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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

     
     

NOR :

MAEJ1011943L

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement

de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif

à l’échange de renseignements en matière fiscale

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ETUDE D’IMPACT

I. – Situation de référence et objectif de l’accord

1. Jusqu’à une date récente, les efforts entrepris en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales connaissaient peu de progrès. Malgré la publication des premières listes de paradis fiscaux en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les Etats ou territoires non coopératifs en matière fiscale n’avaient guère amélioré leurs pratiques, même si la plupart s’étaient engagés à mettre en œuvre les standards internationaux en matière de transparence.

A partir de la fin de l’année 2008, sous l’impulsion de la conférence internationale organisée à Paris par les Ministres des Finances français et allemand le 21 octobre 2008, la situation a de nouveau évolué dans un sens favorable. Ainsi, grâce à une volonté politique forte et très largement partagée au plan international, notamment au sein du G20, l’ensemble des Etats ou territoires qui s’y refusaient jusqu’alors1 ont reconnu les standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations. Dans le même temps, de nombreux pays, et en particulier ceux qui figuraient sur la « liste grise » établie à la demande du G20 le 2 avril 2009 par le Secrétariat de l’OCDE2, se sont engagés dans la signature d’accords internationaux devant permettre l’échange de renseignements conformément à ces standards.

2. Conformément à son engagement constant en faveur de la transparence et de l’échange d’informations, la France a proposé à l’ensemble des Etats et territoires qui figuraient sur la « liste grise » établie par le Secrétariat général de l’OCDE le 2 avril 2009 de signer des accords d’échange d’informations ou des avenants aux conventions fiscales existantes.

Entre le 1er mars et le 15 avril 2010, la France a signé, outre l’accord avec Sainte-Lucie,
dix-huit accords d’échange de renseignements
3 et 6 conventions ou avenants à des conventions fiscales existantes4.

Cet accord avec Sainte-Lucie complète le réseau français de traités internationaux permettant l’échange d’informations fiscales, qui couvre désormais l’essentiel des Etats et territoires significatifs5 parmi ceux listés à l’occasion du sommet du G20 du mois d’avril 2009 et quasiment l’ensemble des Etats et territoires concernés sur la zone européenne.

La France est parmi les premiers Etats à avoir signé un accord avec Sainte-Lucie. Pour mémoire, Sainte-Lucie a été identifiée dès 2000 comme une juridiction non-coopérative et elle ne s’est engagée que le 28 février 2002 à mettre en œuvre les standards internationaux de transparence et d’échange d’informations - sans qu’au demeurant cet engagement politique n’ait été suivi d’effet avant le printemps 2009.

3. L’économie de Sainte-Lucie, dont le PIB s’élève à 1 Md d’USD et dont la croissance est estimée pour 2009 à 2,5% selon le FMI, est la plus prospère de celles des îles de l’Organisation des Etats de la Caraïbes Orientale (OECS). Elle a progressivement délaissé l’agriculture pour se repositionner sur l’industrie touristique. Les services financiers représentent un autre secteur dont l’importance s’est accrue à Sainte-Lucie, avec un taux de croissance qui s’est maintenu à près de 5 % en moyenne. La part de ce secteur dans l’économie nationale a ainsi franchi la barre des 10 %.

L’enjeu actuel pour Sainte-Lucie, comme pour les autres îles de l’OECS, est la concrétisation de l’Union économique régionale, dont les progrès ne se font voir pour le moment qu’au niveau monétaire.

Au niveau bilatéral, les exportations de la France vers Sainte-Lucie, composées principalement de produits énergétiques (79,1 %), se sont élevées à 5,1 millions d’euros en 2009. Les importations de la France ont été de 0,4 million d’euros.

Les principaux groupes français présents à Sainte-Lucie sont Air Caraïbes, CMA CGM, SEEN-SLECL (groupe familial martiniquais Monplaisir : environnement, gestion des déchets recyclables), St Honoré (boulangerie), Carib PVC-Transwood (construction) et Carigold-CFP (agro-alimentaire).

La population française de Sainte-Lucie s’élevait à environ 800 personnes en 2006.

4. Dans ce contexte, l’accord signé le 1er avril 2010 vise à mettre en place un cadre juridique général de façon à permettre un échange effectif de renseignements, conformément aux standards internationaux en la matière. En particulier, ces Etats et territoires ne doivent pas pouvoir opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de leur propre législation fiscale.

II. – Conséquences estimées de la mise en œuvre des accords

1. Conséquences économiques et financières

Dans son rapport annuel de 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait le montant de la fraude fiscale et sociale annuelle entre 29 et 40 milliards d’euros. Il n’est cependant pas possible d’estimer, même en termes d’ordre de grandeur, la part de la fraude et de l’évasion fiscales qui impliquerait des opérateurs profitant de l’absence d’échange de renseignements existant avec Sainte-Lucie, ni par la même les conséquences économiques possibles de cet accord.

2. Conséquences juridiques

1. L’ordonnancement juridique n’est pas affecté par cet accord.

L’accord d’échange de renseignements offre la possibilité à la France de demander aux autorités de Sainte-Lucie toute information utile à la bonne application de sa loi fiscale interne et de transmettre ces informations aux autorités concernées, y compris les autorités juridictionnelles et administratives.

Pourront être sollicités, selon les termes de l’accord, tous renseignements vraisemblablement pertinents pour la détermination, l'établissement et la perception des impôts visés dans l’accord, pour le recouvrement et l’exécution des créances fiscales sur les personnes soumises à ces impôts, ou pour les enquêtes ou les poursuites en matière fiscale pénale à l’encontre de ces personnes.

Les demandes pourront concerner toute personne ou entité, y compris les trusts et les fondations. En outre, Sainte-Lucie ne pourra pas opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de sa propre législation fiscale.

Enfin, l’accord prévoit que Sainte-Lucie doit adapter sa législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations prévu dans l’accord, c’est-à-dire en rendant l’information accessible, disponible et en mettant en place des mécanismes d’échange d’informations.

2. Au regard des standards internationaux de transparence et d’échange d’informations, le présent accord est conforme au modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale élaboré par l’OCDE en 2002, comme les accords de même nature conclus généralement par nos principaux partenaires de l’OCDE.

Toutefois, cet accord va plus loin que ces standards, sur quatre points en particulier :

- le champ d’application de cet accord est plus large que celui prévu dans le modèle OCDE, dès lors que l’article 3 n’énumère pas les impôts couverts par l’accord mais précise que sont visés l’ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient ;

- l’article traitant des dispositions d’application (article 10) prévoit que les parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations avec la nécessité de réunir trois conditions : l’information doit être disponible et l’administration de la partie requise doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre ;

- l’article relatif aux frais (article 9) stipule que le remboursement à la partie requise des frais extraordinaires par la partie requérante ne constitue qu’une faculté ;

- la limite à l’échange d’informations relatives aux sociétés cotées, prévue à l’article 5-4 du modèle OCDE, n’est pas prévue dans l’accord entre la France et Sainte-Lucie.

3. Conséquences administratives

La mise en œuvre des accords d’échange de renseignements en matière fiscale sera gérée par la Sous-direction du Contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques et, au niveau déconcentré, par les Directions de contrôle fiscal nationales et interrégionales.

Ces services sont déjà en charge de la mise en œuvre de l’assistance administrative, que ce soit dans le cadre communautaire ou en application des conventions fiscales existantes. Au regard des volumes d’informations déjà échangés, l’entrée en vigueur de l’accord ne devrait pas entraîner de surcharges administratives substantielles. Plus qu’une profonde révision de la politique menée en matière de contrôle fiscal, cet accord permettra surtout aux services de contrôle de ne plus être limités dans leurs investigations et de pouvoir poursuivre leurs enquêtes jusqu’au territoire de Sainte-Lucie.

Enfin, les informations recueillies dans le cadre de l’échange d’informations pourront alimenter le fichier Evafisc, relatif aux comptes bancaires détenus hors de France par des contribuables, de même que les informations recueillies dans ce fichier pourront susciter des demandes d’informations en application de cet accord.

III. – Historique des négociations

Favorisées par le contexte international, les négociations ont pu être conclues en quelques semaines depuis la prise de contact jusqu’à la signature de l’accord le 1er avril 2010.

IV. – Etat des signatures et ratifications

L’accord entre les gouvernements de Sainte-Lucie et de la République française relatif à l’échange de renseignements fiscaux a été signé, par échange de lettres, le 1er avril 2010 par M. Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes Publics, de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat et M. Stephenson King, Premier ministre et ministre des Finances, des Affaires économiques et du Développement national de Sainte-Lucie.

A ce jour, Sainte-Lucie n’a pas notifié l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.

1 En particulier la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, l’Autriche, Andorre, Monaco et le Liechtenstein.

2 Les pays de la « liste grise » sont ceux qui se sont engagés à respecter les standards internationaux en matière d’échange d’informations fiscales et à signer au moins 12 accords conformes à ces standards, sans avoir toutefois signé un tel nombre d’accords à ce jour.

3 Andorre, Antigua et Barbuda, Bahamas, Bermudes, Gibraltar, Grenade, Guernesey, Jersey, Ile de Man, Iles Caïmans, Iles Turques et Caïques, Iles Vierges Britanniques, Liechtenstein, Saint-Kitts et Nevis, Saint-Marin, Saint-Vincent et les Grenadines, et l’Uruguay.

4 Bahreïn, Belgique, Luxembourg, Malaisie, Singapour et Suisse.

5 Même si l’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales demeure, par nature, extrêmement difficile (cf. infra).


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