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No 4415

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. André SCHNEIDER et Philippe TOURTELIER,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Jean-Yves Cousin, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mme Annick Girardin, M. Philippe Gosselin, Mmes Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Pierre-Alain Muet, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 9

PREMIERE PARTIE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN MATIÈRE DE SECURITE : UN ENJEU MAJEUR 11

INTRODUCTION : L’AVERTISSEMENT GENERAL DU GIEC 11

I. LES CONSEQUENCES PHYSIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 13

A. L’AUGMENTATION DU NIVEAU MOYEN DES OCÉANS 13

B. LA FONTE DES GLACIERS 14

C. LA MODIFICATION DES PRÉCIPITATIONS ATMOSPHÉRIQUES 15

D. LE RISQUE D’INONDATIONS 16

E. L’IMPACT SUR LA BIODIVERSITÉ 16

F. LE RISQUE D’ÉPIDÉMIES 16

G. LA MULTIPLICATION DES ÉVÈNEMENTS CLIMATIQUES EXTRÊMES 16

II. LES CONSÉQUENCES SOCIO-POLITIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 21

A. L’INSÉCURITÉ DES MOYENS DE SUBSISTANCE 21

1. Le facteur démographique 21

2. Le stress nourricier 22

a) Les sols 22

b) La mer 24

3. Le stress hydrique 25

4. Le stress énergétique 29

5. Le niveau de développement 30

B. LES CONSÉQUENCES GÉOPOLITIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 30

1. Les migrations climatiques 30

2. La compétition pour les ressources naturelles 31

3. La compétition pour les territoires 32

C. LE RISQUE D’UNE MULTIPLICATION DES CONFLITS 32

III. LES IMPACTS RÉGIONAUX 35

A. LES IMPACTS RÉGIONAUX PAR SECTEUR 35

1. L’Europe 35

2. L’Afrique 36

3. L’Asie 37

4. Le Proche et le Moyen Orient 38

5. Le continent américain 38

6. Le Pacifique 39

B. LES CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LES ESPACES D’INTÉRÊT STRATÉGIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE 42

DEUXIEME PARTIE : L’IMPACT DIRECT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN MATIERE DE DEFENSE : UN ENJEU SOUS-ESTIME 43

I. ANTICIPER LES CONSEQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUES EN MATIERE DE DEFENSE 43

A. REVOIR LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT 43

B. FAIRE FACE AUX CONSÉQUENCES PHYSIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE (EFFETS DIRECTS) 44

1. Le syndrome de l’Arche de Noé. 44

2. La découverte de nouvelles voies maritimes 45

3. La réactivité en situation d’urgence 45

C. GÉRER DE NOUVEAUX CONFLITS ET INSTABILITÉS (EFFETS MULTIPLICATEURS, BOOMERANG ET D’INCERTITUDE) 45

1. Une fonction protection/prévention/intervention en pleine croissance (effet multiplicateur) 46

2. La prolifération nucléaire (effet boomerang) 46

3. La recherche de nouveaux carburants (effet boomerang) 47

4. La participation aux efforts de réduction des GES (effet boomerang) 47

5. Les éventuelles surprises stratégiques climatiques (effet d’incertitude) 47

II. ADAPTER LES DIFFÉRENTES FONCTIONS DE LA DÉFENSE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE 49

A. LA FONCTION PRÉVENTION 49

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « prévention ». 49

2. Les évolutions de la fonction « prévention » 51

B. LA FONCTION PROTECTION 52

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « protection ». 53

a) Les conséquences sur les « menaces intentionnelles » 53

b) Les conséquences sur les « risques non intentionnels » 53

2. Les évolutions de la fonction « protection » 53

C. LA FONCTION INTERVENTION 54

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « intervention » 55

2. Les évolutions de la fonction « intervention ». 57

D. LA FONCTION DISSUASION 58

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « dissuasion ». 59

2. Les évolutions de la fonction « dissuasion ». 60

TROISIEME PARTIE : LA NECESSITE DE TRAITER DE L’ENJEU DE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA SECURITE ET LA DEFENSE 61

I. LES FREINS À LA PRISE DE CONSCIENCE 61

A. LE CLIMATOSCEPTICISME 61

B. LES DIFFICULTÉS LIÉES AUX INCERTITUDES 64

1. L’incertitude à l’égard des évolutions futures 64

2. Des effets à l’échelle globale, avec des différentiations très marquées au niveau régional 65

3. Un effet « multiplicateur » et « intensificateur » des facteurs de tension 65

II. LA NÉCESSAIRE MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE DE GESTION DES RISQUES LIÉS AU CHANGEMENT CLIMATIQUE PAR LES POUVOIRS PUBLICS 67

A. UNE PROBLÉMATIQUE INÉGALEMENT PRISE EN COMPTE 67

1. Au niveau national 67

a) Les États-Unis : en pointe 67

b) Le Royaume-Uni : le plus avancé sur cette question au sein de l’Union européenne 68

c) Au niveau français, une problématique qui gagnerait à être davantage prise en compte par le ministère de la défense 70

2. Au niveau international 76

a) L’ONU, instrument clef de la recherche d’une solution aux changements climatiques 76

b) L’OTAN : une instance peu appropriée à la problématique du changement climatique et de la sécurité 79

3. L’Union européenne 80

B. LA NÉCESSITÉ DE GÉRER LES RISQUES 82

C. LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE : PASSER DE LA SIMPLE PRISE DE CONSCIENCE À LA VÉRITABLE DÉFINITION D’UN ENJEU COLLECTIF 83

1. Le Service européen d’action extérieure : un rôle de diplomatie climatique 83

2. Une doctrine qui reste à construire 84

3. Les axes d’action prioritaires pour l’Union européenne 87

CONCLUSION 89

TRAVAUX DE LA COMMISSION 91

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 95

ANNEXE 2 : DÉCLARATION PRÉSIDENTIELLE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU DU 20 JUILLET 2011 99

ANNEXE 3 : LE CONCEPT STRATÉGIQUE DE L’OTAN 117

ANNEXE 4 : EXTRAIT DE L’EUROBAROMÈTRE SPÉCIAL 372 DU 7 OCTOBRE 2011, PORTANT SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 125

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Le changement climatique, bien que faisant sur la place publique l’objet de débats fort médiatisés, est une réalité, constatée au travers de données globales (augmentation de la température moyenne terrestre de 0,7 °C en cinquante ans) comme à un niveau plus régional (division par deux de la calotte glaciaire arctique en cinquante ans).

S’il existe actuellement des incertitudes et divergences entre scientifiques quant au rythme de l’accélération du phénomène dans les cinquante à cent prochaines années, cela de doit pas freiner la prise en considération de l’impact des risques inhérents au changement climatique.

Une évaluation du 5 décembre 2011, portant sur le changement climatique, met exergue les risques courus en cas d'inaction dans ce domaine et l’urgence de prendre en considération l’ensemble des ses conséquences, en particulier en matière de sécurité.

Malgré les incertitudes de plusieurs ordres qui caractérisent cette évolution (incertitudes sur les amplitudes, sur la géographie des effets et sur leur calendrier), ses conséquences potentielles sont telles qu’une analyse des impacts sécuritaires s’impose.

En effet, même si le réchauffement climatique ne fait pas spécifiquement apparaître de nouveaux risques environnementaux ou sociaux, il les exacerbe et augmente leur probabilité d’occurrence ainsi que leur impact (aggravation notamment du stress hydrique, du stress nutritif et du stress énergétique).

Les conséquences du changement climatique en matière de sécurité et de défense sont un enjeu fondamental, dont les pouvoirs publics doivent se saisir d’urgence. Ainsi aux Etats-Unis, le réchauffement climatique n’est plus simplement qu’une question environnementale, c’est devenu un enjeu stratégique majeur. Cet aspect n’est pas envisagé aussi clairement en Europe. Or, anticiper et planifier le monde de demain relève bien de la responsabilité du politique.

En effet, si les conséquences réchauffement climatique en matière de sécurité sont en premier lieu purement physiques, elles auront également de nombreuses conséquences à caractère socio-politique. La traduction pourrait en être une intensification des conflits liés à l’utilisation foncière et le déclenchement de migrations de nature environnementale, ou encore l’apparition de conflits de type nouveau. En outre, il faut prendre en considération le fait que tous ces facteurs, liés aux changements climatiques et à la géopolitique, demanderont également des efforts d’adaptation importants à la Défense dans les années à venir, aux niveaux national, européen et international, en particulier dans l’approche admise d’un continuum défense/sécurité. La stratégie en matière de défense doit donc également être repensée et adaptée de manière à faire face aux différents effets induits.

Dans ce nouveau domaine, la mutualisation des renseignements et des actions est indispensable. L’Union européenne gagnerait à la définition et à la mise en place d’une véritable politique européenne en la matière, traitant à la fois des aspects « sécurité » et « défense » du changement climatique ; elle dispose des outils nécessaires pour cela.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A l’instar des rapports du GIEC, la dernière évaluation(2) portant sur le changement climatique met en exergue les risques encourus en cas d'inaction dans ce domaine et l’urgence de prendre en considération l’ensemble des ses conséquences, en particulier en matière de sécurité.

Les résultats de cette nouvelle évaluation scientifique majeure sur le changement climatique, publiés très récemment, soulignent en effet les conséquences auxquelles le monde serait confronté si l'évolution de la température globale n'était pas limitée à deux degrés. Ils indiquent que tous les pays de l'étude ont connu un réchauffement depuis les années 1960, et que les températures extrêmement chaudes sont devenues plus fréquentes, contrairement aux températures extrêmement froides.

Si les émissions ne sont pas maîtrisées, le rapport indique que les températures augmenteront en règle générale de trois à cinq degrés Celsius au cours du XXIe siècle. On pourrait observer parallèlement des changements importants dans le régime des pluies, conduisant dans de nombreux cas à une pression accrue sur la production agricole, le stress hydrique et les risques d'inondation.

Malgré les incertitudes de plusieurs ordres qui caractérisent cette évolution (incertitudes sur les amplitudes, sur la géographie des effets et sur leur calendrier), ses conséquences potentielles sont telles qu’une analyse des impacts sécuritaires s’impose.

Si les conséquences réchauffement climatique en matière de sécurité sont en premier lieu purement physiques (fonte des glaciers, élévation du niveau des océans, réduction des terres utilisables, sécheresses et inondations accrues, désertification, propagation des maladies, multiplication et aggravation des événements climatiques extrêmes tels que tornades, cyclones, inondations, etc.), elles auront également de nombreuses conséquences à caractère socio-politique (insécurité des moyens de subsistance, insécurité alimentaire, tension sociale accrue, moindre accès à l’eau, augmentation de la pauvreté, accroissement de l’insécurité physique, augmentation des migrations, etc.).

En effet, même si le réchauffement climatique ne fait pas spécifiquement apparaître de nouveaux risques environnementaux ou sociaux, il les exacerbe et augmente leur probabilité d’occurrence ainsi que leur impact (aggravation notamment du stress hydrique, du stress nutritif et du stress énergétique). La traduction pourrait en être une intensification des conflits liés à l’utilisation foncière et le déclenchement de migrations de nature environnementale (sécheresse, pénurie d’eau, dégradation des sols) ou encore l’apparition de conflits de type nouveau (élévation du niveau de la mer, inondations, fonte des glaciers menaçant les ressources se trouvant en aval), ainsi que, dans certaines hypothèses extrêmes, des conséquences à grande échelle (disparition forêt amazonienne, perte des moussons avec conséquences incalculables sur les sociétés en question).

Il faut donc prendre en considération le fait que tous ces facteurs, liés aux changements climatiques et à la géopolitique, demanderont également des efforts d’adaptation importants à la Défense dans les années à venir, aux niveaux national, européen et international, en particulier dans l’approche admise d’un continuum défense/sécurité.

L’échelon régional semblant être celui porteur d’une meilleure efficacité s’agissant de l’enjeu que constituent les conséquences du changement climatique en matière de sécurité, l’Union européenne gagnerait quant à elle à la définition et à la mise en place d’une véritable politique européenne en la matière.

PREMIERE PARTIE
L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN MATIÈRE DE SECURITE : UN ENJEU MAJEUR

INTRODUCTION : L’AVERTISSEMENT GENERAL DU GIEC

Le quatrième rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)(3) a été publié en novembre 2007 et a donné des prévisions basées sur des différents scénarii de croissance démographique, développements économiques et sociaux, et choix technologiques. 2 500 scientifiques appartenant à plus de 100 pays ont contribué à sa rédaction.

Il a jugé que l'essentiel du réchauffement climatique de ces cinquante dernières années est imputable à des activités humaines et en particulier à l'utilisation de combustibles fossiles, avec une probabilité de plus de 90 %. Il indique que « la plupart des augmentations observées des températures moyennes depuis le milieu du XXe siècle sont très probablement dues à l'augmentation observée des concentrations de gaz à effet de serre anthropogéniques (d'origine humaine) ».

Le niveau des mers pourrait s'élever de 18 à 59 centimètres d'ici 2100, une estimation qui ne prend pas en compte une éventuelle fonte accélérée de la glace au Groenland et dans l'Antarctique. Le dernier rapport du GIEC sur l'évolution du réchauffement climatique comporte ainsi, dans ses projections sur l'élévation du niveau des mers, une fourchette plus étroite que la version 2001 du document, qui prévoyait une hausse de 9 à 88 centimètres. Le GIEC invoque une meilleure compréhension des mécanismes d'expansion de l'eau sous l'effet du réchauffement. Il souligne aussi qu'on « ne peut exclure des valeurs plus élevées » du fait de la connaissance imparfaite du processus de fonte des plaques de glace dans l'Antarctique et au Groenland.

Ainsi, les prévisions d’élévation des océans indiquées par le dernier rapport du GIEC pourraient être largement sous-estimées. Les résultats des derniers calculs publiés en 2010 dans la revue Geophysical Research Letters envisagent ainsi une montée des eaux comprise entre 55 et 175 centimètres en 2100.

Le GIEC évoque également les risques de voir les glaciers de l'Arctique disparaître en été d'ici 2100 et les courants du Gulf Stream ralentir.

Le quatrième rapport du GIEC prévoit, enfin, une augmentation probable des températures de 1,8 à 4 degrés au XXIe siècle, avec une fourchette plus large oscillant entre 1,1 et 6,4 degrés. Les températures ont augmenté de 0,7 degré au XXe siècle. Depuis 1850, date à laquelle l'on a commencé à établir des statistiques, les dix années les plus chaudes ont été postérieures à 1994.

Les projections de ce texte(4) indiquent que 200 à 700 millions de terriens pourraient souffrir de pénuries alimentaires d'ici 2080, du fait du changement climatique. Les pénuries d'eau pourraient quant à elles frapper entre 1,1 et 3,2 milliards d'êtres humains.

I. LES CONSEQUENCES PHYSIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

S’il est difficile de prévoir avec précision les conséquences physiques du réchauffement climatique, notamment s’agissant de leur temps d’occurrence et de leur ampleur dans une région géographique donnée, les principaux effets physiques de ce phénomène peuvent être estimés de façon qualitative, à l’échelle globale.

Le quatrième rapport du GIEC liste, de manière relativement complète mais non exhaustive, des exemples incidences possibles des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes associés aux changements climatiques(5).

A. L’augmentation du niveau moyen des océans

L’augmentation du niveau moyen des océans est due à l’augmentation du volume de l’eau qui les compose (variation stérique) et à la fonte des glaciers qui couvrent actuellement le Groenland, l’Antarctique et les chaînes montagneuses continentales (variation eustatique). Selon certaines estimations, la seule perte de masse de l'ensemble des glaciers mondiaux devrait faire monter le niveau de la mer de 80 centimètres d'ici à la fin du siècle, ce qui, en comptant la dilatation thermique des océans, porterait cette élévation à plus d'un mètre. Le prochain rapport du GIEC devrait préciser ces estimations.

Une intensification de l’érosion des côtes en résultera et certaines régions côtières connaîtront une occurrence accrue d’inondations par la mer (par exemple, les méga-deltas asiatiques et africains). A terme, certaines régions pourront devenir marécageuses ou être complètement submergées (en particulier, certaines îles du Pacifique et de l’Océan Indien) ; certaines nappes aquifères pourront devenir inutilisables suite à leur salinisation.

Par ailleurs, les effets des variations stériques et eustatiques pourraient être mitigés ou amplifiés, au niveau régional, par deux autres facteurs qui affectent le niveau de la mer :

- les déplacements verticaux du sol, dus aux mouvements tectoniques de la croûte terrestre (variation tectonique) ;

- le déplacement vertical des planchers des océans causé par les variations de la charge supportée par la croûte terrestre à la suite de variations de la masse de glace ou d’eau répartie sur un bassin (variation isostatique)(6).

Cette élévation du niveau des océans est susceptible d’engendrer de nombreuses migrations de population.

Par ailleurs, la disparition de certaines îles peut remettre en cause la limite des eaux territoriales.

B. La fonte des glaciers

Tout autour du globe, sous toutes les latitudes, à toutes les altitudes, les glaciers reculent et disparaissent à marche forcée. La remise à jour de l'inventaire des glaciers alpins français en est l'un des symptômes. En moins de quarante ans, en raison de l'augmentation des températures estivales et de l’absence de compensation par la recharge de l'hiver, les glaces alpines ont perdu plus d'un quart de leur superficie. Celle-ci est passée de 374 km2 au début des années 1970 à moins de 275 km2 aujourd'hui.

Le phénomène s’accélère. La perte de glace a ainsi été environ deux fois plus importante entre 1986 et 2003 qu'entre 1970 et 1986.

Les disparités sont très marquées. Ainsi les glaciers du massif du Mont-Blanc n'ont perdu que 9,7 % de leur surface au cours les quarante dernières années quand ceux du massif d'Ubaye ont quasiment disparu. De même, à l'est de Grenoble, celui de Belledonne a vu la superficie de ses glaces perdre près de 70 %.

Selon d'autres mesures, la langue de l'un des plus importants glaciers alpins, la mer de Glace, a perdu en moyenne 4 mètres d'épaisseur par an entre 2000 et 2008, alors qu’elle n'en avait abandonné que 60 centimètres par an en moyenne entre 1979 et 1994.

Le cas de la France n'est pas isolé. S’agissant des glaciers d'altitude, l’exemple le plus extrême concerne celui des Andes tropicales. Durant les quatre dernières décennies, ces glaciers ont globalement perdu de 30 % à 40 % de leur surface.

Les répercussions socio-économiques de ce phénomène sont déjà sensibles : les débits des cours d'eau, pendant la saison sèche, commencent à fléchir. Ainsi, lorsque les glaciers diminuent, les débits commencent d'abord par augmenter, puis, lorsque leur taille atteint une valeur seuil (dite « peak water »), les débits qu'ils alimentent en aval se mettent à diminuer et sont alors voués à se réduire, année après année. Ce seuil, marque le début d'un inexorable déclin des fleuves en aval. Les chercheurs estiment que, pendant la saison sèche, les glaciers contribuent aux fleuves pour environ un tiers de leur débit. Les glaciers de la cordillère Blanche, au Pérou, alimentent neuf bassins, dont sept ont déjà franchi leur « peak water »(7).

La tendance est mondiale : ce qui est vrai sous les tropiques l'est aussi dans les zones polaires. Les glaciers de l'Arctique canadien ont perdu en moyenne 31 milliards de tonnes (Gt) de glace par an entre 2004 et 2006 ; entre 2007 et 2009, ils en ont perdu 92 Gt par an en moyenne, soit près du triple de la période précédente.

Les dernières estimations portent également la perte de masse des glaciers du Groenland à environ 300 Gt par an, et à 200 Gt par an pour l'Antarctique.

Il résultera de ces fontes l’ouverture de nouvelles routes maritimes. Ainsi, la fonte de la banquise arctique, dont la réduction en superficie a été clairement démontrée par les observations satellitaires, pourra ouvrir des zones de mer jusqu’alors inaccessibles aux activités d’exploitation humaine (tels que les transports maritimes ou l’exploitation des ressources énergétiques ou halieutiques)(8).

La fonte de la calotte glaciaire de l’Arctique ouvrira ainsi de nouvelles voies maritimes, au moins à certaines périodes de l’année. Des détroits nouveaux sont désormais utilisables. Cela impliquera des missions supplémentaires pour les marines nationales.

Les revendications de la part du Canada, des États-Unis, de la Russie, du Danemark (Groenland) et de la Norvège, visant à accroître leurs eaux territoriales, seront source de tensions. Les puissances riveraines du continent Arctique (en particulier le Canada et la Russie) ont ainsi tendance à vouloir s’approprier les détroits libérés des glaces, ce que dénoncent les autres pays (notamment les États-Unis, partisans de la libre circulation sur les mers). Avec Saint-Pierre et Miquelon, la France n’est pas en dehors de cette problématique, d’autant que certains atolls de la Polynésie française pourraient aussi être submergés.

C. La modification des précipitations atmosphériques

La modification de la quantité et de la distribution des précipitations atmosphériques conduira à une augmentation des situations de pénurie d’eau et la progressive désertification de certaines zones géographiques (par exemple, les cotes de la Méditerranée).

Par ailleurs, certaines régions actuellement inhospitalières (par exemple, la Sibérie) pourront devenir en partie cultivables suite au réchauffement et à l’augmentation des pluies.

D. Le risque d’inondations

La probabilité d’inondations majeures liées à la fonte des glaciers continentaux (par exemple, ceux de l’Himalaya ou des Alpes) est accrue.

Les modifications de la géographie physique doivent par conséquent être prises en compte par les planificateurs, afin de préparer d’éventuelles opérations militaires, en accordant une attention particulière au tracé des cours d’eau. En Asie du Sud par exemple, des cours d’eau changent parfois de lit, ce qui crée des conditions nouvelles pour le mouvement des troupes, voire pour la définition des frontières.

E. L’impact sur la biodiversité

Les impacts sur la biodiversité marine et sur la disponibilité des ressources halieutiques sont dus au réchauffement des océans et à leur acidification (cette dernière étant liée à l’augmentation de l’absorption des gaz carboniques atmosphériques excédentaires par les eaux superficielles des océans).

F. Le risque d’épidémies

Les déplacements des animaux vecteurs de maladies infectieuses endémiques, telles que le paludisme, sont susceptibles d’entraîner l’apparition ou la réapparition de ces maladies dans des régions géographiques qui en sont aujourd’hui immunes.

G. La multiplication des évènements climatiques extrêmes

D’une manière générale, l’occurrence d’événements climatiques extrêmes (tsunamis, ouragans, cyclones, inondations, etc.) devrait augmenter, en raison des perturbations de la circulation thermo-haline océanique(9). Ces catastrophes naturelles seront vraisemblablement non seulement plus nombreuses, mais également plus dévastatrices.

Or, en cas de catastrophes naturelles, il est fait appel aux forces armées, afin de mener des opérations humanitaires et d’aide à la gestion des crises. Les armées doivent alors modifier voire arrêter leurs programmes d’entraînement et se consacrer entièrement à la recherche de survivants ; le déblaiement des décombres et le nettoyage des zones dévastées ne peuvent guère se faire dans des délais raisonnables sans elles. Les forces armées sont parfois déployées de manière préventive pour être en mesure de faire face rapidement à des situations d’urgence, ce qui les détourne de leurs missions principales.

Exemples d’incidences possibles des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes associés aux changements climatiques (1/2)

Phénomène et évolution anticipée

Probabilité

de l’évolution

future selon

les projections

établies pour le XXIsiècle

Principales incidences anticipées par secteur

Agriculture, foresterie

et écosystèmes

Ressources en eau

Santé

Industrie, établissements

humains et société

Journées et nuits froides moins nombreuses et moins froides, journées et nuits chaudes plus nombreuses et plus chaudes, sur la plupart des terres émergées

Pratiquement

certain (a)

Hausse des

rendements dans les régions froides ;

baisse dans les régions chaudes ; invasions

d’insectes plus fréquentes

Effets sur les

ressources en eau

tributaires de la fonte des neiges ; effets sur certaines sources d’approvisionnement

Baisse de la mortalité humaine due au froid

Baisse de la demande

énergétique pour le chauffage,

hausse pour la climatisation ;

détérioration de la qualité de

l’air urbain ; perturbations moins fréquentes des transports (pour cause de neige, verglas) ; effets sur le tourisme hivernal

Périodes ou vagues de chaleur plus fréquentes sur la plupart des terres émergées

Très probable

Baisse des rendements

dans les régions

chaudes en raison du stress thermique ;

risque accru d’incendies

Hausse de la

demande ; problèmes liés à la qualité de l’eau (par exemple, prolifération d’algues).

Risque accru de mortalité due à la chaleur, surtout chez les personnes âgées, les

malades chroniques, les très jeunes enfants et les personnes isolées

Baisse de la qualité de vie des personnes mal logées dans les régions chaudes ; effets sur les personnes âgées, les très jeunes enfants et les pauvres

Fortes précipitations

plus fréquentes dans la plupart des régions

Très probable

Perte de récoltes ;

érosion des sols ; impossibilité de cultiver

les terres détrempées

Effets néfastes sur la qualité de l’eau de surface et souterraine ;

contamination

des sources d’appro-

-visionnement ; atténuation possible

de la pénurie d’eau

Risque accru de décès, de blessures, de maladies infectieuses,

d’affections des voies

respiratoires et de maladies de la peau

Perturbation des établissements

humains, du commerce, des

transports et de l’organisation

sociale lors des inondations ; pressions sur l’infrastructure

urbaine et rurale ; pertes matérielles

a) Élévation des valeurs extrêmes des températures diurnes et nocturnes relevées chaque année.

Source : Quatrième rapport du GIEC / Résumé à l’intention des décideurs.

Exemples d’incidences possibles des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes associés aux changements climatiques (2/2)

Phénomène et évolution anticipée

Probabilité de l’évolution future selon les projections établies pour le XXIe siècle

Principales incidences anticipées par secteur

Agriculture, foresterie et écosystèmes

Ressources en eau

Santé

Industrie, établissements humains et société

Progression de la sécheresse

Probable

Dégradation des sols ; baisse des rendements ou perte de récoltes ; mortalité plus fréquente du bétail ; risque accru d’incendies

Intensification du stress hydrique

Risque accru de pénurie d’aliments et d’eau, de malnutrition, de maladies d’origine hydrique et alimentaire

Pénurie d’eau pour les établissements humains, l’industrie et les sociétés ; baisse du potentiel hydroélectrique ; possibilité de migration des populations

Augmentation de l’activité cyclonique

intense

Probable

Perte de récoltes ;

déraçinage d’arbres

par le vent ; dégâts

causés aux récifs

coralliens

Perturbation de

l’approvisionne-

-ment en eau lors des pannes de courant

Risque accru de décès,

de blessures et de maladies d’origine

hydrique et alimentaire ;

états de stress post-traumatique

Perturbations causées par les inondations et les vents violents ;

impossibilité de s’assurer auprès du secteur privé dans les zones vulnérables ; possibilité de migration des populations ;

pertes matérielles

Incidence accrue des

épisodes d’élévation

extrême du niveau de

la mer (à l’exception des tsunamis) (b)

Probable (c)

Salinisation des

eaux d’irrigation,

des estuaires et des

systèmes d’eau douce

Diminution de la quantité d’eau douce

disponible en raison de l’intrusion d’eau salée

Risque accru de décès et de blessures lors des inondations ; effets

sanitaires liés à la migration

Coût de la protection du littoral par rapport au coût de la réaffectation des terres ; possibilité de déplacement des populations et de

l’infrastructure ; voir aussi l’activité cyclonique (ci-dessus)

Remarques générales : Les projections visent la deuxième moitié du XXIe siècle. L’évolution de la capacité d’adaptation n’est pas prise en compte. Les probabilités indiquées dans la deuxième colonne concernent les phénomènes recensés dans la première colonne.

b) L’élévation extrême du niveau de la mer dépend du niveau moyen de la mer et des systèmes météorologiques régionaux. Elle correspond à la tranche supérieure (1 %) des valeurs horaires relevées à une station donnée pendant une période de référence.

c) Dans tous les scénarios, le niveau moyen de la mer en 2100 est supérieur à celui de la période de référence. Les effets de l’évolution des systèmes météorologiques régionaux sur les épisodes d’élévation extrême du niveau de la mer ne sont pas pris en compte.

Source : Quatrième rapport du GIEC / Résumé à l’intention des décideurs.

II. LES CONSÉQUENCES SOCIO-POLITIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Les principales conséquences physiques du changement climatique auront des effets importants sur les populations qui y seront confrontées ainsi que sur les tissus socio-économiques qui les caractérisent.

Les effets du changement climatique n’interviendront en effet pas de façon autonome, dans un environnement par ailleurs stabilisé, mais s’ajouteront à des situations de contraintes et de raréfaction préexistantes.

Ainsi, au-delà des effets directs du changement climatique, interviendront des effets indirects, lorsque le changement climatique agira comme un facteur d’aggravation de tensions préexistantes (stress nourricier ou hydrique, accès aux ressources, etc.).

A. L’insécurité des moyens de subsistance

1. Le facteur démographique

Le facteur démographique constitue le socle de toute analyse prospective relative aux conséquences sociales, pour trois raisons :

- il s’agit du facteur le plus déterministe, les projections chiffrées étant d’une très grande fiabilité jusqu’en 2050 et même au-delà ;

- les évolutions prévues conduisent à de grandes disparités entre les continents, constituant autant de motifs de déséquilibres sociaux et géopolitiques ;

- la pression démographique joue le premier rôle dans le conditionnement du besoin(10), et donc l’éventuel stress, sur toutes les ressources(11).

L’évolution démographique du XXe siècle a montré la poursuite de l’accélération démographique entamée au XIXe siècle. Le chiffre de 6 milliards d’être humains a été atteint en 2000. La population mondiale continuera à augmenter, pour atteindre 9 milliards environ en 2050(12). Toutes les questions de ressources doivent ainsi être considérées au regard de cet accroissement de 50 % de la population mondiale.

Cet accroissement de la population sera en particulier caractérisé par une disparité régionale(13), une localisation côtière(14), le changement des modes de vie et le vieillissement(15).

2. Le stress nourricier

a) Les sols

La production de la nourriture requise pour 6 milliards d’humains aujourd’hui et 9 milliards en 2050, suppose des terres cultivables, de l’eau pour irriguer et une cohérence d’ensemble du système. La répartition de terres et leur qualité conduisent à n’estimer qu’à 5 % l’accroissement possible de terres. L’augmentation de la production devra par conséquent reposer sur de meilleurs rendements, lesquels sont compromis par la dégradation des sols(16).

Outre la qualité de la technique d’irrigation, l’accroissement des rendements dans les pays en développement supposera des investissements importants, largement inaccessibles. « En théorie, les moyens susceptibles d’accroître la production agricole pourraient donc largement suffire à assurer la sécurité alimentaire mondiale. En pratique cependant, leur mise en œuvre rencontre deux limites critiques : celle des investissements qui devront être engagés pour financer la modernisation agricole des pays en développement, soit là où les besoins augmentent le plus ; celle des écosystèmes que l’agriculture intensive contribue largement à détériorer alors que son avenir dépend de leur qualité et donc de leur préservation »(17).

De plus, la mise en valeur de ces sols par des acteurs étrangers, soit une « externalisation » de l’agriculture - qui a déjà cours -, ne ferait que déplacer un problème économique vers des tensions sociales(18).

Or, tous ces constats ne prennent pas en compte les effets du changement climatique, dont le bilan sera cependant globalement négatif. Le réchauffement va en effet rendre incultivables des terres qui constituaient l’un des principales sources de richesses de certains pays, lesquels ne pourront pas faire face à cet appauvrissement. L’Afrique et l’Asie du Sud - régions qui connaîtront par ailleurs par un fort accroissement de leur population - seront particulièrement touchées. Ainsi, « parallèlement, le réchauffement climatique devrait entraîner le déplacement de très nombreux agriculteurs, dont l’activité sera rendue impossible, ici par la montée des eaux, là par la sécheresse (…). Enfin, toutes les estimations s’accordent sur le fait que les régions qui sont déjà les plus fragiles sur le plan alimentaire, en Afrique ou en Asie du Sud, seront pour la plupart les plus affectées par les effets du changement climatique sur l’agriculture »(19).

« L’agriculture, dans ses formes les plus intensives, soumet les sols à de telles pressions qu’ils finissent par s’épuiser, jusqu’à ne plus pouvoir fournir ni récoltes, ni fourrage, ni bois combustible. Dans certaines régions, la situation pourrait devenir critique d’ici à quelques années à peine. Ainsi, en Afrique subsaharienne où l’agriculture emploie 65 % de la population active et génère 32 % du PIB, l’ONU estime que deux tiers des terres cultivables pourraient ne plus être productives d’ici 2025. Pourtant, au même moment, l’Afrique connaîtra la plus forte croissance démographique mondiale »(20).

L’un des effets du changement climatique sur les sols pourrait donc être de favoriser des pays qui bénéficient déjà de positions avantageuses, au détriment de régions pour lesquelles l’agriculture constitue la principale source de revenus. « Par exemple, pour tous les scénarios climatiques (12 au total), on observe à l’échelle mondiale un accroissement des terres favorables à la mise en culture, mais cet effet se concentre essentiellement dans l’hémisphère Nord (gains potentiels de 20 à 50 % pour l’Amérique du Nord et de 40 à 70 % pour la Russie) tandis que les terres arables reculent en Afrique (jusqu’à 9 % pour des terres souvent à double ou triple récolte annuelle) »(21). Cette disparité sera inévitablement source de tensions sociales et géopolitiques.

Globalement, une évolution du climat pourrait donc mener à l’insécurité alimentaire dans certains pays, notamment dans ceux de l’hémisphère Sud. Pour un réchauffement compris entre 2 et 4° C, une baisse de la productivité agricole est à prévoir dans le monde entier. Ce déclin sera, selon les régions, renforcé par des phénomènes de désertification, de salinisation des sols et de pénurie d’eau. La croissance démographique des pays en développement et l’augmentation de leur niveau de vie devraient conduire à une augmentation et à une diversification de la demande mondiale en denrées alimentaires. Or, si l’on ne se prépare pas dès aujourd’hui à ces mutations, la production agricole ne sera pas suffisante pour y faire face. La question alimentaire a ainsi vocation à devenir un facteur croissant de conflit.

b) La mer

Le deuxième milieu nourricier, celui de la mer, ne sera pas épargné. A l’instar de la problématique des sols, à la situation initiale de surexploitation se substituera une phase de stagnation des potentiels de pêche. « Le plus grand écosystème du monde, à savoir l’ensemble des océans, se dégrade maintenant de manière sensible. Le plafonnement puis la réduction des prises de pêche sont le symptôme le plus visible de cet appauvrissement des océans : les stocks de poissons surexploités sont passés de 10 % dans les années 70 à 24 % en 2002, tandis que 52 % sont à la limite maximale d’exploitation »(22).

Le changement climatique aggravera bien évidemment la situation, dans la mesure où l’accroissement des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se traduit par une acidification des océans qui affecte le plancton et l’ensemble de l’écosystème. « Les impacts les plus fréquemment cités par les experts sont ainsi … l’acidification des océans affectant la biodiversité marine et la pêche »(23).

3. Le stress hydrique

Le stress hydrique est la question la plus critique pour l’ensemble des analystes. « Un seul problème devrait véritablement retenir l’attention des gouvernants, car il est déjà une source de différends qui pourraient dégénérer en conflits ouverts avant 2030, c’est celui de l’eau, de plus en plus critiques dans certaines régions mal approvisionnées du fait de la croissance de la population »(24).

Ainsi, « une infime partie de l’eau du globe est exploitable par l’homme. Pour que le système puisse perdurer, l’homme ne doit en fait exploiter que la partie renouvelable de la partie exploitable, et celle-ci est très difficile à estimer au niveau global »(25). Le volume d’eau présent sur la terre se répartit entre 97,5 % d’eau salée et 2,5 % d’eau douce ; sur ces derniers, la glace représente 2 % et les nappes aquifères 0,4 % ; l’eau douce de surface ne représente in fine que 0,1 % de l’eau sur terre. Toutefois, « l’eau douce est abondante : les quantités disponibles sur Terre s’élèvent à environ 7600 m3 par an et par personne »(26). 

Cependant, la disponibilité en eau douce est très inégalement répartie entre les nations. « Moins de dix pays se partagent 60 % des ressources en eau naturelle du monde (par ordre décroissant en km3 : Brésil 5670, Russie 3904, Chine 2880, Canada 2850, Indonésie 2530, etc. »(27).

Cette disparité se retrouve au sein d’un même pays, en particulier pour les nations les plus grandes. En Chine, « le stress hydrique que subit le Nord du pays entraîne une série de mesures de plus ou moins large envergure pour sauver la capitale et ses environs. On estime la pénurie à 1,1 milliard de m3 sur 2007 pour la seule ville du Pékin »(28)

La consommation en eau douce a connu un fort taux de progression dans la deuxième moitié du XXe siècle : « Au niveau mondial, les consommations d’eau ont davantage augmenté ces trente cinq dernières années qu’au cours des trois siècles précédents, ceci à un rythme annuel de 4 à 8 % par an, cet accroissement étant en majeur partie imputable aux pays en développement »(29). Les difficultés d’accès à cette ressource ont conduit plusieurs pays à avoir recours de façon intensive aux nappes aquifères, non renouvelables à moyen terme ; par exemple, « des pays comme l’Arabie Saoudite ou la Libye n’hésitent pas à fonder leur développement économique sur des aquifères fossiles, c’est-à-dire sur des ressources en eau non renouvelables dont on peut estimer qu’elles seront épuisées à une échéance comprise entre quatorze et soixante ans »(30).

L’usage de l’eau se répartit essentiellement entre les besoins domestiques, l’industrie et l’agriculture, cette dernière représentant à elle seule les deux tiers de la consommation(31).

La problématique de l’eau est déjà à l’origine de tensions, voire de violences, dans plusieurs régions du monde. Ainsi, « le général Eytan, ministre israélien de l’agriculture dans les années quatre vingt dix, expliquait, dans le Jérusalem Post (10 août 1990), les raisons pour lesquelles la question de l’eau empêcherait Israël de céder jamais le contrôle physique d’une quelconque partie des territoires occupés »(32). Au Proche-Orient, on constate une situation marquée par un déséquilibre très prononcé de l’accès à l’eau entre Israël et les Palestiniens : « la disparité des consommations d’eau entre les deux communautés ne va pas sans aggraver les difficultés tant au niveau social que psychologique, ceci d’autant qu’il est admis que 90 % de l’eau extraite de la Cisjordanie est utilisée pour la consommation d’Israël alors que les Palestiniens ne bénéficient que de 10 % de ce volume. Les pratiques discriminatoires entre colons juifs et agriculteurs palestiniens ne font qu’amplifier le phénomène »(33). On retrouve des situations analogues en Afrique du Nord (entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie, et plus globalement tous les pays qui bordent le Nil bleu et le Nil blanc) au point qu’« en 1979, le président Sadate a affirmé que le seul facteur qui pourrait conduire à nouveau l’Égypte à entrer en guerre est l’eau »(34)

Le changement climatique aggravera cette situation globale, déjà très fragile.

Tout d’abord, la modification des précipitations rendra définitivement insolubles des situations déjà critiques. « En altérant les régimes de température et de précipitations, parfois de façon marginale, les changements climatiques peuvent considérablement réduire la quantité d’eau qui s’écoule dans un bassin versant et donc, surtout si des tensions s’étaient déjà développées, exacerber celles-ci et rendre le partage extrêmement difficile »(35).

La dégradation des sols sera accrue (moins de précipitations naturelles, recours accru à des méthodes d’irrigation peu adaptées, accroissement de la teneur en sels à la surface, perte de qualité des terres arables). En effet, « l’irrigation qui, à l’origine, est un facteur principalement positif augmentant les rendements et la qualité des cultures peut, dans certains cas, devenir un facteur négatif de pollution contribuant à la dégradation de la qualité de l’eau et du sol »(36).

La montée du niveau de la mer se traduira par la pollution des nappes d’eau douces proches de la mer(37).

Le bilan social qui en résultera sera lourd. « En 1995, 30,5 % de la population mondiale connaissait un stress hydrique fort. On prévoit que la proportion grimpera à 35 % en 2025. La tension montera-t-elle au point d’aboutir à des conflits ? »(38) « L’absence ou l’insuffisance d’eau potable tue dix fois plus que l’ensemble des conflits armés. Et cet écart pourrait continuer à s’accroître si nous nous obstinons à ne pas regarder l’accès à l’eau comme un élément fondamental de la sécurité planétaire »(39).

De plus, « des études d’impact font déjà état, compte tenu des tendances observées sur les ressources en eau, d’une diminution de 10 % de la production céréalière d’ici à 2025, l’équivalent de la production de l’Inde »(40). Le stress hydrique ne permettra donc pas la croissance nourricière requise au regard de la démographie des trente prochaines années.

Globalement, « la tension croissante sur l’eau pourrait se traduire, si elle s’accentuait, par un frein sérieux à la croissance économique et par la déstabilisation des sociétés »(41). « Si, en 1995, 400 millions de personnes vivaient dans des pays sous stress hydrique (- 500 mètres cubes d’eau par habitant et par an), ils seront 4 milliards en 2025 à connaître cette situation, avec toutes les conséquences sociétales, alimentaires, sanitaires, et économiques qui en résulteront. En particulier, selon un rapport de 2006 du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), 90 % de la population du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord devraient ainsi vivre dans des pays affectés par des pénuries d’eau d’ici à 2025. Mais, le monde arabe ne sera pas seul à connaître cette situation. La Méditerranée, dans son ensemble, est déjà dans une situation délicate, avec 108 millions de personnes disposant de moins de 1000 mètres cubes d’eau par an et par habitant, chiffre qui devrait atteindre 165 millions d’individus en 2025. Et que dire de la Chine, qui représente 21 % de la population mondiale, mais seulement 7 % des ressources en eau douce de la planète. La Chine du Nord, possédant moins de 15 % de l’eau disponible tout en hébergeant 45 % de la population chinoise, présente en particulier des statistiques inquiétantes avec certaines de ses provinces disposant de moins de 500 mètres cubes d’eau par habitant et par an, ce qui les place bien en deçà du seuil de stress hydrique et au même niveau que des pays comme l’Algérie (478 mètres cubes d’eau par habitant et par an) et Djibouti (475 mètres cubes d’eau par habitant et par an). Dans ces espaces régionaux, il est ainsi fort probable que de fortes tensions ne manqueront pas, à moyen terme, de naître à cause de l’eau. Quelles en seront les formes ? Famines ? Emeutes de la soif ? Déplacements massifs de population ? Conflits armés ? »(42).

Dans une note de la fondation pour la recherche stratégique(43) de mai 2008, Franck Galland propose de mettre en place des « casques bleus de l’eau », car ces « conflits, de plus ou moins forte intensité, nécessitent un mode opératoire nouveau en matière d’interventions d’urgence et d’actions civilo-militaires ».

4. Le stress énergétique

« La demande mondiale de pétrole se monte à 87 millions de barils par jour et croît à un rythme légèrement supérieur à 2 % par an. Cette croissance a peu de chances de ralentir dans un proche avenir. Selon l’office américain d’information sur l’énergie, elle sera de 120 millions de barils par jour d’ici 2030. (…) Une telle explosion de la demande ne pourra être satisfaite que si les gisements de pétrole mondiaux sont pratiquement capables de doubler leur production actuelle »(44).

Or, « la production de pétrole est reliée au climat et au changement climatique à travers l’impact météorologique sur l’exploration, la production, le raffinage et le transport de pétrole. Les effets des ouragans sur la production pétrolière du golfe du Mexique sont un bon exemple de la manière dont le temps affecte cette production et les prix aux États-Unis »(45).

Au-delà de la question du pétrole, l’augmentation des énergies fossiles n’est pas souhaitable, dans la mesure où elle aggraverait le réchauffement climatique. La question des moyens de l’adaptation des pays en développement reste posée.

5. Le niveau de développement

Le changement climatique va contribuer à aggraver la situation existante : une population en forte croissance, dans des pays souffrant d’un développement insuffisant, va aspirer à un mode de vie moderne et n’aura pas les moyens de s’adapter, alors même que les contraintes se multiplient sur les ressources essentielles.

Par ailleurs, le niveau sanitaire, déjà insuffisant, risque de régresser par rapport à la situation actuelle : le changement climatique va générer un stress hydrique, donc la pollution de l’eau, favorisant le développement de certaines maladies. « L’eau polluée tue 15 000 personnes par jour. Elle entraîne des centaines de maladies, en particulier la malaria. Cette situation, déjà très préoccupante, ne va qu’empirer : en 2025, la moitié de la population mondiale connaîtra un manque d’eau potable, en particulier en Afrique, au Moyen Orient et en Asie du Sud »(46)

B. Les conséquences géopolitiques du changement climatique

1. Les migrations climatiques

La détérioration des approvisionnements en eau ou alimentation, les inondations, incitent les populations à se déplacer vers des régions plus accueillantes.

Les migrations seront également provoquées par l’élévation du niveau des mers. Les zones les plus vulnérables, d’une altitude inférieure à un mètre, correspondent aux deltas des grands fleuves, essentiellement en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est et en Chine. Elles sont peuplées par plus de 150 millions de personnes.

Le recouvrement par les eaux de mer des zones deltaïques risque de provoquer des migrations à l’intérieur des pays ou dans des pays voisins. L’altitude moyenne du Bangladesh est de 10 mètres. En cas d’augmentation, même minime, du niveau de la mer, une bonne partie des habitants du sud du pays devrait migrer vers le nord, y compris jusqu’en Inde. Les forces de sécurité indiennes seraient alors mobilisées pour s’occuper de ces flots de réfugiés, voire pour les refouler. De même, en Égypte, une augmentation de 50 centimètres du niveau de la mer Méditerranée provoquerait le départ de 4 millions de personnes fuyant le delta du Nil.

Selon les Nations-unies, on dénombrera, d’ici 2020, des millions de migrants « environnementaux ». Ces migrations seront de trois types :

- les migrations internes aux États, susceptibles de créer des changements économiques positifs (apport de main d’œuvre) ou négatifs (surpopulation). La capacité des États à faire face à de telles situations, tant sur un plan institutionnel que sur le plan économique, s’avérera déterminante pour la stabilité des pays concernés. Les États-Unis, par exemple, ont su gérer les déplacements des populations côtières sans que cela ne provoque de bouleversements économiques ou politiques lors de l’ouragan Katrina ;

- les migrations transfrontalières, susceptibles de déstabiliser des États mais aussi de générer des tensions internationales qui pourraient déboucher sur des conflits. L’histoire récente entre le Bangladesh et l’Inde montre que les populations déplacées peuvent faire l’objet de violences de la part des populations natives et induire des tensions entre pays voisins ;

- les migrations de niveau régional seront à l’origine de problématiques identiques. Ce type de migration est déjà bien connu en Europe, avec les migrations des pays du Sud vers les pays du Nord.

Les effets du changement climatique induiront en priorité des migrations internes et transfrontalières.

Les inondations naturelles sont également susceptibles de provoquer des migrations internes et internationales. Il s’agit le plus souvent de déplacements vers les pays voisins, sources de tensions relationnelles. Ces migrations de ce type sont généralement temporaires.

2. La compétition pour les ressources naturelles

Les ressources naturelles sont l’objet de convoitises de la part des États, et, par conséquent, peuvent être sources de tensions ou de conflit. Le changement climatique n’a jusqu’à présent pas encore été identifié comme la seule cause de conflit interétatique. Mais, la stabilité d’un pays étant d’abord conditionnée par sa capacité à subvenir aux besoins fondamentaux pour sa population (l’eau et la nourriture), il représente une source de tensions voire de conflits internes.

Si la guerre entre États pour l’eau est un type de crise auquel la communauté internationale n’a jamais été confrontée, l’augmentation du stress hydrique est un facteur de tensions non négligeable (en Asie et en Afrique notamment).

La famine est déjà un facteur important de violences, voire de conflits entre États (Rwanda, province du Darfour au Soudan). Certaines régions d’Afrique verront leur production alimentaire diminuer de moitié au cours des deux prochaines décennies. A l’inverse, dans les hautes latitudes (nord de l’Europe, de l’Amérique et de la Russie, Australie) une augmentation de la production devrait se produire. Le réchauffement climatique est de nature à amplifier les inégalités entre pays riches et pays pauvres, d’une part, et à accroître l’occurrence et l’impact des tensions pour cause de famine, d’autre part.

S’agissant des ressources halieutiques, une augmentation de température des mers pourrait, par ses effets plus ou moins directs sur la raréfaction du biotope, induire des pénuries dans certaines régions où le poisson est un élément essentiel de la ressource alimentaire ou accroître des tensions entre pays riverains (par exemple, régions côtières de l’Inde et du Pakistan).

Dans le domaine de l’énergie, la pression sur les ressources a vocation à s’accentuer, du fait des besoins croissants des pays en forte croissance. Le réchauffement climatique se traduit également par la nécessité de développer des énergies à moindre émission de CO2.

Par ailleurs, beaucoup des nouvelles technologies nécessitent l’emploi de « terres rares » ou de matériaux susceptibles de s’épuiser d’ici la fin du siècle.

3. La compétition pour les territoires

Ce phénomène devrait émerger en raison du changement climatique. En effet, d’une part, des petits États, submergés par les eaux, seraient amenés demander de nouveaux territoires, situation inédite sur le plan du droit international(47).

D’autre part, certains territoires verront leur valeur accrue en raison des possibilités nouvelles d’exploitation de leurs ressources. L’Antarctique et l’Arctique, en particulier, offriront en effet de nouvelles perspectives dans ce domaine. Or, l’Arctique, contrairement à l’Antarctique, ne fait actuellement pas l’objet d’un traité international. L’exploitation des ressources naturelles (stock de poissons et réserves d’hydrocarbure estimée à 10 % des réserves mondiales) fera l’objet d’âpres négociations entre les pays riverains (Etats-Unis, Russie, canada et Norvège). De plus la population indigène de cette région (Inuits, Samis, etc.) réclame une part du partage des ressources.

C. Le risque d’une multiplication des conflits

La dégradation des ressources en eau potable, la baisse de la production de nourriture, l’augmentation des tempêtes et des inondations, les migrations, sont autant de facteurs qui montrent comment des conséquences directes du changement climatique pourraient alimenter des conflits potentiels. Mais ces effets  ne peuvent à eux seuls être la cause de conflits futurs : c’est leur combinaison avec d’autres éléments, sociologiques, politiques, économiques, culturels, qui fera qu’une situation se dégradera ou non.

S’appuyant sur le quatrième rapport du GIEC, la revue International Alert s’est penchée, en novembre 2007, sur les conséquences sociales et humaines susceptibles de découler du changement climatique, en particulier les risques de conflit et d'instabilité (« A Climate of conflict », « the links between climate change, peace and war »).

Selon cette étude, les populations les plus durement touchées par le changement climatique seront pauvres, appartenant à des pays en voie de développement caractérisés par des États instables et dotés d’une mauvaise gouvernance. Les conséquences physiques du changement climatique (phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents, fonte des glaciers, plus courtes saisons de croissance) viendront amplifier ces fragilités déjà présentes.

La pauvreté, l'instabilité politique et la mauvaise gouvernance rendent difficile l’adaptation aux effets physiques du changement climatique, ainsi que la gestion des conflits non violents. La faiblesse économique prive les États des ressources nécessaires aux besoins de la population. L’impossibilité à continuer à vivre dans une localité donnée induit alors d'autres types d'insécurité, comme les migrations, portant ainsi le risque de conflit à un niveau plus élevé.

Les pays les plus pauvres de la planète sont donc confrontés à un double problème : celui du changement climatique et celui des conflits violents. L’étude estime en effet « qu’il y a un risque réel pour que le changement climatique aggrave les risques de conflits violents ».

L’étude identifie 46 pays (soit 2,7 milliards de personnes) dans lesquels les effets du changement climatique ont un risque élevé de se traduire par un conflit violent, suite à une interaction avec des problèmes économiques, sociaux et politiques.

Un deuxième groupe de 56 pays (soit 1,2 milliard de personnes) est caractérisé par des institutions gouvernementales ayant des difficultés à appréhender le changement climatique et à le traiter en priorité par rapport aux autres défis auxquels le pays est confronté. Dans ce groupe de pays, bien que le risque d'un conflit armé ne soit pas immédiat, l'interaction du changement climatique avec d'autres facteurs crée un risque élevé d'instabilité politique, avec un potentiel de conflits violents.

L’atténuation du changement climatique par la réduction des émissions de carbone dans le monde ne saurait constituer une solution suffisante, ni dans le groupe de 46 États présentant un risque de conflit (dont beaucoup d'entre eux sont actuellement ou ont récemment été touchés par un conflit violent), ni dans de nombreux pays du groupe des 56 confronté au risque d'instabilité. Dès maintenant, il est souhaitable d’aider ces États à gérer les défis du changement climatique.

L’étude conclut en recommandant notamment que la communauté internationale se saisisse d’urgence de la question des conflits liés au changement climatique, et insiste sur la nécessité de développer un cadre institutionnel approprié, une « bonne gouvernance pour le changement climatique ».

III. LES IMPACTS RÉGIONAUX

A. Les impacts régionaux par secteur

1. L’Europe

Les effets du réchauffement climatique sont susceptibles de générer des tensions entre les pays du sud et les pays du nord de l’Europe.

Probablement plus nombreux, les phénomènes de grande ampleur (tempêtes, inondations), pèseront sur les finances des États. En l’absence de croissance économique, un repli des États sur eux-mêmes est envisageable sur le plan financier. Les budgets de coopération et d’aide au développement à destinations des pays hors union européennes subiront les mêmes contraintes.

La relative désertification des pays du sud de l’Europe (Italie et Espagne) pourrait conduire à des migrations, pour des raisons économiques, vers les pays mieux lotis du nord de l’Europe.

L’augmentation du niveau des mers ne devrait pas poser de problème majeur, même si le coût financier des adaptations pourra s’avérer important(48).

En Russie, des effets positifs locaux (mais temporaires) ont été observés dans l'agriculture, et de nouvelles voies de navigation ont été ouvertes. la fonte du pergélisol et les inondations dans les zones sensibles, les menaces pour la santé publique liées à la propagation de maladies, les problèmes de transport en hiver dans le Nord, figurent au nombre des effets négatifs. D’un point de vue économique, le coût des répercussions sera probablement important.

L’Europe (au sens large) dispose de réelles capacités d’adaptation en raison de sa richesse économique. Les principales menaces seront donc liées aux conséquences des phénomènes extrêmes (inondations, sécheresses, tempêtes), à leur répétition, ainsi qu’à la montée du niveau des mers. La résilience des États européens dépend essentiellement de leur capacité à porter secours aux populations et à reconstruire (ou adapter de façon préventive certaines infrastructures) ; elle sera conditionnée par le contexte financier, institutionnel et assurantiel.

2. L’Afrique

L’Afrique, dont la démographie croit de façon très importante, est probablement le continent qui sera plus affecté par les effets du changement climatique. Les famines, le stress hydrique et les mouvements de population seront plus fréquents. Compte tenu de la fragilité de la plupart des États (notamment les plus pauvres), des risques importants de déstabilisation sont à craindre. Ces fragilités sont de nature à accroître les conflits interethniques d’une part, et entre États d’autre part.

Ces phénomènes sont déjà observables dans les régions sahéliennes, régulièrement soumises à des phénomènes extrêmes (longues périodes de sécheresse et fortes pluies)(49). Les difficultés des gouvernements des États africains (pour des raisons économiques ou institutionnelles) et de la communauté internationale à répondre aux attentes de la population peut conduire au développement de guerres civiles, au développement de systèmes de type maffieux (par exemple, seigneurs de la guerre en Somalie) et à la montée de l’intégrisme islamique (par exemple, Al-Qaïda au Maghreb islamique).

D’une manière générale, la pression migratoire de la part des pays du Maghreb et de l’Afrique sera très probablement plus importante. Les frontières de l’Union européenne seront mises à rude épreuve.

L’absence de dialogue, de coordination et d’accord sur la gestion de la ressource, entre pays desservis par un même cours d’eau, est déjà un facteur de tension(50), que le réchauffement climatique peut accentuer.

La montée du niveau de la Méditerranée, si elle n’est pas anticipée, pourrait avoir un fort impact économique et financier sur l’Égypte, en raison de la submersion progressive du delta du Nil.

Pour l’Union européenne, la capacité de résilience des pays bordant la Méditerranée dépend de leur capacité à faire évoluer leurs institutions, condition de l’aide économique que l’Union européenne sera prête à consentir.

Sur le plan sanitaire, les épidémies de paludisme et de dingue pourraient s’étendre avec l’augmentation des températures de l’ordre de 2° C.

L’Afrique étant le continent le plus proche de l’Europe, les conséquences du réchauffement climatique pourraient impacter plus ou moins directement les intérêts européens, et plus particulièrement les intérêts français (pression migratoire). L’Europe devra en particulier disposer de moyens d’intervention pour venir en aide aux populations (famines, inondations, épidémies) et soutenir les pays pour optimiser leur gestion de l’eau.

3. L’Asie

La fonte accrue des glaciers et de la neige dans l’Himalaya et le Plateau Tibétain menace la sécurité alimentaire de millions d’individus en Asie, le Pakistan étant susceptible de figurer parmi les nations les plus durement touchées.

Les bassins du Brahmapoutre et de l’Indus sont aussi les plus susceptibles de voir leur débit réduit à cause du changement climatique(51), ce qui menacerait la sécurité alimentaire de 60 millions de personnes. A l’inverse, le Huang He verrait son débit augmenter, ce qui pourrait bénéficier à l’irrigation en aval.

La Chine, en l’absence de maîtrise de sa consommation d’eau, pourrait subir un stress alimentaire important. L’alimentation de la ville de Pékin, avec sa population toujours croissante, nécessite la construction de canaux apportant des ressources en provenance des fleuves situés plus au Sud. En raison de la demande toujours croissante, la Chine voudrait mettre en œuvre des projets de transfert d'eau entre différents bassins et entre différentes rivières venant du plateau tibétain. Or, cela pourrait affecter le débit des rivières transfrontalières passant en Inde et dans d'autres pays riverains. Cela est de nature, en l’absence de dialogue et de coopération, à accroître les tensions dans cette région avec les pays riverains (l’Inde et la Russie notamment).

De plus, une forte proportion de la population asiatique est exposée à l’immersion totale ou répétitive de son territoire, ce qui provoquera d’importants mouvements de populations.

L’augmentation de la température et de l’humidité devrait quant à elle induire une expansion des zones des maladies infectieuses (choléra, dingue, bilharziose)(52).

En raison notamment d’intérêts économiques croissants dans cette région du monde, l’Europe ne pourra pas se désintéresser des crises qui pourraient y survenir ; elle devra en particulier disposer de capacités d’intervention, notamment sur le plan humanitaire.

4. Le Proche et le Moyen Orient

En raison des réserves mondiales de pétrole et de gaz qu’elle abrite, cette zone est d’une importance stratégique pour un grand nombre de pays. La compétition pour ces ressources, ainsi que les conséquences indirectes du réchauffement climatique, sont susceptibles d’induire des risques de crises plus importants.

L’approvisionnement et la gestion de l’eau sont dans cette région du monde, la principale problématique. Avec l’explosion démographique, le problème de l’eau se posera de façon plus aiguë encore. Dans cette région du monde, seuls la Turquie, l’Égypte et l’Iran disposent de quantités d’eau suffisantes. La diminution des précipitations devrait réduire le débit du Yarmuk et du Jourdain, provoquant des pénuries d’eau en Israël et en Jordanie, où les besoins sont déjà supérieurs aux ressources.

Les cultures conventionnelles en Égypte, Oman, Iran, Iraq sont menacées. La salinisation des réserves aquifères sont également une menace dans cette région, en particulier dans la bande de Gaza et en Israël (phénomène qui devrait s’accentuer avec l’augmentation du niveau des mers). Cela pourrait entraîner des migrations, dans la région ainsi que vers l’Europe.

5. Le continent américain

Les pays d’Amérique centrale et des caraïbes seront les plus touchés par les effets du réchauffement climatique. Les pays les plus pauvres en subiront les conséquences et auront probablement le plus de mal à faire face aux défis à relever (en particulier s’agissant de la gestion de l’eau, la résilience face aux phénomènes extrêmes, l’élévation du niveau des mers, les épidémies).

Certaines zones feront l’objet de périodes de sècheresse plus longues (plaine du Pérou, nord-est du Brésil, Mexique, centre ouest des États-Unis). L’impact direct sur la production alimentaire pourrait avoir des conséquences importantes, surtout en terme de migration des populations (vers les États-Unis notamment).

L’augmentation du régime des précipitations sur l'ensemble du bassin amazonien et au-dessus de l'océan Atlantique tropical conduira à des inondations plus fréquentes, affectant les populations vivant au bord des grands fleuves comme le Parana(53).

L’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des phénomènes extrêmes dans ses DROM-COM pourrait conduire la France à accroître ses capacités d’intervention dans la zone.

6. Le Pacifique

Dans les régions tropicales, la dégradation des coraux, qui a des conséquences significatives sur les populations de poissons de récif, pourrait nuire indirectement au secteur de la pêche.

De même, l’élévation du niveau de la mer pourrait avoir des conséquences directes et indirectes sur les zones côtières à vocation aquacoles et les installations. L’augmentation de la température de l’eau de mer pourrait favoriser la diffusion de maladie dans les élevages aquacoles en milieu naturel et avoir une influence sur les rendements des élevages.

Si les données sur l’impact spécifique du changement climatique sur le secteur de la pêche et de l’aquaculture en Polynésie française sont encore limitées, le changement climatique pourrait y avoir un impact direct sur la sécurité alimentaire (étant donné le rôle important de la pêche lagunaire dans la subsistance en Polynésie française). La France devra sans doute aider les communautés d’outre-mer à s’adapter aux évolutions prévisibles (montée du niveau de l’océan pacifique et phénomènes extrêmes).

Exemples d’incidences régionales anticipées (1/2)

Afrique

- D’ici 2020, 75 à 250 millions de personnes devraient souffrir d’un stress hydrique accentué par les changements climatiques.

- Dans certains pays, le rendement de l’agriculture pluviale pourrait chuter de 50 % d’ici 2020. On anticipe que la production agricole et l’accès à la nourriture seront durement touchés dans de nombreux pays, avec de lourdes conséquences en matière de sécurité alimentaire et de malnutrition.

- Vers la fin du XXIe siècle, l’élévation anticipée du niveau de la mer affectera les basses terres littorales fortement peuplées. Le coût de l’adaptation pourrait représenter 5 à 10 % du produit intérieur brut, voire plus.

- Selon plusieurs scénarios climatiques, la superficie des terres arides et semi-arides pourrait augmenter de 5 à 8 % d’ici à 2080.

Asie

- Les quantités d’eau douce disponibles devraient diminuer d’ici les années 2050 dans le Centre, le Sud, l’Est et le Sud-Est de l’Asie, en particulier dans les grands bassins fluviaux.

- Les zones côtières, surtout les régions très peuplées des grands deltas de l’Asie du Sud, de l’Est et du Sud-Est, seront exposées à des risques accrus d’inondation marine et, dans certains grands deltas, d’inondation fluviale.

- Les changements climatiques devraient amplifier les pressions que l’urbanisation rapide, l’industrialisation et le développement économique exercent sur les ressources naturelles et l’environnement.

- Les modifications du cycle hydrologique devraient entraîner, dans l’est, le sud et le sud-est de l’Asie, une hausse de la morbidité et de la mortalité endémiques dues aux maladies diarrhéiques qui accompagnent les crues et la sécheresse.

Australie et Nouvelle Zélande

- Certains sites d’une grande richesse écologique, dont la Grande Barrière de corail et les « Wet Tropics » (tropiques humides) du Queensland, devraient subir une perte importante de biodiversité d’ici 2020.

- D’ici 2030, les problèmes d’approvisionnement en eau devraient s’intensifier dans l’est et le sud de l’Australie ainsi que dans le Northland et certaines régions orientales de la Nouvelle-Zélande.

- D’ici 2030, la production agricole et forestière devrait décroître dans une bonne partie du sud et de l’est de l’Australie ainsi que dans plusieurs régions orientales de la Nouvelle-Zélande, en raison de l’accentuation de la sécheresse et de la fréquence accrue des incendies. Au début toutefois, les changements climatiques devraient se révéler bénéfiques dans d’autres secteurs de la Nouvelle-Zélande.

- D’ici 2050, dans certaines régions de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, l’aménagement progressif du littoral et la croissance démographique devraient accroître les risques liés à l’élévation du niveau de la mer et à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des tempêtes et des inondations côtières.

Europe

- On s’attend à ce que les changements climatiques amplifient les disparités régionales en matière de ressources naturelles et de moyens économiques. Au nombre des incidences négatives figurent un risque croissant d’inondations éclair à l’intérieur des terres, une plus grande fréquence des inondations côtières et une érosion accrue (attribuable aux tempêtes et à l’élévation du niveau de la mer).

- Les régions montagneuses devront faire face au recul des glaciers, à la réduction de la couverture neigeuse et du tourisme hivernal ainsi qu’à la disparition de nombreuses espèces (jusqu’à 60 % d’ici 2080 dans certaines régions, selon les scénarios de fortes émissions).

- Dans le sud de l’Europe, région déjà vulnérable à la variabilité du climat, les changements climatiques devraient aggraver la situation (températures élevées et sécheresse) et nuire à l’approvisionnement en eau, au potentiel hydroélectrique, au tourisme estival et, en général, aux rendements agricoles.

- Les risques sanitaires liés aux vagues de chaleur et à la fréquence accrue des incendies devraient être amplifiés par les changements climatiques.

Source : Quatrième rapport du GIEC / Résumé à l’intention des décideurs.

Exemples d’incidences régionales anticipées (2/2)

Amérique latine

- D’ici le milieu du siècle, les forêts tropicales devraient être progressivement remplacées par la savane dans l’est de l’Amazonie sous l’effet de la hausse des températures et du desséchement des sols. La végétation de type semi-aride aura tendance à laisser place à une végétation de type aride.

- La disparition de certaines espèces risque d’appauvrir énormément la diversité biologique dans de nombreuses régions tropicales de l’Amérique latine.

- Le rendement de certaines cultures importantes et de l’élevage du bétail devrait diminuer, au détriment de la sécurité alimentaire. On anticipe en revanche une augmentation du rendement des cultures de soja dans les zones tempérées. D’un point de vue général, on anticipe une augmentation du nombre de personnes exposées à la famine.

- La modification des régimes de précipitations et la disparition des glaciers devraient réduire considérablement les ressources en eau disponibles pour la consommation humaine, l’agriculture et la production d’énergie.

Amérique du Nord

- Selon les projections, le réchauffement du climat dans les régions montagneuses de l’ouest du continent diminuera l’enneigement, augmentera la fréquence des inondations hivernales et réduira les débits estivaux, avivant la concurrence pour des ressources en eau déjà surexploitées.

- L’évolution modérée du climat au cours des premières décennies du siècle devrait accroître de 5 à 20 % le rendement des cultures pluviales, mais avec de nets écarts d’une région à l’autre. De graves difficultés risquent de surgir dans le cas des cultures déjà exposées à des températures proches de la limite supérieure de leur plage de tolérance ou qui dépendent de ressources en eau déjà fortement utilisées.

- Au cours du siècle, les villes qui subissent actuellement des vagues de chaleur devraient faire face à une hausse du nombre, de l’intensité et de la durée de ces phénomènes, ce qui pourrait avoir des incidences défavorables pour la santé.

- Dans les régions côtières, les établissements humains et les habitats naturels subiront des pressions accrues découlant de l’interaction des effets du changement climatique avec le développement et la pollution.

Régions polaires

- Les principales répercussions biophysiques attendues sont la réduction de l’épaisseur et de l’étendue des glaciers, des nappes glaciaires et des glaces de mer ainsi que la modification des écosystèmes naturels au détriment de nombreux organismes, dont les oiseaux migrateurs, les mammifères et les grands prédateurs.

- Pour les communautés de l’Arctique, les effets devraient être mitigés, notamment ceux qui résulteront de l’évolution de l’état de la neige et de la glace.

- Les éléments d’infrastructure et les modes de vie traditionnels des populations autochtones seront touchés.

- On estime que les écosystèmes et les habitats propres aux régions polaires de l’Arctique et de l’Antarctique seront fragilisés, du fait de l’atténuation des obstacles climatiques à l’invasion de nouvelles espèces.

Petites îles

- Selon les prévisions, l’élévation du niveau de la mer devrait intensifier les inondations, les ondes de tempête, l’érosion et d’autres phénomènes côtiers dangereux, menaçant l’infrastructure, les établissements humains et les installations vitales pour les populations insulaires.

- La détérioration de l’état des zones côtières, par exemple l’érosion des plages et le blanchissement des coraux, devrait porter atteinte aux ressources locales.

- D’ici le milieu du siècle, les changements climatiques devraient réduire les ressources en eau dans de nombreuses petites îles, par exemple dans les Caraïbes et le Pacifique, à tel point que la demande ne pourra plus être satisfaite pendant les périodes de faible pluviosité.

- La hausse des températures devrait favoriser l’invasion d’espèces exotiques, notamment aux moyennes et hautes latitudes.

Source : Quatrième rapport du GIEC / Résumé à l’intention des décideurs.

B. Les conséquences du changement climatique dans les espaces d’intérêt stratégique de l’Union européenne

Au delà du territoire européen, les régions géographiques qui revêtent un intérêt stratégique prioritaire pour l’Union européenne en termes d’enjeux de sécurité et de défense sont : le bassin de la Méditerranée, l’Arctique, et pour certains, l’Asie du Sud-ouest.

En prenant comme référence un scénario intermédiaire de croissance démographique, économique et technologique, les conséquences du changement climatique, à l’horizon 2050, peuvent être ainsi synthétisées :

- en Europe : probabilité accrue de catastrophes naturelles ;

- dans le Bassin méditerranéen : augmentation de l’instabilité des États de la côte sud (et du Sahel), avec une intensification des flux migratoires vers l’Europe ; probabilité accrue de catastrophes naturelles ;

- dans l’Arctique : possibilité de tensions interétatiques entre les « États polaires » (parmi lesquels figurent la Suède, la Finlande et le Danemark), liées à l’exploitation des ressources énergétiques de la région ; émergence d’enjeux économiques et de sécurité liés à l’éventuelle ouverture des routes maritimes polaires ;

- en Asie du Sud-ouest : augmentation de l’instabilité des États de la région, avec le risque d’une perturbation des voies d’approvisionnement et d’une intensification des flux migratoires vers l’Europe ; probabilité accrue de catastrophes naturelles.

DEUXIEME PARTIE :
L’IMPACT DIRECT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN MATIERE DE DEFENSE : UN ENJEU SOUS-ESTIME

Les facteurs d’évolution, liés à l’impact du changement climatique sur la sécurité et significatifs pour la Défense, doivent êtres anticipés(54). L’impact direct du changement climatique en matière de défense est ici considéré à travers l’exemple français.

I. ANTICIPER LES CONSEQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUES EN MATIERE DE DEFENSE

A. Revoir les modalités de fonctionnement

Un certain nombre de phénomènes peuvent être à l’origine de nouveaux conflits, de tensions nécessitant l’intervention des armées, ou créer des conditions favorables au développement du terrorisme. La difficulté d’accès à certaines ressources comme l’eau, la survenue de phénomènes climatiques extrêmes (ouragans, typhons, cyclones, etc.), l’amplification des flux migratoires (comme ceux déclenchés par l’extension de la zone désertique dans la bande sahélienne), sont autant de facteurs significatifs à prendre en compte dans la démarche prospective de la Défense. Les évolutions climatiques feront peser une pression accrue sur des zones déjà en tension ou fragiles : Afrique subsaharienne (zones de deltas…), Bangladesh, Pakistan, etc. Elles peuvent aussi être à l’origine de nouvelles zones de conflits (océan arctique, évolution des zones de pêche, etc.).

Les changements climatiques modifieront également les conditions d’emploi, tant pour les équipements, les hommes, les structures, la logistique que les opérations.

La gestion des équipements impliquera probablement une révision des normes techniques applicables (plages de température et d’humidité - notamment pour les matériels électroniques et informatiques, les moteurs et les systèmes de conditionnement), la définition de nouvelles spécifications pour les équipements futurs, et l’adaptation en conséquence des matériels en service.

Les modifications climatiques se répercutent sur la performance des équipements et systèmes d’armes. Ceux-ci peuvent se détériorer du fait de températures élevées et d’une forte humidité. La performance des radars peut être modifiée. La propagation des ondes peut connaître des anomalies. La construction de nouvelles armes devra prendre en compte ces modifications climatiques. Les vêtements du combattant devront aussi être adaptés aux spécificités nouvelles des champs de bataille.

Les besoins en approvisionnement des hommes en eau seront plus importants, et l’organisation de la logistique devra en tenir compte(55).

Le pré-positionnement et la localisation des théâtres d’opérations sont également susceptibles d’être affectés par les changements climatiques. Les capacités de projection et d’autonomie, ainsi que le dimensionnement des forces, sont aussi concernés par ces évolutions.

Des bases navales et aéronavales devront peut-être mieux protégées pour faire face à des conditions extrêmes. Dans des cas limites, elles devront même être déplacées. Les casernements de l’armée de terre, même s’ils sont situés loin des côtes, devront de même être mieux protégés des plus graves intempéries. Le maintien des axes routiers et ferroviaires d’importance stratégique devra peut-être être repensé.

B. Faire face aux conséquences physiques du changement climatique (effets directs)

Les effets directs sont les effets directement induits par le réchauffement climatique et sont notamment liés au développement de phénomènes extrêmes (inondations, sécheresses, tempêtes, etc.) et à la montée du niveau des mers. D’une part, l’urgence des situations nécessite une très forte réactivité, d’autre part, de limiter les effets d’un phénomène identique ou similaire qui se reproduirait (mesures d’adaptation préventives ou réactives). Ceci concerne en particulier la stratégie navale.

1. Le syndrome de l’Arche de Noé.

L’élévation du niveau des moyens des océans est le paramètre le plus complexe à appréhender en matière de stratégie navale. Ses effets sont potentiellement considérables, un accroissement de 50 centimètres affectant l’emploi de nombreuses infrastructures portuaires. Cependant, les hypothèses sont insuffisamment consolidées en termes de probabilité et leur fourchette est trop large (15 à 80 centimètres). La décision d’investissements d’infrastructures aussi lourds ne peut être prise en l’absence d’une confirmation et un affinement de ces hypothèses.

2. La découverte de nouvelles voies maritimes

La fonte de la calotte glaciaire arctique est le phénomène le plus visible du réchauffement climatique actuel ; en cinquante ans, la surface de la calotte polaire arctique s’est en effet réduite de moitié. Elle se traduit chaque année par l’ouverture durant plusieurs mois consécutifs des passages du Nord Ouest (PNO) et du Nord Est (PNE). Cette nouveauté fait naître de nombreux projets, qu’il s’agisse de raccourcir les voies maritimes ou d’exploiter des ressources énergétiques jugées jusqu’alors inaccessibles.

Certains analystes concluent à l’émergence d’ « une vieille mission dans une région nouvelle »(56). La réalité est loin d’être aussi pressante. Le caractère non permanent de l’ouverture des passages, les risques de navigation dus aux glaces dérivantes et l’absence d’infrastructures (surtout pour le PNO), n’incitent pas les armateurs à modifier les flux de marchandises.

La stratégie navale française n’en est donc pas significativement affectée. Le seul impact prévisible est la nécessité de spécifier une capacité de navigation polaire pour quelques uns des futurs patrouilleurs, afin d’être capable d’assurer une présence dans la zone.

3. La réactivité en situation d’urgence

La possibilité de déploiement immédiat des forces militaires les rend incontournables dans les situations d’urgence, en particulier liées à des catastrophes naturelles : évacuation par air et par mer, rétablissement des infrastructures, premiers secours, hôpitaux de campagne, appui aux autorités civiles, etc. Il serait intéressant, de ce point de vue, d’observer le rôle actuel de l’armée au Japon.

C. Gérer de nouveaux conflits et instabilités (effets multiplicateurs, boomerang et d’incertitude)

Les effets indirects du changement climatique sont les effets pour lesquels le changement climatique n’est généralement pas la seule cause des effets observés, mais souvent un facteur aggravant voire déclenchant. L’augmentation des instabilités étatiques ou régionales, le développement de pressions migratoires, les rivalités pour l’accès aux ressources énergétiques comptent parmi les principaux effets attendus et pourront conduire à des conflits affectant les intérêts nationaux.

Tous ces effets auront un impact financier très important sur tous les États, ce qui constituera probablement le principal défi à relever. L’Europe ne sera pas épargnée. Son voisinage proche (l’Afrique) sera d’autant plus durement affectée que c’est le continent le plus vulnérable, les pays qui la compose n’ayant pas toujours les moyens de faire face aux effets du changement climatique, tant sur le plan économique qu’institutionnel (stress hydrique, stress alimentaire, déplacement de populations, etc.). La solidarité internationale jouera un rôle important pour faire face à toutes les menaces induites par le changement climatique.

1.
Une fonction protection/prévention/intervention en pleine croissance (effet multiplicateur)

L’aggravation de stress actuels en matière d’eau et de sols arables et la multiplication des catastrophes naturelles vont se traduire en tensions insurmontables pour les États les plus faibles et in fine en migrations climatiques. Celles-ci sont souvent présentées comme « le chaînon manquant » entre les impacts du changement climatique et des risques de sécurité(57).

Face à ce défi, la France devra développer, dans un cadre européen :

- une capacité d’intervention navale à « vocation humanitaire »(58), mais dans un cadre militaire qui seul permette de la liberté d’action ;

- une capacité de prévention et d’intervention navale pour protéger les flux énergétiques, dans les Golfes de Guinée, Arabo-persique et en Méditerranée ;

- une fonction de protection navale renforcée en Méditerranée pour gérer les flux migratoires, conduisant à un véritable mandat de « garde-côtes européens ».

2. La prolifération nucléaire (effet boomerang)

L’atteinte des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre, le stress pétrolier, ainsi que la volonté des pays concernés de maîtriser leur facture énergétique, pourraient se traduire dans les trente prochaines années par un développement du nucléaire civil.

La dualité civilo-militaire de l’atome risque alors de conduire cette diversification énergétique à une prolifération nucléaire. La France devra tenir compte de ce nouveau contexte si elle se pose la question de sa dissuasion nucléaire.

3. La recherche de nouveaux carburants (effet boomerang)

Une triple logique de participation à l’effort national de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), d’autonomie stratégique et de contrôle du budget conduit les forces armées américaines à développer de nouveaux carburants, obtenus notamment à partir de charbon.

L’État-major des armées (EMA) suit cette question au sein d’un groupe de travail portant sur les carburéacteurs de synthèse. L’impact à terme est très important, mais il s’inscrit dans un horizon de 20 à 30 ans et concernera l’ensemble de l’aviation.

4. La participation aux efforts de réduction des GES (effet boomerang)

Les différentes composantes de la Défense peuvent se voir imposer un effort de réduction des émissions de GES qui briderait leur fonctionnement. Une réglementation trop volontariste, si elle n’est pas anticipée, exercerait une réelle contrainte sur l’activité opérationnelle.

5. Les éventuelles surprises stratégiques climatiques (effet d’incertitude)

Trois surprises stratégiques d’origine climatique sont possibles :

- une augmentation nettement plus importante qu’envisagée aujourd’hui des événements climatiques (dépassant les capacités d’intervention) ;

- une accélération brutale du réchauffement climatique, en raison d’une contre réaction très forte telle qu’une libération du méthane contenu dans les clathrates(59) (fonte du permafrost) ;

- un renversement du climat en Europe, par altération de la circulation du Gulf Stream le long du continent, plongeant celui-ci dans un nouveau petit âge glaciaire(60).

Leur occurrence constituerait cependant une surprise : les études les plus récentes écartent ces scénarios, les jugeant trop peu réalistes ; et s’ils survenaient trop rapidement, leur nuisance serait telle qu’elle enlèverait pratiquement toute capacité de réponse à niveau. Il n’en demeure pas moins que l’on ne peut faire abstraction de ces risques d’emballement du système.

II. ADAPTER LES DIFFÉRENTES FONCTIONS DE LA DÉFENSE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

A. La fonction prévention

Le Livre Blanc sur la Défense et la sécurité nationale définit la fonction « prévention » comme l’ensemble des actions « permettant d’éviter l’apparition ou l’aggravation de menaces contre notre sécurité »(61). Elle s’appuie sur des moyens multiples : diplomatique, économiques, militaires, juridiques et culturels ; ils sont coordonnés et mis en œuvre à l’échelle nationale ou internationale.

Cette fonction repose sur cinq piliers :

- un système de veille et d’alerte précoce ;

- une coopération de défense et de sécurité ;

- la lutte contre les trafics ;

- la maîtrise des armements et la lutte contre la prolifération ;

- les déploiements préventifs dans les zones de crises potentielles.

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « prévention ».

Les risques induits par le réchauffement sont évoqués dans le volet prévention du Livre Blanc. Les effets du changement climatique ne font qu’augmenter les probabilités d’occurrence de certains phénomènes comme les migrations, les tensions entre populations d’un même État ou entre États du fait du stress hydrique, le développement des extrémismes, les épidémies, etc.

Les incertitudes qui pèsent sur les effets du réchauffement climatiques renforcent la pertinence de la mise en place d’un système de veille et d’alerte précoce. Le dispositif décrit dans le Livre Blanc doit permettre de consolider la validité des scénarios et risques associés. Dans ce but, les capacités d’analyse des effets du changement climatique mériteraient d’être développées au niveau national, voire en coopération sur le plan international. Le centre supérieur de formation et de la recherche stratégique a été créé dans ce but. Cet organisme est en phase de montée en puissance et cherche à étendre son réseau tant à l’international qu’à l’interministériel. Les questions relatives au changement climatique ont déjà fait l’objet de séminaires thématiques(62) et feront l’objet d’études(63).

La surveillance des frontières de l’Union européenne doit demeurer une priorité pour réduire les risques de déstabilisation face à d’importants flux migratoires ou pour lutter contre le terrorisme. L’Union européenne est en grande difficulté pour agir de façon préventive contre des migrations clandestines et/ou massives. Le renforcement de l’organisme européen d’analyse des risques migratoires et de coordination opérationnelle entre les États membres (non seulement en termes de moyens mais surtout par la définition d’une stratégie commune européenne) s’avère indispensable et urgente.

Le recours à des énergies propres destinées à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre pourrait conduire à des tentatives de prolifération de la part d’États peu scrupuleux du traité de non prolifération (TNP). En l’absence de mise en place de dispositifs de contrôle stricts et efficaces, l’augmentation du nombre des installations nucléaires dans le monde multiplie les risques de prolifération. La France a affiché « sa disposition à aider tout pays souhaitant recourir à la technologie nucléaire à des fins pacifiques mais à la condition du respect des engagements en matière de non-prolifération »(64). Cependant, cette position, assortie de conditions précises, n’est pas partagée par tous les pays fournisseurs. Les accords de garanties généralisées ainsi que les protocoles additionnels sont censés offrir les garanties nécessaires. Cependant un grand nombre de pays signataires du TNP n’applique pas le protocole additionnel avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)(65).

S’agissant de la prévention des crises majeures d’origine non intentionnelle, le Livre Blanc de 2008 prévoyait la création d’une agence de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ; différents dispositifs pour affronter des pandémies ont également été mis en place depuis 2007(66).

S’agissant de la réduction des gaz à effet de serre, le ministère de la défense a d’ores et déjà défini une politique inscrite dans le domaine plus large du développement durable(67). Au niveau interministériel, une stratégie nationale de développement durable a été mise en place, pour la période 2010-2013 ; elle prévoit notamment la création, au sein de chaque ministère, d’un poste de haut fonctionnaire au développement durable. Au sein du ministère de la défense, la direction générale de l’armement (DGA), a intégré la nécessité de réduire(68) la consommation des énergies fossiles dans son POS(69) 2010.

2. Les évolutions de la fonction « prévention »

Le chapitre prévention du Livre Blanc conserve toute sa pertinence. Le changement climatique presse la mise en place des organisations qui y sont décrites et milite pour l’affectation de ressources suffisantes pour atteindre les objectifs fixés.

Des centres nationaux d’analyse stratégique interministériels et pluridisciplinaires pourraient être fédérés et coordonnés au niveau européen par le Service européen d’action extérieur.

L’organisme européen d’analyse des risques migratoires et de coordination opérationnelle entre les États membres pourrait être renforcé, non seulement en termes de moyens, mais surtout par la définition d’une stratégie commune européenne qui pourrait s’avérer indispensable dans les décennies à venir.

Si le Livre Blanc fait déjà état de clause de non prolifération dans le cadre des accords de coopération, cette disposition mérite d’être étendue, de façon coordonnée avec les autres États disposant de telles capacités technologiques offertes sur le marché.

S’agissant de la réduction des émissions des gaz à effet de serre, il faut poursuivre la démarche engagée concernant toutes les infrastructures de la Défense, en accélérant l’élaboration du bilan carbone du ministère. La démarche gagnerait à être prolongée par la définition d’une stratégie de réduction de la facture carbone de l’activité opérationnelle des forces, voire d’amélioration de la gestion de l’eau dans les implantations situées dans les régions qui seront les plus affectées par le manque de ressources hydriques. L’objectif serait d’élaborer des plans pluriannuels de réduction d’émission des gaz à effet de serre dans le but d’atteindre l’objectif européen de réduction de 20 % des émissions en 2020 (par rapport à 1990), avec pour objectif une réduction de 50 % des GES dans le monde à l’horizon 2050. Selon les estimations(70), le ministère devra très probablement diminuer en valeur absolue d’un facteur quatre sa contribution aux rejets de GES d’ici cette dernière échéance. Les retards pris dans ce domaine pourraient avoir comme incidence des pressions réglementaires et sociales sur le ministère dès 2020. Il s’agit donc d’anticiper les mesures de réduction à cette échéance, et donc notamment d’identifier les leviers d’actions pour réduire les émissions de GES ainsi que les échéances de mise en œuvre. Dans ce cadre, les recherches concernant les énergies à faible bilan carbone gagneraient à faire l’objet de coopérations au niveau européen.

B. La fonction protection

Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale définit la fonction « protection » comme la capacité de protéger la population et le territoire national.

Cette protection « doit s’exercer face à deux types de risques : les agressions intentionnelles » (tels que les actes de terrorisme, les attaques informatiques majeures et les menaces balistiques) et « les risques non intentionnels » (tels que les crises sanitaires et les catastrophes naturelles ou technologiques).

Face à ces risques, c’est « le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile qui se situe au premier rang » ; néanmoins, les forces armées sont un acteur crucial « dont les missions, les capacités et la réactivité doivent être employées, le moment venu, à l’appui de ce dispositif et selon le cadre d’emploi défini par l’autorité politique ».

Pour pouvoir assurer la protection du territoire et des citoyens, il est nécessaire d’accroître la « résilience » de l’État, c'est-à-dire sa volonté et sa capacité de réagir et de continuer à fonctionner « normalement ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable » (avec ses réseaux de commandement gouvernementaux et ses infrastructures vitales) après l’occurrence des événements critiques.

D’autre part, l’État ne dispose plus directement de tous les leviers pour assurer seul la protection de la population et du territoire ; il doit donc organiser sa relation avec les acteurs publics et privés qui y participent, notamment dans les domaines de l’énergie, des transports ou de la santé publique.

Les activités de contrôle des flux migratoires constituent un volet particulier de la protection qui s’inscrit dans les activités de surveillance des espaces nationaux et qui doit être abordé dans une perspective de coopération européenne (espace Schengen).

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « protection ».

a) Les conséquences sur les « menaces intentionnelles »

Les effets du changement climatique sur les « menaces intentionnelles » sont de nature à amplifier et intensifier ces menaces (« effet multiplicateur »), puisque les conséquences sociales et politiques des évolutions climatiques ont intrinsèquement vocation à aggraver les facteurs de tension intra-étatiques et interétatiques déjà existants, quitte à en créer des nouveaux (comme cela pourrait être le cas dans l’Arctique).

L’ampleur de cette influence dépendra de l’ampleur des changements climatiques qui auront lieu et de leur rapidité.

Les facteurs de tension pourraient s’exprimer par le biais d’attaques terroristes menées par des acteurs non étatiques, mais il est aussi possible qu’ils puissent aboutir à des crises entre États.

Il est possible que ces tensions puissent menacer la sécurité des ressortissants français et européens dans les zones les plus instables et les plus vulnérables aux effets du changement climatique, ce qui implique l’exigence de renforcer les capacités d’intervention pour pouvoir assurer leur évacuation, le cas échéant. Il ne faut pas exclure que des facteurs affectent le territoire même de l’État, non seulement par des actes terroristes, mais aussi par des attaques balistiques ou informatiques.

b) Les conséquences sur les « risques non intentionnels »

Il est très probable que le changement climatique puisse entraîner une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que cyclones et inondations de grande ampleur.

Dans cette perspective, il est clairement envisageable que les exigences de protection du territoire et de la population puissent augmenter de façon très marquée (notamment dans les DROM-COM en raison de leur grande exposition aux risques naturels).

2. Les évolutions de la fonction « protection »

En fonction des potentiels effets multiplicateurs du changement climatique sur  les facteurs de tension intra-étatiques et interétatiques, sur les dynamiques migratoires et sur les phénomènes météorologiques extrêmes, la fonction « protection » est susceptible d’évoluer selon trois axes :

- un renforcement des capacités de surveillance des espaces nationaux dans le domaine du contrôle des flux migratoires, en intensifiant notamment la coopération au niveau européen en ce domaine (agence Frontex), mais aussi les accords bilatéraux avec les pays riverains de provenance (action à court terme) ;

- les récents événements en Afrique du Nord et leurs conséquences potentielles sur les migrations vers les cotes sud de l’Europe ont mis en exergue l’urgence de promouvoir une meilleure prise en compte de ces phénomènes par l’Union européenne, ainsi qu’un renforcement du dispositif européen de contrôle, de gestion des flux et d’accueil, grâce à la fédération en réseau des tous moyens de surveillance disponibles et le partage, au niveau européen, des efforts financiers nécessaires ;

- le prévisible alourdissement des exigences de protection à l’égard des phénomènes météorologiques extrêmes implique quant à lui :

 de penser et réaliser des aménagements du territoire (comme, par exemple, la construction de barrages, etc.) qui puissent permettre d’empêcher l’occurrence des catastrophes ou, a minima, d’en mitiger les effets dévastateurs majeurs ;

 le besoin de renforcer les capacités d’intervention dans les zones frappées par les catastrophes (acquisition de moyens appropriés et leur pré-positionnement, mise en place de réseaux « durcis » de commandement et de gestion de crise).

C. La fonction intervention

L’intervention, telle que définie par le Livre Blanc sur la Défense et la sécurité nationale (71), doit permettre de garantir les intérêts stratégiques du pays et d’assumer ses responsabilités internationales. Il convient d’en prévoir la possibilité sur tout l’éventail possible des actions à distance du territoire national.

Les interventions se déclinent selon le spectre ci-dessous :

- opération spéciale ;

- opération « moyenne » autonome, telle que l’évacuation de ressortissants ou des actions de rétorsion ponctuelles à la suite d’une action directe contre aux intérêts du pays ;

- opération « significative », en particulier le maintien ou le rétablissement de la paix ;

- opération « majeure » à distance du territoire, en alliance ou en coalition.

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « intervention »

L’analyse des conséquences sociales et géopolitiques du changement climatique, montre la probabilité d’une nette augmentation :

- de catastrophes naturelles, tels que des inondations, des tempêtes ou des cyclones(72) : elles affecteront plus particulièrement les côtes, où se trouveront établies des populations de plus en plus importantes(73) ;

- d’États en difficulté, voire faillis, en raison de leur incapacité à faire face aux besoins essentiels de leur population (stress nourricier, stress hydrique, etc.)(74) ;

- dans une moindre mesure, de conflits classiques entre des pays pour lesquels la guerre semblera être la seule issue pour surmonter des tensions internes et externes trop fortes(75).

De ce fait, la fonction « intervention » devrait être particulièrement sollicitée dans la partie intermédiaire de son spectre, celle des opérations « moyennes » et « significatives ».

Tout d’abord l’accroissement des catastrophes naturelles va exiger une multiplication des besoins de concours humanitaires et sanitaires(76). Un bon exemple du profil de ces interventions est fourni par les actions conduites dans le cadre du tsunami de 2005, du cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans et du tremblement de terre de 2010 à Haïti. Hormis le cadre d’une évacuation de ressortissants, qui conservera un caractère national avéré, ces actions de secours aux populations sinistrées seront conduites à plusieurs, vraisemblablement sous la direction du Service européen d’action extérieure (SEAE).

Ensuite, les tensions internes qui se développeront dans les États confrontés à des défis hydriques et nourriciers feront peser une menace importante sur les ressortissants. Les liens historiques et économiques qu’entretient la France avec de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient, bien situés sur cette échelle de risques, se traduiront par le maintien d’une communauté française significative. Elle pourrait même s’accroître en raison des efforts d’aide au développement que la France sera conduite à faire(77). La mise en sécurité et l’évacuation de ces ressortissants deviendront vraisemblablement plus fréquentes(78). Bien que relevant de prérogatives nationales, ces opérations seront couramment conduites en coopération, en particulier européenne.

La déstabilisation des États aux prises avec les revendications de leurs citoyens(79) constituera un autre motif d’opération extérieure et conduira au développement de friches administratives, au sein desquels ne s’exercera plus aucune autorité légale. Selon les régions et leur importance pour la France, cette dernière participera à des missions de stabilisation sociale, dans la durée(80). Il s’agira de contribuer, vraisemblablement dans un cadre européen, au maintien de conditions de vie minimum en attendant le rétablissement d’une gouvernance suffisante.

L’interconnexion entre la multiplication d’États déliquescents, le développement de la piraterie et le stress sur les ressources énergétiques nécessitera par ailleurs une action sur le long terme pour garantir les approvisionnements stratégiques. Les présences françaises à Djibouti et à Abu Dhabi répondent déjà à cette logique. Sur la côte Ouest de l’Afrique, la sécurité de l’exploitation pétrolière au large du Nigeria et des routes maritimes de l’Atlantique Sud, conduira à renforcer la présence navale dans le Golfe de Guinée, tout en coopérant avec les pays riverains dans leur propre lutte contre ces facteurs déstabilisants.

Enfin, les tensions sur les ressources naturelles pourront déboucher sur des conflits interétatiques réels, qu’ils découlent effectivement d’un désaccord sur un enjeu commun(81), ou qu’ils jouent un rôle d’exutoire vis-à-vis des tensions internes(82). Là encore, la localisation des conflits et leur impact potentiel sur les intérêts stratégiques de la France décideront de la participation de cette dernière à une opération d’interposition entre belligérants. Hormis le cas où la France serait engagée par un accord de défense bilatéral, cette intervention aura lieu dans un cadre international.

2. Les évolutions de la fonction « intervention ».

En matière de doctrine, l’inflexion sensible que connaîtra la fonction « intervention » implique de réfléchir à nouveau au Sea Basing. En effet, les dérèglements climatiques risquent de toucher essentiellement les bandes côtières, nécessitant dans un premier temps un secours par la mer et ne permettant pas forcément que cette aide se déploie à terre dans un deuxième temps. L’état des infrastructures portuaires et des réseaux conduira à limiter l’empreinte logistique à terre. Le concept de Sea Basing, qui vise à offrir aux forces navales la capacité à opérer en mer, libérés des problèmes d’accès et de contraintes politiques liés à l’utilisation de bases terrestres en pays étrangers(83), répondra à ce besoin grandissant.

S’agissant de la doctrine également, le Sea Tripwire devrait s’imposer comme cadre global des actions de protection des flux énergétiques. Ainsi, « le perturbateur désigné est désormais moins un État qu’un groupe terroriste dont le seul but est de gêner, voire de suspendre temporairement, la navigation dans une région sensible pour y créer des troubles. Les grandes marines, malgré leurs efforts, sont encore mal outillées pour répondre à ce genre de menaces asymétriques, la collaboration des pays riverains est absolument nécessaire et elle est difficile à obtenir et à gérer. Cette concentration de la menace dans les eaux littorales a entraîné l’émergence d’un nouveau concept qui se rajoute au Sea Control et au Sea Denial : le Sea Tripwire(84) »(85).

En matière d’organisation, la politique d’approche globale doit désormais se concrétiser par une plus grande coopération entre les administrations nationales et européennes. Cette coordination est d’autant plus nécessaire que le futur exigera une plus grande efficience, tandis que le passé a révélé des lacunes importantes(86).

En matière d’équipements, l’exigence d’assistance aux populations côtières, le caractère humanitaire des interventions en cas de catastrophe climatique, ainsi que le caractère logistique des interventions de stabilisation dans les États faillis, feront des unités telles que les bâtiments de projection et de commandement (BPC) les mieux adaptées pour répondre à ces opérations « moyennes » et « significatives ». La capacité de projection rapide et lointaine par la voie des airs devra également être consolidée, tant au niveau national qu’à un niveau européen.

Enfin en matière de répartition des tâches, la multiplication des événements climatiques et des défaillances étatiques militera vraisemblablement pour un partage des zones d’intervention, l’Union européenne se consacrant principalement à la Méditerranée et à l’Afrique.

D. La fonction dissuasion

Le Livre Blanc sur la Défense et la sécurité nationale définit la fonction « dissuasion » comme la possibilité pour le chef de l’état de disposer, de façon indépendante, de moyens adaptés à une grande diversité de situation(87).

La satisfaction de cette fonction repose sur cinq piliers :

- la complémentarité des moyens ;

- la crédibilité technique ;

- la capacité à transmettre les ordres ;

- la sûreté de la composante océanique ;

- les moyens nécessaires à l’accompagnement et au soutien de la composante aéroportée.

1. Les conséquences du changement climatique sur la fonction « dissuasion ».

Dans ses principes, la dissuasion n’est pas directement affectée par le changement climatique et ses effets. Au contraire, le potentiel de crises entre les États pourrait s’accroître et l’existence d’un outil ayant vocation à dissuader de s’en prendre aux intérêts vitaux de la nation française peut garder toute sa pertinence.

En outre, le stress pétrolier, accru par le réchauffement climatique à la fois pour des raisons directes (événements climatiques dans les zones d’exploitation) et pour des raisons indirectes (atteinte des objectifs d’atténuation), pourrait favoriser le développement du nucléaire civil avec un risque important de prolifération nucléaire.

Mais les évolutions prévisibles du climat en Europe au cours du siècle à venir, leurs effets (migrations, inondations, tempêtes,…) et leurs conséquences financières par la mise en place de politiques de prévention ou de compensation(88) (réparations, indemnisations, etc., en particulier en cas de non solvabilité des assurances)(89) pourraient cependant conduire, selon la situation économique du moment, à contraindre de façon importante les budgets de défense.

L’évolution des températures moyennes sur la planète est quant à elle susceptible d’impacter soit directement, soit indirectement (par la modification des propriétés des milieux, comme par exemple la modification de l’acidité des océans) l’efficacité des systèmes d’armes (y compris leur disponibilité).

2. Les évolutions de la fonction « dissuasion ».

Le changement climatique et ses effets, pourraient peser, indirectement, dans les débats de fond qui se présenteront lors des choix futurs de renouvellement des composantes de la dissuasion.

Afin de garantir le niveau de crédibilité de l’outil de dissuasion, il semble nécessaire d’évaluer de façon exhaustive l’impact du réchauffement climatique (selon les différentes hypothèses d’accélération du phénomène) sur les systèmes d’armes, en particuliers pour ceux qui disposent d’une durée de vie importante comme les sous-marins et les aéronefs.

D’une manière plus générale, et quelle que soit la fonction stratégique, l’évolution de l’environnement du cadre d’action des forces mérite une étude globale d’impact du changement climatique sur l’équipement des forces.

TROISIEME PARTIE :
LA NECESSITE DE TRAITER DE L’ENJEU DE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA SECURITE ET LA DEFENSE

I. LES FREINS À LA PRISE DE CONSCIENCE

A. Le climato-scepticisme

Le changement climatique est une réalité qui ne fait plus guère débat. Les études réalisées sur la période qui débute à l’ère industrielle montrent une hausse de la température moyenne de la planète d’environ 1 °C depuis un siècle et demi, avec une augmentation marquée de 0,5 °C depuis quarante ans. La communauté scientifique mondiale, dans sa très grande majorité, s’accorde à dire qu’il y a un réchauffement climatique à l’échelle globale et que celui-ci, à la différence des réchauffements antérieurs qui se sont déjà produits, est très probablement dû à des causes anthropiques. Elle converge également pour dire que le phénomène s’accélérera, même si le taux de cette accélération fait encore l’objet de débats d’experts(90) .

Pourtant, certains auteurs tendant à en relativiser les conséquences à l’extrême, n’hésitant pas à les qualifier de « mythe »(91) : « devant l'ampleur des préoccupations liées au réchauffement de la planète, les stratèges s'intéressent de plus en plus aux conséquences sécuritaires du changement climatique. Des think tanks reconnus publient des études alarmistes sur le sujet. Des ouvrages supposés sérieux évoquent la perspective de futures « guerres du climat ». Un consultant spécialisé n'hésite pas à prédire qu'une augmentation de cinq degrés de la température planétaire moyenne provoquerait un « bain de sang ». L'économiste Nicholas Stern - l'auteur du fameux « rapport Stern » sur les conséquences à long terme du changement climatique (2006) - estime même qu'il y aurait un risque de « guerre mondiale de grande ampleur » si une telle augmentation de la température se produisait. Ce n'est pas tout. L'avènement des « guerres pour l'eau » est annoncé. Et des hordes de « réfugiés climatiques » déferleront bientôt, fuyant leurs terres rendues inhabitables par l'assèchement des sols ou la montée des eaux. Or, comme on va le voir, il y a tout lieu d'être extrêmement circonspect face à de telles prévisions catastrophistes. L'Histoire nous montre que les périodes « chaudes » sont les plus pacifiques. À l'époque moderne, les évolutions climatiques ne sont pas un facteur essentiel pour expliquer le déclenchement des conflits. Et rien n'indique que des « guerres pour l'eau » ou un déferlement de « réfugiés climatiques » se profilent à l'horizon (…) ».

Le climato-scepticisme remet également en cause le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), dont le cinquième rapport du GIEC sera publié en 2014 et dont les missions sont les suivantes :

- évaluer les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au réchauffement climatique d’origine humaine ;

- cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation ;

- procéder, à intervalles réguliers, à une évaluation de l’état des connaissances relatives au changement climatique ;

- élaborer des rapports spéciaux et des documents techniques sur des sujets liés au réchauffement climatique qui nécessitent des informations et des avis scientifiques indépendants ;

- contribuer à la mise en œuvre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) par ses travaux sur les méthodes à appliquer pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre.

Le GIEC est constitué de trois groupes de travail et d’une équipe spéciale :

- le Groupe de travail I évalue les aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat ;

- le Groupe de travail II s’occupe des questions concernant la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et naturels aux changements climatiques, les conséquences négatives et positives de ces changements et les possibilités de s’y adapter ;

- le Groupe de travail III évalue les solutions envisageables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ou atténuer de toute autre manière les changements climatiques ;

- l’équipe spéciale pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre est chargée de mettre en œuvre le Programme du GIEC pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre.

En 2010, le GIEC a cependant été contesté tant sur le fond que sur la forme. La confiance dans ce groupe a été ébranlée suite à des erreurs d’évaluation et des lacunes dans la vérification des documents, comme en témoigne l’erreur relative au dégel dans son quatrième rapport remis en 2007 (fonte des glaciers l’Himalaya d’ici à 2035)(92), ou à des interprétations de fuites de courriels. Des climatologues de renom ont invité le GIEC à se réformer. L’un des contributeurs(93) du quatrième rapport du GIEC a ainsi suggéré de le remplacer par une « Agence internationale du Climat ».

L’ONU a affirmé que ces erreurs ne démentaient en rien la véracité des conclusions du GIEC : les scientifiques sont à 90 % certains que le réchauffement climatique observé au cours des cinquante dernières années est imputable à l’activité humaine.

Si le président du GIEC(94) admet l’erreur commise par le panel d’experts sur les glaciers himalayens, il avance que les lobbies de l’énergie sont très actifs pour freiner les mesures d’atténuation du changement climatique. Selon lui, « il est clair que le monde ne fait pas assez pour abaisser les émissions de CO2. Pourtant, les travaux du GIEC ont montré que plus on attend, plus les coûts seront élevés et pire seront les impacts. Et nous avons clairement mis en lumière les bénéfices conjoints d’une réduction des émissions en termes de sécurité énergétique, de qualité de l’air, de production agricole, de création d’emplois… »(95).

Mais, la fonte des glaciers de l'Himalaya suscite désormais une nouvelle controverse. Allant à l'encontre de tous les derniers rapports sur les effets du réchauffement climatique, une nouvelle étude a récemment affirmé que « les pics les plus enneigés du monde, qui courent de l'Himalaya aux monts Tian, à la frontière entre la Chine et le Kirghizistan, n'ont pas perdu de glace au cours de la dernière décennie »(96). Selon le rapport(97), la fonte des glaciers de l'Himalaya et d'autres régions montagneuses d'Asie, soit 30 % des glaciers du monde, aurait été limitée à 4 milliards de tonnes par an entre 2003 et 2010, soit bien moins que les précédentes estimations qui tablaient sur 50 milliards de tonnes annuelles. Ainsi, les sommets asiatiques auraient bel et bien fondu mais la perte de glace aurait été largement compensée par de nouvelles chutes de neige, ensuite transformée en glace.

La différence de prévision est liée au fait que, contrairement aux autres études (qui se basaient essentiellement sur des mesures au sol sur quelques centaines de glaciers censés représenter l'ensemble des 200 000 pics du monde), l'équipe de chercheurs du Colorado s'est servie des mesures effectuées par les deux satellites Grace (Gravity recovery and climate experiment), qui orbitent depuis 2002 à près de 500 kilomètres d'altitude pour détecter d'infimes variations de la masse et de la gravité terrestre. Grâce à ces données, ils ont été les premiers à étudier les changements sur l'ensemble des glaciers et calottes glacières du monde. Auparavant, dans l'Himalaya notamment, les glaciers de basse altitude, beaucoup plus accessibles pour les scientifiques, ont été plus fréquemment inclus dans les mesures alors qu'ils étaient ceux qui fondaient le plus vite.

Ce biais a été confirmé par un récent rapport du Centre international de mise en valeur intégrée des montagnes(98) : « parmi les 54 000 glaciers de la région de l'Himalaya, seulement dix ont été étudiés suffisamment régulièrement pour déterminer la perte ou le gain de glace et neige au fil des années. Cette poignée d'études montre une perte de masse, dont le taux a doublé entre 1980 et 2000, ainsi que entre 1996 et 2005. »

Si la question de la vitesse du recul des glaciers de l'Himalaya reste incertaine, la fonte des autres calottes glaciaires à travers le monde demeure une grave préoccupation : « nos résultats, et ceux de toutes les autres études, montrent que nous perdons une quantité énorme de glace dans les océans chaque année. Les préoccupations en ce qui concerne le changement climatique ne sont pas exagérées »(99).

B. Les difficultés liées aux incertitudes

1. L’incertitude à l’égard des évolutions futures

Cette incertitude relève, d’une part, de la complexité des interactions entre les nombreux facteurs qui jouent un rôle dans la « machine climatique » terrestre et, d’autre part, des difficultés dans la prévision des évolutions futures des activités humaines et des choix technologiques qui influencent ces facteurs, autant au niveau régional que sur une échelle globale.

Il en découle que les prévisions les plus fiables dont on puisse disposer(100) envisagent des fourchettes d’incertitudes assez larges à l’égard de l’augmentation de la température moyenne terrestre et de la hausse du niveau des océans. Ces incertitudes, couplées au fait qu’il s’agit de prévisions à l’horizon 2100(101), se traduisent par une absence de données prévisionnelles utiles pour la décision et la planification.

2. Des effets à l’échelle globale, avec des différentiations très marquées au niveau régional

Un réchauffement beaucoup plus marqué est envisagé dans les régions polaires, que dans les zones subtropicales ; l’Atlantique du Nord, par exemple, montrerait quant à lui plutôt une tendance au refroidissement.

Par ailleurs, les effets du changement climatique pourraient même se révéler bénéfiques en certaines régions de la planète. Ainsi, par exemple, une partie significative de la Sibérie et du Canada pourrait devenir cultivable. De même, la fonte des glaces arctiques pourrait ouvrir aux activités d’exploitation humaine (tels que les transports maritimes ou l’exploitation des ressources énergétiques et halieutiques) des zones de mer inaccessibles jusqu’à maintenant.

Les incertitudes locales, dans un contexte global qui n’est pas remis en cause, devraient conduire à une analyse plus précise de la vulnérabilité potentielle de certaines régions stratégiques pour la France ou l’Union européenne.

3. Un effet « multiplicateur » et « intensificateur » des facteurs de tension

Les conséquences sociales et politiques du changement climatique ont intrinsèquement vocation à amplifier les facteurs de tension intra-étatiques et interétatiques déjà existants. L’ampleur de cette influence dans une zone géographique donnée dépendra de l’ampleur des changements climatiques qui y auront lieu et de leur rapidité.

Par ailleurs, il n’est pas à exclure que, dans certaines régions, le changement climatique puisse faire émerger de facteurs de tension nouveaux, comme cela pourrait être le cas en Arctique.

Selon les régions considérées, on peut retenir que les effets du changement climatique sont de nature à multiplier et intensifier :

- les compétitions pour les territoires et pour l’accès aux ressources hydriques, énergétiques et alimentaires (terres cultivables, ressources halieutiques) ;

- les phénomènes migratoires ;

- les risques de prolifération nucléaire, si un nombre croissant de pays se tournent vers le nucléaire civil pour des raisons climatiques et énergétiques ;

- les postures critiques/conflictuelles des pays moins développés(102) à l’égard des systèmes de gouvernance internationale et des pays occidentaux, perçus à la fois comme les principaux responsables du problème climatique et comme acteurs éminemment intéressés à en tirer des avantages au détriment du « Sud du monde ».

II. LA NÉCESSAIRE MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE DE GESTION DES RISQUES LIÉS AU CHANGEMENT CLIMATIQUE PAR LES POUVOIRS PUBLICS

A. Une problématique inégalement prise en compte

1. Au niveau national

a) Les États-Unis : en pointe

Aux États-Unis, les examens quadriennaux de la Défense, les Quadrennial Defense Review (QDR), sont des documents d’orientation stratégique et de planification produits depuis 1997 par le Pentagone à la demande du Congrès. À travers ces documents, le ministère de la défense expose sa vision des enjeux sécuritaires et des menaces auxquels les armées américaines doivent faire face. Étant donné le rôle majeur de la puissance militaire dans la politique étrangère des États-Unis, de tels documents sont particulièrement significatifs.

Début février 2010, le gouvernement américain a ainsi présenté son dernier Quadrennial Defense Review. Quatrième exercice du genre, après ceux de 1997, 2001 et 2006, le QDR 2010 analyse notamment l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense. Pour la première fois, il cite le changement climatique en tant qu'enjeu stratégique « qui jouera un rôle majeur dans l’avenir de l’environnement sécuritaire ». La volonté d’adapter les forces américaines aux défis de l’environnement international dans lequel elles doivent opérer, exprimée par le document, inclut donc désormais cette problématique, au plus haut niveau de l’État.

Le Pentagone s’intéresse de près à ce sujet depuis quelques années. Un rapport de 2003 intitulé « Le scénario d’un changement climatique brutal et ses implications pour la sécurité nationale des Etats-Unis », élaboré par Peter Schwartz, consultant de la CIA et ancien responsable de la prospective à la Royal Dutch Shell, recommandait déjà, en 2003, au ministère de la défense américain de faire du changement climatique un enjeu de sécurité nationale, partant du principe que toutes les projections attestent que les pénuries d’eau potable entraîneront inévitablement des conflits et des perturbations continuelles de sécurité dans les prochaines années. Par ailleurs, les militaires américains réfléchissent sur la manière dont leurs forces pourraient être amenées à intervenir dans des conflits lointains ayant l’eau pour cause. Plus généralement, les instituts de recherche stratégique américains ont apporté, ces quatre dernières années, la plus grande attention à la problématique de la raréfaction des ressources en eau et aux implications politico-militaires qui en résulteront.

En 2009, la CIA avait déjà publié un rapport sur les effets du changement climatique pour la sécurité des États-Unis. La quatrième édition du Rapport du Centre du Renseignement Américain, portant sur la prévision des enjeux majeurs à venir, tentait de prédire l’avenir du monde dans une perspective de quinze à vingt ans, soit d’ici à 2025. Mais davantage que de prédire l’avenir, l’intérêt de cet ouvrage était de mettre en lumière les véritables enjeux du monde à venir, les principaux facteurs à prendre en compte afin d’éviter de futurs conflits et des situations de stress intense. L’importance de la question climatique a dès lors été remise au centre des préoccupations. Dans ce document, le directeur de la CIA(103) évoque la nécessité de mesurer l’impact de ces changements sur la puissance américaine du point de vue géopolitique, militaire et économique. Il prévient également de l’augmentation des tensions et des conflits à venir dans l’accès aux ressources naturelles. Le rapport faisait passer le message suivant : « Si l’orientation que paraissent prendre les évènements répond à vos attentes, vous souhaiterez peut-être agir pour maintenir ce cap que vous jugez positif. Si l’avenir qui semble s’annoncer vous déplaît, il vous incombe de développer et de mettre en œuvre des politiques capables de rectifier le cap »(104).

La CIA a également mis en place, en septembre 2009, une cellule consacrée au réchauffement climatique et à ses conséquences pour la sécurité des États-Unis. Cette « petite unité » doit se consacrer à « l'impact du réchauffement pour la sécurité nationale via des phénomènes tels que la désertification, la montée du niveau des océans, les déplacements de population et la concurrence accrue pour les ressources naturelles »(105). Le nouveau « Centre sur le changement climatique et la sécurité nationale » devra également conseiller les responsables du pays lors de la négociation d'accords internationaux liés à l'environnement.

Ainsi, aux États-Unis, le réchauffement climatique n’est plus simplement qu’une question environnementale, c’est devenu un enjeu stratégique majeur.

b) Le Royaume-Uni : le plus avancé sur cette question au sein de l’Union européenne

Le Royaume-Uni a parfaitement pris conscience qu’il existe de nombreuses menaces dans le monde en développement (sécurité, population, énergie, etc.), sur lesquelles le changement climatique aura un effet multiplicateur.

Le Gouvernement britannique identifie trois éléments déterminant l’impact du changement climatique en matière de sécurité :

- la sécurité alimentaire ;

- la sécurité énergétique ;

- la sécurité liée à l’eau.

En octobre 2006, la secrétaire d’État aux affaires étrangères(106) avait souligné que « le réchauffement climatique n’est pas uniquement une question environnementale. C’est également un problème de Défense ». Le 10 mai 2007, elle appelait officiers généraux, hauts fonctionnaires, et chefs d’entreprises présents dans l’assistance à se mobiliser sur la problématique du changement climatique et à en analyser méthodiquement les conséquences pour les armées et les intérêts stratégiques de la nation : « refuser aujourd’hui d’admettre que le changement climatique est une affaire de sécurité, c’est, selon moi, suivre les pas de ceux qui, en 1920, ont refusé de reconnaître les conséquences des réparations sur l’avenir de l’Europe »(107).

Ces prises de position expliquent notamment l’augmentation des moyens humains et financiers alloués par la politique extérieure de la Grande-Bretagne au secteur de l’eau et de l’assainissement, sans toutefois que ceux-ci n’atteignent le niveau des engagements financiers américains, les plus importants du monde(108).

Un conseil de sécurité nationale a été créé après les dernières élections ; il est présidé par le ministre chargé d’analyser les menaces nouvelles, en particulier celles liées au changement climatique et à la sécurité énergétique. Pour les organisations spécialisées, l’objectif est de développer une « sécurité durable » en modifiant l’approche traditionnelle « défense et sécurité », afin d’avoir une vision plus préventive que réactive, par une approche intégrée (militaire, énergétique et écologique), par exemple, en analysant les impacts du changement climatique dans les domaines géopolitique, stratégique et opérationnel (intervention militaire et aide humanitaire), une réflexion coordonnée étant un préalable à une action coordonnée.

c) Au niveau français, une problématique qui gagnerait à être davantage prise en compte par le ministère de la défense

Selon le ministère de la défense, la première catégorie d’effets du changement climatique est la conséquence des mesures à prendre par anticipation dans le but de réduire les émissions des GES. Il s’agit de l’ensemble des mesures visant à réduire l’empreinte carbone. Ce sont donc des mesures d’adaptation qui visent pour le ministère de la défense, d’une part à diminuer en valeur absolue d’un facteur 4 sa contribution aux rejets de GES à l’horizon 2050, et d’autre part à garantir l’efficacité de son dispositif.

Le ministère considère cependant que le changement climatique ne bouleversera pas sa stratégie de sécurité et de Défense, mais l’oblige à intégrer un nouveau facteur de développement des crises. Le changement climatique apparaît simplement comme une variable supplémentaire sur laquelle pèse une incertitude que la science sera en mesure d’affiner progressivement, même s’il serait souhaitable d’initier dès maintenant des études permettant d’évaluer les conséquences du changement climatique et d’identifier des plans d’actions pour l’avenir du ministère.

Ainsi, dans le domaine de l’anticipation des effets du changement climatique, il semble que la priorité du ministère de la défense réside d’abord dans l’accélération de la prise en compte de la réduction des gaz à effets de serre, dans la mesure où les études montrent qu’un retard dans ce domaine pèserait lourdement sur les crédits de la défense à l’horizon 2020.

Conscient du fait que le changement climatique a pourtant fait prendre conscience chez certains des alliés (États-Unis et Royaume-Uni) de la nécessité de se doter d’outils de gestion du risque, le ministère de la défense considère que la complexité de l’analyse des crises (en raison de la multiplicité des facteurs et de leur complexité) nécessiterait le développement d’outils de modélisation que seules des coopérations internationales (et prioritairement européennes) pourraient fournir.

Certes, l’augmentation prévisible de phénomènes extrêmes, un peu partout dans le monde, y compris en Europe, nécessitera selon lui, à la lumière d’études approfondies, de développer ou d’adapter les moyens d’intervention à la nature de certaines crises conséquence du changement climatique (moyens de transport hélicoptères lourds, moyens de traitement ou désalinisation d’eau, etc.). D’autre part, cette augmentation conjuguée au poids financier de ces phénomènes et des mesures de réduction des GES pourrait induire une répartition des zones d’intervention entre grandes nations ou organisations régionales (l’Europe verrait alors son domaine d’intervention préférentiel limité à l’Afrique, le Proche et le Moyen-Orient).

Le ministère de la défense a ainsi pris conscience de la nécessité de mener des études approfondies sur les effets du changement climatique sur l’outil de Défense, afin de garantir son efficacité. Il s’agirait d’évaluer, pour les différents scénarii de réchauffement, les impacts physiques sur les systèmes d’armes d’une part, et sur les concepts d’autre part.

Sur le plan sécuritaire, compte tenu des risques significativement accrus par le changement climatique en matière de flux migratoires vers l’Europe (en provenance des pays du sud du bassin méditerranéen), il conviendrait d’étudier à tous les niveaux institutionnels le renforcement des moyens de lutte contre l’immigration clandestine et d’aide aux pays du voisinage européen (coopération institutionnelles renforcées, dispositifs et moyens Frontex, aide au développement économique, etc.).

Dans le rapport « développement durable 2009 » du ministère de la défense, seul un encadré aborde le thème des conséquences géostratégiques du changement climatique, qui pourrait accroître les demandes d’interventions humanitaires gérées par des militaires ; mais cette thématique est absente du même rapport portant sur l’année 2010.

Extrait du rapport « développement durable » 2009 du ministère de la défense (1/2)

LES CONSÉQUENCES GÉOSTRATÉGIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

La modification durable du climat, due à des processus intrinsèques à la planète, à des influences externes ou à l'activité humaine, induit un nouveau paradigme dans la géopolitique contemporaine. Ce dernier peut se résumer à travers trois conséquences du changement climatique : environnementales, humaines et des modes de gouvernance.

Le changement climatique crée des contraintes physiques nouvelles, forçant ainsi l'homme à s'adapter et inventer de nouveaux modes de gouvernance :

• gouvernance de la rareté : les tensions déjà existantes et liées à l'accès aux ressources rares vont s’accentuer, ressources alimentaires, énergétiques, l'eau, minerais, etc. ;

• gouvernance de la solidarité : le changement climatique va renforcer les fragilités déjà existantes dans certains pays, à travers la sécheresse, le stress hydrique dans des zones déjà en souffrance. Ainsi, il va discriminer les États qui ne ressentiront pas ses effets de la même façon de par le globe : entre les régions déjà touchées par la sécheresse et celles menacées par les inondations comme les zones littorales, mettant en évidence leur vulnérabilité.

Le changement climatique va accélérer les phénomènes climatiques extrêmes, et voir le niveau de la mer s'élever. Ces événements provoqueront des mouvements de population importants, objet de préoccupation sécuritaire majeure.

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Extrait du rapport « développement durable » 2009 du ministère de la défense (2/2)

LES CONSÉQUENCES GÉOSTRATÉGIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

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Par les effets induits et décrits ci-dessus, le changement climatique place les États face à leur propre capacité de résilience, les obligeant à revoir leurs mécanismes de gestion de crise, que ce soit pour des zones inondées ou des déplacements importants de population. Ce nouveau contexte remet aussi en cause les équilibres Nord-Sud et les modes de coopération tels que pensés jusqu'à aujourd'hui. Il impose donc à l'État de s'adapter et d’inventer de nouvelles solutions.

Enfin, le changement climatique s'adresse à un premier niveau de responsabilité : celui de «l'homme citoyen». Plus qu'un débat entre experts, le changement climatique commence à avoir, en effet, un impact sur la biodiversité. Il rappelle in concreto à l'homo virtualis de nos temps modernes sa place réelle et sa responsabilité dans son environnement naturel.

Le changement climatique est, clairement et sérieusement, identifié comme un facteur d’instabilité et de conflits dans le monde (en octobre 2009, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord avait établi ce constat). Le risque de multiplication des phénomènes extrêmes liés au réchauffement (sécheresses, inondations, cyclones…) pourrait accroître les demandes d’interventions humanitaires gérées par des militaires.

Le thème du changement climatique n’est pourtant pas ignoré des organismes en charge de la prospective, puisque le document de la délégation aux Affaires stratégiques du ministère de la défense (DAS)(109), intitulé « Préparer les engagements de demain - 2035 » aborde (au paragraphe II.1.8) l’environnement physique global, notion qui englobe le changement climatique. Cependant, le contenu de ce paragraphe reste assez limité, et est loin de décrire l’importance et les impacts éventuels du changement climatique : « à l’horizon 2035, le changement climatique, dû notamment au gaz à effet de serre, ne devrait pas conduire à des ruptures majeures. Les risques d’origine climatique résident dans l’augmentation du nombre et de l’ampleur des catastrophes naturelles, et dans le renforcement de la vulnérabilité des pays pauvres du Sud, en raison de leurs faibles capacités d’adaptation et de leurs niveaux de ressources. »

En avril 2011, au sein du CHEM(110), un groupe de travail a rendu une note de synthèse(111).

Enfin, le laboratoire de l’IRSEM(112) a publié en juillet 2011 une « réflexion stratégique sur le changement climatique et ses implications pour la défense ».

Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense (1/3)

IRSEM - Edition Juillet 2011

RESUME

Le changement climatique est l'un des aspects du changement global rapide auquel sont soumis aujourd'hui notre environnement naturel et nos sociétés. Cette étude, initiée par l'IRSEM, identifie quelques conséquences stratégiques pour la défense et suggère des pistes de réflexion et certaines recommandations, pour une meilleure prise en compte du changement climatique par les acteurs de la défense.

Ces propositions s'inscrivent dans la logique des fonctions stratégiques spécifiées dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN), notamment la connaissance et l'anticipation, la prévention et l'intervention.

Un besoin de réflexion stratégique et prospective

Il existe en France, peu de documents de prospective établissant le lien entre la thématique du changement climatique et l'évolution des moyens de la défense nationale à moyen et à long terme.

L'ampleur du sujet justifierait qu'au delà de la présente étude, une réflexion stratégique systématique soit conduite pour en déduire un plan d'actions. Elle pourrait être publiée sous la forme d'un document officiel du ministère de la défense, à l'instar de ce que fait le ministère de la défense britannique. Le prochain LBDSN l'intégrerait.

Un nouveau contexte géopolitique susceptible de modifier les missions

Le changement climatique pourrait accentuer les risques naturels et sanitaires, modifier la répartition des ressources en eau et affecter la sécurité alimentaire. Les zones géographiques de plus grande vulnérabilité à ces risques comprennent la rive Sud de la Méditerranée, l'Afrique centrale et la Corne de l'Afrique, des régions d'Asie jusqu'à l'Asie du Sud-Est et l'Indonésie. Certaines de ces régions sont au delà des 10 000 km actuellement considérés par la France comme distance maximale pour des scénarios de projection de forces.

Il est recommandé qu'à l’occasion de l’actualisation du LBDSN soient examinés, dans un cadre interministériel, des scénarios de crises lointaines et longues, l'opportunité d’assigner éventuellement ces nouvelles missions aux forces armées françaises, d’étudier l'interopérabilité avec les moyens civils et les conséquences sur les moyens militaires, le tout dans un cadre multinational.

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Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense (2/3)

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Des régions littorales et grands deltas(113) - comme les régions du Gange et du Mékong – ou encore l'Arctique avec l'ouverture de nouvelles voies maritimes pourraient devenir des théâtres d'opérations. Des études spécifiques pourraient être conduites pour cerner les zones à risque et mieux connaître ces nouveaux environnements.

Si les scénarios les plus pessimistes du changement climatique se réalisaient au cours du XXIe siècle, des migrations environnementales concernant des centaines de millions de personnes pourraient se produire. Ces scénarios extrêmes restent peu étudiés. Une réflexion prospective pourrait favoriser l'appréhension régionale des risques et l'ébauche de scénarios de solutions. Cette problématique dépasse le champ classique des études de défense et concerne la sécurité globale.

Un nouveau contexte pour l'économie de la défense

La défense, dans son fonctionnement courant, est soumise au même titre que n’importe quel autre acteur, à un environnement économique et sociétal modifié par les politiques de développement durable et les politiques relatives à l'énergie et au climat. La stratégie nationale et ministérielle de développement durable (SNDD) traite déjà ces aspects.

Dans une perspective d'économie et d’une meilleure gestion, le recours accru aux énergies renouvelables pourrait réduire certaines dépendances énergétiques extérieures, les aléas associés et la volatilité des coûts notamment logistiques tout en accroissant l'autonomie. L'un des objectifs du recours aux énergies renouvelables est le développement de l'autonomie énergétique sur les théâtres d'opérations extérieures. Accroître l'autonomie, c'est aussi réduire les flux logistiques et certaines vulnérabilités des forces déployées. Les études sur l'emploi des énergies renouvelables pourraient être accentuées.

L'évolution des équipements et de leurs conditions d'emploi

Les équipements de défense sont actuellement conçus selon des normes d’environnement suffisamment sévères pour ne pas être remises en cause par des évolutions climatiques. Toutefois, à long terme, les modifications, même mineures, de certaines conditions d’environnement affecteront les performances de certains systèmes : par exemple, la capacité d’emport des hélicoptères diminue avec l'augmentation de la température, et les performances des sonars dépendent de caractéristiques physiques de l'océan comme la température et l'acidité. Des études spécifiques relatives à ces systèmes, particulièrement sensibles aux conditions d’environnement, pourraient être conduites. …/…

Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense (3/3)

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Les modifications du contexte réglementaire et technologique risquent d'influer largement la conception et l’utilisation des équipements de défense. Ainsi, des règlements visant à maîtriser les émissions de gaz à effet de serre (GES) pourraient, par exemple, contraindre la fabrication et la mise en oeuvre d'équipements comme les dispositifs d'extinction d'incendie et les dispositifs frigorifiques.

Le marché des technologies civiles évoluera pour s’adapter au double enjeu de l’énergie et du changement climatique. Les équipements de défense étant composés d’une part de plus en plus importante de composants civils, seront naturellement concernés par cette évolution. Cette dualité peut constituer une opportunité pour les matériels de défense car ils bénéficieront alors de performances environnementales accrues sans surcoût particulier. A contrario, cette évolution du marché civil peut également représenter un risque important si ces technologies civiles plus vertueuses ne sont pas compatibles avec les exigences du monde militaire. Dans l’avenir, la défense devra s'adapter aux nouveaux carburants disponibles sur le marché mondial.

Enfin, à long terme, l'évolution des missions et des zones d'intervention risque de faire appel à de nouvelles capacités et à de nouveaux types d'équipements. Des études sont donc nécessaires quant aux concepts de forces et aux équipements adaptés à des milieux tels que l'Arctique, certaines zones littorales et deltas, comme les régions du Gange et du Mékong.

La réduction des émissions de GES

La durée des cycles de vie des équipements militaires est très longue. Une grande partie du parc qui sera en service jusqu'en 2050 est déjà conçue et déterminée, et échappe donc largement à la « maîtrise » des consommations énergétiques par les acteurs de la défense.

Le nombre et l'intensité des opérations auxquelles la défense pourrait être amenée à faire face est un paramètre majeur des consommations en hydrocarbure. Dans tous les cas, ceci dépendra in fine de situations et de décisions politiques échappant à toute modélisation et prévision.

Les seules marges de progrès pour la réduction des émissions de GES liées aux activités spécifiquement militaires résident, pour le très long terme, dans les objectifs à assigner lors de la conception des nouveaux programmes d'armement quant à l'empreinte carbone des équipements dans leur cycle de vie. Pour le court terme, elles résident dans certaines optimisations relatives à la mise en oeuvre des matériels comme par exemple la formation du personnel à l'éco-pilotage, le recours accru aux simulateurs dans le cadre de l'entraînement ou encore l'optimisation de la logistique.

Il est cependant précisé en avertissement que « les membres de ce groupe de travail s’expriment en leur nom propre. Leurs propos ne sauraient engager, ni l'IRSEM, ni le ministère de la défense, ni aucun des organismes auxquels ils sont rattachés. (…) Les idées, opinions ou recommandations formulées dans le présent rapport ne sauraient en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle. »

Notons, enfin, la création récente d’un poste de chargée de projet prospective/environnement/climat/énergie à la délégation aux affaires stratégiques du ministère de la défense.

Ainsi, s’il efforce de lutter contre le réchauffement climatique et l’émission des gaz à effet de serre, le ministère de la défense ne semble pas avoir pris en compte la problématique du changement climatique et de la sécurité dans toutes ses dimensions.

2. Au niveau international

a) L’ONU, instrument clef de la recherche d’une solution aux changements climatiques

Rappelons que la Conférence annuelle des Parties est le point névralgique des négociations climatiques.

Les négociations climatiques internationales se basent sur le texte fondateur de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) signée à Rio en 1992. Cette Convention établit les principes des négociations climatiques. Pour convenir de leur réalisation concrète, les pays signataires de la Convention se réunissent chaque année au cours d’une Conférence des Parties (Conference of the Parties, COP).

En 1997, la COP tenue à Kyoto a abouti à la signature du protocole éponyme qui fixe pour la première fois un objectif de réduction de 5 % des émissions de gaz à effet de serre de 39 pays développés sur la période 2008-2012 par rapport à 1990.

Le 20 juillet 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est officiellement alarmé de l’impact du réchauffement climatique en matière de sécurité, par une déclaration(114) intitulée « le Conseil de sécurité craint que les effets des changements climatiques n’aggravent « à long terme » les menaces à la paix et à la sécurité internationales » et sous-titrée « M. Ban Ki-moon appelle les pays développés et les puissances émergentes à jouer leur rôle dans la lutte contre les changements climatiques ».

Il y est indiqué que « le Conseil de sécurité réaffirme la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui lui incombe en vertu de la Charte des Nations unies. Le Conseil souligne qu’il importe de mettre en place des stratégies de prévention des conflits.

Le Conseil est conscient de la responsabilité qui incombe à l’Assemblée générale et au Conseil économique et social pour ce qui a trait au développement durable et notamment aux changements climatiques.

Le Conseil souligne la résolution 63/281 de l’Assemblée générale en date du 3 juin 2009, qui réaffirme que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est l’instrument clef de la recherche d’une solution aux changements climatiques, rappelle les dispositions de cet instrument, notamment la reconnaissance que le caractère planétaire des changements climatiques requiert de tous les pays qu’ils coopèrent le plus possible et participent à une action internationale efficace et appropriée, selon leurs responsabilités communes mais différenciées, leurs capacités respectives et leur situation économique et sociale, et invite les organes concernés de l’Organisation des Nations Unies à redoubler d’efforts, selon qu’il conviendra, et dans le cadre de leurs mandats respectifs, pour s’intéresser et faire face aux changements climatiques, notamment aux répercussions que ceux-ci pourraient avoir sur la sécurité.

Le Conseil prend note de la résolution 65/159 adoptée par l’Assemblée générale le 20 décembre 2010 et intitulée « Sauvegarde du climat mondial pour les générations présentes et futures ».

Le Conseil note qu’en réponse à la demande formulée par l’Assemblée générale dans sa résolution 63/281, le Secrétaire général a présenté à cette dernière un rapport intitulé « Les changements climatiques et leurs répercussions éventuelles sur la sécurité » (A/64/350).

Le Conseil craint que les effets préjudiciables éventuels des changements climatiques puissent, à long terme, aggraver les menaces existantes à la paix et la sécurité internationales.

Le Conseil exprime sa préoccupation devant les répercussions que la perte de territoire de certains États par suite de l’élévation du niveau de la mer pourrait avoir sur la sécurité, en particulier dans les petits États insulaires de faible altitude.

Le Conseil note que, pour les questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont il est saisi, l’analyse des conflits et l’information contextualisée concernant, entre autres, les répercussions des changements climatiques sur la sécurité sont importantes lorsque de tels vecteurs de conflit rendent difficile la mise en œuvre du mandat du Conseil ou compromettent la consolidation de la paix. À cet égard, il demande au Secrétaire général de veiller à ce que les rapports qu’il lui présente contiennent cette information contextualisée. »

Le 23 novembre 2011(115), le secrétaire général de l'ONU(116) a de nouveau tiré la sonnette d'alarme sur l'impact du changement climatique sur la sécurité internationale, devant les membres du Conseil de sécurité : « aucun de ces défis n'est nouveau. Ce qui est nouveau, c'est qu'ils sont de plus en plus transnationaux, de plus en plus aigus et qu'ils ont une plus grande implication pour les êtres humains et les États et pour la sécurité régionale et internationale » ; « aucun pays, aucune région, aussi puissante puisse-t-elle être, ne sera en mesure d'affronter ces menaces. Cela ne peut être réglé que grâce à la coopération régionale et internationale. Les Nations unies vont continuer à jouer un rôle clé en favorisant cette coopération ».

Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés(117) a pour sa part mis en garde les membres du Conseil de sécurité sur la menace croissante sur la paix et la sécurité internationale posée par le changement climatique : « il est inutile de poser la question simpliste sur le nombre de personnes qui seront déplacées par le changement climatique (…) nous devrions plutôt répondre à un problème plus complexe sur la façon dont le réchauffement de la planète, la montée du niveau des océans, les changements météorologiques et d'autres manifestations du changement climatique interagissent, voire renforcent, d'autres déséquilibres à l'échelle mondiale. Ces facteurs deviennent alors de puissants générateurs d'instabilité, de conflit et de déplacement de population ».

Il a notamment cité la compétition pour les ressources rares comme l'eau et les terres cultivables comme étant des causes potentielles à la fois de conflit et de déplacement de populations.

Il a également évoqué les risques pour la citoyenneté encourus par des personnes forcées d'abandonner leurs petits États insulaires du fait de la montée du niveau des océans, et le lien devenant de plus en plus concret entre le changement climatique et les inondations ou d'autres catastrophes naturelles, qui auraient déplacé plus de 40 millions de personnes en 2010.

Enfin, il a appelé les membres du Conseil de sécurité à adopter des mesures immédiates pour limiter l'ampleur des conséquences du changement climatique générant le conflit et le déplacement. Il a souligné l'importance pour la communauté internationale de mettre en œuvre un programme de soutien pour aider les pays les plus pauvres à s'adapter et à faire face : « assurer ce soutien est un impératif humanitaire. Il y va également de notre intérêt commun », concluant que « si le changement climatique n'est pas encadré, et si nous échouons dans la recherche de solutions durables pour les populations déplacées, nous créerons les conditions pour de nouvelles atteintes à la paix et à la sécurité internationales ».

b) L’OTAN : une instance peu appropriée à la problématique du changement climatique et de la sécurité

Les trois piliers du conseil stratégique de l’OTAN sont les suivants :

- défense et dissuasion ;

- opérations (gestion de crises) ;

- sécurité internationale et coopération (dont la prise en charge des défis émergents).

C’est le premier pilier, la sécurité collective, qui est prioritaire. La question de l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense est donc périphérique par rapport à la mission principale de l’OTAN, ce qui laisse à penser qu’au niveau international, cette problématique relève davantage de l’ONU.

Néanmoins le 19 novembre 2010, au sommet de Lisbonne, l’OTAN a adopté un nouveau concept stratégique qui servira de feuille de route à l’Alliance pour les dix années à venir, et qui confirme à nouveau que l’engagement pris de se défendre mutuellement contre toute attaque reste le socle de la sécurité euro-atlantique. Ce concept stratégique(118) pour la défense et la sécurité des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, adopté par les chefs d’État et de gouvernement, aborde pour la première fois la thématique de la sécurité et du changement climatique.

Sa préface indique que « nous, chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance, sommes déterminés à ce que l’OTAN continue de jouer son rôle unique et essentiel, qui est de garantir notre défense et notre sécurité communes. Le présent concept stratégique guidera la prochaine phase de l’évolution de l’OTAN, afin qu’elle continue d’être efficace dans un monde changeant, face à de nouvelles menaces, forte de capacités nouvelles et de partenaires nouveaux ». Le document confirme l’engagement pris par les pays de se défendre mutuellement contre une attaque, y compris contre les menaces nouvelles qui pèsent sur la sécurité des citoyens. Il engage l’Alliance à prévenir les crises, à gérer les conflits et à stabiliser les situations postconflit, notamment en travaillant plus étroitement avec les partenaires internationaux, au premier rang desquels les Nations Unies et l’Union européenne.

Son point no 15 précise que « des contraintes majeures en termes d’environnement et de ressources, dont les risques sanitaires, le changement climatique, la raréfaction de l’eau et l’augmentation des besoins énergétiques, contribueront aussi à dessiner l’environnement de sécurité futur dans des régions d’intérêt pour l’Alliance et pourraient affecter considérablement la planification et les opérations de l’OTAN ».

3. L’Union européenne 

L’Union européenne a inscrit, dès 2003, dans sa stratégie sécurité européenne, le changement climatique comment un élément à étudier en la matière. Le dossier est réapparu sur le devant de la scène en 2011, comme en témoignent les conclusions du Conseil du 18 juillet 2011.

Conclusions du Conseil de l’Union européenne sur la diplomatie en matière de climat menée par l'Union européenne

3106e session du Conseil AFFAIRES ETRANGERES ; Bruxelles, 18 juillet 2011

Le Conseil a adopté les conclusions suivantes:

« 1. Le changement climatique représente à l'échelle planétaire un défi en matière d'environnement et de développement. Outre ses effets les plus immédiats, il a d'importantes répercussions sur la sécurité, car il agit comme un "multiplicateur de menace", en ce sens qu'il exacerbe les tensions sur les prix des terres, de l'eau, des denrées alimentaires et de l'énergie, et est source de pressions migratoires et de désertification. Il constitue une menace pour la croissance, la prospérité et la stabilité au niveau mondial.

2. Le Conseil estime que l'Union européenne doit agir dès maintenant, afin de contribuer à réduire les risques systémiques résultant du changement climatique avant qu'ils ne déclenchent des crises, et qu'il convient d'encourager les partenaires de l'UE à faire de même. La principale solution consiste à élaborer un futur cadre global mondial auquel participeraient toutes les grandes économies, en vue de maintenir l'élévation de la température au-dessous de 2° C par rapport au niveau de l'ère préindustrielle. Il est indispensable d'évoluer vers une économie et une société sûres et durables, à faibles émissions de CO2, en s'appuyant sur des mesures prises aux niveaux multilatéral et national.

… /…

Conclusions du Conseil de l’Union européenne sur la diplomatie en matière de climat menée par l'Union européenne (suite)

3106e session du Conseil AFFAIRES ETRANGERES ; Bruxelles, 18 juillet 2011

Le Conseil a adopté les conclusions suivantes:

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Le Conseil considère que l'adoption de mesures énergiques en faveur du climat et le développement économique vont de pair, puisqu'il s'agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d'assurer l'approvisionnement en eau salubre, de renforcer la sécurité alimentaire, d'améliorer la qualité de l'air, de promouvoir l'innovation et de créer des emplois. Le Conseil observe que l'UE a toujours joué un rôle de premier plan pour ce qui est d'oeuvrer à une sensibilisation accrue des pays tiers et des organisations internationales aux conséquences du changement climatique.

3. Dans ce contexte, et à la suite de la création du SEAE, le Conseil souligne que le moment est venu de multiplier les initiatives dans le domaine de la diplomatie en matière de climat afin d'aborder la question du changement climatique à tous les niveaux politiques et de donner plus de poids à la voix et aux activités de l'UE au niveau international, y compris au moyen d'initiatives régionales, en complétant et en facilitant les efforts déployés dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), notamment dans la perspective de la conférence de Durban sur le climat. Le Conseil invite tous les acteurs concernés au sein de l'UE à contribuer à cet objectif afin que nous puissions mieux mettre en évidence l'importance que revêt la question du changement climatique dans le cadre de nos relations avec nos partenaires, notamment avec les pays ou les groupes de pays qui ont un rôle essentiel à jouer dans le processus international, ainsi que pour poursuivre et intensifier les efforts que nous déployons respectivement pour aider les pays en développement dans leurs efforts visant à renforcer leurs institutions et leurs capacités pour faire face au changement climatique.

4. Le changement climatique et la dégradation de l'environnement, notamment celle causée par les activités humaines, constituent des facteurs de menace majeurs qui doivent faire l'objet d'un suivi au moyen des mécanismes d'alerte rapide de l'UE. Le Conseil estime qu'il convient de s'appuyer sur les travaux déjà entrepris en matière de changement climatique et de sécurité internationale. L'UE continuera à oeuvrer, à l'échelle mondiale, à une prise de conscience accrue des risques que le changement climatique comporte pour la sécurité et à attirer l'attention sur le fait qu'il est un "multiplicateur de menace", en particulier dans les régions vulnérables. Le Conseil est conscient de la nécessité de faire avancer le débat mené au niveau mondial sur le changement climatique et la sécurité internationale. L'UE se félicite de l'attention accrue accordée par le Conseil de sécurité des Nations unies aux aspects du changement climatique liés à la sécurité.

5. Le document de réflexion commun de la Haute Représentante et de la Commission concernant une diplomatie de l'Union européenne renouvelée et renforcée en matière de climat, comporte trois volets d'action. La sécurité énergétique devrait également être prise en compte dans l'approche adoptée en matière de climat.

6. Sur la base des recommandations formulées dans le document de réflexion, le Conseil souligne qu'il convient de faire avancer les travaux et de faire le point lors d'une prochaine session du Conseil des affaires étrangères. »

B. La nécessité de gérer les risques

Selon le quatrième rapport du GIEC, « faire face aux changements climatiques suppose un processus itératif de gestion des risques qui prenne en considération les mesures d’adaptation comme les mesures d’atténuation et qui tienne compte des dommages et des avantages connexes, de la durabilité, de l’équité et de l’attitude à l’égard des risques.

Les techniques de gestion des risques peuvent explicitement prendre en compte les diversités sectorielles, régionales et temporelles. Pour les mettre en oeuvre, il convient cependant d’être informé des incidences qu’auraient non seulement les scénarios climatiques les plus probables, mais aussi certains événements moins probables mais plus lourds de conséquences, ainsi que les conséquences des politiques et mesures envisagées. Le risque se défi nit généralement comme le produit de la probabilité d’un événement par les conséquences de celui-ci. La portée des changements climatiques dépend des caractéristiques des systèmes naturels et humains, de leurs voies de développement et de leurs emplacements particuliers.

Ni l’adaptation ni l’atténuation ne permettront, à elles seules, de prévenir totalement les effets des changements climatiques (degré de confiance élevé). L’adaptation est nécessaire à court et à plus long terme pour faire face aux conséquences du réchauffement qui sont inéluctables, même selon les scénarios de stabilisation aux niveaux les plus bas qui ont été évalués. Il existe des obstacles, des limites et des coûts que l’on ne cerne pas toujours parfaitement. Les deux démarches peuvent toutefois se compléter et réduire sensiblement les risques encourus.

L’adaptation restera inefficace dans certains cas, notamment pour ce qui concerne quelques écosystèmes naturels (par exemple perte de viabilité des écosystèmes des glaces de mer et des écosystèmes marins dans l’Arctique), la disparition des glaciers de montagne (qui jouent un rôle décisif dans le stockage et l’approvisionnement en eau) et l’adaptation à une élévation de plusieurs mètres du niveau de la mer. Dans de nombreux cas, elle sera plus difficilement réalisable ou très onéreuse pour les changements climatiques anticipés au-delà des prochaines décennies (notamment dans les deltas et les estuaires). Il est établi avec un degré de confiance élevé que la capacité d’adaptation naturelle de nombreux écosystèmes sera dépassée avant la fin du siècle. De plus, un grand nombre d’obstacles et de contraintes s’opposent à une adaptation efficace des systèmes humains A long terme, il est probable que, si rien ne vient atténuer les changements climatiques, la capacité d’adaptation des systèmes naturels, aménagés et humains sera dépassée. Une stratégie limitée aux seules mesures d’adaptation pourrait se solder par des changements climatiques trop importants pour qu’une adaptation efficace soit possible, si ce n’est à un prix social, écologique et économique exorbitant. Les efforts déployés pour atténuer les émissions de GES afin de réduire le rythme et l’ampleur des changements climatiques doivent prendre en compte l’inertie des systèmes climatiques et socioéconomiques. Une fois les concentrations de GES stabilisées, le réchauffement moyen de la planète devrait ralentir en l’espace de quelques décennies. Une légère augmentation de la température moyenne à la surface du globe resterait possible pendant plusieurs siècles. En raison de l’absorption thermique continue des océans, l’élévation du niveau de la mer découlant de la dilatation thermique se poursuivrait pendant plusieurs siècles, à un rythme cependant moins rapide qu’avant la stabilisation. Tout retard pris dans la réduction des émissions limiterait considérablement les possibilités de parvenir à des niveaux de stabilisation inférieurs et accroîtrait le risque d’aggravation des incidences du changement climatique. Même si les mesures d’atténuation ne porteront leurs fruits qu’après plusieurs décennies, le fait de les amorcer dans un proche avenir permettrait de ne pas s’enferrer dans des voies de développement et des types d’infrastructure à forte intensité de carbone, de ralentir le rythme du changement climatique et de limiter les besoins en matière d’adaptation liés à des niveaux de réchauffement plus élevés. »

C. Le rôle de l’Union européenne : passer de la simple prise de conscience à la véritable définition d’un enjeu collectif

1. Le Service européen d’action extérieure : un rôle de diplomatie climatique

L'Union européenne a pour objectif clair de faire en sorte que ses citoyens bénéficient d'un environnement plus stable, plus prospère et plus sûr. Pour mieux y parvenir, le traité de Lisbonne a jeté les bases d'une plus grande cohérence dans la politique étrangère de l'Union.

L’Union européenne a chargé le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune(119) « de conduire la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union (PESC), de présider le Conseil des affaires étrangères, de s'acquitter, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union, ainsi que de favoriser et faciliter la coopération entre le Conseil et la Commission afin de veiller à la cohérence entre les différents domaines de l'action extérieure »(120).

Dans l'accomplissement de son mandat, le Haut représentant s'appuie sur le Service européen pour l'action extérieure (SEAE). Le SEAE contribue à renforcer l'Union européenne sur la scène internationale et à accroître sa visibilité, et lui permet de projeter plus efficacement ses intérêts et ses valeurs.

Le SEAE est un organe de l'Union européenne fonctionnant de manière autonome, distinct de la Commission et du Secrétariat général du Conseil. Il est placé sous l'autorité du haut représentant et le soutient dans l'accomplissement de son mandat. Il assiste également le président de la Commission et la Commission, ainsi que le président du Conseil européen, et apporte aussi un soutien approprié aux autres institutions et organes de l'Union, en particulier le Parlement européen.

Pour accomplir ces fonctions, le SEAE collabore avec le Secrétariat général du Conseil et les services de la Commission, ainsi qu'avec les services diplomatiques des États membres, afin de veiller à la cohérence entre les différents domaines de l'action extérieure de l'Union et entre ceux-ci et ses autres politiques. Il coordonne notamment son action avec les services de la Commission.

Les directions générales du SEAE comprennent des services géographiques couvrant tous les pays et régions du monde, ainsi que des services multilatéraux et thématiques. Ces services coordonnent si nécessaire leur action avec les services concernés de la Commission et le Secrétariat général du Conseil. Le SEAE comprend également des services administratifs, financiers, de gestion du personnel et d'autres services de soutien nécessaires à son fonctionnement. Les présidents du Comité politique et de sécurité et des autres instances préparatoires du Conseil placées sous l'autorité du Haut représentant seront nommés par ce dernier parmi le personnel du SEAE.

L'organisation et le fonctionnement du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) lui permettent actuellement avant tout de jouer un rôle que l’on pourrait qualifier de « diplomatie climatique ». Ce rôle n’est donc pas spécifiquement sécuritaire, il s’agit davantage d’un rôle d’identification des problèmes, actuellement encore au stade pilote. L’impact du changement climatique en matière de sécurité mériterait d’y être davantage pris en compte. Surtout, le Haut représentant étant également responsable de la politique de sécurité commune de l’Union européenne, il est susceptible de faire le lien entre une notion qui serait développée et diffusée par le SEAE, et ses implications concrètes en matière de sécurité et de défense. Cela suppose néanmoins que l’Union européenne se saisisse fortement de cette thématique.

2. Une doctrine qui reste à construire

Le troisième volet du document de travail(121) ayant servi à élaborer les conclusions du Conseil « Affaires étrangères » du 18 juillet 2011, portant sur la diplomatie en matière de climat menée par l'Union européenne conclusion du Conseil, pourrait constituer une ébauche de doctrine, qui reste néanmoins à construire.

Son volet 3 s’intitule en effet « changement climatique et sécurité internationale ». Il indique que :

- d’un point de vue géopolitique, les effets néfastes du changement climatique se feront de plus en plus sentir dans les décennies à venir, dans la mesure où celui-ci impacte les ressources naturelles, affaiblit les gouvernements fragiles et exacerbe les pressions migratoires. Les événements météorologiques les plus extrêmes sont susceptibles de susciter des demandes accrues de la part des États membres de l'Union européenne. Les États devront en outre fournir une aide de coopération humanitaire (civile et militaire) pour les opérations de secours, en cas de catastrophe dans les pays tiers ;

- l'Union européenne ayant été à l'avant-garde du débat international sur le changement climatique et la sécurité depuis 2007, elle souhaite désormais permettre la prise de conscience des risques en matière de sécurité, au niveau mondial. L’atténuation n’est pas suffisante, il faut également prévenir les conflits par l'identification précoce des tensions imposées par le changement climatique aux pays et régions exposés ; des stratégies d'adaptation doivent être élaborées ; le SEAE et les délégations de l'Union européenne continueront à jouer un rôle particulier dans le domaine du changement climatique et de la sécurité internationale, en étroite coordination avec les services compétents de la Commission et en coopération avec les États membres ;

- l'action extérieure de l'Union européenne devrait renforcer le dialogue et la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales, en vue de promouvoir une meilleure compréhension - ainsi que la prévision - des liens entre le changement climatique, le développement, la dégradation de l'environnement, les ressources naturelles, les migrations et les conflits ;

- des études plus détaillées portant sur les incidences régionales du changement climatique en matière de sécurité sont nécessaires, sur la base des premiers résultats des quatre études régionales déjà menées(122). La prochaine étape pilote doit être un système « d'alerte précoce » des pays ou régions critiques, c’est-à-dire sensibles aux effets du changement climatique du point de vue sécuritaire ; des stratégies d'atténuation, ainsi que des mesures prises par l’Union à partir de son large éventail d'instruments disponibles, doivent ensuite être mises en place. Dans le moyen terme, toutes les régions clés devraient être couvertes, avec un suivi précis des résultats et recommandations. Le soutien de l'Union européenne à des mesures d'adaptation et d'atténuation peut contribuer à alléger les tensions liées au changement climatique dans le monde entier.

Des recommandations sont également formulées. Ainsi, l'Union européenne, en tant qu'acteur mondial dans la diplomatie du changement climatique, doit donc :

- reconnaître le rôle important du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ; le SEAE peut jouer un rôle en matière de diplomatie climatique, en collaboration avec les États membres ;

- continuer à soulever cette préoccupation relative au changement climatique avec ses partenaires stratégiques ;

- renforcer l'expertise dans ce domaine ;

- fournir une formation spécifique à la diplomatie climatique au personnel du SEAE ;

- renforcer la capacité du SEAE à s'engager dans la diplomatie climatique ;

- mettre en place des groupes de travail locaux dans les pays partenaires stratégiques, afin de partager des informations et de coordonner les actions entre les délégations de l'Union européenne et les États membres, et de fournir des rapports pertinents aux services de la Commission et de SEAE ;

- améliorer l’efficacité de l’aide, en encourageant la programmation, en maximisant les synergies, et en évitant les doubles emplois ;

- continuer à soulever, d’un point de vue politique et dans le dialogue avec les partenaires clés, les implications sécuritaires du changement climatique ;

- fournir une expertise destinée à aider les pays partenaires dans le développement de leurs stratégies d’adaptation et de recherche de prévention des conflits ;

- entreprendre d'autres actions pilotes « d'alerte précoce » envers des pays ou régions susceptibles d'être affectés par les implications sécuritaires du changement climatique. Ces alertes, réalisées à l'aide des outils de gestion de crise et de prévention des conflits de l’Union européenne, viseront à identifier les risques de conflit et à élaborer des stratégies d'adaptation ;

- renforcer les échanges avec les États membres, par le biais d’un pilotage informel s’appuyant sur les travaux du GIEC, en lien avec la société civile et les universitaires. La discussion devra également porter sur les meilleures pratiques et sur les principales questions émergentes ;

- réexaminer ces questions, à la lumière des propositions actuelles et à venir, lors d’un Conseil « Affaires étrangères », début 2012.

3. Les axes d’action prioritaires pour l’Union européenne

Les deux axes d’action traditionnels à l’égard du changement climatique sont celui de l’atténuation, visant à réduire les causes anthropiques du phénomène (limitation des émissions de GES) et celui de l’adaptation, visant à prendre en compte les effets du réchauffement afin d’en pallier les conséquences.

Cependant, compte tenu des incertitudes qui demeurent à l’égard des évolutions futures, il est souhaitable de développer un autre axe d’action, celui de la prévision et de l’analyse des risques. Un renforcement des capacités européennes dans ce domaine pourrait permettre à l’Union européenne et aux pays membres de disposer, de façon plus autonome, de données scientifiques fiables afin de mieux orienter les décisions et la planification opérationnelle des mesures d’atténuation et d’adaptation à adopter en priorité.

En outre, les initiatives de l’Union européenne doivent tenir compte de deux des caractéristiques de la lutte contre le changement climatique :

- tout en étant un foyer potentiel de tensions, le changement climatique représente également un contexte privilégié de coopération internationale et, par conséquent, de capacité d’influence ;

- la problématique du changement climatique offre d’importantes opportunités de croissance technologique et, de fait, de leadership technologique dans les secteurs concernés.

Les capacités militaires de chaque pays étant insuffisantes pour intervenir efficacement dans les questions de défense et de sécurité, et compte tenu des contraintes budgétaires, seule une réflexion commune à l’échelle européenne permettra de développer les matériels adaptés aux risques et menaces du XXIe siècle.

En tout état de cause, l’Union européenne gagnerait à la définition et à la mise en place d’une véritable politique européenne en la matière. Elle dispose pour cela des outils nécessaires et permettant une mutualisation dans ce nouveau domaine. Ainsi, Mme Catherine Ashton veille, en sa qualité de vice-présidente de la Commission européenne, à la cohérence et à la coordination de l'action extérieure de l'Union européenne, mais préside également le Conseil des affaires étrangères et conduit la politique étrangère et de sécurité commune : les aspects « diplomatie et sécurité », mais aussi « défense », du changement climatique peuvent donc aisément être réunis et développés en cohérence, d’autant plus que l’État-major européen (qui existe depuis 2003 et compte plus de 250 membres) est désormais intégré à l’organigramme du SEAE et sous la responsabilité de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Les initiatives demeurent actuellement trop largement nationales ; dans l’immédiat, un système européen d’alerte précoce, grâce à la mutualisation des renseignements (militaires, ministères des affaires étrangères, agences humanitaires, etc.), est souhaitable. De plus, dans l’attente d’un budget suffisamment développé pour le SEAE, il faudrait augmenter les mises à disposition de ressources humaines au SEAE par les États membres.

CONCLUSION

Le changement climatique, bien que faisant sur la place publique l’objet de débats fort médiatisés, est une réalité, constatée au travers de données globales (augmentation de la température moyenne terrestre de 0,7 °C en cinquante ans) comme à un niveau plus régional (division par deux de la calotte glaciaire arctique en cinquante ans).

S’il existe actuellement des incertitudes et divergences entre scientifiques quant au rythme de l’accélération du phénomène dans les cinquante à cent prochaines années, cela de doit pas freiner la prise en considération de l’impact des risques inhérents au changement climatique.

Les conséquences du changement climatique en matière de sécurité et de défense sont un enjeu fondamental, dont les pouvoirs publics doivent se saisir d’urgence. La stratégie en matière de défense doit également être repensée et adaptée de manière à faire face aux différents effets induits.

Une enquête(123) réalisée en octobre 2011 montre qu’un peu plus de la moitié (51 %) des répondants estime que le changement climatique est l'un des problèmes mondiaux les plus graves (et 20 % ont le sentiment qu’il s’agit du problème le plus grave).

De façon générale, le changement climatique est considéré comme le deuxième problème le plus grave auquel le monde est confronté après la pauvreté, la faim et le manque d’eau potable, plus grave encore que la situation économique.

Cette enquête mettait également en exergue la défiance des citoyens des États-Unis, un Américain sur deux jugeant le réchauffement climatique exagéré et, plus préoccupant encore, 35 % se disant convaincus qu’il n’aura jamais d’effets sur leur vie.

Pourtant, c’est aux États-Unis que les risques liés au changement climatique sont le mieux pris en compte par la Défense : le réchauffement climatique n’est plus simplement qu’une question environnementale, c’est devenu un enjeu stratégique majeur.

Cet aspect n’est pas envisagé aussi clairement en Europe, où le débat demeure encore largement entre les mains des scientifiques. Or, anticiper et planifier le monde de demain relève bien de la responsabilité du politique.

Dans ce nouveau domaine, la mutualisation des renseignements et des actions est indispensable. L’Union européenne dispose des outils nécessaires pour définir et mettre en place une véritable politique européenne en la matière, traitant à la fois des aspects « sécurité » et « défense » du changement climatique.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 28 février 2012, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie beaucoup pour ce rapport intéressant qui nous ouvre les yeux sur de nombreuses problématiques.

M. Yves Bur. Nos collègues nous font en effet découvrir un aspect intéressant et original du changement climatique.

Les enjeux sont variés : l’accès à l’eau potable et aux terres arables, ou encore la désertification de territoires et la montée du niveau des océans, qui entraîneront des déplacements massifs de populations. Existe-t-il déjà des modèles anticipant ces phénomènes, qui s’inscrivent dans la durée, afin de trouver des réponses ?

C’est à l’évidence un sujet européen – on voit mal chaque pays conduire sa petite stratégie –, ce qui confère une mission supplémentaire au SEAE. Mais est-il en capacité de la porter ? Est-il formaté à cet effet ? Nous n’allons pas rouvrir le dossier du SEAE mais les enjeux, assez formidables, entraîneront des changements stratégiques dans les grands pays, voire au niveau continental. La Chine, par exemple, confrontée à des problèmes de sécheresse et de raréfaction de l’eau, ne resterait pas inerte.

M. Pierre Forgues. La connotation du rapport est-elle plutôt d’ordre politique ou scientifique ? Quoi qu’il en soit, le changement climatique est-il uniquement dû à l’émission de gaz à effet de serre ? Si oui, il sera possible de lutter contre le phénomène en adoptant de nouvelles pratiques agricoles, industrielles et sociales. Si, en revanche, il est lié à l’évolution constante de l’univers, les mesures que nous prendrons, quelles qu’elles soient, auront assez peu d’effet. Sommes-nous en mesure de répondre aujourd’hui ?

Il est utile de sensibiliser les populations pour qu’elles fassent un peu évoluer leur comportement mais il ne faut pas tout mélanger. Le problème de l’accès à l’eau potable n’est pas imputable au changement climatique ; la quantité d’eau dans l’univers est constante mais la question est celle de la fourniture en eau propre.

Personnellement, sur ces affaires, j’aimerais que nous adoptions une approche mesurée et scientifique, afin de ne pas affoler les populations de manière excessive.

En tout cas, le problème n’est pas national mais européen et même mondial. S’il est démontré que le réchauffement climatique est dû aux activités humaines, la réponse doit être mondialisée, faute de quoi nous donnerions des coups d’épée dans l’eau.

Mme Marie-Louise Fort. Où en est l’Union européenne dans les grandes conférences internationales sur le changement climatique ? Par ailleurs, comment les grands pays européens essaient-ils d’harmoniser un peu leurs politiques ? D’autres États membres ont-ils mené des démarches analogues à celle du Grenelle de l’environnement ?

M. Philippe Armand Martin. L’accord de Durban met en œuvre les décisions prises à Cancun. Mais où en est la mise en place du Fonds Vert pour le climat ?

M. André Schneider, co-rapporteur. Je vous remercie pour l’appréciation que vous portez sur le rapport d’information et je précise qu’il contient les réponses à la plupart des questions que vous posez.

Nous parlons de changement climatique, pas uniquement de réchauffement climatique, et nous partons d’une hypothèse de réchauffement de 2 degrés. Parmi les personnes que nous avons auditionnées, certaines prévoient des conséquences et échafaudent des solutions, tandis que d’autres considèrent qu’il sera impossible de changer les choses et choisissent de ne pas être plus royalistes que le roi, en privilégiant leur propre modèle économique, par exemple fondé sur le charbon. Philippe Tourtelier et moi étions assez bien outillés sur ces thématiques car le Président Lequiller nous avait déjà confié des rapports relatifs aux questions énergétiques. Tous les changements climatiques auront évidemment un impact sur l’eau, donc sur l’alimentation, le Nord étant toujours avantagé par rapport au Sud. L’émission de gaz à effet de serre n’est donc pas le seul facteur considéré.

Qui fait quoi ? Nous avons récolté des réponses très diverses. Aux États-Unis, nous avons été surpris de constater que les meilleurs connaisseurs de la question, dans sa globalité, ne sont ni les politiques, ni les scientifiques, ni les experts indépendants mais les militaires, qui font office de service de référence. En France, très honnêtement, nous avons rencontré la « grande muette » : cela ne signifie pas qu’elle reste inactive, mais nous n’avons pas senti la même capacité de communication avec les autres parties prenantes.

Oui, il faut absolument mettre la démarche européenne en cohérence, pour être en mesure de formuler des prévisions en fonction des données connues. Du coup, nos services de défense doivent s’adapter, sur les quatre fonctions du Livre Blanc.

M. Philippe Tourtelier, co-rapporteur. Le Fonds Vert pour le climat n’entre pas dans le champ de notre rapport. Je dirai simplement qu’il est créé en théorie mais pas abondé et que, si cela devient le cas un jour, ce fonds enlèvera un peu de pression en matière de changements climatiques et, par conséquent, facilitera la résolution des problèmes de sécurité et de défense.

Notre rapport n’était pas non plus consacré à la question de la responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique. Les sceptiques ne nient pas le changement climatique mais son origine anthropique ; tout le monde reconnaît que la terre se réchauffe mais il y a des désaccords sur les causes et sur le rythme. Nous ne nous sommes pas intéressés aux causes mais il est certain que l’échéance à laquelle se poseront les problèmes de sécurité dépend du rythme du réchauffement climatique.

La réponse scientifique est celle apportée par le GIEC, qui, avec ses imperfections, passe au crible, tous les quatre ans, l’ensemble des études publiées sur le sujet. Tout le monde peut demander que son analyse soit examinée ; pour l’anecdote, Claude Allègre ne l’a jamais demandé car chacun sait qu’il raconte des bêtises. Le GIEC évalue à 90 % la probabilité que le changement climatique soit d’origine anthropique.

Nous préconisons l’adaptation de l’outil de défense et de sécurité, qu’il s’agisse de l’eau, de l’alimentation, de l’agriculture ou des migrations.

S’agissant de l’Union européenne, la Haute représentante est en train de développer une diplomatie européenne commune sur les questions relatives au changement climatique. A Cancun puis à Durban, l’Union européenne a accompli de gros progrès pour parler d’une voix commune, alors que Copenhague, de ce point de vue, avait été catastrophique. Le SEAE démarre et s’intéresse à la diplomatie climatique mais ses attributions couvrent aussi les affaires étrangères, donc la sécurité et la défense. Son organigramme comporte une branche État-major européen, avec plus de 250 officiers et une grosse présence française. Il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment à élaborer une doctrine, mais les outils sont sur pieds.

M. André Schneider, co-rapporteur. La fonte des glaces dans l’Arctique modifiera la sécurité des routes maritimes et provoquera une élévation de 80 centimètres à 1 mètre du niveau de la mer, c’est-à-dire la submersion de milliers d’îles. Outre les déplacements de populations, la carte des eaux territoriales – y compris celles de la France – s’en trouvera fortement affectée. Nous avons le souci de sensibiliser l’Europe à ces questions ; c’est pourquoi ce rapport a été élaboré dans le cadre de la Commission des affaires européennes.

M. Philippe Tourtelier, co-rapporteur. Le SEAE est très demandeur d’une mutualisation du renseignement afin de bénéficier d’une bonne vision des zones stratégiques pour l’Union européenne.

Parmi les conséquences concrètes du réchauffement climatique, des îles disparaîtront, d’où des modifications des limites des eaux territoriales, des inondations, des changements de cours fluviaux et par conséquent des modifications de frontières, des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus aiguës. Or, qui est capable de réagir en urgence pour les évacuations par air et par mer, de rétablir un minimum d’infrastructures ou d’armer des hôpitaux de campagne ? Ce sont les militaires. Si ceux-ci apparaissaient comme la force avancée d’une sécurisation des populations civiles en situation d’urgence, les États membres de l’Union européenne auraient plus de facilité à faire adopter leurs budgets de la défense.

M. Pierre Forgues. Je n’ai aucune raison de ne pas croire la grande majorité des scientifiques, qui estiment que le changement climatique est d’origine anthropique. Cela dit, la méthode consistant à corriger ses conséquences, multiples et graves, n’est pas bonne ; nous ne prenons pas le problème par le bon bout. Il convient plutôt de s’attaquer aux causes, et ce n’est pas trop tard : des changements interviennent en permanence ; des villes de notre littoral méditerranéen ou atlantique, qui furent naguère des ports, ne le sont plus.

Mme Marie-Louise Fort. Dans les films catastrophes d’Hollywood, la solution vient toujours de l’armée. Dans notre pays, les catastrophes, y compris naturelles, sont prises en compte dans le cadre d’une organisation globale, la sécurité civile, qui englobe d’autres éléments que l’armée, comme les pompiers. Le modèle français est-il susceptible d’être décliné au niveau européen ?

M. Jacques Myard. Ce rapport est intelligent. Les causes et les conséquences, comme toujours, sont interactives. Le sujet deviendra prégnant avec les flux migratoires, non seulement Sud-Nord mais aussi Sud-Sud. Nous devons garder constamment en tête cet enjeu primordial.

M. Philippe Tourtelier, co-rapporteur. S’occuper de l’adaptation n’interdit pas de s’occuper de l’atténuation.

Les migrations interviennent en domino : à l’intérieur d’un pays, entre pays d’une même zone régionale et cela peut déborder en Europe. Dans le rapport, nous évoquons la gestion des flux migratoires et l’accueil des populations.

Enfin, le continuum entre défense et sécurité civile est incomplet. Après les inondations de la Somme, l’armée était en première ligne. Des catastrophes naturelles peuvent intervenir sur le territoire de l’Europe, voire dans des pays stratégiques pour ses intérêts, en Afrique ou en Méditerranée ; l’Union européenne aurait donc intérêt à mutualiser ses capacités de réaction. »

Puis la Commission a autorisé la publication du présent rapport.

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

Les rapporteurs tiennent à témoigner leur gratitude à l’ensemble des personnalités avec lesquelles ils se sont entretenus dans le cadre de la préparation de ce rapport d’information.

A PARIS :

- M. Jean-Pierre DEVAUX, Directeur, IGHCA, direction de la Stratégie, ministère de la défense et des anciens combattants ; M. Pierre SÉRIS, Ingénieur général de l'armement (IGA), sous-directeur cohérence et prospective, service d’Architecture des systèmes de force, direction de la Stratégie DGA, ministère de la défense et des anciens combattants ;

- M. Xavier GANNE, Ingénieur en chef des études et techniques de l'armement (ICETA), chef de la section Mer, Bureau satisfaction des utilisateurs, sous-direction de la Conduite des opérations d’armement, direction des Opérations, ministère de la défense et des anciens combattants ; M. Norbert FARGÈRE, Ingénieur général de l’armement, sous-directeur chargé de la conduite des opérations d’armement, direction des Opérations, ministère de la défense et des anciens combattants ; M. Yannick ANNE, Strategy Directorate, ICETA, Force systems architecture department, Capabilities Architect, ministère de la défense et des anciens combattants ;

- M. Stanislas GOURLEZ DE LA MOTTE, Capitaine de vaisseau, Centre des hautes études militaires (CHEM) ;

- M. Jean JOUZEL, Vice-président du groupe scientifique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ;

- Général Alain LAMBALLE, retraité de l’Armée, chercheur auprès du Groupe Futuribles, membre d’Asie 21 ;

- Dr Sami MAKKI, Consultant, IDéOLAB (Paris), Maître de conférences associé & responsable parcours Master, Sécurité, défense et stratégie (SDS), Sciences Po Lille, Chercheur associé-coordinateur, « Transformation des guerres », CEAF/EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), Enseignant « Sécurité internationale et construction de la paix », Paris I ;

- M. Georges MENAHEM, Directeur de recherche au CNRS – MSHPN ;

- M. Alexandre TAITHE, Chargé de recherche, Fondation pour la recherche stratégique ;

- M. Bruno TERTRAIS, Senior Research Fellow, FRS (Fondation pour la recherche stratégique) ;

A BRUXELLES :

- M. Marc ABENSOUR, Représentant permanent adjoint de la France auprès de l'OTAN ;

- MM. Martin FOETH et Daniel GUYADER, membres de la division des questions globales, Service européen pour l'action extérieure (SEAE), Marc VAN BELLINGHEN, membre de la division consolidation de la paix, prévention des conflits et médiation, SEAE ;

A LONDRES :

- M. John BEDDINGTON CMG FRS, Chief Scientific Adviser to HM Government and Head of the Government Office for Science, Government Office of Science ; Mme Vicky ELLIOT, Head, Bilateral Science and Innovation Policy, Government Office of Science ; Dr Robin MUKERJI, Assistant Private Secretary to the Chief Scientific Adviser to HM Government, Government Office of Science ;

- M. Zac GOLDSMITH, MP (Member of the Parliament) ;

- M. Matt JACKSON, Head of Unit for the Foreign Secretary’s Special Representative for Climate Change, British Foreign & Commonwealth Office (FCO) ; M. Paul IRVING, Desk Officer for Renewable Energy, Low Carbon Europe Team, FCO ; Mme Tina REDSHAW, Deputy Head Climate (Job-Share), Climate Change & Energy Department ; M. Joel WATSON, Deputy Team Leader, Climate Security Team, FCO ;

- M. Nick MABEY, Founding Director & Chief Executive E3G (Third Generation Environmentalism, a non-profit international organisation) ; M. Richard REEVE, Head of Research at International Alert. and oversees climate change issues, Manager - Security & Peacebuilding, Peacebuilding Issues Programme ; M. Ben ZALA, Programme Manager (Sustainable Security), ORG (Oxford Research Group, building bridges for global security) ;

A WASHINGTON :

- M. George David BANKS, Deputy Staff Director, Minority Staff, Unites States Senate, Committee on Environment and Public Works ;

- M. McKie CAMPBELL, Republican Staff Director of the Senate Energy and Natural Resources Committee ;

- M. William C. DANVERS, Staff Director, Committee on Foreign Relations Committee, United States Senate ; Mme Melanie NAKAGAWA, Counsel, Committee on Foreign Relations Committee, United States Senate ;

- M. Roger DIWAN, Partner, Head of Financial Advisory, PFC Energy ;

- Dr Charles K. EBINGER, Senior Fellow & Director, Energy Security Initiative, Foreign Policy, Brookings Institution ; Mme Govinda AVASARALA, Research Assistant, Energy Security Initiative, Foreign Policy, Brookings Institution ;

- Mme Sherri GOODMAN, Senior Vice President, General Counsel & Corporate Secretary, CNA (analysis & solutions) ; Dr Ronald FILADELFO, Director, Environment and Energy Research Group, CNA ;

- Dr Jay GULLEDGE, Senior Scientist and Director for Science and Impacts, Center For Climate and Energy Solution ;

- M. Robert F. ICHORD, Deputy Assistant Secretary for Energy Transformation, U.S. Department of State, Bureau of Energy Resources ;

- M. Richard J. KESSLER, Democratic Staff Director, House of Representatives, Committee on Foreign Affairs ;

- Mme Esther J. McCLURE, Energy, Environment & Arctic Policy, U.S. Department of Defense ; Dr Daniel Y. CHIU, Principal Director of Strategy, U.S. Department of Defense ;

- Amiral David TITLEY, Oceanographer and Navigator of the Navy, Director, Maritime Domain Awareness and Space, U.S. Department of Defense (Pentagone).

ANNEXE 2 :
DÉCLARATION PRÉSIDENTIELLE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU
DU 20 JUILLET 2011

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ CRAINT QUE LES EFFETS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES N’AGGRAVENT « À LONG TERME » LES MENACES À LA PAIX ET À LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

M. Ban Ki-moon appelle les pays développés et les puissances

émergentes à jouer leur rôle dans la lutte contre les changements climatiques

Le Conseil de sécurité, au terme d’un long débat qui a réuni plus d’une soixantaine de délégations, a exprimé, dans une déclaration présidentielle, sa crainte de voir les « effets préjudiciables éventuels des changements climatiques » aggraver « à long terme » les « menaces existantes à la paix et à la sécurité internationales ».

Dans le même temps, le Conseil de sécurité, qui réaffirme sa « responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales », se dit « conscient de la responsabilité qui incombe à l’Assemblée générale et au Conseil économique et social pour ce qui a trait au développement durable et, notamment, aux changements climatiques ».

De son côté, le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, dont l’allocution a ouvert ce débat public présidé par l’Allemagne, a assuré que les changements climatiques constituaient une « menace à la paix et à la sécurité internationales ».

Il a appelé les pays développés à assumer leur rôle de chef de file dans ce domaine, tout en soulignant la part de responsabilité qui incombe aux pays émergents. 

Le Secrétaire général a demandé à la communauté internationale de prendre des mesures importantes et des engagements clairs concernant l’atténuation des effets du réchauffement climatique lors de la prochaine Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC), qui se tiendra à Durban, en Afrique du Sud, au mois de décembre.

Pour le Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), M. Achim Steiner, « notre capacité à gérer les conséquences les plus dangereuses des changements climatiques dépendra d’une stratégie définie par des plateformes, mécanismes et institutions internationaux réformés ou nouveaux et capables d’anticiper les problèmes et de faciliter la coopération ».

« La communauté internationale peut éviter les conflits, les tensions et l’insécurité liés aux changements climatiques si elle met en place une réponse collective et ciblée qui s’attaque aux racines, à l’ampleur, à la volatilité et à la rapidité des défis émergents », a également souligné M. Steiner. 

Dans sa déclaration présidentielle, lue par son Président pour le mois de juillet, l’Ambassadeur Peter Wittig, de l’Allemagne, le Conseil de sécurité « exprime sa préoccupation devant les répercussions que la perte de territoire de certains États par suite de l’élévation du niveau de la mer pourrait avoir sur la sécurité ».

Par ailleurs, il souligne la résolution 63/281 de l’Assemblée générale en date du 3 juin 2009, laquelle « réaffirme que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est l’instrument clef de la recherche d’une solution aux changements climatiques ».

Au cours de ce débat, intitulé « Maintien de la paix et de la sécurité internationales: les répercussions des changements climatiques  »*, les délégations se sont surtout opposées sur l’opportunité pour le Conseil de la sécurité de se saisir d’une telle question.

Le Conseil avait débattu pour la première fois de la relation entre énergie, climat et sécurité le 17 avril 2007**, sous la présidence du Royaume-Uni, discussion qui avait alors rassemblé une cinquantaine de délégations.

Le Président de la République de Nauru, M. Marcus Stephen, qui s’exprimait au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a demandé au Conseil de sécurité de s’attaquer aux causes des conflits qui pourraient éclater en raison de l’impact déstabilisateur des changements climatiques. 

« Le Conseil doit évaluer les risques que fait peser le climat sur la paix et la sécurité internationales de la même manière qu’il l’a fait concernant la pauvreté, la compétition pour l’accès aux ressources naturelles et le VIH/sida », a-t-il ajouté. 

« Le Conseil de sécurité doit commencer, aujourd’hui et dans les jours à venir, à agir », a lancé la représentante des États-Unis, qui a jugé « plus que décevant » et « pathétique » le silence et l’inaction que préconisaient sur cette question, selon elle, certains pays. 

Pour son homologue du Royaume-Uni, une déclaration présidentielle du Conseil de sécurité devrait envoyer un message selon lequel il est important pour cet organe d’accorder une attention accrue à la lutte contre les changements climatiques.

Le délégué de la Fédération de Russie s’est, quant à lui, montré sceptique face aux tentatives d’inscrire la question des changements climatiques à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. « De nombreux pays, a-t-il expliqué, ne sont pas prêts à voir le Conseil de sécurité s’engager en faveur de la question sur les changements climatiques. »

Au nom du Mouvement des pays non alignés, le représentant de l’Égypte a ainsi estimé que sa délégation était préoccupée par la tendance du Conseil de sécurité à empiéter sur les fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social, « pour traiter de questions ne relevant pas traditionnellement de son ressort ». Un tel empiètement constitue, a renchéri son collègue de l’Argentine, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, une « distorsion des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies », qui entame l’autorité des autres organes.

* S/2011/408

** CS/9000

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Les répercussions des changements climatiques

Déclarations

M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que, lorsque le Conseil de sécurité s’est pour la première fois penché sur la question des changements climatiques en 2007, il y a eu un débat « vigoureux » sur le fait de savoir si cet examen était approprié et si le Conseil devait se saisir du sujet. « Cela n’est pas seulement approprié, mais essentiel », a-t-il indiqué, soulignant que la réalité des changements climatiques ne fait qu’augmenter les menaces à la paix et à la sécurité internationales. « Le Pakistan, les îles du Pacifique, la Fédération de Russie, l’Europe de l’Ouest, les Philippines, la Colombie, l’Australie, le Brésil, les États-Unis, la Chine, la corne de l’Afrique, sont des exemples pour nous rappeler l’urgence qu’il y a à agir », a déclaré le Secrétaire général.

M. Ban a observé que des centaines de millions de personnes à travers le monde risquent de manquer d’aliments et d’eau, et que la concurrence entre les communautés et les pays pour des ressources de plus en plus rares ne cesse de croître. Les réfugiés environnementaux changent le visage de la géographie humaine de la planète, et ceci va s’accentuer, a averti M. Ban Ki-moon. Tout cela représente des menaces à la paix et à la sécurité internationales, a-t-il prévenu.

Depuis le rapport soumis en 2009, a-t-il remarqué, les États ont conclu des accords-cadres sur les changements climatiques à Copenhague et à Cancún, a rappelé M. Ban. Il a appelé à les mettre en œuvre rapidement. Il a aussi invité les États Membres à discuter du financement indispensable dans ce domaine. Ceci doit être fait de manière pragmatique, et il faut arriver à mettre en place un financement rapide et à long terme pour promouvoir la lutte contre le réchauffement de la planète. En outre, le Secrétaire général a demandé à la communauté internationale de prendre des mesures importantes et des engagements clairs concernant l’atténuation des effets du réchauffement climatique lors de la prochaine Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC), qui se tiendra à Durban, en Afrique du Sud, au mois de décembre. Nous avons besoin d’objectifs ambitieux pour que l’augmentation de la température moyenne de la planète reste en dessous de 2ºdegrés centigrades, a aussi rappelé le Secrétaire général.

M. Ban Ki-moon a appelé les pays développés à assumer leur rôle de chef de file dans ce domaine, tout en soulignant la part de responsabilité qui incombe aux pays émergents. Le Protocole de Kyoto expirant l’an prochain, il faudra trouver sans retard une formule politique pour s’assurer du respect des engagements déjà pris et pour que d’autres mesures soient prises, a-t-il dit. Le Conseil de sécurité peut jouer un rôle critique en mobilisant la communauté internationale pour confronter ces problèmes, a-t-il ajouté. Le Secrétaire général a aussi exhorté tous les États Membres de l’ONU à saisir l’occasion que présente la Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui se tiendra à Rio de Janeiro, au Brésil, en 2012.

M. ACHIM STEINER, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a fait une déclaration divisée en trois parties relatives à l’aspect scientifique des changements climatiques, aux changements climatiques comme multiplicateur de menaces et à la gestion des risques dus aux changements climatiques.

M. Steiner a d’emblée prévenu que dans un monde où la population croît rapidement, la gestion durable des ressources devient un « impératif ». Selon une étude du PNUE, la consommation de plusieurs ressources naturelles essentielles pourrait tripler d’ici à 2050 et atteindre 140 milliards de tonnes, à moins que l’on ne dissocie la consommation de la croissance économique. 

« Nous sommes devant une question de sécurité », a-t-il dit, en rappelant les émeutes de 2008 en Argentine, au Burkina Faso, au Cameroun, en Égypte, en Haïti, en Inde, en Indonésie, en Mauritanie et au Pérou, causées par la hausse des prix des denrées alimentaires, voire des pénuries. 

Les changements climatiques peuvent, a-t-il averti, provoquer des déplacements de populations, livrant les communautés à une compétition féroce pour les ressources naturelles avec les conséquences que l’on sait pour la stabilité de l’économie mondiale.

Lorsque l’on veut établir le lien entre changements climatiques et sécurité, il faut s’attarder sur les trois domaines que sont les catastrophes naturelles, l’insécurité alimentaire et les conflits pour s’approprier les ressources. Sur ce dernier point, il a donné l’exemple des 145 pays qui partagent aujourd’hui un ou plusieurs bassins dans le monde. Le moindre changement de débit, amplifié par les changements climatiques, pourrait devenir une grave source de tensions entre les États.

Notre capacité à gérer les conséquences les plus dangereuses des changements climatiques dépendra d’une stratégie définie par des plateformes, mécanismes et institutions internationaux réformés ou nouveaux et capables d’anticiper les problèmes et de faciliter la coopération.

La communauté internationale peut éviter les conflits, les tensions et l’insécurité liés aux changements climatiques si elle met en place une réponse collective et ciblée qui s’attaque aux racines, à l’ampleur, à la volatilité et à la rapidité des défis émergents, a conclu M. Steiner. 

Mme SUSAN RICE (États-Unis) a affirmé que cette réunion du Conseil de sécurité visait à placer les changements climatiques dans l’agenda de la préservation de la paix et de la sécurité internationales. La représentante a rappelé les propos du Président des États-Unis, M. Barack Obama, dans un discours prononcé il y a deux ans lors d’un sommet sur les changements climatiques, selon lesquels la sécurité et la stabilité de toutes les nations et de tous les peuples étaient menacées. « Non seulement le temps avance, mais nous manquons de temps », a-t-elle déclaré. Les changements climatiques ont des incidences réelles sur la paix et la sécurité, a-t-elle souligné. « Nous les voyons déjà maintenant », a-t-elle dit. Très souvent, les pays les plus pauvres sont aussi les plus touchés, a-t-elle ajouté. « Le Conseil de sécurité doit commencer d’ores et déjà, aujourd’hui et dans les jours à venir, à agir », a préconisé Mme Rice. La représentante a ainsi mis l’accent sur la nécessité d’aiguiser et d’adapter les instruments en place pour pouvoir réagir face à ce genre de problèmes. 

Tout en reconnaissant les travaux essentiels fournis par l’ensemble du système des Nations Unies, elle s’est dite convaincue que le Conseil avait une responsabilité cruciale et devait traiter des incidences très claires des changements climatiques sur la paix et la sécurité de la planète. Mme Rice a ainsi déploré le fait que le Conseil de sécurité n’est pas parvenu, cette semaine, à s’entendre sur le texte d’une déclaration présidentielle portant sur la question. « Des dizaines de pays présents dans cette salle, dont l’existence est menacée, ont demandé au Conseil de faire preuve de compréhension », a-t-elle affirmé. Au lieu de cela, a-t-elle ajouté, le Conseil, par son silence, semble leur dire: « manque de chance! » « C’est plus que décevant, c’est pathétique, et c’est une attitude de courte vue », a commenté Mme Rice, pour qui, une telle attitude relève de la « politique de l’autruche ». Mme Rice a mis l’accent sur la nécessité d’améliorer les mécanismes d’alerte rapide, de développer une plus grande coopération aux niveaux local et régional, et d’être mieux équipé afin de prévenir et d’anticiper les risques de conflits. Le Conseil de sécurité doit, a-t-elle estimé, se préparer à faire face à toute une série de crises qui seront aggravées par les changements climatiques, a-t-elle poursuivi, concluant: « nous devons être préparés, pour pouvoir nous attaquer à une des menaces les plus sérieuses de ce siècle ».

Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a invité le Conseil de sécurité à adopter une approche holistique de la question du changement climatique. La violence ne naît pas seulement de différends ethniques ou religieux, mais aussi des pénuries alimentaires, de la pauvreté et de la concurrence pour l’accès aux maigres ressources de la planète, a dit Mme Viotti. Elle a observé que, bien souvent, les changements climatiques ne font qu’aggraver des différends déjà existant, car le sous-développement et le manque d’accès aux technologies ne facilitent pas l’adaptation aux effets du réchauffement de la planète. La représentante a expliqué que la relation entre changements climatiques et sécurité, si elle est en quelque sorte indirecte, oblige cependant la communauté internationale à aider de toute urgence les pays les plus vulnérables à l’élévation du niveau des mers. Les conséquences de ce phénomène risquent de provoquer des catastrophes humanitaires sur une échelle jamais vue, a-t-elle expliqué, appelant les Nations Unies à renforcer la prévention et l’adaptation. Mme Viotti a aussi souligné l’urgence de l’élimination du fléau de la pénurie alimentaire, notamment en relançant la productivité agricole dans les pays en développement. Estimant que le système des Nations Unies dispose des outils nécessaires pour faire face aux défis posés par les changements climatiques, elle l’a appelé à les utiliser à bon escient.

M. WANG MIN (Chine) a noté l’incidence directe des changements climatiques sur le développement et la sécurité. La lutte contre ces phénomènes est dans l’intérêt de tous les pays du monde, a-t-il noté, soulignant le besoin de créer une harmonie avec la nature. Il a cependant estimé que le Conseil de sécurité n’a pas les compétences nécessaires pour traiter de la question, et il a relevé que le Conseil n’est pas une enceinte de discussions à participation universelle. Le débat devant le Conseil de sécurité ne peut donc pas se substituer aux négociations qui sont en cours dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, a-t-il estimé. La Convention-cadre est le forum de discussion et de négociations le plus approprié et le plus légitime pour examiner la question des changements climatiques, a dit le représentant. Il a par ailleurs appelé les pays développés à mettre en œuvre leurs engagements en matière de transfert de technologie et de financement des programmes de lutte contre le phénomène. « La Chine ayant beaucoup d’îles, nous partageons les difficultés rencontrées par les petits États insulaires en développement », a poursuivi le représentant, en ajoutant que son pays veut œuvrer de concert avec les petits États insulaires pour la mise en œuvre rapide de la Stratégie de Maurice.

Mme MIRSADA ČOLAKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) a déclaré que son pays reconnaissait le droit du Conseil de sécurité d’examiner les menaces que posent les changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales. Elle a néanmoins souligné la nécessité de respecter les mandats et les responsabilités des organes pertinents de l’ONU, en particulier l’Assemblée générale et le Conseil économique et social. Dans ce cadre, elle a rappelé l’existence de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. 

Elle s’est dite convaincue qu’une réponse cohérente, intégrée et holistique des Nations Unies aux changements climatiques est le seul moyen de faire une contribution majeure à la lutte contre ce phénomène. Il revient au Secrétaire général, a-t-elle ajouté, d’alerter le Conseil de sécurité des situations de crises liées aux changements climatiques qui pourraient mettre en péril la paix et la sécurité internationales. 

Mme JOY OGWU (Nigéria) a affirmé que l’heure était venue de dresser un bilan de progrès dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Elle s’est dite préoccupée par les répercussions potentielles des changements climatiques, estimant que ces questions exigeaient la vigilance du Conseil de sécurité. « Si nous ne prenons pas de mesure d’atténuation ou d’adaptation, les risques seront augmentés », a-t-elle dit, évoquant notamment le problème de l’élévation du niveau de la mer. La représentante a déclaré que son pays était déterminé à mettre en œuvre les instruments juridiques internationaux auxquels il est partie. « Si nous pouvons appuyer la stabilité politique, nous pourrons imprimer l’élan nécessaire au renforcement des capacités et intégrer dans les programmes nationaux la lutte contre les changements climatiques », a-t-elle également estimé. Elle a en outre mis l’accent sur la nécessité d’encourager les pays développés à s’acquitter de leurs engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. MARK LYALL-GRANT (Royaume-Uni) a affirmé que les changements climatiques doivent être considérés comme un multiplicateur de menaces augmentant la probabilité de conflits. Ces changements climatiques sont propices à des répercussions graves pour les pays qui dépendent de l’agriculture à long terme, a-t-il notamment expliqué. La rareté des ressources, les inondations et les sécheresses vont provoquer le déplacement de personnes au-delà des frontières, a-t-il ajouté. Il est important, a-t-il souligné, que les différents mandats des diverses institutions du système des Nations Unies qui traitent des changements climatiques soient respectés.

En revanche, a ajouté l’Ambassadeur Lyall-Grant, ce débat au sein du Conseil de sécurité ne sape en rien les travaux réalisés par ailleurs. C’est par le biais de la discussion et de la prise de conscience que le Conseil pourra s’acquitter de sa responsabilité en matière de paix et de sécurité. Une déclaration présidentielle du Conseil de sécurité enverrait, a-t-il estimé, un message selon lequel il est important pour le Conseil d’accorder une attention accrue à la lutte contre les changements climatiques. L’ONU doit continuer d’œuvrer pour parvenir à un accord contraignant sur les changements climatiques, a-t-il notamment souligné. Il a, enfin, rappelé que son pays avait permis en 2007 que le Conseil de sécurité traitât de cette question, lors d’un débat de haut niveau axé sur la relation entre l’énergie, la sécurité et les changements climatiques.

M. ALEXANDER PANKIN (Fédération de Russie) s’est montré favorable à l’élaboration d’un « document climatique qui engloberait tous les pays et en particulier les pays qui sont les plus importants émetteurs de gaz à effet de serre ». La Fédération de Russie a pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 de 10 à 25 % par rapport à 1990, dans le cadre du nouvel accord universel sur les climats, a-t-il dit. Convaincu que le rôle prioritaire dans ce domaine doit incomber à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), il a estimé que cet instrument peut aboutir à un régime efficace à long terme ainsi qu’à des mesures concrètes. Se disant préoccupé par la situation des petits États insulaires en développement, il a souligné l’intérêt des activités lancées dans le cadre de la CCNUCC.

Le représentant s’est montré sceptique face aux tentatives d’inscrire la question des changements climatiques à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Si la Fédération de Russie s’est associée au consensus de la résolution de l’Assemblée générale qui reconnaît le rôle que peut jouer le Conseil de sécurité dans ce domaine, a dit le délégué, la Fédération de Russie n’apprécie cependant pas la référence faite à ce texte pour justifier l’inclusion de cette question à l’ordre du jour du Conseil. De nombreux pays ne sont pas prêts à voir le Conseil de sécurité s’immiscer dans le débat sur les changements climatiques, a-t-il souligné. Il a émis des doutes sur les hypothèses émises dans le rapport soumis au Conseil, soulignant aussi que le Conseil de sécurité n’y est même pas mentionné une seule fois. Le Conseil de sécurité ne peut imposer sa présence sur cette question, et il n’y contribuera certainement pas, car cela ne ferait qu’accentuer la politisation de la question, a-t-il averti.

M. NÉSTOR OSORIO (Colombie) a estimé que certaines questions urgentes liées aux changements climatiques « doivent être débattues au sein du Conseil de sécurité ». Si cet organe n’a pas pour mandat de résoudre le problème de la réduction des effets des changements climatiques, il doit cependant jouer un rôle dans les situations de conflit qui sont exacerbées par les effets du réchauffement de la planète, afin de fournir une protection humanitaire aux populations affectées, a-t-il expliqué. M. Osorio a souligné les incidences transversales des changements climatiques, qui obligent à modifier les actions prises dans presque tous les domaines d’activités humaines. Or, la plupart des pays n’y sont pas préparés, a-t-il observé. Ce ne sont pas des questions que le Conseil de sécurité peut examiner quant au fond, a-t-il néanmoins reconnu, expliquant qu’il fallait répondre à toutes les questions que posent les changements climatiques de manière coordonnée. Le représentant a aussi rappelé que la Colombie vient de connaître deux vagues de froid qui sont les plus extrêmes de son histoire, expliquant qu’il avait fallu mobiliser des ressources supplémentaires pour assurer le bien-être des populations qui en ont été victimes.

M. GÉRARD ARAUD (France) a affirmé que les risques posés par les changements climatiques constituent une menace pour les petits États insulaires en développement, dont l’existence même, la survie de leurs territoires, leur culture et leur identité sont en péril. Les changements climatiques posent une menace supplémentaire sur la productivité agricole, a-t-il ajouté, notant que la France avait fait de la sécurité alimentaire une priorité de la présidence du G20. Ils constituent en outre une menace qui pèse sur les ressources en eau, en particulier dans les pays où elles sont rares. Ils sont une menace pour la viabilité des régions côtières qui abritent le tiers de la population mondiale, a-t-il poursuivi. L’Ambassadeur Araud a estimé que la communauté internationale devrait se mobiliser pour faire face aux effets des changements climatiques. Il n’y a qu’une voie: la coopération internationale, a-t-il précisé. Nous devons aborder une nouvelle étape dans la construction d’une réponse multilatérale ambitieuse lors de la Conférence de Durban. Il faut aussi donner un contenu opérationnel aux accords négociés À Cancún, préserver le Protocole de Kyoto et aller vers un instrument juridique plus large. En outre, il faudrait travailler à répondre aux menaces sectorielles et favoriser les partenariats, a souligné M. Araud, en rappelant que c’est dans cet objectif que le Forum mondial de l’eau se tiendra à Marseille en mars 2012. L’accès à l’énergie propre pour tous est une autre priorité car le développement est aussi une réponse aux changements climatiques et peut contribuer à prévenir et réduire les conflits, a-t-il ajouté, en soulignant que c’est dans cet esprit que la France et le Kenya ont lancé ensemble l’initiative Paris-Nairobi en avril dernier.

M. Araud a assuré que les implications des changements climatiques sur la paix et la sécurité devraient être prises en compte. Le Conseil de sécurité n’empiète pas sur les prérogatives des autres organes des Nations Unies et agit conformément à son mandat, a-t-il dit, soulignant la nécessité pour lui de prendre ses responsabilités. Le Conseil, a-t-il ajouté, fait face à de nouvelles catégories de menaces, lesquelles sont complexes, diffuses et multiformes. Il a regretté que le Conseil ne réagisse pas aujourd’hui comme il l’a fait précédemment sur la sécurité et le développement. Opposer des considérations bureaucratiques aux appels angoissés de certains pays n’est pas à la hauteur de l’enjeu, a-t-il estimé. « Ce n’est pas digne. »

M. NAWAF SALAM (Liban) a rappelé que la responsabilité des Nations Unies pour les questions de développement durable, y compris les changements climatiques, incombe au Conseil économique et social (ECOSOC) et à l’Assemblée générale, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques étant l’instrument clef pour traiter des problèmes liés au climat. La résolution de l’Assemblée générale qui invite les organes des Nations Unies à renforcer leurs efforts dans l’examen des questions liées aux changements climatiques est, selon lui, l’expression de la complémentarité des différents organes. C’est pourquoi, il a estimé que le débat au Conseil de sécurité faisait partie de ces efforts.

Les comportements doivent changer et des mesures vigoureuses doivent être prises pour faire face aux changements climatiques sans précédent, a-t-il poursuivi, soulignant les risques que posent les changements climatiques pour l’eau. Cette ressource est parfois à l’origine de conflits dans certains pays. Il a aussi rappelé que la communauté internationale doit mettre en œuvre tous les instruments pertinents pour gagner la bataille contre les changements climatiques. Il faudrait œuvrer en faveur du transfert des technologies et du renforcement des capacités afin de réduire les effets négatifs des changements climatiques, a-t-il dit.

M. DOCTOR MASHABANE (Afrique du Sud) a estimé que le débat d’aujourd’hui est important pour prendre conscience de la réalité des changements climatiques, notamment en Afrique et dans les petits États insulaires en développement. Il a réitéré la position du Groupe des 77 et de la Chine selon laquelle les changements climatiques menacent non seulement les perspectives de développement durable mais aussi la survie même des sociétés. Le représentant a rappelé la nécessité de mettre en œuvre les Programmes d’action de Barbade et de Maurice, tout en soulignant le problème du manque de ressources. Sa délégation souligne qu’il est important d’augmenter l’aide internationale pour assurer la mise en œuvre de ces Programmes d’action, de transférer les technologies vers les pays en développement et de renforcer les capacités de ces pays. Il faut que nous continuions à honorer les engagements pris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et du Protocole de Kyoto, a-t-il souhaité. La contribution des membres du Conseil de sécurité peut garantir que l’architecture du régime de lutte contre les changements climatiques soit renforcée et non fragmentée. L’Afrique du Sud va accueillir la prochaine Conférence des parties de la Convention-cadre, a-t-il annoncé avant de conclure.

M. ALFRED MOUNGARA MOUSSOTSI (Gabon) a affirmé que les changements climatiques avaient notamment des répercussions sur les cours d’eau et les ressources en eau, qui sont à l’origine de tensions entre pays riverains, comme c’est le cas dans plusieurs pays d’Afrique. Sans une coopération efficace, les changements climatiques sont susceptibles d’entraîner des déplacements de populations à travers les frontières, mais aussi une raréfaction des ressources, a observé le représentant. Face aux nouvelles menaces à la paix et à la sécurité, le Conseil de sécurité doit disposer d’outils qui lui permettent d’agir par anticipation, a-t-il estimé. La délégation du Gabon regrette que le projet de texte de la déclaration présidentielle n’ait pas pu faire l’objet d’un consensus, a dit le représentant. Il a appelé la communauté internationale à prendre en compte la nécessité d’aider l’Afrique, ainsi que les petits États insulaires en développement, à faire face au phénomène des changements climatiques.

M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a souligné les incertitudes liées aux changements climatiques, qui posent une menace et pèsent sur la sécurité. Il a notamment averti qu’une élévation d’un mètre du niveau des mers en 2100 pourrait faire disparaître plusieurs petits États insulaires ainsi que les littoraux côtiers de nombreux pays. Le Conseil de sécurité peut faire progresser le dialogue sur la question du point de vue de la sécurité, a-t-il estimé. Il peut en effet reconnaître les vulnérabilités induites par les changements climatiques, mais il n’a pas le pouvoir de traiter de la situation, qui exige une approche plus large, a-t-il précisé. Le représentant a rappelé que l’objectif mondial en matière de stabilisation du climat doit être basé sur la responsabilité commune et l’équité. Il a notamment appelé à préserver le second Protocole de Kyoto et à transférer les ressources et technologies nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique aux pays en développement, afin de renouveler l’impulsion donnée par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. C’est le manque de ressources qui devraient être consacrées par les pays en développement à l’éradication de la pauvreté qui constitue la menace la plus importante à la paix et à la sécurité, a-t-il ajouté. Il a invité la communauté internationale à mieux aider ces pays dans ce domaine en vue de les rendre plus à même de faire face aux incidences des changements climatiques.

S’il a d’abord souligné que la question des changements climatiques relève d’autres organes de l’ONU, M. JOSÉ FILIPE MORAES CABRAL (Portugal) a tout de même reconnu que le rôle du Conseil de sécurité consiste à traiter des nouveaux défis et à faire en sorte qu’ils ne conduisent pas à des tensions, voire à des conflits. Le représentant a donc regretté qu’il n’ait pas été possible de dégager un consensus sur le fait que le Conseil devrait examiner régulièrement cette question. Le Conseil, a-t-il insisté, devrait pouvoir, comme les autres institutions du système des Nations Unies, participer à la recherche de stratégies concrètes d’autant plus que ce sont les pays les plus vulnérables eux-mêmes qui le demandent.

Les questions qui se posent sont importantes, a rappelé le représentant : comment gérer les populations qui doivent être réinstallées ailleurs ? Où les mettre ? Comment les transporter ? Comment apaiser les tensions qui ne manqueront pas de naître ? Comment gérer les conséquences juridiques, comme la définition des frontières, des zones économiques et du plateau continental ? De mauvaises réponses peuvent conduire à des catastrophes humanitaires et à des tensions, a averti le représentant. « Nous devons, a-t-il estimé, donner la priorité à la prévention et aux mécanismes d’alerte rapide. Nous devons exploiter les mécanismes actuels pour discuter avec d’autres organisations qui ont une longueur d’avance sur la question », a dit le représentant en citant l’Union européenne et l’Union africaine. Le Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale (UNRCCA) et son travail sur le partage des ressources naturelles devrait servir d’exemple, a-t-il conclu. 

M. PETER WITTIG (Allemagne) a affirmé que l’ONU avait toujours tiré sa légitimité des États, riches ou pauvres. Chaque État, a-t-il dit, a le droit de demander que les menaces auxquelles est exposée son existence fassent l’objet d’un examen par le Conseil de sécurité. Tous les États et toutes les sociétés n’ont pas les mêmes capacités pour faire face aux conséquences dévastatrices des changements climatiques, a-t-il constaté. Le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, doit faire de son mieux pour prévenir les crises avant qu’elles n’éclatent. L’Allemagne ne veut pas que le Conseil de sécurité empiète sur le rôle de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ni sur les mandats des autres organes de l’Organisation. Elle souhaiterait vivement, a-t-il ajouté, que le Conseil de sécurité aille au–delà d’une gestion quotidienne des crises graves et examine aussi les causes sous-jacentes des conflits. 

M. MARCUS STEPHEN, Président de la République de Nauru, qui s’exprimait au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a déclaré qu’il était temps d’appréhender pleinement « cette réalité intenable », à savoir « qu’il il y a tellement de dioxyde de carbone dans l’atmosphère que certains des impacts environnementaux les plus sérieux ne peuvent plus être ignorés ou évités ». « Nous devons être prêts à répondre à cette réalité », a-t-il ajouté, avant de se demander quelle serait la réaction du monde si les peuples les plus directement menacés n’étaient aussi ceux qui sont déjà les plus pauvres. 

« De nombreux pays comme le nôtre font face à la plus grande menace à la sécurité qui soit, celle qui menace leur survie », a encore affirmé M. Stephen, notant que « déjà » les conséquences du réchauffement climatique se font sentir sur la stabilité des sociétés et des institutions politiques des petits États insulaires en développement du Pacifique. « Notre sécurité alimentaire, la fourniture de l’eau potable et la sûreté publique sont menacées », a-t-il poursuivi avant de prévenir que la constante montée des eaux allait contraindre bientôt les populations à déménager, « à l’intérieur des terres d’abord et à l’étranger ensuite ».

M. Stephen a ensuite demandé au Conseil de sécurité de s’attaquer aux causes des conflits qui pourraient éclater en raison de l’impact déstabilisateur des changements climatiques. « Le Conseil doit évaluer les risques que fait peser le climat sur la paix et la sécurité internationales de la même manière qu’il l’a fait concernant la pauvreté, la compétition pour l’accès aux ressources naturelles et le VIH/sida ». « Une réponse internationale suppose une évaluation précise des risques en fonction de la vulnérabilité des pays, une coordination multilatérale efficace et le renforcement de la diplomatie préventive », a encore estimé le Président de Nauru.

Il a ensuite exhorté le Conseil à reconnaître formellement que les changements climatiques représentent une menace à la paix et à la sécurité internationales. « Ce phénomène est une menace plus grande que la prolifération nucléaire ou le terrorisme, et il peut déstabiliser des gouvernements et déclencher des conflits », a-t-il renchéri. M. Stephen a ainsi proposé que le Conseil de sécurité nomme immédiatement un représentant spécial sur le climat et la sécurité, en le chargeant d’analyser les effets anticipés de la modification du climat sur la sécurité afin que la communauté internationale puisse disposer d’une image claire de ce qui l’attend et mieux préparer sa réplique.

« Le Conseil de sécurité devrait également procéder à un examen complet des capacités de l’ONU en ce qui concerne la réponse à apporter aux conséquences du réchauffement climatique, afin que les pays les plus vulnérables puissent être assurés que l’Organisation possède des moyens efficaces de les aider ». Enfin, le Président de Nauru a estimé que les risques en matière de sécurité que posent les changements climatiques sont la principale raison justifiant l’atteinte d’un accord juridiquement contraignant sur la question, ceci en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

M. RICHARD MARLES, Membre du Parlement et Secrétaire parlementaire aux affaires insulaires du Pacifique de l’Australie, a noté que les peuples qui souffrent le plus des effets des changements climatiques sont les moins responsables de ce problème. Dans notre région, l’une des incidences les plus importantes sera l’élévation du niveau de la mer, qui pourra augmenter d’un mètre d’ici à la fin du siècle, a-t-il rappelé. Les Îles Marshall, par exemple, perdraient 80 % de l’atoll Majuro, qui est la capitale du pays, a-t-il illustré, avant de souligner la déstabilisation potentielle découlant des mouvements de population. La sécheresse pose aussi des menaces graves à la productivité agricole, a-t-il ajouté. M. Marles a souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre les changements climatiques, invitant à le faire en priorité dans le respect de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Le Premier Ministre de l’Australie avait annoncé, le 1er  juillet, que l’Australie allait imposer une taxe sur le carbone, en vue de réduire la production du carbone de 160 millions de tonnes d’ici à 2020, a-t-il dit.

Le parlementaire australien a ensuite réaffirmé l’importance du rôle de l’Assemblée générale dans la recherche de solutions dans la lutte contre les changements climatiques. C’est l’Assemblée générale elle-même qui a invité tous les organes des Nations Unies à renforcer leurs efforts dans la lutte contre les changements climatiques et le Conseil de sécurité a sa part à jouer, a-t-il rappelé. M. Marles a fait observer que le Conseil traitait déjà des incidences du VIH/sida et de la pauvreté sur la sécurité. La nature globale du défi que posent les changements climatiques implique une responsabilité partagée et c’est dans ce contexte que l’Australie demeure engagée à participer à la lutte commune, a-t-il ajouté. M. Marles a reconnu que les changements climatiques représentent une menace à la sécurité et a des incidences importantes sur la stabilité du monde.

M. MAGED A. ABDELAZIZ (Égypte), qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés (MNA), a rappelé que la résolution 63/281 de l’Assemblée générale, sur les changements climatiques et ses possibles implications sur la sécurité, soulignait le partage des responsabilités entre les différents organes principaux des Nations Unies. « La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est l’instrument clef et le cadre multilatéral central idoine pour appréhender sous tous ses aspects la question des changements climatiques », a-t-il ensuite insisté. Le représentant a ajouté que « l’empiètement » continu du Conseil de sécurité, « qui traite des questions qui traditionnellement ne sont pas de son ressort », sur les fonctions et pouvoirs de l’Assemblée et du Conseil économique et social demeurait une source de profonde préoccupation pour le Mouvement des pays non alignés. « Le MNA souligne par conséquent que la décision de tenir ce débat ne doit pas constituer un précédent et que ses résultats ne devront pas aboutir à saper l’autorité du mandat des organes pertinents de l’ONU », a indiqué le représentant.

M. JORGE ARGÜELO (Argentine), qui s’exprimait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a dénoncé l’empiètement toujours croissant du Conseil de sécurité sur le rôle et les responsabilités des autres organes principaux des Nations Unies, estimant que ces actions du Conseil représentaient une distorsion des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies, entamaient leur autorité et compromettaient les droits des États Membres. Il a souligné l’importance pour l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et l’ÉCOSOC de travailler chacun dans le cadre de leurs mandats respectifs comme le stipule la Charte des Nations Unies. Les organes appropriés en matière de développement durable sont l’Assemblée générale, l’ECOSOC et leurs organes subsidiaires pertinents, y compris la Commission du développement durable et le Programmes des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a rappelé M. Argüelo.

Le Groupe des 77 et la Chine, a-t-il dit, jugent essentiel pour les États Membres de promouvoir le développement durable conformément aux Principes de Rio, en particulier le principe de responsabilité commune mais différenciée, et leur recommande de mettre en œuvre Action 21 et les programmes d’autres grandes conférences tenues par les Nations Unies dans les domaines économique, environnemental et social, y compris la Déclaration des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le représentant de l’Argentine a rappelé qu’une réponse adéquate au défi posé par les changements climatiques devrait s’attaquer non seulement aux conséquences, mais surtout aux racines du problème. Il s’est notamment dit extrêmement préoccupé par le fait que, dans les négociations actuelles sur les changements climatiques, il n’existe aucune indication claire que les pays développés adopteront une seconde période d’engagement au titre du Protocole de Kyoto. Les pays développés, a-t-il dit, doivent élever le niveau de leurs ambitions en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques.

M. CARLOS ENRIQUE GARCÍA GONZÁLEZ (El Salvador) a expliqué que les pays d’Amérique centrale, tant par leur localisation géographique que du fait de leurs pauvreté et déficit social, sont une des régions les plus vulnérables et les plus menacées par les changements climatiques. Il a aussi souligné les risquent très graves que courent les petits États insulaires qui voient notamment leurs côtes disparaître et leurs ressources en eau douce s’amoindrir. M. García González a souhaité que les pays développés progressent dans les négociations qui ont été ouvertes en vue d’adopter une seconde période d’engagement dans le cadre du Protocole de Kyoto, ainsi que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces pays sont les premiers et les plus grands responsables du problème qui menace aujourd’hui le monde entier, a-t-il relevé. Le représentant a aussi rappelé l’engagement des pays développés à fournir une aide technique et financière aux pays en développement pour que ceux-ci puissent respecter leurs engagements en termes d’adaptation. Il a souhaité que les organes principaux des Nations Unies déploient tous les efforts possibles pour aborder les répercussions des changements climatiques sur la sécurité.

M. PEDRO SERRANO, Chef par intérim de la délégation de l’Union européenne (UE) auprès des Nations Unies, a notamment déclaré qu’assurer la sécurité alimentaire des populations en expansion du monde était l’un des défis majeurs que la communauté internationale doit relever. « Les changements climatiques sont au centre d’une confluence de pressions qui pourraient avoir un effet néfaste sur la sécurité alimentaire pendant des décennies. » « L’Union européenne s’efforce d’inverser cette tendance par le biais de ses politiques humanitaires et de développement, l’Union ayant adopté en mars 2010 un cadre destiné à renforcer la coordination de ses membres en ce qui concerne la lutte contre la pénurie alimentaire dans le monde et la malnutrition », a poursuivi M. Serrano. Pour lui, « l’aide alimentaire doit être basée sur des pratiques environnementales durables ». En conclusion, il a jugé que plus d’analyses doivent être réalisées pour identifier clairement les liens entre développement et sécurité en général, et changement et sécurité en particulier. 

Mme SANJA ŠTIGLIC (Slovénie) a déclaré que les changements climatiques avaient des incidences négatives sur la paix et la sécurité internationales. Ils constituent, a-t-elle expliqué, un multiplicateur des menaces qui existent déjà ou sont potentielles. Un examen de ces incidences peut contribuer au renforcement de la prévention des conflits, a-t-elle estimé. Elle a espéré que les négociations menées dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques puissent permettre la conclusion d’un nouvel accord ainsi que la mise en place d’un financement adéquat des transferts de technologies en faveur des pays en développement. Ni l’atténuation ni l’adaptation ne permettront de lutter complètement contre les effets des changements climatiques, a-t-elle cependant également jugé.

M. CARSTEN STAUR (Danemark) a estimé que pour trouver une solution durable à cette « menace mondiale », il convient de suivre une stratégie multisectorielle qui incorpore les questions liées au climat et à la sécurité dans le travail de toutes les agences de l’ONU et de toutes les institutions pertinentes, aux niveaux international, régional et national. Comme ce sont les pays en développement qui sont les plus vulnérables, cette question, a aussi estimé le représentant, devrait faire partie intégrante de la coopération internationale au développement. Ceci inclut, a-t-il insisté, les questions liées au renforcement des capacités, à l’adaptation, à l’alerte rapide, à l’atténuation, ou encore à l’accès aux sources d’énergie renouvelables. 

Les efforts visant à promouvoir la « diplomatie du climat » doivent aussi être renforcés, a-t-il dit, en se félicitant des conclusions auxquelles est parvenu le dernier Conseil des Ministres des affaires étrangères de l’Union européenne. Il est impératif que nous ayons les dernières informations sur l’évolution du phénomène dont nous débattons aujourd’hui, a conclu le représentant, en appuyant l’idée que le Secrétaire général fasse des rapports réguliers sur cette question.

Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a estimé que les effets néfastes des changements climatiques ont des répercussions évidentes sur la sécurité et le développement de nombreux États, en particulier des petits États insulaires en développement. Le changement du climat n’est pas équitable, a-t-elle dit, précisant qu’il touche les plus vulnérables, qui sont aussi souvent ceux qui sont le moins responsables des causes du phénomène, mais doivent vivre au quotidien avec ses effets. C’est pour cette raison, a-t-elle expliqué, que la coopération luxembourgeoise intègre depuis plusieurs années les questions d’atténuation des effets du réchauffement de la planète et d’adaptation aux changements climatiques de façon systématique dans ses programmes de développement. Elle contribue de même au financement accéléré de la lutte à mener en vue de faire face aux changements climatiques, a-t-elle souligné. Ces contributions, a ajouté Mme Lucas, s’inscrivent dans une logique de prévention des conflits pour assurer la durabilité du développement, puisque les changements climatiques, ainsi que l’a relevé le Secrétaire général, peuvent mettre en danger la stabilité de pays entiers en y ralentissant la croissance économique, en aggravant la pauvreté et le désespoir des populations, et en exacerbant leur vulnérabilité.

M. EDUARDO ULIBARRI-BILBAO(Costa Rica) a rappelé la responsabilité des pays développés dans la lutte contre les effets négatifs des changements climatiques, tout en soulignant celle des grandes économies émergentes dans ce domaine. Les membres permanents du Conseil de sécurité en particulier, qui sont tous des grands émetteurs de gaz à effet de serre, et qui ont des attributions exceptionnelles comme le droit de veto, doivent prendre un engagement politique clair en faveur de la réduction de ces émissions, a-t-il demandé. Ce sera la meilleure façon d’éviter que les changements climatiques menacent la paix et la sécurité internationales, a-t-il estimé. M. Bilbao a invité le Conseil de sécurité à se concentrer sur les actions permettant d’éviter les conflits causés par les effets des changements climatiques, tout en reconnaissant les compétences particulières qu’ont dans ce domaine les autres organes et entités des Nations Unies, telles que l’Assemblée générale, le Conseil économique et social et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il faut aussi que les pays développés participent aux efforts d’atténuation des effets du réchauffement de la planète que déploient les pays en développement, en augmentant les flux financiers à destination des pays affectés par les changements climatiques, a préconisé M. Bilbao.

M. ANTHONY SIMPSON (Nouvelle-Zélande) a estimé que les débats consistant à savoir si la question de l’impact des changements climatiques devait être traitée ou non par le Conseil de sécurité pouvaient sembler, pour les petits États insulaires, abstraits et profondément coupés des problèmes auxquels ces pays sont confrontés. La région Asie-Pacifique a connu une série dévastatrice de catastrophes naturelles, a-t-il dit, ajoutant que les prévisions étaient tout aussi graves. Il faut, a-t-il dit, renforcer la capacité d’adaptation des pays en développement. De même, il convient de tenir compte de l’utilisation des ressources présentes et futures. Le représentant de la Nouvelle-Zélande a mis l’accent sur la nécessité de protéger les nouvelles infrastructures du climat. Les questions des changements climatiques et de sécurité doivent être traitées de manière intégrée dans toutes les institutions des Nations Unies, a-t-il également souligné.

M. KIM SOOK (République de Corée) a déclaré que son pays appuyait fermement les efforts de la communauté internationale en matière de lutte contre les effets des changements climatiques, et ce, « dans le contexte du développement durable ». « En tant que nation ayant fait de la croissance verte une priorité stratégique, la République de Corée s’est proposée d’organiser, en 2012, la dix-huitième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques », a-t-il indiqué. Il a ajouté qu’à cette occasion, les pays pourraient mettre en exergue le fait que l’économie verte et la croissance verte peuvent à la fois atténuer l’impact négatif du réchauffement climatique et accélérer l’avènement du développement durable.

M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) a exprimé l’amitié très forte qu’entretient son pays avec les petits États insulaires du Pacifique, amitié qui se concrétise notamment par une collaboration dans les domaines du droit de la mer et de la préservation du milieu marin. Citant le rapport du Secrétaire général qui voit les changements climatiques comme un facteur multiplicateur de menaces, en particulier dans les situations de pauvreté extrême, il a donné l’exemple de la péninsule antarctique, où la barrière de Larsen s’est désintégrée au cours des dernières décennies. Il a aussi souligné le problème de déplacement de population et les tensions politiques exacerbées qui en résultent. M. Errázuriz a appelé la communauté internationale à renforcer ses efforts dans les domaines de l’atténuation, de l’adaptation et du développement économique et social, invitant aussi les États à une plus grande coopération internationale dans la recherche de solutions. Le Chili réaffirme que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est l’instrument de base pour faire face au réchauffement de la planète, a-t-il dit.

M. TALAIBEK KYDYROV (Kirghizistan) a relevé que les changements climatiques mettent en péril la survie et la sécurité de certains pays insulaires en développement. C’est pourquoi les Nations Unies devraient, a-t-il estimé, examiner les mesures permettant de mobiliser le soutien international nécessaire pour les aider à faire face à cette situation. La fonte des glaciers réduit considérablement les ressources en eau et, par conséquent, le potentiel hydroélectrique dans son pays. « Nos glaciers risquent de disparaître complètement d’ici à 2100 », a-t-il averti. Il a aussi signalé que les cas de catastrophes naturelles dans son pays sont passés de 60 en 2000 à 420 en 2010, tendance qui selon les experts va se poursuivre. En outre, le Kirghizistan ainsi que d’autres pays d’Asie centrale connaissent le problème de l’appauvrissement de l’uranium, a-t-il ajouté.

Mme YANERIT MORGAN (Mexique) a estimé que les menaces posées par les effets des changements climatiques exigeaient des actions concrètes conformément au principe de la responsabilité commune mais différenciée. Si l’impact des changements climatiques ne constitue pas une menace à la paix et à la sécurité au sens strict, il n’en demeure pas moins que les risques posés par le phénomène sont clairs, a-t-elle indiqué. La représentante a en particulier mis l’accent sur la nécessité de respecter les engagements pris lors de la Conférence de Cancún, de renforcer le cadre juridique international, et de l’adapter à l’ampleur du défi à relever. À Durban, a-t-elle ajouté, il conviendra de donner un contenu concret aux institutions créées à Cancún. 

M. DIEGO MOREJÓN PAZMIÑO (Équateur) a affirmé que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est le forum adéquat pour examiner les thèmes dérivés de cette question. Il a aussi invité les États à respecter le Protocole de Kyoto et à tenir les engagements formulés dans son annexe I. L’Assemblée générale est l’organe le plus universel et démocratique pouvant permettre d’appliquer les recommandations faites sur les incidences des changements climatiques au niveau mondial, a-t-il ajouté. Le représentant a rappelé que son pays a donné un élan au combat contre les changements climatiques, et que l’Équateur évite de créer de nouvelles émissions de gaz à effet de serre, grâce au processus Yasuní-ITT, par lequel le pays s’engage à ne pas exploiter près de 850 millions de barils de pétrole situés dans le Parc naturel de Yasuní. « En tant que représentant d’un pays en développement », a-t-il dit, « j’invite la communauté internationale à adopter une approche cohérente dans la lutte contre les effets du réchauffement de la planète en assurant notamment le transfert des technologies et l’augmentation des flux financiers dont ont besoin les pays les moins avancés ou en développement. »

M. RODOLFO ELISEO BENÍTEZ VERSÓN (Cuba) a affirmé que les changements climatiques représentaient l’un des plus graves dangers auxquels doit faire face l’humanité pour sa survie. Il appartient aux pays développés de solder leur dette historique à l’égard de l’écologie de la planète, a-t-il déclaré. Le Conseil de sécurité devrait, s’il veut être sérieux sur cette question, commencer à faire une déclaration en mettant l’accent sur le principe de responsabilité commune mais différenciée. C’est la pierre angulaire, a-t-il précisé, d’une solution juste et durable. De même, le Conseil devrait, a estimé le représentant de Cuba, demander aux pays industrialisés d’assumer une seconde période d’engagement au titre du Protocole de Kyoto avec des objectifs mesurables et plus ambitieux concernant la réduction de gaz à effet de serre.

Mme MARY ELISABETH FLORES (Honduras) a indiqué que son pays a été frappé par un ouragan « dantesque » qui, en un instant, a balayé 50 ans d’efforts et de rêve de développement. Le Honduras se relève progressivement de cette catastrophe grâce à la solidarité internationale et à ses propres efforts internes, a-t-il dit. Il a jugé trop simpliste de limiter le débat du jour aux risques que posent l’élévation du niveau des mers et les menaces relatives à la sécurité alimentaire. Chaque fois que la nature se rebelle contre l’homme, cela provoque des réactions en chaîne qui mettent en péril des vies et sapent les chances offertes aux futures générations, a-t-il observé. Le représentant a indiqué que le Honduras élabore une stratégie d’atténuation des effets des changements climatiques afin de réduire ses vulnérabilités. Ces vulnérabilités, a-t-il expliqué, proviennent non seulement de conditions géographiques du pays, mais aussi du retard économique et du manque d’opportunités pour la plupart de la population.

Mme ANNE WEBSTER (Irlande) a affirmé que les incidences sécuritaires des changements climatiques et leur rôle en tant que multiplicateur des menaces sont évidents et mettent en péril la paix et la sécurité internationales. L’ONU peut élaborer une réponse mondiale à ces phénomènes, qui exigent une direction politique vigoureuse de tous les pays, en particulier des grands émetteurs de gaz à effet de serre. La communauté internationale doit travailler de concert pour répondre aux besoins des pays en développement, en particulier des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés. Les incidences sécuritaires sont de plus en plus fréquentes, a-t-elle insisté. Le Conseil de sécurité doit, a estimé Mme Webster, clairement reconnaître la menace des changements climatiques à la paix et à la sécurité internationales.

M. TAKESHI OSUGA (Japon) a invité les États Membres à faire preuve de prudence lorsque l’on envisage le rôle du Conseil de sécurité dans la réponse à apporter aux effets négatifs des changements climatiques. Les petits États insulaires en développement sont en danger d’être submergés par la montée du niveau des mers, a-t-il rappelé, soulignant le sentiment d’urgence avec lequel il faut aborder la question du réchauffement de la planète causé par les changements climatiques. Le problème de l’élévation du niveau des mers préoccupe aussi bien des pays plus grands que les petits États insulaires, a-t-il indiqué, et les déplacements internes de réfugiés environnementaux que cela entraîne peuvent exacerber les risques de conflit. Le représentant a invité la communauté internationale à établir un lien entre changements climatiques, sécurité et développement. Il a souhaité que, lors de la dixième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, un accord soit trouvé pour rendre opérationnel l’Accord de Cancún. En ce qui concerne l’accord sur un texte devant succéder au Protocole de Kyoto, il a indiqué que la position du Japon n’a pas changé. Le représentant du Japon a aussi parlé de la contribution financière de son pays aux efforts d’atténuation des effets des changements climatiques, qui sont déployés en faveur des pays les plus vulnérables. Enfin, il a indiqué que le Japon se proposait pour accueillir une conférence sur la réduction des effets des catastrophes naturelles.

M. VANU GOPALA MENON (Singapour) a affirmé que seuls des efforts concertés de la part de tous les États Membres avec des acteurs non étatiques pertinents peuvent relever le plus grand défi de l’époque. Les changements climatiques, a-t-il dit, représentent un problème mondial qui exige des solutions mondiales durables dans un cadre inclusif multilatéral. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, a-t-il dit, reste et restera l’instance principale pour les négociations sur les changements climatiques. Il a également estimé que les pays développés avaient une responsabilité historique claire pour résoudre les problèmes que posent les effets des changements climatiques. La participation de l’ensemble des pays, développés et en développement, est nécessaire pour régler cette question, a-t-il souligné.

Mme GRÉTA GUNNARSDÓTTIR (Islande) a reconnu que les petits États insulaires en développement sont particulièrement vulnérables aux effets des changements climatiques. Ce phénomène peut contribuer à l’augmentation des tensions et conduire éventuellement à un conflit, a estimé la représentante, jugeant important que le Conseil de sécurité s’en préoccupe. Même si la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques reste le forum principal pour traiter de cette question au niveau international, le Conseil devrait reconnaître la menace que pose ce phénomène à la paix et à la sécurité internationales, a-t-elle ajouté. Mme Gunnarsdóttir a par ailleurs invité la communauté internationale à ne pas oublier que les femmes sont particulièrement touchées par les effets des changements climatiques. Les zones rurales et les secteurs qui sont traditionnellement associés aux femmes sont les plus touchés par les changements climatiques, a-t-elle expliqué, tout en indiquant aussi que le manque de ressources en eau ajoute un fardeau aux tâches souvent dévolues aux femmes. La représentante a cependant suggéré de ne pas considérer les femmes comme des victimes des changements climatiques, mais plutôt comme des actrices dans la lutte entreprise dans ce domaine.

M. GILLES RIVARD (Canada) a d’abord souligné que son pays continuait de participer aux négociations pour élaborer l’instrument qui établira un régime juridique après 2012 dans la lutte contre les effets des changements climatiques, celui-ci devant être « à la fois équitable et efficace ». Convaincu que les défis mondiaux exigent des solutions mondiales, le représentant a en outre plaidé pour l’élaboration de programmes environnementaux soutenus par la coopération internationale et une économie dynamique. M. Rivard a ensuite expliqué que le Canada avait versé en 2010 et 2011, 400 millions de dollars pour financer la mise en œuvre de mesures d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement, y compris de petits États insulaires en développement et les pays d’Afrique. « Cette aide se concentre sur l’énergie propre, les forêts et l’agriculture », a-t-il ajouté. M. Rivard a aussi fait observer que son pays appuyait les interventions humanitaires menées dans les pays en proie à des crises alimentaires induites en partie par le réchauffement climatique.

M. ROBERT AISI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a souligné que la lutte contre les changements climatiques et ses effets exige, au plan national, une approche qui implique tout le gouvernement. Au niveau international, a-t-il estimé, il nous faut également une approche impliquant l’ensemble des Nations Unies, à savoir l’Assemblée générale, le Conseil économique et social, la Convention-cadre contre les changements climatiques, les institutions de l’ONU telles que le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et les organisations internationales comme la Banque mondiale. Le Conseil de sécurité, a poursuivi le représentant, a aussi un rôle important à jouer, compte tenu de la menace que fait peser le climat sur la paix et la sécurité internationales. Après tout, a-t-il rappelé, le Conseil a déjà traité du développement, du VIH/sida ou encore des enfants et des femmes dans les conflits armés, sans pour autant compromettre la primauté en la matière des mandats d’autres organes et agences de l’ONU. La même approche doit être utilisée pour traiter des implications sur la sécurité des effets des changements climatiques, a estimé le représentant. 

M. ESHAGH AL HABIB (République islamique d’Iran) s’est inquiété de ce que le Conseil de sécurité empiète régulièrement sur les mandats attribués par la Charte de l’ONU à d’autres organes. « Alors qu’il n’est même pas capable de traiter les causes classiques des situations d’insécurité et de conflits, le Conseil examine des questions qui ne relèvent pas de ses compétences ou qui ne sont pas considérées comme des menaces à la paix et à la sécurité mondiales », a-t-il fait remarquer. Compte tenu de la structure actuelle du Conseil de sécurité et de ses méthodes de travail non transparentes, cette tendance aura des conséquences sur le fonctionnement des autres organes de l’ONU, a-t-il prévenu. Le représentant de l’Iran a appelé « certains membres permanents du Conseil » à honorer leurs engagements pour renforcer les capacités, le transfert de technologies respectueuses de l’environnement et de fournir des ressources financières aux pays qui en ont le plus besoin pour mieux répondre aux conséquences des changements climatiques. Avant de conclure, il a appelé à traiter de ce problème dans le cadre du développement durable, soulignant à cet égard le rôle primordial de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC et de la Commission du développement durable de l’ONU.

M. MANSOUR AYYAD SH A ALOTAIBI (Koweït), qui s’exprimait au nom du Groupe des États arabes, a prévenu que les changements climatiques auraient des effets négatifs sur la région arabe, notamment dans ses zones arides et semi-arides. Le représentant a cependant demandé au Conseil de sécurité de ne pas empiéter sur les mandats des autres organes des Nations Unies. La question des changements climatiques, a-t-il ajouté, fait partie intégrante du développement durable sous tous ses aspects. Il est essentiel que tous les États Membres appuient le développement durable en respectant les Principes de Rio, y compris le principe de responsabilité partagée mais différenciée. Il a de même assuré que la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques demeurait le forum principal pour les négociations sur les changements climatiques.

Mme BYRGANYM AITIMOVA (Kazakhstan) a appelé à un renforcement de la collaboration entre la Convention-cadre sur les changements climatiques et les autres entités des Nations Unies pour traiter, de manière globale et efficace, l’impact du climat sur la sécurité internationale. Les changements climatiques et leur dimension sécuritaire devraient être l’occasion d’améliorer et de réformer la gouvernance mondiale, en particulier de renforcer certaines dispositions du droit international, dont le droit de la mer. 

La représentante a salué le rôle que les Nations Unies jouent en matière de diplomatie préventive en Asie centrale, une région qui s’efforce de reconstituer la mer d’Aral et qui a besoin, pour ce faire, de l’aide internationale. De même le Kazakhstan a vu son sol, son eau, son environnement et son peuple être affectés par les essais nucléaires qui ont été effectués depuis plus de 40 ans. Sans l’implication de la communauté internationale, il lui sera impossible de réhabiliter la région de Semipalatinsk, a prévenu la représentante. 

M. THOMAS LAMBERT (Belgique) a estimé que le rapport du Secrétaire général de 2009 avait constitué une étape majeure en démontrant la nécessité d’une action renforcée du système des Nations Unies. Il a relevé que, malgré quelques progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, cette question n’est pas très présente dans les débats à New York. Tout en reconnaissant que la Convention-cadre est le forum adéquat pour traiter de la question des changements climatiques, il a estimé que les autres organes, à savoir le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, devraient rester saisis des aspects de cette question qui sont de leur compétence.

La meilleure prévention contre les conséquences prévisibles ou imprévisibles des changements climatiques est certainement l’atténuation, a poursuivi M. Lambert. Il a rappelé que des mesures importantes ont été convenues à Cancún et que l’heure est maintenant à leur mise en œuvre. L’Union européenne s’est engagée sur la voie d’une économie à faibles émissions et à efficacité énergétique renforcée d’ici à 2020, a-t-il souligné, en invitant les autres à se joindre à ces efforts. « Nous devons aussi augmenter notre capacité à faire face aux effets des changements climatiques », a-t-il dit, signalant que certaines populations ont déjà été relocalisées dans des petites îles du Pacifique et même en Alaska. Tout au long de l’histoire, les hommes se sont battus pour les ressources naturelles, a-t-il aussi souligné, avant d’observer que les changements climatiques menacent aujourd’hui la disponibilité de ces ressources. Les changements climatiques vont devenir un facteur de plus en plus important de conflit, a-t-il prévenu.

M. ROBERTO RODRÍGUEZ (Pérou) a rappelé les organes qui sont chargés particulièrement des questions liées aux changements climatiques, comme la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’Assemblée générale et l’ECOSOC. Il a expliqué les conséquences sociales des effets des changements climatiques dans son pays, parlant notamment du phénomène d’El Niño et de la fonte des glaciers. La question des changements climatiques nécessite une action multilatérale concertée de toute la communauté internationale, par le biais de la Convention-cadre et en respectant les principes applicables tels que la responsabilité partagée mais différenciée, a-t-il dit. Le représentant a attiré l’attention sur le cas des petits États insulaires en développement, affectés plus particulièrement par les crises économique et financière mondiales, ainsi que par les crises alimentaire et énergétique, sans compter l’élévation du niveau de la mer. En tant que pays en développement, nous sommes déterminés à respecter nos engagements en termes de financement et de coopération technique à l’égard de la communauté internationale, a-t-il ajouté.

M. ABDUL MOMEN (Bangladesh) a affirmé que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques demeurait le forum principal pour la tenue de négociations sur les changements climatiques. Le représentant a estimé que les changements climatiques auront des répercussions graves sur les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement. Il a ainsi appelé à une mise en œuvre pleine et efficace des engagements du Programme d’action d’Istanbul et de la Déclaration et de la Stratégie de Maurice. Il a également mis l’accent sur la nécessité de renforcer l’assistance aux pays en développement affectés par ce phénomène en appuyant les efforts entrepris pour accroître leurs capacités nationales et régionales pour faire face à ses effets, y compris l’atténuation de l’impact des changements climatiques, l’adaptation à leurs effets, l’alerte préventive et la promotion d’un développement durable.

M. RAFAEL ARCHONDO (Bolivie) a estimé que, malgré la dimension sécuritaire que peuvent prendre les changements climatiques, cette question ne peut pas être abordée de façon équilibrée par le Conseil de sécurité. Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre sont parmi les membres permanents du Conseil, qui ont le droit de veto au sein de cet organe, a-t-il expliqué. La question des changements climatiques et son impact éventuel sur la sécurité doivent donc plutôt être traités au sein d’un organe où les « principaux coupables » n’auront pas de droit de veto et où les principales victimes seront représentées et auront droit à la parole, a-t-il suggéré. Seule l’Assemblée générale peut traiter des questions fondamentales liées aux changements climatiques, a-t-il conclu. Il a aussi demandé que les pays développés augmentent les promesses qu’ils ont faites de réduire les émissions de gaz à effet de serre, avertissant qu’un scénario catastrophe pourrait se dérouler dans l’avenir si rien n’est fait. Le représentant a appelé à sanctionner ceux qui ne respectent pas les engagements de réduction de leurs émissions de dioxyde de carbone, avant de proposer la création d’un tribunal international de justice climatique. Il a enfin proposé au Conseil de sécurité d’adopter une résolution par laquelle il demanderait une réduction de 10 à 20 % des dépenses de défense et de sécurité afin d’utiliser les sommes économisées pour la lutte contre les incidences des changements climatiques.

M. STUART BECK (Palaos), qui a fait siens les propos du Président de Nauru, a rappelé que le Conseil de sécurité avait été doté de pouvoirs extraordinaires par la Charte en cas de menace à la paix et à la sécurité internationales. « La délégation de Palaos est par conséquent surprise d’entendre que des États Membres s’opposeraient, par principe, à tout résultat découlant de ce débat », a-t-il souligné. Rappelant que la science a clairement établi que la région ouest du Pacifique a déjà subi les conséquences d’une montée du niveau de la mer deux fois supérieure à celle à laquelle font face les autres régions du monde, il a affirmé que les petits États insulaires en développement du Pacifique étaient « dans la zone rouge ». « Si certains se trouvaient sur nos côtes en voie de disparaître, ils apprécieraient peut-être une telle situation », s’est-il demandé avec ironie. En conclusion, il a déclaré que, la menace que posent les changements climatiques, qui constituent une nouvelle menace pour la paix et la sécurité des États, peut très bien tomber dans le champ de compétence traditionnel du Conseil de sécurité. 

M. CSABA KőRÖSI (Hongrie) a indiqué que la sécurité alimentaire au cours des 60 dernières années n’avait jamais été aussi fragile, les pays les plus vulnérables aux effets des changements climatiques étant aussi les plus menacés par cette tendance. Il a ensuite noté que les risques de conflits sont plus élevés dans les zones les plus arides du globe. Qualifiant les changements climatiques de « facteur multiplicateur de menaces », le représentant de la Hongrie a estimé que la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité, ne devrait ménager aucun effort pour répondre durablement et efficacement aux conséquences du phénomène sur la paix et la sécurité internationales.

M. JANNE TAALAS (Finlande) a affirmé que la cause des petits États insulaires en développement face aux changements climatiques doit être considérée comme une priorité partagée par ces pays. Il a ainsi fait observer que la Finlande a développé plusieurs partenariats avec ces États pour les aider à renforcer leurs capacités et à s’adapter au niveau local. « Au plan institutionnel, la Finlande appuie d’importants projets de coopération météorologique dans les régions du Pacifique et des Caraïbes », a-t-il par exemple noté. Le représentant a par ailleurs souligné le rôle précieux des femmes, « en tant qu’agents de changement », dans la mise en place au sein des communautés des outils d’adaptation au réchauffement climatique. « C’est dans cet esprit que la Finlande demande la participation des femmes aux négociations menées dans le cadre de l’Alliance en faveur du climat », a-t-il conclu. 

M. JOSEPH GODDARD (Barbade), qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a dénoncé le manque de volonté politique pour réduire les conséquences des changements climatiques sur le développement des pays, en particulier les petits États insulaires de la région du Pacifique et des Caraïbes. Il a exhorté les États Membres à conclure rapidement un accord juridiquement contraignant en vertu des engagements pris dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Conseil de sécurité devant, selon lui, éviter d’empiéter sur les mandats de l’Assemblée générale et de l’ECOSOC. Pour le représentant, les pays développés, qui ont historiquement contribué le plus à la dégradation de l’environnement, doivent donner l’exemple en matière de réduction des gaz à effet de serre et maintenir un degré élevé d’assistance technique aux pays en développement. 

M. FAZLI ÇORMAN(Turquie) a déclaré que les effets négatifs des changements climatiques représentent un risque trop grave pour qu’il soit ignoré et ne pas agir. C’est une responsabilité qui doit être partagée mais différenciée, a-t-il ajouté. La Turquie est résolue à coopérer aux efforts mondiaux de lutte contre les effets des changements climatiques, en se basant sur la Convention-cadre pertinente des Nations Unies, qui demeure le seul forum approprié. Le représentant a attiré l’attention sur les risques accrus qu’encourent les pays insulaires en développement, notamment l’élévation du niveau de la mer. Ces pays seront les plus durement frappés par les changements climatiques, a-t-il dit, souhaitant que l’on examine de plus près les mesures d’adaptation. Il a notamment invité à identifier les cas d’adaptation qui ont réussi dans le monde. La planification et la préparation exigent en outre des ressources financières et des technologies particulières, a-t-il aussi relevé, appelant à une coopération internationale accrue dans ces domaines.

M. LIBRAN N. CABACTULAN (Philippines) a souligné l’impact du réchauffement climatique sur la pêche dans son pays, certaines espèces de poissons étant menacées par la fréquence d’importantes inondations et crues des fleuves. Il a ensuite indiqué que si la question du climat sous tous ses aspects doit être appréhendée dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Conseil de sécurité « peut jouer un rôle », compte tenu du fait que le phénomène contribue également à l’éclatement d’un conflit. 

M. MACHARIA KAMAU (Kenya) a déclaré que les changements climatiques représentaient un danger sans précédent pour la sécurité alimentaire et économique du Kenya. Les cours d’eau sont asséchés, les forêts disparaissent, les denrées alimentaires se raréfient et les communautés sont contraintes de quitter leurs maisons du fait de la sécheresse, a-t-il précisé. « Nous dépendons de l’agriculture, épine dorsale de notre économie », a-t-il dit, en s’inquiétant des conséquences des sécheresses et des inondations sur la survie du bétail et la production de moyens de subsistance. Le représentant a rappelé que deux tiers des terres kényennes n’étaient pas arables. Alors que la corne de l’Afrique connaît une sécheresse sans précédent, il est important que la communauté internationale commence à bien comprendre les conséquences graves des changements climatiques pour les pays les moins avancés, a-t-il insisté. Il faut des solutions claires afin que nous puissions tout mettre en œuvre dans l’intérêt de nos enfants, a-t-il souhaité avant de conclure. 

M. KHALID MOHAMMED OSMAN SIDAHMED MOHAMMED ALI (Soudan) a rappelé que le conflit qui touche à sa fin au Darfour a été essentiellement causé par la sécheresse et la désertification de la région qui a commencé en 1985. Ces phénomènes ont eu des répercussions sur l’activité économique fondée sur l’agriculture et l’élevage, a-t-il expliqué, causant des tensions et finalement un conflit. Si les problèmes essentiels liés à cette sécheresse étaient réglés dans la région, le conflit aurait pu être évité, a-t-il estimé. Le représentant a donc appelé à axer les efforts sur les solutions des causes principales des conflits. Cela contribuerait considérablement à réduire les dépenses engagées pour le déploiement des opérations de maintien de la paix, a-t-il expliqué.

M. HENRY TACHIE-MENSON (Ghana) s’est dit fermement convaincu que le débat de ce jour encouragerait de nombreux pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à investir davantage dans les activités d’adaptation aux effets du réchauffement de la planète. Sur ce dernier point, il a précisé que l’adaptation doit comprendre la fourniture d’informations sur la vulnérabilité, des systèmes d’alerte rapide, la cogestion des ressources en eau entre les pays et régions, et le maintien de l’accès aux ressources naturelles les plus vitales pour les membres de chaque société. « Grâce à ces moyens, nous pourrons renforcer la sécurité et réduire les risques de conflits environnementaux », a estimé le représentant. 

M. JORGE VALERO BRICEÑO (Venezuela) s’est dit préoccupé par l’« hyperactivité » de certains membres du Conseil de sécurité sur des questions qui ne sont pas de leur compétence, alors que ces mêmes États oublient, voire évitent d’examiner des initiatives qui contribueraient à légitimer ou à rendre plus transparent leur travail. C’est à l’Assemblée générale et au Conseil économique et social que reviennent les questions liées au développement socioéconomique, a tranché le représentant, en dénonçant de la part de certains membres du Conseil de sécurité un abus d’autorité qui viole les droits de la majorité des États Membres de l’ONU. 

Il se trouve en outre, a poursuivi le représentant, que les changements climatiques et leurs conséquences sont couverts par un accord multilatéral juridiquement contraignant, consacré dans la Convention-cadre des Nations Unies et le Protocole de Kyoto. Ce qu’il faut, a-t-il insisté, c’est renforcer et non affaiblir le cadre institutionnel de l’Assemblée et du Conseil économique et social. Le Venezuela, a prévenu le représentant, s’oppose à toute initiative sur les changements climatiques qui sortirait du cadre de la Convention-cadre des Nations Unies, pour la simple raison qu’une telle initiative ne ferait que compromettre l’efficacité des institutions du système multilatéral sur ces questions. Le Conseil de sécurité n’a reçu aucun mandat pour traiter de la vulnérabilité des États face aux changements climatiques, a fait remarquer le représentant. 

M. LUKE DAUNIVALU (Fidji) a indiqué que les changements climatiques posaient la menace la plus grave à la survie de nombreux petits États insulaires. La protection de notre intégrité territoriale et de notre existence est davantage menacée par les effets adverses des changements climatiques que par les conflits humains ou d’autres formes d’atrocités, a-t-il notamment fait savoir. De son avis, « l’implication sécuritaire fondamentale » des changements climatiques mérite la pleine attention des organes principaux de l’ONU.

Le représentant a estimé que le fait de saisir le Conseil de sécurité de la question des implications sécuritaires des changements climatiques ne constituait en rien un empiètement sur les mandats des différents organes de l’ONU chargés de la question des changements climatiques. Nous demandons simplement au Conseil de sécurité de s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte, a-t-il dit. Ce faisant, a ajouté M. Daunivalu, le Conseil de sécurité doit pleinement respecter les mandats des autres organes de l’ONU. Les menaces posées par les changements climatiques sont politiquement aveugles, a poursuivi le représentant, et il nous incombe à tous d’adopter une approche détaillée en la matière. Les enjeux sont trop sérieux, et le prix de l’inaction sera incommensurablement élevé, a-t-il par ailleurs affirmé.

M. ŁUKASZ ZIELIŃSKI (Pologne) a estimé que l’eau doit être au centre des efforts d’adaptation aux effets des changements climatiques, d’autant plus que toute pénurie peut conduire à des émeutes et à des pertes économiques susceptibles de déclencher des conflits à travers le monde. La compétition pour accéder aux ressources énergétiques peut, elle aussi, devenir une cause de conflits, a ajouté le représentant. Pour lutter contre ces menaces, il a appelé à l’adoption d’une nouvelle approche de la politique internationale qui impliquerait l’amélioration des capacités nationales en matière d’alerte rapide, d’analyse et d’action. 

« Il nous faut disposer d’une coopération internationale renforcée qui fait des bonnes politiques environnementales une partie essentielle de la prévention des conflits. Il nous faut un cadre de gestion des risques et un meilleur partage des informations relatives aux menaces à la sécurité qui ont un lien avec les changements climatiques », a estimé M. Zielinski. La prévention, l’atténuation et les capacités de réponse doivent être conjuguées à la promotion de scenarii pour la sécurité régionale, a conclu le représentant.

M. OMBENI SEFUE (République-Unie de Tanzanie) a estimé que les liens entre sécurité et changements climatiques doivent être examinés par les entités de l’ONU chargées de s’occuper du développement durable. « Déjà en 2007, la majorité des États Membres étaient d’avis que le Conseil d sécurité doit éviter d’empiéter sur les prérogatives de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’ECOSOC », a-t-il rappelé. Le représentant a ensuite recommandé que le Secrétaire général réclame qu’une étude complète soit menée pour déterminer l’ampleur et la portée des menaces pesant sur la sécurité des îles du Pacifique les plus vulnérables. « Les options et solutions qui résulteraient de cette étude seraient ensuite soumises pour examen à l’Assemblée générale », a-t-il préconisé. 

M. RON PROSOR (Israël) a mis l’accent sur les conséquences économiques des changements climatiques et, notamment, sur les risques pour les petits États insulaires en développement de perdre leur territoire. Il a dit qu’Israël poursuivait ses efforts pour réaliser l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020. Il a indiqué qu’Israël a créé une Commission ministérielle sur la protection de l’environnement et les changements climatiques composée de représentants de tous les ministères et de la société civile. Israël, dont les terres sont arides et semi-arides, dispose d’une expérience significative qu’il souhaite partager dans le domaine de la lutte contre la désertification et la gestion des forêts ainsi que de l’agriculture et de l’eau, a assuré son représentant.

M. JUAN PABLO DE LAIGLESIA (Espagne) a déclaré que les changements climatiques présentaient d’énormes risques pour la sécurité des États et celle des populations humaines. Il a précisé que le 28 juin 2011, l’Espagne a adopté une nouvelle stratégie visant à faire face aux problèmes sécuritaires et aux risques de conflits liés à l’insuffisance de ressources et à l’exacerbation de la pauvreté en raison des effets des changements climatiques. Il a salué l’initiative de l’Allemagne, qui a conduit à l’organisation de cette réunion sur les changements climatiques, en raison de l’impact potentiel de ce phénomène sur la sécurité internationale.

M. CESARE MARIA RAGAGLINI (Italie) a observé que les changements climatiques multiplient les menaces de déclenchement de conflits. Il a évoqué les risques provoqués par l’élévation du niveau de la mer, la raréfaction des ressources naturelles, la désertification, ou encore les migrations climatiques. Il s’est félicité de ce débat au Conseil de sécurité sur les implications des changements climatiques sur la sécurité, tout en appelant à respecter les prérogatives des organes et instruments pertinents. Le représentant a invité à soutenir les petits États insulaires en développement qui ne peuvent pas faire face à toutes les menaces des changements climatiques. L’Italie coopère dans ce domaine de façon bilatérale, et dans le cadre du partenariat développé entre l’Union européenne et les pays du Pacifique.

M. ABDULLAH HUSSAIN HAROON (Pakistan) a indiqué que des évaluations scientifiques pragmatiques ont révélé que les pays développés devaient réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 % par rapport à leur niveau de 1990 d’ici à 2020.  Or il semble que sur la base d’une augmentation de 6 % dans le pire des cas ou d’une réduction de 16 % pour les pays ayant produit les meilleures résultats, nous nous orientons vers une augmentation moyenne des températures de 2,5 à 5 degrés, qui entraînera une série de catastrophes pour les pays en développement les plus vulnérables, a déploré M. Haroon. Il a estimé que les changements climatiques sont responsables de la transformation en désert de 20 % des terres devenues semi-arides à travers le monde, et que le phénomène a entamé les réserves en eau de près d’un milliard de personnes, avec des conséquences en matière de sécurité en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. Il a estimé que le Pakistan était une des plus grandes victimes de l’injustice climatique créée par les émissions de gaz à effet de serre. Il s’est inquiété notamment de la disparition des aires glaciaires montagneuses, qui couvrent 15 000 kilomètres carrés au Pakistan. Il a précisé que 80 % des terres cultivées dans le pays étaient irriguées grâce à l’eau provenant des glaciers pakistanais.  

Déclaration présidentielle

Le Conseil de sécurité réaffirme la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui lui incombe en vertu de la Charte des Nations Unies. Le Conseil souligne qu’il importe de mettre en place des stratégies de prévention des conflits.

Le Conseil est conscient de la responsabilité qui incombe à l’Assemblée générale et au Conseil économique et social pour ce qui a trait au développement durable et notamment aux changements climatiques.

Le Conseil souligne la résolution 63/281 de l’Assemblée générale en date du 3 juin 2009, qui réaffirme que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est l’instrument clef de la recherche d’une solution aux changements climatiques, rappelle les dispositions de cet instrument, notamment la reconnaissance que le caractère planétaire des changements climatiques requiert de tous les pays qu’ils coopèrent le plus possible et participent à une action internationale efficace et appropriée, selon leurs responsabilités communes mais différenciées, leurs capacités respectives et leur situation économique et sociale, et invite les organes concernés de l’Organisation des Nations Unies à redoubler d’efforts, selon qu’il conviendra, et dans le cadre de leurs mandats respectifs, pour s’intéresser et faire face aux changements climatiques, notamment aux répercussions que ceux-ci pourraient avoir sur la sécurité.

Le Conseil prend note de la résolution 65/159 adoptée par l’Assemblée générale le 20 décembre 2010 et intitulée « Sauvegarde du climat mondial pour les générations présentes et futures ».

Le Conseil note qu’en réponse à la demande formulée par l’Assemblée générale dans sa résolution 63/281, le Secrétaire général a présenté à cette dernière un rapport intitulé « Les changements climatiques et leurs répercussions éventuelles sur la sécurité » (A/64/350).

Le Conseil craint que les effets préjudiciables éventuels des changements climatiques puissent, à long terme, aggraver les menaces existantes à la paix et la sécurité internationales.

Le Conseil exprime sa préoccupation devant les répercussions que la perte de territoire de certains États par suite de l’élévation du niveau de la mer pourrait avoir sur la sécurité, en particulier dans les petits États insulaires de faible altitude.

Le Conseil note que, pour les questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont il est saisi, l’analyse des conflits et l’information contextualisée concernant, entre autres, les répercussions des changements climatiques sur la sécurité sont importantes lorsque de tels vecteurs de conflit rendent difficile la mise en œuvre du mandat du Conseil ou compromettent la consolidation de la paix.  À cet égard, il demande au Secrétaire général de veiller à ce que les rapports qu’il lui présente contiennent cette information contextualisée.

*   ***   *

ANNEXE 3 :
LE CONCEPT STRATÉGIQUE DE L’OTAN

Engagement actif, défense moderne

Concept stratégique pour la défense et la sécurité des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord adopté par les chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne

Préface

Nous, chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance, sommes déterminés à ce que l’OTAN continue de jouer son rôle unique et essentiel, qui est de garantir notre défense et notre sécurité communes. Le présent concept stratégique guidera la prochaine phase de l’évolution de l’OTAN, afin qu’elle continue d’être efficace dans un monde changeant, face à de nouvelles menaces, forte de capacités nouvelles et de partenaires nouveaux :

Il reconfirme l’engagement pris par nos pays de se défendre mutuellement contre une attaque, y compris contre les menaces nouvelles qui pèsent sur la sécurité de nos citoyens. Il engage l’Alliance à prévenir les crises, à gérer les conflits et à stabiliser les situations postconflit, notamment en travaillant plus étroitement avec nos partenaires internationaux, au premier rang desquels les Nations Unies et l’Union européenne.

Il offre à nos partenaires du monde entier davantage d’engagement politique avec l’Alliance et un rôle substantiel pour ce qui est d’orienter les opérations dirigées par l’OTAN auxquelles ils contribuent.

Il engage l’OTAN sur l’objectif qui consiste à créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires – mais il reconfirme que, tant qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde, l’OTAN restera une alliance nucléaire.

Il réaffirme notre ferme engagement de maintenir la porte de l’OTAN ouverte à toutes les démocraties européennes qui répondent aux critères d’adhésion, car l’élargissement contribue à notre objectif d’une Europe libre, entière et en paix.

Il engage l’OTAN à se réformer continuellement, pour que l’Alliance devienne plus efficace, plus efficiente et plus souple et que nos contribuables obtiennent un maximum de sécurité pour l’argent qu’ils investissent dans la défense.

Les citoyens de nos États s’en remettent à l’OTAN pour défendre les pays de l’Alliance, pour déployer des forces militaires robustes où et quand notre sécurité l’exige et pour aider à promouvoir une sécurité commune avec nos partenaires dans le monde. Si le monde change, la mission essentielle de l’OTAN reste la même : veiller à ce que l’Alliance demeure une communauté sans pareille de liberté, de paix, de sécurité et de valeurs partagées.

Tâches et principes fondamentaux

1. L’objectif fondamental et immuable de l’OTAN consiste à sauvegarder la liberté et la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires. Aujourd’hui, l’Alliance demeure une source essentielle de stabilité dans un monde imprévisible.

2. Les États membres de l’OTAN forment une communauté de valeurs unique en son genre, attachée aux principes de la liberté individuelle, de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit. L’Alliance est résolument attachée aux objectifs et aux principes de la Charte des Nations Unies ainsi qu’au Traité de Washington, qui affirme la responsabilité primordiale du Conseil de sécurité de l’ONU dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

3. Les liens politiques et militaires entre l’Europe et l’Amérique du Nord se sont forgés au sein de l’OTAN depuis la création de l’Alliance, en 1949 ; le lien transatlantique reste aussi solide et aussi important que jamais pour la préservation de la paix et de la sécurité euro atlantiques. La sécurité des États membres de l’OTAN des deux rives de l’Atlantique est indivisible. Nous continuerons de la défendre ensemble, sur la base de la solidarité, d’une finalité partagée et d’une répartition équitable des charges.

4. L’environnement de sécurité contemporain recèle des défis multiples et changeants pour la sécurité du territoire et des populations des pays de l’OTAN. Pour garantir cette sécurité, l’Alliance a le devoir et la volonté de continuer à remplir efficacement trois tâches fondamentales essentielles, qui toutes contribuent à la sauvegarde de ses membres, et cela toujours dans le respect du droit international :

1. La défense collective. Les membres de l’Alliance se prêteront toujours assistance mutuelle contre une attaque, conformément à l’article 5 du Traité de Washington. Cet engagement reste ferme et contraignant. L’OTAN prendra des mesures de dissuasion et de défense contre toute menace d’agression et contre tout défi sécuritaire émergent qui compromettrait la sécurité fondamentale d’un ou de plusieurs Alliés ou encore l’Alliance tout entière.

2. La gestion de crise. L’OTAN dispose d’un éventail unique et puissant de capacités politiques et militaires pour agir sur la gamme complète des crises, que ce soit avant, pendant ou après un conflit. Elle mettra activement en œuvre un ensemble approprié de ces outils politiques et militaires pour contribuer à gérer des crises naissantes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’Alliance avant qu’elles ne dégénèrent en conflits, pour faire cesser des conflits en cours qui compromettent la sécurité de l’Alliance et pour aider à conforter la stabilité dans des situations post conflit lorsque cela contribue à la sécurité euro atlantique.

3. La sécurité coopérative. L’Alliance subit, mais peut aussi infléchir, les développements politiques et sécuritaires intervenant au delà de ses frontières. Elle s’emploiera activement à renforcer la sécurité internationale, en engageant un partenariat avec les pays et les organisations internationales appropriés, en contribuant activement à la maîtrise des armements, à la non-prolifération et au désarmement, et en maintenant sa porte ouverte à l’adhésion de toutes les démocraties européennes qui répondent aux normes de l’OTAN.

5. L’OTAN demeure l’unique et indispensable forum de consultation transatlantique pour toutes les questions touchant à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique et à la sécurité de ses États membres, comme le prévoit l’article 4 du Traité de Washington. Toute question de sécurité intéressant l’un des Alliés peut être discutée à la table de l’OTAN pour un partage d’informations, pour un échange de vues et, lorsqu’il y a lieu, pour la construction d’une approche commune.

6. Pour pouvoir exécuter toute la gamme des missions de l’OTAN de façon aussi efficace et efficiente que possible, les Alliés s’engageront dans un processus continu de réforme, de modernisation et de transformation.

L’environnement de sécurité

7. Aujourd’hui, la zone euro atlantique est en paix, et la menace d’une attaque conventionnelle contre le territoire de l’OTAN est faible. C’est là un succès historique pour les politiques qui guident l’OTAN depuis plus d’un demi siècle : maintien d’une défense robuste, intégration euro atlantique et partenariat actif.

8. Cependant, la menace conventionnelle ne peut être ignorée. Beaucoup de régions et de pays du monde se sont lancés dans l’acquisition d’importantes capacités militaires modernes, aux conséquences difficiles à prévoir pour la stabilité internationale et la sécurité euro atlantique. Il s’agit notamment de la prolifération des missiles balistiques, qui représentent une menace réelle et croissante pour la zone euro atlantique.

9. La prolifération des armes nucléaires, d’autres armes de destruction massive et de leurs vecteurs pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité et la prospérité mondiales. Au cours des dix années à venir, cette prolifération sera au plus haut dans certaines des régions les plus volatiles du monde.

10. Le terrorisme est une menace directe pour la sécurité des citoyens des pays de l’OTAN et, plus largement, pour la stabilité et la prospérité internationales. Des groupes extrémistes continuent de se propager, ou de se développer, dans des régions d’importance stratégique pour l’Alliance, et la technologie moderne accroît la menace et l’impact potentiel d’une attaque terroriste, notamment si ces groupes devaient acquérir des capacités nucléaires, chimiques, biologiques ou radiologiques.

11. Une instabilité ou un conflit au-delà des frontières de l’OTAN peut menacer directement la sécurité de l’Alliance, notamment en nourrissant l’extrémisme, le terrorisme ou des activités transnationales illicites, comme les trafics d’armes, de drogue et d’êtres humains.

12. Les cyberattaques augmentent en fréquence, sont mieux organisées et causent des dommages plus coûteux aux administrations, aux entreprises, aux économies, voire aux réseaux de transport et d’approvisionnement ou autres infrastructures critiques ; elles risquent d’atteindre un seuil pouvant menacer la prospérité, la sécurité et la stabilité des États et de la zone euro atlantique. Des forces armées et services de renseignement étrangers, la criminalité organisée, des groupes terroristes et/ou extrémistes sont autant de sources d’attaque possibles.

13. Tous les pays dépendent de plus en plus des voies de communication, de transport ou de transit, artères vitales sur lesquelles reposent les échanges internationaux, la sécurité énergétique et la prospérité. Ces espaces doivent faire l’objet d’une action internationale plus soutenue si l’on veut qu’ils puissent résister à des attaques ou à des perturbations. Pour leurs besoins énergétiques, certains pays de l’OTAN deviendront davantage tributaires de fournisseurs étrangers et, dans certains cas, de réseaux d’alimentation et de distribution étrangers. À mesure qu’une part toujours croissante de la consommation mondiale transite sur l’ensemble du globe, les approvisionnements énergétiques sont de plus en plus exposés à des perturbations.

14. Diverses tendances technologiques majeures – notamment le développement des armes laser, des techniques de guerre électronique et des technologies limitant l’accès à l’espace  – semblent susceptibles d’avoir un grave impact mondial, qui se répercutera sur la planification et les opérations militaires de l’OTAN.

15. Des contraintes majeures en termes d’environnement et de ressources, dont les risques sanitaires, le changement climatique, la raréfaction de l’eau et l’augmentation des besoins énergétiques, contribueront aussi à dessiner l’environnement de sécurité futur dans des régions d’intérêt pour l’Alliance et pourraient affecter considérablement la planification et les opérations de l’OTAN.

La défense et la dissuasion

16. La responsabilité première de l’Alliance est de protéger et de défendre le territoire et la population de ses pays membres contre une attaque, conformément à l’article 5 du Traité de Washington. L’Alliance ne considère aucun pays tiers comme son adversaire. Nul ne doit cependant douter de sa détermination au cas où la sécurité de l’un de ses États membres devrait être menacée.

17. La dissuasion, articulée autour d’une combinaison appropriée de capacités nucléaires et conventionnelles, demeure un élément central de notre stratégie d’ensemble. Les conditions dans lesquelles un recours à l’arme nucléaire pourrait être envisagé sont extrêmement improbables. Aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN restera une alliance nucléaire.

18. La garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ; les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés.

19. Nous veillerons à ce que l’OTAN dispose de tout l’éventail des capacités nécessaires pour assurer la dissuasion et la défense contre toute menace pesant sur la sécurité et la sûreté de nos populations. En conséquence :

nous maintiendrons une combinaison appropriée de forces nucléaires et conventionnelles ;

nous conserverons notre capacité à soutenir simultanément des opérations interarmées de grande envergure et plusieurs opérations de moindre envergure pour la défense collective et la réponse aux crises, y compris à distance stratégique ;

nous conserverons et développerons des forces conventionnelles robustes, mobiles et projetables pour l’exercice des responsabilités relevant de l’article 5 comme pour les opérations expéditionnaires de l’Alliance, y compris avec la Force de réaction de l’OTAN ;

nous procéderons aux entraînements, aux exercices, à la planification de circonstance et aux échanges d’informations nécessaires pour assurer notre défense contre tous les défis sécuritaires conventionnels ou nouveaux et apporter à tout Allié, en tant que de besoin, une assurance visible et un renfort ;

nous assurerons la plus large participation possible des Alliés à la planification de défense collective sur les rôles nucléaires, au stationnement des forces nucléaires en temps de paix et aux dispositions de commandement, de contrôle et de consultation ;

nous développerons notre capacité à protéger nos populations et nos territoires contre une attaque de missiles balistiques, en tant qu’un des éléments centraux de notre défense collective, qui contribue à la sécurité, indivisible, de l’Alliance.

Nous rechercherons activement une coopération avec la Russie et d’autres partenaires euro-atlantiques dans le domaine de la défense antimissile ;

nous développerons encore la capacité de l’OTAN à se défendre contre la menace que représentent les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires de destruction massive ;

nous continuerons de développer notre capacité à prévenir et à détecter les cyberattaques, à nous en défendre et à nous en relever, y compris en recourant à la planification OTAN pour renforcer et coordonner les capacités nationales de cyberdéfense, en plaçant tous les organismes de l’OTAN sous une protection centralisée et en intégrant mieux les fonctions de veille, d’alerte et de réponse de l’OTAN avec celles des pays membres ;

nous renforcerons notre capacité à détecter le terrorisme international et à nous en défendre, y compris grâce à une analyse plus poussée de la menace, à davantage de consultations avec nos partenaires et au développement de capacités militaires appropriées, notamment pour aider des forces locales à s’entraîner à lutter elles-mêmes contre le terrorisme ;

nous développerons notre capacité à contribuer à la sécurité énergétique, y compris par la protection des infrastructures énergétiques et des zones et voies de transit critiques, par une coopération avec les partenaires et par des consultations entre Alliés sur la base d’évaluations stratégiques et de plans de circonstance ;
nous veillerons à ce que l’Alliance soit à l’avant-garde pour ce qui est d’évaluer l’impact sécuritaire des technologies émergentes et à ce que les plans militaires tiennent compte des menaces potentielles ;

nous alimenterons les budgets de défense aux niveaux nécessaires pour que nos forces armées aient des moyens suffisants ;

nous continuerons d’examiner la posture générale de l’OTAN s’agissant de la dissuasion et de la défense face à l’ensemble des menaces contre l’Alliance, en tenant compte des modifications d’un environnement de sécurité international en mutation.

La sécurité par la gestion de crise

20. Les crises et conflits au-delà des frontières de l’OTAN peuvent constituer une menace directe pour la sécurité du territoire et des populations des pays de l’Alliance. En conséquence, l’OTAN s’engagera, lorsque c’est possible et nécessaire, pour prévenir ou gérer une crise, stabiliser une situation postconflit ou aider à la reconstruction.

21. Les enseignements tirés des opérations de l’OTAN, en particulier en Afghanistan et dans les Balkans occidentaux, montrent à l’évidence qu’une approche globale – politique, civile et militaire – est indispensable pour une gestion de crise efficace. L’Alliance s’engagera activement avec d’autres acteurs internationaux avant, pendant et après une crise pour promouvoir la collaboration dans l’analyse, la planification et la conduite des activités sur le terrain, à dessein de maximiser la cohérence et l’efficacité de l’action internationale d’ensemble.

22. La meilleure façon de gérer un conflit, c’est d’éviter qu’il ne survienne. L’OTAN suivra et analysera constamment l’environnement international pour anticiper les crises et, lorsqu’il y a lieu, prendre des mesures actives visant à les empêcher de se muer en véritables conflits.

23. Pour le cas où la prévention des conflits ne réussirait pas, l’OTAN sera prête et apte à gérer les hostilités. L’OTAN dispose de moyens uniques de gestion des conflits, y compris une capacité inégalée de projeter et de soutenir sur le terrain des forces militaires robustes. Les opérations qu’elle dirige ont fait la preuve de la contribution indispensable que l’Alliance peut apporter aux efforts internationaux de gestion des conflits.

24. Même après la fin d’un conflit, la communauté internationale doit souvent continuer à fournir un soutien pour réunir les conditions propices à une stabilité durable. L’OTAN sera prête et apte à contribuer à la stabilisation et à la reconstruction, en coopération et en consultation étroites, lorsque c’est possible, avec d’autres acteurs internationaux concernés.

25. Pour être efficaces sur l’ensemble du spectre de la gestion de crise :

nous renforcerons le partage du renseignement au sein de l’OTAN, afin de mieux anticiper l’apparition possible d’une crise et la meilleure façon de la prévenir ;

nous développerons encore la doctrine et les capacités militaires pour les opérations expéditionnaires, y compris pour les opérations de contre insurrection ainsi que de stabilisation et de reconstruction ;

nous créerons, en tirant les enseignements des opérations de l’OTAN, une structure civile de gestion de crise appropriée mais modeste afin d’interagir plus efficacement avec les partenaires civils. Cette capacité pourra également servir à la planification, à la conduite et à la coordination des activités civiles jusqu’à ce que les conditions soient réunies pour le transfert de ces responsabilités et tâches à d’autres acteurs ;

nous renforcerons la planification civilo militaire intégrée pour la gamme complète des crises ;

nous développerons notre capacité à former et à faire monter en puissance des forces locales dans des zones de crise de manière à ce que les autorités locales soient à même, aussi rapidement que possible, de maintenir la sécurité sans assistance internationale ;

nous identifierons et formerons des spécialistes civils issus des États membres, qui seront mis à disposition en vue d’un déploiement rapide par les Alliés pour des missions précises et qui seront aptes à travailler aux côtés de nos militaires et des spécialistes civils des pays ou institutions partenaires ;

nous élargirons et intensifierons les consultations politiques entre les Alliés et avec les partenaires, à la fois sur une base régulière et pendant tous les stades d’une crise – avant, pendant et après.

Promouvoir la sécurité internationale par la coopération

La maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération

26. L’OTAN cherche à assurer sa sécurité au niveau de forces le plus bas possible. La maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération contribuent à la paix, à la sécurité et à la stabilité et doivent garantir une sécurité non diminuée à tous les pays membres de l’Alliance. Nous continuerons à jouer notre rôle dans le renforcement de la maîtrise des armements et dans la promotion du désarmement, qu’il s’agisse des armements conventionnels ou des armes de destruction massive, ainsi que dans les efforts de non prolifération.

Nous sommes déterminés à tendre vers un monde plus sûr pour tous et à créer les conditions d’un monde sans armes nucléaires, conformément aux objectifs du Traité sur la non prolifération des armes nucléaires, selon une approche qui favorise la stabilité internationale et se fonde sur le principe d’une sécurité non diminuée pour tous.

Suite aux changements intervenus dans l’environnement de sécurité depuis la fin de la Guerre froide, nous avons radicalement réduit le nombre d’armes nucléaires stationnées en Europe, de même que notre dépendance, dans la stratégie de l’OTAN, à l’égard des armes nucléaires. Nous chercherons à réunir les conditions pour de nouvelles réductions.

Pour toute réduction future, notre objectif devrait être de tenter d’obtenir de la Russie qu’elle accepte d’accroître la transparence sur ses armes nucléaires en Europe et de les redéployer à distance du territoire des pays membres de l’OTAN. Toute nouvelle mesure devra tenir compte de la disparité entre les stocks d’armes nucléaires de courte portée, plus importants du côté russe.

Nous sommes attachés à la maîtrise des armements conventionnels, qui assure prévisibilité et transparence et constitue un moyen de maintenir les armements au niveau minimum requis pour la stabilité. Nous œuvrerons au renforcement du régime de maîtrise des armements conventionnels en Europe sur la base de la réciprocité, de la transparence et du consentement du pays hôte.

Nous examinerons comment nos moyens politiques et nos capacités militaires peuvent contribuer aux efforts internationaux de lutte contre la prolifération.

Les décisions des pays en matière de maîtrise des armements et de désarmement peuvent avoir une incidence sur la sécurité de tous les pays membres de l’Alliance. Sur ces questions, nous sommes déterminés à maintenir des consultations appropriées entre Alliés, et à les intensifier si nécessaire.

La porte ouverte

27. L’élargissement de l’OTAN a contribué substantiellement à la sécurité des Alliés ; la perspective d’un nouvel élargissement et l’esprit de sécurité coopérative ont fait progresser la stabilité plus largement en Europe. Notre objectif d’une Europe libre et entière, et partageant des valeurs communes, serait servi au mieux par l’intégration, à terme, de tous les pays européens qui le souhaitent dans les structures euro atlantiques.

La porte de l’OTAN reste grand ouverte à toutes les démocraties européennes qui partagent les valeurs de notre Alliance, qui sont désireuses et capables d’assumer les responsabilités et obligations liées au statut de membre et dont l’adhésion peut contribuer à la sécurité et à la stabilité communes.

Les partenariats

28. C’est dans le cadre d’un vaste réseau de relations de partenariat avec des pays et des organisations du monde entier que la promotion de la sécurité euro atlantique peut être assurée au mieux. Ces partenariats apportent une contribution concrète et précieuse à la réussite des tâches fondamentales de l’OTAN.

29. Le dialogue et la coopération avec les partenaires peuvent contribuer de manière concrète au renforcement de la sécurité internationale, à la défense des valeurs sur lesquelles se fonde notre Alliance, aux opérations de l’OTAN ainsi qu’à la préparation des pays intéressés à une adhésion à l’OTAN. Ces relations s’appuieront sur la réciprocité, ainsi que sur des avantages et un respect mutuels.

30. Nous renforcerons nos partenariats suivant des formules souples, qui réunissent Alliés et partenaires – à travers les cadres existants et au delà.

Nous sommes disposés à développer dialogue politique et coopération pratique avec tout pays ou organisation compétente à travers le monde qui partage notre intérêt pour des relations internationales pacifiques.

Nous serons ouverts à la consultation avec tout pays partenaire sur des questions de sécurité d’intérêt commun.


Nous offrirons à nos partenaires d’opérations un rôle structurel dans la formulation de la stratégie et des décisions concernant les missions dirigées par l’OTAN auxquelles ils contribuent.

Nous développerons encore nos partenariats existants tout en préservant leur spécificité.

31. La coopération entre l’OTAN et l’ONU dans le cadre d’opérations à travers le monde continue à contribuer de manière importante à la sécurité. L’Alliance entend approfondir le dialogue politique et la coopération pratique avec l’ONU, comme indiqué dans la déclaration signée par les deux organisations en 2008, notamment au moyen :

d’une liaison renforcée entre les sièges des deux organisations ;

de consultations politiques plus régulières ;

d’une coopération pratique renforcée pour la gestion des crises dans lesquelles les deux organisations interviennent.

32. Une Union européenne active et efficace contribue à la sécurité globale de la zone euro-atlantique. C’est pourquoi l’UE est un partenaire unique et essentiel pour l’OTAN. Les deux organisations sont composées, en grande partie, des mêmes États, et tous leurs membres partagent les mêmes valeurs. L’OTAN reconnaît l’importance d’une défense européenne plus forte et plus performante.

Nous nous félicitons de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui offre un cadre pour le renforcement de la capacité de l’UE à faire face aux défis de sécurité communs. Les Alliés non membres de l’UE apportent une contribution significative à cet effort. Pour le partenariat stratégique entre l’OTAN et l’UE, leur implication la plus complète dans cet effort est essentielle. L’OTAN et l’UE peuvent et doivent jouer des rôles complémentaires et se renforçant mutuellement, en soutien de la paix et de la sécurité internationales. Nous sommes déterminés à apporter notre contribution pour créer des circonstances plus favorables grâce auxquelles :

nous renforcerons pleinement le partenariat stratégique avec l’UE, dans l’esprit d’une ouverture, d’une transparence, d’une complémentarité et d’un respect de l’autonomie et de l’intégrité institutionnelle des deux organisations qui soient entiers et mutuels ;

nous améliorerons notre coopération pratique dans les opérations, sur toute la gamme des crises, depuis la planification coordonnée jusqu’au soutien mutuel sur le terrain ;

nous élargirons nos consultations politiques pour y inclure toutes les questions d’intérêt commun, afin de partager évaluations et points de vue ;

nous coopérerons plus étroitement pour le développement des capacités, de manière à réduire au minimum les doubles emplois et à maximiser le coût efficacité.

33. La coopération OTAN Russie revêt une importance stratégique car elle contribue à la création d’un espace commun de paix, de stabilité et de sécurité. L’OTAN ne représente aucune menace pour la Russie. Au contraire, nous souhaitons un véritable partenariat stratégique entre l’OTAN et la Russie, et nous agirons en conséquence, attendant de la Russie une attitude réciproque.

34. La relation OTAN Russie repose sur les objectifs, les principes et les engagements énoncés dans l’Acte fondateur OTAN Russie et la Déclaration de Rome, s’agissant tout particulièrement du respect des principes démocratiques ainsi que de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de tous les États de la zone euro atlantique. Malgré certaines divergences sur des points particuliers, nous demeurons convaincus que la sécurité de l’OTAN et celle de la Russie sont indissociablement liées et qu’un partenariat solide et constructif, s’appuyant sur la confiance mutuelle, la transparence et la prévisibilité, servirait au mieux notre sécurité. Nous sommes déterminés :

à renforcer les consultations politiques et la coopération pratique avec la Russie dans des domaines où nos intérêts se recoupent, notamment la défense antimissile, la lutte contre le terrorisme, la lutte antidrogue, la lutte contre la piraterie et la promotion de la sécurité internationale au sens large ;

à exploiter tout le potentiel du Conseil OTAN Russie au profit d’un dialogue et d’une action conjointe avec la Russie.

35. Le Conseil de partenariat euro atlantique et le Partenariat pour la paix sont au cœur de la conception qui est la nôtre d’une Europe libre, entière et en paix. Nous sommes fermement attachés au développement de relations d’amitié et de coopération avec tous les pays de la Méditerranée, et nous entendons développer encore le Dialogue méditerranéen dans les années à venir. Nous attachons une grande importance à la paix et à la stabilité dans la région du Golfe, et nous entendons intensifier notre coopération dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul. Nous nous emploierons :

à renforcer les consultations et la coopération militaire pratique avec nos partenaires au sein du Conseil de partenariat euro atlantique ;

à poursuivre et à développer les partenariats avec l’Ukraine et avec la Géorgie au sein des commissions OTAN Ukraine et OTAN Géorgie, en nous fondant sur la décision prise par l’OTAN au sommet de Bucarest, en 2008, et en tenant compte de l’orientation ou de l’aspiration euro atlantique de chacun de ces pays ; à faciliter l’intégration euro atlantique des Balkans occidentaux, dans le but d’y assurer une paix et une stabilité durables, fondées sur les valeurs démocratiques, la coopération régionale et les relations de bon voisinage ;

à approfondir la coopération avec les pays qui participent actuellement au Dialogue méditerranéen et à rester ouverts à l’inclusion d’autres pays de la région dans ce Dialogue ;

à développer un partenariat de sécurité plus approfondi avec nos partenaires du Golfe et à demeurer disposés à accueillir de nouveaux partenaires au sein de l’Initiative de coopération d’Istanbul.

La réforme et la transformation

36. Fait unique dans l’Histoire, l’OTAN est une alliance de sécurité qui déploie des forces militaires aptes à opérer ensemble quel que soit l’environnement, qui peut contrôler des opérations n’importe où grâce à sa structure de commandement militaire intégrée et qui dispose de capacités essentielles que peu d’Alliés pourraient se permettre individuellement.

37. L’OTAN doit disposer de suffisamment de ressources – financières, militaires et humaines – pour exécuter ses missions, qui sont essentielles pour la sécurité des populations et du territoire des pays de l’Alliance. Ces ressources doivent cependant être utilisées de la manière la plus efficiente et la plus efficace possible. En conséquence :

nous maximiserons la déployabilité de nos forces et leur capacité de durer en opération sur le terrain, notamment en entreprenant des efforts ciblés pour atteindre les objectifs OTAN d’employabilité des forces ;

nous assurerons une cohérence maximale dans la planification de défense, de manière à réduire les doubles emplois inutiles et à axer le développement de nos capacités sur les exigences du monde contemporain ;

nous développerons et exploiterons conjointement des capacités, pour des raisons de rentabilité et en signe de solidarité ;

nous préserverons et renforcerons les capacités, les normes, les structures et les procédures de financement communes qui nous lient ;

nous engagerons un processus de réforme continue pour rationaliser les structures, améliorer les méthodes de travail et maximiser l’efficience.

Une Alliance pour le XXIe siècle

38. Nous, dirigeants politiques de l’OTAN, sommes déterminés à poursuivre la rénovation de notre Alliance pour qu’elle soit à même de relever les défis de sécurité du XXIe siècle. Nous sommes fermement résolus à préserver son efficacité en tant qu’alliance politico-militaire qui a le mieux réussi au monde. Notre Alliance prospère comme une source d’espoir parce qu’elle se fonde sur les valeurs communes que sont la liberté individuelle, la démocratie, les droits de l’homme et l’état de droit, et parce que notre objectif commun – essentiel et immuable – est de sauvegarder la liberté et la sécurité de ses membres. Ces valeurs et ces objectifs sont universels et perpétuels, et nous sommes résolus à les défendre par notre unité, notre solidarité, notre force et notre détermination

ANNEXE 4 :
EXTRAIT DE L’EUROBAROMÈTRE SPÉCIAL 372 DU 7 OCTOBRE 2011, PORTANT SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Réalisé par TNS Opinion & Social à la demande de la Commission européenne – Direction générale Action pour le climat. Enquête coordonnée par la Direction générale Communication

INTRODUCTION

Le changement climatique constitue l'un des principaux enjeux de l'époque moderne. La Commission européenne a créé la Direction générale de l’Action pour le climat en février 2010 dans l’objectif de renforcer les efforts de l’Europe pour répondre à ce problème (la question du changement climatique était auparavant l’une des attributions de la DG Environnement).

La lutte contre le changement climatique, qui a notamment conduit l’UE à se donner comme objectif la réduction de 20 % de ses émissions de gaz à effets de serre par rapport au niveau de 1990 d’ici à 2020, est au coeur des objectifs de la stratégie d’Europe 2020 pour une croissance durable.

Sur le plus long terme, le Conseil européen s’est engagé à réduire les émissions de l’UE de 80 % à 95 % par rapport au seuil de 1990 d’ici à 2050 dans le cadre de l’action mondiale pour le climat que doivent mener les pays développés. En mars 2011, La Commission européenne a défini une approche efficace en termes de coûts pour atteindre son but dans sa Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone en 2050.

Alors que l’Europe agit pour atteindre ces objectifs, il est important de comprendre l’attitude et le comportement des citoyens européens vis-à-vis du changement climatique et leurs attentes pour l’avenir. Cette enquête Eurobaromètre cherche à les évaluer et les comparer avec les résultats de l’étude précédente menée en 2009.

RESUME

- Le changement climatique constitue toujours l’une des principales inquiétudes de l’opinion publique européenne, celle-ci s’étant même renforcée depuis la dernière étude sur le climat conduite en 2009.

- Un peu plus de la moitié (51 %) des répondants estime que le changement climatique est l'un des problèmes mondiaux les plus graves (et 20 % ont le sentiment qu’il s’agit du problème le plus grave). De façon générale, le changement climatique est considéré comme le deuxième problème le plus grave auquel le monde est confronté après la pauvreté, la faim et le manque d’eau potable – plus grave que la situation économique.

- Dans l’ensemble, 89 % estiment que le changement climatique constitue un problème grave, dont 68 % le qualifient de problème très grave (64 % en 2009). Sur une échelle de 1 (niveau le plus bas) et 10 (le plus élevé), les Européens ont estimé le niveau de gravité du changement climatique à 7,4 (contre 7,1 en 2009).

- La lutte contre le changement climatique peut cependant recouvrir un aspect positif en termes de bénéfices économiques. En effet, près de huit répondants sur dix (78 %) pensent qu'elle peut stimuler l’économie et créer des emplois, ce qui représente une hausse importante depuis 2009 (63 % d’accord). Au moins deux tiers des répondants dans chaque État membre partagent cette opinion.

- Un peu plus des deux tiers (68 %) sont favorables au fait de conditionner davantage la fiscalité à la consommation énergétique, et ils sont majoritaires dans tous les États membres.

- Il existe un sentiment général selon lequel l’Europe s’orientera vers davantage de respect de l’environnement, et une économie à faible émission en carbone d’ici à 2050 :

o 88 % pensent que l’Europe aura davantage recours aux énergies renouvelables

o 87 % s’attendent à une hausse de l’efficacité énergétique

o 73 % estiment que les voitures fonctionneront de façon plus efficace.

- La responsabilité de la lutte contre le changement climatique incombe aux gouvernements nationaux, à l’UE et au secteur privé. Tandis que seulement un répondant sur cinq (21 %) mentionne que la lutte contre le changement climatique relève de sa propre responsabilité, 23 % déclarent que tout le monde (gouvernements, industries et individus) a sa part de responsabilité.

- Un peu plus de la moitié (53 %) des citoyens européens affirme avoir agi pour lutter contre le changement climatique au cours des six derniers mois. Cependant, il apparaît qu'une proportion plus élevée y est activement impliquée lorsqu’ils sont interrogés sur les actions particulières réalisées.

- Le tri et le recyclage des déchets triés est l’une des actions les plus répandues, avec 66 % des répondants qui y prennent part. Réduire la consommation de produits jetables et favoriser l’achat de produits locaux ou de saisons arrivent ensuite.

1. LES PERCEPTIONS DES EUROPÉENS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

1.1. Les perceptions du changement climatique comme problème mondial

- L’opinion publique européenne estime que le changement climatique est le deuxième problème le plus grave auquel le monde est confronté, devant la situation économique

De façon générale, les citoyens européens considèrent que le changement climatique est le deuxième problème le plus grave auquel le monde est confronté aujourd’hui.

Un répondant sur cinq (20 %) estime que le changement climatique est le problème le plus grave. Le seul problème considéré comme plus grave est la pauvreté, la faim et le manque d'eau potable, ce qui a été mentionné par 28 %.

Le changement climatique est considéré comme une menace mondiale plus sérieuse que d’autres problèmes tels que la situation économique mondiale (16 %), le terrorisme international (11 %), les conflits armés et les épidémies de maladies infectieuses (4 % pour les deux).

La tendance globale observée reste cohérente avec les résultats de 2009, où la pauvreté, la faim et le manque d'eau potable était également classé comme problème le plus sérieux, devant le changement climatique, auquel le monde est confronté.

Cependant, l’écart entre les deux réponses s’est atténué. La proportion de citoyens qui considère le changement climatique comme le problème le plus sérieux a augmenté de 17 à 20 % aujourd’hui, tandis que la pauvreté, la faim et le manque d’eau potable était cité par 34 % lors de l'étude précédente. La proportion de répondants qui estime que la situation économique constitue le problème le plus grave a augmenté de deux points, à 14 % en 2009.

Les perceptions de la gravité du changement climatique sont variables selon l’État membre : les citoyens au Luxembourg (34 %), au Danemark (31 %), à Malte et en Suède (30 % pour les deux) sont les plus susceptibles d’identifier le changement climatique comme étant le problème principal.

Les citoyens au Portugal sont, à l’inverse, les moins susceptibles de penser que le changement climatique est un problème mondial sérieux actuellement – ils ne sont que 7 % à l’affirmer.

La pauvreté, la faim et le manque d’eau potable est considéré comme le problème le plus grave dans tous les États membres. Les répondants au Portugal et en France sont les plus nombreux à le mentionner – 44 % pour les deux – suivis notamment par la Hongrie (37 %) et la Roumanie (36 %).

La situation économique semble également plus préoccupante que le changement climatique pour les citoyens portugais qui sont 25 % à considérer qu’il s’agit du problème le plus sérieux auquel le monde est confronté.

La situation économique est également considérée comme le problème le plus grave dans plusieurs autres États membres, notamment la République tchèque, la Grèce, l’Italie, Chypre (à égalité avec la pauvreté, la faim et le manque d’eau potable) et la Lituanie.

Il a été demandé aux citoyens quels sont selon eux les autres problèmes sérieux auxquels le monde est confronté, après le problème le plus grave qu’ils ont identifié.

Les résultats montrent qu’un peu plus de la moitié des citoyens européens (51 %) mentionne le changement climatique parmi l’un des problèmes mondiaux les plus graves. À nouveau, la pauvreté, la faim et le manque d’eau potable est le problème le plus fréquemment cité, avec 64 %, suivi de la situation économique avec 45 %.

Comparée aux résultats de 2009, la proportion de citoyens ayant mentionné la pauvreté, la faim et le manque d’eau potable a baissé – 69 % en 2009 –, tandis que celle ayant cité le changement climatique a augmenté, à 47 % en 2009.

Les préoccupations concernant la situation économique sont également en hausse, par rapport à 39 % en 2009 (notons cependant que lors de l'étude précédente, la formulation des questions était légèrement différente, et mentionnait alors « une récession économique mondiale majeure »), de même que celle concernant le terrorisme international, passant de 35 à 38 %.

Pour la première fois, la disponibilité de l’énergie a été ajoutée à la liste des questions présentées aux répondants lors de l’étude. 28 % des citoyens de l’UE considèrent que cette question constitue un problème sérieux.

Des variations importantes peuvent être observées entre les États membres concernant le degré de préoccupation des citoyens sur la question du changement climatique.

Les préoccupations sont les plus grandes à cet égard en Suède (68 %), en Slovénie, au Danemark (67 % pour les deux), à Chypre et en Allemagne (66 % pour les deux).

Les citoyens au Portugal sont les moins enclins à considérer le changement climatique comme un problème grave, car ils ne sont que 28 % au total à mentionner cette question. De la même façon, seuls 8 % des citoyens portugais se sont dits préoccupés par la question de la disponibilité de l’énergie (alors que la moyenne est de 28 %).

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Évaluation du 5 décembre 2011 commandée par Chris Huhne, ministre britannique de l'énergie et du changement climatique et dirigée par le Centre Hadley de recherche et de prévision climatique, portant sur l’étude de vingt-quatre pays différents, des pays développés aux pays en voie de développement.

3 () Le GIEC (IPCC - International Panel on Climate Change) est un organe intergouvernemental crée en 1988 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), ouvert à tous les pays membres de l’ONU et de l’OMM. Le GIEC a pour mission d’évaluer les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. Il n’a pas pour mandat d’entreprendre des travaux de recherche, ni de suivre l’évolution des variables climatologiques ou d’autres paramètres pertinents. Ses évaluations sont principalement fondées sur les publications scientifiques et techniques dont la valeur scientifique est largement reconnue. L’une des principales activités du GIEC consiste à procéder, à intervalles réguliers, à une évaluation de l’état des connaissances relatives au changement climatique. Dans le cadre de cette fonction, le GIEC a déjà élaboré 4 rapports d’évaluation (1990, 1995, 2001, 2007) et le prochain rapport est prévu pour 2014. La principale innovation de ce dernier par rapport aux quatre rapports précédents sera de faire des prévisions à 20 ans (donc, à l’horizon 2035), tandis qu’avant il s’agissait de prévisions à l’horizon 2100. Le GIEC élabore aussi des rapports spéciaux et des documents techniques sur des sujets qui nécessitent des informations et des avis scientifiques indépendants et contribue en outre à la mise en œuvre de la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) par ses travaux sur les méthodes à appliquer pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre.

4 () « Impacts, adaptation et vulnérabilité » d'après le quotidien australien The Age.

5 () Cf. tableaux figurant pages 18 et 19.

6 () Ces variations de charge peuvent aussi être d’origine anthropique suite à l’exploitation de champs pétroliers ou de nappes aquifères.

7 () Or, ces impacts ont vocation à s’amplifier, dans la mesure où, dans cette région du Pérou, les cours d'eau alimentés par les glaciers de la cordillère Blanche sont détournés pour alimenter un vaste complexe d'agriculture irriguée et installé dans une région gagnée sur le désert.

8 () La fonte de la banquise Arctique ne contribue pas à l’augmentation du niveau des océans, mais elle contribue au réchauffement climatique de la planète en raison de la diminution de l’effet d’albédo.

9 () Celle-ci joue un rôle crucial dans les grands phénomènes de régulation climatique tels que le Gulf Stream dans l’Atlantique, El Niño et La Niña dans le Pacifique ou la mousson dans le bassin de l’Océan Indien.

10 () Le facteur multiplicatif d’environ 1,5 qui caractérisera la démographie ne peut pas être appliqué tel quel aux besoins. Le besoin devrait en réalité être bien supérieur, en raison des modèles de développement actuellement retenus et de l’évolution des modes de vie. Si l’on prend l’exemple de l’eau, l’expérience montre que sa consommation augmente beaucoup plus vite que la population. Ainsi, « la population mondiale a doublé de 1950 à 1997, mais la consommation d’eau globale a quadruplé sur la même période, pour s’élever à environ 761 mètres cubes par an et par personne » (« Espaces et enjeux : méthodes d’une géopolitique critique » de F. Lasserre et E. Gonon).

11 () « 2050. Rendez-vous à risques » d’Adolphe Nicolas, septembre 2005. « Deux facteurs – qui se conjuguent actuellement – perturbent la relation de l’homme avec son environnement : la pression anthropique née de la croissance démographique et le changement global né du réchauffement climatique. »

12 () « Énergie et environnement » de Pierre Merlin, juillet 2008. « Le conseil mondial de l’énergie (CME) a publié en 2001 deux scénarios possibles de consommation énergétique mondiale à l’horizon 2050. Tous deux reposent sur les projections démographiques de l’ONU (9 milliards d’habitant en 2050). »

13 () L’augmentation concernera essentiellement l’Afrique et l’Asie du Sud Est, tandis que les pays du Nord, et tout particulièrement l’Europe, stagneront.

N. B. : « 2050. Rendez-vous à risques » d’Adolphe Nicolas, septembre 2005. « Selon l’ONU, près de 90 % de l’accroissement de la population attendu d’ici 2050 touchera les pays en voie de développement et les pays pauvres, dont certains, comme ceux du Sud Est asiatique, sont déjà surpeuplés, sans que, pour autant, ils disposent de meilleures terres. »

14 () Une grande part de la croissance démographique se fera près des côtes, dans des zones sensibles aux effets océaniques du changement climatique : montée du niveau des mers, pollution des nappes phréatiques d’eau douce par l’eau de mer et plus grande occurrence de catastrophes naturelles.

NB : « Eau, pétrole, climat : un monde en panne sèche » de C. Gautier et JL Fellous. « Historiquement, les peuplement se sont installés dans les zones côtières, préférence étant donnée à la vie au bord de la mer pour la pêche et la possibilité des échanges commerciaux, mais aussi pour la sécurité et l’agrément. De nos jours, plus de 60 % de la population humaine mondiale vit à moins de 100 kilomètres d’une côte et ces zones sont le siège de la croissance démographique la plus rapide, certaines villes côtières ayant atteint des tailles sans précédent. »

15 () La croissance démographique verra un vieillissement significatif de la population mondiale, avec un triplement du nombre de personnes de plus de 60 ans. « L’augmentation de l’espérance de vie combinée au déclin de la fécondité augmentera la proportion des personnes âgées par rapport à celle des jeunes. Globalement, le nombre de personnes de plus de 60 ans devrait tripler entre 2005 et 2050, passant de 672 millions à près de 1,9 milliard » (« Eau, pétrole, climat : un monde en panne sèche » de C. Gautier et J.-L. Fellous).

Dans le cas de l’Europe, cet alourdissement sera encore plus net. « Selon une étude de l’Insee parue en 2008, en France métropolitaine en 2050, 1 personne sur 3 aura plus de 60 ans » (« Eau, pétrole, climat : un monde en panne sèche » de C. Gautier et J.-L. Fellous).

Ce vieillissement se traduira par un besoin d’immigration, une plus grande demande de protection ainsi qu’une moindre résilience en cas de succession de catastrophes naturelles.

16 () « Déjà, près de la moitié des sols sont concernés par cette dégradation. On estime aussi que plus de 30 % des terres cultivées perdent leur couche arable plus vite que celle-ci ne se renouvelle et que 15 % d’entre elles, dont les fonctions biologiques sont gravement endommagées, exigeraient de très lourds investissement pour être de nouveau utilisables pour l’agriculture » (« 2033. Atlas des futurs du monde », Virginie Raisson, 2010. Les semelles de labour).

« Qui plus est, l’irrigation massive des zones arides entraîne, par l’intensité de l’évaporation, l’accumulation du sel à la surface des sols, réduisant les rendements de 25 à 30 %, le développement de maladies hydriques ainsi que la pollution des eaux superficielles et souterraines, notamment du fait des nitrates et des pesticides ». (« L’eau, nouvel enjeu stratégique mondial », Jacques Sironneau, 1996).

17 () « 2033. Atlas des futurs du monde » de Virginie Raisson, 2010. La nouvelle équation alimentaire.

18 () « Si l’on s’en tient aux facteurs qui relancent la quête mondiale de terres agricoles depuis les années 2000, il est probable que ces transactions financières internationales se multiplieront au cours des prochaines années. Il est également possible que, dans les pays vendeurs les plus touchés par la crise alimentaire, la perte de souveraineté agricole au profit d’acheteurs étrangers et privés suscite une hostilité croissante de la population à l’égard de ce type d’investissements. Dans certains cas, elle pourrait même conduire à des troubles sociaux de plus en plus graves, à l’image des émeutes qui se sont déroulées à Madagascar en 2009, en réaction au projet de location de terres arables malgaches au groupe sud coréen Daewoo », (« 2033. Atlas des futurs du monde » de Virginie Raisson, 2010. Le grand monopoly des terres arables).

19 () « 2033. Atlas des futurs du monde », Virginie Raisson, 2010. L’agriculture sous haute température.

20 () « 2033. Atlas des futurs du monde » de Virginie Raisson, 2010. Une révolution encore plus verte.

21 () « Changements climatiques et enjeux de sécurité », Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte, CIRED, septembre 2005.

22 () « La crise écologique : une question de justice », Hervé Kempf, Revue de la Défense Nationale, no 727, février 2010.

23 () « La crise écologique : une question de justice », Hervé Kempf, Revue de la Défense Nationale, no 727, février 2010.

24 () « 2030, La fin de la mondialisation ? », Hervé Coutau-Bégarie, 2008.

25 () « Géopolitique de l’eau. Nature et enjeux », Janine et Samuel Assouline, 2007.

26 () « Espaces et enjeux : méthodes d’une géopolitique critique », F. Lasserre et E. Gonon.

27 () « L’eau, nouvel enjeu stratégique mondial », Jacques Sironneau, février 1996.

28 () « Crise de l’eau en Chine et position du pouvoir central », Guillaume Thomassin, dans « Histoires d’eaux », Bulletin d’études de la Marine no 41, CESM, mars 2008.

29 () « L’eau, nouvel enjeu stratégique mondial », J. Sironneau, 1996.

30 () Ibid.

31 () « Le problème de l’eau rejoint ainsi le problème de l’alimentation : 70 % environ de l’eau utilisée à l’échelle mondiale est consacrée à l’agriculture pour les besoins de l’irrigation, 20 % à l’industrie et seulement 10 % aux usages domestiques. » (« 2050. Rendez-vous à risques » d’Adolphe Nicolas, septembre 2005).

32 () « L’eau, nouvel enjeu stratégique mondial », J. Sironneau, 1996.

33 () Ibid.

34 () « L’eau, enjeu mondial. Géopolitique du partage de l’eau », Frédéric Lasserre, septembre 2003.

35 () Ibid.

36 () « Géopolitique de l’eau. Nature et enjeux », Janine et Samuel Assouline, 2007.

37 () « Augmenter la consommation aboutirait à la délétion de ces nappes phréatiques et leur envahissement par des eaux salées. Cela signifie qu’il y a des lignes rouges en dessous desquelles ni le lac de Tibériade ni les nappes phréatiques ne doivent descendre, sous peine de voir ces réservoirs envahis par des eaux salées la rendant impropre à la consommation. Par exemple, presque 20 % des eaux de l’aquifère côtier ont été rendus inutilisables. » (« Eau et paix au Moyen Orient. La mer à boire : une solution durable ? », Annick Gouba, Nathalie Haller, Karen Lemasson, Laurie Menger, mai 2007).

38 () « L’eau, enjeu mondial. Géopolitique du partage de l’eau » de F. Lasserre, 2003.

39 () « L’eau, une priorité stratégique », Loïc Fauchon, Revue de la Défense Nationale, novembre 2006.

40 () « Les guerres de l’eau. L’eau au cœur des conflits du XXIe siècle », Frédéric Lasserre, septembre 2009.

41 () Ibid.

42 () « L'eau : géopolitique, enjeux, stratégie », Franck Galland, 2006.

43 () Réalisant des expertises de l’ensemble des questions de défense et de sécurité, la Fondation pour la Recherche Stratégique est une fondation reconnue d’utilité publique. Centre de recherche indépendant, elle réalise des études pour les ministères et agences français, les institutions européennes, les organisations internationales et les entreprises. Elle contribue au débat stratégique en France et à l’étranger. La Fondation pour la Recherche Stratégique exerce son activité en toute indépendance. Elle est financée essentiellement par les prestations et travaux qu’elle réalise sur une base contractuelle pour ses partenaires publics et privés :

- ministères de la défense (DAS, DGA, États-majors...), des affaires étrangères et européennes et de l’intérieur, services du Premier ministre…

- Agences publiques (CEA, CNES, INSERM, ONERA, ANR…)

- Institutions européennes (Commission, Secrétariat général du Conseil, Parlement européen, Agence spatiale européenne…)

- Organisations internationales (Nations Unies, OTAN…)

- Entreprises françaises et étrangères.

La Fondation pour la Recherche Stratégique dispose d’une équipe pluridisciplinaire d’une trentaine de chercheurs permanents et associés : experts des questions internationales et stratégiques, politologues, ingénieurs, scientifiques et anciens militaires. Son expertise couvre le spectre complet des questions de sécurité et de défense - de l’analyse des aspects technico-opérationnels à la connaissance fine des zones stratégiques, en passant par l’économie de défense ou l’analyse des risques transverses comme la prolifération des armes de destruction massive.

44 () « Eau, pétrole, climat : un monde en panne sèche », C. Gautier et J.-L. Fellous.

45 () Ibid.

46 () « Une brève histoire de l’avenir », Jacques Attali, mars 2007.

47 () Le Tuvalu a déjà fait une demande de cette nature.

48 () En France, les régions du Nord, du Cotentin seront les plus affectés. Allemagne, Danemark et Pays-Bas ont vraisemblablement pris en compte le risque qui pèse sur leurs basses terres côtières.

49 () Étude de l’OCDE « Incidences sécuritaires du changement climatique au Sahel ».

50 () Exemple de la gestion des eaux du Nil blanc et du Nil Bleu

51 () Walter Immerzeel, et son équipe ont conduit une analyse détaillée en étudiant l’importance de la fonte de la glace pour chaque fleuve, en observant les changements des glaciers himalayens et tibétains ainsi que les effets du réchauffement climatique sur les approvisionnements en eau provenant des bassins en amont et sur la sécurité alimentaire.

52 () L’OMS estime que, dans le monde, 700 millions de personnes risquent d’être infectées du fait de leurs activités agricoles, domestiques ou de leurs loisirs qui les exposent à des eaux infestées (contre 210 millions actuellement).

53 () En avril 2003, le Rio Salado, un affluant du Paraná, sort de son lit en Argentine. Les conséquences sont lourdes : 130 morts directes, plus de 200 000 affectés et des millions de dollars de dégâts.

54 () « Les conséquences stratégiques du changement climatique » : notes de synthèse du Capitaine de vaisseau Stanislas Gourlez de la Motte, du Capitaine de vaisseau Andrea Romani, et du Colonel (air) Thierry Raymond.

55 () Par exemple, la fonte des glaces aux pôles peut créer des conditions favorables à l’ouverture de nouvelles routes maritimes par le Nord.

56 ()  Sam Tangredi, « Globalisation and maritime power ».

57 () François Gémenne, « Géopolitique du changement climatique ».

58 () Ibid.

59 () Les clathrates sont des hydrates de méthane sous forme solide et ressemblant à de la glace. Les molécules de méthane sont emprisonnées dans un réseau de molécules d’eau, qui peuvent être assimilés à des « pièges ».

60 () Jacques Givry, « Conséquences stratégiques d’un changement climatique mondial », mars 2008.

61 () « Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale », juin 2008. Chapitre 8, « Connaître et anticiper ».

62 () « Eau et conflictualités » le 05/12/10.

63 () Projet ELIPSE : « évaluation des interactions entre politique climatique et sécurité énergétique en Europe ».

64 () Conférence internationale sur l’accès au nucléaire civil (Paris, 8 et 9 mars 2010).

65 () Le dispositif du protocole additionnel du 22 septembre 1998 complète les mesures de l'accord de garanties fondé sur la vérification par l'AIEA de la comptabilité des matières nucléaires déclarées.

58 des 189 États membres du TNP appliquent le protocole additionnel.

66 () Leur action a été particulièrement visible lors des évènements de 2009 (prévention pandémie H1N1).

67 () Plan d’action environnement du ministère de la défense du 9 décembre 2009.

68 () De 5 % sur la période 2008-2012.

69 () Politique et objectifs scientifiques – Orientations 2011- 2012, pages 48 et 49.

70 () Rapport de la FRS sur Enjeux de la réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

71 () « Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale », juin 2008.

72 () « L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIe siècle » de Thérèse Delpech, 2005. « On prévoit un nombre élevé de désastres naturels dans les prochaines décennies, en raison de changements climatiques encore mal connus. Ceux-ci, inégalement distribués sur la surface de la planète, devraient affecter en priorité les pays en développement. ».

73 () « Eau, pétrole, climat : un monde en panne sèche » de Catherine Gautier et Jean-Louis Fellous, octobre 2008. « Historiquement, les peuplement se sont installés dans les zones côtières, préférence étant donnée à la vie au bord de la mer pour la pêche et la possibilité des échanges commerciaux, mais aussi pour la sécurité et l’agrément. De nos jours, plus de 60 % de la population humaine mondiale vit à moins de 100 kilomètres d’une côte et ces zones sont le siège de la croissance démographique la plus rapide, certaines villes côtières ayant atteint des tailles sans précédent. »

74 () « 2030, la fin de la mondialisation ? » d’Hervé Coutau-Bégarie, décembre 2008. « Le risque principal se situe plutôt sur un autre plan, avec la désagrégation, pour des raisons technique, politiques ou économiques, d’un certain nombre d’États africains, asiatiques, éventuellement latino-américains, ce qu’il est désormais convenu d’appeler les États faibles. »

75 () « 2050. Rendez-vous à risques » d’Adolphe Nicolas, septembre 2005. « On mesure sans peine les risques de conflits armés pouvant naître de telles situations. Si les guerres du XXe siècle ont eu souvent une odeur de pétrole, les géo stratèges prévoient que celles du XXIe siècle pourraient résulter de la question du partage de l’eau, dont le cheminement s’obstine à ignorer les frontières entre États. »

76 () « 2050. Rendez-vous à risques » d’Adolphe Nicolas, septembre 2005. « N’oublions pas, par ailleurs, que la planète est aujourd’hui encombrée, tellement encombrée que ses passagers ne peuvent plus se déplacer librement vers des terres encore vierges comme l’ont fait nos ancêtres. Si les deltas du Gange et du Nil sont destinés à être submergés par la montée des océans, où iront les millions d’habitant qui y vivent ? A-t-on songé au coût humain et économique si les futurs typhons, soufflant à 300 km/h au lieu de 200 actuellement, ravagent des régions densément peuplées ? ».

77 () Deux des trois plus importantes sociétés en matière de distribution d’eau sont françaises.

78 () « Le meilleur des ambassadeurs. Théorie et pratique de la diplomatie navale » d’Hervé Coutau-Bégarie, juin 2010. « Ces opérations d’évacuation des ressortissants (coopérants, expatriés, communautés restées après la décolonisation, personnes ayant la double nationalité) se produisent dorénavant très fréquemment, en raison de la multiplication des guerres civiles, des coups d’Etats et de ce que l’on appelle désormais les États faillis ».

79 () « Guerres de l’eau, guerres civiles avant tout » de Frédéric Lasserre, Revue de la Défense Nationale, no 728, mars 2010. « Ainsi, sans qu’il y ait vraiment guerre entre deux États à propos de l’eau, il importe de souligner le rôle de la rareté de la ressource dans la déliquescence des sociétés, induites par le manque d’eau et l’incapacité d’y faire face, prologue à une possible guerre civile, à une guerre de l’eau. ».

80 () « L’eau, cause ou cible de conflits » de Franck Galland, Revue de la Défense Nationale, novembre 2006. « Certaines organisations internationales comme le Conseil mondial de l’eau appellent de leurs vœux la création de « casques bleus de l’eau ». Imaginons un instant que, sur une gestion de sortie de crise majeure, des éléments du génie, des spécialistes d’associations humanitaires et des volontaires de groupes privés et publics interviennent ensemble pour mettre en place des stations de potabilisation au profit de sinistrés ».

81 () « La nouvelle géopolitique. Guerres et paix aujourd’hui » de François Géré, avril 2005. « A ces conflits territoriaux classiques sont venus s’ajouter plus récemment les affrontements liés à la gestion équitable de l’environnement. Il faut donc envisager des éco-guerres visant à s’emparer des ressources naturelles, comme l’eau, la qualité de l’air, ou à s’opposer par la force à une activité qui dégraderait l’espace (émanation de CO2, eaux usées rejetées en aval, etc.). S’il devait s’avérer que le mécanisme de la mousson peut être perturbé par les émanations de CO2 d’un État au détriment de l’autre, cela constituerait, sauf arbitrage international, une cause de guerre majeure. »

82 () « Les guerres de l’eau. L’eau au cœur des conflits du XXIe siècle » de Frédéric Lasserre, septembre 2009. « Et les crispations des gouvernants sur cette question, renforcées tant par des représentations, parfois exagérées, de menaces sur la sécurité alimentaire de l’État, que par les contentieux existants avec les voisins, pourraient pousser plus d’une capitale à externaliser des conflits externes explosifs, ou conduire au délitement d’États trop faibles pour gérer la rareté de l’eau. »

83 () « L’océan globalisé. Géopolitique des mers au XXIe siècle » d’Hervé Coutau-Bégarie, octobre 2007.

84 () Terminologies militaires. Le « Sea control » correspond au contrôle de la mer ; il est notamment destiné à permettre la prévention et la détection de tout navire suspect le plus tôt possible. Le « Sea Denial » et le « Sea Tripwire » définissent les moyens d’empêcher les embuscades réalisées via la mer (par exemple, blocus naval ou de ports, etc.).

85 () « L’océan globalisé. Géopolitique des mers au XXIe siècle » d’Hervé Coutau-Bégarie, octobre 2007.

86 () « Le meilleur des ambassadeurs. Théorie et pratique de la diplomatie navale » d’Hervé Coutau-Bégarie, juin 2010. « Sur un plan opérationnel, la réponse française, comme celles de la plupart des autres pays, a été marquée par l’improvisation et l’efficacité des moyens sur zone a pu être critiquée en raison de l’absence de coordination, tant sur place qu’à Paris. A la suite de ces errements, le Premier ministre a demandé à Jean-Claude Mallet, qui avait été chargé de coordonner les secours après le départ des moyens militaires lourds, un rapport sur l’amélioration de la diplomatie humanitaire, qui n’a pas été publié ».

87 () « Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale », juin 2008, Chapitre 10.

88 () A titre d’exemple, la fédération nationale des compagnies d’assurance (FFSA) estime que les résultats de l'exercice 2010 s'annoncent fortement déficitaires suite à deux événements importants : les inondations de février 2010 consécutives à la tempête Xynthia, dont le coût avoisine 750 millions d'euros (le coût total de la tempête étant estimé à 1,5 milliard d'euros si l'on ajoute les dégâts dus au vent), et les inondations du Var en juin 2010 qui ont provoqué plus de 600 millions d'euros de dégâts.

Entre 1982 et 2009, le coût total de la sécheresse atteint 4,8 milliards d'euros. A fin 2009, 34 % des indemnités catastrophes naturelles (paiements et provisions) concernent des sinistres sécheresses, contre seulement 12 % à fin 1993. Le coût moyen des sinistres concernés est de 9 550 euros (tous exercices confondus) ; il ne s'agit là que d'indemnisations liées aux dégâts causés aux maisons individuelles suite à un phénomène de contraction puis de gonflement du sous-sol créé par une sécheresse en zone argileuse.

Selon le réassureur allemand Munich Re, l'augmentation au niveau mondial du nombre de catastrophes naturelles liées au changement climatique (ouragans, inondations, sécheresses, etc.) qui « a été multiplié par trois depuis le début des années 1980 » pourrait coûter des « milliards de dollars supplémentaires chaque année ».

89 () L’État est généralement son propre assureur.

90 () Les scénarios actuels du GIEC prévoient une augmentation de la température moyenne entre 1,7 °C et 4,4 °C d’ici 2100.

91 () Le mythe des « guerres climatiques ». Article de Bruno Tertrais, Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

92 () Dans une partie de ce très long document (3000 pages), le GIEC évoque une prévision selon laquelle les glaciers himalayens auraient disparu en 2035, au lieu de 2350.

93 () Eduardo Zorita.

94 () L'économiste indien Rajendra Pachauri.

95 () Entretien au journal Le Monde du 20 juillet 2011.

96 () Etude publiée mercredi 8 février 2012 dans la revue Nature.

97 () Dirigé par John Wahr, professeur à l'université du Colorado aux Etats-Unis.

98 () Cité par le Guardian.

99 () John Wahr, professeur à l'université du Colorado.

100 () Celles formulées par le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) dans son quatrième rapport d’évaluation émis en 2007.

101 () Cela représente une référence temporelle « incompréhensible » sur un plan politico-opérationnel.

102 () Ils sont les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique.

103 () Thomas Fingar.

104 () Thomas Fingar (p. 46).

105 () Source : communiqué de la CIA.

106 () Margaret Beckett, Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs

107 () Discours devant le Royal United Services Institute de Londres (RUSI). « The case for Climate Security ». Lecture by the Foreign Secretary, the Rt. Hon. Margaret Beckett, MP, at the Royal United Services Institute on May 10th 2007.

108 () En réponse au World Summit on Sustainable Development de Johannesburg en 2002, l’administration Bush s’est engagée à travers l’US Agency for International Development à investir 970 millions de dollars sur trois ans, chiffre qui fût dans les faits porté à 1,2 milliard de dollars en 2005.

109 () « Préparer les engagements de demain – 2035 », DAS, juin 2007.

110 () Le Centre des hautes études militaires (CHEM) est un centre de formation de l'Armée française pour les officiers supérieurs.

111 () « Les conséquences stratégiques du changement climatique » : note de synthèse du Capitaine de vaisseau Stanislas Gourlez de la Motte.

112 () Institut de recherche stratégique de l’école militaire

113 () De 2000 à 2050, la hausse du niveau de la mer pourrait être comprise entre 15 cm et 30 cm en moyenne sans que l'on puisse exclure des valeurs sensiblement plus importantes ; cette hausse ne sera pas uniforme sur le globe. Ceci a un impact sur les régions côtières de faible élévation, certaines plaines côtières, des deltas, des îles. Des effets seront sensibles dans les deltas du Nil, du Gange, du Mékong, du Mississipi, de l'Amazone, de l'Orénoque, du Fleuve Jaune.

114 () 20 juillet 2011, Déclaration présidentielle, Conseil de sécurité, 6587e séance – matin et après-midi.

Déclaration reproduite en annexe 2 du présent rapport.

115 () 23 novembre 2011 ; réunion du Conseil de sécurité portant sur la sécurité, la paix internationale et la prévention des conflits.

116 () M. Ban Ki-moon .

117 () M. António Guterres ; 23 novembre 2011 ; réunion du Conseil de sécurité portant sur la sécurité, la paix internationale et la prévention des conflits.

118 () 19 novembre 2010 ; engagement actif, défense moderne : concept stratégique pour la défense et la sécurité des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord adopté par les chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne.

Le concept stratégique de l’OTAN est reproduit en annexe 3 du présent rapport.

119 () Mme Catherine Ashton.

120 () Article 18 du traité UE.

121 () Brussels, 9 July 2011 : Joint Reflection Paper « Towards a renewed and strengthened EU climate Diplomacy ». Lien : http://eeas.europa.eu/environment/docs/2011_joint_paper_euclimate_diplomacy_en.pdf

122 () Amérique centrale, Asie du Sud Est, Asie du Sud Ouest et l'Inde/États insulaires de l’Océan Pacifique.

123 () Extrait de l’Eurobaromètre spécial 372 du 7 octobre 2011, portant sur le changement climatique. Réalisé par TNS Opinion & Social à la demande de la Commission européenne – Direction générale Action pour le climat. Enquête coordonnée par la Direction générale Communication.

Un extrait de cet eurobaromètre est reproduit en annexe 4 du présent rapport.