Conférence-débat franco-allemande
« L'Europe économique et financière »

Mercredi 23 juin 2010

 

 

 

 

Intervention de Jean-Pierre Jouyet


Monsieur le Premier Ministre,

Madame la Présidente

Monsieur l’Ambassadeur,

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Cher Antoine Veil,

Ce débat, que le Président Bernard Accoyer, et Antoine Veil ont voulu, intervient à un moment clé. Qu’ils soient ici remerciés de cette initiative. Pouvait-on imaginer, il y a un an à peine, se demander si la fin de l’Europe ou de l’euro était possible ? Nous sommes nombreux ici à nous interroger sur les raisons de ce brutal retournement, alors que l’Europe pouvait capitaliser sur un nouveau Traité, des présidences réussies, l’allemande et la française, et s’enorgueillir d’avoir été le moteur des premiers G20. Que s’est-il passé ?

D’abord, évitons de jeter l’anathème. Si chacun des vingt-sept Etats membres devait conduire son examen de conscience, de la Grèce, à l’Espagne, du Royaume-Uni à la Pologne, en passant bien-sûr par l’Allemagne et la France, nous aurions tous des reproches à nous faire tant les valeurs de solidarité et de responsabilité que portaient auparavant les dirigeants européens se sont collectivement émoussées.

Comme Jacques Delors l’a dit, nous sommes tous responsables de cette panne de la méthode communautaire.

Mais l’heure n’est pas ou n’est plus à un exercice de contrition collectif. L’heure est à l’action pour corriger ce qui peut l’être. Or pour agir efficacement, il nous faut d’abord être au clair sur le diagnostic et sur ce que nous voulons. Permettez-moi de partager avec vous deux convictions sur ce point :

- un, nous avons besoin de plus d’Europe économique et financière ;

- et deux, pour cela, une nouvelle dynamique franco-allemande est indispensable.

1 - La première, c’est que nous avons besoin de plus d’Europe économique et financière. Et ce pour trois raisons

1.1. S’il n’y en avait qu’une, ce serait pour nous permettre de gérer plus intelligemment notre patrimoine commun, l’euro.

Au niveau de la zone euro, nous sommes entrés dans le temps de la confusion, si ce n’est du recul, par rapport aux ambitions initiales et aux initiatives de renforcement prises il y a cinq ans. La crise a ébranlé le système institutionnel, politique et économique de la zone euro.

Or l’UEM est le principal acquis de l’Europe. L’Euro est le vrai symbole de l’Union et son accomplissement, son succès le plus probant. L’Euro s’est révélé être un formidable amortisseur de la crise financière la plus grave du siècle. C’est une devise très attractive et sa part dans les réserves internationales croit (25 à 30%). Même si elle n’a pas supplanté le dollar, on note sur tous les marchés (dérivés, taux, obligations, matières premières) une augmentation des produits libellés en euros. C’est un bon signe pour l’influence de l’Europe. Sachons gré aux Américains et aux Chinois de savoir, en défendant leurs intérêts, jusqu’où ne pas aller trop loin en termes de parité ! Au total, l’euro est une monnaie régionale au succès incontestable.

Mais c’est aussi une monnaie sans Etat et, faute d’intégration politique, il y a un manque de gouvernance économique et monétaire flagrant.

L’urgence a trop souvent suppléé la faiblesse de la gouvernance. Rien n’était prévu dans le Traité pour assumer autour de la BCE une supervision financière susceptible de prévenir les risques systémiques.

Ceci n’était pas un hasard mais répondait à un souci de compromis avec les Allemands pour qui l’indépendance de la Banque centrale, pierre angulaire de la crédibilité de la politique monétaire, n’était pas compatible avec une coordination ex-ante pouvant contraindre les décisions de la Banque. Il n’y avait pas non plus de réel mécanisme de solidarité pour aider les Etats en quasi faillite puisqu’on interdisait tout bail out, comme on dit en mauvais français.

Ce défaut de gouvernance a immanquablement provoqué une nouvelle confrontation entre pays vertueux et pays souhaitant poursuivre une politique active de relance publique. D’où une opposition de perspectives entre pays qui partagent une même monnaie. Or, toute la construction de l’UEM privilégie la vertu. Dans le schéma initial, la croissance reposait sur une maitrise de l’inflation pour accroitre productivité et compétitivité afin de gagner de nouvelles parts de marché dans l’économie mondiale. Cela correspond bien au modèle allemand tourné vers un niveau élevé d’exportations de biens industriels sur lesquels les entreprises allemandes disposent d’une très bonne spécialisation.

Le renforcement de la coordination économique obéirait à deux motivations fortes :

- Dans une Union, il y a des fonctions ou des missions qui ne peuvent être assumées au niveau national (assurer le bon fonctionnement du marché unique, intensifier les échanges entre les Etats membres, bâtir des réseaux d’infrastructures communs, promouvoir la stabilité financière de la zone,…) ;

- Par ailleurs, il ne peut y avoir d’union monétaire sur un marché intégré sans coordination des politiques économiques : cela ne signifie pas qu’il faille uniformiser des économies différentes, mais nous devons définir des orientations de court et moyen terme convergentes pour avoir une croissance raisonnée.

1.2. La deuxième raison pour laquelle nous devons muscler l’Europe économique et financière, c’est que le basculement du centre de gravité géo-politique l’exige :

Chacun ressent un déplacement du centre de gravité des richesses et des pouvoirs moins favorable à l’Europe. L’Inde, le Brésil et la Russie représentent 25% des terres habitables, 40% de la population, 15% du Produit Intérieur Brut et 40% des réserves monétaires. En 2020, le classement économique des nations aura profondément changé.

Or, pour aucun des grands « émergés », l’Europe n’incarne ni une réalité concrète ni un futur historique homogène. Les Allemands, les Français, les Anglais, les Méditerranéens, ils savent que cela existe mais pas l’Europe en tant que telle, qu’ils assimilent à la somme de ses nations, un peu comme nos opinions publiques.

Pourtant, ces nouveaux grands, qui pourraient se suffire à eux-mêmes, aspirent tous à avoir l’Europe comme partenaire. Mais beaucoup sont désorientés par le manque de coordination, la complexité des structures, une certaine suffisance aussi. Ils veulent une Europe non seulement plus lisible, mais aussi plus coordonnée et mieux structurée. Bref, ils attendent la remise en ordre de la maison Europe.

Aujourd’hui, les relations avec la Chine sont sans aucun doute les plus déterminantes pour l’Europe. C’est dans ce pays que le potentiel de développement est le plus impressionnant. Pour de nombreux experts, ce sera la première puissance économique mondiale en 2020. En dépit de la crise (les plans de soutien totalisent 585 milliards de dollars sur deux ans) la Chine flirte toujours avec les 9-10% de croissance. Les fonds chinois (tout comme les investisseurs indiens d’ailleurs) sont à la recherche d’opportunité sur les marchés européens qui restent les plus solvables.

Les exportations européennes en Chine ne représentent – certes faute de mieux – que 0,7% du PIB européen alors que les exportations chinoises en Europe contribuent déjà pour 7% du PIB de la Chine. Après avoir acheté l’Afrique, être devenu le premier détenteur d’obligations américaines, les Chinois ne voudront-ils pas, comme d’autres, diversifier leurs avoirs et posséder davantage de titres publics ou privés européens ? On ne peut l’exclure, d’où peut-être une dépendance nouvelle.

Ce rééquilibrage de la planète en faveur de l’Asie pose aux Européens un triple défi. Au plan idéologique, depuis la crise financière, nous n’avons plus de leçons de capitalisme à donner. Au plan psychologique, il nous est difficile de nous définir non plus par rapport aux Etats Unis mais par rapport à l’Asie (cela suppose une profonde transformation de nos schémas mentaux). Au plan pratique, enfin, nous devons répondre à cette demande extérieure, asiatique ou américaine, d’un interlocuteur européen plus réactif, moins brouillon, plus homogène, bref mieux organisé pour cogérer avec eux le calendrier de la sortie de crise et de l’assainissement des finances publiques.

Si nous ne sommes pas en mesure d’offrir cette unicité de décision et si nous abordons cette relation avec nos partenaires tiers dans la cacophonie, il ne faudra pas se plaindre que le bloc américain d’un côté, asiatique de l’autre passent par pertes et profits une relation constructive avec l’Europe, pour constituer un nouveau G2. Comme toujours, l’Europe, devra donc, de gré ou de force, s’adapter sous la pression.

1.3. Enfin, troisième raison pour laquelle nous devons changer de braquet dans la coordination de nos politiques économiques, c’est parce que les marchés, qui sont devenus les juges de paix de la zone euro, l’exigent :

Si l’on fait exception de la « re-régulation » post Lehman Brothers, le marché gagne en influence dans tous les pays, depuis le pic des nationalisations du lendemain de la seconde guerre mondiale. Le fait que ces marchés soient fragmentés n’érode en rien leur capacité d’intervention transnationale et même globale. En revanche, leur opacité, qui n’a en rien diminué depuis deux ans, pose un défi supplémentaire aux Etats qui peinent à interpréter leurs mouvements et, a fortiori à les encadrer.

Deux phénomènes ont contribué à cette profonde évolution. Le premier tient à nous-mêmes. Le marché unique nous soumet davantage aux pressions commerciales et financières, d’où qu’elles viennent.

C’est le jeu de la compétition et de la libre circulation des capitaux. Les Etats sont aujourd’hui en partie tributaires des décisions de fonds de pensions ou de fonds souverains. Le second phénomène est lié à la part croissante dans la richesse nationale de l’industrie financière. Au Royaume-Uni, les produits financiers représentent 12% du PIB.

J’ajoute que la puissance des marchés et l’impuissance politique sont fortement corrélées à la montée des dettes et des déficits publics. Plus vous êtes endetté, moins vous disposez de marges et plus vous êtes dépendants des prêteurs, c'est-à-dire des marchés. C’est la triste leçon que nous tirons en Europe de la quasi faillite grecque.

Si nous avons besoin de plus d’Europe économique et financière, c’est parce que nous devons répondre aux interrogations des marchés sur la soutenabilité de la zone euro, mais aussi pour mieux nous armer dans le rapport de force avec ces marchés.

Plus que les institutions, ce sont les marchés qui ont sanctionné les dérives financières ; ce sont les marchés qui ont renchéri le coût de la dette des pays les moins vertueux.

Ce sont les marchés qui attendent aujourd’hui que nous leur indiquions la direction dans laquelle nous souhaitons aller, comment et à quel rythme. Et la crise sans précédent que nous traversons, crise d’origine privée et américaine, devenue crise publique et européenne, doit provoquer un sursaut, sans tarder. C’est maintenant que nous devons nous doter d’outils plus efficaces pour gérer notre monnaie commune et que nous devons aussi utiliser la facilité de 750 Mds€ mise en place il y a un mois. C’est donc maintenant que nous devons renforcer notre gouvernance économique et monétaire.

2 - Ma deuxième conviction, c’est que le franco-allemand doit être au cœur de cette dynamique d’une d’Europe économique et financière renforcée.

2.1. Nous y avons, l’un et l’autre un intérêt objectif, même si, cette relation ne va jamais de soi. Et ce pour de nombreuses raisons.

- Dans la plupart des secteurs industriels, nous retrouvons en compétition un numéro un allemand et un numéro deux ou trois français ou vice versa, d’où le caractère passionnel de bien des dossiers. Je pense au reproche que les Français ont fait à Siemens de vouloir enterrer trop vite Alstom. Cette affaire ayant été à la source de la malheureuse rupture de notre coopération nucléaire. Je pense aussi aux fortes critiques allemandes lors du rachat d’Aventis par Sanofi alors que d’autres alternatives européennes étaient possibles. Bien-sûr il y a des projets de coopération, comme EADS, mais c’est le seul et pendant huit ans, la méfiance l’a emporté sur la confiance. Au total, c’est à juste raison que Francis Mer, le Président du club économique franco-allemand, s’inquiète aujourd’hui de ce que « les deux pays retrouvent leurs habitudes du chacun pour soi ».

- Il y a aussi une différence majeure de culture étatique et politique dans nos deux pays. La France repose sur un système très centralisé. L’Allemagne sur un système fédéral avec des gouvernements qui sont souvent de coalition. Cela débouche sur des systèmes de décision qui diffèrent fortement.

- Sur le plan économique, la France reste davantage axée sur les politiques de soutien à la demande intérieure (les tendances démographiques très différentes entre les deux pays jouent) alors que l’Allemagne privilégie la compétitivité des exportations. Plus profondément, et jusqu’à maintenant, la culture financière et budgétaire entre les deux pays s’est opposée fortement :

La mise en place de l’euro en France a été utilisée pour s’affranchir des contraintes de change et donc des disciplines budgétaires et de désendettement.

En Allemagne, au contraire, la perspective de l’assainissement financier reste, dans le cadre de la monnaie unique, une priorité certaine, exception faite de la parenthèse 2002-2005.

Si, ces économies sont concurrentes, elles sont aussi complémentaires. L’Allemagne est plus industrielle que financière, la France devient davantage une puissance bancaire en dépit des critiques adressées aux financiers.

- S’agissant du rapport à l’Union Européenne, on observe un engagement français assez fort au niveau intergouvernemental, peu d’appétence communautaire, une méfiance par rapport aux règles de concurrence et de libre échange. En Allemagne, on ressent aussi une certaine indifférence qui contraste avec le fameux mémorandum Schäuble-Lammers de 1994. Tout se passe comme si, dans différents domaines, notamment économiques et financiers, la communauté apparaissait davantage comme une contrainte que comme une valeur ajoutée. Entre le Land et le Monde, il n’y aurait plus rien, pour paraphraser Malraux. Des deux côtés du Rhin, l’esprit européen dépérit et c’est peut-être le plus préoccupant.

Il y un état d’esprit commun franco-allemand qui ne peut satisfaire les partisans d’une intégration européenne renforcée, c’est qu’aucun des deux pays, tout comme le Royaume-Uni d’ailleurs, ne veut plus payer pour l’Europe.

J’attends qu’on m’explique comment renforcer l’Union européenne avec un budget européen qui serait durablement inférieur à 1% du PIB.

- En dépit de tout ce qui nous sépare, force de constater que la France et l’Allemagne ont un intérêt objectif à travailler ensemble à la consolidation de cet espace économique et monétaire. Nos deux économies, qui ensemble représentent 50% du PNB de la zone euro, reposent toutes deux sur un socle industriel complémentaire. L’Allemagne a besoin du marché intérieur européen et c’est bien grâce à l’euro qu’elle jouit d’un environnement économique stable. Quant à la France, elle a besoin de l’Europe et de l’euro pour garder l’influence politique qu’elle a toujours ambitionné d’exercer en et hors d’Europe. Elle lie donc son sort à une Europe forte et cette Europe forte n’a pas de sens si l’Allemagne n’y prête pas son concours. Enfin, nous avons tous deux une même vision d’une économie régulée, sociale de marché, qui s’oppose à une vision plus « anglo-saxonne ».

2.2. A partir de là, il faut nous interroger sur les moyens de capitaliser sur les progrès des dernières semaines, en continuant à faire des propositions pour consolider l’Union Economique et Monétaire.

- D’abord, la mise en place du FME : Dès le mois de mars, j’avais fait valoir que l’Union européenne devait se doter d’un système renforcé de gouvernance économique et financière de la zone euro, avec une forme de Fonds Monétaire Européen dont les autorités politiques seraient les actionnaires (comme c’est le cas au FMI) et un mécanisme de résolution des déséquilibres et des dettes. Ou bien, l’union en aurait été réduite à ne coopérer qu’avec les institutions qui avaient la compétence voulue pour traiter ces sujets, en et hors d’Europe, c'est-à-dire le FMI et les organisations informelles que sont les clubs de Paris et de Londres, en charge du règlement des endettements publics et privés. Bien évidemment, la première option avait de loin ma préférence. C’est vous dire ma satisfaction qu’un accord ait été trouvé le 9 mai - date ô combien symbolique - sur la création d’un Fonds européen de stabilité financière, dont les modalités pratiques de mise en œuvre ont été formalisées le week-end du 6 juin. Je ne crois pas que l’on ait encore pris la mesure du potentiel de ce Fonds qui est pour moi l’embryon d’un Fonds monétaire européen.

Je vous rappelle qu’il peut lever des fonds en émettant des instruments financiers qui bénéficient de la garantie des Etats membres de la zone euro. Je plaide pour que les facilités de financement ainsi créées soient utilisées de façon durable, y compris pour assainir certains établissements financiers.

- Ensuite, les nouvelles modalités d’intervention de la BCE. Certes, il s’agit de mesures de nature transitoire et ponctuelle, mais déterminantes. Qu’il me suffise de rappeler quelques unes des dispositions auxquelles la BCE a consenti : l’achat d’emprunts d’Etat sur le marché obligataire de la zone euro, pour un montant qui n’a pas été préalablement défini ; l’achat d’obligations sécurisées pour un total de 60 Mds€ ; ou encore abandon du critère de notation sur les emprunts d’Etat grecs admis à la BCE.

C’est bien la preuve que sans modifier les traités, sous la pression des circonstances, les institutions ne sont pas autistes et peuvent agir avec la détermination et la rapidité que les marchés savent reconnaître.

- J’en viens aux nouvelles méthodes de gouvernance. Une nouvelle fois, la France et l’Allemagne ont été à la manœuvre, ensemble. Le 6 mai, dans une lettre commune du Président de la République et de la Chancelière au Président du Conseil et au Président de la Commission, nous demandions un renforcement de la surveillance budgétaire dans la zone euro, au travers des sanctions plus efficaces pour les procédures de déficit excessif, l’élargissement de la surveillance aux questions structurelles et de compétitivité et aux déséquilibres, ainsi qu’un renforcement de la qualité du contrôle des statistiques. Nous souhaitions aussi que la réflexion s’étende à la création d’un cadre robuste pour la résolution des crises.

Cette démarche s’est concrétisée au Conseil européen du 17 juin. Des progrès en matière de surveillance budgétaire ont été actés car les Etats devront présenter, à partir de 2011, les programmes de stabilité et de convergence pour les années suivantes, dans le cadre d'un "semestre européen". S’agissant de la coordination économique, les 27 ont souhaité qu’un tableau de bord permette de mieux évaluer l'évolution et les déséquilibres en matière de compétitivité et de déceler rapidement les tendances non viables ou dangereuses. De même, un cadre de surveillance efficace qui tienne compte de la situation particulière des États membres de la zone euro", devra être mis en œuvre.

Ces décisions devront être précisées par le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy, ainsi que par la Commission, d'ici le mois d'octobre.

A noter également, ce qui n’était pas évident, que la demande allemande d’un durcissement des sanctions à l'égard des pays laxistes a été intégrée.

Quant à savoir si cette nouvelle gouvernance aurait dû se faire à 16 plutôt qu’à 27, tout dépendra des résultats. C’est à leur aune que nous jugerons. Nous pouvons même concevoir qu’il y ait des coopérations plus étroites entre certains Etats de la zone euro. Ayons conscience qu’en agissant ainsi, nous optons pour des schémas d’organisation européenne à géométrie variable, ce qui pour ma part ne me choque pas, dès lors que nous nous accordons sur l’essentiel et que nous l’on puisse être réactif.

Au-delà de l’accord trouvé sur le principe d’une taxation des activités bancaires dans la perspective du G20, Le Président et la Chancelière ont aussi souligné qu’il était indispensable de renforcer la régulation des marchés financiers.

C’est très bienvenu pour une plus grande transparence du marché des produits dérivés, pour une définition d’un cadre de régulation homogène des ventes à découvert ou encore pour le contrôle et les sanctions des agences de notation dans la propagation des crises.

Le plus important à mes yeux, serait une initiative dont la France et l’Allemagne seraient le moteur pour installer rapidement une Agence européenne des marchés dotée de pouvoirs réels.

Le champ de compétence de cette agence doit être aussi large que possible ; elle doit pouvoir réagir rapidement à un risque systémique brutal ; elle doit pouvoir arbitrer entre les différentes interprétations de dispositions législatives d’un Etat membre à l’autre et disposer d’un réel pouvoir contraignant pour faire appliquer ses décisions aux régulateurs nationaux ; elle doit enfin pouvoir superviser dans le futur des entités paneuropéennes. Car sans autorité européenne puissante, il n’y aura pas de régulation efficace et homogène. Je ne doute pas que les plus hautes autorités politiques allemandes en ont conscience. Je voudrais être certain du même degré de mobilisation à l’échelon technique.

Enfin la France et l’Allemagne doivent renouer avec des projets communs qui fassent rêver. Plus les temps sont difficiles, plus il faut donner des perspectives de long terme à nos concitoyens, tout en œuvrant de concert à une relance coordonnée de la croissance.

***

J’ai été bien austère et je vous prie de m’en excuser. Pour me faire pardonner, je citerai en conclusion Victor Hugo parlant du Rhin qui réunit nos deux pays : « Il y a toute l’histoire de l’Europe considérée sous ses deux grands aspects, dans ce fleuve des guerriers et des penseurs, dans cette vague superbe qui fait bondir la France, dans ce murmure profond qui fait rêver l’Allemagne ». Que cette image puissante nourrisse les ambitions franco-allemandes, voilà mon vœu. C’est peut-être un rêve. Mais la construction européenne a besoin de nouveaux rêves, de nouveaux projets si elle ne veut pas se déliter sous la pression des nationalismes. C’est la raison d’être du franco-allemand.