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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération

en matière de lutte contre la criminalité

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention

Les autorités kazakhstanaises souhaitaient depuis longtemps conclure un accord de sécurité intérieure avec la France, arguant du fait qu'il serait difficile de mettre en œuvre une coopération opérationnelle efficace sans une telle base juridique.

Si la coopération technique fonctionne toujours bien (pour 2010 six actions dans le domaine de la lutte contre les incendies, de la formation cynotechnique ou encore des produits dopants étaient prévues), la coopération opérationnelle reste entravée par l’héritage de soixante-dix années de régime soviétique.

Cet accord vise à développer la coopération opérationnelle encore balbutiante dans les domaines de lutte contre la criminalité, le terrorisme, les trafics ainsi que les infractions à caractère économique et financier.

Il est un complément utile à l’avènement en 2008/2009 du Centre régional d'information et de coordination d'Asie centrale pour la lutte contre les stupéfiants, les psychotropes et les précurseurs (Central Asian Regional Information and Coordination Center – CARICC, équivalent mutatis mutandis d’Europol pour l’Asie Centrale).

Le CARICC regroupe sept Etats-membres – les cinq pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan), l’Azerbaïdjan et la Russie. La France y a obtenu un statut d’observateur. Des officiers de liaison de chacun de ces pays sont en poste à Almaty ou en situation de l’être (Russie), ce qui facilite grandement l’échange d’informations opérationnelles.

En outre, de par son rôle de coordinateur, le CARICC est dorénavant le point central lors des opérations de livraisons surveillées de stupéfiants et de substances psychotropes1 entre ces pays. En 2009, 29 livraisons surveillées conduites sous l'égide du CARICC ont permis de démanteler 9 réseaux criminels transnationaux.

D’une manière générale, le taux global de criminalité au Kazakhstan est stable d’une année sur l’autre. La criminalité organisée repose essentiellement sur le trafic de drogue et le blanchiment d’argent, contrôlés par des organisations criminelles russes, kazakhstanaises ou tchétchènes. La menace terroriste est quant à elle assez bien maîtrisée par un pouvoir fort.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention

Conséquences en matière de lutte contre la criminalité

Cet accord améliore nos capacités de réaction et de défense en posant les bases d’une coopération directe entre le ministère de l’Intérieur français et les autorités kazakhstanaises en charge de la sécurité. Il permettra, en cas de besoin, de répondre rapidement, dans un cadre légal, aux exigences d’une enquête ou à une menace émanant d’un groupe criminel ou terroriste.

Le champ d’action de l’accord est large et ouvert puisqu’il ne se limite pas aux onze domaines prévus par l’article premier mais permet, après accord des partis, de l’élargir à d’autres domaines de la criminalité. Il permet ainsi d’offrir à l'ensemble de nos services de sécurité le potentiel nécessaire pour répondre aux menaces criminelles en constante évolution.

Conséquences financières

L’accord ne devrait avoir aucune incidence financière majeure.

En termes de coopération technique la France organise depuis plusieurs années des actions au bénéfice de la Partie kazakhstanaise. Le montant annuel moyen de ces opérations avoisine 20 000 euros. Elles étaient financés jusque là par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et devraient l’être à compter de 2011 par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des Affaires étrangères et européennes. Il n’est pas prévu d’augmenter le volume de ces crédits.

Sur le plan de la coopération opérationnelle, la possibilité d’échanges rapides et directs d’informations entre les parties pourrait même être une source d’économie. L’accord devrait notamment permettre d’éviter des déplacements de fonctionnaires, ou des navettes interminables de documents administratifs, dans le simple but d’obtenir un renseignement de la part d’une des parties.

Conséquences juridiques

L’accord garantit que toute forme de coopération s’effectuera dans le respect des législations nationales et, pour la Partie française, de la législation européenne. Il n’entraîne donc aucune modification de la législation nationale des Parties.

L’article 4 de cet accord dispose que l’échange d’informations entre les Parties s’effectuera dans le respect des législations nationales. Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

- l’article 24 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

- l’article 68 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

Le Kazakhstan, n’étant ni membre de l’Union Européenne ni lié par la Convention du Conseil de l'Europe pré-citée, ne pourra se voir transférer des données à caractère personnel que s’il assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet – comme le prévoit l’article 68 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite  « Informatique et Libertés ».

Or, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) estime que le Kazakhstan ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel2. De plus, à ce jour, le Kazakhstan n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne3 et les dispositions normatives issues des compétences externes de l'Union européenne excluent implicitement l'échange de données à caractère personnel avec ce pays à des fins autres que douanières4.

Par conséquent, la communication à la Partie kazakhstanaise de données à caractère personnel ne pourra - en l'état des engagements internationaux et des législations nationales des deux Etats - être envisagée. Dans l’attente et sous réserve de l’application de l’article 69 de la loi dite « Informatique et Libertés » (qui permet sous certaines conditions le transfert de données à caractère personnel par exception à l'interdiction prévue à l'article 68 précité5), l’accord bilatéral permettra néanmoins de développer l’échange d’informations autres que les données à caractère personnel.

Le reste de l’accord ne concerne qu’une coopération technique bilatérale qui n’entre pas en conflit avec les instruments internationaux et européens existant sur ce champ.

Conséquences administratives

L’accord facilite les relations entre les services de sécurité des deux états puisqu’il établit entre eux des relations directes de travail et de coopération.

Le point de contact, pour la Partie française, se limite au ministère de l’Intérieur. Pour l’autre Partie, la situation est plus complexe puisque le champ de l’accord recouvre celui de plusieurs ministères ou services kazakhstanais indépendants les uns des autres, dont la liste est mentionnée à l’article 3 de l’accord. En cas de demandes relatives à la coopération opérationnelle, il y aura lieu de contacter plusieurs de ces services dont les compétences se chevauchent.

III. - Historique des négociations

La négociation de cet accord a été initiée en 2005, bien qu’elle n’ait réellement commencé qu’à l’automne 2007 dans la perspective de la visite du Premier ministre français au Kazakhstan en février 2008. L’accord a fait l’objet de nombreux échanges de projets entre Paris, Astana, et Almaty où réside l’attaché de sécurité intérieure (ASI).

IV. - Etat des signatures et ratifications

L’accord a été signé le 6 octobre 2009 à Astana lors de la visite du Président de la République française. En janvier 2010, le Parlement kazakhstanais a autorisé la ratification de cet accord, mais le Kazakhstan n’a pas encore formellement notifié aux autorités françaises l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.

1 La mise en œuvre au plan international de cette technique spéciale d'enquête a été rendue possible et est encouragé notamment par la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 (article 11) et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 (article 20).

2 Voir le site Internet de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/.

3 Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont donné le pouvoir à la Commission de décider sur la base de l'article 25 (§6) de la directive 95/46/CE qu’un pays tiers offre un niveau de protection adéquat en raison de sa législation interne ou des engagements pris au niveau international.

4 Confer l'article 10 (§3 notamment) du Protocole sur l'assistance mutuelle entre autorités administratives en matière douanière – joint à l'Accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Kazakhstan, d'autre part, du 23 janvier 1995 dont il précise notamment l'article 66 – Douanes. L'échange de données à caractère personnel n'est en revanche aucunement évoquée au titre des articles 69 – Lutte contre la drogue et 70 – Coopération dans le domaine de la prévention des activités illégales.

5 L’article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 précise notamment que «  le responsable d'un traitement peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas aux conditions prévues à l'article 68 si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ou si le transfert est nécessaire à l'une des conditions suivantes : 1° A la sauvegarde de la vie de cette personne ; 2° A la sauvegarde de l'intérêt public ; 3° Au respect d'obligations permettant d'assurer la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit en justice ; (…). Il peut également être fait exception à l'interdiction prévue à l'article 68, par décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou, s'il s'agit d'un traitement mentionné au I ou au II de l'article 26, par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission, lorsque le traitement garantit un niveau de protection suffisant de la vie privée ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l'objet. (…) ».


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