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Projet de loi relatif

à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)

ETUDE D’IMPACT

janvier 2010

SOMMAIRE

1. Situation actuelle des entrepreneurs individuels et diagnostic des difficultés à résoudre : 3

1.1 Les difficultés et les enjeux des entreprises individuelles : 3

1.2 Les limites des dispositifs existants : 4

1.2.1. Le recours à la société à responsabilité limitée à un seul associé : 4

1.2.2. L’insaisissabilité : 5

1.2.3. La fiducie : 5

1.3 Le principe d’unicité du patrimoine ne s’oppose pas à la création d’un patrimoine d’affectation : 6

2. Objectifs de la réforme : 6

3. Analyse des options : 7

3.1 A droit constant : 7

3.2 Une réforme législative envisageable : l’extension de l’insaisissabilité 8

3.3 La création d’un patrimoine d’affectation : 8

3.3.1. Le dispositif proposé : l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée 8

3.3.2. Articulation avec le dispositif de l’insaisissabilité : 9

4. Impacts de la réforme : 9

4.1 S’agissant des entrepreneurs : 9

4.2 S’agissant des conjoints et co-indivisaires des entrepreneurs : 14

4.3 S’agissant des réseaux consulaires : 15

4.4 S’agissant de l’impact juridique de la mesure : 15

4.4.1. Au plan européen : 15

4.4.2. Au plan interne : 15

4.4.3. Applicabilité outre-mer : 16

4.4.4. Ordonnance instaurant un dispositif ad hoc de procédure judiciaire et assurant la coordination avec le droit civil: 17

4.5 S’agissant de l’impact économique : 17

4.6 S’agissant du coût budgétaire de la mesure : 17

4.7 S’agissant du recours au crédit : 18

5. Consultations menées : 18

5.1 Consultations obligatoires : 18

5.2 Consultations non obligatoires : 19

ANNEXES 20

Annexe 1 : Chiffrage de l’option à l’impôt sur les sociétés (IS) avec clause anti-abus

Annexe 2 : EIRL, régimes matrimoniaux et indivision

Annexe 3 : EIRL et successions

Annexe 4 : EIRL et fiscalité

Annexe 5 : Avis RSI et ACOSS

1. Situation actuelle des entrepreneurs individuels et diagnostic des difficultés à résoudre :

1.1 Les difficultés et les enjeux des entreprises individuelles :

Les entrepreneurs en nom propre représentent à ce jour plus de 1,4 million de chefs d’entreprise, soit près de la moitié de l’ensemble des entreprises existantes en France. Plus de la moitié des entreprises créées en 2008 l’ont été en nom propre, ce qui montre l’attachement des entrepreneurs à ce statut. L’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2009 du régime de l’auto-entrepreneur qui s’adresse exclusivement aux entrepreneurs en nom propre, devrait largement contribuer au développement de cette forme d’exercice puisqu’à fin octobre 2009, on comptait déjà 263 374 demandes de créations d’entreprises sous le régime de l’auto-entrepreneur.

Il ressort des données chiffrées que si les entrepreneurs individuels représentent plus de la moitié des entreprises, il s’agit en réalité de très petites entreprises (75% n’ont aucun salarié). La part de ces entreprises dans la valeur ajoutée, entendue au sens du chiffre d’affaires diminué de toutes les dépenses en consommations intermédiaires pour produire les services ou produits vendus, n’est que de 19,9 %, ce qui démontre la nécessité de stimuler le développement de ces très petites entreprises.

En réalité, l’individu désireux de créer et développer une activité qu’elle soit commerciale, agricole, artisanale ou libérale, seul ou avec quelques salariés, opte majoritairement pour l’exercice en nom propre en raison de sa grande simplicité, dès lors que son activité reste modeste. Les autres modes d’exercice permettant de restreindre les risques encourus par les entrepreneurs individuels sur leur patrimoine, ne répondent pas en effet aux attentes des entrepreneurs (cf. 1.2 ci-dessous).

Si l’exercice d’une activité économique en nom propre reste à ce jour le mode d’exercice privilégié des petits entrepreneurs, ces derniers et leur famille sont placés dans une situation de risque en cas d’échec professionnel : l’entrepreneur répond de ses engagements professionnels sur la totalité de son patrimoine, qu’il ait été ou non affecté à l’entreprise, en raison de la confusion opérée entre le patrimoine de l’entreprise et le patrimoine personnel de l’entrepreneur. L’unicité du patrimoine posée par le Code civil (article 2284 du code civil) demeure le principe.

Or, les très petites entreprises sont les plus vulnérables et elles sont confrontées de manière récurrente à des difficultés de trésorerie.

La part des entreprises individuelles dans le nombre total de défaillances d’entreprises tend toutefois à diminuer. Cette part demeure en-deçà du pourcentage représenté par les entreprises individuelles dans le nombre total d’entreprises. C’est ainsi que l’on dénombre en 2008, 12 720 défaillances d’entreprises individuelles, soit 26% du total des défaillances, alors que les entreprises individuelles représentent plus de la moitié du total des entreprises. En revanche, la même année, 32 931 défaillances de SARL ont été recensées, en ce compris les EURL, ce qui représente 56% du total des défaillances, alors que les SARL représentent moins de 40 % du total des entreprises (source INSEE).

1.2 Les limites des dispositifs existants :

Il existe à ce jour deux principaux dispositifs permettant de limiter la responsabilité d’un entrepreneur individuel :

­ la constitution d’une société unipersonnelle à responsabilité limitée (essentiellement l’EURL) ;

­ la déclaration d’insaisissabilité permettant à l’entrepreneur individuel de rendre insaisissables certains biens de son patrimoine personnel.

1.2.1. Le recours à la société à responsabilité limitée à un seul associé :

Le recours à cette forme sociétale introduite par le législateur en 1985 reste limité, en dépit de récentes réformes législatives qui ont considérablement simplifié la création et le fonctionnement de l’EURL:

- la loi du 1er août 2003 d’initiative économique a supprimé le capital minimum dans les SARL pluripersonnelles et unipersonnelles ;

- la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a d’une part institué un modèle de statuts-types déterminé par décret proposé aux créateurs et d’autre part simplifié le mécanisme d’approbation des comptes dans l’EURL ;

- la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a allégé le régime de publicité légale des EURL, assoupli les règles de participation à certaines assemblées en permettant le recours à la visioconférence, simplifié les formalités d’approbation des comptes et considéré que les statuts types s’appliquent d’office aux EURL, sauf production par le gérant de statuts différents lors de la demande d’immatriculation ;

- enfin, la loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financier dispense certaines EURL de l’obligation d’établir un rapport de gestion.

Ces efforts du législateur ont partiellement porté leurs fruits car le nombre de créations d’EURL au cours des dernières années a progressé. Les EURL représentaient 10,5% des créations d’entreprises en 2008 contre 3,9% en 2000. Toutefois, les EURL ne représentent que 6,2% du total des entreprises en 2008 alors que près de la moitié des entreprises existantes sont toujours constituées sous forme d’entreprises individuelles et continuent de l’être. La tendance semble s’accentuer si l’on prend les chiffres du premier semestre 2009 en termes de créations d’entreprises : les entreprises individuelles représentent plus de 73% des créations d’entreprises (213 546 sur un total de 290 647) ; les EURL ne représentent plus que 5% des créations (15 367).

Si l’EURL n’a jamais connu depuis 1985 le succès escompté, on peut expliquer cet état de fait par diverses raisons :

§ beaucoup d’entrepreneurs estiment que les obligations qui en découlent (tenue d’un registre des décisions, gestion comptable et financière) constituent un obstacle psychologique et culturel freinant l’initiative ;

§ Les efforts gouvernementaux de communication concernant l’EURL ont connu peu de succès depuis la loi du 11 juillet 1985 et ont été peu relayés ;

§ Des freins psychologiques demeurent chez une partie des entrepreneurs, qui ne souhaitent pas créer une personnalité morale distincte d’eux-mêmes pour leurs activités entrepreneuriales ;

§ En réalité, le passage en société ne se conçoit en principe qu’à un stade de croissance avancé lorsque l’entrepreneur individuel entend développer son activité en s’associant à d’autres partenaires ou encore lorsque le développement de l’activité et ses implications fiscales et comptables nécessitent la création d’une personne morale.

1.2.2. L’insaisissabilité :

Le législateur a permis, par de récentes mesures, d’atténuer les conséquences excessives du mode d’exercice individuel puisque l’entrepreneur en nom propre peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale (depuis la loi du 1er août 2003 sur l’initiative économique) et de manière plus générale ses droits sur tout bien foncier bâti ou non bâti et non affecté à son usage professionnel (depuis la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie).

Le dispositif de l’insaisissabilité a été bien accueilli sur le plan des principes par les commerçants et les artisans ainsi que les praticiens (notamment les notaires). Pourtant, la mesure ne semble concerner que très peu d’entrepreneurs même si l’on ne dispose que de données chiffrées parcellaires : Infogreffe comptabilise au troisième trimestre 2009 un total cumulé d’environ 12 000 déclarations d’insaisissabilité depuis la création du dispositif en 2003; l’administration fiscale a, pour sa part, mis en place depuis mai 2008 un outil permettant de recenser les déclarations d’insaisissabilité et dénombre environ 10 000 déclarations d’insaisissabilité effectuées durant l’année 2009. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation :

- le formalisme de la déclaration qui doit intervenir par devant notaire et entraîne des coûts (de l’ordre de 500 euros) qui peuvent paraître dissuasifs pour certains petits entrepreneurs ;

- la nécessité de disposer d’un patrimoine immobilier, ce qui n’est pas toujours le cas notamment en phase de démarrage d’une activité et alors même que ce sont les jeunes entreprises qui sont les plus vulnérables ;

- le fait que le patrimoine immobilier sert souvent de garantie aux bailleurs de fonds.

1.2.3. La fiducie :

Citons enfin, pour mémoire, le dispositif de la fiducie qui pourrait être utilisé par un entrepreneur agissant en qualité de constituant, pour séparer un patrimoine. Ce dispositif ne répond pas aux préoccupations des entrepreneurs individuels. En effet la fiducie instaurée par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 prévoit un mécanisme de transfert de propriété d’un bien entre les mains d’un fiduciaire, qui le tient séparé de son patrimoine propre, à des fins de gestion ou à des fins de sûreté (article 2011 et suivants du Code civil). Un tel transfert dans un patrimoine fiduciaire ne répond donc pas au besoin exprimé par les entrepreneurs individuels.

1.3 Le principe d’unicité du patrimoine ne s’oppose pas à la création d’un patrimoine d’affectation :

Une mission d’étude a donc été confiée par le Gouvernement durant l’été 2008 à Monsieur Xavier de Roux sur le statut de l’entreprise à patrimoine affecté.

Il ressort de son rapport1 que le principe d’unicité du patrimoine, qui figure aujourd’hui à l’article 2284 du Code civil, ne constitue pas un principe supérieur du droit auquel le législateur ne pourrait déroger. D’ailleurs, ce principe d’unicité du patrimoine a déjà connu plusieurs atteintes dans des domaines tels que celui des régimes matrimoniaux, du droit successoral, du droit maritime, ou encore du droit fiscal. Surtout, la notion de patrimoine d’affectation a trouvé sa place dans notre droit positif avec la loi du 19 février 2007 instaurant la fiducie. Il n’y a donc pas d’obstacle à l’introduction en droit français du patrimoine professionnel d’affectation par le législateur.

En s’inspirant du rapport de Roux, ainsi que du rapport Hurel2, la reconnaissance de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), permet la constitution d’un patrimoine professionnel sans création d’une personne morale. Ce patrimoine professionnel affecté à l’activité de l’entrepreneur, sur déclaration de ce dernier au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers (RM), constitue la garantie des créanciers intervenant dans le cadre professionnel. La responsabilité de l’entrepreneur se trouve ainsi limitée à l’actif affecté.

2. Objectifs de la réforme :

Compte tenu des risques assumés par les entrepreneurs individuels et de l’importance de la population concernée, le Gouvernement a estimé nécessaire de répondre à l’attente des entrepreneurs individuels et de poursuivre les réflexions et propositions engagées sur le patrimoine d’affectation.

Les réseaux consulaires demandent depuis plusieurs dizaines d’années la création d’un patrimoine affecté à une activité professionnelle sans création d’une personne morale. Ils estiment que l’entreprise sous forme individuelle est le mode d’accès à l’entreprenariat le plus aisé et qu’au nom de la liberté d’entreprendre, il convient de ne créer aucune forme de discrimination entre les différentes formes d’activités.

Poursuivant le même souci d’égalisation des conditions de concurrence, l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée pourra décider que les résultats tirés de son activité seront imposés à l’impôt sur les sociétés, selon le même choix que celui offert aux EURL.

La mise en place d’un statut protecteur pour l’entrepreneur en nom propre tend à stimuler la création et le développement des entreprises individuelles, dans la cohérence de l’action gouvernementale visant à libérer les énergies entrepreneuriales, sans exposer ces dernières à des risques financiers excessifs et en évitant ainsi l’addition le cas échéant d’un échec familial à un échec professionnel.

La réforme devrait également stimuler l’emploi en permettant aux entreprises individuelles qui employaient plus de 716 000 salariés au 1er janvier 2008 d’exercer une activité professionnelle de façon plus sécurisée.

Rappelons que le régime proposé s’adresse aux entrepreneurs en nom propre déjà en activité de même qu’aux créateurs qui demeurent réticents à créer une société avec personnalité morale distincte, pour des raisons diverses de culture professionnelle, de coût ou encore de complexité du régime juridique et des démarches à accomplir. L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée pourra cependant aussi être un professionnel en EURL qui souhaite transformer sa société en EIRL, mais ce cas devrait rester limité.

S’agissant du suivi de la mesure, la centralisation des données concernant les EIRL au sein des greffes des tribunaux de commerce et des répertoires des métiers, devrait permettre de disposer d’un outil fiable en termes de création d’EIRL et des effets de la mesure sur le développement des entreprises (création par des primo-créateurs/ transformation par des entrepreneurs individuels déjà en activité).

3. Analyse des options :

3.1 A droit constant :

Les mécanismes actuels de protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur ont été examinés au 1. du présent document et ne répondent pas aux difficultés des entrepreneurs pour un certain nombre de raisons:

- le recours à l’EURL permet une protection du patrimoine personnel, mais il implique la création d’une personne morale et se heurte de ce fait à un certain nombre de résistances de nature psychologique de la part des entrepreneurs. Les efforts en matière de simplification de l’EURL semblent avoir été poussés jusqu’au bout de même qu’en matière de promotion de cette forme sociétale qui existe depuis près de trente ans. L’objectif est de pouvoir offrir un autre moyen de protection du patrimoine personnel aux entrepreneurs réticents à créer une société ;

- la fiducie, dont le dispositif est encore récent et peu utilisé, n’est pas une option naturelle pour les entrepreneurs qui ont besoin, bien au contraire, d’un mécanisme qui leur soit directement parlant et adapté à leur situation. Les règles et le coût du contrat de fiducie ne présentent guère plus d’avantages que la mise en société et seraient rejetés par les entrepreneurs pour les mêmes raisons ;

- les dispositions relatives à l’insaisissabilité ne concernent que le patrimoine foncier ; le patrimoine mobilier de l’entrepreneur ne peut donc être protégé à droit constant. De plus, il existe une incertitude sur la portée des effets de la déclaration d’insaisissabilité en cas de liquidation judiciaire de l’entrepreneur individuel. Un jugement rendu par le TGI de Nancy le 6 juillet 2009 a en effet récemment considéré qu’une déclaration d’insaisissabilité empêche les créanciers professionnels ayant une créance postérieure à la publication de la déclaration d’insaisissabilité de saisir le bien immobilier mais non pas de se rembourser sur le bien en cas de saisie par un créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable (par exemple un créancier ayant une créance antérieure à la publication). Cette jurisprudence si elle venait à être confirmée en appel pourrait limiter les effets du dispositif en cas de procédures collectives.

3.2 Une réforme législative envisageable : l’extension de l’insaisissabilité

L’unique option qui pourrait être envisagée comme alternative à la création de l’EIRL, permettant de concilier simplicité et protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur sans avoir besoin de créer une forme sociétale, est l’extension de l’insaisissabilité à des biens autres qu’immobiliers.

Cette option n’a finalement pas été retenue pour les raisons suivantes : toute nouvelle mesure d’extension du dispositif comporterait des risques juridiques au regard des débats qui ont eu lieu, à l’occasion de l’examen en 2008 du projet de loi de modernisation de l’économie prévoyant une extension de l’insaisissabilité, au-delà de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, à l’ensemble des biens immobiliers bâtis et non bâtis. Un tel dispositif prive en effet de droits les créanciers professionnels, sans limiter symétriquement les droits des créanciers personnels.

Par ailleurs, seule l’option du patrimoine d’affectation permet de distinguer clairement patrimoine personnel et créancier personnel d’une part, et patrimoine professionnel et créancier professionnel d’autre part.

3.3 La création d’un patrimoine d’affectation :

3.3.1. Le dispositif proposé : l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

Le nouvel article L. 526-6 définit l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée et instaure une procédure de déclaration qui consacre l’affectation du patrimoine.

L’affectation d’un patrimoine à une activité professionnelle est accessible à tout entrepreneur personne physique, sans distinction d’activité professionnelle. Le patrimoine affecté est constitué de l’ensemble des biens, droits ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité. L’affectation des actifs répond ainsi à un critère objectif. Une marge d’appréciation est néanmoins laissée à l’entrepreneur s’agissant des biens qu’il utilise pour l’exercice de son activité, tels les biens à usage mixte, professionnel et personnel (une voiture par exemple). Pour ces biens, l’entrepreneur a la faculté de les affecter ou non.

Le patrimoine affecté est, à l’exclusion de tout autre bien, le gage des seuls créanciers dont la créance est née à l’occasion et pour les besoins de l’activité professionnelle. Certains cas font obstacle au jeu de l’affectation : outre la fraude aux créanciers, le non respect des règles d’affectation ou de séparation du patrimoine fait perdre ses effets à la déclaration.

Le régime proposé a été sécurisé par une étanchéité maximale des deux patrimoines. Les créanciers professionnels, si leurs droits sont nés postérieurement à la déclaration, ont pour gage le seul patrimoine affecté à l’activité. Réciproquement, les créanciers personnels postérieurs à la publication de la déclaration, voient leur gage limité au patrimoine personnel.

Un lien est ainsi créé entre les droits des créanciers et le patrimoine constitutif de leur gage. Cette solution apporte une garantie en termes de sécurité juridique sous réserve des droits de suite éventuels (sûretés réelles). Il existe toutefois une exception à ce principe d’étanchéité, s’agissant des créanciers personnels qui conservent, en cas d’insuffisance du patrimoine personnel de l’entrepreneur, un gage sur les bénéfices générés par l’activité professionnelle au cours du dernier exercice clos.

Le code général des impôts est modifié pour aligner le régime fiscal de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée en tous points sur celui de l’EURL, en particulier s’agissant de l’option à l’impôt sur les sociétés, et renforcer la lutte contre la fraude en modifiant le livre des procédures fiscales. Afin d’éviter des stratégies d’optimisation fiscale, il est prévu que la part des revenus de l’activité professionnelle reversée par l’entrepreneur dans son patrimoine non affecté qui excède un plafond est assujettie aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun. Par ailleurs, une clause similaire à celle inscrite dans le livre des procédures fiscales visant à renforcer la lutte contre la fraude en matière de cotisations et de contributions sociales est insérée dans le code de la sécurité sociale.

Le Gouvernement est habilité à prendre, par voie d’ordonnance, les dispositions relatives aux procédures judiciaires nécessaires à la prévention et au traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ainsi que les dispositions d’harmonisation nécessaires, notamment en matière de droit des sûretés, de droit des procédures civiles d’exécution, de droit des régimes matrimoniaux et des successions. Il est également prévu une habilitation du Gouvernement pour rendre applicable par voie d’ordonnance le dispositif, avec les adaptations nécessaires, à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie de même qu’à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon.

3.3.2. Articulation avec le dispositif de l’insaisissabilité :

La suppression du dispositif de l’insaisissabilité a finalement été retenue pour diverses raisons :

- le dispositif de l’insaisissabilité créé par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 n’a jamais connu le succès escompté ;

- il est préférable dans un souci de simplicité, de ne pas cumuler les dispositifs de protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel ;

- le dispositif EIRL est un dispositif plus abouti et plus complet que le dispositif de l’insaisissabilité dont l’extension est problématique (cf. 3.2 ci-dessus).

Dès lors, il est prévu de supprimer le dispositif de l’insaisissabilité une fois que le dispositif de l’EIRL sera opérationnel. Le projet de loi prévoit qu'aucune déclaration d'insaisissabilité ne peut intervenir plus de neuf mois après la date de publication de la loi relative à l'EIRL. Toutefois, les déclarations effectuées antérieurement continueront de produire leurs effets. Les droits acquis ne seront donc naturellement pas remis en cause.

4. Impacts de la réforme :

4.1 S’agissant des entrepreneurs :

L’EIRL devrait rencontrer un succès certain pour plusieurs raisons :

§ les créateurs aussi bien que les entrepreneurs en nom propre déjà en exercice auront un intérêt évident à opter pour le patrimoine d’affectation ;

§ les entrepreneurs qui ont fait le choix de passer en société pourraient souhaiter revenir à l’exercice en nom propre qui correspond à la réalité économique de leur activité; ces éventuelles transformations d’EURL en EIRL resteront cependant limitées et neutres d’un point de vue fiscal ;

§ la création du patrimoine d’affectation pourrait inciter des candidats à la création d’entreprise à franchir le pas.

Grâce à cette mesure, les entrepreneurs pourront mettre leur patrimoine personnel à l’abri des poursuites des créanciers professionnels. Une telle séparation des patrimoines devrait encourager l’esprit d’entreprendre chez les petits entrepreneurs.

La mesure vise à concilier simplicité, encadrement des coûts et protection des tiers. Les obligations de publicité sont renforcées par rapport à celles de l’entrepreneur individuel sans EIRL mais elles ne doivent pas entraîner de formalités et de coûts dissuasifs :

- la publicité se fait par simple dépôt de la déclaration d’affectation au registre de publicité légale auprès duquel la personne est tenue de s’immatriculer et, pour les personnes qui ne sont pas tenues de s’immatriculer, au greffe du tribunal statuant en matière commerciale, du lieu de leur établissement principal. Il en va de même pour la publicité des comptes annuels ;

- en cas d’affectation d’un bien immobilier, il est nécessaire d’avoir recours à un notaire dont les émoluments sont fixés dans le cadre d’un plafond déterminé par décret ;

- en cas d’affectation de biens dont la valeur unitaire dépasse un montant fixé par décret, il est nécessaire d’avoir recours à un commissaire aux apports désigné selon les mêmes modalités que pour l’évaluation d’apports faits à une société à responsabilité limitée.

Le dispositif prévoit une comptabilité autonome de l’activité professionnelle à patrimoine affecté, les auto-entrepreneurs bénéficiant d’obligations comptables allégées fixées par décret.

Le dispositif permet d’assurer une neutralité fiscale entre l’EURL et l’EIRL (cf. annexe EIRL et fiscalité indiquant les conséquences de l’EIRL sur le patrimoine professionnel pré-existant et les conséquences en cas de cessation)

Le tableau comparatif (voir page suivante) permet d’identifier les formalités à la charge de l’entrepreneur qui opte pour l’EIRL. Il ressort du tableau comparatif que si l’EIRL et l’EURL diffèrent sur le plan des principes juridiques, dans la mesure où l’EURL dispose d’une personnalité morale différente de celle de son associé unique, les deux dispositifs sont proches en termes de création et de fonctionnement, avec toutefois une plus grande simplicité pour l’EIRL.

 

Entreprise

individuelle

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise

unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Constitution

Capital minimum

sans objet

sans objet

Librement fixé par les statuts

Evaluation des biens apportés en nature

sans objet

commissaire aux apports sauf si aucun actif d’une valeur supérieure à un montant fixé par décret

commissaire aux apports sauf si aucun actif d’une valeur supérieure à 7500 euros et si valeur totale de l’ensemble des actifs non soumis à évaluation n’excède pas la moitié du capital social

Acte constitutif

sans objet

§ déclaration d’affectation avec état descriptif

§ acte notarié si affectation de biens immobiliers (émoluments soumis à plafond déterminé par décret)

§ statuts (avec statuts-types s’appliquant d’office quand l’associé unique assure aussi la gérance sauf production par le gérant de statuts différents lors de la demande d’immatriculation)

§ acte notarié si apport de biens immobiliers

Publicité de la constitution

sans objet

OUI

(dépôt de la déclaration d’affectation au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur est tenu de s’immatriculer ou à défaut, au greffe)

OUI

(dépôt des statuts au greffe, publicité dans un journal d’annonces légales)

Immatriculation au RCS ou au RM

OUI

en fonction de l’activité : RCS pour le commerçant et RM pour l’artisan (sauf auto-entrepreneur)

OUI

en fonction de l’activité : RCS pour le commerçant et RM pour l’artisan (sauf auto-entrepreneur)

OUI

RCS (avec double immatriculation RCS et RM si activités artisanales et EURL de moins de 10 salariés)

 

Entreprise

individuelle

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise

unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Fonctionnement

Obligation d’ouverture d’un compte bancaire séparé

NON

OUI

OUI

Obligations comptables

­ pas de comptes annuels si régime fiscal de la micro-entreprise (art. L. 123-28 C.Com) ;

­ présentation simplifiée des comptes si régime réel d’imposition (art. L. 123-25 à L. 123¬27 du code de commerce)

comptes annuels mais présentation simplifiée si régime réel d’imposition (art. L. 123¬25 à L. 123-27 du code de commerce)

comptes annuels

Assemblée annuelle

NON

arrêté des comptes

OUI ; le dépôt des comptes signés au greffe vaut approbation des comptes (art. L.223-31, 2ème alinéa du code de commerce)

Dépôt des comptes

NON

OUI

(au registre de publicité légale auquel l’entrepre-neur est tenu de s’immatriculer ou à défaut, au greffe)

OUI

au greffe avec publicité au BODACC

 

Entreprise

individuelle

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise

unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Fonctionnement (suite)

Sanctions pénales spécifiques

NON

mais sanctions pénales en cas de :

­ tenue irrégulière de comptabilité : délits prévus par le code pénal (faux et usage de faux), par le code général des impôts (manœuvres frauduleuses, irrégularités dans la tenue du livre-journal, etc) ;

­ en cas de redressement et liquidation judiciaires : délit de banqueroute prévu par le code de commerce

NON

mais sanctions pénales en cas de :

­ tenue irrégulière de comptabilité : délits prévus par le code pénal (faux et usage de faux), par le code général des impôts (manœuvres frauduleuses, irrégularités dans la tenue du livre-journal, etc) ;

­ en cas de redressement et liquidation judiciaires : délit de banqueroute prévu par le code de commerce

OUI

Infractions concernant les SARL (art. L.241-1 à L.241¬9 du code de commerce)

Application des dispositions relatives aux difficultés des entreprises (Livre sixième du code de commerce)

OUI

OUI

sous réserve d’adaptations nécessaires à prendre par ordonnance

OUI

Limitation de responsabilité

NON

(confusion de patrimoines)

OUI

à l’égard des créanciers postérieurs au dépôt de la déclaration d’affectation

sauf non respect des règles d’affectation ou de séparation du patrimoine

OUI

 

Entreprise

individuelle

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise

unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Liquidation amiable

Acte

simple déclaration

simple déclaration

procédure de dissolution avec ouverture de liquidation et désignation d’un liquidateur

Publicité

dépôt de la déclaration au CFE dont dépend l’entrepreneur

dépôt de la déclaration au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur est tenu de s’immatriculer ou à défaut, au greffe.

enregistrement des décisions de dissolution et de liquidation / dépôt au greffe/ publicité dans un journal d’annonces légales et au BODACC.

Régime fiscal et social

Régime fiscal et social

IR

IR avec option IS et clause anti-abus (dividendes distribués au-delà de 10% de valeur des actifs affectés ou du bénéfice soumis à cotisations sociales)

IR avec option IS et
clause anti-abus pour les SELURL

IR : impôt sur le revenu

IS : impôt sur les sociétés

4.2 S’agissant des conjoints et co-indivisaires des entrepreneurs :

L’article L. 526-10 régit l’affectation des biens communs ou indivis en exigeant la preuve de l’information et du consentement exprès du conjoint ou des co-indivisaires de la même façon qu’en cas de création d’une entreprise individuelle ou d’une EURL. Le texte tient ainsi compte, non seulement des interactions entre l’affectation d’un patrimoine et le régime matrimonial, mais aussi de manière générale des cas d’indivision rencontrés notamment dans l’union libre ou le PACS. Le couple est donc protégé au sens large, ainsi que, plus largement encore, tous les indivisaires.

En outre, ce dispositif ne déroge pas aux règles de l’indivision et des régimes matrimoniaux. La coordination entre le régime de l’EIRL et le droit des régimes matrimoniaux et l’indivision est détaillée en annexe.

4.3 S’agissant des réseaux consulaires :

Le dispositif prévoit que les entrepreneurs non tenus de s’immatriculer à un registre de publicité légale (c’est-à-dire les professionnels libéraux), doivent déposer la déclaration d’affectation et les comptes annuels de l’activité à patrimoine affecté auprès du greffe du tribunal statuant en matière commerciale. Cette mesure implique la création d’un registre spécifique auprès des greffes, destiné à recevoir les déclarations d’affectation et la publicité des comptes pour ces professions libérales.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que les artisans non immatriculés au RCS mais immatriculés au RM, déposent la déclaration d’affectation et leurs comptes annuels auprès du RM. Il conviendra donc de s’assurer que la centralisation des données de ces chambres des métiers par l’INPI, est effectuée régulièrement.

4.4 S’agissant de l’impact juridique de la mesure :

4.4.1. Au plan européen :

L’EIRL est pleinement conforme à la directive 89/667/CEE du 21 décembre 1989 concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé, qui reconnaît la possibilité pour un Etat membre de ne pas permettre la société unipersonnelle lorsque sa législation prévoit en faveur des entrepreneurs individuels la possibilité de constituer un patrimoine affecté à une activité déterminée.

Le patrimoine d’affectation est connu en droit étranger. Le droit portugais dispose du patrimoine d’affectation professionnelle depuis 1986. Ce dispositif de protection de l’entrepreneur, sans création d’une personne morale, côtoie aujourd’hui ceux de l’entreprise individuelle et de la société unipersonnelle à responsabilité limitée. Il n’a pas rencontré d’obstacle, ni sur un plan théorique ni dans sa mise en œuvre pratique.

En droit italien, la création d'un patrimoine d'affection est possible, mais uniquement pour des sociétés commerciales, dans le cadre de projets déterminés, pour limiter la responsabilité de la société au patrimoine d’affectation en cas d’échec. Il s’agit d’une mesure de protection qui ne concerne donc pas les entrepreneurs individuels. Il est prévu à l’article L.526-15 un décret d’application en Conseil d’Etat pour prévoir, en tant que de besoin, les conditions d’application de la loi. La loi serait donc applicable une fois ce décret pris.

4.4.2. Au plan interne :

Le dispositif de l’EIRL intègre les dispositions du code de commerce. Le choix de la codification s’est imposé pour offrir une meilleure lisibilité aux entrepreneurs. L’EIRL a été conçu comme un dispositif durable à la disposition des entrepreneurs.

Le décret d’application prévu à l’article L. 526-15 viendra notamment préciser les points suivants :

- la précision des documents professionnels visés à l’article L. 526-6 ;

- le plafond des émoluments du notaire en cas d’affectation d’un bien immobilier conformément à l’article L. 526-8 ;

- le choix du commissaire aux apports visé à l’article L. 526-9 ;

- les obligations comptables simplifiées devant être respectées par les personnes relevant du régime de la micro-entreprise conformément à l’article L.526-12 ;

- les modalités de dépôt des comptes selon l’article L. 526-13 ;

- les modalités de liquidation du patrimoine affecté (désignation d’un liquidateur et information des tiers).

Il est également prévu en quatrième partie qu’un décret vienne préciser les modalités selon lesquelles la part des revenus de l’activité professionnelle qui excède un plafond est assujettie aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun.

4.4.3. Applicabilité outre-mer :

Le dispositif de l’EIRL est applicable de plein droit dans les DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion).

S’agissant des collectivités d’outre-mer, l’applicabilité du nouveau dispositif est plus nuancée et requiert des adaptations. C’est pourquoi, il est prévu d’habiliter le Gouvernement à procéder aux adaptations nécessaires par voie d’ordonnance pour rendre applicable le dispositif dans les collectivités ci-après désignées.

Mayotte : le dispositif de l’EIRL a vocation à s’y appliquer de plein droit. Toutefois, les droits réels immobiliers s’appliquent sur mention expresse (article L.O. 6113-1 du CGCT). Par ailleurs, compte tenu de la réalité locale de l’organisation du service des hypothèques, une mention d’adaptation devra être prévue. Saint-Barthélemy et Saint-Martin : ces deux collectivités d’outre-mer, qui disposent de leur propre compétence fiscale, sont rattachées au bureau des hypothèques de Basse-Terre en Guadeloupe pour la déclaration au RCS, ainsi qu’au répertoire des métiers. Les règles de taxation et d’option à l’IS relèvent soit de la collectivité, soit de l’Etat, en fonction de la durée de résidence fiscale (plus ou moins 5 ans). Le nouveau statut d’EIRL prévoyant une immatriculation au RCS et au RM, les adaptations nécessaires doivent être prévues. Saint-Pierre et Miquelon : le dispositif y est applicable, sauf pour la partie fiscale. Par ailleurs, comme il n’existe pas de bureau des hypothèques sur l’archipel (la recette des impôts prend l’acte), des adaptations devront être prévues ou, à défaut, une disposition permettant de recourir à une ordonnance. Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie : L’Etat est compétent en matière de droit commercial à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie. En conséquence, il conviendra de prévoir une mention expresse pour que le dispositif puisse s’y appliquer.

La Polynésie étant compétente en droit commercial, le dispositif n’a pas vocation à s’y appliquer et aucune mention n’est nécessaire.

4.4.4. Ordonnance instaurant un dispositif ad hoc de procédure judiciaire et assurant la coordination avec le droit civil:

L’entrepreneur ne devrait pas pouvoir bénéficier dans la pratique des dispositions du livre VI du code de commerce relatif à la prévention et au traitement des entreprises en difficultés, tant que l’ordonnance prévoyant un dispositif ad hoc ne sera pas applicable.

Il est en effet nécessaire d’aménager les procédures du livre sixième du code de commerce (« des difficultés des entreprises ») à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée dans la mesure où les dispositions actuelles ont vocation à s’appliquer à une personne, tenant compte de l’ensemble de son patrimoine et de ses créanciers, et non à un patrimoine affecté. Partant, seule une procédure ad hoc permettra de garantir à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée l’application d’un régime protecteur, à l’instar des autres professionnels.

L’habilitation prévoit en outre que des mesures puissent être prises pour garantir, le cas échéant, la coordination de ce nouveau dispositif avec le droit existant : droit des sûretés, droit des procédures civiles d’exécution, et plus largement droit des régimes matrimoniaux et des successions (cf. détail en annexe).

4.5 S’agissant de l’impact économique :

L’impact économique de la mesure est très difficile à chiffrer. Il est cependant attendu une augmentation significative du nombre des créations d’entreprises. La mesure permet en effet de concilier l’impératif de sécurité juridique de l’entrepreneur en protégeant ses biens personnels, et un régime fiscal attractif du fait de la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés, sans toutefois avoir recours à la création d’une personne morale autonome, jugée contraignante par les entrepreneurs individuels. Elle devrait donc permettre à ces derniers de limiter la prise de risques et de se développer plus facilement.

Son succès dépendra aussi de la façon dont la mesure sera relayée par les organisations professionnelles, et notamment par les chambres des métiers.

Sur ces bases, il a paru raisonnable d’estimer à 100 000 le nombre d’EIRL pouvant être attendu fin 2012 (cf l’annexe sur le chiffrage de l’option à l’impôt sur les sociétés).

4.6 S’agissant du coût budgétaire de la mesure :

La mesure prévoit une faculté d’option à l’impôt sur les sociétés pour l’entrepreneur, dans un souci d’assurer un traitement égal entre les entrepreneurs exerçant en EIRL et ceux exerçant sous forme sociétale (EURL).

Toutefois, afin de limiter les effets possibles d’une optimisation dividendes / rémunération, il est prévu que la part des revenus de l’activité professionnelle reversée par l’entrepreneur dans son patrimoine personnel qui excède le plus élevé des deux montants suivants :

§ 10% de la valeur des biens du patrimoine affecté ;

§ 10% du bénéfice,

soit assujettie aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun (clause « anti-abus »).

Il convient de rappeler que tout travailleur indépendant peut d’ores et déjà se constituer en EURL et opter pour le régime fiscal décrit ci-dessus. En matière sociale une clause « anti-abus » similaire à celle retenu est applicable aux dividendes que l’associé unique décide de se verser lorsque l’entreprise est une société d’exercice libéral.

L’impact de la clause anti-abus pour les finances publiques figure en annexe.

4.7 S’agissant du recours au crédit :

En termes d’impact, en ce qui concerne l’accès au crédit, comme le relève à juste titre Xavier de Roux dans son rapport, l’affectation à une activité d’une partie seulement de son patrimoine  va modifier vis à vis des créanciers, et notamment des banques, l’estimation de la « surface » financière de l’entrepreneur. C’est pourquoi le recours à l’EIRL peut, en ce domaine, contribuer à une prise de conscience de l’entrepreneur sur les risques qu’il encourt. En sus des garanties prises sur son patrimoine, il convient de promouvoir la faculté pour l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée de fournir des garanties extérieures, comme l’assurance crédit que pourraient fournir OSEO ou la société interprofessionnelle artisanale de garantie d’investissements (SIAGI).

A cet égard, le Gouvernement s’est fortement mobilisé pour soutenir la trésorerie des entreprises depuis le début de la crise.

Tout d’abord des moyens publics très importants ont été mobilisés afin de faciliter l’accès des PME aux crédits :

§ le Gouvernement a renforcé d’une part, les moyens d’OSEO Financement (2 Mds d’euros en plus pour des cofinancements de projets d’entreprises) et d’autre part, les moyens d’OSEO Garantie qui, par l’apport de sa garantie, diminue les risques assumés par les banques et augmente donc leur offre de financement. Ainsi, les fonds de garantie traditionnels ont bénéficié de 2Mds d’euros supplémentaires et deux nouveaux fonds, « renforcement de la trésorerie » et « lignes de crédit confirmé », ont été créés et dotés de 2 Mds d’euros chacun.

§ une activité d’OSEO Garantie et d’OSEO Financement soutenue démontre l’importance de ces outils. A la mi-août 2009, 11 153 PME avaient bénéficié d’une garantie mise en place dans le cadre du plan de financement des PME. Au total, ces garanties concernent des encours de prêts atteignant 2,3 Mds d’euros.

Enfin, la SIAGI, outil spécifiquement dédié aux artisans et aux activités de proximité, a garanti 5 386 opérations, cumulant un total de 587,4 millions d’euros de crédits et 176,8 millions d’euros de risques, soit une quotité garantie moyenne de 30,1%. La SIAGI a connu une année 2008 normale en termes de progression de l’activité de crédits garantis et distribués à l’économie (+10%) qui succédait à un exercice 2007 déjà bien orienté.

5. Consultations menées :

5.1 Consultations obligatoires :

Les seules consultations obligatoires qu’appelait cette réforme sont celles du Régime Social des Indépendants (RSI) et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Ces organismes ont rendu chacun un avis favorable en janvier 2010 (cf. teneur des avis en annexe).

5.2 Consultations non obligatoires :

La création du patrimoine d’affectation est réclamée depuis plusieurs dizaines d’années par les réseaux consulaires (Assemblée permanente des chambres de métiers notamment) comme une mesure apportant la sécurité juridique et financière indispensable à l’esprit d’entreprise. Une consultation des organismes professionnels et consulaires concernés par le projet est intervenue début 2009. Une telle concertation était indispensable. Les professionnels, qui seront les premiers acteurs du dispositif, ont ainsi pu exprimer leur sentiment sur celui-ci, tout en formulant des observations qui sont venues l’enrichir par la suite. Les réactions obtenues ont été largement positives.

Ø Le projet de réforme a ainsi recueilli le « soutien global » de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI). L’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) a notamment proposé de réserver l’affectation aux seuls biens nécessaires à l’accomplissement de l’objet de l’entreprise, disposition qui a été ajoutée au texte.

Ø La Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) considère que la création de ce dispositif constituera « un outil de plus offert aux créateurs, aux côtés des autres possibilités d’organisation de leur patrimoine ». Elle a appelé l’attention sur la nécessité de prévoir des mécanismes financiers permettant aux entrepreneurs de fournir des garanties solides à leurs partenaires. Ces mécanismes en effet indispensables ont été prévus dans l’accompagnement du dispositif. La CCIP a formulé des propositions précises, dont certaines ont contribué au projet présenté.

Le souhait de garantir une séparation stricte des patrimoines à l’égard des créanciers a été pris en compte, puisque le droit des créanciers personnels sur le patrimoine professionnel est doublement limité : il ne peut être exercé qu’en cas d’insuffisance du patrimoine personnel, et uniquement sur les bénéfices générés, le cas échéant, par l’activité.

La proposition de ne rendre obligatoire le recours au notaire que pour les biens soumis à publicité au bureau des hypothèques a ainsi été retenue, de même que la suppression de certaines formalités imposées à l’entrepreneur qui alourdissaient le dispositif et le rendaient moins attractif (ex : obligation d’inscrire dans un procès-verbal les décisions ou conventions passées).

Ø Les conseils formulés par le Conseil Supérieur du Notariat, ont permis de s’assurer que le dispositif prévu avait une cohérence d’ensemble avec le droit existant, sans porter atteinte aux règles en vigueur, permettant par exemple d’ajuster le délai à fixer pour la poursuite de l’activité en cas de décès.

Ø Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC) a également été associé et leurs observations ont confirmé la nécessité de responsabiliser l’entrepreneur dans l’évaluation des biens intégrant le patrimoine d’affectation (article L526-9 du projet).

Ø Enfin, des professionnels du droit, avocats, professeurs de droit, ont apporté leur contribution au projet. Le démembrement du patrimoine, les attributs de la propriété sont des notions qui ont ainsi pu être mieux appréhendées.

Annexes

Annexe 1

Chiffrage de l’option à l’impôt sur les sociétés (IS) avec clause

anti-abus

Afin de minimiser les risques de coûts pour les finances publiques, notamment du fait de l’ouverture d’une option à l’impôt sur les sociétés pour l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, il a été décidé d’instaurer une clause prévoyant que la part des revenus de l’activité professionnelle reversée par l’entrepreneur dans son patrimoine personnel qui excède le plus élevé des montants suivants :10% de la valeur des biens du patrimoine affecté /10% du bénéfice, soit assujettie aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun.

La présente annexe évalue le coût statique de ce dispositif pour les finances publiques.

L’EIRL constitue le pendant de l’EURL sans personnalité juridique. Le comportement du chef d’entreprise optant pour l’EIRL avec option à l’IS sera sans aucun doute proche de celui du gérant associé unique de l’EURL. Les données chiffrées sur l’EURL et sur l’EIRL devraient donc être très proches.

Remarque préliminaire :

A titre préliminaire, il est rappelé que le dispositif EIRL ne crée pas un régime fiscal ou social nouveau, dans la mesure où tout entrepreneur individuel peut d’ores et déjà bénéficier de l’option à l’impôt sur les sociétés, en créant une EURL. Dès lors, le dispositif proposé par le Gouvernement ne comporte pas en soit de coût additionnel.

En revanche, il faut tenir compte du fait que la mise en place de ce dispositif peut conduire à augmenter le nombre global d’entrepreneurs optant à l’impôt sur les sociétés. C’est cet effet qui est chiffré ci-dessous.

1. Prévision du nombre d’EIRL :

Il est raisonnable de prévoir 100 000 EIRL à fin 2012. Ce chiffre de 100 000 EIRL correspond à un scénario central de :

- 60 000 créations nouvelles ;

- 35 000 transformations d’entreprises individuelles existantes en EIRL ;

- 5 000 créations par transformations issues d’EURL.

Les précédents dispositifs de protection du patrimoine immobilier des entrepreneurs individuels (par exemple les déclarations d’insaisissabilité) ont connu des démarrages nettement inférieurs. Il a fallu en particulier 20 ans pour aboutir à un stock de 165 000 EURL.

En tenant compte du secteur des professions libérales et du secteur commercial, et en supposant un démarrage rapide du dispositif EIRL, plus fort que celui des EURL dans les années 1980, 100 000 EIRL constitue donc une hypothèse réaliste à l’horizon de fin 2012, en cas de succès net du dispositif.

Enfin, on peut estimer que le nombre d’EURL se transformant en EIRL sera très limité en raison du coût de la liquidation d’une EURL et de la neutralité fiscale entre les dispositifs EURL et EIRL. En tout état de cause, une telle transformation n’a pas d’impact pour les finances publiques.

2. Nombre d’EIRL susceptibles de mettre en place un schéma de distribution de dividendes significatifs :

Pour apprécier l’impact du dispositif sur les finances publiques, il est procédé à plusieurs hypothèses :

- Il faut retrancher du chiffre de 100 000 EIRL, les créations d’EIRL qui, en l’absence du nouveau dispositif, auraient abouti à des créations d’EURL par des primo-créateurs : en effet de telles substitutions ont un impact neutre pour les finances publiques. Il est raisonnable de les estimer à 25% du total (soit 25 000).

- De même, les transformations d’EURL existantes en EIRL ont un impact neutre sur les finances publiques, à régime fiscal inchangé (soit 5 000).

- De plus, seuls les 2/3 des EIRL devraient opter pour l’IS, 1/3 optant pour l’impôt sur le revenu. Ce pourcentage de 2/3 est repris des comportements d’option fiscale actuellement constatés pour les EURL.

- On aboutit donc à un ordre de grandeur de 45 000 EIRL susceptibles d’opter à l’IS à fin 2012.

- Sur ce total, on peut estimer que seuls les 2/3 des EIRL correspondantes mettront en place un schéma de distribution de dividendes significatifs. En effet, l’entrepreneur peut choisir de privilégier le versement de salaires, notamment pour bénéficier de droits sociaux (tout particulièrement pour la moitié des entreprises individuelles qui ont un revenu inférieur à 20 000 € annuel) ; il peut aussi réinvestir ses bénéfices dans l’entreprise.

Au total, à horizon de fin 2012, 30 000 EIRL seraient donc des entreprises optant pour la première fois à l’impôt sur les sociétés, non issues de substitutions d’EURL, avec un comportement de versement de dividendes significatifs.

3. Coût statique maximal unitaire :

Selon les situations (familiale et financière), le coût individuel de l’option à l’IS pour les EIRL avec maximisation du versement de dividende sous contrainte d’une clause anti-abus serait compris entre 930 et 2 600€.

Le risque de coût réside dans les comportements d’optimisation sociale consistant à majorer la part des dividendes distribués à l’entrepreneur, non cotisables (hors CSG et CRDS), au détriment de celle de la rémunération d’activité, cotisable. Ce comportement d’optimisation existe d’ores et déjà pour les EURL (hors SEL).

A titre liminaire il convient de préciser que seule une fourchette de coût individuel peut être donnée compte tenu de la diversité des situations familiales des entrepreneurs individuels.

Ainsi, sont retenues les hypothèses suivantes :

- entrepreneur célibataire et entrepreneur marié avec deux enfants et dont le conjoint dispose d’un revenu équivalent au Smic ;

- les revenus de l’EIRL retenus sont ceux correspondant au résultat fiscal moyen et médian d’un entrepreneur aujourd’hui imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ; en outre, une simulation prenant en compte un revenu un peu plus élevé est également présentée ;

- a été retenue pour l’estimation de l’effet de la clause anti-abus une limite de versement de dividende de 10% du bénéfice avant rémunération de l’entrepreneur ;

- il est supposé que l’entrepreneur sature la contrainte de la clause anti-abus en versant le maximum de dividendes possible.

Sous ces hypothèses, et notamment celle de l’introduction d’une clause limitant le montant maximum de dividendes pouvant être versés, les résultats de la simulation sont les suivants :

Hypothèse d’un entrepreneur célibataire

Situation d'un commerçant (affilié au RSI)

Revenu fiscal

40 000 €

34 000 €

20 000 €

 

EIRL

 

EIRL

 

EIRL

 

 

 

 

 

cas intermédiaire

Gain ou perte fiscal (en euros)

 

 

 

 

 

-155

Pertes sécu (en euros)

 

-804

 

-961

 

-780

Pertes APU (en euros)

 

-804

 

-2 175

 

-936

Hypothèse d’un entrepreneur marié avec deux enfants et dont le conjoint gagne un Smic

Situation d'un commerçant (affilié au RSI)

Revenu fiscal

40 000 €

34 000 €

20 000 €

 

EIRL

 

EIRL

 

EIRL

Gain ou perte fiscal (en euros)

 

-424

 

-1 396

 

-629

Pertes sécu (en euros)

 

-804

 

-1 214

 

-780

Pertes APU (en euros)

 

-1 228

 

-2 610

 

-1 409

Il ressort de l’analyse des tableaux ci-joint une fourchette de coût pour les finances publiques comprise entre 936 € pour un entrepreneur célibataire au revenu fiscal de 20 000 € et 2 610 € pour un entrepreneur marié avec deux enfants disposant d’un revenu fiscal de 34 000 €.

Pour calculer le coût global pour les finances publiques, il faut multiplier ces coûts individuels par le nombre d’EIRL concernées, soit 30 000. Sur la base de ces hypothèses, le coût statique global pour les finances publiques à l’horizon de fin 2012 est donc compris entre 50 et 60 M€.

Il est rappelé que :

Ce coût global est purement statique et ne tient pas compte des effets positifs induits par la nouvelle mesure en termes de création d’entreprises, d’activités et d’emplois.

Un coût identique résulterait d’une augmentation à due proportion de la tendance de création des EURL en France.

Annexe 2

EIRL, régimes matrimoniaux et indivisions

Le texte proposé institue l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, permettant la création d’un patrimoine professionnel séparé. L’impact de ce texte sur les régimes matrimoniaux dépend du régime matrimonial choisi ainsi que de la nature du bien affecté, bien propre ou commun, indivis ou personnel et doit s’analyser tant au cours du mariage qu’à sa dissolution.

A Au cours du mariage

1. Le régime de la communauté légale

Eu égard à l’ampleur du gage qu’il offre aux créanciers, ce régime est très peu adapté à la situation des entrepreneurs individuels. La création d’un patrimoine professionnel séparé permet de protéger les biens de la famille.

§ Les difficultés liées aux pouvoirs de gestion des époux

Dans le cadre du régime communautaire légal, le consentement des deux époux est requis pour les actes importants. Les articles 1422, 1424 et 1425 du code civil prévoient qu’un époux ne peut agir seul notamment pour vendre un fond de commerce, constituer des droits réels, consentir un nantissement, ou accorder un bail commercial sur les biens dépendants de la communauté. Par conséquent, l’époux entrepreneur a des pouvoirs limités dans sa gestion.

Le patrimoine affecté ne corrige pas totalement cet inconvénient. Ainsi en application de l’article 1415 du code civil, en cas de cautionnement ou d’emprunt conclu par un époux, les biens communs ne peuvent être engagés qu’avec le consentement exprès de l’autre conjoint. Cette disposition qui a pour but de protéger le patrimoine familial de l’entrepreneur risque de rigidifier le fonctionnement de l’activité lorsque le patrimoine affecté est constitué de biens communs. En effet, même si le texte proposé prévoit l’accord de l’autre époux pour l’affectation de ces biens, cet accord ne peut se substituer à celui exigé par l’article 1415. Par conséquent, le conjoint entrepreneur devra solliciter systématiquement l’accord de l’autre pour la conclusion dans le cadre de son activité de n’importe quel emprunt ou cautionnement, à défaut, le bien commun affecté ne pourrait servir de gage aux créanciers professionnels.

§ Le gage des créanciers

Dans le cadre du régime légal, l’absence de « patrimoine d’affectation » expose l’ensemble des biens des époux aux poursuites des créanciers. En effet, toutes les dettes contractées par les époux pendant le mariage, ensemble ou séparément, sont des dettes communes. Or en application de l’article 1413 du code civil, le paiement de la dette commune peut être poursuivi sur les biens communs sauf fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier.

En conséquence, l’ensemble des biens de la communauté est susceptible d’être appréhendé par les créanciers de l’époux commerçant ou artisan.

Le mécanisme de l’entrepreneur à patrimoine affecté permet de limiter le gage des créanciers et ainsi de protéger le patrimoine commun des époux en dehors de l’affectation.

2. Les régimes de la séparation de biens et de la participation aux acquêts

§ Les pouvoirs de gestion de l’époux entrepreneur

Dans le régime de la séparation de biens, il n’y a pas de biens communs au sens du régime légal de la communauté réduite aux acquêts, mais seulement des biens personnels, éventuellement soumis au régime de l’indivision.

Le régime de la participation aux acquêts fonctionne, pendant la durée du mariage, comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

Concernant la gestion des biens, les époux conservent l’administration, la jouissance et la libre disposition de leurs biens personnels, sous réserve de l’application des règles découlant du régime primaire impératif.

En conséquence, si le bien affecté est un bien personnel, l’époux entrepreneur aura seul le pouvoir de gestion sur ce bien.

S’il s’agit d’un bien indivis, ce sont, à défaut de convention particulière, les règles de l’indivision qui s’appliquent. Par conséquent, pour que les actes d’administration puissent être effectués par un seul époux, il faudra qu’il ait reçu mandat d’y procéder seul.

§ Le gage des créanciers

Si le bien affecté est un bien personnel de l’entrepreneur aucune difficulté particulière ne se pose. Les créanciers professionnels pourront se payer sur ce bien.

En revanche, si le bien affecté est un bien indivis, le seul accord de l’autre indivisaire pour l’affectation, prévu par le projet de texte, ne peut avoir pour effet d’écarter l’application des règles de gestion de l’indivision. Par conséquent, ce bien sera soumis au gage des créanciers professionnels mais uniquement dans la proportion des droits de l’époux professionnel. Sauf convention particulière, les créanciers professionnels ne peuvent saisir directement les biens indivis. Ils ont conformément au droit commun de l’indivision la possibilité de provoquer le partage (article 815-17 du code civil).

B A la dissolution du régime matrimonial

1. Le régime de la communauté légale

En toute hypothèse, que le fonds de commerce soit un bien propre ou commun et que les biens affectés soient communs ou propres, les dettes afférentes au fonctionnement de cette entreprise sont des dettes communes car nées au cours du mariage.

§ le bien affecté est un bien commun

A la dissolution du régime matrimonial, le bien commun affecté devient un bien indivis. Par conséquent, les règles de l’indivision évoquées ci-dessus s’appliquent, les actes d’administration relatifs aux biens indivis devant être réalisés avec le consentement des deux ex-époux.

Les créanciers professionnels dont la créance est née pendant le mariage peuvent poursuivre sur les biens indivis le recouvrement de leurs créances.

Lors du partage, qui peut toujours être provoqué, il convient en toute logique, par le mécanisme de l’attribution préférentielle, d’attribuer le patrimoine affecté à l’activité à l’époux entrepreneur. Il faut alors déterminer la soulte éventuelle due par ce dernier à l’autre époux, si ce patrimoine dépasse la moitié de l’actif net de la communauté. Deux situations peuvent se poser :

- soit l’époux est en capacité de verser cette soulte et l’activité pourra être conservée

- soit l’époux n’est pas en capacité de verser cette soulte et le patrimoine affecté risque de devoir être liquidé à l’inverse de la situation de l’EURL où il aurait suffit de vendre des parts sociales

§ le bien affecté est un bien propre

Chacun des époux conservant ses biens personnels, l’époux professionnel conserve son activité sans difficulté, sous réserve de récompense éventuelle en cas de dette de ce patrimoine propre envers la communauté ou inversement.

2. Les régimes de séparation de bien et de participation aux acquêts

Dans le cadre du régime de la séparation de bien, la dissolution et la liquidation du régime matrimonial n’ont aucune incidence sur l’activité de l’entrepreneur lorsque le bien affecté est un bien personnel.

Dans l’hypothèse où le patrimoine affecté est composé de biens indivis, l’époux professionnel peut par le mécanisme de l’attribution préférentielle recevoir les biens affectés à la condition toutefois d’être en mesure de verser la soulte nécessaire. A défaut, le patrimoine affecté devra être liquidé. Comme dans l’indivision post communautaire, le partage peut toujours être provoqué.

Concernant le régime de la participation aux acquêts, il s’agit, à la dissolution, de déterminer le montant d’une éventuelle créance de participation. Le patrimoine originaire et le patrimoine final de chaque époux sont donc comparés pour déterminer dans quelle mesure chacun s’est enrichi ou non pendant le mariage. L’époux qui a réalisé le moins d’acquêts peut alors faire valoir à l’encontre de l’autre une créance de participation égale à la moitié de la différence entre les acquêts nets de chaque époux.

Par conséquent, dans ce régime, comme pour la séparation de biens, la dissolution et la liquidation du régime matrimonial n’ont aucune incidence sur l’activité de l’entrepreneur, sauf si ce dernier n’est pas en mesure de s’acquitter de la créance de participation mise éventuellement à sa charge.

Toutefois, les époux ont la faculté, en vertu de la liberté des conventions matrimoniales, de prévoir que les biens professionnels et donc composant le patrimoine affecté seront exclus de la composition de leur patrimoine.

C Indivisions entre partenaires pacsés et concubins

Sauf convention d’indivisions, l’indivision entre partenaires pacsés ou entre concubins est soumise aux règles de l’indivision des articles 815 et suivants du code civil évoquées précédemment. Par conséquent, les actes d’administration sont effectués par les deux coindivisaires, les créanciers ne peuvent saisir directement le bien mais uniquement provoquer le partage et le partage du bien indivis entre les indivisaires peut à tout moment être sollicité par celui qui souhaite reprendre sa part. Par ailleurs, dans l’hypothèse d’une indivision entre concubin, en cas de partage, le mécanisme de l’attribution préférentielle ne s’applique pas.

Annexe 3

EIRL et successions

« Art. L. 526-14. - En cas de renonciation du déclarant à l’affectation  ou en cas de décès de celui-ci, le patrimoine affecté est liquidé.

« La renonciation ou le décès donne lieu à déclaration au lieu d’enregistrement de la déclaration constitutive.

« La liquidation entraîne le désintéressement des créanciers mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 526-11. Elle opère déchéance du terme. Le surplus d’actif subsistant, le cas échéant, après le désintéressement ainsi opéré obéit aux dispositions de l’article 2285 du code civil.

« L’affectation survit pour les besoins de la liquidation. La clôture de la liquidation est déclarée au lieu d’enregistrement de la déclaration constitutive.

« Par dérogation aux alinéas précédents, l’héritier ou l’ayant droit de l’entrepreneur décédé peut, sous réserve du respect des dispositions successorales, reprendre la déclaration constitutive d’affectation dans un délai de six mois à compter de la date du décès. Le bénéfice de cette attribution est subordonné à l’enregistrement d’une déclaration dans les mêmes formes et selon les mêmes modalités que la déclaration constitutive. Ses effets rétroagissent à la date de celle-ci.

« En cas de partage ou de vente d'un des biens affectés pour les besoins de la succession, il est procédé à une nouvelle déclaration.

« Art. L. 526-15. - Les conditions d’application de la présente section sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

Le principe

• Au moment du décès, le patrimoine affecté rejoint la masse indivise, mais les créanciers professionnels seront payés sur les biens affectés, puisque 526-14 al 4 précise que l'affectation survit pour les besoins de la liquidation et que la liquidation entraîne déchéance du terme (L526-14 al3).

• Au moment du partage, c'est à dire après la phase de liquidation au cours de laquelle on détermine l'actif et le passif de la masse indivise (c'est à dire de l'ensemble des biens constituant la succession), l'affectation disparaît et chaque héritier est alloti de ses droits dans la succession.

Par conséquent il n'y a plus de patrimoine affecté (à l'issue du partage, le "repreneur" éventuel devra donc refaire une déclaration).

L'exception

Un héritier par application de l'alinéa 5, peut reprendre la déclaration constitutive d'affectation dans un délai de 6 mois à compter de la date du décès.

• Au moment de la reprise, le patrimoine affecté, qui a rejoint la masse indivise au moment du décès, n'est pas liquidé. En outre, il n'y a pas de déchéance du terme, il n'y a pas lieu de désintéresser les créanciers professionnels dont la créance n'est pas encore exigible.

• Au moment du partage, l'affectation disparaît et chaque héritier est alloti de ses droits dans la succession, le repreneur pouvant, pour sa part, être amené à verser une soulte.

Par conséquent il n'y a plus de patrimoine affecté (à l'issue du partage, le "repreneur" éventuel devra donc refaire une déclaration).

Les règles relatives aux attributions préférentielles prévues par les articles 831 et suivants du code civil s'appliquent si l’une des personnes remplissant les conditions en demande le bénéfice.

Annexe 4

EIRL et fiscalité

Conséquences de la création d’une EIRL

sur le patrimoine professionnel pré-existant

En prenant l’hypothèse d’un entrepreneur individuel BIC qui a inscrit à l’actif de son bilan :

- le matériel qu’il utilise pour l’exercice de son activité :

valeur d’origine = 100 ;

amortissements = 20 ;

valeur nette comptable = 80 ;

- et des actions cotées sans aucun rapport avec son activité, acquises pour 120.

La création de l’EIRL entraîne l’inscription au patrimoine affecté du matériel nécessaire à l’activité, pour les mêmes valeurs que celles figurant dans la comptabilité tenue en qualité d’entrepreneur individuel, soit 100 (valeur d’origine) – 20 (amortissements) = 80 (valeur nette comptable).

En revanche, les actions sont exclues du patrimoine de l’EIRL et sont transférées dans le patrimoine personnel du contribuable. Cette sortie du patrimoine professionnel entraîne l’application du régime des plus-values et moins-values professionnelles de cession. Si le cours des actions est de 200 à la date du transfert de patrimoine, la plus-value constatée, éventuellement imposable, sera de 200 – 120 = 80.

EIRL et régime de la cessation

Cas général : EIRL assimilée à une EURL

Lors du passage d’une entreprise individuelle à une EIRL assimilée à une EURL, tout se passe comme si l’entreprise individuelle était apportée à une EURL, puisque l’EIRL y est fiscalement assimilée. Ainsi, en application de l’article 151 octies du CGI, l’imposition des plus-values constatées est reportée. Il en est de même pour les profits sur stocks et les provisions, dès lors qu’ils sont inscrits dans la comptabilité de l’EIRL pour les mêmes valeurs que celles figurant dans la comptabilité de l’exploitation individuelle.

Lors de la cessation ultérieure de l’EIRL, tout se passe comme pour une EURL qui cesserait :

- si elle est soumise à l’impôt sur le revenu, le régime de la cessation est prévu à l’article 202 ter du CGI ;

- si elle a opté pour l’impôt sur les sociétés, le régime de la cessation est prévu à l’article 221 du CGI.

Ces dispositions prévoient l’imposition immédiate des bénéfices non encore imposés, y compris les plus-values constatées à cette date.

Toutefois pour la fraction des plus-values sur immobilisations non amortissables dont l’imposition aurait été reportée en application de l’article 151 octies du CGI, ce report est normalement prévu jusqu’à la cession des immobilisations ou la cession, le rachat ou l’annulation des droits sociaux de l’EURL reçus en apport. Aussi, pour s’assurer de l’imposition de cette quote-part de plus-value lors de la cessation de l’EIRL, il a été prévu que la liquidation de l’EIRL soit assimilée à l’annulation des droits sociaux d’une EURL (à la lettre, aucun des cas entraînant la fin du report en application de l’article 151 octies ne peut survenir ; il convenait donc de prévoir une nouvelle assimilation).

Cas particulier : EIRL soumise à un régime micro non assimilée à une EURL

L’EIRL soumise au régime des micro-entreprises n’est pas connue en tant que telle sur le plan fiscal : il s’agit d’une simple entreprise individuelle, soumise à des règles particulières sur le plan juridique, mais non sur le plan fiscal. En conséquence, la transformation d’une micro-entreprise en EIRL soumise au régime des micro-entreprises est un non-événement sur le plan fiscal. Lors de la cessation de l’EIRL soumise au régime des micro-entreprises, le 3 bis de l’article 201 du CGI et le 2 de l’article 202 du CGI prévoient l’imposition à cette date des recettes réalisées selon le régime des micro-entreprises et des plus-values selon un régime réel d’imposition.

1 http://www.minefe.gouv.fr/presse/dossiers_de_presse/081105-patrimoine-affectation.pdf

2 http://www.minefe.gouv.fr/presse/dossiers_de_presse/rap_hurel/rap_hurel080110.pdf


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