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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

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NOR :

MAEJ1006137L

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay relatif à l’échange

de renseignements en matière fiscale

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ETUDE D’IMPACT

I - Situation de référence et objectif de l’accord

1. Jusqu’à une date récente, les efforts entrepris en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales connaissaient peu de progrès. Malgré la publication des premières listes de paradis fiscaux en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les Etats ou territoires non coopératifs en matière fiscale n’avaient guère amélioré leurs pratiques, même si la plupart d’entre eux s’étaient engagés à mettre en œuvre les standards internationaux en matière de transparence.

A partir de la fin de l’année 2008, sous l’impulsion de la conférence internationale organisée à Paris par les Ministres des Finances français et allemand le 21 octobre 2008, la situation a de nouveau évolué dans un sens favorable. Ainsi, grâce à une volonté politique forte et très largement partagée au plan international, notamment au sein du G20, l’ensemble des Etats ou territoires qui s’y refusaient jusqu’alors1 ont reconnu les standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations. Dans le même temps, de nombreux pays, et en particulier ceux qui figuraient sur la « liste grise » établie à la demande du G20 le 2 avril 2009 par le Secrétariat de l’OCDE2, se sont engagés dans la signature d’accords internationaux devant permettre l’échange de renseignements conformément à ces standards.

2. Conformément à son engagement constant en faveur de la transparence et de l’échange d’informations, la France a proposé à l’ensemble des Etats et territoires qui figuraient sur la « liste grise » établie par le Secrétariat général de l’OCDE le 2 avril 2009 de signer des accords d’échange d’informations ou des avenants aux conventions fiscales existantes.

Entre le 1er mars et le 31 janvier 2010, la France a signé, outre l’accord avec l’Uruguay,
13 accords d’échange de renseignements
3 et 6 conventions ou avenants à des conventions fiscales existantes4.

Cet accord avec l’Uruguay complète le réseau français de traités internationaux permettant l’échange d’informations fiscales, qui couvre désormais l’essentiel des Etats et territoires significatifs5 parmi ceux listés à l’occasion du sommet du G20 du mois d’avril 2009 et quasiment l’ensemble des Etats et territoires concernés sur la zone européenne.

De plus, la France est parvenue à signer cet accord avec l’Uruguay rapidement après que celui-ci s’est concrètement engagé à mettre en œuvre de manière effective les standards internationaux de transparence et d’échange d’informations. Pour mémoire, lors de la publication des trois listes OCDE le 2 avril 2009, l’Uruguay figurait sur la liste « noire », mais, dès le 3 avril 2009, il a pris l’engagement formel de mettre en œuvre les standards internationaux de transparence et d’échange d’informations.

3. Sur le plan économique, l’économie uruguayenne a enregistré une très forte croissance sur la période 2004-2008, atteignant le chiffre record de 8,9% en 2008, le PIB du pays ayant atteint 32,4 Mds USD en 2009.

Dans cette économie, les fonds en dépôts du secteur bancaire domestique atteignent fin 2009 près de 20 Mds USD (soit 60 % du PIB). Par ailleurs, les dépôts des non résidents représentent 2,9 Mds USD fin 2009, provenant en majorité de ressortissants du Brésil et d’Argentine.

Le secteur bancaire domestique se répartit entre 14 banques (2 établissements publics et
12 établissements privés, essentiellement à capitaux étrangers). Ces dernières années ont connu un léger glissement au bénéfice du secteur privé (55 %) par rapport au secteur public (45 %), même si la BROU (Banco de la República Oriental del Uruguay) demeure le principal acteur bancaire.

Le secteur offshore regroupe 9 banques internationales, sous forme de bureau de représentation. Il convient de rappeler que les 2 banques françaises présentes sur la place, le Crédit Agricole et BNP Paribas, se sont retirées fin 2009 et début 2010 d’Uruguay. En effet, la banque espagnole BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria) a racheté Crédit Agricole et BNP Paribas a mis fin à ses activités de banque offshore tant en Uruguay qu’à Panama.

Enfin, on recense en Uruguay une quarantaine d’implantations françaises qui emploient près de 8000 salariés et représentent un investissement cumulé de l’ordre 400 M USD, ainsi qu’environ 2000 résidents français. A titre d’exemple, le groupe Casino possède la moitié des supermarchés du pays. La France se situerait donc au sixième rang des investisseurs en Uruguay, après les Etats-Unis, l’Argentine, le Brésil, l’Espagne et la Finlande.

4. Dans ce contexte, l’accord signé le 28 janvier 2010 vise à mettre en place un cadre juridique, de nature à permettre un échange effectif de renseignements, conformément aux standards internationaux en la matière. En particulier, les Etats et territoires ne doivent pas pouvoir opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de leur propre législation fiscale.

II - Conséquences estimées de la mise en œuvre des accords

Conséquences économiques et financières

1. Dans son rapport annuel de 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait le montant de la fraude fiscale et sociale annuelle entre 29 et 40 milliards d’euros. Il n’est cependant pas possible d’estimer, même en termes d’ordre de grandeur, la part de la fraude et de l’évasion fiscales qui impliquerait des opérateurs profitant de l’absence d’échange de renseignements existant avec l’Uruguay, ni les conséquences économiques possibles de cet accord.

2. Par ailleurs, il convient de rappeler le dynamisme des investissements des entreprises françaises ces derniers mois qu'il s'agisse d'Areva dans le secteur de la connexion électrique, d'Accor dans le domaine hôtelier, de Saint Gobain dans l'adduction d'eau, d'Alcatel dans la fibre optique ou d'ATR.

De plus, de nouveaux projets intéressent les entreprises françaises en Uruguay dans les secteurs de l’énergie (installation d’une cinquième turbine hydraulique sur le Rio Negro, intéressant Alstom), des infrastructures de transports (augmentation de la capacité du port de Montevideo) ou des énergies renouvelables (éolien principalement, avec la présence du français Akuo Energy).  

Il était donc important que la France noue rapidement un dialogue avec l’Uruguay afin de renforcer la coopération dans le domaine fiscal.

Conséquences juridiques

1. L’ordonnancement juridique n’est pas affecté par cet accord.

L’accord d’échange de renseignements offre la possibilité à la France de demander aux autorités de l’Uruguay toute information utile à la bonne application de sa loi fiscale interne et de transmettre ces informations aux autorités concernées, y compris les autorités juridictionnelles et administratives.

Pourront être sollicités, selon les termes de l’accord, tous renseignements vraisemblablement pertinents pour la détermination, l'établissement et la perception des impôts visés dans l’accord, pour le recouvrement et l’exécution des créances fiscales sur les personnes soumises à ces impôts, ou pour les enquêtes ou les poursuites en matière fiscale pénale à l’encontre de ces personnes.

Les demandes pourront concerner toute personne ou entité, y compris les trusts et les fondations. En outre, l’Uruguay ne pourra pas opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de sa propre législation fiscale.

Enfin, l’accord prévoit que l’Uruguay doit adapter sa législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations prévu dans l’accord, c’est-à-dire en rendant l’information accessible, disponible et en mettant en place des mécanismes d’échange d’informations.

2. Au regard des standards internationaux de transparence et d’échange d’informations, le présent accord est conforme au modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale élaboré par l’OCDE en 2002, comme les accords de même nature conclus généralement par nos principaux partenaires de l’OCDE.

Toutefois, cet accord va plus loin que ces standards, sur quatre points en particulier :

- le champ d’application de cet accord est plus large que celui prévu dans le modèle OCDE dès lors que l’article 3 n’énumère pas les impôts couverts par l’accord mais précise que sont visés l’ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des Parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient ;

- l’article traitant des dispositions d’application (article 10) prévoit que les Parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations avec la nécessité de réunir trois conditions : l’information doit être disponible et l’administration de la partie requise doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre ;

- aucune prise en charge des coûts par la partie requérante n’est prévue ;

- la limite à l’échange d’informations relative aux sociétés cotées, prévue à l’article 5-4 du modèle OCDE, n’est pas prévue dans l’accord entre la France et l’Uruguay.

Conséquences administratives

La mise en œuvre des accords d’échange de renseignements en matière fiscale sera gérée par la Sous-direction du Contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques et, au niveau déconcentré, par les directions de contrôle fiscal nationales et interrégionales.

Ces services sont déjà en charge de la mise en œuvre de l’assistance administrative, que ce soit dans le cadre communautaire ou en application des conventions fiscales existantes. Au regard des volumes d’informations déjà échangés, l’entrée en vigueur de l’accord ne devrait pas entraîner de surcharges administratives substantielles. Plus qu’une profonde révision de la politique menée en matière de contrôle fiscal, cet accord permettra surtout aux services de contrôle de ne plus être limités dans leurs investigations et de pouvoir poursuivre leurs enquêtes jusqu’au territoire de la République orientale de l’Uruguay.

Enfin, les informations recueillies dans le cadre de l’échange d’informations pourront alimenter le fichier Evafisc, relatif aux comptes bancaires détenus hors de France par des contribuables, de même que les informations recueillies dans ce fichier pourront susciter des demandes d’informations en application de cet accord.

III - Historique des négociations

Favorisées par le contexte international, les négociations ont pu être conclues en quelques mois, depuis la prise de contact jusqu’à la signature de l’accord le 28 janvier 2010.

IV - Etat des signatures et ratifications

L’accord entre les gouvernements de la République orientale de l’Uruguay et de la République française relatif à l’échange de renseignements fiscaux a été signé le 28 janvier 2010 à Paris par Mme Christine Lagarde, ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi de la République française et M. Álvaro García, Ministre de l’Economie et des Finances de la République orientale de l’Uruguay.

A ce jour, l’Uruguay n’a pas notifié l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.

1 En particulier la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, l’Autriche, Andorre, Monaco et le Liechtenstein.

2 Les pays de la « liste grise » sont ceux qui se sont engagés à respecter les standards internationaux en matière d’échange d’informations fiscales et à signer au moins 12 accords conformes à ces standards, sans avoir toutefois signé un tel nombre d’accords à ce jour.

3 Andorre, Bahamas, Bermudes, Gibraltar, Guernesey, Jersey, Ile de Man, Iles Caïmans, Iles Turques et Caïques, Iles Vierges Britanniques, Liechtenstein, Saint-Marin et Vanuatu.

4 Bahreïn, Belgique, Luxembourg, Malaisie, Singapour et Suisse.

5 Même si l’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales demeure, par nature, extrêmement difficile (cf. infra).


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