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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mars 2012.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
sur le Gouvernement économique européen face à la crise :
le rendez-vous franco-allemand pour porter une ambition pour l’Europe,
ET PRÉSENTÉ
PAR M. Pierre LEQUILLER,
Député
——
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Jean-Yves Cousin, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mme Annick Girardin, M. Philippe Gosselin, Mmes Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Pierre-Alain Muet, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
I. LE TEMPS DES CRISES : LA NAISSANCE D’UN GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE EUROPÉEN QUI POSE LES FONDATIONS DE LA REPRISE 11
A. LES FAILLES DE LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE MISES À JOUR PAR LA CRISE D’UN MODÈLE DE CROISSANCE BASÉ SUR L’ENDETTEMENT 11
1. Le creusement des divergences de compétitivité dans les années 2000, sous le paravent protecteur de l’euro… 11
2. … a mis à jour les failles dangereuses de la construction d’une Union économique inachevée 15
a) L’euro n’est en rien la cause des difficultés et son abandon mènerait au désastre 15
b) La construction incomplète de 1992 18
(1) L’absence de mécanismes de résolution des crises 19
(2) Un défaut de surveillance collective des fondamentaux économiques 21
(3) La perte de crédibilité du pacte de stabilité 21
(4) Les politiques économiques et le règne du chacun pour soi 22
B. LA RÉPONSE ÉNERGIQUE DE L’EUROPE GRÂCE À L’ÉMERGENCE D’UN GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE EUROPÉEN ET LA CONSTRUCTION DES FONDATIONS DE LA REPRISE 23
1. Le pilier de la solidarité : du FESF au MES 25
a) L’élaboration d’une réponse rapide et efficace : le Fonds européen de stabilité financière 25
b) L’élargissement des missions de l’assistance financière aux États exclus des marchés à la stabilisation indispensable de l’ensemble de la zone 27
c) Le traité instituant un mécanisme européen de stabilité financière, pare-feu pérenne et pleinement réactif 29
2. Le pilier de la responsabilité : du pacte de stabilité réformé au traité sur la stabilité 32
a) La surveillance des déséquilibres macroéconomiques, innovation majeure donnant une pleine cohérence au nouveau dispositif de stabilité 33
b) Une muraille dressée face à l’impéritie budgétaire 35
(1) La prise en compte de tous les facteurs de dérapage des finances publiques 35
(4) Un encadrement détaillé du retour des finances publiques sous les seuils fixés par les traités 38
(5) La clef de voûte de la règle d’or posée par le traité sur la stabilité 39
3. Le pilier de l’ambition économique : la définition de politiques communes grâce au semestre européen et au traité sur la stabilité 41
a) La cohérence et la surveillance des politiques économiques nationales grâce au « semestre européen » et au pacte pour l’euro plus 41
b) Vers un Gouvernement économique permanent de la zone euro avec le traité sur la stabilité 43
II. L’HEURE DES CHOIX : LE RÔLE INCONTOURNABLE DU COUPLE FRANCO-ALLEMAND POUR PORTER UNE AMBITION POUR L’EUROPE 45
A. LES ROUAGES COMPLEXES D’UN MOTEUR À L’EFFICACITÉ SPECTACULAIRE 46
1. L’accord franco-allemand : un préalable indispensable à chacune des étapes de la crise... 46
2. ... qui plonge ses racines dans l’étroit maillage de la coopération franco-allemande 47
a) Un réflexe de coopération aux plus hauts niveaux des États 47
b) Une coopération enracinée dans les administrations et les sociétés civiles 52
B. L’ESSENCE DU MOTEUR FRANCO-ALLEMAND : L’INDISPENSABLE CONVERGENCE DES AMBITIONS POUR LA RELANCE DE L’EUROPE 57
1. Le couple franco-allemand, le laboratoire d’idées de l’Europe 57
2. L’heure d’un grand débat entre les deux partenaires pour définir l’Europe de demain 58
a) Parachever le Gouvernement économique européen 59
(1) Régler la question monétaire 60
(2) Garantir l’ancrage démocratique du Gouvernement économique grâce à l’association des Parlements nationaux 61
b) Doter l’Union des moyens financiers pour relayer les efforts des États et recouvrer les instruments d’une politique d’investissement ambitieuse : la question incontournable des obligations européennes 64
(1) L’impasse des eurobonds, « supplétifs » des dettes nationales 65
(2) La voie des project bonds de compétitivité 66
c) Rénover les instruments de l’Europe en les mobilisant au service de la réindustrialisation 67
(1) Recherche et industrie, priorités décisives pour garder son rang dans la compétition mondiale 68
(2) Jouer enfin à armes égales et oser l’exigence de réciprocité 70
d) En finir avec l’Europe prise en otage et accepter les avant-gardes 71
e) Donner le dernier mot aux citoyens, en acceptant l’Europe politique 72
TRAVAUX DE LA COMMISSION 75
ANNEXES 81
ANNEXE 1 : DISPOSITIONS DU TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE (TUE) ET DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE (TFUE) CITÉES DANS LE PRÉSENT RAPPORT 83
ANNEXE 2 : TRAITÉ SUR LA STABILITÉ, LA COORDINATION ET LA GOUVERNANCE AU SEIN DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE 93
ANNEXE 3 : TRAITÉ INSTITUANT LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ 103
ANNEXE 4 : RÉSUMÉS DU RAPPORT EN ALLEMAND ET EN ANGLAIS 127
Mesdames, Messieurs,
La violence de la tempête financière de 2008 et son onde de choc sur les dettes souveraines a brutalement testé la capacité de réaction de l’Europe.
Le moins que l’on puisse dire, sous l’écume des ressauts quotidiens, c’est qu’elle a su répondre présente, élaborant des réponses profondément novatrices et franchissant, une à une, toutes les étapes menant vers une étroite convergence des politiques économiques.
Rarement en effet la célèbre affirmation de Jean Monnet, qui estimait que « l’Europe se fera dans la crise et sera la somme des réponses apportées à ces crises », n’a paru aussi vraie.
Et la somme est impressionnante. Qui aurait pu imaginer, à l’automne 2008, que l’on puisse à présent parler de « Gouvernement économique européen », que chaque État accepte désormais de soumettre l’ensemble de ses choix économiques à l’évaluation de ses pairs, que cinq cents milliards d’euros – cinq fois le budget européen ! – soient désormais sur la table pour concrétiser la solidarité européenne et fournir l’assistance d’urgence dont ont besoin les pays les plus fragiles, que la perspective, tant attendue et tant retardée, de l’équilibre des finances publiques, c’est-à-dire de rendez-vous de la responsabilité envers les générations futures, soit désormais crédible, et bientôt sanctuarisée dans le cœur même des lois fondamentales de nos nations ?
L’Union européenne, sous l’impulsion énergique et courageuse du Président français et de la Chancelière allemande, a prouvé qu’elle savait nous défendre. Beaucoup a été fait, sans doute plus rapidement que jamais dans l’Histoire des Communautés européennes.
Mais l’ampleur même de ces constructions nous interdit de nous arrêter en chemin, et de reproduire les deux grandes erreurs de 1992, lorsque l’euro fut créé sans être protégé par l’indispensable gouvernement économique et que l’élargissement fut programmé sans que les structures de décision de l’Union soient adaptées à cette nouvelle donne.
Il est en effet probable, l’orage passé, qu’abrités derrière les puissants boucliers forgés ces dernières années, les États succombent à la tentation de revenir aux solutions du passé, aux demi-mesures et aux petits égoïsmes nationaux.
L’expérience nous commande de conjurer ce risque et d’écarter résolument la voie de l’insouciant repli sur soi qui avait triomphé dans les années 2000 où, protégés trop efficacement des contraintes extérieures par les succès mêmes de l’euro, tant de pays ont laissé dériver leur compétitivité, abandonné leur vigilance budgétaire et laissé s’épanouir une défiance diffuse à l’égard de l’Europe.
Les temps ont en effet profondément changé. On voit aujourd’hui quel fut le prix à payer pour nos retards et nos hésitations dans l’édification d’un gouvernement économique européen. Il deviendrait tout simplement inacceptable si, d’aventure, nous devions relâcher l’effort à la première éclaircie.
Car le monde de 2012 n’est pas celui de 1992.
Des puissances économiques impressionnantes ont émergé, dessinant une lutte économique de géants dans laquelle nos nations, isolées, ne pèsent rien. Face à de tels concurrents, une Europe désunie est vouée au déclin.
Sur la base des progrès majeurs qui ont été accomplis ces dernières années sur la voie de l’intégration, donner un nouveau souffle à l’Union suppose d’impulser une dynamique démocratique approfondie, notamment parlementaire, et de proposer une vision politique de l’avenir de l’Europe à terme, apte à rassembler.
Les référendums français, néerlandais et irlandais ont été de rudes coups de semonces pour l’Union. Sans affermir l’ancrage démocratique européen, nous courons le risque, comme nous avons laissé s’égrainer de lourdes dettes budgétaires, de nourrir, par l’accumulation des déficits de légitimité de décisions encore trop souvent mal comprises et perçues comme technocratiques, une dette démocratique dont il faudra bien s’acquitter.
L’effort d’assainissement et de convergence a un coût social, et l’explosion du chômage dans les pays acculés brutalement au rétablissement des équilibres menace dangereusement leur cohésion interne.
La montée des difficultés internes alimente, partout en Europe, les illusions mortifères des replis nationalistes dont les scores croissants obtenus dans toutes les élections nationales par l’extrême droite scandent les progrès.
La vaste majorité des électeurs comprend bien, fort heureusement, que cette voie est une impasse, et que la maîtrise des armes de son destin passe inéluctablement par l’Europe.
Mais cette conscience commande que succèdent vite aux évidences des impuissances nationales les preuves de l’efficacité de l’Union, qui passent par la consolidation d’une démocratie commune conforme aux deux exigences d’un système gouverné « pour le peuple, par le peuple ».
« Pour le peuple » : c’est le défi d’une Europe des résultats, concrets et éloquents, et d’une Europe tournée tout entière vers la protection de ceux qui ont remis leur destin entre ses mains.
Comme souvent, nous avons commencé par forger des instruments collectifs – d’autant plus indispensables que nos vieux outils nationaux étaient désormais bien émoussés – et donner à l’Europe les moyens d’agir, en lui permettant de définir de grandes priorités communes, de les concrétiser, au besoin dans l’élan donné aux avant-gardes, et de garantir la cohérence des efforts nationaux et européens grâce aux grands édifices de stabilité – budgétaire avec le traité sur la stabilité et financière avec le traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
Il nous appartient désormais de s’en servir et de fixer clairement les objectifs du Gouvernement économique commun.
L’assainissement budgétaire, la remise en ordre financière sont des préalables indispensables, pas des politiques. Le temps est venu de donner au peuple des perspectives plus audacieuses, en donnant corps au vrai moteur européen : un projet économique et politique dans la durée, qui devra passer par l’indispensable convergence fiscale, emprunter les voies du rassemblement de nos forces dans des stratégies communes ambitieuses de recherche et d’industrie et protéger efficacement les citoyens des violences de la mondialisation.
« Par le peuple » : ici réside une injonction traditionnelle, souvent injuste à l’égard des réels progrès démocratiques accomplis par l’Union, mais essentielle à la survie de l’Europe.
Il n’est de politique légitime qui n’a pas été choisie, clairement, par le peuple.
Là encore, l’Union s’est dotée de procédures et d’institutions aptes à répondre à cette exigence démocratique, au travers du Conseil européen, qui confie désormais la force d’impulsion fondamentale aux dirigeants les plus légitimes, car choisis directement par leurs peuples, et grâce au rôle désormais incontournable du Parlement européen.
Mais nous devons bien constater que ces gages de démocratie ne deviendront des preuves que lorsqu’ils seront pleinement animés par un « souffle » démocratique, c’est-à-dire que les choix reflèteront fidèlement les volontés imprimées par le peuple, à travers l’adhésion à un projet politique.
Cela rend plus nécessaire que jamais l’émergence d’un débat public européen, sur lequel les électeurs puissent trancher par leur vote.
Cette « politisation » de l’Europe, dans laquelle les parlements nationaux, maillons séculiers des démocraties nationales, ont un rôle essentiel à jouer, est la condition de son enracinement démocratique. Il nous faut désormais l’engager résolument. Le grand rendez-vous démocratique français de 2012, avant les échéances européennes de 2014, doit donner toute sa place à la dimension européenne de notre avenir, hors des conforts illusoires des postures démagogiques et des imprécisions fallacieuses.
Le double défi de redonner à l’Europe la force d’un « projet » commun d’envergure à long terme (le « pourquoi »), et de donner aux citoyens le droit de choisir entre des « projets politiques » à court terme pour atteindre ces buts communs (les « comment ») font peser une responsabilité cardinale sur les deux grands architectes de l’aventure européenne.
Qu’on l’exalte ou qu’on le déplore, un fait incontournable demeure : les progrès de l’Union sont toujours nés de l’entente ambitieuse de l’Allemagne et de la France, les deux vieilles nations qui ont fait de leur réconciliation le symbole même du redressement du continent.
Chacune des grandes avancées de la gouvernance économique est passée par un accord préalable, parfois laborieux mais toujours imprégné de la volonté inébranlable de protéger l’euro, entre les deux partenaires.
L’indispensable débat sur les fins de l’Union, l’élan fédéral qu’il nous faut imaginer, dépend maintenant tout entier de leur capacité à bâtir, sur les succès obtenus dans l’édification d’un Gouvernement économique européen, les grandes ambitions de l’Europe de demain.
I. LE TEMPS DES CRISES : LA NAISSANCE D’UN GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE EUROPÉEN QUI POSE LES FONDATIONS DE LA REPRISE
A. Les failles de la gouvernance économique européenne mises à jour par la crise d’un modèle de croissance basé sur l’endettement
1. Le creusement des divergences de compétitivité dans les années 2000, sous le paravent protecteur de l’euro…
Le dixième anniversaire de l’euro ne fut guère célébré. Durablement ébranlée par une crise venue d’ailleurs, mais dont elle a payé le plus lourd tribu (avec une contraction de l’activité de 4,2 % contre 2,7 % aux États-Unis), la zone euro affronte depuis 2010, seule, la tempête de défiance créée par la brutale aggravation des dettes publiques.
L’Histoire montrera la part d’injustice et d’arbitraire qui place notre continent au coeur d’un cyclone formé bien loin de nos côtes, en Amérique, et nourri de comportements financiers étrangers aux traditions européennes.
Le modèle de croissance par un endettement effréné dont la crise solde l’impéritie fut en effet bien plus celui de nos grands partenaires occidentaux que le nôtre, tant il est essentiel de rappeler qu’en 2007, l’endettement total, rassemblant les dettes nettes de la sphère publique et du secteur privé, dépassait 225 % du PIB aux États-Unis et au Royaume-Uni, 320 % au Japon, lorsqu’il n’atteignait pas 195 % dans la zone euro.
Le dérapage budgétaire, aussi massif qu’indispensable pour endiguer l’onde de choc de l’automne 2008, fut plutôt mieux contenu en Europe que chez nos voisins, et plus rapidement maîtrisé, puisqu’en 2011 la dette publique de la zone euro, à 85 % du PIB, demeure inférieure à la dette des États-Unis (94 %) et ses déficits publics, à 4 % du PIB, représentent moins de la moitié de ceux des deux grands pays anglo-saxons.
Le modèle économique européen n’accuse en outre pas d’infériorité manifeste par rapport à ses grands concurrents.
Les créations d’emplois ont été durablement plus fortes qu’aux États-Unis pendant toute la décennie 2000, l’emploi total progressant de 14 % au sommet du cycle avant de se replier à 11 %, contre une augmentation de seulement 8 % (et 2 % après la crise) outre-atlantique.
Les gains de productivité ont été comparables, tandis que l’Europe accentuait son avance dans l’édification d’une société plus humaine, avec une population sous le seuil de pauvreté (10 %) très substantiellement inférieure à celle des États-Unis (17 %) ou du Royaume-Uni (12 %).
Il n’est jusqu’à l’industrie qui ne pèse d’un poids plus affermi dans la zone euro (16 % des emplois) que dans les pays anglo-saxons (9 %).
Mais l’Europe a une faiblesse, et celle-ci l’a exposée avec une violence spectaculaire aux assauts des marchés : le colosse économique a vingt-sept jambes, dont la défaillance d’une seule l’expose au risque d’une lourde chute incontrôlée.
Il a en effet suffi d’une étincelle, à l’automne 2009, dans un pays qui ne représente que 2 % de la richesse de toute la zone pour que l’incendie s’étende, de proche en proche, aux États les plus solides. Et le bâtiment soudainement embrasé a affiché ses fissures béantes de compétitivité et d’endettement, dévoilant, comme l’écrivait M. Joschka Fischer en novembre dernier, « un édifice imposant laissé au début des années 1990 [lorsque] la phase de construction d’une union monétaire a été ajournée, sans les fondations indispensables à sa stabilité en cas de crise ».
Les divergences qui sapent aujourd’hui la cohésion de l’Union sont anciennes et à bien des égards nourries par les succès mêmes de la monnaie unique et la stabilité économique qu’elle nous a apportée au début des années 2000.
■ Les origines de la crise remontent en effet aux premiers jours de l’euro.
De manière logique dans une zone intégrée où les mouvements de capitaux, libres depuis longtemps, sont soudainement soulagés du risque de change, l’euro, en égalisant le niveau des taux d’intérêts nominaux d’Athènes à Berlin, a brutalement allégé le fardeau de la dette publique et débloqué le crédit dans les pays qui payaient auparavant le prix de la comparaison avec l’impeccable réputation allemande de crédibilité budgétaire et industrielle.
Cette imprudente indifférence aux spécificités nationales, qui contraste avec le traitement différent qu’ont toujours réservé les marchés aux obligations des États fédérés américains (la Californie emprunte aujourd’hui à 3,5 %) par rapport aux bons du Trésor fédéral (qui ne dépassent pas 2 %), n’allait pas de soi. Elle n’en fut pas moins générale et durable.
La première victime de cette rapide convergence financière fut l’Allemagne, qui a perdu à l’introduction de l’euro l’avantage compétitif que constituaient pour elle des taux d’intérêt réels durablement moins élevés que ceux de ses partenaires européens, puisque, si les taux nominaux convergeaient, son inflation restait inférieure à celles des autres États. Ce renchérissement relatif du crédit a ainsi contribué au maintien d’une conjoncture déprimée de 2000 à 2005, accompagnée de son cortège de chômage et de déficit.
À l’inverse, les premiers bénéficiaires furent les États souffrant des crédibilités les plus fragiles, et, au fil des années, des structures économiques les moins performantes.
Les pays qui ont laissé leurs coûts de production déraper, et donc leur inflation dépasser celles de leurs voisins plus vertueux, ont en effet bénéficié tout au long de la décennie d’un taux d’intérêt réel – le poids concret du crédit pour l’emprunteur – plus faible et donc mieux propice à l’emballement de l’endettement.
Ce mécanisme cumulatif a joué à plein tout au long des années 2000 grâce à l’effondrement des taux d’intérêt nominaux dans les pays du sud de l’Europe, de 10 % environ en 1995 à moins de 5 % dans la décennie, en dépit du maintien d’une inflation continûment supérieure à la moyenne européenne (3,2 % en Espagne par exemple entre 1999 et 2007 contre 1,7 % en Allemagne).
■ Ce phénomène a porté deux conséquences dangereuses, apparues graduellement.
En premier lieu, l’abondance de capitaux à faible coût a alimenté la formation de bulles spéculatives sur des actifs manifestement surévalués, mais dégageant de fortes rentabilités à très court terme, en particulier dans le secteur de l’immobilier dont l’emballement fut paroxysmique en Espagne et en Irlande, mais aussi dans la sphère publique, apte à capter des capitaux abondants placés sans discernement sur la capacité réelle des États à assumer leur endettement.
En effet, les bulles financières de la première décennie du siècle, quelles qu’en soient les formes, ont obéi aux mêmes mécanismes. Les causes furent identiques, liées à une affection manifestement inadaptée des ressources sur un actif surévalué – et les obligations grecques l’étaient, compte tenu des capacités réelles de l’État à les rembourser. Et les conséquences furent les mêmes, avec une brutale détérioration des comptes publics soit pour solder les comptes de l’éclatement des bulles spéculatives dans le secteur privé, en Espagne (où la dette publique a explosé de 36 % du PIB en 2007 à 64,4 % en 2010) et en Irlande (de 25 % du PIB en 2007 à 97,4 % en 2010), soit pour assumer le prix de la défiance face aux évidences d’un endettement public incontrôlé, en Grèce.
En second lieu, de manière plus pernicieuse, et plus dangereuse, l’euro, en distendant les cordes de rappel que forment traditionnellement la balance des paiements et les taux de change, a permis aux États de fermer les yeux sur l’apparition d’un véritable cercle vicieux de divergence de compétitivité séparant la zone euro en deux blocs.
Abrités par une intégration monétaire qui relâchait la pression du financement des balances commerciales et atténuait l’inflation grâce à la « désinflation importée » de l’euro fort, souvent aveuglés par les bulles immobilières dont la frénésie de construction compensait la perte des emplois à l’exportation, les États de ce que l’on appelle un peu vite le sud de l’Europe ont lentement laissé dériver leur compétitivité.
Ainsi, à la veille de la crise de 2008, le déficit de la balance des paiements courants atteignait 5,5 % du PIB en Irlande, 10 % en Espagne et au Portugal et 15,6 % en Grèce.
Dans un parfait mouvement de ciseaux, alors que les deux blocs étaient à l’équilibre en 1999, les pays du nord (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Belgique et Finlande) ont consolidé de forts excédents commerciaux (+ 6 % du PIB en 2007) tandis que ceux du sud (Italie, Espagne, Grèce et Portugal) et la France ont accusé une détérioration continue de leur balance courante (– 4,5 % du PIB).
Cet affaiblissement plonge ses racines dans une dégradation générale des performances, principalement marquée par une hausse trop rapide des coûts salariaux dans les pays du sud (augmentation des coûts unitaires du travail entre 1997 et 2007 de 22 % en Italie, 25 % en Grèce, 28 % en Espagne contre une moyenne de 13 % dans la zone euro, proche des 15 % constatés en France) et une spécialisation croissante dans les secteurs protégés au détriment de l’industrie (dont la part dans la valeur ajoutée a diminué de 16 % à 13 % dans les pays du sud lorsqu’elle se maintenait à 19 % dans le nord).
Cette lente dérive contraste avec le vigoureux effort d’assainissement auquel l’Allemagne, portée par le courage de tous ses Gouvernements successifs et de ses partenaires sociaux, s’est astreinte, parvenant à stabiliser les coûts salariaux et à réformer sa fiscalité pour soutenir ses entreprises.
Ces divergences ont rapidement formé un cercle vicieux, tant il est vrai qu’en économie les excédents des uns bénéficient et entretiennent inexorablement les déficits des autres.
Les pertes de compétitivité des États les moins vertueux ont clairement stimulé les exportations allemandes. Dans un deuxième temps, les excédents financiers dégagés par ces succès extérieurs, ne trouvant à se placer dans une économie nationale freinée par une consommation anémiée par le gel des salaires, ont été massivement investis chez les premiers où s’enclenchaient des bulles spéculatives.
Le creusement d’une faille béante de compétitivité entre les deux rives de la zone euro a, en outre, profondément pesé sur la politique de la Banque centrale européenne.
Cette dernière détermine en effet sa stratégie monétaire en fonction, non pas de chaque situation nationale particulière, mais de celle de la zone euro dans son ensemble, dont l’économie allemande représente près du tiers. La faible inflation allemande pendant toute la décennie a ainsi lourdement pesé sur la moyenne européenne. Elle a naturellement conduit la Banque centrale à mener une politique plutôt expansionniste et à maintenir des taux d’intérêt manifestement trop bas pour les économies en surchauffe des États les plus fragiles.
■ La crise des subprimes a sonné la fin de la partie et accéléré l’heure des comptes.
En tarissant violemment l’irrigation mondiale des crédits à partir de l’automne 2008, elle a précipité l’éclatement des bulles, en particulier immobilières, dans les États qui dépendaient le plus fortement d’afflux de capitaux bon marché pour équilibrer leur balance commerciale.
En parallèle, l’indispensable maintien de l’activité par le creusement des déficits publics a exercé un impact brutal et massif sur l’endettement des États, dans un contexte où les investisseurs redoublaient de vigilance sur la qualité de leurs placements. Dès 2008, les primes de risque sur les différents États européens ont ainsi commencé à diverger, reflétant une soudaine prise de conscience de l’existence du risque souverain, avant que l’annonce le 16 octobre 2009 de l’état réel des comptes grecs ne laisse place au climat de défiance des années 2010 et 2011.
Pour autant, l’euro, en quelque sorte victime de son succès, ne saurait être tenu pour responsable de la situation.
■ Les raisons qui avaient présidé à sa création, sous l’éclairage de dix premières années d’existence, demeurent profondément convaincantes. Elles permettent d’ailleurs de montrer en miroir combien la sortie de l’euro, plus encore qu’une impasse, s’apparenterait à un véritable saut dans le précipice.
– L’euro fut d’abord créé en réaction à l’expérience désastreuse de vingt années de changes flottants entre les monnaies européennes.
Marqués dans leur chair par les terrifiantes blessures du protectionnisme des années 30, conscients que leur survie dans la mondialisation passe sans alternative par la modernisation de leurs économies et désireux de concrétiser leur solidarité, gage de la réconciliation du continent, les Européens ont su renoncer aux protections douanières à l’intérieur de leur Communauté dès les années 60 avant d’édifier un marché commun, puis unique, dans les années 80.
Ce faisant, toutefois, ils se sont exposés au risque des dévaluations compétitives entre partenaires, dont les résultats furent d’ailleurs tout aussi désastreux pour ceux qui les pratiquaient, abritant leurs industries défaillantes sous la protection artificielle de changes manipulés, que pour leurs victimes, soumises à une concurrence déloyale.
Ces incessantes manipulations monétaires, où chacun essayait d’exporter son chômage chez l’autre au mépris de l’esprit européen, ont de toute évidence menacé la cohésion communautaire et affaibli notre potentiel de croissance en retardant l’indispensable modernisation des économies.
L’euro a mis fin à ce jeu dangereux au plus grand bénéfice de tous ses participants. Il n’est qu’à imaginer qu’aux tourments de la crise de 2008 nous ayons ajouté les affres d’une guerre des monnaies à l’intérieur de la zone euro comparable à celle qui avait précipité l’Europe au bord du gouffre financier en 1993 pour comprendre à quel point le bouclier de notre monnaie unique fut une chance pour nos peuples.
Il est en effet tout aussi illusoire de croire qu’en recouvrant des monnaies nationales nous reconquérions notre liberté monétaire,qu’il est erroné de dire qu’en rentrant dans l’euro nous avons renoncé à notre liberté de mener des politiques monétaires nationales. Cette liberté, nous l’avions depuis longtemps perdue.
Parce que nos petits et moyens États ne peuvent survivre en vase clos, nous avons fait le choix, judicieux, de libéraliser la circulation des capitaux dans toute l’Europe, au prix d’une importante contrepartie.
Dans les faits, lorsque les investisseurs peuvent investir dans plusieurs pays de niveau de développement comparable, ils tendent inéluctablement à aller dans les États dont la banque centrale pratique le taux d’intérêt le plus élevé ou jouit de la crédibilité la mieux affermie. Or cette guerre des réputation avait – et il est probable qu’elle continuerait d’avoir – un vainqueur : l’Allemagne.
En pratique, chacun peut constater que nos banques centrales au tournant des années 1990 n’avaient d’autre choix que de s’aligner sur la politique monétaire de la Bundesbank, qui ne déterminait ses orientations qu’en fonction de ses préoccupations nationales.
Dans ce contexte, la question n’était pas de renoncer à sa liberté monétaire, mais d’acquérir le droit de participer collectivement à sa détermination. Y renoncer serait relâcher une robuste proie pour une ombre bien illusoire.
– Cependant, l’euro découle évidemment d’un choix beaucoup plus profond, et son essence est politique.
La monnaie unique, complément cohérent et nécessaire de l’édification du marché unique, a cristallisé et relancé l’ambition commune d’intégration à la fin des années 1980. En devenant une manifestation singulièrement concrète de l’unité du continent, elle a acquis une place décisive dans notre patrimoine commun et est devenue l’un des principaux symboles de la marche communautaire.
■ Ces trois arguments conservent toute leur force aujourd’hui, et plaident sans ambiguïté contre le fantasme dangereux d’une sortie de l’euro.
– Tout d’abord, et de manière décisive, la disparition de la monnaie unique nous replongerait inéluctablement dans une vaine mais douloureuse guerre des changes dont n’émergerait aucun vainqueur.
S’il est une chose qu’enseigne l’expérience de quarante années de changes flottants, c’est que l’ajustement des monnaies est un processus violent, instable et totalement déconnecté des fondamentaux de l’économie réelle.
Il ne fait guère de doute que sur les ruines de la monnaie unique s’opposeraient rapidement les États perçus comme « vertueux » par les marchés, dont la monnaie s’apprécierait fortement au détriment de leurs industries exportatrices, tandis que les pays en crise seraient précipités dans une cascade de dévaluations et de défiance incontrôlable.
Leurs entreprises, soumises à un renchérissement brutal des biens d’équipement importés indispensables à leur production et, très vite, à une explosion des taux d’intérêt, provoquée par des banques centrales nationales acculées à la lutte contre la dépréciation sans fin des nouvelles monnaies, seraient dangereusement fragilisées. Rappelons ainsi que l’Argentine, en 2002, a vu sa monnaie perdre les trois quarts de sa valeur en six mois, contraignant des pans entiers de ses industries à la faillite, faute de pouvoir acheter les matières premières et les outils indispensables à leur fonctionnement.
L’appauvrissement des ménages serait tout aussi massif. Dans l’exemple argentin, la dépréciation des trois quarts du taux de change a multiplié par quatre le prix des matières importés, qui représentent tout de même entre le quart et le tiers du panier de consommation des foyers européens. Un simple examen du niveau que pourrait atteindre la facture pétrolière dans un tel contexte devrait suffire à décourager les plus aventureux.
– Pire, avant même d’affronter cette spirale récessive, les économies seraient lestées de dettes hypertrophiées, car contractées en euros.
Même une hypothétique conversion forcée et arbitraire dans la monnaie nationale, qui poserait de redoutables difficultés juridiques, ne serait qu’une solution en trompe-l’œil.
Il faut en effet rappeler que les pays européens sont inextricablement liés entre eux, détenant en moyenne sur leurs voisins l’équivalent d’une année de revenu national. Les gains liés à une conversion brutale des dettes dans une nouvelle monnaie seraient immédiatement compensés par les pertes subies sur les avoirs détenus à l’étranger que les « partenaires » ne manqueraient pas de dévaluer à leur tour.
– Enfin, la folie d’une sortie de l’euro porterait un coup sans doute fatal à l’ambition même de la construction européenne, en réduisant à néant l’aboutissement de trente années de travaux et de consensus.
Une telle abdication de la volonté politique devant les marchés ruinerait la crédibilité de l’Europe. Elle nous engagerait dans un processus désastreux de dissolution de la plus belle entreprise collective du XXème siècle, qu’aucun citoyen raisonnable ne peut envisager sans effroi.
L’examen lucide de ce que nous perdrions en abandonnant la monnaie commune montre le caractère paradoxal de la situation. Par la convergence des taux d’intérêt et dans l’imbrication des économies qu’il a puissamment accélérées, l’euro a, en quelque sorte, « trop » réussi.
Au cours de son audition par notre Commission des affaires européennes, le 6 avril 2011, M. Jacques Delors le résumait d’une formule en rappelant que « l’euro protège, même de nos bêtises ».
En détournant les décideurs du jugement quotidien des marchés sur la pertinence de leurs choix économiques et en relâchant la contrainte des financements, l’euro nous a permis de repousser des choix qui s’imposent inéluctablement pour préserver notre prospérité.
Les évènements actuels sont en effet le prix de notre imprudence à avoir interrompu à mi-chemin le chantier de la constitution d’une réelle Union économique et monétaire (UEM). Sans gouvernement économique européen, le navire de l’euro a pris la mer avec quatre larges brèches tout en haut de sa coque, qui prennent l’eau par grand temps et qu’il nous appartient au plus vite de colmater.
Ces incomplétudes, désormais bien connues, sont l’absence de mécanismes collectifs de réponses d’urgence, de surveillance des grands équilibres, de prévention et de sanction des trajectoires déviantes et de stimulation des économies.
Tout d’abord, le compromis de 1992 a omis d’asseoir l’UEM sur un mécanisme efficace de résolution des crises graves, négligeant la perspective d’un mouvement violent de défiance des marchés à l’égard des États.
■ Cette résolution aurait pu prendre la voie traditionnelle de l’existence d’un « prêteur en dernier ressort », celui qui assure le financement indispensable à l’économie lorsque les circuits traditionnels sont soudainement bouchés et dont la simple existence suffit à enrayer le cercle vicieux qui permet à la panique des marchés, en dressant des murailles de taux d’intérêt infranchissables, de mettre à terre des États pourtant solvables.
Ce prêteur aurait pu être, comme dans l’ensemble des États, la banque centrale, forte de sa capacité illimitée à créer de la monnaie. Il aurait pu aussi, avec moins de force toutefois, rassembler l’ensemble des États promettant leur secours solidaires à leur partenaire victime d’une crise de défiance.
Le compromis originel de l’euro, par lequel l’Allemagne n’a consenti à partager les fruits de la solidité de sa monnaie qu’à la condition que chacun reste pleinement responsable de son destin budgétaire et économique et que la politique monétaire, inspirée des succès de la Bundesbank, soit exclusivement concentrée sur la stabilité des prix et fondée sur la totale indépendance de la BCE, a écarté l’une et l’autre de ces précautions, tout en aménageant toutefois d’étroites portes de sortie qui se sont révélées précieuses au cours des deux dernières années.
L’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne écarte ainsi toute monétisation des dettes publiques en disposant qu’il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite ».
En creux du texte cependant, l’acquisition « indirecte » de créances, c’est-à-dire le rachat d’obligations publiques sur le marché secondaire, n’est pas proscrite, et la Banque centrale a su faire un usage avisé de cette prudente disposition.
En parallèle, l’article 130 du traité garantit l’indépendance absolue de la Banque centrale européenne en disposant que « dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la BCE, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme » et en lui confiant pour mission cardinale, dans l’article 127, la « stabilité des prix », son éventuel concours « à la réalisation des objectifs de l’Union […] conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources » étant subordonné à l’absence de préjudice à cet objectif principal.
L’article 125 pour sa part pose le principe du « non-renflouement » en disposant que : « l’Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique ».
L’article 122 atténue toutefois la rigueur du principe en prévoyant que « sans préjudice des autres procédures prévues par les traités, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie ».
Son deuxième alinéa précise aussi que « lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné. »
Là encore, ces timides tempéraments se sont révélés décisifs en apportant un support juridique à l’indispensable mise en place des dispositifs d’aide aux États victimes de la crise des dettes souveraines.
■ En dehors de ces dispositifs de dernier ressort, la crise des dettes souveraines a montré les importantes lacunes dans notre capacité à formuler des réponses rapides et cohérentes, faute d’instances et d’instruments permettant aux Européens de réagir à une vitesse au moins comparable à l’extraordinaire célérité, pour ne pas parler de la précipitation, des marchés.
Les chefs d’État et de gouvernement ont su apporter des solutions et bâtir, à partir de peu de choses, des stratégies profondément novatrices dans des temps très brefs.
Mais le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne furent guère aidés par les mécanismes préexistants, encore à l’état d’ébauche lorsque la tempête financière a touché les récifs européens.
L’absence de parachute dans les situations les plus dramatiques, pour s’être révélée préjudiciable, n’est toutefois pas la cause des difficultés de la zone euro. Elle a simplement rendu leur exacerbation potentiellement dramatique.
Les divergences de compétitivité et les dérives budgétaires trouvent leur source ailleurs, dans l’excessive liberté laissée aux États de mener des politiques économiques indépendantes, parfois dangereuses et imprévoyantes, sans souci de coordination et même de dialogue avec leurs partenaires qui en assument pourtant collectivement aujourd’hui les conséquences.
Ici, l’Union a pêché par défaut de surveillance collective.
Trop exclusivement concentrés sur le seul respect du critère de déficit fixé par le pacte de stabilité – avec des résultats d’ailleurs décevants –, la Commission européenne et le Conseil ont échoué à alerter les pays victimes, en dépit des apparences de comptes publics sous contrôle, des dérives de leur endettement privé ou de leurs déficits extérieurs, alors même que leurs gouvernements disposaient, grâce notamment aux compétences qu’ils conservaient sur le règlement du crédit, l’ajustement des dépenses publiques, la réforme fiscale ou l’encouragement à la modération salariale, de toutes les armes pour faire face à leurs difficultés.
Toutefois, même sur le front budgétaire sur lequel elle concentrait toutes ses forces, l’Union a dû battre en retraite devant des feux nourris.
Sur le fondement de l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui fixe le principe que « les États membres évitent les déficits excessifs », confie à cette fin à la Commission européenne la surveillance du respect de la discipline budgétaire sur la base des plafonds de déficits limités à 3 % du PIB et de dettes publiques à 60 % du PIB et organise une procédure dans laquelle le Conseil « constate » l’existence d’un déficit excessif, adopte des « recommandations » de correction et peut « imposer des amendes d’un montant approprié », les règlements (CE) no 1467/97 et 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 ont mis en place des procédures dont l’expérience a montré les limites.
En effet, entre 1999 et 2007, avant même la crise, le plafond des 3 % a été percé pas moins de vingt-sept fois par neufs États membres. Depuis son entrée dans l’euro, la Grèce a ainsi contrevenu chaque année au contrat fondateur pendant que l’Allemagne et l’Italie demeuraient sous déficit excessif pendant quatre années (de 2001 à 2005) et la France pendant trois ans (de 2002 à 2004).
– La première cause de ce relatif échec tient à une conception par trop comptable des exigences qu’implique l’intégration dans une zone monétaire unifiée.
En se préoccupant du seul plafond du déficit, les autorités européennes ont négligé la nécessité de constituer les marges de manœuvre indispensables pour faire face aux dégradations économiques. Pire, le critère de la dette publique, pourtant mieux révélateur de la capacité réelle des États à affronter les ralentissements conjoncturels, a été négligé, sans doute en raison de la très forte hétérogénéité des situations d’endettement entre les pays dès leur entrée dans la zone.
– Toutefois, l’échec du Pacte de stabilité tient essentiellement à l’inadéquation des procédures de correction encore accentuée par les libertés prises par les États dans leur application.
Les règlements de 1997 précités disposaient en effet que les diverses étapes de redressement des déficits excessifs, de leur constatation à l’adoption de recommandations puis à la formulation de mises en demeure et, enfin, à l’application de sanctions, ne pouvaient être franchies qu’à la majorité qualifiée du Conseil, sur proposition de la Commission, laissant à une minorité de blocage la possibilité d’interrompre le processus à tout moment.
Ce pouvoir sans doute excessif laissé à une minorité d’États a ouvert la voie des compromis laxistes, empruntée dès la première difficulté en novembre 2003 avec la suspension par le Conseil, contre l’avis de la Commission européenne, des procédures pour déficits excessifs déclenchées à l’encontre de l’Allemagne et la France.
La dernière brèche dans la constitution de l’Union économique et monétaire de 1992 tient à la faiblesse des incitations à la coopération des politiques économiques des États membres, en dépit des inéluctables sujétions collectives qu’impose le partage d’une monnaie commune.
Comme l’expliquait M. Jacques Delors au cours de l’audition précitée, « l’euro protège […] mais il ne stimule pas, faute de coopération ».
La nécessité d’équilibrer la monnaie unique par une « jambe économique », c’est-à-dire, en l’absence d’un budget européen de taille significative, la poursuite d’objectifs communs ou, à tout le moins, compatibles, avait toutefois été bien comprise des rédacteurs du traité de Maastricht, qui ont mis en place, dans l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne, une étroite coordination des politiques économiques nationales grâce à l’élaboration, par le Conseil, de « grandes orientations de politiques économiques » et la mise en place d’une « surveillance multilatérale » fondée sur l’émission de recommandations aux États s’écartant de la stratégie globale.
Dans cet esprit, le Conseil européen de mars 2000 a même adopté une stratégie pour la croissance et l’emploi très ambitieuse assise sur une vigoureuse promotion de l’innovation et l’achèvement du marché unique.
La stratégie de Lisbonne et la surveillance multilatérale reposaient toutefois trop exclusivement sur la bonne volonté des États. Faute d’appropriation par chacun de leurs objectifs, et sans instruments d’incitation ou de dissuasion européens, elles étaient vouées à un échec que chacun doit bien aujourd’hui déplorer.
B. La réponse énergique de l’Europe grâce à l’émergence d’un Gouvernement économique européen et la construction des fondations de la reprise
Au regard de la modestie des fondations économiques édifiées entre 1992 et 1997 pour soutenir notre monnaie unique, les progrès accomplis depuis le printemps 2010 sont spectaculaires.
Il faut en effet mesurer l’ampleur du chemin parcouru par l’Union, en un temps qui n’apparaît aujourd’hui long que face à l’extraordinaire – et souvent déraisonnable – rapidité des marchés.
Des questions essentielles et engageant la construction européenne dans des directions décisives, que l’on croyait jusqu’alors taboues et irrémédiablement fermées, ont été tranchées, pour le bien de l’Europe, en quelques mois.
■ Le premier tabou levé concerne la solidarité entre les États membres de la zone euro.
Comme il a été vu supra, toute la construction de la monnaie unique en 1992 reposait sur le principe, certes imprévoyant mais historiquement incontournable, selon lequel chaque État demeure, seul, responsable de ses décisions budgétaires et doit à cette fin en assumer, seul, toutes les conséquences.
Sans se départir de l’indispensable respect du contrat fondateur, et par conséquent en limitant l’assistance à des prêts, dûment remboursés et assortis d’un effort rigoureusement contrôlé de remise en ordre des finances publiques, les dirigeants européens ont su s’entendre pour mettre en place un premier filet de sécurité à peine sept mois après que le nouveau Gouvernement grec a brutalement fait toute la lumière sur l’ampleur du dérapage de ses finances publiques.
Le Conseil Ecofin des 9 et 10 mai 2010 a ainsi mis en place un mécanisme temporaire de stabilisation financière, habilité à intervenir jusqu’en juin 2013 pour financer les États n’ayant plus accès aux marchés afin d’éviter leur effondrement et son effet de souffle sur tout le continent.
À cette fin, les prêts collectifs ont donné la ressource la plus essentielle que les marchés leur refusaient désormais : le temps nécessaire pour réussir la consolidation budgétaire et économique. Depuis cette date fondatrice, les débats se sont concentrés :
– sur la taille de ce pare-feu, éprouvée par le creusement des inégalités dans la qualité des signatures nationale, entre la nécessité d’impressionner les marchés – avec ce paradoxe que plus grandes sont les capacités d’intervention et moins probable est la probabilité de s’en servir – et le souci légitime de ne pas engager les États solidaires dans une spirale de risques et de surendettement ;
– sur l’adéquation entre les contreparties exigées aux États bénéficiaires et leurs capacités réelles de remboursement, afin de rendre l’effort acceptable et payant, qui a imposé de revoir les taux appliqués aux prêts d’assistance et, dans le cas exceptionnel de la Grèce, d’organiser une contribution volontaire des créanciers privés afin de rendre supportable le fardeau de sa dette.
■ La deuxième grande hypothèque sur l’avenir de la zone euro que les Dix-sept ont su lever, est l’assouplissement, stratégique et mesuré, des parois étanches édifiées en 1992 entres les finances d’un État et la Banque centrale européenne.
Cette dernière a, en effet, dans sa décision (BCE/2010/5) du 14 mai 2010, instauré un programme d’achat sur les marchés de titres lui permettant d’acquérir lorsqu’elle l’estime nécessaire des titres de dette publique sur le marché secondaire.
Grâce à cette « soupape de sécurité » actionnée dans les périodes de dangereuses tensions sur les taux – principalement en mai/juin 2010, juillet/août 2011 et novembre 2011, la Banque centrale a racheté près de 200 milliards d’euros de dettes souveraines, sans courir le risque d’alimenter l’inflation puisque ces opérations sont « stérilisées » par le retrait d’un montant équivalent dans les financements qu’elle accorde à l’économie.
De manière tout aussi astucieuse, la BCE a veillé à donner aux banques les moyens d’assurer le financement de l’économie – et de maintenir une exposition satisfaisante aux dettes publiques, en mettant à leur disposition, en décembre 2011 et en mars 2012, près de deux fois 500 milliards d’euros à des taux extrêmement faibles.
Il faut saluer cette remarquable capacité de réaction de notre autorité monétaire, qui a joué un rôle décisif pour enrayer la contagion et témoigné des grandes facultés d’adaptation des institutions européennes aux évènements menaçant son avenir.
■ De toute évidence, de tels progrès dans la solidarité européenne appellent de fortes contreparties sur le front de l’intégration des politiques économiques et budgétaires sans lesquelles les États qui assument le coût et les risques de l’assistance ne sauraient s’engager plus en avant.
Là encore, les choses sont allées beaucoup plus vite qu’on ne le dit trop souvent.
Dès l’automne 2010, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de durcir le pacte de stabilité en l’assortissant d’un indispensable mécanisme de surveillance collective des fondamentaux des économies.
Ils ont accompagné cette réforme par une prometteuse coordination des politiques économiques au travers du semestre européen, rapidement enrichi par le Pacte pour l’euro plus adopté en mars 2011.
La clef de voûte de ce dispositif créant un Gouvernement économique européen est bien entendu le traité sur la stabilité conclu par les chefs d’État et de gouvernement de 25 États membres le 30 janvier dernier qui, dans un double mouvement décisif, garantit la discipline budgétaire et dote la zone euro des instruments nécessaires pour mettre en place des politiques économiques réactives et ambitieuses.
■ Face aux difficultés de financement rencontrées par la Grèce au printemps 2010, l’Union européenne a mis en place, en complément des 250 milliards d’euros de prêts pouvant être sollicités auprès du FMI deux facilités de prêt pouvant théoriquement mobiliser jusqu’à 500 milliards d’euros.
– La première est le « Mécanisme européen de stabilité financière » (MESF) inspiré de l’assistance fournie aux États victimes de crise de la balance des paiements mise en place par le règlement (CE) no 332/2002 du Conseil du 18 février 2002 et fondée sur l’article 122 précité du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En application du règlement no 407/2010 du Conseil du 11 mai 2010, l’Union européenne est ainsi autorisée à lever des obligations dans la limite des marges sous plafond du budget communautaire, soit une soixantaine de milliards d’euros, pour les prêter ensuite aux États en difficultés, moyennant intérêt.
– La seconde facilité de financement est beaucoup plus innovante. Le « Fonds européen de stabilité financière » (FESF), créé par l’accord-cadre du 7 juin 2010 sous la forme d’une société anonyme basée à Luxembourg et bénéficiant du soutien logistique de la Banque européenne d’investissement (BEI), peut lever jusqu’à 440 milliards d’euros sous la forme d’obligations spécifiques garanties par ses actionnaires, les États membres de la zone euro, au prorata du poids de leur économie dans le PIB de la zone.
L’usage de ces deux dispositifs, dont il est essentiel de rappeler qu’ils ne constituent pas des subventions entre États membres mais des prêts, est subordonné à une stricte conditionnalité.
Sur demande de l’État membre bénéficiaire, en effet, la Commission européenne, en coopération avec le FMI et en liaison avec la BCE, négocie un « programme de stabilisation » étayé d’engagements précis.
Le « memorandum of understanding » conclu entre l’État concerné, la Commission européenne et le FMI (qui participe par principe au tiers de l’assistance) est ensuite adopté, à l’unanimité, par l’Eurogroupe.
Le versement de chaque tranche d’aide, décidé par l’Eurogroupe (et le FMI pour sa contribution), est ainsi précédé d’une évaluation de la qualité du respect des engagements budgétaires et économiques par une « troïka » rassemblant la Commission européenne, le FMI et la BCE.
■ Dans ce cadre, les États membres de l’Union européenne ont garanti des programmes d’assistance de 158 milliards d’euros (66 milliards d’euros pour le premier plan pour la Grèce, 45 milliards d’euro pour l’Irlande, 52 milliards d’euros pour le Portugal) auxquels s’ajoutent les contributions du FMI (respectivement 10, 22,5 et 26 milliards d’euros), complétés par le deuxième programme d’assistance à la Grèce de 109 milliards d’euros agréés au cours du Conseil Ecofin du 14 mars 2011 (et 18 milliards d’euros pour le FMI).
Au total, les prêts financiers garantis par les seuls États membres de la zone euro et l’Union européenne atteignent 269 milliards d’euros, soit moins de 2,7 % du PIB de la zone euro.
■ Les modalités d’assistance ont par ailleurs été allégées pour tenir compte de la difficulté des efforts d’ajustement budgétaire et économique consentis par les États bénéficiaires.
Le Conseil européen du 21 juillet 2011 a ainsi décidé d’allonger la maturité des prêts accordés par le FESF de 7,5 à 15 à 30 années et d’abaisser les taux d’intérêt en supprimant la facturation de la marge de 2 % au-delà du coût d’émission que pratiquait jusqu’alors le Fonds. Au total, ces allègements représentent une économie pour les États bénéficiaires de l’ordre de 0,3 % du PIB qui manifeste avec éclat la solidarité européenne.
Dans un esprit comparable, et pour garantir une juste répartition des efforts, le Conseil européen, confronté à la situation singulière de la Grèce dont l’endettement public, qui dépasse les 150 % du PIB, est profondément atypique au sein de la zone euro et dont la crédibilité devant les marchés est très sévèrement affectée par de trop nombreuses années de manipulations statistiques, a, de manière exceptionnelle et non reproductible, encouragé ses créanciers privés à contribuer volontairement à l’allègement du fardeau de la dette souveraine et, par là même, à offrir au Gouvernement grec la perspective raisonnable d’un succès dans le très rigoureux effort d’assainissement auquel il s’astreint.
b) L’élargissement des missions de l’assistance financière aux États exclus des marchés à la stabilisation indispensable de l’ensemble de la zone
La vague de défiance sur les obligations souveraines européennes a toutefois profondément perturbé les règles du jeu applicables à l’assistance européenne et rendu indispensable un glissement progressif de ses missions de la « stabilisation » des États exclus des marchés obligataires à l’assurance de la « stabilité » de la zone euro dans son ensemble.
Il est en effet vite apparu décisif de ne plus se contenter de panser les plaies des pays exsangues, mais de se doter des moyens de prévenir la contagion fulgurante de la défiance des marchés obligataires qui, de proche en proche, menacait de contaminer jusqu’aux États les plus vertueux de l’Union monétaire.
■ Les Conseils européens des 11 mars et 21 juillet 2011 ont ainsi pris acte de la nécessité de transformer les missions du FESF de « banquier » des États en crise en « bras armé » de la zone pour garantir la stabilité financière en brisant la spirale spéculative des prophéties auto-réalisatrices qui peuvent acculer des pays au défaut par la hausse constante de leurs taux et de leurs charges d’intérêt. À cette fin :
– le Fonds peut désormais intervenir sur le fondement d’un programme établi à titre de précaution, dans l’hypothèse où un État fait face à des tensions sur ses taux sans pour autant être exclu de l’accès aux marchés, en contrepartie de l’adoption de mesures de redressement négociées par la Commission européenne et la Banque centrale et approuvées par l’Eurogroupe ;
– il peut, dans ce contexte, souscrire sur le marché primaire, à titre exceptionnel et sous condition, à des émissions d’obligations d’État en difficulté et même, en relais des interventions aujourd’hui assumées par la Banque centrale, intervenir sur le marché secondaire des titres de dettes de tout État de l’euro, dès lors que la BCE constate l’existence d’une « situation exceptionnelle sur les marchés » ;
– il dispose désormais de la capacité de financer la recapitalisation des établissements financiers partout dans la zone, y compris dans les pays ne bénéficiant pas d’un programme d’assistance.
■ L’efficacité d’un dispositif d’une telle ambition est cependant soumise à trois conditions, imparfaitement réunies par le FESF :
– Le pare-feu doit disposer d’une force de frappe à la mesure de la puissance des marchés, les transactions obligataires annuelles cumulées des États de la zone euro dépassant les mille milliards d’euros. De surcroît, il importe de rappeler que plus les sommes sur la table sont importantes, donc dissuasives, moins elles courent le risque concret de devoir être engagées.
À cet égard, la capacité effective de prêt du FESF, dont l’efficacité repose de manière décisive sur sa faculté à lever des fonds au plus bas taux d’intérêt possible, a été sérieusement entamée par la divergence des qualités des signatures des États membres confrontés aux humeurs des Agences de notation. Pour pallier cette difficulté, le Conseil européen du 21 juillet 2011 avait pris acte de la nécessité de constituer un « matelas de sécurité » en assortissant les émissions du FESF d’une « sur-garantie » des États et en portant à cette fin le plafond des garanties nationales à 780 milliards d’euros.
En parallèle, le Conseil européen du 26 octobre 2011 a enrichi les instruments du FESF pour étendre sa puissance de feu sans modifier le montant de ses dotations en l’encourageant à proposer aux investisseurs des facilités de rehaussement de crédit pour les nouvelles obligations d’États membres, c’est-à-dire des assurances souscrites par les créanciers privés, et à créer un fonds d’investissement combinant les ressources d’institutions financières et d’investisseurs publics et privés.
Au total, le FESF, en faisant l’hypothèse qu’il assume désormais le financement des tranches d’aide du premier plan d’assistance à la Grèce agréé par les seuls États membres de la zone euro en mai 2010 et qu’un deuxième plan de 72 milliards d’euros soit finalisé au cours du prochain Conseil européen, dispose encore d’une capacité financière inentamée de l’ordre de trois cent milliards d’euros, potentiellement multipliable grâce aux effets de leviers formés par les nouveaux instruments précités.
Ce montant apparaît toutefois insuffisant dans la durée, au regard, d’une part, de l’ampleur des besoins de refinancement des États membres (par exemple 220 milliards d’euros et 89 milliards d’euros pour les seules Espagne et Italie en 2012), et, d’autre part, du nouvel affaiblissement de la qualité de la signature de nombreux pays décidé par certaines agences de notation au début de l’hiver 2012.
– La deuxième condition du succès repose sur la réactivité de la prise de décision. Une prévention efficace de la contagion suppose d’agir aussi vite que les marchés, compromettant sans cesse le fragile équilibre entre la nécessaire souplesse de la mise en œuvre des ripostes et l’indispensable rigueur du contrôle de l’engagement des sommes considérables dont est dotée la solidarité européenne.
– La troisième condition, essentielle, est la pérennité des mécanismes, et la stabilité de leurs règles, afin de dresser face à la spéculation une muraille étanche manifestant sans ambiguïté la volonté résolue des États membres de garantir la stabilité de leur zone monétaire.
c) Le traité instituant un mécanisme européen de stabilité financière, pare-feu pérenne et pleinement réactif
Dans cet esprit, le Conseil européen du 17 décembre 2010 a décidé de doter la zone euro d’un mécanisme pérenne apte à relayer le FESF et garantir à long terme la stabilité financière de la zone euro.
À cette fin, le Conseil européen du 25 mars 2011 a fixé les grands principes applicables au nouveau « Mécanisme européen de stabilité », tandis que les sommets de la zone euro des 21 juillet et 9 décembre en adaptaient les modalités de fonctionnement aux évolutions de la crises et décidaient en particulier d’accélérer son entrée en vigueur au mois de juillet 2012.
En cohérence, le Conseil européen du 25 mars 2011 a complété, conformément à la procédure de révision simplifiée fixée par l’article 48 du traité sur l’Union européenne et après l’approbation du Parlement européen, l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui permet aux États de la zone euro d’adopter des mesures spécifiques liées à la coordination de leurs politiques économiques, en disposant que « les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité ».
Dans le respect de l’indispensable célérité à laquelle nous contraint le rythme des évènements, le Parlement a adopté dès cet hiver les deux projets de loi ratification afférents, promulgués le 7 mars 2012.
Le mécanisme européen de stabilité répond pleinement à la triple exigence de réactivité, de puissance et de pérennité dont le respect est, comme il a été vu supra, indispensable à la sortie de crise, et apporte ainsi d’importantes plus-values au FESF.
■ En premier lieu, le traité MES, à la différence du FESF, est un mécanisme permanent. À cette fin, son institution prend la forme d’un traité international, soumis au droit public international, dont les membres sont les États membres de la zone euro.
Ses missions sont fixées par l’article 3 qui dispose ainsi qu’il « a pour but de mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité de politique économique, adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi, un soutien à la stabilité de ses membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres ». À cet effet, le MES, institution financière, est autorisé à lever des fonds en émettant des instruments financiers ou en concluant des accords financiers avec ses États membres, des institutions financières et d’autres acteurs.
Son organisation est tout autant clarifiée. Les décisions importantes sont prises par le conseil des gouverneurs composés des ministres des finances des États membres, tandis que la gestion courante est assurée par un conseil d’administration composé d’une personnalité qualifiée « possédant un haut niveau de compétence dans les matière économique et financière » désignée par chaque État membre, sous la direction d’un directeur général nommé par le conseil des gouverneurs.
L’article 13 définit pour sa part la procédure d’octroi de l’assistance financière, à laquelle sont pleinement intégrées les institutions de l’Union européenne :
– dès qu’un État demande une assistance financière, la Commission européenne, en liaison avec la BCE et, le cas échéant, avec le FMI, fournit une évaluation précise de l’existence d’un risque pour la stabilité financière – sauf si, s’agissant de la seule intervention sur le marché secondaire, la BCE a déjà établi la présence d’un tel risque ; elle assortit cette expertise d’une analyse détaillée de la soutenabilité de l’endettement de l’État concerné et d’une estimation précise des besoins de financement ;
– sur la base de ces informations, le Conseil des gouverneurs statue sur le principe de l’octroi d’une assistance ;
– la Commission européenne négocie ensuite avec l’État membre, en liaison avec la BCE et le FMI, un protocole d’accord définissant les conditionnalités de politique économique, soumis ensuite à l’approbation du conseil des gouverneurs, tandis que le conseil d’administration détermine les modalités les instruments et les conditions financières de l’assistance ;
– la Commission veille enfin au respect des engagements pris par l’État bénéficiaire avant que les appels de fonds et le déblocage des tranches ne soient autorisés par le conseil des gouverneurs.
Les instruments du MES sont enfin les mêmes que ceux dévolus progressivement au FESF, décrits supra.
Enfin, répondant à la préoccupation du Conseil européen du 9 décembre 2011 qui, tirant les leçons de l’impact de la restructuration grecque sur la contagion des marchés obligataires, avait décidé de réserver aux cas strictement exceptionnels les modalités d’implication du secteur privé, et ainsi manifester avec force le principe que les États européens ne feront pas défaut, les conditions de mise à contribution des créanciers privés ont été considérablement assouplies par rapport aux projets initiaux.
Une première version prévoyait en effet que la mise à contribution des créanciers privés devait être recherchée, au cas par cas, pour chaque État demandant l’aide du mécanisme européen, et même qu’elle était obligatoire dès lors qu’il était prouvé que la trajectoire d’endettement était insoutenable.
Au regard des conséquences dramatiques des évènements grecs, les Dix-sept ont renoncé à ce dispositif dangereux. Le traité signé le 12 février ne mentionne dès lors la mise à contribution des créanciers privés que dans ses considérants, qui rappellent qu’elle doit désormais être réalisée « selon les pratiques du Fonds monétaire international, dans des cas exceptionnels » – ces pratiques n’étant pas définies de manière figée afin de pouvoir être adaptées au cas par cas. Son caractère quasi systématique disparaît ainsi, la rédaction retenue précisant clairement qu’elle doit demeurer exceptionnelle.
L’article 12 clarifie la situation en prévoyant que des clauses d’action collective – qui permettent à une majorité de détenteurs d’un titre de voter une modification des paramètres du titre (coupe, date de remboursement, etc.) qui s’impose à l’ensemble des porteurs – seront obligatoirement introduites dans tous les nouveaux titres d’État émis par les États de la zone euro à compter du 1er janvier 2013, mettant un terme aux incertitudes juridiques qui ont si considérablement complexifié la gestion de l’assainissement grec.
■ En second lieu, afin d’éviter que la rigidité de l’unanimité continue de compromettre la réactivité du pare-feu, le traité prévoit que, par dérogation, dès lors que la Commission européenne et la BCE concluent que la stabilité financière de la zone euro est menacée et qu’une décision urgente est nécessaire, la règle du « commun accord » qui régit toutes les décisions du conseil des gouverneurs – c’est-à-dire l’unanimité des participants au vote – soit remplacée par une majorité qualifiée de 85 % qui, dans les faits, dote d’un droit de veto l’Allemagne, la France et l’Italie.
■ En dernier lieu, les capacités financières du MES sont mieux assurées que celles du FESF.
En effet, à la différence du fond temporaire, le MES bénéficie d’une structure importante de capitaux propres, versés rapidement par les États, dont l’existence devrait mécaniquement alléger les coûts d’émission et les primes de risque facturés sur les futurs emprunts.
La part libérée du capital atteint ainsi 80 milliards sur 700 milliards d’euros de capital autorisé (pour garantir une capacité effective de prêt de 500 milliards d’euros), payée par chaque État membre en cinq versements annuels égaux.
Face aux tensions constatées sur les marchés obligataires, la France et l’Allemagne ont même convenu d’accélérer leur calendrier de versement afin de permettre au MES d’atteindre au plus vite sa pleine capacité d’action en effectuant dès 2012 l’équivalent de deux versements annuels. À cette fin, la loi no 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 a ouvert 6,5 milliards d’euros de crédits de paiement, qui seront décaissés dans les quinze jours qui suivront l’entrée en vigueur du traité.
L’article 39 plafonnait la capacité de prêt maximale combinée du FESF et du MES – tout en permettant au Conseil des gouverneurs, après l’accomplissement des procédures nationales applicables, notamment le vote des garanties législatives afférentes, d’en modifier le montant – à 500 milliards d’euros. Toutefois, conformément au considérant 6 du traité qui l’invitait à réexaminer la pertinence de ce plafond global, l’Eurogroupe du 30 mars 2012 a décidé de permettre au FESF de mobiliser le reliquat important de ses garanties pour continuer de participer à d’éventuels nouveaux programmes en coexistence avec les nouveaux prêts du MES, dotant la zone euro d’une force de frappe à la mesure des enjeux. A cette fin, le plafond global des deux mécanismes sera porté à 700 milliards d’euros.
L’ampleur des garanties, donc des risques, désormais assumées par les États membres au bénéfice de la solidarité commune appelle inéluctablement le renforcement des disciplines communes, tant il est vrai que l’impéritie des uns est désormais payée par les autres, soit dans la contagion de la défiance, soit dans l’activation des pare-feu communs.
Il est cependant erroné de ne voir dans l’assainissement budgétaire que le prix à acquitter pour faire face à la crise conjoncturelle des dettes souveraines. Comme il a été vu supra, cette dernière n’est que le symptôme, il est vrai paroxysmique et, à bien des égards, excessif, du déraillement d’un modèle de croissance fallacieux par l’endettement.
Le laxisme des États face à la dérive des comptes publics, aux failles de la compétitivité et à l’explosion de l’endettement privé a en effet très profondément affaibli le potentiel de croissance de nos économies.
Il est plus que temps de refonder notre avenir sur des bases saines, et d’asseoir notre prospérité sur les vrais vecteurs du développement : l’investissement, l’innovation, l’industrie et le travail.
Et le préalable de cette vaste entreprise est de se libérer de l’invraisemblable hypothèque que fait peser sur nos enfants une dette publique atrophiée.
La discipline budgétaire ne doit pas se faire pour l’Europe. Elle est la condition de l’indépendance et de la survie de chacune de nos nations.
Dans ce contexte, la vaste réforme des règles communes engagée depuis 2010 constitue sans doute l’un des gages les plus précieux de la prospérité future. Compte tenu de son importance, et de l’impact spectaculaire qu’elle exerce sur la souveraineté budgétaire des États, elle a pris trois formes progressives et complémentaires :
– la réforme du pacte de stabilité et de croissance, enrichie d’une surveillance des déséquilibres macroéconomiques, à laquelle a procédé le paquet législatif dénommé « 6-pack » constitué des règlements no 1173/2011 à 1177/2011 du 16 novembre 2011 et de la directive no 2011/85/UE du 16 novembre 2011, entrés en vigueur le 13 décembre 2011 ;
– les deux propositions de règlements complémentaires déposées par la Commission européenne le 23 novembre 2011, actuellement en première lecture au Conseil, qui renforcent la surveillance économique et budgétaire des États de la zone euro ;
– le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (« traité sur la stabilité ») signé par ses vingt-cinq États parties le 2 mars 2012 et désormais soumis à ratification dans chacun de leur Parlement.
a) La surveillance des déséquilibres macroéconomiques, innovation majeure donnant une pleine cohérence au nouveau dispositif de stabilité
L’innovation la plus importante et la plus prometteuse constitue sans doute l’introduction d’une procédure juridiquement contraignante de surveillance des déséquilibres macroéconomiques permettant de prévenir, et de corriger, les divergences dommageables entre les États de l’Union qui passent par d’autres canaux que les seules finances publiques. Comme il a été vu supra, ces déséquilibres sont les réelles causes de la crise et constituent les menaces les plus dangereuses sur la cohésion de la zone euro.
■ À cette fin, un système d’alerte rapide est désormais établi sur la base d’une lecture économique appliquée à tous les États membres d’un tableau de bord constitué de dix indicateurs – qui pourront être adaptés et modifiés – couvrant les principales sources de déséquilibres :
– l’évolution sur les trois dernières années de la moyenne de la balance des opérations courantes par rapport au PIB, la valeur de référence se situant entre + 6 et – 4 % du PIB ;
– le solde net d’investissements internationaux par rapport au PIB, qui devrait se trouver au-dessus de – 35 % du PIB ;
– la variation sur cinq ans des parts de marché des exportations mesurées en valeurs, avec un seuil fixé à – 6 % ;
– la variation sur trois ans des coûts salariaux unitaires nominaux, avec un seuil fixé à + 9 % pour la zone euro et + 12 % pour le reste de l’UE ;
– la variation sur trois ans des taux d’échange effectifs réels basés sur les déflateurs ICPH/ICP relatifs à 35 autres pays industriels, avec des seuils variant entre –/+ 5 % pour la zone euro et –/+ 11 % pour le reste le l’UE ;
– la dette du secteur privé, dont le seuil est établi à 160 % du PIB ;
– le flux de crédit du secteur privé, dont le seuil est fixé à 15 % du PIB ;
– l’évolution annuelle des prix des logements par rapport au déflateur de la consommation d’Eurostat, avec un seuil de 6 % ;
– la dette des administrations publiques, avec un seuil de 60 % du PIB ;
– l’évolution sur les trois dernières années du taux de chômage moyen, avec un seuil de 10 %.
Dès le dépassement de ces seuils, la Commission doit maintenant mener et rendre publiques des expertises approfondies.
■ Cette surveillance est dotée de volets préventifs et correctifs juridiquement contraignants, toutefois moins sévères et automatiques que ceux applicables à la surveillance des finances publiques.
Lorsqu’elle identifie un déséquilibre macroéconomique excessif, la Commission européenne peut en effet soumettre au Conseil un projet de recommandation préventive puis lui proposer de déclencher une procédure pour déséquilibre excessif dans laquelle l’État concerné doit soumettre un plan d’action correctif assorti d’un calendrier précis.
Le suivi de ces mesures de redressement est garanti par un mécanisme de sanction. Pour les seuls États membres de la zone euro, la Commission peut en effet proposer au Conseil d’infliger :
– la constitution d’un dépôt portant intérêt allant jusqu’à 0,1 % du PIB après un manquement dans l’obligation de se conformer aux actions correctives recommandées ;
– et, en cas de deuxième manquement, la transformation de ce dépôt en amende définitive.
Cette procédure laisse toutefois au Conseil une importante marge d’appréciation pour tenir compte de l’influence moins directe qu’exercent les politiques publiques sur les grands équilibres macroéconomiques. En effet, toutes les étapes doivent être franchies à la majorité qualifiée. Seule la dernière sanction, la conversion du dépôt en amende, est « quasi automatique » en ce qu’elle recourt à la majorité qualifiée dite inversée, c’est-à-dire qu’elle est adoptée sauf si une majorité qualifiée d’États s’y oppose.
Elle n’en constitue pas moins un progrès décisif, qui manifeste avec force que l’ensemble des questions économiques, dans une zone où les décisions des uns exercent des effets sur tous les autres, relève désormais de la responsabilité collective de l’Union.
Le nouveau pacte de stabilité, bientôt complété par le traité sur la stabilité et le « 2 pack » précités, renforce parallèlement de manière extrêmement complète et efficace l’encadrement des finances publiques nationales afin de garantir leur assainissement et d’empêcher la survenue des dérapages constatées au cours des dernières années.
■ La nouvelle gouvernance enrichit tout d’abord la qualité des critères surveillés en rendant opérationnel le plafond d’endettement public, fixé à 60 % du PIB dans les traités, et en donnant une réelle crédibilité aux trajectoires sur lesquels les États membres s’engagent tant en terme de déficit structurel qu’en terme d’évolution des dépenses publiques.
– Comme il sera vu infra, en effet, les déviations par rapport aux engagements pris par les États en termes de déficit à moyen terme et d’évolution des dépenses publiques – qui ne peuvent dépasser la croissance potentielle de l’économie si l’objectif de moyen terme n’est pas respecté – enclenchent désormais le volet « préventif » du pacte, qui peut mener à des sanctions.
– Surtout, le volet « correctif », aux sanctions renforcées, porte aujourd’hui non seulement sur le dépassement du seuil de déficit de 3 % du PIB, mais aussi sur le rythme d’évolution de la dette publique – même lorsque le déficit est « sous contrôle » – qui ne saurait être réduite, lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB, à un rythme inférieur au vingtième de la différence entre son niveau et ce plafond.
■ En parallèle, la nouvelle gouvernance évite les pièges du rigorisme qui a tant fait pour décrédibiliser l’ancien pacte de stabilité.
Il importe en effet de constater qu’à chacune des étapes de ces procédures, le Conseil doit se prononcer en prenant en compte « tous les facteurs pertinents », par ailleurs détaillés dans le paquet législatif, c’est-à-dire éviter l’application aveugle et mécanique de seuils déconnectés de tout examen des situations concrètes auxquelles font face les États membres.
– Dans un même esprit, les règles relatives à l’évolution des dettes publiques ne seront applicables aux 23 pays qui font aujourd’hui l’objet d’une procédure pour déficit excessif que dans trois ans, afin de leur laisser le temps de retrouver une situation budgétaire satisfaisante.
Dans son volet « préventif » c’est-à-dire avant même que les plafonds de déficit de dette soient dépassés, la nouvelle gouvernance prévoit désormais que la Commission adresse un « avertissement » dès qu’elle constate qu’un État membre s’écarte de son objectif de solde budgétaire de moyen terme en raison d’une déviation significative de ses dépenses par rapport à leur trajectoire de référence fixée au rythme de la croissance potentielle de l’économie de cet État.
Le Conseil, c’est-à-dire les Gouvernements des Vingt-sept, demeure maître de la procédure puisqu’il lui appartient, à la majorité qualifiée, d’adopter ensuite une recommandation enjoignant l’État concerné de prendre des mesures correctives dans les cinq mois.
Pour les États membres de la zone euro, une fois ce cap franchi et à l’expiration de ce dernier délai, toutefois, les mécanismes deviennent quasi automatiques, avec l’application du principe de la majorité inversée. La constatation de l’inefficacité de l’action correctrice, recommandée par la Commission européenne, est réputée adoptée – au terme d’un délai inférieur à deux mois – par le Conseil sauf si une majorité simple des États s’y oppose. Dans le mois qui suit, le cas échéant, cette décision, l’éventuelle recommandation de la Commission d’imposer la constitution d’un dépôt portant intérêt de 0,2 % du PIB est réputée adoptée par le Conseil sauf si une majorité, cette fois qualifiée, s’y oppose.
Dans le cas, qui devrait être rare en raison de l’efficacité de la procédure préventive ainsi mise en place, où un État franchit les bornes fixées par les traités, les mécanismes de correction sont tout aussi renforcés.
Dès qu’elle constate un déficit supérieur à 3 % du PIB ou une dette qui ne se réduit pas, en moyenne sur trois ans, d’au moins un vingtième de la différence entre son niveau réel et 60 % du PIB, la Commission adresse un avis à l’État concerné et informe le Conseil.
C’est dans le déclenchement de la procédure, suivie des sanctions quasi automatiques qui l’accompagnent, que le traité sur la stabilité marque une évolution majeure.
Le paquet sur la gouvernance laissait en effet, à ce stade, le Conseil maître du jeu puisqu’il lui appartenait, à la majorité qualifiée habituelle, de « constater » le déficit excessif, préalable indispensable aux autres étapes.
Revenant sur cette disposition, l’article 7 du traité sur la stabilité modifie radicalement cet équilibre qui laissait aux États membres la possibilité de renouveler l’expérience de 2003 lorsqu’une simple minorité de blocage a pu faire dérailler les procédures engagées contre l’Allemagne et la France, ruinant la crédibilité du pacte de stabilité.
Il dispose à cette fin que « les parties contractantes dont la monnaie est l’euro s’engagent à appuyer les propositions ou recommandations déposées par la Commission européenne lorsque celle-ci estime qu’un État membre de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro ne respecte pas le critère du déficit dans le cadre d’une procédure concernant les déficits excessifs » sauf « lorsqu’il est établi que, parmi les parties contractantes dont la monnaie est l’euro, une majorité qualifiée, calculée par analogie avec les dispositions pertinentes des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée sans tenir compte de la position de la partie contractante concernée, est opposée à la décision proposée ou recommandée ».
Dès lors, à compter de l’entrée en vigueur de ce traité, la procédure sera « quasi automatique » puisqu’elle déploiera chacune de ses étapes de manière mécanique sauf lorsqu’une majorité qualifiée du Conseil s’y oppose.
Il importe de souligner, toutefois, que cette disposition ne s’applique qu’au seul critère de déficit public, et non à celui de l’évolution de la dette, dont l’insuffisance ne pourra être constatée – et sanctionnée – que si le Conseil, à la majorité qualifiée habituelle, lance la procédure.
Une fois cette étape franchie, les sanctions se « déroulent » selon le schéma exposé supra : les sanctions recommandées par la Commission (dépôt de 0,2 % ne portant pas intérêt dès la constatation du déficit ou de la dette excessive transformé en amende, éventuellement augmentée, si, dans les neuf mois, l’État n’a pas mis fin à la situation et s’il n’a pas réduit son solde structurel d’au moins 0,5 % du PIB) sont « automatiques » sauf si une majorité qualifiée du Conseil, dans les dix jours, s’y oppose.
Ces procédures renforcées tendaient toutefois à reproduire l’une des grandes faiblesses du pacte de stabilité de 1997.
En se concentrant sur la – très lourde – sanction des dérapages budgétaires, dans une logique de confrontation a posteriori, elles omettaient en effet de doter l’Union des instruments indispensables pour garantir un redressement pérenne des finances publiques, en lui interdisant de peser, même indirectement, sur la définition concrète des plans budgétaires nationaux.
Précisément par ce qu’elles sont massives et qu’elles interviennent tard, les sanctions pouvaient dans la pratique demeurer très difficiles à imposer à des États déjà exsangues engagés par impéritie, dans des trajectoires budgétaires dangereuses.
C’est pourquoi il est apparu nécessaire de compléter le pacte de stabilité réformé par de nouvelles règles, plus intrusives permettant d’influencer à leur racine les plans budgétaires nationaux des États membres de la zone euro en contrepartie des risques qu’ils font désormais peser sur l’ensemble de leurs partenaires.
Les deux propositions de règlement du 23 novembre 2011 de la Commission européenne visant à renforcer la surveillance économique et budgétaire, respectivement applicables à tous les États de la zone euro et aux États de la zone euro « connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière » et/ou sous programme d’assistance financière (le « 2-pack »), dont des éléments essentiels ont été « sanctuarisés » et complétés par le traité sur la stabilité, visent ainsi :
– à garantir le caractère irréprochable des données budgétaires nationales, sans laquelle aucun suivi sérieux n’est envisageable. Le 2-pack propose ainsi la mise en place dans chaque État d’un « conseil budgétaire indépendant », jouissant d’une autonomie fonctionnelle par rapport aux autorités budgétaires, chargé de surveiller la mise en œuvre des règles budgétaires nationales ainsi que la présentation de prévisions macroéconomiques « indépendantes » ;
– à mettre en place une surveillance renforcée et détaillée des États en situation de déficit excessif. L’article 5 du traité sur la stabilité dispose ainsi que ces États devront désormais mettre en place un « programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à concevoir et à mettre en œuvre pour assurer une correction effective et durable de ses déficits excessifs » dont le contenu et la forme seront définis dans le 2-pack. Ce partenariat, soumis à l’approbation du Conseil et de la Commission européenne, « fera l’objet d’un suivi par le Conseil de l’Union européenne et par la Commission européenne » dans le cadre des procédures existantes de déficit excessif, ce qui implique que l’absence de respect des objectifs qu’il fixe pourra faire l’objet des sanctions quasi automatiques décrites supra ;
– à « corriger à la racine » les éventuels dérapages des États défaillants. Le 2-pack prévoit en effet que les États soumettent leurs projets budgétaires à la Commission européenne « au plus tard le quinze octobre », afin que celle-ci puisse, « si nécessaire », émettre un « avis public » examiné par l’Eurogroupe et présenté au Parlement concerné et même demander des « modifications » lorsqu’elle estime qu’un projet de loi national comporte un « manquement particulièrement grave » aux règles du pacte de stabilité ;
– à écarter, directement dans les constitutions nationales, la possibilité du vote de budgets plaçant les finances publiques sur des trajectoires dangereuses.
S’il est en effet une leçon à tirer de dix années de surveillance budgétaire européenne, c’est l’impéritie de nos stratégies « au bord du gouffre » qui ont perverti la logique du pacte de stabilité en transformant le « plafond » de 3 % de déficit en « cible » et donné l’illusion qu’étaient vertueuses toutes politiques qui se contentaient de demeurer en dessous du seuil.
Cette attitude a privé nos États de toute marge de manœuvre face aux intempéries économiques. L’Union monétaire suppose en effet que les États disposent des moyens d’amortir les chocs extérieurs sans que la moindre dégradation conjoncturelle ne les précipite et, avec eux, toute la zone euro, dans les eaux dangereuses de l’insoutenabilité budgétaire.
Nous n’avons désormais plus le choix. La seule manière de rendre notre dette publique compatible avec le droit des générations futures à déterminer leur destin est d’enrayer, dès à présent, sa dérive.
Et les niveaux d’endettement dans lesquels la crise a précipité les États européens ne laissent aucune autre option que de parvenir très vite à l’équilibre budgétaire.
Prenant acte de cette évidence et donnant au monde une manifestation éloquente de leur détermination à agir les vingt-cinq États signataires du traité sur la stabilité se sont engagés à ancrer l’équilibre budgétaire au plus haut de la hiérarchie de leurs normes.
■ À cet effet, l’article 3 du traité dispose que les États signataires, « au plus tard un an après l’entrée en vigueur du présent traité », adoptent « dans des dispositions contraignantes et permanentes inscrites de préférence dans la constitution ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon » une règle d’or d’équilibre de leurs finances publiques. Cette règle doit :
– garantir que « le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut aux prix du marché », ce plafond étant porté à 1 % du PIB pour les États dont la dette publique est « sensiblement inférieure » à 60 % et que lorsque les risques pour la soutenabilité des finances publiques sont « faibles » ;
– prévoir un « mécanisme de correction […] déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation ». À cette fin, ce mécanisme doit comporter « l’obligation […] de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée ». Il doit être conforme à des principes communs « concernant en particulier la nature, l’ampleur et le calendrier des mesures correctives à mettre en œuvre, y compris en cas de circonstances exceptionnelles » qui seront définis par la Commission européenne ;
– assurer le respect de cette règle en confiant sa surveillance à institution nationale indépendante, qui sera évidemment la Cour constitutionnelle des États qui inscriront la règle d’or dans leur Loi fondamentale.
En tempérament, les États signataires pourront s’écarter de cette règle dans des « circonstances exceptionnelles » précisément limitées, comme dans le pacte de stabilité réformé, aux « faits inhabituels échappant au contrôle de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique » et sous la réserve « que l’écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme ».
■ La concrétisation de ces dispositions est en outre assurée sur le contrôle rigoureux par les institutions européennes de la transposition de ces engagements dans les normes nationales.
À cette fin, l’article 8 du traité sur la stabilité prévoit que la Commission présente « en temps utile » un rapport appréciant si les États membres ont pleinement respecté leurs obligations en adoptant les textes constitutionnels et/ou législatifs nécessaires à l’application de la règle d’or et de ces mécanismes correcteurs.
Si après avoir recueilli les « observations » de l’État concerné la Commission conclut négativement, le traité enjoint les États membres à saisir la Cour de justice de l’Union européenne – mais ne permet pas à la Commission européenne elle-même de le faire – en disposant que la Cour de Luxembourg « sera saisie de la question par une ou plusieurs parties contractantes ».
En parallèle, indépendamment des conclusions de la Commission européenne, chaque État signataire peut lui-même saisir la Cour lorsqu’il estime que l’un de ses partenaires ne s’est pas conformé à ses obligations.
Le cas échéant, l’arrêt de la Cour, « contraignant à l’égard des parties à la procédure », doit fixer un délai imparti à l’État concerné pour prendre les mesures qu’elle estime nécessaires, à l’expiration duquel tout État peut saisir à nouveau la Cour et lui demander d’infliger des sanctions, qui prennent la forme du « paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte adaptée aux circonstances et ne dépassant pas 0,1 % [du] produit intérieur brut ».
3. Le pilier de l’ambition économique : la définition de politiques communes grâce au semestre européen et au traité sur la stabilité
a) La cohérence et la surveillance des politiques économiques nationales grâce au « semestre européen » et au pacte pour l’euro plus
Solidarité et responsabilité budgétaire forment les préalables indispensables du Gouvernement économique européen. Mais gouverner c’est aussi et surtout agir, mobiliser l’ensemble des forces nationales vers la poursuite d’objectifs communs et cohérents.
■ À cette fin, pour garantir la complète cohérence des politiques nationales et européennes au service des objectifs communs de la stratégie Europe 2020, le Conseil a défini, le 7 septembre 2010, le « semestre européen » afin de parvenir à une coordination harmonisée des politiques économiques commençant véritablement en amont des procédures budgétaires nationales et permettant d’infléchir les trajectoires budgétaires manifestement inadaptées avant l’adoption des lois de finances nationales. Le semestre européen est constitué des étapes suivantes.
– La Commission publie, fin novembre, son « examen annuel de la croissance ».
– Sur cette base, le Conseil européen identifie, en mars, « les principaux défis économiques auxquels sont confrontées l’Union européenne et la zone euro et formule des orientations stratégiques pour les politiques économiques ».
– Les États membres de la zone euro, rejoints par six autres États membres de l’Union européenne, se sont dotés en outre d’un « pacte pour l’euro plus » afin d’intensifier leur coopération en prenant des engagements nationaux précis pour les douze prochains mois. Ces vingt-trois États se sont notamment engagés à progresser dans la coordination de leurs politiques fiscales – un rapport sur ce thème ayant été présenté au Conseil des ministres Ecofin du 30 novembre.
– Les États membres transmettent simultanément leurs « programmes nationaux de réformes » (qui concourent à la stratégie Europe 2020) et leurs programmes de stabilité (qui détaillent leur trajectoire budgétaire), « pas plus tard que fin avril ».
– Début juin, la Commission européenne présente ses propositions d’avis et, éventuellement, de recommandation sur chaque programme national, ensuite débattues et adoptées par le Conseil.
■ Au second semestre, les budgets sont adoptés par les parlements nationaux.
Toutefois, comme il a été vu supra, les propositions de règlements précitées déposées le 23 novembre 2011 par la Commission prévoient de compléter le dispositif du semestre européen en imposant notamment que les États membres de la zone euro lui soumettent avant le 15 octobre leurs projets de budget, sur lesquels elle peut formuler des avis, soumis à l’Eurogroupe, allant si nécessaire jusqu’à comporter des demandes de modification si l’État est soumis à une procédure de correction des déficits excessifs.
Elles assortissent cette innovation de l’indispensable établissement d’un dialogue direct avec les parlements nationaux et le Parlement européen grâce :
– à la présentation par la Commission européenne, devant le Parlement de l’État concerné, de son éventuel avis sur le projet de loi de finances et, le cas échéant, de ses recommandations de modification ;
– à l’organisation par la commission compétente du Parlement européen d’« échanges de vues » auxquels participeraient les États concernés par les recommandations de la Commission.
■ Au total, le semestre européen donne désormais une prééminence temporelle, et logique, à la dimension européenne. Grâce à ce cycle coordonné, les parlements nationaux peuvent pleinement tenir compte, lorsqu’ils adoptent les budgets à l’automne, de nos engagements européens.
Mais au-delà de cette cohérence indispensable des politiques des Vingt-sept, il introduit un autre progrès, parfois négligé. Le semestre européen vise aussi à coordonner les efforts nationaux dans l’accomplissement de la stratégie de croissance « Europe 2020 ».
À cette fin, chaque État dépose en même temps que le programme de stabilité le programme de réformes, qui synthétise les mesures prises pour contribuer aux priorités fixées par l’agence de l’Europe 2020. C’est un fort encouragement pour donner une meilleure cohérence aux dépenses, pour tirer partie des meilleures pratiques de chacun et mutualiser les politiques susceptibles de bénéficier d’économies d’échelle, dans la recherche, dans l’industrie, dans l’environnement…
Allant plus loin encore, afin de doter la zone euro d’un pilotage plus régulier et plus ambitieux des politiques économiques, le traité sur la stabilité a renforcé les instruments et les ambitions de la gouvernance européenne.
■ En premier lieu, son article 12 institutionnalise la pratique des « sommets de la zone euro », convoqués régulièrement depuis que le Président Nicolas Sarkozy en avait pris l’initiative au cœur de la crise à l’automne 2008, en disposant dans son article 12 que : « les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro se réunissent de manière informelle lors de sommets de la zone euro auxquels participe également le président de la Commission européenne » et auxquels peuvent être invités le président de la Banque centrale européenne et le président du Parlement européen.
De manière générale, le traité rappelle que « les sommets de la zone euro sont organisés, lorsque cela est nécessaire et au moins deux fois par an, afin de discuter des questions ayant trait aux responsabilités spécifiques que partagent les parties contractantes dont la monnaie est l’euro à l’égard de la monnaie unique, des autres questions relatives à la gouvernance de la zone euro et aux règles qui s’appliquent à celle-ci et des orientations stratégiques relatives à la conduite des politiques économiques pour renforcer la convergence au sein de la zone euro ».
Les chefs d’État et de gouvernement des États signataires du traité mais non membres de la zone euro pourront eux aussi participer aux discussions sommet, dès lors qu’elles abordent les questions ayant trait à la « compétitivité », à la « modification de l’architecture globale de la zone euro et les règles fondamentales qui s’appliqueront à celle-ci dans l’avenir » et, au moins une fois par an, à la mise en œuvre du traité sur la stabilité.
Enfin, pour assurer « la préparation et la continuité » des travaux des sommets, le traité prévoit de doter l’organe d’impulsion du Gouvernement économique de l’euro d’un président, « désigné à la majorité simple par les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro lors de l’élection du président du Conseil européen et pour un mandat de durée identique », c’est-à-dire pour deux ans et demi renouvelables une fois.
Cette nouvelle fonction, dont le traité n’interdit pas qu’elle soit cumulée avec celle de président du Conseil européen, sera un puissant facteur de cohérence des actions entreprises et pourrait permettre, grâce au choix avisé de son titulaire, d’incarner aux yeux des peuples l’ambition économique européenne.
■ En second lieu, le traité de stabilité fixe un champ extrêmement large à la coordination économiques, embrassant, selon les termes de son article 9, « tous les domaines essentiels au bon fonctionnement de la zone euro, en vue de réaliser les objectifs que constituent le renforcement de la compétitivité, la promotion de l’emploi, une meilleure contribution à la soutenabilité des finances publiques et un renforcement de la stabilité financière », en encourageant les États signataires, dans son article 10, à « recourir activement, chaque fois que cela est indiqué et nécessaire » aux mesures spécifiques que l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne autorise les membres de la zone euro à adopter ainsi, de manière plus générale, qu’aux coopérations renforcées.
II. L’HEURE DES CHOIX : LE RÔLE INCONTOURNABLE DU COUPLE FRANCO-ALLEMAND POUR PORTER UNE AMBITION POUR L’EUROPE
Qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, il est un fait incontournable dans l’histoire de la construction européenne : rien n’a jamais avancé en Europe sans l’impulsion des deux pays qui rassemblent la moitié de la richesse du continent et, surtout, dont l’histoire, les traditions et les ambitions séculaires synthétisent avec force la riche diversité de l’identité européenne.
Cette constatation n’entame en rien le droit irréfragable de chaque nation européenne de participer, à égalité, à la définition du destin commun.
Mais demeure cette évidence, qu’aucune alternative n’a jamais sérieusement ébranlée. Le couple franco-allemand dispose de l’atout irremplaçable de voir son action être perçue comme légitime par tous ses partenaires.
Comme le résumait Joseph Fischer au cours du quarantième anniversaire du traité de l’Élysée en janvier 2003 : « lorsque l’Allemagne et la France sont d’accord, elles ne le sont jamais en excluant les autres ou en leur faisant front ; au contraire, elles entraînent toujours les autres ».
Cela fait peser sur les deux dépositaires de l’imagination en Europe une lourde responsabilité.
C’est aussi un dilemme. Que la France et l’Allemagne ne s’entendent pas, et les critiques pleuvent aussitôt pour dénoncer l’immobilisme de l’Union. Mais qu’elles s’entendent, et c’est l’ombrageuse crainte de l’hégémonisme qui pointe.
Pour assumer cette mission, les deux pays ont su nouer un partenariat profondément original fondé sur deux atouts :
– le couple dispose, grâce à des réseaux de coopération formant un maillage unique en Europe entre ses administrations, ses institutions politiques et ses sociétés civiles, d’une extraordinaire capacité de dialogue et d’expérimentation, assurant à toutes les étapes des procédures européennes une très profonde convergence de leurs ambitions et de leurs projets ;
– surtout, les deux partenaires jouent le rôle irremplaçable d’agitateur d’idées, de rapprochement des positions et de force d’entraînement, parce qu’ils conjuguent, de manière unique en Europe, la volonté de faire progresser l’Europe et l’appareil décisionnel et administratif apte – et habitué – à élaborer et mettre en pratique rapidement des projets cohérents.
Le couple franco-allemand a témoigné dans la crise d’une vitalité exceptionnelle, se hissant à la hauteur de ses responsabilités.
Chacune des grandes avancées de l’Union a en effet reposé sur un compromis franco-allemand préalable dont les rencontres entre le Président de la République et la Chancelière allemande forment avec une régularité impressionnante les étapes incontournables.
Il y eut d’abord, grâce à la force de conviction du Président Nicolas Sarkozy, la « révolution de principe » qu’a signifiée la conversion de l’Allemagne à l’impératif d’un renforcement ambitieux de la coopération économique, lorsque la Chancelière Angela Merkel a accepté de parler, dès février 2010, de ce « Gouvernement économique européen » qui attisait traditionnellement tant de méfiance outre-Rhin.
En consentant, en mai 2010, à la mise en place d’un filet de sécurité collectif pour les États exclus des marchés obligataires, l’Allemagne a courageusement brisé un second tabou face à une opinion publique d’autant plus hostile à la perspective d’une « union de transfert » qu’elle l’expérimente concrètement depuis vingt ans où les anciens États de l’Allemagne de l’Ouest subventionnent durablement leurs homologues de l’Est à hauteur de 4 % de leur richesse.
Les deux dirigeants ont franchi une nouvelle étape décisive en acceptant de lier cette nécessaire solidarité à un indispensable renforcement des disciplines budgétaires nationales, lorsqu’au sommet de Deauville à l’automne 2010 ils ont accepté de réformer le pacte de stabilité, levant la traditionnelle réticence française à l’instauration de procédures punitives plus automatiques.
Dès cette époque, les deux partenaires ont su s’entendre sur une analyse lucide de la situation, identifiant dans les divergences de compétitivité, l’impéritie budgétaire et l’insuffisante coordination des politiques économiques les ferments de la crise.
Depuis cette date, la France s’est engagée, grâce au courage du Président de la République, dans un examen sans concession de ses faiblesses et de ses atouts en s’inspirant des réformes audacieuses sur lesquelles reposent les succès de son partenaire.
En parallèle, l’Allemagne, qui assume une part prépondérante de l’effort de solidarité au moment même où elle perçoit enfin les fruits de ses efforts de redressement, a clairement fait le choix de l’Europe, s’engageant résolument dans l’intégration économique.
De manière désormais quotidienne, le couple franco-allemand assume la « mise en musique » de ces grandes avancées de principe, jouant à la veille de chacun des « sommets au bord du précipice » du second semestre 2011 le rôle décisif – et parfaitement maîtrisé – du chef d’orchestre conciliant les partitions complexes des réponses européennes aux brusques évolutions de la défiance.
Sans ce dialogue approfondi, sans cette capacité à s’écarter des postures dogmatiques pour relier patiemment les fils d’approches et d’intérêt souvent divergents mais rassemblés par la volonté inébranlable de sauver l’euro, il n’est guère de doute que l’Europe, paralysée, aurait succombé à l’asphyxie de la peur.
■ Au regard de ce rapide aperçu des étapes de la crise, il apparaît que les nouvelles formes de la coopération franco-allemande, qui expliquent son spectaculaire renouveau au cours du mandat du Président Nicolas Sarkozy, tiennent avant tout à la consolidation et la banalisation d’un dialogue politique permanent désormais noué aux plus hauts niveaux des deux systèmes politiques.
Comme l’écrivait la Chancelière Angela Merkel, en étendant son constat à toute la politique européenne, le franco-allemand s’est émancipé du champ étroit de l’international pour devenir une « politique intérieure », un élément primordial et quotidien de l’exercice des fonctions de Président et chef du Gouvernement, de ministre et même, de plus en plus, de parlementaire.
Ce « réflexe de coopération » est l’un des résultats les plus spectaculaires de cinquante années de relations privilégiées, marquant le succès de la vaste entreprise entamée par la signature du traité de l’Élysée le 22 janvier 1963 par le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer.
Afin d’encourager la mise en place d’un dialogue politique profondément novateur, le traité avait en effet institutionnalisé l’organisation de deux rencontres annuelles des chefs d’État et de gouvernement et de quatre réunions des ministres des affaires étrangères et de la défense, tandis que voyaient le jour, pour apporter une expertise spécifique à ces instance, le Conseil économique et financier franco-allemand et le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité.
Le dialogue à haut niveau s’est approfondi au fil des décennies, notamment par la création en 1989, au cours du 25ème anniversaire du traité, du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, du Conseil économique et financier franco-allemand (CEFFA), du Conseil franco-allemand de l’environnement (CFAE) et du Haut Conseil culturel franco-allemand (HCCFA), avant de rencontrer un nouvel élan au tournant du siècle.
C’est en effet, en premier lieu, au début des années 2000 que s’est installée la pratique de rencontres informelles entre les deux plus hauts dirigeants, d’abord dans le cadre des rencontres dites « de Blaesheim », ville alsacienne qui avait accueilli ce premier sommet informel le 31 janvier 2001 entre le Président Jacques Chirac et le Chancelier, Gerhard Schröder. Le quinquennat du Président Nicolas Sarkozy a acté l’intensification décisive de ces réunions, qui atteignent un rythme désormais mensuel, pleinement réactif aux nécessités de l’agenda politique, s’épanouissant en particulier dans la formule du « dîner préparatoire » aux Conseils européens des deux dirigeants qui assure la constitution d’un front commun dans les discussions européennes, depuis la première expérience du déblocage du dossier de l’Union pour la Méditerranée lors du dîner succédant à la foire informatique CeBIT le 3 mars 2008.
En second lieu, la déclaration commune adoptée à l’occasion du 40ème anniversaire du traité de l’Élysée du 22 janvier 2003 a introduit un grand rendez-vous politique semestriel sous la forme des Conseils des ministres franco-allemands, alternativement réunis en Allemagne et en France, dont l’évolution a reflété l’intensification et l’aspect de plus en plus concret et opérationnel de la coopération.
Dans l’esprit de pragmatisme et d’efficacité qui inspire le couple franco-allemand, aux « grands messes » des premiers Conseils, rassemblant autant de ministres que possibles, sur de longues listes de thèmes bilatéraux pour donner des signaux politiques forts à l’opinion publique, a succédé le choix de thèmes centraux déterminés en amont des discussions précédés et suivis de larges travaux permettant d’assurer la continuité des grandes orientations dégagées.
Dans cette logique, les Conseils des ministres ont acquis un format plus dynamique et plus opérationnel avec notamment l’organisation de réunions restreintes auxquelles ne participent plus désormais que les ministres dont le portefeuille relève du thème abordé.
■ Deux tendances caractérisent en effet l’efficacité croissante de ces réunions : la constitution désormais quasi systématique d’une position commune sur les grands sujets à l’ordre du jour de l’Europe et une volonté résolue d’avancer vers des convergences concrètes et exemplaires, touchant des aspects sans cesse plus décisifs des politiques intérieures des deux États.
– Prenant acte en effet de la complexité croissante des processus de décision au sein de l’Union élargie dans laquelle les Conseils, aux effectifs pléthoriques, ont perdu une grande partie de leur capacité à forger des compromis, la France et l’Allemagne ont su développer une nouvelle pratique de concertation systématique leur permettant d’aborder les grandes échéances européennes en front uni, c’est-à-dire après avoir aplani leurs divergences et dégagé les pistes d’un accord commun.
Cette évolution, éloquente pour les Conseils européens toujours précédés d’un intense dialogue entre le Président de la République et la Chancelière, est tout aussi manifeste pour les Conseils des ministres, dont les ordres du jour se sont progressivement rapprochés de l’agenda européen, permettant de forger des positions cohérentes entre les deux partenaires avant la prise de décision au sein de l’Union.
Après l’immigration et l’intégration en novembre 2007, le Conseil des ministres du 9 juin 2008 s’est ainsi concentré sur l’énergie, le climat et l’environnement en posant les fondations d’une approche commune apte à débloquer l’agenda en présidence française. Le 10ème Conseil des ministres du 24 novembre 2008, au cœur de la tempête financière, a permis aux deux pays de conforter leur coordination dans la réponse concertée à la crise, avant que le 11ème Conseil du 12 mars 2009 n’assure l’établissement de positions communes sur la régulation financière à la veille du sommet du G20 à Londres le 2 avril.
Le 14ème Conseil des ministres organisé à Paris le 6 février 2012 a, dans cet esprit, donné un élan décisif à la convergence fiscale entre les deux États, envisagée comme un préalable et un exemple indispensable à une harmonisation européenne d’envergure, grâce à la publication d’un ambitieux Livre vert précédé d’un long travail binational d’expertise entamé dès l’automne 2010 et même relayé en France par la publication en mars 2011 d’un rapport de la Cour des comptes.
– Pour autant, cette « européanisation » des travaux franco-allemands n’a en rien compromis le suivi en parallèle d’un agenda bilatéral ambitieux et cohérent assis des expertises approfondies permettant d’assurer la continuité des grandes orientations dégagées.
À cette fin, la déclaration commune de 2003 a mis en place dans chaque pays un Secrétaire général pour la coopération franco-allemande chargé de coordonner la préparation et le suivi de chacune des décisions des instances politiques de concertation et pouvant même s’exprimer devant le Conseil des ministres du pays partenaire pour présenter les progrès réalisés, accompagné le cas échéant du ministre concerné par les sujets évoqués.
Dans le respect de la vocation européenne des grands projets bilatéraux, cette fonction est assumée en France comme en Allemagne par le ministre chargé des affaires européennes. Ils sont assistés dans cette fonction par deux administrations parallèles, le « Arbeitsstab Frankreich » et la « Mission Allemagne », au sein des ministères chargés des affaires étrangères.
Les secrétaires généraux établissent, coordonnent et contrôlent une « feuille de route » détaillée qui se décline dans le suivi des projets concrets et des objectifs à moyen terme au sein de tous les départements ministériels, dans lesquels sont désignés des « points de contact » de haut niveau chargés de la coopération franco-allemande, qui se réunissent sous la présidence du Secrétaire général – Ministre délégué aux affaires européennes dans des Commissions interministérielles pour la coopération entre la France et l’Allemagne. Ces feuilles de route font ensuite systématiquement l’objet d’une évaluation et d’une actualisation à la veille de chaque Conseil des ministres, que les ministres concernés participent ou non à leurs délibérations.
Elles ont servi de fondement à d’importantes initiatives bilatérales touchant les citoyens au plus près et rapprochant les sociétés civiles, qu’il s’agisse du raccordement aux frontières des lignes de TGV et de ses homologues allemands, les ICE, de la facilitation et la banalisation de l’usage des services de santé transfrontaliers, en passant par la lutte commune contre les infractions routières, la rédaction d’un manuel commun d’histoire pour les classes de première et de terminale et la mise en place d’un régime matrimonial commun.
Poursuivant dans cette logique concrète et ambitieuse, assise sur l’expérimentation de projets innovants, le Conseil des ministres franco-allemand du 4 février 2010, en format plénier, a adopté un « agenda franco-allemand pour 2020 » très ambitieux qui fixe des objectifs précis et des mesures concrètes en réponse aux défis communs. Ces initiatives concernent en particulier les domaines décisifs à la prospérité future.
Le développement durable est ainsi encouragé par la création, à partir du bureau franco-allemand sur l’énergie éolienne, d’un Office franco-allemand des énergies renouvelables dès 2010, tandis que voient le jour, à Paris et à Potsdam, deux Instituts français et allemand d’études approfondies sur le développement durable et le changement climatique. Dans les domaines d’avenir, la mise en place prometteuse d’un projet de démonstration transfrontalier de la voiture électrique dans la région entre Strasbourg et Stuttgart, Mannheim et Karlsruhe, première étape vers la création d’une norme unique européenne en matière de véhicules électriques et d’infrastructures afférentes, représente une avancée majeure. Enfin la construction conjointe à l’horizon 2014 d’un satellite de détection du méthane, l’un des principaux gaz à effet de serre, relaie les succès considérables obtenus par l’association franco-allemande dans le domaine de l’aérospatiale.
La recherche fait, elle aussi, l’objet de la définition de programmes précis avec, en particulier, l’élan donné à l’engagement de programmes conjoints de recherche dans le domaine médical (par exemple sur les maladies neuro-dégénératives comme la maladie d’Alzheimer) et celui des biotechnologies, assis sur l’établissement de routines de coopération et de cofinancement entre la Deutsche Forschungsgemeinschaft et l’Agence nationale de la recherche ou entre la société Max Planck et le CNRS.
Enfin, l’éducation et la formation forment des priorités conjointes, étayées notamment par la création progressive d’un statut du stagiaire franco-allemand ou le doublement du nombre des bénéficiaires des programmes de l’Université franco-allemande.
■ Le renouveau de la coopération politique ne s’est toutefois pas limité aux autorités exécutives des deux États. De manière originale, les deux parlements, en particulier en leur sein l’Assemblée nationale et le Bundestag, ont développé des relations privilégiées qui s’intensifient à un rythme très rapide.
– Ces échanges prennent la forme, traditionnelle, de rencontres institutionnalisées, qui se sont élargies, dans la volonté de s’inspirer du modèle de réconciliation franco-allemande, au Parlement polonais à travers la constitution d’un « triangle de Weimar » en 1991.
Les bureaux de l’Assemblée nationale, du Bundestag – et, une fois sur trois, de la Diète polonaise – se réunissent ainsi tous les ans, faisant le point sur les grands sujets à l’ordre du jour de l’Union européenne, garantissant une information constante sur les principaux projets nationaux examinés dans les deux parlements et élaborant des réponses collectives sur les questions d’intérêt commun.
Les commissions chargées des affaires européennes jouent naturellement un rôle pionnier dans ce dialogue privilégié.
Grâce à leurs réunions communes à un rythme au moins semestriel et selon un format de plus en plus innovant comme en témoigne par exemple l’audition conjointe des ministres chargés des affaires européennes MM. Pierre Lellouche et Werner Hoyer le 15 juin 2010, ces deux organes ont créé à leur tour de réels réflexes de concertation qui encouragent le rapprochement des positions des deux assemblées sur les grands sujets européens.
Ainsi, tout au long de la crise des dettes publiques, ces relations ont contribué à aplanir les divergences de vue qui pouvaient parfois séparer les deux Chambres sur l’équilibre nécessaire entre solidarité et discipline et contribuer à garantir la concrétisation des grands choix des Gouvernements, notamment dans l’adoption des garanties législatives nécessaires au fonctionnement du Fonds européen de stabilité.
De manière plus spectaculaire encore, des séances communes des deux assemblées accompagnent les grands anniversaires du traité de l’Élysée, l’accueil de tous les députés français prévu à Berlin en janvier 2013 répondant à la célébration du quarantième anniversaire du traité à Versailles le 22 janvier 2003.
– Toutefois, là encore, l’expérience des dernières années consacre le développement d’une coopération plus concrète, ciblée et systématique, enracinant des habitudes de travail commune et garantissant un examen attentif des expériences nationales et des enjeux européens dans le cœur du métier des parlements, l’adoption des lois nationales.
Dans cet esprit de coordination permanente, les commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Bundestag ont mis en place des réseaux, notamment administratifs, échangeant en temps réel sur leurs principaux travaux, en particulier grâce à un mécanisme d’alerte précoce sur les textes sur lesquels l’un ou l’autre des deux organes souhaite engager un contrôle du respect du principe de subsidiarité, soumis à des délais d’adoption très rapides.
De même, les délégations des deux commissions au sein de la Conférence semestrielle des organes spécialisés dans les affaires européennes (COSAC), temps fort de la coopération des vingt-sept parlements nationaux, assurent une convergence préalable et systématique de l’ensemble des positions qu’elles souhaitent défendre.
Surtout, depuis quelques années, les deux Assemblées ont souhaité concentrer leurs travaux sur des grands sujets concrets, sur lesquels l’accord des deux chambres pèse d’un poids politique particulier.
Les commissions des affaires européennes des deux Chambres basses ont ainsi mené des missions communes sur l’adhésion à l’Union européenne en Islande les 7 et 8 avril 2010 et en Croatie les 17 et 18 janvier 2011.
De manière tout aussi innovante, l’Assemblée nationale et Bundestag ont mis en place deux groupes de travail bilatéraux, consacrés respectivement à la diversité culturelle en Europe en février 2007 et au Gouvernement économique européen en novembre 2011.
Ce dernier groupe de travail, composé de quatorze députés issus de tous les groupes politiques représentés dans les deux assemblées, a en particulier permis aux deux Chambres d’affirmer avec force leur volonté de ratifier dans des délais rapides le mécanisme européen de stabilité et le traité sur la stabilité.
Il a aussi joué un rôle important dans l’association des parlements nationaux à la nouvelle gouvernance économique grâce à l’introduction dans le traité sur la stabilité d’une disposition prévoyant l’organisation d’une conférence interparlementaire régulière.
L’intensité des échanges politiques confère à la coopération franco-allemande une force irremplaçable pour promouvoir une union sans cesse plus étroite. Cependant ce dialogue spectaculaire ne résume pas la singularité du couple franco-allemand.
Celui-ci repose en effet de manière unique en Europe sur un équilibre complexe entre la volonté politique, indispensable pour dynamiser la relation, et son ancrage dans les administrations et la société civile, qui assure l’irrigation des grandes impulsions prises au sommet jusqu’aux niveaux les plus opérationnels des actions publiques et dans les aspects les plus concrets de la vie des citoyens.
Le partenariat est en effet assis, de manière profondément originale et novatrice, sur un étroit maillage de coopérations concrètes patiemment tissé depuis les années 1960 dans le corps même des deux sociétés, qui forme des fondations discrètes mais d’une exceptionnelle solidité aptes à installer les grandes décisions prises au sommet dans le temps long de la vie des peuples.
Dialogue politique et soubassement administratif et civil sont toutefois les deux revers d’une seule et même médaille.
Sans leurs relais dans les sociétés, les grandes initiatives politiques dans un monde où les évènements impriment un rythme effréné à l’action publique courent en effet le risque de la superficialité et de l’absence de concrétisation durable.
Mais sans une volonté politique constamment affirmée, force est de constater que le rapprochement des sociétés civiles s’essouffle rapidement, ployant sous le poids de traditions et d’approches différentes forgées par la longue histoire des deux nations.
L’atout maître du couple est donc cette interdépendance étroite, qui donne une puissance exceptionnelle aux deux partenaires lorsque leurs dirigeants font le choix d’avancer en commun tout en garantissant que le feu du rapprochement, nourri au plus près des sociétés par les nombreuses institutions communes érigées au fil des décennies, couve sous les braises lorsque la volonté politique faiblit.
■ Cette inscription dans la durée des impulsions politiques est avant tout la mission principale des administrations.
À cet égard, la France et l’Allemagne ont su nouer des coopérations concrètes d’une efficacité incomparable.
Ici, les initiatives politiques ont joué un rôle décisif en imposant, comme il a été vu supra, la désignation de responsables opérationnels de la coopération bilatérale sur les thèmes évoqués en Conseil des ministres mais aussi en mettant en place d’intenses programmes d’échanges de fonctionnaires qui concernent désormais chaque année dans chaque pays environ vingt-cinq administrateurs civils pleinement intégrés dans les processus de décisions. De même, le Bundestag et l’Assemblée nationale accueillent en permanence cinq assistants parlementaires et un fonctionnaire issus de l’autre chambre pour des stages longs.
Les contacts, la confiance et la flexibilité des échanges ainsi tissés jouent un rôle décisif dans l’acclimatation dans chaque administration des enjeux et des préoccupations des deux partenaires.
Mais, ici aussi, rien n’est jamais acquis tant le jeu spontané des processus et des cultures politiques entre les deux rives du Rhin est divergent, en particulier s’agissant du rythme des impulsions politiques beaucoup plus brutales et rapides en France qu’en Allemagne. La coopération administrative doit dans ce contexte être encouragée avec d’autant plus de force que disparaît désormais la « génération de la réconciliation » si profondément sensible à l’impérieuse nécessité d’équilibrer les intérêts des deux anciens adversaires.
■ Dans un esprit comparable, l’opiniâtreté des élus locaux transfrontaliers dans la poursuite d’un rapprochement ambitieux a donné un élan décisif à la coopération décentralisée, à bien des égards exemplaire.
L’un des aspects les plus dynamiques du partenariat franco-allemand au cours des années 2000 relève en effet de la coopération transfrontalière, autour de trois grands projets fondateurs. Le 17 octobre 2005 a ainsi été conclue la première convention relative à l’Eurodiscrit Strasbourg – Ortenau, devenu en février 2010 un groupement européen de coopération territorial (GECT) qui a vocation à devenir une véritable métropole européenne de plus d’un million d’habitants. Puis, en mai 2010 s’y est ajoutée la création du groupement territorial « SaarMoselle » réunissant des communes transfrontalières comme Sarrebruck, Sarreguemines et Forbach, avant que naisse en décembre la Région métropolitaine du Rhin Supérieur.
Une même force d’entraînement se retrouve d’ailleurs du côté des associations, dont le rôle fut si précieux au lendemain de la guerre. Plus de cent trente sociétés franco-allemandes en Allemagne et cent dix en France poursuivent inlassablement leur œuvre remarquable de rapprochement, dont le succès du 50ème anniversaire de la Fédération des associations franco-allemandes (FAFA-VDFD) célébré à Wetzlar en 2007 a montré l’exceptionnelle vitalité.
■ Ce relais permanent, et difficile, entre les initiatives venues d’en haut et le jeu spontané des acteurs de la société civiles explique le fragile équilibre et les forces spectaculaires de la coopération dans les domaines dans lesquels elle avait semblé le plus nécessaire aux grands acteurs de la réconciliation : l’éducation et la culture.
– Au premier rang des grandes institutions communes, l’expérience de l’Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) est révélatrice.
L’établissement est l’une des pièces maîtresses du dispositif mis en place en 1963 dans le cadre du traité de l’Élysée. Il permet à deux cent mille jeunes de participer chaque année à ses très nombreux programmes menés par un nombre impressionnant d’acteurs (associations pour la jeunesse, clubs sportifs, centres linguistiques, centres de formation, organisations professionnelles et syndicales, établissements scolaires et universitaires, collectivités locales, comités de jumelage).
Les résultats de ce grand symbole de l’ambition franco-allemande ont pu, il est vrai, paraître parfois décevants, en particulier sur le front de la maîtrise des langues, l’allemand accusant une désaffection importante dans notre pays où il est désormais étudié par moins de 4 % des élèves, contre 17 % de jeunes allemands qui apprennent encore le français.
Surtout, son efficacité demeure étroitement dépendante de la force de l’impulsion politique qui l’accompagne. Ainsi, lorsque cette dernière a semblé vaciller dans les années 1990, avec les deux symptômes d’un tarissement des financements, le budget étant figé à son niveau des années 1960 de 20 millions d’euros, soit une perte de pouvoir d’achat réel des deux tiers, et du relâchement de l’intérêt des autorités de tutelle, qui ont laissé l’institution et son conseil d’administration pléthorique de trente représentants de la société civile fonctionner en vase clos, l’OFAJ a connu une réelle désaffection, peinant à trouver dans la société civile des acteurs spontanément motivés pour relancer les ambitieux chantiers du rapprochement des jeunesses.
Là encore, il a fallu le secours du renouveau d’une ambition politique pour que l’établissement reprenne sa marche en avant, grâce à sa grande réforme de 2005 inspirée des recommandations de la mission d’information parlementaire bilatérale présidée par MM. Yves Bur et Andreas Schockenhoff en 2004, qui a mieux concentré ses efforts vers la satisfaction des missions fondamentales d’enseignement et d’incitation à l’apprentissage de la langue et a efficacement renforcé l’implication et le contrôle gouvernemental par la mise en place d’une direction bicéphale et binationale et d’un conseil d’administration restreint.
– Mais là encore, force est de constater que lorsque les partenaires assument un effort important, ils trouvent rapidement des relais dans les sociétés civiles pour pérenniser leurs initiatives et asseoir le rapprochement des deux grandes nations.
Le succès de l’Université franco-allemande est à cet égard exemplaire.
Créée en septembre 1997, dotée d’un budget paritaire de neuf millions d’euros et constituée d’un réseau d’établissements d’enseignement supérieur français et allemands proposant des cursus intégrés du premier au troisième cycle débouchant sur des diplômes binationaux, elle accueille en effet désormais plus de cinq mille étudiants qui bénéficient de programmes jouissant d’une excellente réputation dans les marchés du travail en Allemagne comme en France.
Dans un esprit comparable, le Centre Marc Bloch, créé en décembre 1992, centre de recherche franco-allemande en sciences sociales travaillant dans une perspective pluridisciplinaire, bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance internationale remarquée.
De manière plus générale, le soin apporté à créer et entretenir un réseau de coopération éducative exceptionnellement dense et multiforme, regroupant par exemple en Allemagne dix Instituts français, cinq bureaux spécialisés à Berlin (Livre, Cinéma, Théâtre et danse, Musique et Arts plastiques), treize centres cultures et antennes franco-allemands, un centre de recherche en histoire à Francfort, quinze écoles, collèges et lycées AEFE et trois lycées franco-allemand à Fribourg, Sarrebruck et à Buc, rencontre un succès éclatant dont témoigne le nombre sans cesse croissant d’inscriptions sur les deux rives du Rhin.
– En miroir inversant, l’économie, domaine où la volonté politique peut moins aisément s’imposer, offre un aperçu saisissant des forces centrifuges qui animent spontanément des sociétés aux traditions si différentes.
En dépit d’une interpénétration économique aboutie entre les deux pays qui demeurent le partenaire commercial l’un de l’autre et assument de très nombreux investissements croisés (deux mille sept cents entreprises allemandes emploient ainsi dans notre pays plus de trois cent mille salariés dans le secteur automobile où les filiales de Siemens, Bosch, Thyssen Krupp ou Smart génèrent un emploi sur cinq, dans l’équipement électronique et médical qui concentre 15 % des emplois du secteur et dans les services financiers où Allianz, qui détient les AGF, est le troisième investisseur étranger en France), force est de constater que les rapprochements demeurent difficiles, obérés par les réelles divergences de conception entre une approche française, plus dirigiste du point de vue de l’État et plus encline à protéger les intérêts des « champions » nationaux au détriment parfois du maillage de PME, et une tradition allemande plus libérale, orientée sur les marchés et accoutumée à une vigilance de chaque instant sur la santé des petites et moyennes industries.
Les années 2000 ont d’ailleurs jeté une lumière crue sur ces difficultés, à travers notamment le désengagement de Siemens de la filiale d’Areva spécialisée dans la fabrication de réacteurs nucléaires civils, la fusion Sanofi-Aventi ou l’absence d’alliance majeure dans les secteurs décisifs de l’automobile, de l’acier, ou de la banque.
Toutefois, là encore, rien n’est impossible lorsque la volonté politique s’impose au jeu naturel des intérêts contradictoires. Les succès éloquents d’Airbus et d’EADS montrent sans ambiguïté l’extraordinaire potentiel que recèle le rapprochement des forces des deux partenaires.
B. L’essence du moteur franco-allemand : l’indispensable convergence des ambitions pour la relance de l’Europe
L’analyse des forces et des faiblesses des mécanismes qui forment le couple franco-allemand commande un constat lucide : le moteur, d’une efficacité prodigieuse, ne fonctionne que s’il est alimenté par son essence profonde, une volonté politique claire et assumée d’avancer, ensemble, dans une même direction déterminée en commun.
Chaque pas en avant requiert d’ailleurs une énergie sans cesse plus forte, tant il est vrai, selon la célèbre phrase du Chancelier Konrad Adenauer, que « la relation franco-allemande est telle que la rose : quand la fleur embellit, les épines prospèrent », en particulier aujourd’hui face à l’effet dissolvant des élargissements qui impose que la force motrice du couple soit plus grande encore afin de fédérer des intérêts de plus en plus contradictoires.
Cela fait peser sur les deux partenaires une responsabilité originale, incontournable en Europe.
Il leur appartient en effet, à chacune des grandes étapes de l’intégration, d’imaginer ensemble l’avenir commun que leur force de conviction permet ensuite d’étendre à l’Union.
À cet égard, la France et l’Allemagne forment le « laboratoire d’idées » de l’Europe.
L’histoire dégage à cette fin une méthode franco-allemande dont l’efficacité a dénoué toutes les grandes crises auxquelles a été confrontée l’Union européenne. Elle repose sur trois grandes étapes :
– la convergence des vues sur la nature des difficultés et par conséquent sur les défis auxquels il apparaît nécessaire de répondre par les instruments communs ;
– un départage franc et précis entre les enjeux auxquels ni l’un ni l’autre ne peuvent renoncer, qui constituent les fameuses « lignes rouges » bornant le champ des possibles, et les éléments susceptibles de nourrir un consensus, fût-ce au prix de réels sacrifices ;
– la définition d’un objectif commun et des pistes concrètes à suivre pour y parvenir.
Toutes ces étapes sont solidaires. Qu’il vienne à en manquer une seule, et c’est tout le train de l’intégration qui s’interrompt.
Les destins divergents de la Communauté européenne de défense et de la CEE illustrent abondamment ce constat. Mais, plus près de nous, l’étude des fondements du renouveau de l’Europe au milieu des années 1980 est tout aussi éloquente.
Il aura en effet fallu attendre que l’ensemble des acteurs français s’accorde enfin sur la nature du redoutable défi de modernisation et de croissance que posaient à l’Europe la fin du rattrapage économique des trente Glorieuses et les chocs pétroliers pour que la Communauté puisse reprendre l’élan du marché unique.
Mais, dès cette époque décisive, c’est bien la perspective, politique, d’une monnaie unique, gage spectaculaire de sa volonté européenne donné par l’Allemagne à son partenaire, qui a pu fédérer les efforts considérables assumés par les deux pays dans la relance européenne.
Ce compromis ne fut ici encore possible que lorsque chacun dégagea ses « lignes rouges » : l’indépendance absolue de la politique monétaire européenne, pour l’Allemagne, et le renforcement du pilotage politique de l’Europe, pour la France.
Et, dans cette même logique, le fameux « âge d’or » de la Commission présidée par M. Jacques Delors a reposé sur les plans très précis synthétisés dans le Livre blanc sur le marché unique directement inspirés par les deux administrations françaises et allemandes unies par la force du consensus scellé au sommet des États.
Nous sommes à un moment comparable, où l’ampleur des défis posés à nos nations exige un « saut » européen qui ne peut être engagé que par des grandes initiatives communes à la France et à l’Allemagne. Nos partenaires d’outre-Rhin ont su entamer ce débat avant nous, s’interrogeant sur la nécessité d’un élan fédéral dès les premiers assauts de la crise des dettes souveraines.
Dans ce dialogue, nous pouvons désormais partir d’une analyse consensuelle des défis.
La France, grâce à l’engagement déterminé du Président Nicolas Sarkozy, a enfin accepté de regarder en face l’ampleur de la perte de vitesse de la compétitivité de trop nombreux pays européens, qui compromet la survie de son leadership économique dans un monde où la concurrence est plus vive que jamais. Cette conscience peine encore à imprégner tout le spectre politique de notre nation, mais nul doute que l’évidence des faits prendra vite le pas sur le jeu des postures d’un autre âge.
En parallèle, l’Allemagne, qui a renouvelé avec force son choix fondateur de faire passer son avenir par un ancrage résolu dans une Europe ambitieuse, a pris conscience que l’indispensable modernisation ne peut être acceptée par nos peuples que si l’Union entreprend enfin de les protéger des effets d’une compétition mondiale qui soumet à rude épreuve la cohésion de nos sociétés. Là encore, gageons que les divergences qui demeurent entre les sensibilités politiques pèseront de peu de poids devant l’urgence d’agir.
Conquérir et protéger, ces deux impératifs passent inéluctablement par la constitution d’un Gouvernement économique commun, doté de réels moyens d’agir.
Cette ambition suppose que la France et l’Allemagne, qui ont déjà beaucoup avancé, abandonnent lucidement ce qu’il reste de « vieilles lunes » dans leurs opinions publiques pour définir ce qu’elles sont prêtes à partager.
Les progrès spectaculaires des années 2010 à 2012 nous autorisent aujourd’hui à parler d’un véritable Gouvernement économique européen, solidement établi sur les trois piliers de la solidarité, de la responsabilité budgétaire et de l’étroite coordination des politiques économiques.
Deux questions décisives demeurent toutefois en suspens, sur lesquelles une réponse commune est indispensable.
Tout d’abord, la crise des dettes souveraines a montré combien l’Union souffre de l’absence de la corde de rappel qui, partout dans le monde, garantit la solidité des monnaies face aux assauts de la spéculation : la certitude que, dans les situations paroxysmiques, les autorités publiques sont les plus fortes, grâce à l’existence d’un prêteur en dernier ressort. La réactivité exemplaire de la Banque centrale et la constitution du pare-feu du mécanisme européen de stabilité ont en partie suppléé à cette faiblesse originelle. Mais la prudence commande d’aller plus loin, en réglant définitivement cette « question monétaire ».
Ensuite, les progrès de la coordination économique et l’imposition de la vertu budgétaire ont dans les faits transféré à l’Europe, et donc partagé collectivement, des compétences qui entament le noyau des souverainetés nationales. Dans les circonstances exceptionnelles des programmes d’assistance financière, la plume des législateurs nationaux est même désormais dictée par les exigences, légitimes, de leurs partenaires. Ces avancées, nécessaires, doivent être mieux soumises au respect de l’impératif démocratique sur lequel sont fondées nos sociétés. Et cet ancrage doit passer par les souverains budgétaires, les parlements nationaux, dont le traité sur la stabilité prévoit utilement l’association qu’il convient désormais de concrétiser.
La question monétaire cristallise les plus profondes divergences entre les deux pays, en raison d’une confusion importante qui brouille les débats sur le sujet fondamental de l’atténuation de la rigueur des frontières qui séparent le financement des dettes publiques des moyens de la Banque centrale européenne.
Il ne saurait être question d’encourager la banque centrale à assurer les « fins de mois » des États en faisant tourner la planche à billets.
Une telle stratégie exonérant les Gouvernements de la responsabilité des équilibres budgétaires est vouée à l’échec et débouche inéluctablement, toutes les expériences historiques le prouvent, sur l’inflation. L’acquisition de titres publics pour la seule fin d’alléger la facture des déséquilibres budgétaires est une impasse dans laquelle nos partenaires allemands ont raison de refuser fermement de s’engager.
Toutefois, le financement, qu’il soit direct ou indirect, des dettes souveraines peut aussi être envisagé comme l’un des instruments de la politique monétaire, dont il serait tout aussi absurde de se priver.
Les politiques d’assouplissements quantitatifs engagées depuis 2009 par la Réserve fédérale américaine ou par la Banque d’Angleterre ne répondent pas, en effet, à la préoccupation de financer le déficit, mais à l’objectif plus vaste de stimuler l’économie dans un environnement où les canaux traditionnels du crédit sont obstrués et où le taux d’intérêt atteint un plancher.
De manière plus décisive, l’actualité récente a montré combien la question de l’existence d’un prêteur en dernier ressort est essentielle à la sauvegarde des équilibres financiers, dans les circonstances extrêmes, mais malheureusement guère théoriques, où un État solvable est acculé à la faillite par les vagues de spéculations qui dressent devant lui des niveaux de taux d’intérêt infranchissables.
Dans ces cas très spécifiques, la Banque centrale dispose seule des moyens d’enrayer le cercle vicieux grâce à l’impressionnante puissance de la force création monétaire sans d’ailleurs qu’elle ait besoin de l’utiliser tant il est vrai, comme l’exprimait avec force le Secrétaire d’État Hans Paulson en 2008, que « si vous avez un pistolet à eau dans les poches, il y a des chances que vous ayez à le sortir ; mais si vous avez un bazooka et que les gens le savent, il y a peu de chance que vous ayez à le faire ».
En consentant, comme il a été vu supra, à acquérir des titres de dettes nationales sur le marché secondaire puis en mettant à la disposition des établissements bancaires des liquidités à moyen terme d’une ampleur exceptionnelle, la Banque centrale européenne a su s’engager dans cette voie salutaire.
Mais cette solution d’urgence ne saurait constituer un règlement pérenne, tant qu’il demeurera aux yeux des investisseurs des incertitudes sur la volonté et la capacité des dirigeants de l’euro de mettre un terme définitif aux assauts spéculatifs en usant, si besoin est, de toute leur force de frappe.
C’est pourquoi il faut se féliciter de l’entente des deux partenaires sur le renforcement spectaculaire des moyens des pares feux européens liés à la coexistence temporaire des mécanismes d’assistance financière du FESF et du MES décrite supra, qui dote in fine la zone euro d’une force de frappe proche de 1 000 milliards d’euros lorsqu’on ajoute aux moyens combinés des deux instruments, plafonnés à 700 milliards d’euros, le renforcement de la contribution des Etats de la zone au FMI de 150 milliards d’euros et les 102 milliards d’euros déjà versés dans le cadre des programmes d’aide à la Grèce, au Portugal et à l’Irlande.
(2) Garantir l’ancrage démocratique du Gouvernement économique grâce à l’association des Parlements nationaux
La sauvegarde de l’euro, la mise en œuvre d’un gouvernement économique pour les Dix-sept et la reconquête des équilibres financiers encadrent désormais rigoureusement les choix budgétaires nationaux. Ils impactent au premier chef la capacité de décision des autorités politiques auxquelles l’Histoire a confié le consentement à l’impôt et la formulation des ambitions économiques.
L’approfondissement de l’intégration économique et financière ne sera accepté par nos peuples que s’il est ancré dans un approfondissement parallèle de la démocratie européenne.
Le rôle de pilotage reconnu au Conseil européen, donc aux autorités ultimes des États, est certes un gage démocratique décisif. Toutefois, la démocratie s’incarne aussi dans la transparence et la délibération contradictoire que, seuls, apportent les parlements, maillons séculiers qui relient le peuple, dans la diversité de ses opinions, et la loi.
Il est dans ce contexte indispensable que les parlements nationaux soient collectivement partie prenante des nouvelles disciplines communes en étant associés à chacune des étapes de la formation des choix économiques européens.
■ Cette association passe évidemment, dans un premier temps, par le renforcement des procédures nationales de contrôle des positions adoptées par les Gouvernements dans les décisions européennes.
À cet effet, à l’image de ses partenaires, l’Assemblée nationale a mis en place en 2011 un suivi régulier et approfondi de toutes les étapes du semestre européen.
Les grandes orientations des politiques économiques fixées par le Conseil européen ont ainsi fait l’objet d’une réunion commune entre la Commission des affaires européennes et les eurodéputés français dès le 30 mars 2011.
Par suite, l’Assemblée nationale dans son ensemble a approuvé (par 163 voix contre 74), le 2 mai, après débat, le pacte de stabilité 2011-2014 transmis à Bruxelles par le Gouvernement français, qui, pour la première fois, lui était soumis. Dans cet esprit d’ailleurs, on peut remarquer que le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 mai 2011, prévoyait notamment que le programme de stabilité soit transmis au parlement chaque année et qu’il puisse faire l’objet d’un vote à la demande du Gouvernement ou d’un groupe politique.
Enfin, l’Assemblée a adopté, le 9 juillet 2011, une résolution déposée par la Commission des affaires européennes le 14 juin sur les recommandations de la Commission européenne relatives aux programmes de stabilité et de réforme de la France.
Ce dispositif, qui a résolument placé nos débats budgétaires dans une perspective respectueuse de nos responsabilités européennes, pourrait utilement être complété par l’organisation de nouveaux débats annuels, en séance publique, éventuellement étayés par le vote de résolutions :
– d’une part préalables à la détermination des grandes orientations économiques par le Conseil européen et au bilan des engagements du Pacte pour l’euro plus, prévus en mars chaque année ;
– et, d’autre part, consacrés au bilan de l’utilisation des ressources du mécanisme européen de stabilité budgétaire, compte tenu de l’ampleur des moyens financiers consentis par notre pays.
■ Cette appropriation nationale de la gouvernance européenne, pour indispensable qu’elle soit, ne peut toutefois suffire si l’on veut que les parlements nationaux puissent réellement peser sur les choix de l’Union.
Il est en effet nécessaire qu’elle soit relayée par l’organisation de rencontres transeuropéennes rassemblant les vingt-sept Parlements pour débattre en toute transparence devant l’opinion européenne de décisions qui engagent l’avenir de nos peuples.
À cette fin, le Président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, le Président de la Commission des Finances, M. Jérôme Cahuzac, et son Rapporteur général, M. Gilles Carrez, et votre rapporteur, avaient proposé, dès l’automne 2010, l’organisation d’une « conférence budgétaire » scellant au niveau européen un pacte d’association des vingt-sept Parlements pour discuter, en commun, de la cohérence des choix budgétaires nationaux, de la pertinence des objectifs suivis par l’Union et des progrès accomplis dans le respect des ambitions de la stratégie Europe 2020.
Dans cet esprit, grâce en particulier au travail de conviction des députés français auprès du Gouvernement, et à l’action déterminée de ses représentants au sein du groupe de négociation, le traité sur la stabilité comporte aujourd’hui un article 13 qui dispose que « le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et des autres questions régies par le présent traité ».
Cette conférence budgétaire devra rapidement être mise en place, dans un format souple et réactif réunissant en particulier des représentants des commissions des finances des États membres – mais aussi, au gré des besoins, des parlementaires issus d’autres commissions particulièrement intéressées aux ordres du jour concernés.
Des délégations limitées à six parlementaires par État membre et pour le Parlement européen, inspirées des pratiques de la Conférence des organes spécialisée dans les affaires européennes (COSAC), permettraient opportunément d’intégrer l’indispensable représentation des oppositions nationales. Par défaut, il est possible de proposer que ces délégations rassemblent, de manière générale, les présidents et les rapporteurs du budget des commissions des finances de chaque pays, accompagnés des président ou des rapporteurs spécialisés des commissions des affaires européennes qui apporteraient leur éclairage transversal des enjeux européens.
Les présidents de la Commission européenne, du Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro et du Conseil de l’Union européenne et le président de l’Eurogroupe auraient légitimement vocation à être régulièrement auditionnés.
Votre rapporteur suggère surtout que ces conférences embrassent progressivement tous les aspects de la gouvernance européenne.
Dans ce contexte, trois sessions pourraient utilement être organisées :
– La Conférence pourrait débattre, en juin, des recommandations d’avis présentées par la Commission européenne sur les programmes de stabilité et de réforme déposés en avril par chacun des États membres. Cette session d’été, préalable aux recommandations adoptées définitivement par le Conseil, se concentrerait en outre sur la convergence nécessaire des efforts des États membres vers le respect des objectifs de la stratégie Europe 2020 et du Pacte pour l’euro plus.
– Une session d’automne, organisée après la transmission à la Commission européenne des projets de budget nationaux le 15 octobre et avant leur adoption définitive dans les Parlements nationaux fin novembre/début décembre, permettrait de débattre des éventuels avis adressés par la première aux États s’écartant significativement de leurs engagements européens ainsi que des orientations stratégiques des politiques économiques pour l’année suivante, au moment de la présentation par la Commission européenne de son « examen annuel de croissance » désormais disponible en novembre.
Cette session pourrait aussi comporter un débat annuel sur le bilan des opérations du mécanisme européen de stabilité, qui appellent un suivi parlementaire sans lequel l’impératif de transparence peinera inéluctablement à s’imposer.
– Des sessions extraordinaires pourraient enfin utilement être organisées pour débattre, le cas échéant, des recommandations adressées par le Conseil aux États dans le cadre de la procédure de déficit excessif.
Dans un souci de réactivité et d’efficacité, il serait possible d’identifier un « bureau » de cette conférence, composé de deux parlementaires par État membre, qui serait réuni, par exemple par visioconférence, pour examiner toute proposition visant à créer un programme d’aide financière au bénéfice d’un État membre de la zone euro et tout projet de modification des protocoles d’accord correspondants. Il pourrait aussi être saisi de toute décision de l’Eurogroupe visant à autoriser le versement d’une tranche d’aide dans le cadre de ces programmes.
b) Doter l’Union des moyens financiers pour relayer les efforts des États et recouvrer les instruments d’une politique d’investissement ambitieuse : la question incontournable des obligations européennes
La question du Gouvernement économique européen est inséparable de celles des moyens dont peut se doter l’Union pour répondre aux considérables besoins de financement qu’impose la constitution d’une base économique, notamment industrielle, apte à affronter la mondialisation.
Or, dans le même temps, ni les États nationaux, contraints à un ajustement budgétaire sans faille, ni le budget européen, assis sur des contributions nationales nécessairement limitées par l’état de nos finances publiques, ne disposent de réelles marges de manœuvre.
Doit être dès lors prise en compte, dans une Union vierge de tout endettement, la question des eurobonds, qui souffre malheureusement de confusions et d’imprécisions qui obèrent leur concrétisation.
Car, là aussi, il faut être clair sur les objectifs que l’on poursuit, et c’est le grand mérite de l’Allemagne que d’avoir su, dès l’été 2011, lorsque les débats sur les eurobonds ont pris de l’ampleur, déplacer la question au juste niveau, rappelant que la question des modalités techniques ne pouvait être abordée qu’après que soit tranchée celle du projet politique dont ils ne sont que l’instrument.
Si l’objectif en effet est de lever des obligations communes simplement, face aux tensions sur les taux qu’affrontent désormais les États les plus fragiles, pour se substituer aux emprunts nationaux désormais trop chers, et revenir ainsi, sous la bienveillante protection de la qualité de la signature allemande, aux temps de l’insouciance budgétaire du début des années 2000, la voie est clairement une redoutable impasse susceptible, à terme, de ruiner la crédibilité de l’euro.
La lucidité nous impose d’ailleurs de comprendre la force des préventions de nos partenaires. L’Allemagne ne peut accepter de s’y engager à la légère, non pas seulement pour des raisons philosophiques, certes solidement étayées, mais surtout parce qu’elle n’en a tout simplement pas les moyens dans la durée.
On oublie en effet trop souvent que plane sur nos voisins la menace redoutable d’un choc démographique d’une ampleur exceptionnelle. Avec un taux de fécondité inférieur à 1,4 enfant par femme (contre 2,1 en France), conjugué à une baisse corrélative de femme en âge de procréer, l’Allemagne pourrait perdre jusqu’à dix millions d’habitants d’ici 2050. Dès 2020, les plus de 65 ans devraient représenter 31 % de la population (contre 20 % en France), et le ratio d’actif par retraité atteindra l’unité dès 2060. Il n’est besoin de calculs complexes pour imaginer l’ampleur des frais de dépendance, de santé et de financement des retraites que générera une telle mutation. Face à cette perspective, l’équilibre budgétaire est pour notre partenaire une nécessité vitale, qui ne saurait être compromise par une caution donnée trop vite, et sans garanties, à ses voisins moins prévoyants.
La France doit clairement annoncer qu’elle ne souhaite pas transformer d’éventuelles obligations communes en supplétifs confortables des dettes nationales, et le Gouvernement a eu raison de subordonner toutes avancées dans cette direction au préalable indispensable du renforcement des disciplines budgétaires nationales.
Pour autant, il existe aussi une autre forme d’obligations communes, dont il serait regrettable de se priver.
Chacun sait que l’Union européenne est confrontée à un impressionnant besoin d’investissement pour perpétuer et renouveler son appareil productif.
En dépit d’une épargne abondante, le taux d’investissement global, à moins de 20 % du PIB, a perdu près de cinq points en dix ans, sous le double effet des bulles, en particulier immobilières et financières, qui ont détourné une partie des ressources de la production, et de la croissance spectaculaire des pays émergents dans lesquels les grandes entreprises tendent de plus en plus à réinvestir leurs bénéfices. Il est à craindre que l’effort d’assainissement auquel s’astreignent les États membres ne vienne conforter cette dangereuse régression.
Or, dans le même temps, jamais les besoins n’ont été aussi forts au moment où l’Europe relève enfin le lourd défi de sa réindustralisation, qui impose d’inventer les technologies de l’avenir et requiert des efforts considérables de recherche et d’équipement.
À cette fin, des obligations européennes, exclusivement consacrées aux financements des dépenses d’avenir, seraient de précieux atouts.
Dans cet esprit, la Commission européenne a présenté le 19 octobre 2011 un plan de financement des grands réseaux de transports, d’énergie et de télécommunications assis sur des obligations de projets, « project bonds », entendues comme des instruments financiers permettant au budget de l’Union, via la Banque européenne d’investissement, de fournir des garanties sur des projets d’infrastructure, abaissant mécaniquement le risque assumé par les acteurs privés dans des secteurs où le besoin de capital et l’horizon de long terme de la rentabilité freinent l’investissement.
À cette fin, elle a proposé de mettre en place dès 2012 et 2013 une phase pilote utilisant jusqu’à 230 millions d’euros du budget européen, permettant, par effet de levier, de mobiliser jusqu’à 4,5 milliards d’euros d’investissements, concentrés sur une dizaine de projets rigoureusement sélectionnés.
Bien que d’un montant modeste, cette initiative, sollicitant les forces des partenariats « public privé » qui, seules, nous donnent les moyens d’affronter les défis financiers, ouvre une voie prometteuse.
L’Union européenne gagnerait à l’emprunter avec plus d’ambition, en s’inspirant par exemple des modalités d’affectation du Grand emprunt français aux projets les plus innovants et les mieux aptes à consolider notre potentiel de croissance.
À long terme, l’émission d’obligations plus générales, mutualisant tout ou partie des dettes publiques nationales, telle qu’envisagée dans le Livre vert déposé par la Commission européenne le 23 novembre 2011, serait une perspective encourageante. Ces « blues bonds » renforceraient sans nul doute l’attractivité de la zone euro pour les investisseurs disposant ainsi d’un marché aussi profond et liquide que celui des États-Unis. Elles mettraient fin aux jeux spéculatifs qui opposent, pour des perspectives fugaces de gains à court terme, les signatures souveraines. Elles allègeraient les coûts de financement des États et, par ce biais, amélioreraient les perspectives de croissance de leurs économies. Elles manifesteraient enfin avec éclat la solidarité européenne en permettant sans doute de hisser l’euro au premier rang des monnaies internationales.
Mais, précisément parce qu’elle est la plus chargée de promesses, cette ambition ne saurait être gâchée par la précipitation.
Elle requiert en effet la satisfaction de nombreux préalables, liés en particulier à la réduction des écarts de compétitivité et à la consolidation de la crédibilité budgétaire, sans lesquels les eurobonds sont voués à l’échec.
Pour réussir, les obligations européennes ne devront ainsi être mobilisées qu’au service de l’avenir, par exemple en étant limitées au financement des seules dépenses d’infrastructure, de recherche, de formation et d’éducation assumées par les États membres et en étant assorties de mécanismes incitatifs modulant par exemple les taux d’intérêt ensuite refacturés aux États en fonction des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs communs.
Ici encore, la France et l’Allemagne peuvent dès à présent fixer clairement les bornes et les perspectives du débat, en renonçant aux réflexes idéologiques pour le plus grand profit du projet européen qu’elles ont la rude et exaltante tâche d’inspirer.
Mais l’industrie et la compétitivité ne dépendent pas seulement de l’abondance des investissements.
Elles requièrent un environnement favorable, qui touche à tous les aspects de l’action publique, dans lesquels l’Union européen dispose dès à présent de leviers prometteurs qu’elle doit savoir mieux solliciter au bénéfice de tous ses États membres.
Une entente audacieuse sur ces sujets est possible avec l’Allemagne, elle aussi confrontée à l’impératif de l’industrialisation.
On oublie en effet trop souvent combien notre partenaire, aux réussites commerciales si éclatantes, reste soumis aux défis de la mondialisation auxquels le cœur de son économie demeure particulièrement exposé.
Depuis une trentaine d’années, en effet, les moteurs de la croissance outre-Rhin sont étonnamment stables, centrés sur la métallurgie, la construction mécanique en particulier de machines-outils, la construction automobile, les composants électriques et les produits chimiques et pharmaceutiques. Les tentatives de diversification dans les nouvelles technologies au tournant des années 1990 n’ont pas abouti et nos voisins n’ont réussi qu’une percée modeste dans les hautes technologies. Au total, leur appareil productif, robuste et bénéficiant d’une redoutable qualité, apparaît « classique » et donc à la portée des efforts immédiats des pays émergents, sans que des relais de croissance, à l’exception notable et prometteuse des énergies renouvelables, ne soient encore pleinement déployés.
Dans le même temps, la stratégie d’abaissement continuel des prix de revient, moins assise sur des gains de productivité, dans l’ensemble modestes, que sur une forte compression des salaires et des droits sociaux, atteint dès à présent de fortes limites, comme le montre notamment la montée des revendications salariales dans les secteurs les plus dynamiques. La captation des gains par les profits des entreprises, essentielle à la restauration de leurs marges, ne peut elle non plus indéfiniment se perpétuer, sauf à compromettre la qualité du modèle social rhénan.
Dans ce contexte, tous les pays de l’Union ont à gagner d’une stratégie ambitieuse de compétitivité et de croissance.
Trois grands programmes, depuis longtemps pilotés par l’Union européenne, se trouvent à la confluence des besoins de compétitivité de l’Europe. Ils peuvent tous les trois être réorientés aux nouveaux défis, sans qu’il soit besoin d’opérer une « révolution juridique » que l’urgence nous interdit.
– Le premier est évidemment le marché unique, l’une des conquêtes les plus précieuses des Communautés.
Longtemps construit dans une logique « négative » visant à abattre les freins nationaux à l’émergence d’une saine concurrence à l’échelle de l’Union et dans cet esprit trop souvent focalisé sur les grands groupes, le marché unique doit désormais affirmer une ambition intégrative pour mieux encourager l’innovation, le rassemblement des forces de nos entreprises nationales et la protection du tissu de nos PME indispensables à la prospérité et à l’emploi.
Dans cet esprit, les douze priorités identifiées par la Commission européenne dans sa communication du 13 avril 2011 « Acte pour le marché unique » constituent des pistes prometteuses, en particulier en direction des PME avec la simplification administrative et l’élargissement de l’accès aux marchés publics, et en soutien de l’innovation grâce à l’extension des investissements des fonds de capital risque établis dans un État vers les autres pays ou l’édiction dès 2013 des premiers brevets européens dans le cadre de la coopération renforcée lancée en 2011.
– La recherche constitue la deuxième politique européenne qu’il est urgent de moderniser, sous l’inspiration, là encore, des impératifs de mutualisation des efforts et de simplification administrative.
Afin de dégager les indispensables économies d’échelle à la mesure des forces de nos principaux concurrents, il nous faut renforcer l’articulation entre le huitième programme de recherche et de développement européen (PCRD 2014-2020) et la stratégie Europe 2020, en mutualisant efficacement les efforts de recherche des pays qui possèdent des centres de recherche pluridisciplinaires d’excellence.
En parallèle, dans la logique de cluster qui déploie ses succès chez nos partenaires américains, la formation rapide de pôles d’excellence transnationaux associant recherche publique, universités et entreprises doit être encouragée, grâce notamment au rapprochement du statut des chercheurs européens.
– Enfin, le troisième grand outil de l’Union, la politique de cohésion, doit être profondément repensé en l’adaptant au défi de la compétitivité sans laquelle des zones entières de l’Europe courent le risque de la désertification industrielle et économique, et les programmes structurels celui de se muer en éternelles subventions à fonds perdus dans des régions piégées dans le cercle vicieux du déclin.
À cette fin, deux directions pourraient utilement être explorées.
La première, qui passe par la flexibilisation de l’affectation des fonds en permettant de mobiliser les crédits mal consommés ou confrontés à des résultats insuffisants au service des grandes priorités conjoncturelles, a d’ores et déjà été empruntée par le Conseil européen du 30 janvier dernier qui a décidé de redéployer 82 milliards d’euros de reliquats de fonds non utilisés au service de l’emploi des jeunes et du développement des petites et moyennes entreprises.
Dans le cadre de la négociation sur les futures perspectives financières 2014-2020, il serait tout aussi opportun de revoir la pertinence des actions entreprises au nom de l’objectif de « compétitivité », qui prêtent encore trop souvent le flanc à la critique du saupoudrage, et de promouvoir la création d’un objectif intermédiaire entre celui-ci et la « convergence », afin de permettre aux régions certes développées mais confrontées aux menaces de la désindustrialisation de financer des projets bénéficiant d’une taille critique apte à peser sur la structure économique locale.
Ces progrès dans chacune des grandes politiques de l’Union seraient de nature à conforter l’ensemble des piliers de la compétitivité. Toutefois, force est de reconnaître qu’ils ne peuvent, par nature, être à la mesure du défi qu’impose à l’Europe l’apparition brutale et irrésistible des nouveaux géants économiques.
L’Union doit désormais accepter, pour protéger ses peuples, de jouer enfin à armes égales dans une compétition mondiale exacerbée. Et elle doit avoir le courage de briser deux tabous qui continuent à nous handicaper dans une mondialisation moins policée que ne le rêvent parfois nos représentants à Bruxelles.
– Le premier concerne la conception européenne presque « sacralisée » de la concurrence.
Le modèle étatiste qui étaye avec force l’extraordinaire développement des pays émergents bouscule les conceptions traditionnelles du commerce internationale et rend chaque jour plus contestables les contrôles sourcilleux, intransigeants et technocratiques que la Commission européenne imposent aux aides d’État et aux concentrations des entreprises.
Une politique de la concurrence mieux adaptée aux enjeux du XXIème siècle appelle de réformes profondes.
Celles-ci pourraient d’abord concerner nos procédures, grâce à la création d’un commissaire unique chargé à la fois de la concurrence et de l’industrie et l’introduction d’une possibilité de recours devant le Conseil européen, statuant par consensus, des condamnations d’aides d’État prononcées par la Commission européenne.
Surtout, une politique industrielle ambitieuse nous invite à réfléchir à la mise en place d’une clause d’alignement, permettant d’autoriser des aides plus importantes lorsqu’il est établi qu’un pays concurrent non européen obtient davantage de financement dans le même domaine industriel. Dans un même esprit, plus peut-être fait pour encourager la Banque européen d’investissement à soutenir les grands projets d’avenir et faire émerger les Airbus de demain.
– Le second grand tabou qu’il apparaît aujourd’hui possible de lever obère notre politique commerciale, là encore compétence exclusive de l’Union.
Nous ne pouvons plus tolérer que nos entreprises, soumises à de redoutables mais nécessaires contraintes sociales, sanitaire et environnementales, subissent chaque jour la concurrence déloyale de compétiteurs bien moins respectueux de leurs obligations envers leurs peuples et la planète.
La question de la préférence communautaire, qui n’est qu’un principe de réciprocité loyale en matière sociale et environnementale, doit être abordée avec lucidité et courage, dans son enceinte légitime qu’est l’Organisation mondiale du commerce.
De manière plus immédiatement opérationnelle, la proposition française d’une taxe carbone aux frontières, juste rééquilibrage des efforts fournis pour le bien collectif de notre planète, doit constituer l’une des priorités de l’Europe, sans laquelle nous prenons le risque de réduire à néant les dividendes de notre lutte exemplaire contre le changement climatique si, d’aventure, l’industrie désertait nos côtes pour s’installer dans des pays où l’écologie demeure embryonnaire.
Ces avancées ambitieuses, sur lesquelles la France et l’Allemagne peuvent s’entendre, ne sauraient naturellement prétendre rallier rapidement tous nos partenaires européens.
Attendre l’assentiment préalable unanime, c’est se condamner à l’impuissance. Et, paradoxalement, aller de l’avant, mêmes seuls dans un premier temps, c’est sans doute se donner les meilleures chances, par l’exemplarité des résultats, de rassembler ensuite le plus grand nombre derrière soi.
L’exemple du traité sur la stabilité, auquel la voie des traités européens était fermée par l’opposition d’un seul, est révélateur : il a suffi que la France et l’Allemagne affirment sans ambiguïté leur détermination à avancer pour que décident de participer au projet vingt-cinq de leurs partenaires, parvenant, en moins d’un mois, à lancer, en mettant un terme à l’imprévoyance budgétaire, l’une des œuvres les plus spectaculaires de la construction européenne.
De toute évidence, la zone euro, qui a d’ores et déjà forgé de nombreux instruments spécifiques sans relâcher les liens qui l’unissent à l’Union à vingt-sept et en ménageant toute leur place, nécessaire et éminente, aux institutions européennes, est vouée à constituer le noyau dur d’une intégration renforcée.
Le traité sur la stabilité en prend d’ailleurs acte, en relevant dans son vingt-et-unième considérant « la volonté des parties contractantes de recourir plus activement à la coopération renforcée » qui permet à neuf États membres au moins, sur proposition de la Commission européenne et après l’approbation du Conseil, de choisir d’avancer en commun.
Et la convergence fiscale, condamnée dans l’Union à vingt-sept à la paralysie par la contrainte de l’unanimité alors qu’elle est plus incontournable que jamais face au caractère inacceptable qu’a pris le dumping fiscal qui érode les ressources d’États désormais exsangues, doit naturellement devenir le champ prioritaire de ces coopérations, à partir de l’harmonisation fondatrice des bases de l’impôt sur les société que la France et l’Allemagne ont clairement choisi d’engager dès 2013.
Dans un même esprit, la taxe sur les transactions financières doit voir rapidement le jour, sur la base d’un groupe pionnier, pour donner au monde une nouvelle preuve de la volonté déterminée de l’Europe de reconstruire les bases d’une économie de justice et de compétitivité.
Ce nouvel élan fédéral que pourraient incarner les propositions détaillées supra n’est toutefois possible que s’il rencontre le soutien et la mobilisation des peuples.
En se saisissant des politiques économiques, et donc des instruments décisifs du destin commun, l’Union ne peut plus différer son rendez-vous avec ses peuples. Cette exigence démocratique suppose, comme il a été vu supra, de répondre aux besoins de protection et de croissance qui, partout en Europe, se font plus impérieux chaque jour.
Mais elle implique aussi de donner aux citoyens toute leur place dans la formation des normes communes.
Car le déficit démocratique, c’est le déficit de la visibilité, et c’est le déficit du choix.
■ La démocratie repose en effet intensément sur l’existence d’un débat public et sur l’incarnation des décisions, afin que chaque citoyen identifie clairement les enjeux et les responsabilités et puisse demander des comptes.
Dans cette volonté de donner à l’Union le débat public transnational qui lui manque tant, sans rouvrir la boîte de Pandore des interminables révisions institutionnelles, votre rapporteur plaide depuis longtemps pour l’organisation informelle d’un grand « État de l’Union » au cours duquel, après avoir entendu le Président du Conseil européen, le Président de la Commission et les grands acteurs européens, parlementaires nationaux et députés européens discuteraient ensemble des grandes priorités de l’action commune.
Dans un même esprit de « personnification » de l’Europe, et là encore sans aller jusqu’à la proposition audacieuse de nos partenaires allemands de la CDU d’organiser l’élection au suffrage universel du Président de la Commission européenne qui passe par la redoutable étape de la révision des traités, il serait possible de donner rapidement un « président » à l’Europe en confiant la responsabilité de diriger la Commission européenne et celle de présider le Conseil européen à une seule et même personne.
Cette simplification et cette promotion à la tête de l’Union d’un réel leader ont en effet été expressément envisagées par les participants à la Convention de 2002 et 2003, qui ont veillé à ce que les traités n’interdisent pas le cumul des deux fonctions. Votre rapporteur a engagé le débat sur cette proposition dès les débuts du débat institutionnel au sein de la Convention et l’a ensuite largement développée(2).
■ Mais la démocratie, c’est aussi et surtout la décision du peuple, appelé à trancher sur les alternatives fondamentales qui s’offrent à son destin.
Et l’Europe souffre ici de ce qui fait paradoxalement sa force : sa prodigieuse capacité à forger des consensus entre des options parfois divergentes, qu’elles divisent des États ou des courants d’opinion.
Cependant, cette aptitude à faire naître des compromis pour incarner l’intérêt général de l’Union peut aussi détourner les citoyens déçus du peu de prise qu’ils conservent sur la détermination des voies de leur avenir.
L’image trop colportée d’un Bruxelles indifférent aux préoccupations des peuples, promouvant un agenda d’autant plus inquiétant qu’il n’est tranché par personne, et imposant des décisions qui exercent, comme dans les pays sous assistance financière, des conséquences décisives sur les conditions de vie, pourrait attribuer aux efforts démocratiques les artifices d’un trompe-l’œil.
Cela n’est pas une fatalité : la recherche du compromis, l’aiguillon du consensus forment le quotidien de l’essentiel des Gouvernements européens. Mais la quête exigeante de l’intérêt général n’est pleinement légitime que si le peuple est régulièrement appelé à trancher sur les grandes formes de l’action publique que chacun en déduit.
Or l’Europe manque aujourd’hui cruellement d’élections à proprement parler politiques. Les élections du Parlement européen sont, chacun le sait, une multiplication de tests politiques nationaux, d’ailleurs d’une amplitude d’autant plus faible qu’une majorité d’électeurs s’en détourne traditionnellement.
Il n’est pas inéluctable qu’il en reste ainsi.
Il serait possible, presque aisé, de faire des élections de 2014 le rendez-vous de l’Europe avec ses peuples. De donner à chacun la faculté de choisir entre plusieurs options essentielles de l’activité législative de l’Union. De proposer à tous des alternatives claires sur les grandes questions à l’ordre du jour de l’Europe. De faire une campagne réellement européenne, pas une addition de revanches locales.
Mais pour cela, les partis politiques européens ont un rôle irremplaçable. Eux seuls ont les moyens d’organiser, au-delà des frontières, des débats portant sur l’objet des élections : l’avenir de l’Union.
Et pour y parvenir, deux conditions doivent être remplies, à la satisfaction desquelles il faut s’atteler dès à présent : désigner clairement le nom du candidat du parti à la présidence de la Commission qui sera investi par le prochain Parlement européen ; définir une plate-forme de campagne lisible, répondant à l’ensemble des grandes questions qui se posent à l’Europe. Le parti populaire européen avait fait cet effort en 2009, sans malheureusement trouver de l’autre côté de l’échiquier politique un travail aussi abouti. Il est temps, dès à présent, de se remettre à l’ouvrage pour ne pas gâcher l’opportunité de 2014.
C’est évidemment le travail des parlementaires européens et des futurs candidats. Mais je crois que les parlementaires nationaux, par leur expérience incontournable dans la politisation de la démocratie, peuvent leur apporter une aide précieuse. C’est dans cet esprit que votre rapporteur suggère aux grands partis européens d’organiser dès à présent des grands congrès des parlementaires européens et français partageant leur sensibilité pour réfléchir aux grandes orientations de leurs futurs programmes européens pour les élections de 2014.
La Commission s’est réunie le 6 mars 2012, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.
« Le Président Pierre Lequiller. J’ai souhaité, en cette fin de législature, établir pour notre Commission un rapport présentant les spectaculaires progrès accomplis dans l’édification d’un Gouvernement économique européen, en insistant particulièrement sur le rôle décisif qu’y a joué le couple franco-allemand, avant de dégager quelques propositions pour concrétiser rapidement les politiques européennes et assumer l’élan intégrateur que je crois indispensable.
Compte tenu de l’heure tardive, je ne suis pas en mesure de vous présenter de façon complète ce rapport. La présentation d’ensemble que je comptais faire aujourd’hui vous sera transmise, ainsi que le projet de rapport, pour observations éventuelles avant publication.
Si, comme l’affirmait de Jean Monnet, « l’Europe se fera dans la crise et sera la somme des réponses apportées à ces crises », la somme est aujourd’hui impressionnante, dans un temps qui n’apparaît court que face à l’extraordinaire célérité, pour le pas dire la précipitation, des marchés financiers.
Qui aurait pu imaginer, à l’automne 2008, que l’on puisse en effet parler aujourd’hui d’un véritable « Gouvernement économique européen » ? Que chaque État accepte désormais de soumettre l’ensemble de ses choix économiques à l’évaluation de ses pairs ? Que cinq cents milliards d’euros – cinq fois le budget européen ! – soient désormais sur la table pour concrétiser la solidarité européenne et fournir l’assistance d’urgence dont ont besoin les pays les plus fragiles ? Que la perspective, tant attendue et tant retardée, de l’équilibre des finances publiques, c’est-à-dire de rendez-vous de la responsabilité envers les générations futures, soit désormais crédible, et bientôt sanctuarisée dans le cœur même des lois fondamentales de nos nations ?
Nous avons en effet du reprendre, dans l’urgence, le chantier de la constitution d’une réelle Union monétaire et économique que nous avions imprudemment interrompu en 1992, en constituant pas à pas chacun des grands piliers indispensables à la stabilité de notre zone et à la reprise en main de notre destin, celui de la solidarité avec le traité instituant le mécanisme européen de stabilité, ratifié par notre Assemblée le 22 février dernier qui a parachevé la construction de notre indispensable « pare-feu » collectif sans lequel les difficultés d’un seul pouvaient, par la contagion rapide de la défiance, contaminer en quelques mois tous les autres.
Le second pilier, inséparable du premier, est la responsabilité.
Puisque nous acquittons tous le prix de l’impéritie des uns, le renforcement des disciplines budgétaires est incontournable.
Mais il est faux de croire que cette discipline est le prix de l’Europe. C’est notre intérêt, et l’avenir de nos enfants qui commandent que nous nous libérions vite de cette hypothèque que constituent nos dettes publiques hypertrophiées.
Dans cet esprit, la vaste réforme des règles communes entamées en 2010 est sans doute le gage le plus précieux de notre prospérité future. J’en décris, dans le rapport, les principaux aspects, matérialisés dans la réforme du pacte de stabilité, le « six pack », en vigueur depuis le 13 décembre dernier, renforcés dans les nouvelles propositions de la Commission européenne du « two pack » adopté par le Conseil en février, et surtout parachevé par le traité de stabilité signé le 1er mars par les Vingt-cinq.
Grâce à ces textes cohérents, l’Europe dispose d’un vrai mécanisme de surveillance des déséquilibres macroéconomiques, dont l’absence a tant fait pour laisser les économies européennes diverger dans les années 2000.
Solidarité et responsabilité forment les préalables indispensables du Gouvernement économique. Mais gouverner, c’est agir, c’est mobiliser les forces nationales vers la poursuite d’objectifs communs et cohérents.
Ce troisième pilier, celui de l’ambition économique et d’un développement durable, est sans doute le plus prometteur.
Il passe d’abord par le semestre européen, dont nous avons déjà beaucoup discuté ici. Je me bornerai ici seulement à rappeler que les nouvelles propositions du two packs de la Commission européenne renforcent sa cohérence en permettant à celle-ci de formuler, lorsqu’elle l’estime nécessaire, des avis voire des recommandations sur les projets de budget nationaux à l’automne.
Mais la convergence des politiques appellent aussi qu’un « poste de pilotage » commun soit mis en place. Ici réside l’un des apports essentiels, mais trop méconnu, du traité sur la stabilité qui institutionnalise la pratique des sommets de la zone euro, les dote d’un président permanent, et encourage les Etats à recourir activement à tous les outils de leur convergence, en particulier grâce aux coopérations renforcées. Ce Gouvernement a d’ailleurs pris dès fin janvier sa première décision d’ampleur, en décidant d’affecter le reliquat de 80 milliards d’euros de fonds structurels non consommés aux priorités décisives que sont l’emploi des jeunes et les PME.
Ce tableau trop rapidement dessiné est impressionnant. J’expose dans le rapport le rôle incontournable qu’y a assumé le couple franco-allemand, en profitant pour vous présenter les éléments originaux de la « méthode franco-allemande », assise sur une coordination permanente au sommet et sur l’étroit maillage d’une coopération qui s’étend jusqu’aux administrations et aux sociétés civiles.
Je montre d’ailleurs qu’elle embrasse aussi l’activité parlementaire, grâce au véritable « réflexe de coopération » qui unit désormais nos deux assemblées et dont le groupe de travail sur la gouvernance économique achevé en février 2012 donne un exemple éloquent.
Mais je veux rappeler que le travail n’est pas achevé. L’ampleur même des progrès accomplis au cours des dernières années nous interdit de nous arrêter en chemin. Le risque existe que, l’orage passé, abrités derrière les puissants boucliers forgés ces dernières années, certains succombent à la tentation de revenir aux solutions du passé, aux demi-mesures et aux égoïsmes nationaux.
L’expérience nous commande de conjurer ce risque et d’écarter résolument la voie de l’insouciant repli sur soi s’était développé chez certains États dans les années 2000.
Les temps ont en effet profondément changé. On voit aujourd’hui quel fut le prix à payer pour nos retards et nos hésitations dans l’édification d’un gouvernement économique européen. Il deviendrait tout simplement inacceptable si, d’aventure, nous devions relâcher l’effort à la première éclaircie.
Car le monde de 2012 n’est pas celui de 1992.
Des puissances économiques impressionnantes ont émergé, dessinant une lutte économique de géants dans laquelle nos frêles nations ne pèsent rien. Face à de tels concurrents, une Europe désunie est vouée au déclin.
L’effort nécessaire d’assainissement a des conséquences sociales importantes : l’explosion du chômage dans certains pays de l’Union, acculés en urgence au rétablissement des équilibres, menace dangereusement leur cohésion sociale. Ils alimentent les illusions mortifères des replis nationalistes dont les scores croissants obtenus dans toutes les élections nationales par l’extrême droite scandent les progrès. La vaste majorité des électeurs comprend bien, fort heureusement, que cette voie est une impasse, et que la maîtrise des armes de son destin passe inéluctablement par l’Europe. Mais cette conscience commande que succèdent vite, aux évidences des impuissances nationales, les preuves de l’efficacité de l’Union et les perspectives d’une union politique renouvelée.
C’est pourquoi il me semble essentiel de débattre dès à présent de cet élan renouvelé pour les années à venir si nous voulons que l’Europe réponde efficacement aux défis qui sont devant elle.
Donner à l’Union la force d’un projet d’envergure, dans la durée, bâti avec les nouveaux instruments dont nous avons su nous doter, fait peser une responsabilité cardinale sur la France et l’Allemagne qui sont, qu’on le veille ou non, les deux grands dépositaires de l’imagination et de l’initiative en Europe.
Dans cet esprit, je formule dès à présent des propositions qui me semblent pouvoir recueillir l’assentiment de notre grand partenaire, et dont je souhaite qu’elles nourrissent un débat que je crois urgent de lancer.
Il nous faut d’abord, et rapidement, parachever le Gouvernement économique européen, en renforçant son ancrage démocratique.
Le rôle de pilotage reconnu au Conseil européen, donc aux autorités ultimes des États, est certes un gage démocratique décisif.
Toutefois, la démocratie s’incarne aussi dans la transparence et la délibération contradictoire que, seuls, apportent les parlements. Il est donc indispensable que nos assemblées soient collectivement parties prenantes de la nouvelle gouvernance, en lien avec le Parlement européen.
Cela implique d’abord que nous renforcions nos procédures internes de contrôle. Beaucoup a été fait, avec le vote sur le programme de stabilité et l’adoption d’une résolution sur les recommandations formulées par la Commission. Mais nous pouvons aller plus loin, par exemple en discutant aussi en séance publique, chaque année, des grandes orientations des politiques économiques fixées par le Conseil européen et aussi en faisant un bilan régulier du fonctionnement du mécanisme européen de stabilité.
Toutefois, pour peser réellement sur les choix de l’Union, il faut agir en commun.
Grâce à notre travail de conviction, le traité sur la stabilité prévoit l’organisation par les parlements nationaux et le Parlement européen de la Conférence budgétaire que notre Assemblée avait proposée. Il faut rapidement la concrétiser. J’ai depuis longtemps fait quelques propositions :
– il m’apparaît en particulier important qu’elle se réunisse notamment au printemps, pour débattre des programmes de stabilité et de réforme déposés par les Etats membres, et à l’automne, pour débattre à la fois des priorités des politiques économiques pour l’année suivante et des éventuels avis que la Commission pourrait donner sur certains budgets nationaux ;
– j’estime enfin opportun que la conférence se saisisse aussi, compte tenu de l’ampleur des capitaux et des garanties fournis par les Etats, du contrôle des mécanismes européens de stabilité, par exemple en se dotant d’un « bureau », composé de deux parlementaires par Etat de la zone euro et de deux eurodéputés, qui se réunirait par exemple en visioconférence avant le lancement des programmes d’assistance ou le versement des grandes tranches d’aide.
Sur ces fondements démocratiques, il nous faut désormais mobiliser les forces de l’Europe pour répondre aux défis de l’industrialisation et de la mondialisation.
Cela suppose d’avancer sur la question des obligations européennes. Mais si nous voulons convaincre nos partenaires allemands, la lucidité commande d’être clairs et précis, de ne pas mélanger les concepts. Des eurobonds qui seraient les simples supplétifs des dettes nationales forment une impasse dans laquelle l’Allemagne ne peut, à raison, accepter de s’engager. Une mutualisation, même partielle, de l’endettement ne pourrait s’envisager qu’au terme de l’édification complète du gouvernement économique européen et de la convergence budgétaire.
Pour autant, le besoin d’investissement devant nous appelle une contribution de l’Europe, vierge de tout endettement. Je crois qu’il serait possible d’avancer dans la voie de project bonds concentrés vers les dépenses d’avenir, d’abord sur les traces des project bonds que la Commission européenne a proposées cet automne. Mais avant même cette perspective, l’Union dispose des moyens d’avancer.
Je propose ainsi des mesures concrètes lui permettant de réorienter ses programmes traditionnels, sur le marché unique, sur la recherche et sur les fonds structurels, pour mieux protéger nos PME, coordonner nos efforts d’innovation et soutenir les régions confrontées au risque de la désindustrialisation.
Je suggère surtout de remettre en cause les deux grands tabous des politiques européennes, en assouplissant notre politique de la concurrence et en acceptant de jouer enfin à armes égales dans la compétition mondiale grâce au développement de la préférence communautaire et à l’introduction rapide d’une taxe carbone aux frontières de l’Union.
Ce nouvel élan fédéral n’est toutefois possible que s’il rencontre le soutien et la mobilisation des peuples. Le déficit démocratique n’est plus acceptable dans une Europe qui se saisit des leviers fondamentaux de l’avenir des peuples.
Or, la démocratie, c’est d’abord le débat, clair et compréhensible pour tous.
Des progrès importants peuvent ici être faits, sans qu’il soit besoin de rouvrir la boîte de pandore des traités. Pour incarner l’Europe, je propose depuis longtemps que nous organisions un grand « état de l’Union » au cours duquel parlementaires nationaux et européens discuteraient ensemble, une fois l’an, des grandes priorités de l’action commune. La Conférence budgétaire prévue dans le traité de stabilité est un pas important dans ce sens.
Dans un même esprit, sans aller jusqu’à l’audacieuse proposition de la CDU d’élire le président de la Commission européenne au suffrage universel, il serait possible à terme de donner enfin un visage à l’Europe en confiant la président du Conseil européenne et celle de la Commission à une seule et même personne. Ce serait possible sans révision du traité.
Mais la démocratie, c’est la décision du peuple, sa capacité à trancher sur les alternatives fondamentales qui s’offrent à lui.
Nous n’avons pas encore réussi à faire des élections européennes un moment où les peuples décident clairement des orientations politiques de l’Union. La faible participation de nos concitoyens à ce rendez-vous européen en est la marque.
Nous devons tous faire des progrès, pour nous donner les moyens de ne pas rater le rendez-vous de 2014, où chacun des grands partis devra présenter un programme clair, et désigner son candidat à la présidence de la Commission. C’est la condition pour que l’Europe trouve une légitimité à la hauteur des responsabilités que nous avons su lui confier. »
Puis la Commission a autorisé la publication du présent rapport.
ANNEXE 1 :
DISPOSITIONS DU TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE (TUE) ET DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE (TFUE) CITÉES DANS LE PRÉSENT RAPPORT
I. Dispositions relatives à la coordination des politiques économiques
A. Principes
ARTICLE 3 DU TUE
[…]
3. L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. […]
ARTICLE 5 DU TFUE
1. Les États membres coordonnent leurs politiques économiques au sein de l’Union. À cette fin, le Conseil adopte des mesures, notamment les grandes orientations de ces politiques. Des dispositions particulières s’appliquent aux États membres dont la monnaie est l’euro.
2. L’Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l’emploi des États membres, notamment en définissant les lignes directrices de ces politiques.
3. L’Union peut prendre des initiatives pour assurer la coordination des politiques sociales des États membres. »
ARTICLE 119 DU TFUE
1. Aux fins énoncées à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l’action des États membres et de l’Union comporte, dans les conditions prévues par les traités, l’instauration d’une politique économique fondée sur l’étroite coordination des politiques économiques des États membres, sur le marché intérieur et sur la définition d’objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.
2. Parallèlement, dans les conditions et selon les procédures prévues par les traités, cette action comporte une monnaie unique, l’euro, ainsi que la définition et la conduite d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques dont l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l’Union, conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.
3. Cette action des États membres et de l’Union implique le respect des principes directeurs suivants: prix stables, finances publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements stable.
B. Modalités institutionnelles
1. La surveillance multilatérale et la coordination des politiques économiques nationales
ARTICLE 121 DU TFUE
1. Les États membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil, conformément à l’article 120.
2. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, élabore un projet pour les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union et en fait rapport au Conseil européen. Le Conseil européen, sur la base du rapport du Conseil, débat d’une conclusion sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union. Sur la base de cette conclusion, le Conseil adopte une recommandation fixant ces grandes orientations. Le Conseil informe le Parlement européen de sa recommandation.
3. Afin d’assurer une coordination plus étroite des politiques économiques et une convergence soutenue des performances économiques des États membres, le Conseil, sur la base de rapports présentés par la Commission, surveille l’évolution économique dans chacun des États membres et dans l’Union, ainsi que la conformité des politiques économiques avec les grandes orientations visées au paragraphe 2, et procède régulièrement à une évaluation d’ensemble.
Pour les besoins de cette surveillance multilatérale, les États membres transmettent à la Commission des informations sur les mesures importantes qu’ils ont prises dans le domaine de leur politique économique et toute autre information qu’ils jugent nécessaire.
4. Lorsqu’il est constaté, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d’un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 ou qu’elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire, la Commission peut adresser un avertissement à l’État membre concerné. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l’État membre concerné. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider de rendre publiques ses recommandations. Dans le cadre du présent paragraphe, le Conseil statue sans tenir compte du vote du membre du Conseil représentant l’État membre concerné. La majorité qualifiée des autres membres du Conseil se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point a).
5. Le président du Conseil et la Commission font rapport au Parlement européen sur les résultats de la surveillance multilatérale. Le président du Conseil peut être invité à se présenter devant la commission compétente du Parlement européen si le Conseil a rendu publiques ses recommandations.
6. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent arrêter les modalités de la procédure de surveillance multilatérale visée aux paragraphes 3 et 4.
2. La discipline budgétaire
ARTICLE 126 DU TFUE
1. Les États membres évitent les déficits publics excessifs.
2. La Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée, et ce sur la base des deux critères ci-après:
a) si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins:
– que le rapport n’ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence,
– ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu’exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence;
b) si le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne s’approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant.
Les valeurs de référence [3 % du PIB pour le déficit et 60 % du PIB pour la dette] sont précisées dans le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, qui est annexé aux traités.
3. Si un État membre ne satisfait pas aux exigences de ces critères ou de l’un d’eux, la Commission élabore un rapport. Le rapport de la Commission examine également si le déficit public excède les dépenses publiques d’investissement et tient compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’État membre. La Commission peut également élaborer un rapport si, en dépit du respect des exigences découlant des critères, elle estime qu’il y a un risque de déficit excessif dans un État membre.
4. Le comité économique et financier rend un avis sur le rapport de la Commission.
5. Si la Commission estime qu’il y a un déficit excessif dans un État membre ou qu’un tel déficit risque de se produire, elle adresse un avis à l’État membre concerné et elle en informe le Conseil.
6. Le Conseil, sur proposition de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s’il y a ou non un déficit excessif.
7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu’il y a un déficit excessif, il adopte, sans délai injustifié, sur recommandation de la Commission, les recommandations qu’il adresse à l’État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques.
8. Lorsque le Conseil constate qu’aucune action suivie d’effets n’a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations.
9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l’État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation.
En pareil cas, le Conseil peut demander à l’État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d’ajustement consentis par cet État membre.
10. Les droits de recours prévus aux articles 258 et 259 [saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par respectivement la Commission européenne ou chacun des États membres pour manquement d’un État à ses obligations découlant des traités] ne peuvent être exercés dans le cadre des paragraphes 1 à 9 du présent article.
11. Aussi longtemps qu’un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d’appliquer ou, le cas échéant, de renforcer une ou plusieurs des mesures suivantes:
– exiger de l’État membre concerné qu’il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d’émettre des obligations et des titres ;
– inviter la Banque européenne d’investissement à revoir sa politique de prêts à l’égard de l’État membre concerné ;
– exiger que l’État membre concerné fasse, auprès de l’Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d’un montant approprié, jusqu’à ce que, de l’avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ;
– imposer des amendes d’un montant approprié. Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises.
12. Le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions ou recommandations visées aux paragraphes 6 à 9 et 11 dans la mesure où, de l’avis du Conseil, le déficit excessif dans l’État membre concerné a été corrigé. Si le Conseil a précédemment rendu publiques ses recommandations, il déclare publiquement, dès l’abrogation de la décision visée au paragraphe 8, qu’il n’y a plus de déficit excessif dans cet État membre.
13. Lorsque le Conseil prend ses décisions ou recommandations visées aux paragraphes 8, 9, 11 et 12, le Conseil statue sur recommandation de la Commission. Lorsque le Conseil adopte les mesures visées aux paragraphes 6 à 9, 11 et 12, il statue sans tenir compte du vote du membre du Conseil représentant l’État membre concerné. La majorité qualifiée des autres membres du Conseil se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point a).
14. Des dispositions complémentaires relatives à la mise en œuvre de la procédure décrite au présent article figurent dans le protocole sur la procédure applicable en cas de déficit excessif, annexé aux traités.
Le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, arrête les dispositions appropriées qui remplaceront ledit protocole.
Sous réserve des autres dispositions du présent paragraphe, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, fixe les modalités et les définitions en vue de l’application des dispositions dudit protocole.
PROTOCOLE (NO 12) SUR LA PROCÉDURE CONCERNANT LES DÉFICITS EXCESSIFS
LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,
DÉSIREUSES de fixer les modalités de la procédure concernant les déficits excessifs visés à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
SONT CONVENUES des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne:
Les valeurs de référence visées à l’article 126, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont les suivantes:
– 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ;
– 60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché.
À l’article 126 dudit traité et dans le présent protocole, on entend par:
– public: ce qui est relatif au gouvernement général, c’est-à-dire les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l’exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le système européen de comptes économiques intégrés;
– déficit: le besoin net de financement, tel que défini dans le système européen de comptes économiques intégrés;
– investissement: la formation brute de capital fixe, telle que définie dans le système européen de comptes économiques intégrés;
– dette: le total des dettes brutes, à leur valeur nominale, en cours à la fin de l’année et consolidées à l’intérieur des secteurs du gouvernement général tel qu’il est défini au premier tiret.
En vue d’assurer l’efficacité de la procédure concernant les déficits excessifs, les gouvernements des États membres sont responsables, aux termes de la présente procédure, des déficits du gouvernement général tel qu’il est défini à l’article 2, premier tiret. Les États membres veillent à ce que les procédures nationales en matière budgétaire leur permettent de remplir les obligations qui leur incombent dans ce domaine en vertu des traités. Les États membres notifient rapidement et régulièrement à la Commission leurs déficits prévus et effectifs ainsi que le niveau de leur dette.
Les données statistiques utilisées pour l’application du présent protocole sont fournies par la Commission.
3. L’assistance exceptionnelle aux États membres
ARTICLE 122 DU TFUE
1. Sans préjudice des autres procédures prévues par les traités, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie.
2. Lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise.
4. Les dispositions propres aux États membres de la zone euro
a) Questions internes à la zone euro
ARTICLE 136 DU TFUE
1. Afin de contribuer au bon fonctionnement de l’union économique et monétaire et conformément aux dispositions pertinentes des traités, le Conseil adopte, conformément à la procédure pertinente parmi celles visées aux articles 121 et 126, à l’exception de la procédure prévue à l’article 126, paragraphe 14, des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro pour: a) renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire; b) élaborer, pour ce qui les concerne, les orientations de politique économique, en veillant à ce qu’elles soient compatibles avec celles qui sont adoptées pour l’ensemble de l’Union, et en assurer la surveillance.
2. Seuls les membres du Conseil représentant les États membres dont la monnaie est l’euro prennent part au vote sur les mesures visées au paragraphe 1. La majorité qualifiée desdits membres se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point a).
DÉCISION DU CONSEIL EUROPÉEN MODIFIANT L’ARTICLE 136 DU TFUE EN CE QUI CONCERNE UN MÉCANISME DE STABILITÉ POUR LES ÉTATS MEMBRES DONT LA MONNAIE EST L’EURO ADOPTÉE À BRUXELLES LE 25 MARS 2011 :
3. Les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité.
b) Questions relatives à la dimension externe de l’euro
ARTICLE 138 DU TFUE
1. Afin d’assurer la place de l’euro dans le système monétaire international, le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte une décision établissant les positions communes concernant les questions qui revêtent un intérêt particulier pour l’union économique et monétaire au sein des institutions et des conférences financières internationales compétentes. Le Conseil statue après consultation de la Banque centrale européenne.
2. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter les mesures appropriées pour assurer une représentation unifiée au sein des institutions et conférences financières internationales. Le Conseil statue après consultation de la Banque centrale européenne.
3. Seuls les membres du Conseil représentant les États membres dont la monnaie est l’euro prennent part au vote sur les mesures visées aux paragraphes 1 et 2. La majorité qualifiée desdits membres se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point a).
c) Eurogroupe
ARTICLE 137 DU TFUE
Les modalités des réunions entre ministres des États membres dont la monnaie est l’euro sont fixées par le protocole sur l’Eurogroupe.
PROTOCOLE NO 14 SUR L’EUROGROUPE
ARTICLE PREMIER
Les ministres des États membres dont la monnaie est l’euro se réunissent entre eux de façon informelle. Ces réunions ont lieu, en tant que de besoin, pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique. La Commission participe aux réunions. La Banque centrale européenne est invitée à prendre part à ces réunions, qui sont préparées par les représentants des ministres chargés des finances des États membres dont la monnaie est l’euro et de la Commission.
ARTICLE 2
Les ministres des États membres dont la monnaie est l’euro élisent un président pour deux ans et demi, à la majorité de ces États membres.
II. Dispositions relatives à la politique monétaire commune
1. L’interdiction de monétiser la dette publique
ARTICLE 123 DU TFUE
1. Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées «banques centrales nationales», d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés de crédit.
2. Le principe de non prise en charge des engagements des Etats membres
ARTICLE 125 DU TFUE
1. L’Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique.
2. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut, au besoin, préciser les définitions pour l’application des interdictions visées aux articles 123 et 124, ainsi qu’au présent article.
3. Les objectifs de la Banque centrale européenne
ARTICLE 127 DU TFUE
1. L’objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé «SEBC», est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne. Le SEBC agit et en respectant les principes fixés à l’article 119.
2. Les missions fondamentales relevant du SEBC consistent à :
- définir et mettre en œuvre la politique monétaire de l’Union ;
- conduire les opérations de change conformément à l’article 219 ;
- détenir et gérer les réserves officielles de change des États membres ;
- promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement […].
4. L’indépendance de la Banque centrale européenne
ARTICLE 130 DU TFUE
Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions.
III. Dispositions relatives aux coopérations renforcées
ARTICLE 20 DU TUE
1. Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues au présent article, ainsi qu’aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les États membres, conformément à l’article 328 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
2. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins neuf États membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l’article 329 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. […]
ARTICLE 326 DU TFUE
Les coopérations renforcées respectent les traités et le droit de l’Union. Elles ne peuvent porter atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale et territoriale. Elles ne peuvent constituer ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres ni provoquer de distorsions de concurrence entre ceux-ci.
ARTICLE 327 DU TFUE
Les coopérations renforcées respectent les compétences, droits et obligations des États membres qui n’y participent pas. Ceux-ci n’entravent pas leur mise en œuvre par les États membres qui y participent.
ARTICLE 328 DU TFUE
1. Lors de leur instauration, les coopérations renforcées sont ouvertes à tous les États membres, sous réserve de respecter les conditions éventuelles de participation fixées par la décision d’autorisation. Elles le sont également à tout autre moment, sous réserve de respecter, outre lesdites conditions, les actes déjà adoptés dans ce cadre. La Commission et les États membres participant à une coopération renforcée veillent à promouvoir la participation du plus grand nombre possible d’États membres.
2. La Commission et, le cas échéant, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères informent régulièrement le Parlement européen et le Conseil de l’évolution des coopérations renforcées.
ARTICLE 329 DU TFUE
1. Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans l’un des domaines visés par les traités, à l’exception des domaines de compétence exclusive et de la politique étrangère et de sécurité commune, adressent une demande à la Commission en précisant le champ d’application et les objectifs poursuivis par la coopération renforcée envisagée. La Commission peut soumettre au Conseil une proposition en ce sens. Si elle ne soumet pas de proposition, la Commission en communique les raisons aux États membres concernés. L’autorisation de procéder à une coopération renforcée visée au premier alinéa est accordée par le Conseil, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen.
IV. Dispositions relatives à la Banque européenne d’investissement
ARTICLE 309 DU TFUE
La Banque européenne d’investissement a pour mission de contribuer, en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, au développement équilibré et sans heurt du marché intérieur dans l’intérêt de l’Union. À cette fin, elle facilite, par l’octroi de prêts et de garanties, sans poursuivre de but lucratif, le financement des projets ci-après, dans tous les secteurs de l’économie :
a) projets envisageant la mise en valeur des régions moins développées ;
b) projets visant la modernisation ou la conversion d’entreprises ou la création d’activités nouvelles induites par l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur, qui, par leur ampleur ou par leur nature, ne peuvent être entièrement couverts par les divers moyens de financement existant dans chacun des États membres ;
c) projets d’intérêt commun pour plusieurs États membres, qui, par leur ampleur ou par leur nature, ne peuvent être entièrement couverts par les divers moyens de financement existant dans chacun des États membres.
Dans l’accomplissement de sa mission, la Banque facilite le financement de programmes d’investissement en liaison avec les interventions des fonds structurels et des autres instruments financiers de l’Union.
ANNEXE 2:
TRAITÉ SUR LA STABILITÉ, LA COORDINATION ET LA GOUVERNANCE AU SEIN DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
Le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, le Royaume du Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République portugaise, la Roumanie, la République de Slovénie, la République slovaque,la République de Finlande et le Royaume de Suède (ci-après dénommés les « parties contractantes »),
CONSCIENTES de leur obligation, en tant qu’États membres de l’Union européenne, de considérer leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun ;
DÉSIREUSES de favoriser les conditions d’une croissance économique plus forte dans l’Union européenne et, à cette fin, de développer une coordination sans cesse plus étroite des politiques économiques au sein de la zone euro ;
TENANT COMPTE DU FAIT que la nécessité pour les gouvernements de maintenir des finances publiques saines et soutenables et de prévenir tout déficit public excessif est d’une importance essentielle pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble, et requiert dès lors l’introduction de règles spécifiques, dont une règle d’équilibre budgétaire et un mécanisme automatique pour l’adoption de mesures correctives ;
CONSCIENTES de la nécessité de faire en sorte que leur déficit public ne dépasse pas 3 % de leur produit intérieur brut aux prix du marché et que leur dette publique ne dépasse pas 60 % de leur produit intérieur brut aux prix du marché ou diminue à un rythme satisfaisant pour se rapprocher de cette valeur de référence ;
RAPPELANT que les parties contractantes, en tant qu’États membres de l’Union européenne, doivent s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union dans le cadre de l’union économique, et notamment d’accumuler une dette en dehors des comptes des administrations publiques ;
TENANT COMPTE DU FAIT que les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro se sont accordés le 9 décembre 2011 sur une architecture renforcée pour l’Union économique et monétaire, prenant pour base les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée et visant à faciliter la mise en œuvre des mesures adoptées sur la base des articles 121, 126 et 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
TENANT COMPTE DU FAIT que l’objectif des chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro et d’autres États membres de l’Union européenne est d’intégrer le plus rapidement possible les dispositions du présent traité dans les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée ;
SE FÉLICITANT des propositions législatives formulées, le 23 novembre 2011, par la Commission européenne pour la zone euro dans le cadre des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, sur le renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière et sur des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs des États membres, et PRENANT NOTE de l’intention de la Commission européenne de soumettre de nouvelles propositions législatives pour la zone euro concernant, en particulier, l’information préalable sur les plans d’émissions de dette, des programmes de partenariat économique détaillant les réformes structurelles des États membres faisant l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs ainsi que la coordination des grandes réformes de politique économique des États membres ;
EXPRIMANT le fait qu’elles sont disposées à soutenir les propositions que pourrait présenter la Commission européenne afin de renforcer plus encore le pacte de stabilité et de croissance en introduisant, pour les États membres dont la monnaie est l’euro, à une nouvelle marge pour l’établissement d’objectifs à moyen terme, conformément aux limites établies dans le présent traité ;
PRENANT NOTE du fait que, pour l’examen et le suivi des engagements budgétaires au titre du présent traité, la Commission européenne agira dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et en particulier ses articles 121, 126 et 136 ;
NOTANT en particulier que, en ce qui concerne l’application de la "règle d’équilibre budgétaire" énoncée à l’article 3 du présent traité, ce suivi passera par l’établissement, pour chaque partie contractante, d’objectifs à moyen terme spécifiques à chaque pays et de calendriers de convergence, le cas échéant ;
NOTANT que les objectifs à moyen terme devraient être actualisés périodiquement sur la base d’une méthode qui soit convenue d’un commun accord, dont les principaux paramètres doivent également être révisés régulièrement en tenant compte de manière adéquate des risques que font peser les passifs explicites et implicites sur les finances publiques, ainsi qu’il est prévu dans les objectifs du pacte de stabilité et de croissance ;
NOTANT que, pour déterminer si des progrès suffisants ont été accomplis pour réaliser les objectifs à moyen terme, il y a lieu de procéder à une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, conformément aux dispositions du droit de l’Union européenne et, en particulier, au règlement (CE) no 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, modifié par le règlement (UE) no 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 (ci-après dénommé le "pacte de stabilité et de croissance révisé") ;
NOTANT que le mécanisme de correction à instaurer par les parties contractantes devrait viser à corriger les écarts par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement, y compris leurs effets cumulés sur la dynamique de la dette publique ;
NOTANT que le respect de l’obligation des parties contractantes de transposer la "règle d’équilibre budgétaire" dans leurs systèmes juridiques nationaux au moyen de dispositions contraignantes, permanentes et de préférence constitutionnelles, devrait relever de la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne, conformément à l’article 273 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
RAPPELANT que l’article 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne habilite la Cour de justice de l’Union européenne à infliger à un État membre de l’Union européenne qui ne s’est pas conformé à l’un de ses arrêts le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte et RAPPELANT que la Commission européenne a fixé des critères pour déterminer le paiement de la somme forfaitaire ou de l’astreinte devant être infligé dans le cadre dudit article ;
RAPPELANT la nécessité de faciliter l’adoption de mesures dans le cadre de la procédure de l’Union européenne concernant les déficits excessifs à l’égard des États membres dont la monnaie est l’euro et dont le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse 3 %, tout en renforçant considérablement l’objectif de cette procédure, qui est d’inciter et, au besoin, de contraindre l’État membre concerné à réduire le déficit éventuellement constaté ;
RAPPELANT l’obligation, pour les parties contractantes dont la dette publique dépasse la valeur de référence de 60 %, de la réduire à un rythme moyen d’un vingtième par an, à titre de référence ;
TENANT COMPTE de la nécessité de respecter, dans la mise en œuvre du présent traité, le rôle spécifique des partenaires sociaux, tel qu’il est reconnu dans le droit ou les systèmes nationaux de chacune des parties contractantes ;
SOULIGNANT qu’aucune disposition du présent traité ne doit être interprétée comme modifiant de quelque manière que ce soit les conditions de politique économique auxquelles une aide financière a été accordée à une partie contractante dans le cadre d’un programme de stabilisation auquel participe l’Union européenne, ses États membres ou le Fonds monétaire international ;
NOTANT que le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire exige que les parties contractantes œuvrent de concert à une politique économique par laquelle, tout en se fondant sur les mécanismes de coordination des politiques économiques définis dans les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, elles entreprennent les actions et adoptent les mesures nécessaires dans tous les domaines essentiels au bon fonctionnement de la zone euro ;
NOTANT, en particulier, la volonté des parties contractantes de recourir plus activement à la coopération renforcée, telle que prévue à l’article 20 du traité sur l’Union européenne et aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sans porter atteinte au marché intérieur, et leur volonté de recourir pleinement aux mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro, conformément à l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi qu’à une procédure de discussion et de coordination préalables, entre les parties contractantes dont la monnaie est l’euro, de toutes les grandes réformes des politiques économiques que celles-ci prévoient, en vue de prendre comme référence les meilleures pratiques ;
RAPPELANT l’accord des chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro, du 26 octobre 2011, visant à améliorer la gouvernance de la zone euro, notamment par la tenue d’au moins deux sommets de la zone euro par an, lesquels doivent être convoqués, sauf circonstances exceptionnelles, immédiatement après les réunions du Conseil européen ou les réunions des parties contractantes qui ont ratifié le présent traité ;
RAPPELANT également l’adoption par les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro et d’autres États membres de l’Union européenne, le 25 mars 2011, du pacte pour l’euro plus, qui recense les questions essentielles à la promotion de la compétitivité dans la zone euro ;
SOULIGNANT l’importance du traité instituant le mécanisme européen de stabilité en tant qu’élément d’une stratégie globale visant à renforcer l’Union économique et monétaire, et FAISANT REMARQUER que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du mécanisme européen de stabilité sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du présent traité par la partie contractante concernée et, dès l’expiration du délai de transposition visé à l’article 3, paragraphe 2, du présent traité, au respect des exigences dudit article ;
NOTANT que le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande sont des parties contractantes dont la monnaie est l’euro et que, à ce titre, ils seront liés par le présent traité à compter du premier jour du mois suivant le dépôt de leur instrument de ratification si le traité est en vigueur à cette date ;
NOTANT ÉGALEMENT que la République de Bulgarie, le Royaume de Danemark, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la Hongrie, la République de Pologne, la Roumanie et le Royaume de Suède sont des parties contractantes qui, en tant qu’États membres de l’Union européenne, font l’objet d’une dérogation à la participation à la monnaie unique à la date de signature du présent traité, et qu’ils peuvent uniquement être liés, tant qu’il n’est pas mis fin à cette dérogation, par les dispositions des titres III et IV du présent traité pour lesquelles ils déclarent, lors du dépôt de leur instrument de ratification ou à une date ultérieure, qu’ils ont l’intention d’être liés,
SONT CONVENUES DES DISPOSITIONS SUIVANTES :
TITRE I
OBJET ET CHAMP D’APPLICATION
ARTICLE 1
1. Par le présent traité, les parties contractantes conviennent, en tant qu’États membres de l’Union européenne, de renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro, en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de croissance durable, d’emploi, de compétitivité et de cohésion sociale.
2. Le présent traité s’applique intégralement aux parties contractantes dont la monnaie est l’euro. Il s’applique également aux autres parties contractantes, dans la mesure et selon les conditions prévues à l’article 14.
TITRE II
COHÉRENCE ET RELATION AVEC LE DROIT DE L’UNION
ARTICLE 2
1. Le présent traité est appliqué et interprété par les parties contractantes conformément aux traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, et en particulier l’article 4, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, ainsi qu’au droit de l’Union européenne, y compris le droit procédural lorsqu’il y a lieu d’adopter des actes de droit dérivé.
2. Le présent traité s’applique dans la mesure où il est compatible avec les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée et avec le droit de l’Union européenne. Il ne porte pas atteinte aux compétences conférées à l’Union pour agir dans le domaine de l’union économique.
TITRE III
PACTE BUDGÉTAIRE
ARTICLE 3
1. Outre leurs obligations au titre du droit de l’Union européenne et sans préjudice de celles-ci, les parties contractantes appliquent les règles énoncées au présent paragraphe :
a) la situation budgétaire des administrations publiques d’une partie contractante est en équilibre ou en excédent ;
b) la règle énoncée au point a) est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut aux prix du marché. Les parties contractantes veillent à assurer une convergence rapide vers leur objectif à moyen terme respectif. Le calendrier de cette convergence sera proposé par la Commission européenne, compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques de chaque pays. Les progrès réalisés en direction de l’objectif à moyen terme et le respect de cet objectif font l’objet d’une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, conformément au pacte de stabilité et de croissance révisé ;
c) les parties contractantes ne peuvent s’écarter temporairement de leur objectif respectif à moyen terme ou de la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation qu’en cas de circonstances exceptionnelles, telles que définies au paragraphe 3, point b) ;
d) lorsque le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché est sensiblement inférieur à 60 % et lorsque les risques pour la soutenabilité à long terme des finances publiques sont faibles, la limite inférieure de l’objectif à moyen terme telle que définie au point b) peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d’au maximum 1,0 % du produit intérieur brut aux prix du marché ;
e) un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l’obligation pour la partie contractante concernée de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée.
2. Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l’entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. Les parties contractantes mettent en place, au niveau national, le mécanisme de correction visé au paragraphe 1, point e), sur la base de principes communs proposés par la Commission européenne et concernant en particulier la nature, l’ampleur et le calendrier des mesures correctives à mettre en œuvre, y compris en cas de circonstances exceptionnelles, ainsi que le rôle et l’indépendance des institutions chargées, au niveau national, de vérifier le respect des règles énoncées au paragraphe 1.
Ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux.
3. Aux fins du présent article, les définitions énoncées à l’article 2 du protocole (no 12) sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités de l’Union européenne, sont applicables.
Par ailleurs, les définitions suivantes sont également applicables aux fins du présent article :
a) le "solde structurel annuel des administrations publiques" signifie le solde annuel corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires ;
b) les "circonstances exceptionnelles" font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visée dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l’écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme.
ARTICLE 4
Lorsque le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut d’une partie contractante est supérieur à la valeur de référence de 60 % visée à l’article 1er du protocole (nº 12) sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités de l’Union européenne, ladite partie contractante le réduit à un rythme moyen d’un vingtième par an, à titre de référence, ainsi que le prévoit l’article 2 du règlement (CE) no 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, modifié par le règlement (UE) no 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011. L’existence d’un déficit excessif dû au non-respect du critère de la dette sera décidée conformément à la procédure prévue à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
ARTICLE 5
1. Une partie contractante qui fait l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs en vertu des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, met en place un programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à établir et à mettre en œuvre pour assurer une correction effective et durable de son déficit excessif. Le contenu et la forme de ces programmes sont définis dans le droit de l’Union européenne. Leur présentation pour approbation au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne ainsi que leur suivi auront lieu dans le cadre des procédures de surveillance existantes en vertu du pacte de stabilité et de croissance.
2. La mise en œuvre du programme de partenariat budgétaire et économique et des plans budgétaires annuels qui s’y rattachent, fera l’objet d’un suivi par le Conseil de l’Union européenne et par la Commission européenne.
ARTICLE 6
En vue de mieux coordonner la planification de leurs émissions de dette nationale, les parties contractantes donnent à l’avance au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne des indications sur leurs plans d’émissions de dette publique.
ARTICLE 7
Dans le respect total des exigences procédurales établies par les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, les parties contractantes dont la monnaie est l’euro s’engagent à appuyer les propositions ou recommandations soumises par la Commission européenne lorsque celle-ci estime qu’un État membre de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro ne respecte pas le critère du déficit dans le cadre d’une procédure concernant les déficits excessifs. Cette obligation ne s’applique pas lorsqu’il est établi que, parmi les parties contractantes dont la monnaie est l’euro, une majorité qualifiée, calculée par analogie avec les dispositions pertinentes des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée sans tenir compte de la position de la partie contractante concernée, est opposée à la décision proposée ou recommandée.
ARTICLE 8
1. La Commission européenne est invitée à présenter en temps utile aux parties contractantes un rapport concernant les dispositions adoptées par chacune d’entre elles conformément à l’article 3, paragraphe 2. Si, après avoir donné à la partie contractante concernée la possibilité de présenter ses observations, la Commission européenne conclut dans son rapport que ladite partie contractante n’a pas respecté l’article 3, paragraphe 2, la Cour de justice de l’Union européenne sera saisie de la question par une ou plusieurs parties contractantes. Lorsqu’une partie contractante estime, indépendamment du rapport de la Commission, qu’une autre partie contractante n’a pas respecté l’article 3, paragraphe 2, elle peut également saisir la Cour de justice de cette question. Dans les deux cas, l’arrêt de la Cour de justice est contraignant à l’égard des parties à la procédure, lesquelles prennent les mesures nécessaires pour se conformer audit arrêt dans un délai à déterminer par la Cour de justice.
2. Lorsque, sur la base de sa propre évaluation ou de celle de la Commission européenne, une partie contractante considère qu’une autre partie contractante n’a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice visé au paragraphe 1, elle peut saisir la Cour de justice de l’affaire et demander que des sanctions financières soient infligées selon les critères établis par la Commission européenne dans le cadre de l’article 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Si la Cour de justice conclut que la partie contractante concernée ne s’est pas conformée à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte adaptée aux circonstances et ne dépassant pas 0,1 % de son produit intérieur brut. Les montants dont le paiement est infligé à une partie contractante dont la monnaie est l’euro sont à verser au mécanisme européen de stabilité. Dans les autres cas, les paiements sont versés au budget général de l’Union européenne.
3. Le présent article constitue un compromis entre les parties contractantes au sens de l’article 273 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
TITRE IV
COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET CONVERGENCE
ARTICLE 9
Sur la base de la coordination des politiques économiques définie dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les parties contractantes s’engagent à œuvrer conjointement à une politique économique qui favorise le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et qui promeut la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité. À cette fin, les parties contractantes entreprennent les actions et adoptent les mesures nécessaires dans tous les domaines essentiels au bon fonctionnement de la zone euro, en vue de réaliser les objectifs que constituent le renforcement de la compétitivité, la promotion de l’emploi, une meilleure contribution à la soutenabilité des finances publiques et un renforcement de la stabilité financière.
ARTICLE 10
Conformément aux exigences établies par les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, les parties contractantes sont prêtes à recourir activement, chaque fois que cela est indiqué et nécessaire, à des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro, telles que prévues à l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi qu’à la coopération renforcée, telle que prévue à l’article 20 du traité sur l’Union européenne et aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour les questions essentielles au bon fonctionnement de la zone euro, sans porter atteinte au marché intérieur.
ARTICLE 11
En vue d’évaluer quelles sont les meilleures pratiques et d’œuvrer à une politique économique fondée sur une coordination plus étroite, les parties contractantes veillent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu’elles envisagent d’entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées entre elles. Cette coordination fait intervenir les institutions de l’Union européenne dès lors que le droit de l’Union européenne le requiert.
TITRE V
GOUVERNANCE DE LA ZONE EURO
ARTICLE 12
1. Les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro se réunissent de manière informelle lors de sommets de la zone euro auxquels participe également le président de la Commission européenne.
Le président de la Banque centrale européenne est invité à participer à ces réunions. Le président du sommet de la zone euro est désigné à la majorité simple par les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro lors de l’élection du président du Conseil européen et pour un mandat de durée identique.
2. Des sommets de la zone euro sont organisés, lorsque cela est nécessaire et au moins deux fois par an, afin de discuter des questions ayant trait aux responsabilités spécifiques que partagent les parties contractantes dont la monnaie est l’euro à l’égard de la monnaie unique, des autres questions relatives à la gouvernance de la zone euro et aux règles qui s’appliquent à celle-ci et des orientations stratégiques relatives à la conduite des politiques économiques pour renforcer la convergence au sein de la zone euro.
3. Les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes autres que celles dont la monnaie est l’euro, qui ont ratifié le présent traité, participent aux discussions des sommets de la zone euro concernant la compétitivité pour les parties contractantes, la modification de l’architecture globale de la zone euro et les règles fondamentales qui s’appliqueront à celle-ci dans l’avenir, ainsi que, le cas échéant et au moins une fois par an, à des discussions ayant trait à des questions spécifiques touchant à la mise en œuvre du présent traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.
4. Le président du sommet de la zone euro assure la préparation et la continuité des sommets de la zone euro, en étroite collaboration avec le président de la Commission européenne. L’organe chargé des préparatifs et du suivi des sommets de la zone euro est l’Eurogroupe. Son président peut y être invité à ce titre.
5. Le président du Parlement européen peut être invité à être entendu. Le président du sommet de la zone euro présente un rapport au Parlement européen après chaque sommet de la zone euro.
6. Le président du sommet de la zone euro tient les parties contractantes autres que celles dont la monnaie est l’euro et les autres États membres de l’Union européenne étroitement informés de la préparation de ces sommets ainsi que de leurs résultats.
ARTICLE 13
Comme le prévoit le titre II du protocole (no 1) sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne, annexé aux traités de l’Union européenne, le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d’autres questions régies par le présent traité.
TITRE VI
DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET FINALES
ARTICLE 14
1. Le présent traité est ratifié par les parties contractantes conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification sont déposés auprès du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne (ci-après dénommé "dépositaire").
2. Le présent traité entre en vigueur le 1er janvier 2013, pour autant que douze parties contractantes dont la monnaie est l’euro aient déposé leur instrument de ratification, ou le premier jour du mois suivant le dépôt du douzième instrument de ratification par une partie contractante dont la monnaie est l’euro, la date la plus proche étant retenue.
3. Le présent traité est applicable à compter de la date de son entrée en vigueur dans les parties contractantes dont la monnaie est l’euro qui l’ont ratifié. Il s’applique aux autres parties contractantes dont la monnaie est l’euro à compter du premier jour du mois suivant la date de dépôt de leur instrument de ratification respectif.
4. Par dérogation aux paragraphes 3 et 5, le titre V est applicable à toutes les parties contractantes concernées à compter de la date d’entrée en vigueur du présent traité.
5. Le présent traité s’applique aux parties contractantes faisant l’objet d’une dérogation au sens de l’article 139, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ou d’une dérogation visée dans le protocole (nº 16) sur certaines dispositions relatives au Danemark, annexé aux traités de l’Union européenne, qui ont ratifié le présent traité, à compter de la date où la décision portant abrogation de ladite dérogation prend effet, sauf si la partie contractante concernée déclare son intention d’être liée à une date antérieure par tout ou partie des dispositions des titres III et IV du présent traité.
ARTICLE 15
Les États membres de l’Union européenne autres que les parties contractantes peuvent adhérer au présent traité. L’adhésion prend effet au moment du dépôt de l’instrument d’adhésion auprès du dépositaire, qui notifie ce dépôt aux autres parties contractantes. Après l’authentification par les parties contractantes, le texte du présent traité dans la langue officielle de l’État membre adhérent, qui est aussi une langue officielle et une langue de travail des institutions de l’Union, est déposé dans les archives du dépositaire en tant que texte authentique du présent traité.
ARTICLE 16
Dans un délai de cinq ans maximum à compter de la date d’entrée en vigueur du présent traité, sur la base d’une évaluation de l’expérience acquise lors de sa mise en œuvre, les mesures nécessaires sont prises conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin d’intégrer le contenu du présent traité dans le cadre juridique de l’Union européenne.
Fait à Bruxelles, le … … deux mille douze.
Le présent traité, rédigé en un exemplaire unique en langues allemande, anglaise, bulgare, danoise, espagnole, estonienne, finnoise, française, grecque, hongroise, irlandaise, italienne, lettone, lituanienne, maltaise, néerlandaise, polonaise, portugaise, roumaine, slovaque, slovène et suédoise, tous les textes faisant également foi, est déposé dans les archives du dépositaire, qui en remet une copie certifiée conforme à chacune des parties contractantes.
ANNEXE 3 :
TRAITÉ INSTITUANT LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ
LES PARTIES CONTRACTANTES, le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande (ci-après dénommés "États membres de la zone euro" ou "membres du MES") ;
DÉTERMINÉES à assurer la stabilité financière de la zone euro,
RAPPELANT les conclusions du Conseil européen du 25 mars 2011 sur l’institution d’un mécanisme européen de stabilité,
CONSIDÉRANT CE QUI SUIT :
(1) Le Conseil européen est convenu le 17 décembre 2010 qu’il était nécessaire que les États membres de la zone euro mettent en place un mécanisme permanent de stabilité. Ce mécanisme européen de stabilité ("MES") assumera le rôle actuellement attribué à la Facilité européenne de stabilité financière ("FESF") et au Mécanisme européen de stabilisation financière ("MESF") en fournissant, pour autant que de besoin, une assistance financière aux États membres de la zone euro.
(2) Le 25 mars 2011, le Conseil européen a adopté la décision 2011/199/UE modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro1, ajoutant à l’article 136 le paragraphe suivant : "Les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité".
(3) En vue d’améliorer l’efficacité de l’assistance financière et de prévenir le risque de contagion financière, les chefs d’État ou de gouvernement des États membres dont la monnaie est l’euro sont convenus, le 21 juillet 2011, d’"augmenter [la] flexibilité [du MES], assortie de conditions appropriées".
(4) Le strict respect du cadre mis en place par l’Union européenne, de la surveillance macroéconomique intégrée, et en particulier du pacte de stabilité et de croissance, du cadre applicable aux déséquilibres macroéconomiques et des règles de gouvernance économique de l’Union européenne, devrait rester le premier rempart contre les crises de confiance qui affectent la stabilité de la zone euro.
(5) Le 9 décembre 2011, les chefs d’État et de gouvernement d’États membres dont la monnaie est l’euro ont convenu d’évoluer vers une union économique plus forte comprenant un nouveau pacte budgétaire et une coordination accrue des politiques économiques qui devront être mis en œuvre au moyen d’un accord international, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire ("TSCG"). Le TSCG aidera à développer une coordination plus étroite au sein de la zone euro afin d’assurer une bonne gestion durable et solide des finances publiques et donc de répondre à l’une des principales sources d’instabilité financière. Le présent traité et le TSCG sont complémentaires dans la promotion de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l’Union économique et monétaire. Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du TSCG par l’État membre concerné et, à l’expiration du délai de transposition visé à l’article 3, paragraphe 2, du TSCG, au respect des exigences dudit article.
(6) Étant donné la forte interdépendance dans la zone euro, les risques graves pesant sur la stabilité financière d’États membres dont la monnaie est l’euro peuvent compromettre la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble. Par conséquent, le MES peut octroyer, sur la base d’une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi, un soutien à la stabilité, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres. La capacité de prêt maximale initiale du MES est fixée à 500 milliards (500 000 000 000) d’euros, l’encours du soutien à la stabilité de la FESF compris. Cependant, l’adéquation du volume maximal global des prêts du MES et de la FESF sera réévaluée avant l’entrée en vigueur du présent traité. Il sera augmenté, le cas échéant, par le conseil des gouverneurs du MES, conformément à l’article 10, au moment de l’entrée en vigueur du présent traité.
(7) Tous les États membres de la zone euro deviendront membres du MES. Tout État membre de l’Union européenne adhérant à la zone euro devrait devenir membre du MES avec les mêmes pleins droits et obligations que ceux des parties contractantes.
(8) Le MES coopérera très étroitement avec le Fonds monétaire international ("FMI") dans le cadre de l’octroi d’un soutien à la stabilité. Une participation active du FMI sera recherchée, sur le plan tant technique que financier. Il est attendu d’un État membre de la zone euro demandant l’assistance financière du MES qu’il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI.
(9) Les États membres de l’Union européenne dont la monnaie n’est pas l’euro (États membres hors zone euro) qui participent au cas par cas, aux côtés du MES, à une opération de soutien à la stabilité en faveur d’États membres de la zone euro, seront invités à participer, en qualité d’observateurs, aux réunions du MES qui portent sur ce soutien à la stabilité et son suivi. Ils auront accès en temps utile à toutes les informations et seront dûment consultés.
(10) Le 20 juin 2011, les représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne ont autorisé les parties contractantes au présent traité à demander à la Commission européenne et à la Banque centrale européenne ("BCE") d’exécuter les tâches prévues en vertu du présent traité.
(11) Dans sa déclaration du 28 novembre 2010, l’Eurogroupe a annoncé que des clauses d’action collective ("CAC") standardisées et identiques seront incluses dans les modalités et conditions de tous les nouveaux titres émis par les États membres de la zone euro, de manière à préserver la liquidité des marchés. Comme demandé par le Conseil européen du 25 mars 2011, les dispositions juridiques précises pour l’inclusion de CAC dans les titres d’État de la zone euro ont été finalisées par le comité économique et financier.
(12) Conformément aux pratiques du FMI, dans des cas exceptionnels, une participation du secteur privé, sous une forme appropriée et proportionnée, sera envisagée dans les cas où un soutien à la stabilité est octroyé, accompagné d’une conditionnalité sous la forme d’un programme d’ajustement macroéconomique.
(13) Comme le FMI, le MES fournira un soutien à la stabilité à ceux de ses membres qui ne peuvent plus, ou risquent de ne plus pouvoir, accéder normalement au financement par le marché. C’est pourquoi les chefs d’État ou de gouvernement ont déclaré que les prêts octroyés par le MES bénéficieront d’un statut de créancier privilégié comme ceux du FMI, tout en acceptant que le FMI soit privilégié par rapport au MES. Ce statut sera effectif à partir de la date d’entrée en vigueur du présent traité. Dans le cas d’une assistance financière du MES accordée sous forme de prêts à la suite d’un programme européen d’assistance financière existant à la date de la signature du présent traité, le MES bénéficie de la même séniorité que celle de tous les autres prêts et obligations du membre du MES bénéficiaire, à l’exception des prêts du FMI.
(14) Les États membres de la zone euro appuieront l’octroi d’un statut de créancier équivalent au MES et aux autres États accordant un prêt bilatéral en coordination avec le MES.
(15) Les conditions de prêt du MES pour les États membres soumis à un programme d’ajustement macroéconomique, y compris celles visées à l’article 40 du présent traité, couvrent les coûts de financement et d’exploitation du MES et devraient être compatibles avec les conditions de prêt des conventions d’assistance financière signés d’une part, entre la FESF, l’Irlande et la Central Bank of Ireland et d’autre part, entre la FESF, la République portugaise et Banco de Portugal.
(16) Conformément à l’article 273 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ("TFUE"), la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître de tout litige entre les parties contractantes ou entre celles-ci et le MES au sujet de l’interprétation et de l’application du présent traité.
(17) Une surveillance postérieure au programme sera exercée par la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne dans le cadre établi par les articles 121 et 136 du TFUE,
SONT CONVENUES DE CE QUI SUIT :
CHAPITRE 1
MEMBRES ET BUT
ARTICLE PREMIER
Institution et membres
1. Par le présent traité, les parties contractantes instituent entre elles une institution financière internationale dénommée "Mécanisme européen de stabilité" (ci-après dénommée "MES").
2. Les parties contractantes sont les membres du MES.
ARTICLE 2
Nouveaux membres
1. Les autres États membres de l’Union européenne peuvent devenir membres du MES à compter de la date d’entrée en vigueur de la décision du Conseil de l’Union européenne, adoptée conformément à l’article 140, paragraphe 2, TFUE, mettant fin à la dérogation dont ils bénéficient concernant l’adoption de l’euro.
2. Les nouveaux membres du MES sont admis selon les mêmes modalités et dans les mêmes conditions que les pays déjà membres du MES, conformément à l’article 44.
3. Tout nouveau membre adhérant au MES après sa mise en place reçoit, en contrepartie de sa participation au capital du MES, un nombre de parts déterminé conformément à la clé de contribution établie à l’article 11.
ARTICLE 3
But
Le MES a pour but de mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi, un soutien à la stabilité à ses membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres. À cette fin, il est autorisé à lever des fonds en émettant des instruments financiers ou en concluant des accords ou des arrangements financiers ou d’autres accords ou arrangements avec ses membres, des institutions financières ou d’autres tiers.
CHAPITRE 2
DIRECTION
ARTICLE 4
Structure et règles de vote
1. Le MES est doté d’un conseil des gouverneurs et d’un conseil d’administration, ainsi que d’un directeur général et des effectifs jugés nécessaires.
2. Les décisions du conseil des gouverneurs et du conseil d’administration sont prises d’un commun accord, à la majorité qualifiée ou à la majorité simple, conformément aux dispositions du présent traité. Pour toute décision, un quorum de deux tiers des membres disposant de droits de vote représentant au moins deux tiers des voix doit être atteint.
3. L’adoption d’une décision d’un commun accord requiert l’unanimité des membres participant au vote. Les abstentions ne font pas obstacle à l’adoption d’une décision d’un commun accord.
4. Par dérogation au paragraphe 3, une procédure de vote d’urgence est utilisée lorsque la Commission et la BCE considèrent toutes deux que le défaut d’adoption urgente d’une décision relative à l’octroi ou à la mise en œuvre d’une assistance financière, telle que définie aux articles 13 à 18, menacerait la soutenabilité économique et financière de la zone euro. L’adoption d’une décision d’un commun accord par le conseil des gouverneurs visée à l’article 5, paragraphe 6, points f) et g), et le conseil d’administration dans le cadre de cette procédure d’urgence requiert une majorité qualifiée de 85 % des voix exprimées.
Lorsque la procédure d’urgence visée au premier alinéa est utilisée, un transfert du fonds de réserve et/ou du capital libéré à un fonds de réserve d’urgence est effectué afin de constituer un tampon destiné à couvrir les risques issus du support financier octroyé en vertu de la procédure d’urgence. Le conseil des gouverneurs peut décider d’annuler le fonds de réserve d’urgence et de reverser son contenu au fonds de réserve et/ou au capital libéré.
5. L’adoption d’une décision à la majorité qualifiée requiert 80 % des voix exprimées.
6. L’adoption d’une décision à la majorité simple requiert la majorité des voix exprimées.
7. Chaque membre du MES dispose d’un nombre de voix égal au nombre de parts qui lui ont été attribuées dans le capital autorisé du MES conformément à l’annexe II. Le droit de vote est exercé par la personne qu’il a désignée ou son suppléant au sein du conseil des gouverneurs ou du conseil d’administration.
8. Lorsqu’un membre du MES n’a pas versé une quelconque partie du montant exigible au titre des obligations qui lui incombent en relation avec les parts libérées ou les appels de fonds visés aux articles 8, 9 et 10 ou en relation avec le remboursement de l’assistance financière octroyée en vertu de l’article 16 ou 17, ce membre ne peut exercer son droit de vote aussi longtemps qu’il se trouve en défaut de paiement. Les seuils de vote sont recalculés en conséquence.
ARTICLE 5
Conseil des gouverneurs
1. Chaque membre du MES désigne un gouverneur et un gouverneur suppléant, révocables à tout moment. Le gouverneur est le membre du gouvernement du membre du MES chargé des finances. En son absence, son suppléant a pleine compétence pour agir en son nom.
2. Le conseil des gouverneurs décide soit d’être présidé par le président de l’Eurogroupe, visé au protocole (nº 14) sur l’Eurogroupe annexé au traité sur l’Union européenne et au TFUE, soit d’élire un président et un vice-président, pour un mandat de deux ans, parmi ses membres. Le président et le vice-président peuvent être réélus. Une nouvelle élection est organisée sans délai si le titulaire n’exerce plus la fonction nécessaire pour être nommé gouverneur.
3. Le membre de la Commission européenne en charge des affaires économiques et monétaires et le président de la BCE, ainsi que le président de l’Eurogroupe (s’il n’est pas lui-même président ou gouverneur), peuvent participer aux réunions du conseil des gouverneurs en qualité d’observateurs.
4. Des représentants des États membres hors zone euro qui participent au cas par cas, aux côtés du MES, à une opération de soutien à la stabilité en faveur d’un État membre de la zone euro sont également invités à participer, en qualité d’observateurs, aux réunions du conseil des gouverneurs qui portent sur ce soutien à la stabilité et son suivi.
5. D’autres personnes, notamment des représentants d’institutions ou d’organisations telles que le FMI, peuvent être invitées par le conseil des gouverneurs à assister au cas par cas à des réunions en qualité d’observateurs.
6. Le conseil des gouverneurs adopte les décisions suivantes d’un commun accord :
a) l’annulation du fonds de réserve d’urgence et le reversement de son contenu au fonds de réserve et/ou au capital libéré, conformément à l’article 4, paragraphe 4 ;
b) l’émission de nouvelles parts à des conditions autres qu’au pair, conformément à l’article 8, paragraphe 2 ;
c) les appels de fonds, conformément à l’article 9, paragraphe 1 ;
d) la modification du capital autorisé du MES et l’adaptation de sa capacité de prêt maximale, conformément à l’article 10, paragraphe 1 ;
e) la prise en compte d’une éventuelle actualisation de la clé de souscription au capital de la BCE, conformément à l’article 11, paragraphe 3, et les modifications à apporter à l’annexe I conformément à l’article 11, paragraphe 6 ;
f) l’octroi d’un soutien à la stabilité du MES, y compris la conditionnalité de politique économique établie dans le protocole d’accord visé à l’article 13, paragraphe 3, et le choix des instruments et les modalités et les conditions financières, conformément aux articles 12 à 18 ;
g) l’octroi du mandat à la Commission européenne de négocier, en liaison avec la BCE, la conditionnalité de politique économique dont est assortie chaque assistance financière, conformément à l’article 13, paragraphe 3,
h) la modification de la politique et des lignes directrices concernant la tarification de l’assistance financière, conformément à l’article 20 ;
i) la modification de la liste des instruments d’assistance financière à la disposition du MES, conformément à l’article 19 ;
j) les modalités pour le transfert au MES des soutiens accordés au titre de la FESF, conformément à l’article 40 ;
k) l’approbation de toute nouvelle demande d’adhésion au MES, conformément à l’article 44 ;
l) les modifications au présent traité en conséquence directe de l’adhésion de nouveaux membres, notamment en ce qui concerne la répartition du capital entre les membres du MES et le calcul de cette répartition en conséquence directe de l’adhésion d’un nouveau membre au MES, conformément à l’article 44 ; et
m) la délégation au conseil d’administration des tâches énumérées dans le présent article.
7. Le conseil des gouverneurs adopte les décisions suivantes à la majorité qualifiée :
a) les modalités techniques de l’adhésion d’un nouveau membre au MES, conformément à l’article 44 ;
b) le choix d’être présidé par le président de l’Eurogroupe, ou l’élection à la majorité qualifiée du président et du vice-président du conseil des gouverneurs, conformément au paragraphe 2 ;
c) la réglementation générale du MES et le règlement intérieur applicable au conseil des gouverneurs et au conseil d’administration (notamment le droit d’établir des comités et des organes subsidiaires), conformément au paragraphe 9 ;
d) l’établissement de la liste des activités incompatibles avec les obligations d’un administrateur ou d’un administrateur suppléant, conformément à l’article 6, paragraphe 8 ;
e) la désignation et la révocation du directeur général, conformément à l’article 7 ;
f) la constitution d’autres fonds, conformément à l’article 24 ;
g) les mesures à prendre pour recouvrer les sommes dues par un membre du MES, conformément à l’article 25, paragraphes 2 et 3 ;
h) l’approbation des comptes annuels du MES, conformément à l’article 27, paragraphe 1 ;
i) la désignation des membres du comité des commissaires aux comptes, conformément à l’article 30, paragraphe 1 ;
j) l’approbation des commissaires aux comptes extérieurs, conformément à l’article 29 ;
k) la levée de l’immunité du président du conseil des gouverneurs, d’un gouverneur, d’un gouverneur suppléant, d’un administrateur, d’un administrateur suppléant ou du directeur général, conformément à l’article 35, paragraphe 2 ;
l) le régime d’imposition des agents du MES, conformément à l’article 36, paragraphe 5 ;
m) toute décision relative à un litige, conformément à l’article 37, paragraphe 2 ; et
n) toute autre décision nécessaire, non expressément prévue par le présent traité.
8. Le président convoque et préside les réunions du conseil des gouverneurs. En son absence, ces réunions sont présidées par le vice-président.
9. Le conseil des gouverneurs adopte son règlement intérieur ainsi que la réglementation générale du MES.
ARTICLE 6
Conseil d’administration
1. Chaque gouverneur désigne un administrateur et un administrateur suppléant, révocables à tout moment, parmi des personnes possédant un haut niveau de compétence dans les matières économiques et financières. Un administrateur suppléant a pleine compétence pour agir au nom de l’administrateur en son absence.
2. Le membre de la Commission européenne en charge des affaires économiques et monétaires et le président de la BCE peuvent chacun désigner un observateur.
3. Des représentants des États membres hors zone euro qui participent au cas par cas, aux côtés du MES, à une opération d’assistance financière en faveur d’un État membre de la zone euro sont également invités à participer, en qualité d’observateurs, aux réunions du conseil d’administration qui portent sur cette assistance financière et son suivi.
4. D’autres personnes, notamment des représentants d’institutions ou d’organisations, peuvent être invitées par le conseil des gouverneurs, au cas par cas, à assister à des réunions en qualité d’observateurs.
5. Le conseil d’administration adopte ses décisions à la majorité qualifiée, sauf disposition contraire du présent traité. Les décisions prises en vertu d’une délégation du conseil des gouverneurs sont adoptées conformément aux règles de vote pertinentes énoncées à l’article 5, paragraphes 6 et 7.
6. Sans préjudice des compétences du conseil des gouverneurs énoncées à l’article 5, le conseil d’administration veille à ce que le MES soit géré conformément aux dispositions du présent traité et de la réglementation générale du MES adoptés par le conseil des gouverneurs. Il prend les décisions pour lesquelles il est compétent en vertu du présent traité ou qui lui sont déléguées par le conseil des gouverneurs.
7. Il est pourvu immédiatement à toute vacance au sein du conseil d’administration conformément au paragraphe 1.
8. Le conseil des gouverneurs détermine les activités qui sont incompatibles avec les obligations d’un administrateur ou d’un administrateur suppléant, la réglementation générale du MES et le règlement intérieur du conseil d’administration.
ARTICLE 7
Directeur général
1. Le directeur général est désigné par le conseil des gouverneurs parmi des candidats possédant la nationalité d’un membre du MES, une expérience internationale pertinente et un haut niveau de compétence dans les matières économiques et financières. Pendant l’exercice de ses fonctions, le directeur général ne peut être ni gouverneur, ni administrateur, ni suppléant à l’une de ces fonctions.
2. Le directeur général est nommé pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Ses fonctions prennent toutefois fin lorsque le conseil des gouverneurs le décide.
3. Le directeur général préside les réunions du conseil d’administration et participe à celles du conseil des gouverneurs.
4. Le directeur général est le chef des services du MES. Il est responsable de l’organisation des services, de la nomination et de la révocation des agents du MES conformément au statut du personnel adopté par le conseil d’administration.
5. Le directeur général est le représentant légal du MES et est chargé de la gestion courante de celui-ci sous la direction du conseil d’administration.
CHAPITRE 3
CAPITAL
ARTICLE 8
Capital autorisé
1. Le capital autorisé du MES est fixé à sept cents milliards (700 000 000 000) d’euros. Il se divise en sept (7) millions de parts, ayant chacune une valeur nominale de cent mille (100 000) euros, qui peuvent être souscrites selon la clé de contribution initiale établie à l’article 11 et calculée à l’annexe I.
2. Le capital autorisé se compose de parts libérées et de parts appelables. La valeur nominale totale initiale des parts entièrement libérées s’élève à quatre-vingts milliards (80 000 000 000) d’euros. Les parts de capital autorisé initialement souscrites sont émises au pair. Les autres parts sont elles aussi émises au pair, à moins que le conseil des gouverneurs ne décide, dans des circonstances particulières, de les émettre à d’autres conditions.
3. Les parts de capital autorisé ne peuvent pas être grevées de charges ni données en nantissement, d’aucune manière que ce soit, et ne peuvent pas être cédées, à l’exception des cessions en vue de la mise en œuvre d’ajustements de la clé de contribution établie à l’article 11, dans la mesure nécessaire pour que leur répartition corresponde à la nouvelle clé.
4. Les membres du MES s’engagent de manière irrévocable et inconditionnelle à fournir leur contribution au capital social autorisé, conformément à leur clé de contribution définie à l’annexe I. Ils répondent dans un délai approprié à tous les appels de fonds, conformément aux modalités définies dans le présent traité.
5. La responsabilité de chaque membre du MES est limitée, dans tous les cas, à la part de capital autorisé au prix d’émission. Aucun membre du MES ne peut, du fait de sa qualité de membre, être tenu pour responsable d’obligations du MES. Le fait de remplir les conditions d’octroi d’une assistance financière du MES, ou de recevoir une telle assistance, n’affecte en rien l’obligation de contribuer au capital autorisé du MES qui incombe à tout membre en vertu du présent traité.
ARTICLE 9
Appels de capital
1. Le conseil des gouverneurs peut appeler à tout moment le capital autorisé non libéré et fixer un délai de paiement approprié aux membres du MES.
2. Le conseil d’administration peut décider à la majorité simple d’appeler le capital autorisé non libéré pour rétablir le niveau du capital libéré si, du fait de l’absorption de pertes, son montant est inférieur au niveau établi à l’article 8, paragraphe 2, qui peut être modifié par le conseil des gouverneurs suivant la procédure prévue à l’article 10, et fixer un délai de paiement approprié aux membres du MES.
3. Le directeur général appelle en temps utile le capital autorisé non libéré si cela est nécessaire pour éviter que le MES ne puisse honorer ses obligations de paiement, programmées ou autres, envers ses créanciers. Il informe le conseil d’administration et le conseil des gouverneurs de cet appel. Lorsqu’un manque de fonds potentiel du MES est décelé, le directeur général lance un appel de capital dès que possible, afin que le MES dispose de fonds suffisants pour rembourser intégralement ses créanciers aux échéances prévues. Les membres du MES s’engagent de manière irrévocable et inconditionnelle à verser sur demande les fonds demandés par le directeur général en vertu du présent paragraphe dans les sept (7) jours suivant la réception de ladite demande.
4. Le conseil d’administration adopte les modalités et les conditions applicables aux appels de capital lancés en vertu du présent article.
ARTICLE 10
Modification du capital autorisé
1. Le conseil des gouverneurs réexamine régulièrement et au moins tous les cinq ans la capacité de prêt maximale et l’adéquation du capital autorisé du MES. Il peut décider de modifier le montant du capital autorisé et de modifier l’article 8 et l’annexe II en conséquence. Cette décision entre en vigueur après que les membres du MES ont informé le dépositaire de l’accomplissement de leurs procédures nationales applicables. Les nouvelles parts sont attribuées aux membres du MES conformément à la clé de contribution établie à l’article 11 et à l’annexe I.
2. Le conseil d’administration adopte les modalités et les conditions applicables à toute modification apportée au capital en vertu du paragraphe 1.
3. Lorsqu’un État membre de l’Union européenne devient nouveau membre du MES, le capital autorisé du MES est automatiquement augmenté en multipliant les montants respectifs alors en vigueur par le ratio, dans le cadre de la clé de répartition adaptée établie conformément à l’article 11, entre la pondération du nouveau membre du MES et la pondération des membres du MES existants.
ARTICLE 11
Clé de contribution
1. Sous réserve des paragraphes 2 et 3, la clé de contribution pour la souscription au capital autorisé du MES est fondée sur la clé de souscription, par les banques centrales nationales des membres du MES, au capital de la BCE, en vertu de l’article 29 du protocole (nº 4) relatif aux statuts du système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne ("statuts du SEBC"), annexé au traité sur l’Union européenne et au TFUE.
2. La clé de contribution pour la souscription au capital autorisé du MES est déterminée à l’annexe I.
3. La clé de contribution pour la souscription au capital autorisé du MES est adaptée lorsque :
a) un État membre de l’Union européenne devient nouveau membre du MES et que le montant du capital autorisé est augmenté automatiquement, conformément à l’article 10, paragraphe 3 ; ou
b) la correction temporaire d’une durée de douze (12) ans, applicable à un membre du MES conformément à l’article 42, prend fin.
4. Le conseil des gouverneurs peut décider de tenir compte des éventuelles actualisations de la clé de souscription au capital de la BCE visée au paragraphe 1, lorsque la clé de contribution est adaptée conformément au paragraphe 3 ou en cas de modification du capital autorisé en vertu de l’article 10, paragraphe 1.
5. Lorsque la clé de contribution pour la souscription au capital autorisé du MES est adaptée, les membres du MES procèdent entre eux à des transferts de capital autorisé dans la mesure nécessaire pour faire correspondre la répartition du capital autorisé à la nouvelle clé.
6. L’annexe I est modifiée si le conseil des gouverneurs décide de procéder à l’une des adaptations prévues par le présent article.
7. Le conseil d’administration prend toutes les autres mesures nécessaires à l’application du présent article.
CHAPITRE 4
OPÉRATIONS
ARTICLE 12
Principes
1. Si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres, le MES peut fournir à un membre du MES un soutien à la stabilité, subordonné à une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi. Cette conditionnalité peut prendre la forme, notamment, d’un programme d’ajustement macroéconomique ou de l’obligation de continuer à respecter des conditions d’éligibilité préétablies.
2. Sans préjudice de l’article 19, le soutien à la stabilité du MES peut être octroyé au moyen des instruments prévus aux articles 14 à 18.
3. Des clauses d’action collective figureront, à compter du 1er janvier 2013, dans tous les nouveaux titres d’État d’une maturité supérieure à un an qui seront émis dans la zone euro, de manière à leur assurer un effet juridique identique.
ARTICLE 13
Procédure d’octroi d’un soutien à la stabilité
1. Un membre du MES peut adresser une demande de soutien à la stabilité au président du conseil des gouverneurs. Cette demande indique le ou les instruments d’assistance financière à envisager. Dès réception de cette demande, le président du conseil des gouverneurs charge la Commission européenne, en liaison avec la BCE :
a) d’évaluer l’existence d’un risque pour la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ou de ses États membres, à moins que la BCE n’ait déjà soumis une analyse en vertu de l’article 18, paragraphe 2 ;
b) d’évaluer la soutenabilité de l’endettement public. Lorsque cela est utile et possible, il est attendu que cette évaluation soit effectuée en collaboration avec le FMI.
c) d’évaluer les besoins réels ou potentiels de financement du membre du MES concerné.
2. Sur la base de la demande du membre du MES et de l’évaluation visée au paragraphe 1, le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer, en principe, un soutien à la stabilité au membre du MES concerné sous la forme d’une facilité d’assistance financière.
3. S’il adopte une décision en vertu du paragraphe 2, le conseil des gouverneurs charge la Commission européenne – en liaison avec la BCE et, lorsque cela est possible, conjointement avec le FMI – de négocier avec le membre du MES concerné un protocole d’accord définissant précisément la conditionnalité dont est assortie cette facilité d’assistance financière. Le contenu du protocole d’accord tient compte de la gravité des faiblesses à traiter et de l’instrument d’assistance financière choisi. Parallèlement, le directeur général du MES prépare une proposition d’accord relatif à la facilité d’assistance financière précisant les modalités et les conditions financières de l’assistance ainsi que les instruments choisis, qui sera adoptée par le conseil des gouverneurs.
Le protocole d’accord doit être pleinement compatible avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le TFUE, notamment avec tout acte de droit de l’Union européenne, incluant tout avis, avertissement, recommandation ou décision s’adressant au membre du MES concerné.
4. La Commission européenne signe le protocole d’accord au nom du MES, pour autant qu’il respecte les conditions énoncées au paragraphe 3 et qu’il ait été approuvé par le conseil des gouverneurs.
5. Le conseil d’administration approuve l’accord relatif à la facilité d’assistance financière qui précise les aspects financiers du soutien à la stabilité à octroyer ainsi que, le cas échéant, les modalités du versement de la première tranche de l’assistance.
6. Le MES met en place un système d’alerte approprié pour être certain de recevoir en temps utile tout remboursement des sommes dues par le membre du MES au titre du soutien à la stabilité.
7. La Commission européenne – en liaison avec la BCE et, lorsque cela est possible, conjointement avec le FMI – est chargée de veiller au respect de la conditionnalité dont est assortie la facilité d’assistance financière.
ARTICLE 14
Assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution
1. Le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer, à titre de précaution, une assistance financière sous forme de ligne de crédit assortie de conditions ou de ligne de crédit assortie de conditions renforcées conformément à l’article 12, paragraphe 1.
2. La conditionnalité dont est assortie l’assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution est définie dans le protocole d’accord, conformément à l’article 13, paragraphe 3.
3. Les modalités et les conditions financières de l’assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution sont spécifiées dans un accord relatif à la facilité d’assistance financière octroyée à titre de précaution, signé par le directeur général.
4. Le conseil d’administration adopte des lignes directrices détaillées sur les modalités de mise en œuvre de l’assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution.
5. Le conseil d’administration décide d’un commun accord, sur proposition du directeur général et après réception du rapport de la Commission européenne établi conformément à l’article 13, paragraphe 7, s’il y a lieu de maintenir la ligne de crédit.
6. Après que le membre du MES a puisé pour la première fois dans les fonds mis à sa disposition (par un prêt ou un achat sur le marché primaire), le conseil d’administration décide d’un commun accord, sur proposition du directeur général et sur la base d’une évaluation effectuée par la Commission européenne, en liaison avec la BCE, si la ligne de crédit reste appropriée ou si une autre forme d’assistance financière est nécessaire.
ARTICLE 15
Assistance financière pour la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES
1. Le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer une assistance financière sous forme de prêts à un membre du MES, dans le but spécifique de recapitaliser des institutions financières de ce membre.
2. La conditionnalité dont est assortie l’assistance financière aux fins de la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES est définie dans le protocole d’accord, conformément à l’article 13, paragraphe 3.
3. Sans préjudice des articles 107 et 108 du TFUE, les modalités et conditions financières de l’assistance financière aux fins de la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES sont spécifiées dans un accord relatif à la facilité d’assistance financière, signé par le directeur général.
4. Le conseil d’administration adopte des lignes directrices détaillées sur les modalités de mise en œuvre de l’assistance financière aux fins de la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES.
5. Le cas échéant, le conseil d’administration décide d’un commun accord, sur proposition du directeur général et après réception du rapport de la Commission européenne établi conformément à l’article 13, paragraphe 7, du versement des tranches de l’assistance financière consécutives à la première tranche.
ARTICLE 16
Prêts octroyés par le MES
1. Le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer une assistance financière sous forme de prêt à un membre du MES, conformément à l’article 12.
2. La conditionnalité dont sont assortis les prêts octroyés par le MES figure dans un programme d’ajustement macroéconomique défini dans le protocole d’accord, conformément à l’article 13, paragraphe 3.
3. Les modalités et les conditions financières de chaque prêt octroyé par le MES sont spécifiées dans un accord relatif à la facilité d’assistance financière, signé par le directeur général.
4. Le conseil d’administration adopte des lignes directrices détaillées sur les modalités de mise en œuvre des prêts octroyés par le MES.
5. Le conseil d’administration décide d’un commun accord, sur proposition du directeur général et après réception du rapport de la Commission européenne établi conformément à l’article 13, paragraphe 7, du versement des tranches de l’assistance financière consécutives à la première tranche.
ARTICLE 17
Dispositif de soutien sur le marché primaire
1. Le conseil des gouverneurs peut décider de prendre des dispositions pour acheter des titres émis par un membre du MES sur le marché primaire, conformément à l’article 12 et en vue d’optimiser le rapport coût-efficacité de l’assistance financière.
2. La conditionnalité dont est assorti le dispositif de soutien sur le marché primaire est définie dans le protocole d’accord, conformément à l’article 13, paragraphe 3.
3. Les modalités financières et les conditions d’achat de ces titres sont spécifiées dans un accord relatif à la facilité d’assistance financière, signé par le directeur général.
4. Le conseil d’administration adopte des lignes directrices détaillées sur les modalités de mise en œuvre du dispositif de soutien sur le marché primaire.
5. Le conseil d’administration décide d’un commun accord, sur proposition du directeur général et après réception du rapport de la Commission européenne établi conformément à l’article 13, paragraphe 7, du versement de l’assistance financière à un État membre bénéficiaire en intervenant sur le marché primaire.
ARTICLE 18
Dispositif de soutien sur le marché secondaire
1. Le conseil des gouverneurs peut décider de prendre des dispositions pour mener des opérations sur le marché secondaire relatives aux titres émis par un membre du MES, conformément à l’article 12, paragraphe 1.
2. Les décisions d’intervenir sur le marché secondaire pour faire face au risque de contagion sont prises sur la base d’une analyse de la BCE constatant l’existence d’une situation exceptionnelle sur les marchés financiers et de risques pour la stabilité financière.
3. La conditionnalité dont est assorti le dispositif de soutien sur le marché secondaire est définie dans le protocole d’accord, conformément à l’article 13, paragraphe 3.
4. Les modalités financières et les conditions d’intervention sur le marché secondaire sont spécifiées dans un accord relatif à la facilité d’assistance financière, signé par le directeur général.
5. Le conseil d’administration adopte des lignes directrices détaillées sur les modalités de mise en œuvre du dispositif de soutien sur le marché secondaire.
6. Le conseil d’administration décide d’un commun accord, sur proposition du directeur général, d’intervenir sur le marché secondaire.
ARTICLE 19
Révision de la liste des instruments d’assistance financière
Le conseil des gouverneurs peut réexaminer la liste des instruments d’assistance financière prévus aux articles 14 et 18 et décider de la modifier.
ARTICLE 20
Politique tarifaire
1. Lorsqu’il octroie un soutien à la stabilité, le MES cherche à couvrir tous ses coûts de financement et d’exploitation et prévoit une marge appropriée.
2. La tarification de tous les instruments d’assistance financière est définie dans des lignes directrices, qui sont adoptées par le conseil des gouverneurs.
3. La politique tarifaire peut être réexaminée par le conseil des gouverneurs.
ARTICLE 21
Opérations d’emprunt
1. Le MES est habilité à emprunter sur les marchés de capitaux auprès des banques, des institutions financières ou d’autres personnes ou institutions afin de réaliser son but.
2. Les modalités des opérations d’emprunt sont définies par le directeur général, conformément aux lignes directrices détaillées adoptées par le conseil d’administration.
3. Le MES utilise des outils de gestion des risques appropriés, qui sont réexaminés régulièrement par le conseil d’administration.
CHAPITRE 5
GESTION FINANCIÈRE
ARTICLE 22
Politique d’investissement
1. Le directeur général met en œuvre une politique d’investissement prudente du MES, qui permette de garantir au MES la qualité de crédit la plus élevée, conformément aux lignes directrices adoptées et réexaminées régulièrement par le conseil d’administration. Le MES est autorisé à utiliser une partie du rendement de son portefeuille d’investissement pour couvrir ses coûts d’exploitation et ses coûts administratifs.
2. Les opérations du MES sont conformes aux principes de bonne gestion financière et de bonne gestion des risques.
ARTICLE 23
Politique de distribution des dividendes
1. Le conseil d’administration peut décider, à la majorité simple, de distribuer un dividende aux membres du MES lorsque le montant du capital libéré et du fonds de réserve dépasse le niveau requis pour maintenir la capacité de prêt du MES et lorsque le produit de l’investissement n’est pas nécessaire pour éviter des arriérés de paiement aux créanciers. Les dividendes sont distribués au prorata des parts dans le capital libéré, en tenant compte de l’éventuel paiement anticipé visé à l’article 41, paragraphe 3.
2. Tant que le MES n’a pas fourni d’assistance financière à l’un de ses membres, le produit de l’investissement de son capital libéré est, après déduction des coûts d’exploitation, distribué à ses membres en fonction de leurs parts respectives dans le capital libéré, à condition que la capacité de prêt effective visée soit pleinement disponible.
3. Le directeur général met en œuvre la politique du MES en matière de dividendes, conformément aux lignes directrices adoptées par le conseil d’administration.
ARTICLE 24
Réserve et autres fonds
1. Le conseil des gouverneurs établit un fonds de réserve et, le cas échéant, d’autres fonds.
2. Sans préjudice de l’article 23, le revenu net généré par les opérations du MES et le produit des sanctions financières infligées aux membres du MES au titre de la procédure de surveillance multilatérale, de la procédure concernant les déficits excessifs et de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques établies en vertu du TFUE sont placés dans un fonds de réserve.
3. Les ressources du fonds de réserve sont investies conformément aux lignes directrices adoptées par le conseil d’administration.
4. Le conseil d’administration adopte les règles nécessaires à l’institution, à la gestion et à l’utilisation d’autres fonds.
ARTICLE 25
Couverture de pertes
1. Les pertes afférentes aux opérations du MES sont imputées :
a) en premier lieu, sur le fonds de réserve ;
b) deuxièmement, sur le capital libéré, et
c) enfin, sur un montant approprié du capital autorisé non libéré, qui est appelé conformément à l’article 9, paragraphe 3.
2. Si un membre du MES ne verse pas les fonds appelés conformément à l’article 9, paragraphes 2 et 3, un appel de fonds revu à la hausse est lancé à tous les membres du MES pour que celui-ci reçoive la totalité du capital nécessaire. Le conseil des gouverneurs décide de la ligne de conduite appropriée à adopter pour que le membre du MES concerné règle sa dette auprès du MES dans un délai raisonnable. Le conseil des gouverneurs peut exiger le paiement d’intérêts de retard sur la somme due.
3. Lorsqu’un membre du MES règle sa dette visée au paragraphe 2, les fonds excédentaires sont reversés aux autres membres du MES conformément aux règles adoptées par le conseil des gouverneurs.
ARTICLE 26
Budget
Le conseil d’administration approuve le budget du MES chaque année.
ARTICLE 27
Comptes annuels
1. Le conseil des gouverneurs approuve les comptes annuels du MES.
2. Le MES publie un rapport annuel contenant un état certifié de ses comptes et fait parvenir à ses membres une synthèse trimestrielle de sa situation financière et un compte de profits et pertes faisant ressortir les résultats de ses opérations.
ARTICLE 28
Audit interne
Une fonction d’audit interne est mise en place conformément aux normes internationales.
ARTICLE 29
Audit externe
Les comptes du MES sont contrôlés par des commissaires aux comptes externes indépendants approuvés par le conseil des gouverneurs et chargés de la certification des états financiers annuels. Les commissaires aux comptes externes ont tout pouvoir pour examiner tous les livres et comptes du MES, et pour obtenir toutes informations sur ses opérations.
ARTICLE 30
Comité des commissaires aux comptes
1. Le comité des commissaires aux comptes se compose de cinq membres désignés par le conseil des gouverneurs en raison de leurs compétences dans les domaines financiers et d’audit, et inclut deux membres des institutions supérieures de contrôle des comptes des membres du MES – qui siègent à tour de rôle – et d’un membre de la Cour des comptes européenne.
2. Les membres du comité des commissaires aux comptes sont indépendants. Ils ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions des organes de direction du MES, des membres du MES ou de tout autre organisme public ou privé.
3. Le comité des commissaires aux comptes établit des audits indépendants. Il contrôle les comptes du MES et vérifie la régularité des comptes d’exploitation et du bilan. Il a plein accès à tout document du MES nécessaire à l’exécution de ses tâches.
4. Le comité des commissaires aux comptes peut informer le conseil d’administration de ses constatations à tout moment. Il établit, chaque année, un rapport à présenter au conseil des gouverneurs.
5. Le conseil des gouverneurs communique le rapport annuel aux parlements nationaux ainsi qu’aux institutions supérieures de contrôle des comptes des membres du MES et à la Cour des comptes européennes.
6. Toute question relative au présent article sera définie dans la réglementation générale du MES.
CHAPITRE 6
DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES AU MES
ARTICLE 31
Lieu d’établissement
1. Le MES a son siège et son bureau principal à Luxembourg.
2. Le MES peut établir un bureau de liaison à Bruxelles.
ARTICLE 32
Statut juridique, privilèges et immunités
1. En vue de permettre au MES de réaliser son but, le statut juridique, les privilèges et les immunités définis dans le présent article lui sont accordés sur le territoire de chacun de ses membres. Le MES s’efforce d’obtenir la reconnaissance de son statut juridique, de ses privilèges et de ses immunités sur les autres territoires où il intervient ou détient des actifs.
2. Le MES possède la pleine personnalité juridique et la pleine capacité juridique pour :
a) acquérir et aliéner des biens meubles et immeubles ;
b) conclure des contrats ;
c) ester en justice, et
d) conclure un accord de siège et/ou un protocole en vue, le cas échéant, de faire reconnaître son statut juridique, ses privilèges et ses immunités, ou leur donner effet.
3. Le MES et ses biens, ses financements et ses avoirs, où qu’ils soient situés et quel qu’en soit le détenteur, jouissent de l’immunité de juridiction sous tous ses aspects, sauf dans la mesure où le MES y renonce expressément en vue d’une procédure déterminée ou en vertu d’un contrat, en ce compris la documentation relative aux instruments de financement.
4. Les biens, les financements et les avoirs du MES, où qu’ils soient situés et quel qu’en soit le détenteur, ne peuvent faire l’objet de perquisitions, de réquisitions, de confiscations, d’expropriations ou de toute autre forme de saisie ou de mainmise de la part du pouvoir exécutif, judiciaire, administratif ou législatif.
5. Les archives du MES et tous les documents qui lui appartiennent ou qu’il détient sont inviolables.
6. Les locaux du MES sont inviolables.
7. Les communications officielles du MES sont traitées par chaque membre du MES et par chaque État qui a reconnu son statut juridique, ses privilèges et ses immunités de la même manière que les communications officielles d’un État qui est membre du MES.
8. Dans la mesure nécessaire à l’exercice des activités prévues par le présent traité, tous les biens, financements et avoirs du MES sont exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature.
9. Le MES est exempté de toute obligation d’obtenir une autorisation ou un agrément, en tant qu’établissement de crédit, prestataire de services d’investissement ou entité autorisée, agréée ou réglementée, imposée par la législation de chacun de ses membres.
ARTICLE 33
Personnel du MES
Le conseil d’administration définit les conditions d’emploi du directeur général et des autres agents du MES.
ARTICLE 34
Secret professionnel
Les membres ou anciens membres du conseil des gouverneurs et du conseil d’administration, ainsi que toute autre personne travaillant ou ayant travaillé pour le MES ou en lien avec celui-ci sont tenus de ne pas divulguer les informations couvertes par le secret professionnel. Ils sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.
ARTICLE 35
Immunité des personnes
1. Dans l’intérêt du MES, le président du conseil des gouverneurs, les gouverneurs, les gouverneurs suppléants, les administrateurs, les administrateurs suppléants ainsi que le directeur général et les autres agents du MES ne peuvent faire l’objet de poursuites à raison des actes accomplis dans l’exercice officiel de leurs fonctions et bénéficient de l’inviolabilité de leurs papiers et documents officiels.
2. Le conseil des gouverneurs peut renoncer, dans la mesure et aux conditions qu’il définit, aux immunités conférées par le présent article, en ce qui concerne le président du conseil des gouverneurs, un gouverneur, un gouverneur suppléant, un administrateur, un administrateur suppléant ou le directeur général.
3. Le directeur général peut lever l’immunité de tout agent du MES (à l’exception de la sienne).
4. Chaque membre du MES prend rapidement les mesures nécessaires pour donner effet au présent article dans sa législation et informe le MES de l’adoption de ces mesures.
ARTICLE 36
Exonération fiscale
1. Dans le cadre de ses activités officielles, le MES, ses avoirs, ses revenus et ses biens, ainsi que ses opérations et transactions autorisées par le présent traité, sont exonérés de tous impôts directs.
2. Les membres du MES prennent, chaque fois qu’il leur est possible, les dispositions appropriées en vue de la remise ou du remboursement du montant des droits indirects ou des taxes à la vente entrant dans le prix de biens immobiliers ou mobiliers lorsque le MES effectue pour son usage officiel des achats importants dont le prix comprend des droits et taxes de cette nature.
3. Aucune exonération n’est accordée en ce qui concerne les impôts, taxes et droits qui ne constituent que la simple rémunération de services d’utilité générale.
4. Les biens importés par le MES et nécessaires à l’exercice de ses activités officielles sont exonérés de tous droits, taxes, interdictions ou restrictions à l’importation.
5. Les agents du MES sont soumis à un impôt interne perçu au profit du MES sur les salaires et émoluments payés par le MES conformément aux règles adoptées par le conseil des gouverneurs. À partir de la date à laquelle cet impôt est appliqué, ces traitements et émoluments sont exonérés de tout impôt national sur le revenu.
6. Aucun impôt de quelque nature que ce soit n’est perçu sur les obligations ou titres financiers émis(e)s par le MES, ni sur les intérêts et dividendes y afférents, quel que soit le détenteur :
a) si cet impôt présente, à l’égard de ces obligations ou titres financiers, un caractère discriminatoire fondé exclusivement sur leur origine ; ou
b) si cet impôt a pour seul fondement juridique le lieu ou la monnaie d’émission, le lieu ou la monnaie de règlement prévu ou effectif, ou la situation territoriale d’un bureau ou lieu d’activité du MES.
ARTICLE 37
Interprétation et règlement des litiges
1. Toute question relative à l’interprétation ou à l’application des dispositions du présent traité et de la réglementation générale du MES qui se poserait entre le MES et l’un de ses membres, ou entre des membres du MES, est soumise au conseil d’administration pour décision.
2. Le conseil des gouverneurs statue sur tout litige opposant le MES à l’un de ses membres, ou des membres du MES entre eux, lié à l’interprétation et l’application du présent traité, y compris tout litige relatif à la compatibilité des décisions adoptées par le MES avec le présent traité. Aux fins d’une telle décision, le droit de vote du ou des membres du conseil des gouverneurs nommés par le ou les membres concernés du MES est suspendu, et le seuil à atteindre pour l’adoption de la décision est recalculé en conséquence.
3. Si un membre du MES conteste la décision visée au paragraphe 2, le litige est soumis à la Cour de justice de l’Union européenne. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne est contraignant pour les parties, qui prennent les mesures nécessaires pour s’y conformer dans le délai fixé par la Cour dans son arrêt.
ARTICLE 38
Coopération internationale
Afin de pouvoir accomplir ses missions, le MES est habilité, dans le cadre du présent traité, à coopérer avec le FMI, avec tout État qui fournit une assistance financière ponctuelle à l’un de ses membres et avec toute organisation ou entité internationale ayant des responsabilités spécifiques dans des domaines connexes.
CHAPITRE 7
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
ARTICLE 39
Relation avec la capacité de prêt de la FESF
Pendant la phase transitoire comprise entre l’entrée en vigueur du présent traité et la dissolution complète de la FESF, la capacité de prêt globale du MES et de la FESF ne dépasse pas 500 milliards (500 000 000 000) d’euros, sans préjudice du réexamen périodique de l’adéquation de la capacité de prêt maximale prévu par l’article 10. Le conseil d’administration adopte des lignes directrices détaillées pour le calcul de la capacité d’engagement à terme en vue de garantir le respect du plafond de prêt global.
ARTICLE 40
Transfert des soutiens octroyés au titre de la FESF
1. Par dérogation à l’article 13, le conseil des gouverneurs peut décider que les engagements de la FESF d’octroyer une assistance financière à un membre du MES aux termes de l’accord conclu avec ce membre sont assumés par le MES pour autant que ces engagements concernent des tranches de prêts non versées ou non financées.
2. Le MES peut, s’il y est autorisé par le conseil des gouverneurs, acquérir les droits et assumer les obligations de la FESF, en particulier en ce qui concerne tout ou partie des droits obtenus et des obligations souscrites en vertu et dans le cadre de prêts existants.
3. Le conseil des gouverneurs adopte les modalités détaillées nécessaires pour rendre effectif le transfert des obligations de la FESF au MES visé au paragraphe 1 ainsi que tout transfert de droits et obligations visé au paragraphe 2.
ARTICLE 41
Versement du capital initial
1. Sans préjudice du paragraphe 2, le paiement des parts libérées du capital initial souscrit par chaque membre du MES s’effectue en cinq versements annuels représentant chacun 20 % du montant total. Chaque membre du MES effectue le premier versement dans les quinze jours qui suivent la date d’entrée en vigueur du présent traité. Les quatre (4) autres versements sont exigibles respectivement aux premier, deuxième, troisième et quatrième anniversaires de la date du premier versement.
2. Durant la période de cinq ans au cours de laquelle a lieu la libération échelonnée du capital, les membres du MES accélèrent le paiement des parts libérées, en temps utile avant la date d’émission, pour maintenir un ratio minimum de 15 % entre le capital libéré et l’encours des émissions du MES et garantir une capacité de prêt minimale combinée du MES et de la FESF de 500 milliards (500 000 000 000) d’euros.
3. Un membre du MES peut décider d’effectuer un paiement anticipé de ses parts dans le capital libéré.
ARTICLE 42
Correction temporaire de la clé de contribution
1. Les membres du MES souscrivent initialement le capital autorisé sur la base de la clé de contribution initiale définie à l’annexe 1. La correction temporaire prise en compte dans cette clé de contribution initiale s’applique pour une période de douze (12) ans à compter de la date d’adoption de l’euro par le membre du MES concerné.
2. Si un nouveau membre du MES enregistre, au cours de l’année qui précède la date de son adhésion au MES, un produit intérieur brut (PIB) par habitant aux prix du marché exprimés en euros inférieur à 75 % du produit intérieur brut moyen de l’Union européenne par habitant aux prix du marché, sa clé de contribution pour la souscription au capital autorisé du MES, déterminée conformément à l’article 10, est corrigée temporairement et est égale à la somme de :
a) 25 % de la part détenue par sa banque centrale nationale dans le capital de la BCE, déterminée conformément à l’article 29 des statuts du SEBC ; et
b) 75 % de sa part dans le revenu national brut (RNB) de la zone euro, aux prix du marché exprimés en euros, au cours de l’année qui précède la date de son adhésion au MES.
Les pourcentages visés aux points a) et b) sont arrondis vers le bas ou vers le haut au multiple le plus proche de 0,0001 %. Les données statistiques prises en compte sont celles publiées par Eurostat.
3. La correction temporaire visée au paragraphe 2 s’applique pour une période de douze (12) ans à compter de la date d’adoption de l’euro par le membre du MES concerné.
4. En conséquence de la correction temporaire de la clé de contribution, la partie pertinente des parts attribuées au membre du MES en vertu du paragraphe 2, est redistribuée entre les membres du MES qui ne bénéficient pas d’une correction temporaire, sur la base des parts détenues dans le capital de la BCE conformément à l’article 29 des statuts du SEBC, juste avant l’attribution de parts au nouveau membre du MES.
ARTICLE 43
Premières nominations
1. Chaque membre du MES désigne son gouverneur et son gouverneur suppléant dans les deux semaines qui suivent l’entrée en vigueur du présent traité.
2. Le conseil des gouverneurs désigne le directeur général et chaque gouverneur désigne un administrateur et un administrateur suppléant dans les deux mois qui suivent l’entrée en vigueur du présent traité.
CHAPITRE 8
DISPOSITIONS FINALES
ARTICLE 44
Adhésion
Conformément à l’article 2, les autres États membres de l’Union européenne peuvent adhérer au présent traité en présentant leur demande au MES après que le Conseil de l’Union européenne a adopté, conformément à l’article 140, paragraphe 2, TFUE, la décision de mettre fin à la dérogation dont ils bénéficient concernant la participation à l’euro. Le conseil des gouverneurs approuve la demande d’adhésion du nouveau membre du MES et les modalités techniques y afférentes, ainsi que les modifications à apporter au présent traité en conséquence directe de cette nouvelle adhésion. Après l’approbation de la demande d’adhésion par le conseil des gouverneurs, les nouveaux membres du MES adhèrent au MES au moment du dépôt des instruments d’adhésion auprès du dépositaire, qui notifie ce dépôt aux autres membres.
ARTICLE 45
Annexes
Les annexes suivantes du présent traité font partie intégrante de ce dernier :
1) Annexe I : clé de contribution au MES ; et
2) Annexe II : Souscriptions au capital autorisé.
ARTICLE 46
Dépôt
Le présent traité est déposé auprès du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne (ci-après dénommé "dépositaire"), qui en remet des copies certifiées conformes à tous les signataires.
ARTICLE 47
Ratification, approbation ou acceptation
1. Le présent traité est soumis à la ratification, à l’approbation ou à l’acceptation des signataires. Les instruments de ratification, d’approbation ou d’acceptation sont remis au dépositaire.
2. Le dépositaire informe les autres signataires du dépôt de chaque instrument et de la date de ce dépôt.
ARTICLE 48
Entrée en vigueur
1. Le présent traité entre en vigueur à la date de dépôt d’instruments de ratification, d’approbation ou d’acceptation par les signataires dont la souscription initiale représente au moins 90 % des souscriptions totales indiquées à l’annexe II. La liste des membres du MES est adaptée le cas échéant. La clé déterminée à l’annexe I est alors recalculée et le capital total autorisé à l’article 8, paragraphe 1, et à l’annexe II, ainsi que la valeur nominale totale initiale des parts libérées indiquée à l’article 8, paragraphe 2, sont réduits en conséquence.
2. Pour chaque signataire qui dépose par la suite son instrument de ratification, d’approbation ou d’acceptation, le présent traité entre en vigueur le jour qui suit la date de dépôt.
3. Pour chaque État qui adhère au présent traité conformément à l’article 44, le présent traité entre en vigueur le vingtième jour qui suit le dépôt de son instrument d’adhésion.
Fait à Bruxelles, le deux février deux mille douze en un seul exemplaire original, dont les versions en langues allemande, anglaise, espagnole, estonienne, finnoise, française, grecque, irlandaise, italienne, maltaise, néerlandaise, portugaise, slovaque, slovène et suédoise font également foi, et déposé dans les archives du dépositaire qui en transmet des copies certifiées conformes à toutes les parties contractantes.
ANNEXE I
Clé de contribution du MES. Membre du MES |
Clé MES (%) |
Royaume de Belgique |
3,4771 |
République fédérale d’Allemagne |
27,1464 |
République d’Estonie |
0,1860 |
Irlande |
1,5922 |
République hellénique |
2,8167 |
Royaume d’Espagne |
11,9037 |
République française |
20,3859 |
République italienne |
17,9137 |
République de Chypre |
0,1962 |
Grand-Duché de Luxembourg |
0,2504 |
Malte |
0,0731 |
Royaume des Pays-Bas |
5,7170 |
République d’Autriche |
2,7834 |
République portugaise |
2,5092 |
République de Slovénie |
0,4276 |
République slovaque |
0,8240 |
République de Finlande |
1,7974 |
Total |
100,0 |
ANNEXE II
Souscriptions au capital autorisé Membre du MES |
Nombre de parts |
Souscription au capital (en EUR) |
Royaume de Belgique |
243 397 |
24 339 700 000 |
République fédérale d’Allemagne |
1 900 248 |
190 024 800 000 |
République d’Estonie |
13 020 |
1 302 000 000 |
Irlande |
111 454 |
11 145 400 000 |
République hellénique |
197 169 |
19 716 900 000 |
Royaume d’Espagne |
833 259 |
83 325 900 000 |
République française |
1 427 013 |
142 701 300 000 |
République italienne |
1 253 959 |
125 395 900 000 |
République de Chypre |
13 734 |
1 373 400 000 |
Grand-Duché de Luxembourg |
17 528 |
1 752 800 000 |
Malte |
5 117 |
511 700 000 |
Royaume des Pays-Bas |
400 190 |
40 019 000 000 |
République d’Autriche |
194 838 |
19 483 800 000 |
République portugaise |
175 644 |
17 564 400 000 |
République de Slovénie |
29 932 |
2 993 200 000 |
République slovaque |
57 680 |
5 768 000 000 |
République de Finlande |
125 818 |
12 581 800 000 |
Total |
7 000 000 |
700 000 000 000 |
ANNEXE 4 :
RÉSUMÉ DU RAPPORT EN ALLEMAND ET EN ANGLAIS
1) Résumé en allemand
“Die Wucht des Finanzgewitters von 2008 und die damit ausgelöste Druckwelle auf die Staatsschulden hat die Reaktionsfähigkeit Europas auf eine harte Probe gestellt.
Unter der Gischt der täglichen Wellenschläge kann man zumindest sagen, dass Europa sich behauptet hat, indem es richtungsweisende Antworten ausgearbeitet hat, die etappenweise in Richtung einer engen wirtschaftspolitischen Konvergenz führen.
Jean Monnets berühmte Aussage « Europa wird in Krisen geformt und die Summe der zur Überwindung der Krisen gewählten Lösungen sein.», scheint heute wahrer denn je.
Und die Summe ist beeindruckend. Wer hätte sich im Herbst 2008 vorstellen können, dass wir heute von einer « europäischen Wirtschaftsregierung » sprechen können, dass jeder Staat von nun an akzeptiert, alle seine wirtschaftlichen Entscheidungen von seinen Partnern bewerten zu lassen, dass fünfhundert Milliarden Euro – das Fünffache des europäischen Budgets ! – jetzt bereitliegen, um der europäischen Solidarität eine konkrete Form zu geben und um den anfälligsten Ländern im Notfall den erforderlichen Beistand zu leisten, dass die so lang erwartete und so oft aufgeschobene Perspektive auf ausgeglichene Haushalte, die der Verantwortung gegenüber zukünftigen Generationen gerecht wird, jetzt glaubwürdig ist und bald fest abgesichert wird tief im Kern der Grundgesetze unserer Nationen?
Die europäische Union hat dank des energischen und mutigen Engagements des französischen Präsidenten und der deutschen Bundeskanzlerin den Beweis erbracht, dass sie uns verteidigen kann. Viel wurde erreicht und zwar zweifellos schneller als je zuvor in der Geschichte der europäischen Gemeinschaften.
Doch das Ausmaβ dieser Konstruktionen verbietet uns, auf halbem Weg stehen zu bleiben, und die beiden groβen Irrtümer von 1992 zu wiederholen, als der Euro geschaffen wurde, aber keine Wirtschaftsregierung, um ihn zu schützen und als die Erweiterung programmiert wurde, ohne die Entscheidungsstrukturen der Union den neuen Sachverhalten anzupassen.
Es ist nämlich wahrscheinlich, dass die Staaten, wenn der Gewittersturm vorbeigezogen ist, unter dem Schutz gewaltiger in den letzten Jahren geschmiedeter Schilde der Versuchung erliegen, zurückzukehren zu den Lösungen der Vergangenheit, zu Halbheiten und zu kleinlichem nationalem Egoismus.
Die Erfahrung gebietet uns, dieses Risiko abzuwenden und mit Entschlossenheit auszuschlieβen, dass sich wieder ein leichtsinniger Rückzug ins nationale Schneckenhaus ausbreitet wie in den 2000er Jahren als so viele Länder, die aufgrund der Euro-Erfolge zu wirksam vor äuβeren Zwängen geschützt waren, ihre Wettbewerbsfähigkeit vernachlässigt, ihre Haushaltsdisziplin aufgegeben und zugelassen haben, dass sich ein diffuses Misstrauen gegenüber Europa verbreitet.
Die Zeiten haben sich jedoch tiefgreifend gewandelt. Heute kennen wir den Preis für unsere Versäumnisse und unser Zögern beim Aufbau einer europäischen Wirtschaftsregierung. Es wäre völlig unannehmbar, wenn wir unsere Anstrengungen leichtfertig drosseln würden, sobald sich die Lage ein bisschen entspannt.
Denn die Welt im Jahre 2012 ist ganz anders als die Welt im Jahre 1992.
Beeindruckende Wirtschaftsmächte sind aufgestiegen und so zeichnen sich Wirtschaftsgefechte unter Riesen ab, denen unsere einzelnen Nationen, jede allein auf sich gestellt, nicht gewachsen sind. Angesichts solcher Konkurrenten, ist ein uneiniges Europa zum Niedergang verurteilt.
Ausgehend von den in den letzten Jahren auf dem Weg zur Integration erreichten, bedeutsamen Fortschritten müssen der Union heute neue Impulse gegeben werden, indem eine vertiefte demokratische Dynamik, besonders parlamentarischer Art, angeregt wird und eine Einigkeit hervorrufende politische Vision der Zukunft Europas dargelegt wird.
Die Referenden in Frankreich, den Niederlanden und Irland haben der Union eine scharfe Abfuhr erteilt. Wenn wir die demokratische Verankerung Europas nicht festigen, laufen wir Gefahr, genauso wie wir groβe Haushaltsschulden haben anschwellen lassen, diesmal aufgrund der Anhäufung von Entscheidungen, denen es an demokratischer Legitimität mangelt und die undurchsichtig und technokratisch scheinen, eine demokratische Schuld zu nähren, die wir eines Tages begleichen müssen.
Die Sanierungs- und Konvergenzanstrengungen haben einen sozialen Preis und der explosionsartige Anstieg der Arbeitslosigkeit in den Ländern, die plötzlich gezwungen sind, das finanzpolitische Gleichgewicht wiederherzustellen, bedroht ihren inneren Zusammenhalt
Wachsende innere Schwierigkeiten bilden überall in Europa den Nährboden für verderbenbringende Illusionen des Rückzugs ins Nationale, dessen Voranschreiten durch nationale Wahlerfolge rechtsextremer Parteien skandiert wird.
Glücklicherweise versteht die groβe Mehrheit der Wähler, dass dieser Weg in die Sackgasse führt und dass die Beherrschung der Waffen ihres Schicksals unweigerlich über Europa führt.
Diese Erkenntnis erfordert, dass der offenkundigen Machtlosigkeit der Nationen jetzt die effektive Tatkraft der Union folgt, die sich aus der Stärkung einer gemeinsamen Demokratie ergibt, die den beiden Erfordernissen eines Systems entspricht, das « für das Volk, vom Volk » regiert wird.
« Für das Volk » : das ist die Herausforderung eines Europas der Resultate, konkret und offensichtlich, und eines Europas, das sich voll und ganz für den Schutz derer einsetzt, die ihr Schicksal in seine Hände gelegt haben.
Wie so oft, haben wir damit angefangen, kollektive Instrumente zu schmieden – die umso unentbehrlicher sind als unsere alten nationalen Werkzeuge nun stumpf geworden sind – und Europa handlungsfähig zu machen, damit es die groβen gemeinsamen Prioritäten festlegt, diese dann umsetzen kann, wenn nötig im Schwung der Wegbereiter, und die Kohärenz zwischen nationalen und europäischen Anstrengungen gewährleistet dank der errichteten groβen Stabilitätsstrukturen – dem Vertrag über Stabilität für Haushaltsstabilität und dem ESM-Vertrag für Finanzstabilität.
Unsere Aufgabe ist es nun, diese zu nutzen und die Ziele einer gemeinsamen Wirtschaftsregierung klar zu definieren.
Den Haushalt sanieren, die Finanzen wieder in Ordnung bringen sind unabdingbare Voraussetzungen, doch keine Politiken. Die Zeit ist reif, um dem Volk kühnere Perspektiven aufzuzeigen, indem dem wirklichen europäischen Motor Gestalt gegeben wird : ein wirtschaftliches und politisches Projekt von Bestand, das die unumgängliche fiskalpolitische Konvergenz beachtet, unsere Kräfte bei der Verfolgung gemeinsamer, ehrgeiziger Strategien in Forschung und Industrie vereint und die Bürger wirksam vor der Wucht der Globalisierung schützt.
« Vom Volk »: dies ist eine übliche Aufforderung, oft unangemessen in Anbetracht der von der Union vollbrachten echten demokratischen Fortschritte, aber dennoch wesentlich für das Fortbestehen Europas.
Es gibt keine legitime Politik, auβer der eindeutig vom Volke gewählten.
Auch hier, hat sich die Union sichere Vefahren und Institutionen verschafft, die dieses demokratische Gebot erfüllen kraft des Europäischen Rates, in dem die grundlegende impulsgebende Macht nunmehr von den Staats- und Regierungschefs, den legitimsten Volksvertretern, ausgeht, denn sie wurden direkt von ihrem Volk gewählt, und dank der nun maβgeblichen Rolle des Europäischen Parlaments.
Wir müssen jedoch einräumen, dass diese demokratischen Garantien erst dann Beweise werden, wenn sie gänzlich von einem demokratischen « Hauch » angetrieben werden, das heiβt, dass die Entscheidungen den vom Volk durch die Zustimmung für ein politisches Projekt geprägten Willen getreu wider-spiegeln.
Deswegen ist eine öffentliche europäische Debatte, bei der die Wähler durch ihre Stimmabgabe entscheiden können, heute nötiger als je zuvor.
Diese « Politisierung » Europas, in der die nationalen Parlamente, säkulare Glieder der nationalen Demokratien, eine wichtige Rolle spielen müssen, ist die Bedingung seiner demokratischen Verwurzelung. Diese müssen wir nun entschlossen einleiten. Der groβe französische Wahltermin 2012, vor den Europawahlen 2014, muss der europäischen Dimension unserer Zukunft den ihr gebührenden Platz zukommen lassen, jenseits der illusionären Bequemlichkeit demagogischer Haltungen und irreführender Ungenauigkeiten.
Die doppelte Herausforderung, Europa die Stärke eines gemeinsamen ehrgeizigen langfristigen « Projekts » (das « Warum») zu geben und den Bürgern das Recht zu geben, zwischen kurzfristigen auf gemeinsame Ziele ausgerichteten « politischen Projekten » zu wählen (die « Wie »), überträgt den beiden groβen Baumeistern des europäischen Abenteuers eine besondere Verantwortung.
Denn eine Tatsache, die bei den einen Begeisterung hervorrufen mag, bei den anderen Bedauern, ist unumstöβlich : die Fortschritte der Union gingen immer hervor aus dem ehrgeizigen Einvernehmen zwischen Deutschland und Frankreich, diesen beiden altehrwürdigen Nationen, die aus ihrer Versöhnung das Symbol selbst des Wiederaufstiegs des Kontinents gemacht haben.
Jede der groβen Verbesserungen in der wirtschaftspolitischen Steuerung beruht auf einer Vorabvereinbarung zwischen den beiden Partnern, die zwar manchmal mühsam, aber immer vom festen Willen geprägt war, den Euro zu schützen.
Die unerlässliche Debatte über den Zweck der Union, den föderalen Elan, den wir ersinnen müssen, hängt jetzt voll und ganz von ihrer Fähigkeit ab, aufbauend auf den erreichten Erfolgen bei der Errichtung einer europäischen Wirtschaftsregierung, die groβen Ambitionen des morgigen Europas zu definieren.
In diesem Dialog können wir heute von einer übereinstimmenden Analyse der Herausforderungen ausgehen.
Dem entschlossenen Engagement des Präsidenten Nicolas Sarkozy ist es zu verdanken, dass Frankreich endlich akzeptiert hat, das Ausmaβ der in so vielen europäischen Ländern schrumpfenden Wettbewerbsfähigkeit zu erfassen, die infrage stellt, ob es seine wirtschaftliche Spitzenposition in einer immer stärker konkurrierenden Welt weiterhin halten kann. Diese Erkenntnis setzt sich nur schwer im gesamten politischen Spektrum unserer Nation durch, aber zweifelsohne werden die offenkundigen Tatsachen bald das lächerliche Getue aus einer anderen Zeit in den Hintergrund drängen.
Parallel dazu hat Deutschland, das mit Nachdruck seine ursprüngliche Entscheidung erneuert hat, seine Zukunft fest mit einem ehrgeizigen Europa zu verketten, die Gewissheit erlangt, dass unsere Völker die notwendige Modernisierung nur dann akzeptieren können, wenn die Union endlich etwas unternimmt, um sie vor den Auswirkungen einer weltweiten Konkurrenz zu schützen, die den Zusammenhalt unserer Gesellschaften auf eine harte Probe stellt.
Erobern und schützen, auf diesen beiden Geboten muss die Einrichtung einer wirklich handlungsfähigen gemeinsamen Wirtschaftsregierung beruhen.
Diese Ambition bedeutet, dass Frankreich und Deutschland, die schon weit vorangekommen sind, scharfsichtig die noch in der öffentlichen Meinung vorhandenen « alten Zöpfe » abschneiden, um zu bestimmen, was sie zu teilen bereit sind.
f) Die europäische Wirtschaftsregierung vollenden
Die spektakulären Fortschritte in den Jahren 2010 bis 2012 berechtigen uns heute von einer richtigen europäischen Wirtschaftsregierung zu sprechen, die fest auf den drei Grundpfeilern der Solidarität, der haushaltspolitischen Verantwortung und der engen Koordinierung der Wirtschaftspolitiken steht.
Zwei entscheidende Fragen bleiben jedoch noch offen, auf die eine gemeinsame Antwort gefunden werden muss.
Zunächst hat die Staatsschuldenkrise gezeigt, wie sehr der Union ins Wanken geriet wegen des fehlenden Auffanggurts, der überall in der Welt die Solidität der Währungen gegenüber Spekulationsangriffen gewährleistet : die Gewissheit, dass in paroxysmalen Lagen die Staatsgewalt die Oberhand behält dank eines Kreditgebers letzter Instanz. Die beispielhafte Reaktionsfähigkeit der Zentralbank und die Errichtung einer Brandmauer in Form des Europäischen Stabilitätsmechanismus haben diese ursprüngliche Schwäche teilweise ausgeglichen. Doch die Vorsicht gebietet, weiter zu gehen und die « monetäre Frage » endgültig zu klären.
Auch haben diese Fortschritte in der wirtschaftlichen Koordinierung und gewissenhaften Haushaltsführung in der Praxis Europa Zuständigkeitsbereiche übertragen, die also kollektiv geteilt werden, aber den Kern unserer nationalen Hoheitsrechte berühren. Unter den auβergewöhnlichen Umständen der Programme für finanziellen Beistand wird die Feder der nationalen Gesetzgeber nunmehr auch von den legitimen Forderungen ihrer Partner geführt. Diese notwendigen Fortschritte müssen der Einhaltung der demokratischen Regeln auf die sich unsere Gesellschaften gründen, besser unterworfen werden. Und diese Verankerung muss ausgehen von den Hütern der Haushaltshoheit, den nationalen Parlamenten, deren Einbindung der Vertrag über Stabilität sinnvollerweise vorsieht und die jetzt konkrete Formen annehmen muss.
(1) Die monetäre Frage klären
Die monetäre Frage ruft die tiefsten Divergenzen zwischen beiden Ländern hervor aufgund beträchtlicher Fehlschlüsse, die die Debatten über das Grundsatzthema überlagen, nämlich die Lockerung der Abgrenzung zwischen der Finanzierung der Staatsschulden und den Mitteln der Europäischen Zentralbank.
Es kann nicht in Frage kommen, die Zentralbank zu ermutigen die « Geldknappheit » der Staaten zu beheben, indem sie die Geldpresse anwirft.
Eine solche Strategie, die die Regierungen ihrer Verantwortung für ausgeglichene Haushalte enthebt, ist zum Scheitern verurteilt und führt unausweichlich, alle historischen Erfahrungen belegen dies, zu Inflation. Der Erwerb öffentlicher Anleihen, einzig und allein um die Last von Haushaltsungleichgewichten zu mindern, führt in eine Sackgasse, in die sich unsere deutschen Partner zu Recht unter keinen Umständen begeben wollen.
Allerdings kann die Finanzierung, sei es direkt oder indirekt, der Staatsschulden auch betrachtet werden als eins der Instrumente der Geldpolitik, auf das es absurd wäre, zu verzichten.
Denn die seit 2009 von der US-Zentralbank oder der britischen Zentralbank verfolgte Politik der quantitativen Lockerung wird nicht betrieben, um das Defizit zu finanzieren, sondern vielmehr um die Wirtschaft anzukurbeln in einer Sachlage, wo traditionelle Kreditkanäle verstopft sind und der Zinssatz einen Tiefstwert erreicht.
Auf frappierende Weise hat das aktuelle Geschehen verdeutlicht, wie wichtig das Vorhandensein eines Kreditgebers letzter Instanz zur Wahrung finanzieller Gleichgewichte ist, besonders in Extremsituationen, die leider nicht nur in der Theorie bestehen und in denen ein zahlungsfähiger Staat in die Pleite gedrängt wird durch eine Welle von Spekulationen, die ihm unverhältmäβig hohe, unüberwindbare Zinssätze bescheren.
In diesen sehr spezifischen Fällen verfügt nur die Zentralbank über die geeigneten Mittel, diesen Teufelskreis zu durchbrechen dank der eindrucksvollen Schlagkraft der Geldschöpfung, die sie allerdings nicht einzusetzen braucht , denn, das, was der Staatssekretaire Hans Paulson 2008 erklärte, trifft auch heute zu: « Wenn Sie eine Wasserpistole in der Tasche haben, ist es wahrscheinlich, dass Sie diese ziehen müssen. Wenn Sie jedoch eine Bazooka besitzen und die Leute das wissen, ist es unwahrscheinlich, dass Sie sich dieser bedienen müssen ».
Auf diese Weise konnte die Europäische Zentralbank die Wogen glätten, als sie angefangen hat, wie obig beschrieben, nationale Schuldtitel auf dem Sekundärmarkt zu erwerben und dann die Banken mit auβergewöhnlich hoher mittelfristiger Liquidität versorgt hat.
Aber diese Notlösung kann keine dauerhafte Lösung sein, solange in den Augen der Investoren Ungewissheiten bestehen bleiben bezüglich des Willens und der Fähigkeit der Euro-Hüter, den spekulativen Angriffen endgültig ein Ende zu setzen und dazu, wenn nötig, ihre ganze Schlagkraft einzusetzen.
Sobald die Staaten dank dem Vertrag über Stabilität das Fundament für eine glaubhafte und eingehend geprüfte Haushaltssanierung gelegt haben, müssen Frankreich und Deutschland Mittel und Wege finden, sich zu verständigen frei jeder Ideologie, die das wahre Wesen der erwägten Lösungen verzerrt, und den Weg freimachen für innovative Lösungen, wie zum Beispiel die Ausweitung der ESM-Mittel.
(2) Die demokratische Verankerung der Wirtschafts-regierung dank der Einbindung der nationalen Parlamente gewährleisten
Die Euro-Rettung, die Errichtung einer Wirtschaftsregierung der Siebzehn und die Wiederherstellung der finanziellen Gleichgewichte setzen nunmehr den nationalen Haushaltsplanungen einen strengen Rahmen. Das wirkt sich in erster Linie auf die Entscheidungsfähigkeit der öffentlichen Behörden aus, die die Landesgeschichte damit betraut hat, Steuern zu billigen und wirtschaftliche Ambitionen zu verfassen.
Die Vertiefung der wirtschaftlichen und finanziellen Integration wird von unseren Völkern nur akzeptiert werden, wenn diese parallel zu einer Vertiefung der europäischen Demokratie verankert wird.
Es ist sicher eine bedeutende demokratische Garantie, dass die führende Rolle dem Europäischen Rat zukommt, also den höchsten Amtsträgern der Staaten. Aber Demokratie wird auch verkörpert durch die Transparenz und die kontroverse Debatte, die nur die Parlamente schaffen, in ihrer Eigenschaft als säkulare Glieder, die das Volk mit einer Vielfalt von Meinungen und das Gesetz verbinden.
In diesem Zusammenhang ist es unerlässlich, dass die nationalen Parlamente kollektiv in die neue gemeinsame Disziplin einbezogen werden, indem sie in jede Etappe des europäischen wirtschaftspolitischen Entscheidungsprozesses eingebunden werden.
Zu diesem Zweck hatten der Präsident der l’Assemblée nationale Bernard Accoyer, der Präsident des Finanzausschusses Jérôme Cahuzac und sein Generalberichterstatter Gilles Carrez und Ihr Berichterstatter schon im Herbst 2010 die Abhaltung einer « haushaltspolitischen Konferenz » die auf europäischer Ebene einen Einbindungspakt der siebenundzwanzig Parlemente besiegeln sollte, um gemeinsam über die Kohärenz der nationalen Haushaltsentscheidungen, die Relevanz der Zielsetzungen der Union und den erreichten Fortschritten bei der Verwirklichung der Ambitionen der Strategie Europa 2020 zu diskutieren.
In diesem Sinne beinhaltet der Vertrag über Stabilität nunmehr den Artikel 13 der vorsieht dass « das europäische Parlament und die nationalen Parlamente der Vertragsparteien gemeinsam über die Organisation und Förderung einer Konferenz von Vertretern der zuständigen Ausschüsse des Europäischen Parlaments und der nationalen Parlamente bestimmen, um die Haushaltspolitik und andere von diesem Vertrag erfasste Angelegenheiten zu diskutieren ».
Diese haushaltspolitische Konferenz muss zügig eingeleitet werden in einer flexiblen und reaktiven Form, an der insbesonders Vertreter der Finanzausschüsse der Mitgliedsstaaten teilnehmen – aber auch bei Bedarf Parlementarier anderer Ausschüsse, wenn die jeweilige Tagesordnung sie besonders betrifft.
Delegationen bestehend aus sechs Parlamentariern pro Mitgliedsstaat und für das Europäische Parlament, in Anlehnung an die Verfahrensweisen der Konferenz der Europaausschüsse (COSAC), könnten die unerlässliche Vertretung der nationalen Oppositionen zum richtigen Zeitpunkt miteinbeziehen. Andernfalls ist es möglich, vorzuschlagen, dass diese Delegationen im allgemeinen die Vorsitzenden und die Berichterstatter der Finanzausschüsse jeden Landes versammeln mit den Vorsitzenden oder den Berichterstattern der Ausschüsse für die Angelegenheiten der Europäischen Union, die ihre fachübergreifende Sachkenntnis hinsichtlich der europäischen Herausforderungen einbringen könnten.
Die Präsidenten der Europäischen Kommission, des Gipfels der Staats- und Regierungschefs der Eurozone und des Rates der Europäischen Union sowie der Vorsitzende der Euro-Gruppe wären zu Recht berufen, regelmäβig angehört zu werden.
Ihr Berichterstatter schlägt vor, dass diese Konferenzen allmählich alle Aspekte der europäischen Steuerung umspannen.
In diesem Zusammenhang wäre es zweckvoll, drei Tagungungsperioden anzuberaumen :
– Die Konferenz könnte im Juni die von der Europäischen Kommission abgegebenen Beschlussempfehlungen über die Stabilitäts- und Reformprogramme erörtern, die im April von den einzelnen Mitgliedsstaaten vorgelegt wurden. Ein Schwerpunkt dieser Sommertagung, im Vorfeld zu den durch den Rat engültig verabschiedeten Empfehlungen, wären die notwendigen Konvergenz-Bemühungen der Mitgliedsstaatensur zur Erreichung der Ziele der Strategie Europa 2020 und des Euro –Plus-Pakts.
– Eine Herbsttagung, die nach der Übergabe der nationalen Haushaltsentwürfe an die Europäische Kommission am 15. Oktober und vor deren endgültiger Verabschiedung in den nationalen Parlamenten Ende November/Anfang Dezember stattfindet, wäre die Gelegenheit, eventuelle Mahnungen der Kommission gegenüber Staaten zu erörtern, die signifikant abweichen von ihren europäischen Verpflichtungen und über die strategischen Orientierungen der Wirtschaftspolitiken für das folgende Jahr zu debattieren zu dem Zeitpunkt, an dem die Europäische Kommission ihren « Jahreswachstumsbericht » vorlegt, nunmehr im November verfügbar.
Ebenfalls könnte in dieser Tagungsperiode eine jährliche Debatte über die Bilanz der Einsätze des Europäischen Stabilitätsmechanismus erfolgen, die eine parlamentarische Nachkontrolle erfordern, ohne die das Transparenzgebot nur schwer durchzusetzen wäre.
– Auβerordentliche Tagungen könnten anberaumt werden, um gegebenenfalls die von der Kommission an die Staaten im Rahmen eines Defizitverfahrens abgegebenen Empfehlungen zu erörtern.
Aus Gründen der Reakivität und der Effizienz wäre es möglich, ein « Büro » dieser Konferenz einzusetzen, das aus zwei Parlementariern pro Mitgliedsstaat besteht und sich zum Beispiel per Videokonferenz absprechen könnte, um über jeden Vorschlag zur Schaffung von Finanzhilfen zugunsten eines Mitgliedsstaates der Eurozone und jedes Vorhaben zur Abänderung der entsprechenden Vereinbarungsprotokolle zu beraten. Es könnte ebenfalls beraten über alle Beschlüsse der Euro-Gruppe, die die Zahlung einer Kredittranche im Rahmen dieser Programme genehmigen.
g) Die Union mit Finanzmitteln ausstatten, um die Staaten in ihren Anstrengungen abzulösen und das Instrumentarium einer ehrgeizigen Investitionspolitik wiederzuerlangen: die unvermeidbare Frage der EU-Anleihen
Die Frage der europäischen Wirtschaftsregierung ist untrennbar von den Mitteln, mit denen die Union sich ausstatten kann, um dem beachtlichen Finanzierungsbedarf nachzukommen, den die Schaffung eines wirtschaftlichen Fundaments, und insbesonders industrieller Art, erfordert, um imstande zu sein, sich auf dem Weltmarkt zu behaupten.
Doch weder die einzelnen Staaten, die zu mustergültigen Haushaltsanpassungen gezwungen sind, noch der europäische Haushalt, abhängig von den nationalen Beiträgen, die aufgrund der Lage öffentlicher Finanzen natürlich derzeit begrenzt sind, verfügen augenblicklich über ausreichende Handlungsspielräume.
Infolgedessen muss in einer Union, die frei von jeglicher Verschuldung ist, die Frage der Eurobonds gestellt werden, deren Konkretisierung leider aufgrund von Ungenauigkeiten und Fehlschlüssen versperrt wird.
Auch hierbei muss Klarheit bestehen, welche Ziele verfolgt werden, und es ist das groβe Verdienst Deutschlands diese Frage ab Sommer 2011, als sich die Debatte über die Eurobonds verstärkte, wieder auf die richtige Ebene gebracht zu haben, indem Deutschland betonte, dass die Frage der technischen Vorgehensweise erst dann angegangen werden könne, nachdem die Entscheidung über das politische Projekt gefallen ist, dessen Instrument sie sind.
(1) Die Sackgasse der Eurobonds, «Ersatz » von Staatsschulden
Wenn die Ausgabe gemeinsamer Anleihen nur dazu dienen sollte, angesichts des Drucks auf die von den in Bedrängnis geratenen Staaten zu zahlenden Zinssätze, nationale Anleihen zu ersetzen, weil sich diese verteuert haben, und so zurückzukehren unter dem freundlichen Schutz der Vertrauenswürdigkeit Deutschlands in vergangene Zeiten der haushaltspolitischen Sorglosigkeit vom Anfang der 2000er Jahre, dann führt dies unausbleiblich in eine bedenkliche Sackgasse, die das Vertrauen in den Euro auf Dauer ruinieren könnte.
Ein Blick in die Zukunft lässt uns die Vorsorge unserer Partner besser verstehen. Deutschland kann nicht leichtfertig Verpflichtungen eingehen, nicht nur aus philosophischen und überdies gut fundierten Gründen sondern vor allem, weil Deutschland dafür auf Dauer die Mittel fehlen.
Zu oft bleibt unbeachtet, dass unseren Nachbarn ein auβergewöhnlicher demografischer Schock droht, dem gegenüber das Haushaltsgleichgewicht ein absolutes Gebot ist, das nicht infolge einer voreilig und ohne Gegenleistung erteilten Bürgschaft für seine weniger vorausschauenden Nachbarn gefährdet werden darf.
Frankreich muss nachdrücklich klarstellen, dass es nicht wünscht, eventuelle gemeinsame Anleihen dazu zu benutzen, Staatsschulden bequem zu ersetzen und die Regierung hat zu Recht jede in diese Richtung führenden Schritte im Voraus absolut abhängig gemacht von einer in allen Euroländern verstärkten Haushaltsdisziplin.
Doch es gibt eine andere Form von gemeinsamen Anleihen, auf die es schade wäre zu verzichten.
(2) Der Weg der Projektbonds für Wettbewerbsfähigkeit
Es ist allgemein bekannt, dass die Europäische Union einem beträchtlichen Investitionsbedarf gegenübersteht, um ihre Produktionsanlagen zu erhalten und zu erneuern.
Trotz reichlich vorhandener Ersparnis hat die globale Investitionsquote, die weniger als 20 % des BIP beträgt, fast fünf Punkte in zehn Jahren verloren wegen der doppelten Wirkung der Blasen, insbesonders der Immobilien- und der Finanzblase, die einen Teil der Produktionsmittel abgezogen haben, und des spektakulären Wachstums in den Schwellenländern, wo die groβen Unternehmen ihre Gewinne tendenziell immer mehr investieren. Es ist zu befürchten, dass die Konsolidierungsanstrengungen der Mitgliedsstaaten diese gefährliche Regression begünstigen.
Gleichzeitig aber war der Bedarf nie so groβ wie jetzt, da Europa endlich die schwere Herausforderung seiner Neuindustralisierung annimmt, die es nötig macht, Zukunftstechnologien zu erfinden und und beträchtliche Forschungs- und Ausrüstungsinvestitionen zu tätigen.
Hierzu würden die europäischen Anleihen, die ausschlieβlich der Finanzierung zukünftiger Ausgaben dienen, einen wertvollen Vorteil bieten im Sinne des am 19. Oktober von der Kommission vorgelegten Finanzierungsplans für groβe Transport-, Energie- und Telekommunikationsnetze, die sich auf Projektanleihen, « Projektbonds », stützen.
Der Betrag ist bescheiden, aber diese Initiative, die an die Leistungskraft « öffentlicher und privater » Partnerschaften appelliert, denn nur diese machen uns handlungsfähig gegenüber den finanziellen Herausforderungen, schlägt einen vielversprechenden Weg ein.
Für die Europäische Union wäre es einträglich, diesen Weg mit mehr Ambition zu gehen und sie könnte dabei dem Beispiel der groβen französischen Staatsanleihe folgen, die dazu diente, äuβerst innovative und wachstumsfördernde Projekte zu finanzieren.
Langfristig wäre die Emission von allgemeineren Obligationen, die Staatsschulden gänzlich oder teilweise bündeln, eine förderliche Perspektive. Diese « blue bonds » würden ohne Frage die Attraktivität der Eurozone für die Investoren erhöhen, denn auf diese Weise würden sie wie in den USA über einen tiefen und flüssigen Markt verfügen. Sie würden spekulativen Spielen, die wegen kuzfristiger Gewinnperspektiven souveräne Emittenten gegeneinander ausspielen, ein Ende setzen. Sie würden die Finanzierungskosten der Staaten senken und auf diese Weise die Wachstumsperspektiven ihrer Volkswirtschaften verbessern. Sie würden auch glanzvoll von der europäischen Solidarität zeugen und lieβen den Euro zu einer führenden Währung werden.
Doch eben weil dies die verheiβungsvollste Ambition ist, darf sie nicht wegen überstürzten Handelns verpatzt werden.
Sie erfordert nämlich die Erfüllung zahlreicher Vorbedingungenen, insbesonders bezüglich der Angleichung der Wettbewerbsfähigkeit und der Konsolidierung der haushaltspolitischen Glaubwürdigkeit, ohne die die Eurobonds zum Scheitern verurteilt sind.
Aussicht auf Erfolg haben die europäischen Obligationen nur, wenn sie zukunftsorientiert sind, zum Beispiel wenn sie nur der Finanzierung von Infrastruktur-, Forschungs- , Ausbildungs- und Weiterbildungsvorhaben der Mitgliedsstaaten dienen und sie einhergehen mit Anreizen, die zum Beispiel die den Staaten berechneten Zinssätze modulieren, je nachdem wie weit die Vorhaben im Hinblick auf das gemeinsame Ziel fortgeschritten sind.
Auch hier können Frankreich und Deutschland sofort die Ecksteine und die Perspektiven der Debatte klar festlegen und ideologische Reflexe beiseite lassen zugunsten des europäischen Projekts, das sie vor eine harte, aber begeisternde Aufgabe stellt.
h) Die Instrumente der EU erneuern, um sie für die Neuindustrialisierung einzusetzen
Doch Industrie und Wettbewerbsfähigkeit hängen nicht nur von umfangreichen Investitionsvolumen ab.
Sie benötigen günstige Bedingungen, die alle Aspekte öffentlicher Maβnahmen betreffen, bei denen die Europäische Union jetzt schon über vielversprechende Hebel verfügt, die sie nur besser nutzen müsste zugunsten aller Mitgliedsstaaten.
Ein kühnes Einvernehmen über diese Themen ist mit Deutschland möglich, da die Industrialisierung auch dort zwingend nötig ist.
(1) Forschung und Industrie, entscheidende Prioritäten, um sich im internationalen Wettbewerb zu behaupten
Drei groβe Programme, die seit Langem von der Europäischen Union geführt werden, bilden den Knotenpunkt des Bedarfs an Wettbewerbsfähigkeit in Europa. Alle drei können auf die aktuellen Herausforderungen neu ausgerichtet werden, ohne eine « juristische Revolution » heraufzubeschwören, die uns noch mehr unter Zeitdruck setzen würde.
– Das erste ist natürlich der Binnenmarkt, eine der wertvollsten Errungenschaften der Gemeinschaft.
Lange Zeit wurde der Binnenmarkt in einer « negativen » Logik aufgebaut mit dem Ziel nationale, dem Aufkommen einer natürlichen Konkurrenz auf EU-Ebene abträgliche Bremsen abzubauen und fokussierte sich deswegen dabei zu sehr auf die Konzerne. Heute muss der Binnenmarkt eine integrative Ambition bekräftigen, um die Innovation besser zu fördern, die Leistungskraft unserer inländischen Unternehmen zu vereinen und das Potenzial unserer für Wohlstand und Beschäftigung unerlässlichen KMU zu schützen.
– Die Forschung ist der zweite Bereich europäischer Politik, den es gilt, schnellstmöglich zu modernisiern, wobei es auch hier nötig ist, die Anstrengungen zu vereinen und administrative Verfahren zu vereinfachen.
Zur Erschlieβung der notwendigen Skaleneffekte, die mit der Stärke unserer Hauptkonkurrenten mithalten können, müssen das achte europäische Rahmenprogramm für Forschung und Entwicklung (8.FRP 2014-2020) und die Strategie Europa 2020 besser in Einklang gebracht werden, indem die Forschungsanstrengungen der Länder mit multidisziplinären Exzellenzzentren in Forschung gebündelt werden.
Parallel dazu, die erfolgreichen Cluster unserer amerikanischen Partner vor Augen, muss die schnelle Schaffung von transnationalen « Exzellenz-Polen » gefördert werden, wo öffentliche Forschung, Universitäten und Unternehmen zusammenarbeiten, dank der Angleichung des Status von europäischen Forschern.
– Das dritte groβe Instrument der Union, die Kohäsionspolitik, muss weitgehend überdacht werden, um sie den Anforderungen der Wettbewerbsfähigkeit anzupassen, ohne die ganze Teile Europas industriell und wirtschaftlich zu veröden drohen und die Strukturprogramme sich in nie endende rückzahlfreie Subventionen verwandeln in Regionen, die in einer teuflischen Abwärtsspirale stecken.
Diesbezüglich wäre es sinnvoll, zwei Wege zu erkunden.
Der erste beruht darauf, dass die Vergabe der Fonds flexibilisiert wird, indem schlecht genutzte oder nahezu ergebnislose Kredite den groβen konjunkturellen Prioritäten bereitgestellt werden. Dieser Weg wurde bereits vom Europäischen Rat eingeschlagen.
Im Rahmen der Verhandlung über die zukünftigen Finanzperspektiven 2014-2020 wäre es einerseits zweckvoll, die Relevanz der im Namen des Zieles « Wettbewerbsfähigkeit », durchgeführten Aktionen zu prüfen, denn diese stehen oft in der Kritik des Gieβkannenprinzips, und andererseits die Schaffung eines Zwischenziels zu fördern zwischen diesem und der « Konvergenz », um den zwar entwickelten, aber von der Entindustrialisierung bedrohten Regionen, die Möglichkeit zu geben, Projekte zu finanzieren, denen eine kritische Gröβe zugute kommt, die in der lokalen Wirtschaftsstruktur ins Gewicht fallen kann.
(2) Endlich mit gleichen Waffen antreten und wagen auf Gegenseitigkeit zu bestehen
Die Fortschritte in jeder dieser groβen von der Union geführten Politiken könnten das gesamte Gefüge der die Wettbewerbsfähigkeit stützenden Säulen festigen. Allerdings muss festgestellt werden, dass sie allein nicht der Herausforderung standhalten können, die sich Europa infolge des plötzlichen und unaufhaltsamen Aufstiegs neuer Wirtschaftsriesen stellt.
Die Union muss zum Schutz ihrer Bürger endlich akzeptieren, in dem ungezügelten weltweiten Wettbewerb nunmehr mit gleichen Waffen anzutreten. Und sie muss den Mut aufbringen zwei Tabus zu brechen, die uns immer noch benachteiligen auf einem Weltmarkt, der nicht so zivilisiert ist, wie es sich unsere Vertreter in Brüssel erträumen.
– Das erste betrifft die fast« sakralisierte » Konzeption des Wettbewerbs der Europäer.
Das etatistische Modell, das die auβergewöhnliche Entwicklung der Schwellenländer kraftvoll stützt, erschüttert die herkömmlichen Konzeptionen des internationalen Handels und macht die pedantischen, unnachgiebigen und technokratischen Kontrollen der Europäischen Kommission bezüglich staatlicher Beihilfen und Unternehmenskonzentration von Tag zu Tag unerträglicher.
Eine den Anforderungen des XXI. Jahrhunderts besser angepasste Wettbewerbspolitik erfordert tiegreifende Reformen. Diese könnten zunächst unsere Verfahren betreffen dank der Schaffung eines gemeinsamen Kommissars für Wettbewerb und Industrie und der Möglichkeit einer Rechtsbeschwerde vor dem Europäischen Rat. der im Konsensverfahren über die von der Europäischen Kommission ausgesprochenen Verurteilungen hinsichtlich staatlicher Beihilfen entscheidet.
Eine ehrgeizige Industriepolitik zwingt uns, nachzudenken über die Einführung einer Entsprechungsklausel, die gröβere Beihilfen zulässt, wenn feststeht, dass ein nichteuropäisches Konkurrenzland mehr Finanzhilfen in demselben Industriebereich erhält. Ebenso kann mehr unternommen werden, um die Europäische Investitionsbank dazu zu bewegen, zukunftsweisende Groβprojekte zu unterstützen und dazu beizutragen, den Airbus der Zukunft hervorzubringen.
– Das zweite groβe Tabu, das heute möglicherweise fortgeräumt werden kann, belastet unsere Handelspolitik, ebenfalls ein ausschlieβlicher Zuständigkeitsbereich der Union.
Wir dürfen nicht mehr zulassen, dass unsere Unternehmen, die drakonischen, aber notwendigen sozialen, sanitären und Umweltbestimmungen unterliegen, täglich den unfairen Wettbewerb hinnehmen müssen von Mitbewerbern, die ihre Verpflichtungen gegenüber ihren Völkern und unserem Planeten viel weniger achten.
Die Frage der Gemeischaftspräferenz, die eigentlich nur das Prinzip der fairen Gegenseitigkeit im Sozial- und Umweltbereich ist, muss deutlich und entschlossen innerhalb der zuständigen Einrichtung, der Welthandelsorganisation, gestellt werden.
Der schnell umzusetzende französische Vorschlag einer CO2-Steuer an den europäischen Grenzen als Ausgleich zu den geleisteten Anstrengungen zum allgemeinen Wohlergehen unseres Planeten muss eine der Prioritäten Europas sein, sonst laufen wir Gefahr den Lohn unseres vorbildhaften Kampfes gegen den Klimawandel zunichte zu machen, wenn Industrieunternehmen unsere Gefilde verlieβen, um sich in Ländern niederzulassen, wo Umweltanliegen noch nebensächlich sind.
i) Vom Europa in Geisel-Position freikommen und Vorkämpfer akzeptieren
Ehrgeizige Fortschritte, über die sich Frankreich und Deutschland einigen können, können natürlich nicht den Anspruch erheben, alle unsere europäischen Partner schnell zu überzeugen.
Die vorherige einstimmige Zustimmung abwarten, bedeutet in Machtlosigkeit zu verharren. Und vorangehen, wenn nötig erst einmal im Alleingang, erhöht dann paradoxerweise die Wahrscheinlichkeit, aufgrund beispielhafter Ergebnisse die meisten hinter sich zu vereinigen.
Es ist ganz offensichtlich, dass die Eurozone, die bereits zahlreiche spezifische Instrumente geschmiedet hat, ohne dabei die starke Bindung an die Union der Siebenundzwanzig zu lockern, und auch den europäischen Institutionen den ihnen zustehenden Raum, wichtig und eminent, gelassen hat, den harten Kern einer verstärkten Integration bilden wird.
Und die steuerliche Konvergenz, die in der Union der Siebenundzwanzig wegen der erforderlichen Einstimmigkeit zur Paralyse verurteilt ist, obwohl sie nie so unerlässlich war wie heute angesichts des inakzeptablen Steuerdumpings, das die staatlichen Mittel bis zur Ausschöpfung erodiert, muss natürlich der vorrangige Bereich dieser Zusammenarbeit werden, ausgehend von der initiativen Harmonisierung der Grundlagen der Unternehmensbesteuerung, die Frankreich und Deutschland ab 2013 einleiten wollen.
In diesem Sinne muss die Finanztransaktionssteur schnell ins Leben gerufen werden, ausgehend von einer wegbereitenden Gruppe, um der Welt abermals zu beweisen, dass Europa den festen Willen hat, die Grundlagen zu legen für eine Wirtschaft der Gerechtigkeit und der Wettbewerbsfähigkeit.
j) Den Bürgern das letzte Wort lassen, indem man ein politisches Europa akzeptiert
Dieser neue föderale Elan, den die obig detaillierten Vorschläge darstellen könnten, ist jedoch nur möglich, wenn die Völker ihn unterstützen und vorantreiben.
Da die Union sich der Wirtschaftspolitiken, das heiβt der entscheidenden Instrumente unseres gemeinsamen Schicksals, angenommen hat, kann die Union das politische Stelldichein mit ihren Völkern nicht länger aufschieben. Diese demokratische Bedingung erfordert, wie obig dargestellt, das Bedürfnis nach Schutz und Wachstum zu befriedigen, das überall Europa tagtäglich dringender wird.
Das impliziert aber auch, den Bürgern den ihnen zustehenden Platz bei der Ausarbeitung gemeinsamer Normen einzuräumen. Denn das Demokratiedefizit ist ein Transparenzdefizit und auch ein Wahldefizit.
■ Die Demokratie beruht maβgeblich auf dem Vorhandensein einer öffentlichen Debatte und auf der Verkörperung der Entscheidungen, damit jeder Bürger die Sachverhalte und Verantworlichkeiten klar erkennt und Rechenschaft fordern kann.
In dem Bestreben diese längst überfällige transnationale öffentliche Debatte in der Union zu ermöglichen, ohne dabei die Büchse der Pandora zu öffnen, das heiβt eine endlose Reihe institutioneller Revisionen auszulösen, plädiert ihr Berichterstatter seit Langem für die Organisierung einer groβen « Lage der Union », bei der nach den Darlegungen des Präsidenten des Europäischen Rates, des Präsidenten der Kommission und der groβen europäischen Akteure, nationale Parlamentarier und EU-Abgeordnete gemeinsam die wesentlichen Prioritäten der gemeinsamen Aktion erörtern.
Im Sinne der « Personifizierung » Europas, bezugnehmend auf den wagemutigen Vorschlag unserer deutschen Partner der CDU, nämlich den Präsidenten der Europäischen Kommission per Direktwahl wählen zu lassen, was allerdings langwierige und komplexe Verhandlungen über Vertragsänderungen mit sich brächte, wäre es möglich Europa schnell einen « Präsidenten » zu geben, indem die Verantwortung für die Leitung der europäischen Kommission und für die Präsidentschaft des Europäischen Rates ein und derselben Person anvertraut wird, da dies nicht vertragswidrig ist..
■ Aber Demokratie, ist auch und vor allem die Entscheidung des Volkes, das aufgerufen ist zu wählen zwischen grundlegenden Alternativen, die sich seinem Schicksal eröffnen.
Und hier leidet Europa darunter, was paradoxerweise seine Stärke ausmacht : seine auβergewöhnliche Fähigkeit einen Konsens zu schmieden bei manchmal divergenten Optionen, die Staaten oder Meinungsströmungen spalten.
Doch diese Fähigkeit, Kompromisse einzugehen, um das allgemeine Interesse der Union zu verkörpern, kann auch dazu führen, dass die Bürger sich abwenden, da sie enttäuscht sind, nur noch so wenig Einfluss nehmen zu können auf Entscheidungen, die ihre Zukunft bestimmen. Dies ist kein unabwendbares Verhängnis : die Suche nach einem Kompromiss, die Weichenstellung für einen Konsens bestimmen den Alltag der meisten europäischen Regierungen. Doch die aufwendige Suche nach dem Allgemeininteresse ist erst dann wirklich legitim, wenn das Volk regelmäβig dazu aufgerufen ist über die groβen Formen der öffentlichen Maβnahmen, die jeder daraus ableitet, abzustimmen.
Europa mangelt es derzeit jedoch vordringlich an Wahlen, vor allem politischer Art. Die Wahlen zum europäischen Parlament sind, das ist allgemein bekannt, eine Vervielfachung nationaler politischer Test, deren Tragweite umso mehr nachlässt als sich eine Mehrheit der Wähler üblicherweise nicht dafür interessiert.
Dies ist nicht unabänderlich.
Es wäre möglich, ja nahezu einfach, aus den Wahlen 2014 das politische Stelldichein Europas mit seinen Völkern zu machen. Jedem die Wahlmöglichkeit zwischen mehreren wesentlichen Optionen der Gesetzgebungstätigkeit der Union zu geben. Dabei spielen die europäischen politischen Parteien eine unersetzbare Rolle. Denn nur sie haben die Mittel, grenzübergreifend Debatten über den Gegenstand der Wahlen zu organisieren: die Zukunft der Union.
Damit dies gelingt, ist es nötig, zwei Bedingungen zu erfüllen, für deren Erfüllung wir uns ab sofort einsetzen sollten: die namentliche Nennung des Kandidaten der Partei für die Präsidentschaft der Kommission, der vom nächsten Europäischen Parlement eingesetzt wird; eine lesbare Wahlkampf-Plattform definieren, die alle groβen sich Europa stellenden Fragen umfasst. Die Europäische Volkspartei hatte dies 2009 unternommen, leider allerdings hatten die Gegenspieler in der politischen Arena keine ähnlich ausgereiften Arbeiten vorzuweisen. Es ist an der Zeit, diese Arbeiten sofort wieder aufzunehmen, um die Chance 2014 nicht zu verpassen.
Diese Arbeit kommt natürlich den europäischen Parlamentariern und zukünftigen Kandidaten zu. Ich meine aber, dass die nationalen Parlementarier aufgrund ihrer weitgehenden Erfahrung in der Politisierung der Demokratie, ihnen dabei eine wertvolle Hilfe sein können. In diesem Sinne empfiehlt ihr Berichterstatter den groβen Parteien, ab sofort in Hinsicht auf die Wahlen 2014 groβe Kongresse der europäischen und nationalen Parlamentarier gleicher Schattierung zu organisieren, um dort Überlegungen zu den groβen Orientierungen ihrer zukünftigen europäischen Programme anzustellen.”
2) Résumé en anglais
“The violence of the financial storm of 2008 and its shock wave on sovereign debts was a brutal test of Europe's capacity to react.
The least that can be said is that, in the wake of the daily onslaughts, Europe has always taken a stand, developing extremely novel responses and crossing, one by one, all the steps towards close convergence of economic policies.
Rarely indeed has Jean Monnet's famous assertion that 'Europe will be built in crisis and will be the sum of the responses given to those crises', appeared so true.
That sum is indeed impressive. Who could have imagined, in autumn 2008, that we can now speak of a 'European economic government', that each State now accepts to submit all its economic choices to peer review, that five hundred billion euros – five times the European budget! – are now on the table to concretise European solidarity and provide the emergency assistance required by the most fragile countries, that the so long awaited and so long delayed prospect of a balance of government finances, in other words the materialisation of responsibility towards future generations, is now credible, and will soon be enshrined in the very core of the basic laws of our nations?
The European Union, at the energetic and courageous behest of the French President and the German Chancellor, has proven it knew how to defend us. Much has been done, no doubt more rapidly than ever in the history of the European Communities.
But the very scale of this work in progress bans us from stopping in the process and reproducing the two big mistakes of 1992 when the euro was created without being protected by indispensable economic government and when the enlargement was programmed without the Union's decisional structures being adapted to this new situation.
Once the storm has passed, and sheltering behind the powerful shields created in recent years, States will indeed probably succumb to the temptation of reverting to the solutions of the past, to the half measures and to the petty national egoisms.
Experience commands us to avert this risk and brush resolutely aside the path of heedless self-withdrawal which had triumphed in the 2000s when, protected too effectively from external constraints by the very successes of the euro, so many countries let their competitiveness drift, abandoned their budgetary vigilance and let diffuse mistrust flourish with regard to Europe.
Times have indeed changed profoundly. We see today the price paid for our delays and hesitations in building a European economic government. It would quite simply be unacceptable if, by any chance, we were to relax our effort at the first upturn.
For the world of 2012 is not that of 1992.
Impressive economic powers have emerged, waging an economic combat of giants in which our isolated nations have no clout. Facing such competitors, a disunited Europe is doomed to decline.
Building on the major progress accomplished in recent years towards integration, the reinvigoration of the Union supposes the setting in motion of a deep democratic dynamic, especially parliamentarian, and proposing a political vision of Europe's long-term future, capable of rallying.
The French, Dutch and Irish referendums were harsh warnings for the Union. Without strengthening Europe's democratic anchoring, we run the risk, as we have allowed the appearance of a succession of heavy budgetary debts, of feeding, by the build-up of decisions short on legitimacy and still too often poorly understood and perceived as technocratic, a democratic debt which one day will have to be paid.
The consolidation and convergence effort has a social cost, and the explosion of unemployment in countries suddenly forced into re-establishing their balances represents a dangerous threat to their domestic cohesion.
The rise in domestic difficulties is feeding, everywhere in Europe, the deadly illusions of nationalistic withdrawals of which the increasing scores obtained by the extreme right in all national elections are underscoring the progress.
The vast majority of voters fortunately clearly understand that this path is a dead end and that having full control over their fate necessarily entails Europe.
Yet this awareness requires that the evidence of national powerlessness is quickly followed by proof of the Union's efficacy, which requires the consolidation of a common democracy in keeping with the two requirements of a system governed 'for the people, by the people.'
'For the people': this is the challenge of a Europe of concrete and eloquent results and of a Europe entirely turned towards protecting those who have placed their fate in its hands.
As often, we began by creating collective instruments – all the more essential as our old national tools were now really blunt – and giving Europe the means to act so that it could define major common priorities, concretise them, if need be by the boost given to the avant-gardes, and ensure the coherence of national and European efforts thanks to the major stability treaties – budgetary with the treaty on stability and financial with the European stability mechanism treaty.
It now lies with us to make use of these instruments and clearly fix the goals of the common economic government.
Budget consolidation and getting our fiscal house in order are prerequisites, not policies. The time has come to give the people more audacious prospects, by fleshing out the genuine European driving force: a long-lasting economic and political project which must entail the essential fiscal convergence, gather our forces in joint ambitious research and industry strategies and effectively protect citizens from the violence of globalisation.
'By the people': here we have a traditional injunction, often unfair with regards to the genuine democratic progress accomplished by the Union, but essential for Europe's survival.
No legitimate policy has not been chosen, clearly, by the people.
Here again, the Union has set up procedures and institutions meeting this democratic requirement, through the European Council, which now entrusts the major driving force to the leaders who are most legitimate because chosen directly by their peoples, and thanks to the now indispensable role of the European Parliament.
But we must however observe that these tokens of democracy will not become hard proof until invigorated by democratic 'breath', in other words when choices will be a faithful reflection of the people's wills via their support for a political project.
This makes the emergence of a European public debate more necessary than ever, in which voters can decide by their vote.
This 'politicisation' of Europe, in which national parliaments, secular chain links of national democracies, have an essential role to play, is the prerequisite for its democratic rooting. We must now resolutely engage the process. The great French democratic rendezvous of 2012, before the European elections of 2014, must give its full due to the European dimension of our future, leaving aside the illusory comfort of demagogic posturing and fallacious imprecision.
The double challenge of revitalising Europe with a common large-scale and long-term 'project' (the 'why'), and giving citizens the right to choose between short-term 'political projects' to reach these goals (the 'how') lay cardinal responsibility on the two main architects of the European adventure.
Whether we praise or deplore it, an inescapable fact remains: the Union's progress has always arisen from the ambitious entente between Germany and France, the two old nations which have made their reconciliation the very symbol of the continent's recovery.
Each of the main advances of economic governance has been mediated by a prior agreement between the two partners, sometimes laborious but always stamped with the steadfast determination to protect the euro.
The essential debate on the purposes of the Union, the federal momentum we must imagine, now entirely depends on their capacity to further the successes obtained, in shaping a European economic government, and build Europe's major ambitions of tomorrow.
In this dialogue, we can now start from a consensual analysis of the challenges.
France, thanks to the determined commitment of President Nicolas Sarkozy, has at last accepted to take an unflinching look at the scale of the loss of competitiveness speed of too many European countries, which compromises the survival of its economic leadership in a world where competition is sharper than ever. This awareness is still struggling to gain ground in all our nation's political spectrum. However, sheer evidence of the facts will soon no doubt supersede the posturing of another age.
At the same time, Germany, which has forcefully renewed its momentous choice to resolutely anchor its future in an ambitious Europe, has become aware that the indispensable modernisation cannot be accepted by our peoples unless the Union undertakes at last to protect them from the effects of world competition severely testing the cohesion of our societies.
Conquering and protecting: these two requirements necessarily require the setting up of a common economic government provided with genuine means to act.
This ambition supposes that France and Germany, which have already greatly advanced, abandon lucidly any remaining backward currents in their public opinion to define what they are ready to share.
a) Putting the finishes touches to European economic government
The spectacular progress of the years 2010 to 2012 today allow us to speak of a genuine European economic government, solidly established on the three pillars of solidarity, budgetary responsibility and close coordination of economic policies.
Two decisive questions however remain unresolved, for which a common response is essential.
First, the sovereign debts crisis has shown how greatly the Union suffers from the absence of an abseiling rope which, everywhere in the world, guarantees the solidity of currencies faced with an onslaught of speculation: the certitude that, in extreme situations, the public authorities are the strongest, thanks to the existence of a lender of last resort. The exemplary resourcefulness of the European Central Bank and the setting up of the European stability mechanism firewall have partly compensated for this original weakness. But prudence dictates we go further, by settling once and for all this 'monetary question'.
Second, progress in economic coordination and the imposing of fiscal virtue have in actual fact transferred to Europe, and therefore shared collectively, powers digging into the core of national sovereignties. In the exceptional circumstance of financial assistance programmes, the pen of national legislators is now even moved by the legitimate requirements of their partners. These necessary advances must however better comply with the democratic requirement on which our societies are founded. And this anchoring must involve the fiscal sovereigns, national parliaments, which the treaty on stability usefully lays down as being involved and whose involvement must now be concretised.
(1) Settling the monetary question
The monetary question crystallises the deepest divergences between the two nations, owing to a major confusion muddling the debates on the fundamental topic of the softening of the harshness of the boundaries separating the funding of government debts from the means of the European Central Bank.
It is out of the question to encourage the ECB to help States make ends meet by printing money.
Such a strategy exempting governments from the responsibility of fiscal balances is doomed to failure and inevitably leads to inflation as evidenced by all the historic experiences. The acquisition of government securities, for the sole purpose of reducing the fiscal imbalances bill, is a dead end where our German partners are right in firmly refusing to head.
However, funding, whether direct or indirect, of sovereign debts can also be envisaged as one of the instruments of monetary policy, which it would be absurd to ignore.
The quantitative easing policies applied since 2009 by the American Federal Reserve or by the Bank of England do not respond, in effect, to the concern over funding the deficit, but to the broader goal of stimulating the economy in an environment where the traditional credit channels are blocked and where the interest rate has reached a lower limit.
More decisively, recent events have shown how essential the existence of a lender of last resort is to safeguarding financial balances, in the extreme circumstances, but unfortunately barely theoretical, where a solvent State is driven to bankruptcy by the waves of speculation and their insurmountable interest rate levels.
In these very specific cases, the ECB alone has the means of checking the vicious circle thanks to the impressively powerful force of monetary creation, without moreover having to use it because, as most clearly stated by Treasury Secretary Hank Paulson in 2008, 'If you have a water pistol in your pocket, chances are you'll bring it out; however, if you have a bazooka and if people know, you're not likely to use it'.
By consenting, as seen above, to purchase national debt securities on the secondary market, then by making an exceptional amount of medium-term liquidities available to banking establishments, the ECB took this salutary path.
But this emergency solution cannot form a lasting settlement, as a very large number of uncertainties will remain in the eyes of investors regarding the euro leaders' determination and capacity to put a definitive end to the speculative onslaughts by using, if need be, all their strike force.
Once, thanks to the treaty on stability, States have laid the foundations of credible and closely monitored fiscal consolidation, France and Germany must find the means of coming to agreement by disproving ideological postures caricaturing the profound nature of the solutions envisaged, and by opening the path to innovatory solutions, involving for instance a strengthening of the means of the ESB.
2) Guaranteeing the democratic anchoring of economic government thanks to the involvement of national Parliaments
The safeguard of the euro, the roll-out of an economic government for the Seventeen and the return to financial balances now form the strict framework of national fiscal choices. They have an impact primarily on the decision-taking capacity of the public authorities to which history has entrusted the granting of consent to taxation and the formulation of economic ambitions.
The deepening of economic and financial integration will be accepted by our peoples only if anchored in a concomitant deepening of European democracy.
The recognised steering role of the European Council, therefore of the ultimate authorities of the States, is admittedly a decisive guarantor of democracy. However, democracy is also embodied in the transparency and adversarial debate which parliaments alone provide as secular links connecting the people, in all the diversity of its opinions, and law.
In this context national parliaments must become the collective stakeholders of the new joint disciplines by being involved in each of the steps of the formation of European economic choices.
For this purpose, the President of the National Assembly, Mr Bernard Accoyer, the Chairman of the Finance Committee, Mr Jérôme Cahuzac, and its general rapporteur, Mr Gilles Carrez, and your rapporteur, had proposed, as of autumn 2010, the organisation of a 'fiscal conference' sanctioning at European level an association pact between the twenty-seven parliaments to debate together on the coherence of the national fiscal choices, the relevance of the goals followed by the Union and the progress accomplished in compliance with the ambitions of the Europe 2020 strategy.
With this in mind, the treaty on stability today comprises an Article 13 which lays down that 'the European Parliament and the national parliaments of the contracting parties will together determine the organisation and promotion of a conference of the representatives of the relevant committees of the European Parliament and of the national parliaments to debate on fiscal policies and other matters governed by this treaty.'
This fiscal conference will have to be rapidly set in place, in a flexible and adaptable format bringing together in particular representatives of the finance committees of the Member States – and also, if need be, parliamentarians from other committees concerned by the agendas under discussion.
Delegations limited to six parliamentarians per Member State and for the European Parliament, based on the practices of the Conference of Parliamentary Committees for Union Affairs of Parliaments of the European Union (COSAC) would opportunely allow the integration of the essential representation of national oppositions. By default, it can be proposed that these delegations should convene, generally speaking, the chairmen and budget rapporteurs of the finance committees of each country, accompanied by the chairman or specialised rapporteurs of the European affairs committees who would shed transversal light on European challenges.
It would be legitimate for the presidents of the European Commission, of the Summit of Heads of State and Government of the eurozone and of the Council of the European Union and the Euro Group president to be regularly heard.
Your rapporteur suggests above all that these conferences should progressively address all aspects of European governance.
In this context, three sessions could be usefully organised:
– The Conference could debate, in June, on recommendations and opinions presented by the European Commission on the stability and reform programmes tabled in April by each of the Member States. This summer session, prior to the recommendations adopted definitively by the Council, would focus in addition on the necessary convergence of the efforts of the Member States towards compliance with the goals of the Europe 2020 strategy and the Euro Plus Pact.
– An autumn session, organised after transmission to the European Commission of the draft national budgets on 15 October and before their definitive adoption in national Parliaments at end November/beginning December, would allow debate to take place on the possible opinions sent by the former to States departing significantly from their European commitments as well as on the strategic directions of economic policies for the following year, at the time of the presentation by the European Commission of its 'annual growth survey' now available in November.
This session could also comprise an an annual debate on the results of the operations of the European stability mechanism, which need parliamentary monitoring without which the transparency requirement will inevitably be hard to impose.
– Extraordinary sessions could, last, be usefully organised to debate, where applicable, on the recommendations sent by the Council to the States as part of the excessive deficit procedure.
With a concern for adaptability and efficacy, a 'bureau' could be identified at this conference, composed of two parliamentarians per Member States, which would be convened, for instance by video-conference, to examine any proposal to create a financial aid programme for a eurozone Member State and any project to modify the corresponding agreement protocols. Any Euro Group decision could also be brought before it to authorise the payment of an instalment of aid as part of these programmes.
b) Providing the Union with the financial means to back up the efforts of the States and recovering the financial instruments of an ambitious investment policy: the inescapable issue of European bonds
The issue of European economic government is inseparable from those of the means the Union can set up to meet the considerable funding needs imposed by the creation of an economic base, especially industrial, capable of facing globalisation.
However, at the same time, neither national States, forced to apply unwavering fiscal adjustment, nor the European budget, based on national contributions necessarily limited by the state of our government finances, have real room to manoeuvre.
In a Union free from any indebtedness, account must therefore be taken of the issue of eurobonds, which unfortunately suffers from confusion and inaccuracies hindering their roll-out.
Here too, clarity is required on the goals pursued. When the debates on eurobonds began to grow in scale, as of summer 2011, it was the great merit of Germany to have managed to shift the issue to the right level, recalling that the matter of technical procedures could not be addressed until after the choice of the political project which they merely serve.
(1) The dead end of eurobonds, 'substitutes' of national debts
If the goal is indeed simply to issue joint bonds, in the face of the interest rate tensions now faced by the most fragile States, to substitute for national loans now too expensive, and thus return, under the benevolent protection of the quality of the German signature, to the carefree fiscal times of the beginnings of the 2000s, the path is clearly a fearsome dead end that could, in the end, ruin the euro's credibility.
Lucidity moreover forces us to understand the strong reservations of our partners. Germany cannot accept to take this pathway rashly, not only for philosophical reasons, admittedly solidly supported, but above all because it quite simply does not have the means in the long term.
It is indeed too often forgotten that the threat of a fearsome demographic shock of an exceptional scale hovers over our neighbour. In this context, fiscal balance is a vital necessity which cannot be compromised by a guarantee given too quickly, and without guarantees, to its less provident neighbours.
France must clearly announce that it does not wish to transform any joint bonds into comfortable substitutes for national debts, and the government has been right in subjecting any advances in this direction to the prerequisite of a strengthening of national fiscal disciplines.
Yet there is also another form of joint bonds, which it would be a pity to ignore.
(2) The path of competitiveness project bonds
Everyone knows that the European Union is faced with an impressive need for investment to maintain and renew its production apparatus.
Despite abundant saving, the global investment rate, at less than 20% of GDP, has lost nearly five points in ten years, under the double effect of the bubbles, especially the property and financial bubbles, which have diverted part of the resources of production, and the spectacular growth of emerging countries where large companies are increasingly tending to reinvest their profits. The consolidation effort which the Member States are forcing on themselves could well exacerbate this dangerous regression.
However, at the same time, never have needs been so high at a time when Europe is at last rising to the serious challenge of its reindustrialisation, which imposes inventing the technologies of the future and requires considerable research and equipment efforts.
For this purpose, European bonds, exclusively devoted to funding expenditure propitious to the future, would be precious assets, in the spirit of the plan to fund the major networks of transports, energy and telecommunications based on project bonds which the European Union presented on 19 October 2011.
Although of a modest amount, this initiative, calling on the force of public-private partnerships which, alone, give us the means of facing the financial challenges, opens a promising pathway.
The European Union would stand to win by taking this path more ambitiously, by drawing inspiration for example from the procedures for the allocation of the Big French loan to the most innovatory projects and those that are most capable of consolidating France's growth potential.
In the long term, the issue of more general bonds, mutualising all or part of national government debts, would be an encouraging prospect. These blue bonds would no doubt strengthen the attractiveness of the eurozone for investors who would thus have a market as deep and liquid as the United States. Such bonds would put an end to the speculation games opposing, for fleeting prospects of short-term gains, sovereign signatures. They would lighten the funding costs of States and, in the process, would improve the growth prospects of their economies. Last, they would be a brilliant demonstration of European solidarity by no doubt allowing the euro to be raised to the first rank of international currencies.
However, precisely because it bears the most promises, this ambition cannot be spoilt by haste.
It indeed requires meeting many prerequisites, linked in particular to reducing competitiveness gaps and consolidating budgetary credibility, without which eurobonds are doomed to failure.
To succeed, European bonds will therefore not have to be mobilised unless placed at the service of the future, for instance by being limited to funding the sole expenditure on infrastructure, research, training and education assumed by the Member States and by being combined with incentive mechanisms modulating for example interest rates re-invoiced afterwards to the States depending on the progress accomplished in achieving common goals.
Here too, France and Germany can already clearly fix the limits and prospects of the debate, by abandoning ideological reflexes for the greatest benefit of the European project which they have the hard but exalting task of inspiring.
c) Renovating Europe's instruments by mobilising them in the service of re-industrialisation
However industry and competitiveness do not depend only on the abundance of investments.
They require a favourable environment, concerning all aspects of governmental action, in which the European Union already has promising levers which it must use better for the benefit of all its Member States.
An audacious understanding can be reached on these topics with Germany, as it too faces the industrialisation imperative.
(1) Research and industry, decisive priorities to keep one's rank in world competition
Three major programmes, long deployed by the European Union, are found at the junction of Europe's competitiveness requirements. All three can be re-directed to new challenges, without having to bring about a 'legal revolution', which the emergency rules out for us.
– The first is of course the single market, one of the most precious achievements of the Communities.
Long built in a 'negative' logic aimed at suppressing the national obstacles to the emergence of healthy competition across the Union and, by the same token, too often focused on large groups, the single market must now affirm an inclusive ambition to better encourage innovation, the gathering of the forces of our national companies and the protection of the fabric of our SMEs essential for prosperity and employment.
– Research forms the second European policy that must be urgently modernised, by drawing inspiration, once again, from the requirements of the mutualisation of efforts and administrative simplification.
To reach the indispensable economies of scale on a par with the forces of our main competitors, we must strengthen the interconnection between the eighth European research and development programme (FRDP) and the Europe 2020 strategy, by effectively mutualising the research efforts of countries with excellence multidisciplinary research centres.
At the same time, following the example of the clusters which are achieving remarkable success at our American partners, the rapid formation of transnational excellence poles combining public research, universities and companies must be encouraged, thanks in particular to the harmonisation of the status of European researchers.
– Last, the third major instrument of the Union, the cohesion policy, must be profoundly rethought by adapting it to the challenge of competitiveness, without which entire zones of Europe run the risk of industrial and economic desertification, and structural programmes could turn into never-ending, non-returnable grants, in regions trapped in the vicious circle of decline.
Two directions could therefore be usefully explored.
The first path, which entails greater flexibility in the allocation of funds by allowing credits badly used or having led to insufficient results to be mobilised for the main priorities of the present economic situation, has already been followed by the European Council.
As part of the negotiation on future financial prospects 2014-2020, it would be equally opportune to review the relevance of the action taken in the name of the 'competitiveness' goal, which is still too often criticised of being spread too thinly. Also an intermediary goal could be promoted between the latter and 'convergence', to allow regions that are indeed developed but face threats of de-industrialisation to fund projects of a critical size favourable to the local economic structure.
(2) Playing at last on a level playing field and daring to demand reciprocity
This progress in each of the main policies of the Union could strengthen all the competitiveness pillars. However, it must be observed that it cannot, per se, be on a par with the challenge imposed on Europe by the brutal and irresistible appearance of new economic giants.
The Union must now accept, to protect its peoples, to play at last on a level playing field in intensified world competition. And it must have the courage to break two taboos that continue to handicap us in a globalisation less civilised than that sometimes dreamt of by our representatives in Brussels.
– The first taboo concerns the almost sacred European conception of competition.
The state control model, strongly supporting the extraordinary development of emerging countries, deranges the traditional conceptions of international trade and makes more disputable, by the day, the finicky, uncompromising and technocratic controls of the European Commission on State aids and corporate mergers.
A competition policy better adapted to the challenges of the 21st century requires deep reforms.
These could first concern our procedures, thanks to the creation of a single commissioner tasked with both competition and industry and the introduction of a possibility of appealing to the European Council, ruling by consensus on judgements against State aids pronounced by the European Commission.
Above all, an ambitious industrial policy invites us to reflect on the setting in place of an alignment clause, allowing more sizeable aids to be authorised when it is established that a non-European competing country is obtaining more funding in the same industrial field. Likewise, more can be done to encourage the European Investment Bank to support major future projects and bring about the construction of tomorrow's Airbuses.
– The second major taboo, which it today appears possible to overcome, compromises our trade policy, once again an exclusive competence of the Union.
We can no longer tolerate that our companies, subject to formidable but necessary social, health and environmental constraints, undergo every day unfair competition from competitors far less respectful of their obligations to their peoples and the planet.
The issue of Community preference, which is merely a principal of fair reciprocity in social and environmental matters, must be addressed lucidly and courageously in its legitimate body, the World Trade Organization.
In a more immediately operational manner, the French proposal for a border carbon tax, a fair rebalancing of the efforts made for the collective good of our planet, must form one of Europe's priorities, without which we run the risk of wiping out the dividends of our exemplary fight against climate change if, by any chance, industry were to desert our coasts to set up in countries where ecology remains embryonic.
d) Putting an end to Europe held hostage. Accepting avant-gardes
These ambitious advances, on which France and Germany can agree, cannot of course pretend to rapidly rally all our European partners.
Waiting for unanimous prior assent is condemning ourselves to powerlessness. And, paradoxically, heading forward, even alone in a first stage, is no doubt the means of giving ourselves the best chances, through the exemplary nature of results, of then rallying the greatest number behind us.
Quite evidently, the eurozone, which has already developed many specific instruments without loosening its ties to the Union of twenty-seven and by carefully preparing the necessary and eminent place for the European institutions, is bound to form the hard core of enhanced integration.
And fiscal convergence, condemned in the Union of twenty-seven to paralysis by the unanimity constraint whereas it is more essential than ever owing to the unacceptable nature of fiscal dumping which is eroding the resources of States that are now bled dry, must naturally become the priority field of this cooperation, on the basis of the ground-breaking harmonisation of corporate tax bases which France and Germany have clearly chosen to start as of 2013.
Similarly, the financial transactions tax must be rapidly brought into existence, on the basis of a pioneer group, to give the world new proof of Europe's determination to rebuild the bases of an economy of justice and of competitiveness.
e) Giving the last word to citizens, by accepting the political Europe
This new federal momentum which could be embodied by the proposals detailed above, is not however possible unless it meets with the peoples' support and mobilisation.
By accepting competence for economic policies, and therefore for the decisive instruments of the common destiny, the Union can no longer defer its rendezvous with the peoples. This democratic requirement supposes, as seen above, meeting the needs for protection and growth which, everywhere in Europe, are more pressing by the day.
But it also implies giving citizens their full place in the formation of common rules of law. For the democratic deficit is the deficit of visibility, and of choice.
■ Democracy indeed rests intensely on the existence of a public debate and on the roll-out of decisions, so that each citizen can clearly identify the challenges and responsibilities and hold the authorities accountable.
In this determination to give the Union the transnational public debate which it lacks so much, without re-opening the Pandora's box of interminable institutional revisions, your rapporteur has long been speaking in favour of the informal organisation of a great 'State of the Union' during which - after hearing the President of the European Council, the President of the Commission and the main European players - national parliamentarians and MEPs would discuss together the main priorities of joint action.
In the same spirit of the 'personification' of Europe, and once again without going as far as the audacious proposal of our German partners of the CDU to organise the election of the President of the European Commission by universal suffrage, which entails the formidable step of the revision of the treaties, Europe could rapidly be given a 'president' by entrusting the responsibility of presiding the European Commission and that of presiding the European Council to one and the same person, which is not forbidden by the treaties.
■ But democracy is also and above all the people's decision in choosing between the fundamental alternatives that lie before their path in life.
And Europe suffers here from what paradoxically makes its strength: its amazing capacity to achieve consensuses between sometimes divergent options, whether dividing States or currents of opinion.
However, this aptitude to achieve compromises to embody the general interest of the Union can also divert citizens disappointed by the little power they keep over the determination of the pathways of their future. This is nothing inevitable: the quest for compromise and the stimulus of consensus form the daily activity of most European governments. But the demanding quest for the general interest is not fully legitimate unless the people is regularly called on to decide on the main forms of governmental action which everyone deduces from it.
However Europe today cruelly lacks elections that are strictly speaking political. The European Parliament elections are, everyone knows, a multiplication of national political tests, moreover of an amplitude all the weaker as a majority of voters are traditionally absentees from them.
There is nothing inevitable about this staying so.
It would be possible, and almost easy, to make the 2014 elections Europe's rendezvous with its peoples. To give everyone the possibility of choosing between several essential options of the Union's legislative activity. But to do so, European political parties have an irreplaceable role. They alone have the means of organising, beyond borders, debates on the subject of the elections: the Union's future.
And to reach this goal, two conditions must be met, and we must work on meeting them from now on: clearly designate the name of the party candidate for the presidency of the Commission who will be invested by the following European Parliament; define a clear campaign manifesto, meeting all the major questions arising in Europe. The European Popular Party had made this effort in 2009, without unfortunately finding on the other side of the political scene such thoroughly conducted work. It is high time to get back to work so as not to spoil the 2014 opportunity.
That is of course the work of European parliamentarians and future candidates. But I believe that national parliamentarians, through their obvious experience of the politicisation of democracy, can provide precious aid. Your rapporteur therefore suggests to the major parties to organise, as of now, major congresses of European and national parliamentarians sharing their sensitivity to reflect on the main guidelines of their future European programmes for the 2014 elections”
1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.
2 () « Un président pour l’Europe », de Pierre Lequiller, janvier 2003, Fondation Robert Schuman.