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mis en distribution

le 6 avril 2009


No 1576

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la fixation des profils nutritionnels des denrées alimentaires

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30
et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE

par M. Hervé GAYMARD,

Rapporteur de la Commission

chargée des affaires européennes,

Député.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Commission chargée des affaires européennes se saisit d’un document de travail relatif aux profils nutritionnels présenté par la Commission européenne, le 20 février 2009, aux experts du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. Ce document n’est disponible qu’en anglais. Son intitulé « draft » fait qu’il peut être considéré comme un véritable projet de la Commission.

I. LA NECESSITE POUR LE PARLEMENT DE SE SAISIR EN AMONT DES TEXTES COMMUNAUTAIRES

La loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a modifié l’article 88-4 de la Constitution afin de renforcer les moyens de notre Parlement. Le Parlement peut ainsi adopter des résolutions non seulement sur les projets ou propositions d’actes communautaires mais également sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Cette disposition permet de mettre en place une veille active sur les différents textes communautaires. En intervenant en amont, le Parlement peut ainsi intervenir suffisamment tôt pour peser sur la décision finale. Cette intervention précoce est essentielle dans le cadre de la procédure dite de comitologie avec contrôle(1).

En effet, en application de cette procédure, la Commission européenne soumet son projet de règlement à l’avis d’un comité d’experts des différents Etats membres. Si ce comité approuve le texte, celui-ci est soumis pour contrôle au Conseil et au Parlement européen, ce contrôle pouvant se traduire par une opposition. Or, il est à craindre que ce contrôle ne soit purement formel et que le Conseil ne s’écarte pas de l’avis des experts.

II. LA MISE EN PLACE DES PROFILS NUTRITIONNELS

Le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 20 décembre 2006 un règlement (CE) no 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. Ces allégations peuvent être de deux sortes : les allégations nutritionnelles relatives à la composition des aliments (source en vitamine A, riche en calcium, allégé en …) et les allégations de santé décrivant la relation entre les aliments et la santé (le calcium participe à la construction osseuse ; le calcium diminue le risque d’ostéoporose ; allégations relatives au développement de l’enfant).

En application de ce règlement, l’utilisation de ces allégations est conditionnée, pour un produit donné, au respect d’un « profil nutritionnel », sa composition en certains nutriments devant respecter des valeurs prédéfinies en termes de seuils.

La Commission européenne devait, avant le 19 janvier 2009, mettre en place un cadre précis pour définir quels produits alimentaires, en fonction de leur profil nutritionnel, ont la possibilité d’utiliser ces différentes formules.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu son avis en janvier 2008 et la Commission européenne devait présenter en mars 2009 son projet aux experts du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CPCASA).

L e document de travail de la Commission prévoit un système basé sur des catégories de produits avec un profil différent pour chacune d’entre elles. La catégorie « produits laitiers », par exemple, comporte deux catégories : les produits laitiers exceptés les fromages (laits de consommation, yaourts et desserts, crèmes) et tous les fromages (frais, affinés et fondus).

Les nutriments retenus pour l’établissement des profils selon les catégories sont les suivants : acides gras saturés (AGS, composant de la matière grasse), le sodium et les sucres.

III. UN PROJET INADAPTE

L es propositions de la Commission sont satisfaisantes pour les laits de consommation, les yaourts et les desserts sauf pour le lait entier. En revanche, pour d’autres produits, le projet est critiquable.

Ce projet interdit , compte tenu du niveau des seuils ,à presque tous les fromages à pâte cuite et aux crèmes de faire des allégations, et notamment pour les fromages, de faire valoir leur richesse en calcium et pour les crèmes de communiquer sur leur allégement en matière grasse ;

- les matières grasses laitières sont classées dans la catégorie « huiles et matières grasses à tartiner » alors qu’elles relèvent plus logiquement de la catégorie « produits laitiers ». Ces matières grasses laitières ne peuvent communiquer sur leur allégement en matière grasse.

Ces propositions :

- menacent directement les produits traditionnels faisant partie de notre patrimoine ainsi que nos habitudes de consommation. Un fromage traditionnel dont la recette ne peut en aucun cas être modifiée ne pourrait se prévaloir de sa teneur en calcium alors qu’un produit industriel transformé et artificiellement enrichi en calcium pourrait le faire tout en respectant parfaitement les nouvelles normes communautaires. Cela est par ailleurs contraire aux recommandations nutritionnelles françaises qui incitent les industriels à développer ce type de produits ;

- ne sont pas conformes à l’intérêt du consommateur. En effet, il faut tenir compte de l’apport total en sucres, en sel et en acides gras saturés, seule une alimentation équilibrée permettant de prévenir les risques de surpoids et les maladies liées, cardiovasculaires notamment. Ces propositions vont également à l’encontre de certaines campagnes visant à promouvoir la consommation de produits laitiers. Il est à noter qu’en aucun cas, il n’existe un lien entre la consommation de fromages et le surpoids. Une étude montre notamment que la consommation de fromages est corrélée avec une alimentation structurée et diversifiée.

Devant l’opposition de certains Etats membres, la France (pour le fromage) et l’Allemagne (pour le pain salé), la Commission a retiré ce projet de l’ordre du jour du CPCASA du 27 mars dernier et a indiqué qu’elle ferait de nouvelles propositions. Les produits agricoles de base (fruits et légumes, viande et lait) pourraient vanter leurs mérites nutritionnels. Par ailleurs, les seuils en AGS et en sodium seraient revus à la hausse, permettant ainsi de rejoindre les préoccupations de certains pays et notamment de la France pour les fromages. Ainsi certains fromages comme le cantal ou l’emmenthal pourraient alléguer de leurs valeurs nutritives. Il est cependant nécessaire d’être très vigilant dans la mesure où les propositions de la Commission ne sont qu’orales et qu’aucun autre projet n’a encore été mis sur la table. La Commission souhaite une adoption de ce texte le 27 avril 2009, ce qui implique le dépôt d’un texte au moins quatorze jours avant, donc le 13 avril.

En conséquence, il serait souhaitable, dans la mesure où les seuils proposés ne prennent pas en compte la spécificité des produits laitiers eu égard à leur teneur naturelle en matière grasse, de modifier d’une part, certains seuils en acides gras saturés pour les fromages, les matières grasses laitières à tartiner et le lait entier et d’autre part, les seuils en sodium pour les fromages et les matières grasses laitières à tartiner. Enfin, il est nécessaire de modifier la catégorisation des produits pour classer les crèmes avec les fromages afin que l’ensemble des crèmes ne soit pas pénalisé par le seuil en acide gras saturé.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,Vu la nécessité pour le Parlement de mettre en place une veille active sur les différents textes communautaires,

Vu le document de travail de la Commission européenne du 13 février 2009 relatif aux profils nutritionnels permettant l’application de la législation sur les allégations nutritionnelles et de santé,

Considérant que la protection du consommateur exige une information adaptée sur les denrées alimentaires ;

Considérant que la fixation des profils nutritionnels par catégorie de produits, en acides gras saturés, sodium et sucres, ne tient pas compte de l’équilibre alimentaire global ;

Constatant que les seuils en acides gras saturés et en sodium ne prennent pas en considération la spécificité des produits laitiers et notamment des fromages, eu égard à leur teneur naturelle en matière grasse et en sel ; qu’en conséquence, le projet de la Commission européenne interdit à presque tous les fromages et crèmes de faire valoir leur richesse en calcium et pour les crèmes, de communiquer sur leur allégement en matière grasse ;

Considérant qu’il n’existe aucun lien entre consommation de fromages et surpoids et qu’au contraire, des études montrent que la consommation de fromages va de pair avec une alimentation structurée et diversifiée ;

Considérant qu’il est essentiel de défendre nos habitudes alimentaires et la diversité de nos produits ;

1. Demande à la Commission, pour l’établissement des profils nutritionnels des denrées alimentaires, de modifier les seuils en acides gras saturés et en sodium pour les fromages , le lait entier et les matières grasses laitières à tartiner ;

2. demande de classer les crèmes avec les fromages afin de ne pas pénaliser ces produits par le seuil en acides gras saturés ;

3. Demande, d’une manière générale, que les produits agricoles de base (fruits et légumes, viande et lait) et les produits traditionnels (fromages…) puissent se prévaloir de leurs mérites nutritionnels.

1 () Décision du Conseil du 17 juillet 2006 modifiant la décision 1999/468/CE fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission.


© Assemblée nationale