tissu de PME innovantes, ouvertes sur l’international : on y compte encore près de 30 % d’emploi industriel, près du double de la moyenne nationale. Nous avons évidemment besoin d’une politique industrielle nationale forte mais aussi d’une politique industrielle européenne.

Avez-vous pensé à la création d’une sorte de banque publique d’investissement, aux niveaux national et européen, pour soutenir le secteur industriel ?

A côté des grands groupes industriels, ces champions extrêmement performants, quel mécanisme spécifique pourrait être imaginé pour favoriser les entreprises de taille intermédiaire, comptant de 200 à 500 salariés, sur le modèle allemand ?

Pour protéger notre outil industriel contre les biens qui ne satisfont pas aux normes environnementales ou sociales, ne faudrait-il pas créer un système « d’écluse tarifaire » aux frontières de l’Union européenne ? »

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Pour un pays comme la France, l’élément déterminant, commercialement, est d’être le plus innovant et pas nécessairement d’avoir le prix de revient le plus bas. Il faut souligner aussi l’aspect décisif de la marque et du marketing, qui font la force de beaucoup de biens chinois ou coréens.

La Banque européenne d’investissement (BEI) existe. Il faut la faire évoluer pour qu’elle soit mieux adaptée.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. La réciprocité est au cœur de la question. En effet, un pays comme l’Allemagne a déjà un solde commercial déficitaire avec la Chine et il va se faire tailler des croupières dans l’avenir. La réciprocité est le début de la sagesse et l’Union européenne doit engager des contre mesures. On peut penser, à l’instar de M. Michel Barnier, que s’il ne paraît pas possible d’avoir une vraie politique industrielle au niveau de l’Union, une politique de réciprocité peut être réalisable.

Il y a aussi bien sûr un dumping environnemental et social. L’ouverture des marchés asiatiques est difficile car il y a des barrières culturelles et sociologiques. On peut être sûr que l’ouverture du marché européen des services à la Corée sera, compte tenu des forces en présence, plus favorable à ce pays qu’à l’Union.

Il y a eu des avancées concernant les Petites et Moyennes Entreprises (PME) au niveau européen, avec la décision de la Commission de novembre 2010 de les favoriser pour l’accès aux marchés publics. Les financements de la BEI existent aussi.

Les mesures tarifaires extérieures de l’Union européenne ont été démantelées et ne sont plus que de 4 % alors qu’elles sont considérables dans des pays comme les Etats-Unis. La notion de TVA sociale peut être une mesure intéressante pour lutter contre le dumping social.

La vente est une activité essentielle comme on l’a compris aux Etats-Unis, où il existe des liens forts entre techniciens commerciaux et ingénieurs dès l’Université, ce qui leur permet de se connaître et de créer, ensemble, des entreprises. Il faut aussi apprendre aux ingénieurs à se servir des brevets pour lutter contre la concurrence.

Le Président Pierre Lequiller. C’est là un sujet central. Après ses importants progrès institutionnels, l’Europe doit se pencher sur son industrie comme élément vital de sa puissance notamment face aux pays émergents.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

A Paris :

- M. André Antoloni, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), vice-président de l’Union française de l’électricité, M. Jean-Philippe Roudil, délégué général du SER, M. Alexandre de Montesquiou, directeur associé à i ▪─▪ 2 P (accompagnements institutionnels vers les pouvoirs publics) ;

- M. Emmanuel Arnould, gérant du Groupement européen d’ingénierie et du conseil en technologies (GEICET) ;

- M. Eric Besson, ministre en charge de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique (par le biais d’une réponse écrite) ;

- M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l’Etat, M. Olivier Bourges, directeur général adjoint de l’Agence des participations de l’Etat (APE), M. Elie Beauroy, secrétaire général de l’APE ;

- M. Alain Cotta, professeur honoraire à l’université de Paris Dauphine ;

- M. Olivier Darasson, président de la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS) ;

- M. Christian Derambure, président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) ;

- M. François Desprairies, directeur des affaires publiques France d’EADS, Mme Annick Perrimond-Du-Breuil, directeur des relations institutionnelles France d’EADS, M. Gilles Maquet, directeur des relations institutionnelles d’ASTRIUM (EADS) ;

- M. François Drouin, président directeur général d’OSÉO ;

- M. Philippe Favre, président d’ALSTOM International, M. Jacques Beltran, vice-président affaires publiques et intelligence économique d’ALSTOM, M. Etienne Bodard, chargé de mission affaires publiques d’ALSTOM ;

- MM. Olivier Ferrand et Olivier Coste (TERRA NOVA) ;

- M. Bertrand Finet, directeur, membre du comité exécutif du Fonds stratégique d’investissement (FSI) et M. Arnaud Barthélémy, directeur de l’investissement du FSI ;

- M. Antoine de Fleurieu, délégué général de Gimélec, M. Claude Henry, directeur du développement d’Europe Emerson, membre du conseil d’administration de Gimélec, M. Hugues Vérité, délégué aux relations institutionnelles de Gimélec, Mme Aurélie Spottke, chargée de mission chez Leroy Somer ;

- M. Alain Gabillet, directeur de la performance du système industriel du groupe RENAULT, Mme Louise d’Harcourt, déléguée aux affaires publiques du groupe RENAULT ;

- M. Jean-Claude Germain, président de la CFE-CGC des Yvelines ;

- M. Gaël Giraud, jésuite, chercheur en économie au CNRS ;

- M. Michel Griffon, directeur général adjoint de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ;

- MM. Jérôme Haas, président de l’Autorité des normes comptables (ANC) et Eric PREISS, directeur général de l’Autorité des normes comptables ;

- M. Yannick Imbert, directeur de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) ;

- M. Yvon Jacob, ambassadeur de l’industrie, M. Serge Guillon, délégué général auprès de M. Jacob, et M. Hubert Blaison, chef de cabinet de M. Jacob ;

- M. Eric Jourde, délégué général de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), M. Pierre Frédéric Degon, chargé des affaires européennes de la FIEEC ;

- M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- M. Henri Lachmann, président du Conseil de surveillance de Schneider Electric, vice-président de l’Institut Montaigne ;

- M. Stanislas Martin, chef du service Régulation et sécurité de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie (DGCCRF) ;

- M. Gérard Mestrallet, président-directeur général du groupe GDF SUEZ, Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles du groupe GDF SUEZ, Mme Gwenaëlle Huet, directeur adjoint du service affaires régulatoires et européennes (direction de la stratégie et du développement durable) du groupe GDF SUEZ ;

- Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

- M. Hervé Pichon, délégué Institutions françaises et Parlement européen du groupe PSA Peugeot Citroën, Mme Thérèse Martinet, directeur des relations institutionnelles du groupe PSA Peugeot Citroën ;

- M. Dirk Pilat, chef de la division de la politique structurelle, Direction de la science, de la technologie et de l’industrie de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ;

- M. Jean-Noël Poirier, vice-président des relations extérieures du département International et Marketing d’AREVA ; Mme Aurélie Andrieux, responsable des relations institutionnelles d’AREVA ;

- M. Henri Proglio, président-directeur général d’EDF, M. Philippe Méchet, vice-président exécutif affaires publiques et analyse de l’entreprise d’EDF ;

- M. Denis Ranque, président de Technicolor, président du conseil d’administration de l’École nationale supérieure des mines de Paris, président du Cercle de l’Industrie (association réunissant les plus grandes entreprises industrielles françaises), président de l’association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) ;

- M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), M. Frédéric Bourdier, chargé des relations institutionnelles et adjoint pour les relations parlementaires de la CDC, M. Christian Gibot, conseiller du cabinet du directeur général de la CDC ;

- M. Luc Rousseau, directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services au ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie ;

- M. Philippe Setton, chef du service des politiques internes et des questions institutionnelles au ministère des affaires étrangères et européennes ;

- M. Pierre Suard ;

- M. Michaël Trabbia, directeur de cabinet adjoint du ministre chargé de l’industrie, M. Marcel de la Haye, conseiller diplomatique affaires européennes et internationales, propriété intellectuelle du ministre chargé de l’industrie, M. Anthony Boré, chef adjoint de cabinet, chef du pôle parlementaire du ministre chargé de l’industrie ;

A Bruxelles :

- M. François Arabult, membre du cabinet du commissaire européen Michel Barnier (marché intérieur et services) ;

- M. Alexander Italianer, directeur général de la direction générale de la Concurrence (Commission européenne) ;

- M. Jean-Pierre Labe, conseiller en charge de l’industrie à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent adjoint ;

- Mme Valéria Superti, membre du cabinet du vice-président Antonio Tajani (en charge de l’industrie et l’entrepreneuriat à la Commission européenne), M. Rodrigo Peduzzi, chargé du secteur entreprise et industrie ;

A Genève :

- M. Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ;

A Luxembourg :

- M. Philippe de Fontaine Vive, vice-Président de la Banque européenne d’investissement (BEI) ;

En Chine :

- ambassade de France à Pékin : M. Rodolphe Pellé, adjoint du chef des services économiques en Chine, Mme Catherine Legrand, chef de secteur, M. Nils Raynaud, conseiller transport, énergie, environnement, BTP, M. Jean-Quentin Heitz, chef de secteur, Mme Xu Rui, attachée sectorielle, interprète ;

- M. Eric Bouteiller, directeur de Beaufour Ipsen Chine et représentant de la chambre de commerce à Tianjin ;

- M. Chen Bin, directeur général du département de la coordination des secteurs (industrie) à la Commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC) à Pékin, M. Fu Jiuling, directeur général adjoint du département de la coordination des secteurs (industrie) à la NDRC ;

- M. Laurent Chevalier, président de Gaz-énergies nouvelles, Président exploration et production du groupe TOTAL à Pékin ;

- M. Bruno Gensburger, directeur des affaires extérieures de Sanofi Aventis Chine à Pékin ;

- M. Thierry Guerin, directeur des opérations de l’usine d’assemblage d’AIRBUS à Tianjin, Mme Nathalie Genet, gestionnaire de l’assurance produit, usine d’assemblage d’AIRBUS à Tianjin ;

- Mme Marianne Gumaelius, premier conseiller, chef de la section commerce et investissement, délégation de la Commission européenne à Pékin, M. Joas Santos, premier secrétaire, section commerce et investissement, délégation de la Commission européenne à Pékin ;

- M. Dominique Laporte, vice-président d’EADS Chine à Pékin ;

- M. Jacques Leclerc Du Sablon, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie française en Chine, M. Dominique Laporte, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie française en Chine ;

- M. Lu Tony, directeur des affaires étrangères de Foton Motor à Pékin ;

- M. Gilbert Porcherot, vice-président, directeur des ventes d’ALSTOM Chine, Mme Gong Li, directeur stratégie d’ALSTOM Chine ;

- Mme Qian Fangli, directeur général adjoint du département de l’administration des capitaux étrangers au ministère du commerce (MOFCOM) à Pékin, M. Wu Zongdi, premier secrétaire du département de l’administration des capitaux étrangers au MOFCOM ;

- M. Wang Haila, représentant en chef de France Telecom Chine à Pékin, M. Christian Roux, laboratoire de R&D ORANGE à Pékin ;

- M. Yu Yongbin, directeur des affaires publiques du groupe HUAWEI à Pékin ;

En Corée du Sud :

- ambassade de France à Séoul : Mme Elisabeth Laurin, ambassadrice de France en Corée, M. Thierry Berthelot, premier conseiller, M. Pierre Moussy, deuxième Conseiller, M. Sébastien Jaunet, deuxième conseiller, M. Benoît Ganthier, chef du service économique, Mme Valérie Liang-Champrenault, conseillère économique, M. Jean-Yves Doyen, attaché énergie et technologies innovantes ;

- M. Bok Deuk Kyu et M. Lee Sung-Do : Samsung Economic Research Institute (SERI) à Séoul ;

- chefs d’entreprises français établis en Corée : M. Nicolas Durand, directeur de Veritas, M. Barry Howe, directeur d’ALSTOM, M. Jean-Marie Hurtiger, président-directeur général de Renault Samsung Motors et président de la chambre de commerce européenne, M. Eric Léger, président-directeur général de Schneider Electric, M. Jean Pellegrin président-directeur général de Thalès, M. Frédéric Pergay, directeur de Bouygues, M. Michel Puchercos, président-directeur général du groupe LAFARGE, M. Emmanuel Vivant, directeur de VEOLIA ;

- M. Marc Fortier, directeur du bureau UBIFRANCE de Séoul ;

- Mme Heekyung Jo Min, directeur général d’Incheon Free Economic Zone Authority (IFEZ) à Songdo ;

- Visite de l’usine de HYUNDAI-KIA à HWASEONG : M. Kim Ha-Yeon ;

- M. Kwon Hee Tae : RHODIA KOREA (Séoul) ;

- M. Philippe Li, président de la Chambre de commerce franco-coréenne ;

- M. Seung-Bok Leigh, professeur d’université : visite de la GREEN HOME PLUS à SONGDO ;

- M. Young Soo-Gil, président du Comité présidentiel pour la croissance verte (Séoul) ; M. Kang Seukwoo, directeur des affaires internationales et de la coopération du Comité présidentiel pour la croissance verte.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Rapport no 3747 déposé par MM. Jérôme Lambert et Jacques Myard, au nom de la délégation pour l’Union européenne.

3 () Rapport du Conseil d’analyse économique « Des politiques industrielles aux politiques de compétitivité en Europe », Elie Cohen et Jean-Hervé Lorenzi, 2000.

4 () Source : statistiques réunies à l'occasion des Etats généraux de l'industrie.

5 () Source : DATAR : « Désindustrialisation et territoires : éclairages économiques ».

6 () Source : Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

7 () Source : Eurostat.

8 () Source : Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

9 () Les brevets publiés en 2009 ont été déposés entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2008.

10 () Source : rapport annuel 2009 de l’INPI. Ces chiffres ne recouvrent que les déposants de brevets en France (dépôts de brevets nationaux français).

11 () Source : Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

12 () Source : rapport annuel 2009 de l’INPI

13 () Centre d’analyse stratégique ; juin 2009 ; note de veille no 142 ; «Analyse : L’investissement dans l’enseignement supérieur en France doit-il augmenter ? ».

14 () Source : Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

15 () European Innovation Scoreboard (EIS) 2009

16 () Source : The Global Competitiveness Report 2010-2011© 2010 World Economic Forum.

17 () Extrait des lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (2004/C 31/03).

18 () Extrait de la communication de la Commission — Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02).

19 () Ibid

20 () Règlement no 4046/89

21 () Extraits du Règlement no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

22 () Louis Gallois, « Pour une nouvelle ambition industrielle », Commentaire no 130, 1er juillet 2010

23 () Source : étude publiée par COE-Rexecode le 21 septembre 2010

24 () Ministère de l'Industrie et technologies de l'information

25 () 813 projets du fonds unique interministériel (FUI) ont été retenus à ce jour, pour un montant de 4,3 milliards d’euros.

26 () Données 2008 de la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS). Les données ont été obtenues en croisant la liste des entreprises membres des pôles de compétitivité et celles du portefeuille des fonds régionaux et nationaux affiliés à CDC Entreprises.

27 () Extrait de « l’État actionnaire » ; Rapport 2010 ; Agence des participations de l’Etat.

28 () Rapport d'information no 493 (2009-2010) de M. Christian GAUDIN, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 25 mai 2010 ; « Le crédit d'impôt recherche à l'heure du bilan de la réforme de 2008 : des débuts encourageants, un rapport coût-efficacité perfectible »

29 () Loi de finances pour 2008 no 2007-1822 du 24 décembre 2007, article 69

30 () Ibid

31 () Sources : AFII «  Les investissements étrangers créateurs d’emplois en France » (bilan 2009) et Dépêche AEF du 6 septembre 2010 pour GSK

32 () Structures de recherche partenariale créées en 2006.

33 () Terra Nova – 27 avril 2010 - Note no 1/19 « Développement des énergies renouvelables en France : des annonces ambitieuses, une mise en place défaillante, une filière industrielle tuée dans l’oeuf ? » ; Julien Marchal, Spécialiste des énergies renouvelables et Michel Poncet (pseudonyme d’un spécialiste des énergies renouvelables).

34 () Louis Gallois « Pour une nouvelle ambition industrielle » ; Commentaire no 130 ; 1er juillet 2010.

35 () Ibid

36 () Ibid

37 () Note de Terra Nova ; « Commission Juppé-Rocard : quels enseignements pour les politiques progressistes ? Par Olivier Ferrand, le 24 novembre 2009.

38 () Mission de Laure de La Raudière, Députée d’Eure-et-Loir, Rapporteure ; Pierre Palat, IGM, Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies ; octobre 2010.

39 () Ibid

40 () M. Joaquin Almunia ; « Pourquoi l’Europe doit être fière de sa politique anti-concentrations » ; Les Échos du 5 avril 2011.

41 () Extraits de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : «Think Small First» - Priorité aux PME - Un «Small Business Act» pour l'Europe - COM(2008) 394 final

42 () N.B. : ententes, abus de position dominante, concentrations.

43 () Stanislas Martin et Christophe Strasse : « La politique communautaire des aides d’Etat est-elle une politique de concurrence ? » / Concurrence no 3 -2005 / Doctrines.

44 () Ibid.

45 () Ibid.

46 () Thibault Kleiner et Alain Alexis : « Politique des aides d’Etat : une analyse économique plus fine au service de l’intérêt commun »  / Concurrence no 4 -2005 / Doctrines.

47 () Note de Terra Nova : « Vers une politique industrielle européenne » ; par Antoine Colombani ; 4 juin 2009.

48 () Note de Terra Nova : « Vers une politique industrielle européenne », par Antoine Colombani ; 4 juin 2009.

49 () Louis Gallois : « Pour une nouvelle ambition industrielle » ; Commentaire no 130 ; 1er juillet 2010.

50 () Ibid.

51 () Note de Terra Nova ; « Vers une politique industrielle européenne » ; par Antoine Colombani, 4 juin 2009.

52 () Rapport de l’OMC du 30 juin 2010.

53 () Viviane de Beaufort ; Communication à la conférence annuelle du réseau des professeurs Chaire Jean Monnet, 25 Mai 2010, Bruxelles.

54 () Cette Décision a été complétée par la Décision 95/215/CE, du 29 mai 1995, relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et les États-Unis d'Amérique concernant les marchés publics. Une communication a également été faite pour expliquer que l'application de l'article 36 de la directive 93/38 établissant une préférence communautaire avait été annulée par suite de l'entrée en vigueur de l'accord sur les marchés publics pour les domaines visés par ledit accord. au regard du droit communautaire, aucun autre instrument juridique n'est nécessaire pour garantir la pleine application de cet accord. En d'autres termes, à la suite de la décision du Conseil, l'accord sur les marchés publics fait partie intégrante du droit communautaire. Toutes les entités adjudicatrices visées doivent respecter les prescriptions de l'accord sur les marchés publics, comme celles des directives

55 () Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

56 () Considérant no 18 de la directive.

57 () Extrait de la Communication de la commission : « La politique commerciale au coeur de la stratégie Europe 2020 » ; 9 novembre 2010 ; COM (2010) 612 final.

58 () Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.