PROJET DE LOI
relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique
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ÉTUDE D’IMPACT
Introduction
Le 8 septembre 2010, le Président de la République a confié à la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique la mission de « déterminer, pour ce qui concerne les membres du Gouvernement, les responsables d’établissements publics ou entreprises publiques, et en tant que de besoin les hauts fonctionnaires, les règles de fond, de procédure ou de comportement » qui seraient les mieux à même de prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique.
Le rapport de la Commission de réflexion a été remis au Président de la République le 26 janvier 2011. Ses conclusions tendaient à démontrer que la France dispose, certes, d’une importante législation qui concourt à la prévention de telles situations, en sus de l’existence de nombreux contrôles internes. La Commission insistait néanmoins sur le fait que cette législation, ancienne, est essentiellement répressive, en particulier en raison de l’existence du délit de prise illégale d’intérêts, et peu appliquée, alors même que le volet préventif, notamment dans sa dimension d’information et de sensibilisation, est très insuffisamment développé. Ce déséquilibre entre la prévention et la répression place la France dans une situation singulière par rapport aux pays qui lui sont comparables, qui invite à une réforme des dispositifs existants et à l’instauration de mécanismes préventifs adaptés aux exigences contemporaines.
Sur cette base, les premières orientations du Gouvernement ont été tracées en conseil des ministres le 9 février 2011 : le choix a été fait d’affirmer solennellement de nouvelles règles dans un texte législatif, de renforcer la prévention, notamment par la voie de la déclaration d’intérêts, et de mettre en œuvre la procédure de déclaration d’intérêts pour les membres du Gouvernement et les membres de leurs cabinets, sans attendre l’adoption de la loi.
I. Etat des lieux et diagnostic
1.1. Le « conflit d’intérêts », une notion dont les contours sont difficiles à cerner avec précision
La notion de conflit d’intérêts est une notion large et non définie, qui va bien au-delà de la prise illégale d’intérêts et qui vise d’abord à préserver l’intégrité des intérêts publics par rapport aux intérêts particuliers que les responsables publics pourraient favoriser dans l’exercice dans leurs fonctions.
A cet égard, la première difficulté rencontrée dans l’élaboration d’une véritable politique de prévention des conflits d’intérêts consiste dans l’imprécision même de cette notion, à laquelle le droit français fait rarement référence en ces termes, et qui n’a fait l’objet que de tentatives récentes de définition au niveau international.
Comme l’a souligné le rapport de la Commission de réflexion, l’analyse révèle toutefois un corpus non négligeable de règles préexistantes, qu’elles soient de nature pénale ou déontologique. Si la notion de conflit d’intérêts n’est pas citée expressément dans les textes normatifs français, plusieurs textes fondamentaux participent déjà à la lutte contre les conflits d’intérêts.
C’est tout d’abord le cas, pour les fonctionnaires, de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui proscrit les liens directs ou indirects de nature à compromettre l’impartialité de l’agent. De même, les dispositions législatives applicables aux organismes intervenant en matière de santé publique mentionnent généralement un intérêt « de nature à compromettre l’indépendance » ou l’impartialité de la personne concernée, en écho au statut général des fonctionnaires, autorisant ainsi une modulation dans l’appréciation des intérêts en cause.
Il ressort en outre de l’analyse des règles applicables à l’étranger que la notion de conflit d’intérêts est à la fois subjective et évolutive, en fonction des situations susceptibles de se présenter et de l’expression des attentes collectives vis-à-vis des pouvoirs publics et de ses représentants.1
1.2. De nombreuses règles déontologiques s’imposent déjà, mais sans cohérence d’ensemble et avec des exigences d’intensité variable
Face à la complexité de la notion de conflit d’intérêts, le constat, notamment dressé par la Commission de réflexion, est celui d’un cadre juridique foisonnant mais parfois incomplet.
La Commission a ainsi été amenée à constater que la prévention des conflits d’intérêts en France n’est pas une question inconnue des autorités publiques, loin s’en faut. L’impartialité et la défense de l’intérêt général sont à cet égard au cœur de la conception française du service public, de l’action quotidienne des acteurs publics et de l’ensemble des mécanismes décrits ci-dessous.
Toutefois, les dispositifs existants, essentiellement sectoriels et répressifs, sont principalement concentrés sur les fonctionnaires et agents publics, et ne présentent guère de cohérence. Quant aux autres catégories d’acteurs publics, notamment les membres du Gouvernement, les règles applicables sont souvent imprécises et dispersées.
a) Les membres du Gouvernement.
• Un régime d’incompatibilités fixé par la Constitution.
L’article 23 de la Constitution prévoit que « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».
Une circulaire du Premier ministre du 18 mai 2007 précise que la notion d’emploi public vise toute personne rémunérée sur des fonds publics et exerçant pour une part significative de son temps une activité professionnelle qui la fait participer directement à l’exécution d’une mission de service public, ce qui n’inclut pas les mandats électifs locaux, même exécutifs. L’activité professionnelle inclut notamment les fonctions de dirigeant, rémunéré ou non, d’une société commerciale. S’agissant des fonctions de membre du conseil d’administration ou de surveillance d’une société, qui sont également interdites aux fonctionnaires, la règle est plus souple : la circulaire susmentionnée recommande de ne pas conserver de telles fonctions, sauf lorsqu’elles sont la conséquence directe de fonctions électives locales. Chaque cas litigieux est soumis à l’appréciation du Premier ministre.
• Un contrôle de patrimoine assuré par la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Les membres du Gouvernement font l’objet d’un contrôle de leur patrimoine par le biais de la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP), instituée par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
En vertu de l’article 1er de cette loi, il leur incombe d’adresser au président de cette commission, dans les deux mois qui suivent leur nomination et la cessation de leurs fonctions, une déclaration de situation patrimoniale. Par ailleurs, lorsqu’ils le jugent utile, les membres du Gouvernement peuvent informer la Commission de toutes les modifications substantielles de leur patrimoine intervenant au cours de leurs fonctions. En cas d’évolution de patrimoine inexpliquée, et après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations, la CTFVP transmet le dossier au parquet.
• Des prescriptions déontologiques diffusées par voie de circulaire du Premier ministre.
Un ensemble de circulaires élaboré par le Secrétariat général du Gouvernement règle la conduite à tenir dans des domaines tels que les incompatibilités, la gestion du patrimoine mobilier personnel, l’emploi des collaborateurs de cabinet et le fonctionnement des cabinets, la gestion des cadeaux ou les déplacements.
De fait, ces circulaires visent surtout à rationaliser et à « moraliser » l’utilisation des moyens publics et ne traitent donc pas de manière spécifique des conflits d’intérêts, supposés écartés, pour l’essentiel, par le mécanisme d’incompatibilité prévu à l’article 23 de la Constitution. Ces règles ne sont par ailleurs assorties d’aucune sanction explicite, même si leur transgression expose le membre du Gouvernement concerné à un risque d’ordre politique.
b) Les agents publics.
• Un régime de cumul d’activités encadré par le statut général des fonctionnaires.
La règle selon laquelle les fonctionnaires doivent se consacrer intégralement à leurs fonctions résulte aujourd’hui du premier alinéa de l’article 25 du titre Ier de leur statut général (loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). Il est ainsi prévu que les agents publics, titulaires et contractuels, « ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit », sauf exceptions limitativement énumérées par les textes. En outre, l’exercice de nombreuses fonctions, même non lucratives, est proscrit. Tel est le cas de la participation aux organes de direction de sociétés ou d’associations, à l’exception de celles qui sont sans but lucratif, présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, au sens du code général des impôts (absence de gestion courante d’opérations analogues à celles des entreprises commerciales à des prix comparables).
Les agents publics peuvent ainsi être autorisés à exercer, dans les conditions fixées par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte pas leur exercice, ce qui paraît exclure les activités susceptibles de donner lieu à des conflits d’intérêts. L’administration employeur peut s’opposer à tout moment à la poursuite d’une activité dont l’exercice a été autorisé, si les conditions mises à l’exercice de cette activité ne sont plus remplies.
Il est également possible, sous réserve d’une simple déclaration préalable, de créer ou de reprendre une entreprise pendant une période de deux ans, renouvelable une fois, ou de continuer, pendant une période d’un an renouvelable une fois, après avoir été recruté par l’administration, à diriger une société ou une association sans but lucratif à caractère social ou philanthropique.
Enfin, le statut permet aux agents, sans autorisation :
§ de détenir des parts sociales et de percevoir les bénéfices qui s’y attachent, à condition qu’il ne s’agisse pas de sociétés placées sous le contrôle de l’administration ou en relation avec celle-ci ;
§ de gérer librement leur patrimoine personnel et familial.
§ de produire des œuvres de l’esprit dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics.
Concernant les militaires, l'article L. 4122-2 du code de la défense prévoit que ceux-ci sont "autorisés à exercer une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice", ce qui permet de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts. L'autorisation de gérer librement leur patrimoine personnel et de produire des "oeuvres de l'esprit" est également garantie aux militaires, à l'instar des agents publics civils.
Des libertés essentielles mais encadrées sont ainsi garanties aux agents dans le respect de l’intérêt du service.
La méconnaissance des règles de non-cumul peut être sanctionnée par le reversement à l’administration des sommes indûment perçues, par une sanction disciplinaire (ou pour les agents contractuels, par la résiliation de leur contrat, notamment en cas de refus d’abandonner l’activité privée litigieuse), sans préjudice des sanctions pénales existantes.
Ce cadre juridique s’est progressivement assoupli, notamment sous l’effet de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique afin, notamment, de ne pas faire indûment obstacle au passage du secteur public au secteur privé et de tenir compte du développement du travail à temps partiel.
Certains statuts particuliers complètent cet encadrement et le renforcent en raison de la nature des fonctions exercées. Le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques prévoit ainsi que ceux de ces agents qui ont leur conjoint ou leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un parent jusqu’au troisième degré inclus, officier public ou ministériel marchand de biens, expert-comptable ou avocat ne peuvent exercer leurs fonctions dans la circonscription où réside cet officier public ou ministériel ou le département où ce marchand de biens, expert-comptable ou avocat exerce son activité.
Enfin, la possibilité pour les agents publics de détenir des mandats électifs tout en continuant à exercer leurs fonctions fait l’objet de restrictions qui vont de l’interdiction générale (mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen) à des interdictions ciblées. Ainsi, la détention d’un mandat local est en principe interdite pour les titulaires de fonctions d’autorité (cf. notamment les articles L. 46, L. 207 et L. 237 du code électoral) et de fonctions liées aux finances publiques (article L. 2122-5 du code général des collectivités territoriales), ce qui s’explique notamment par le principe de séparation entre ordonnateur et comptable.
• L’interdiction de la détention d’intérêts incompatibles avec l’exercice des fonctions.
Le 3° du I de l’article 25 du titre Ier du statut général des fonctionnaires prohibe la prise, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d’intérêts de nature à compromettre l’indépendance de l’agent public, qu’il soit titulaire ou contractuel. Cet article s’applique également aux agents dans l’exercice d’une activité accessoire autorisée sur le fondement du décret du 2 mai 2007 susmentionné. Les militaires sont soumis à des prescriptions équivalentes.
Cette disposition a une portée sensiblement plus large que les règles de non cumul d’activités figurant à l’article 25. Ces dernières apparaissent d’ailleurs de manière presque incidente, alors qu’elles constituent un élément important de la prévention des conflits d’intérêts pour les agents publics, comme l’a relevé récemment le Conseil d’Etat au contentieux, s’agissant d’un agent qui était « dans une situation de conflit d’intérêts que les dispositions précitées de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 prohibent. »
Ces dispositions accordent un rôle décisif à la hiérarchie administrative dans la prévention et le règlement des situations de conflit d’intérêts. Celle-ci dispose à cet égard d’un pouvoir de sanction potentiellement très lourd, la sanction pouvant aller jusqu’à la radiation des cadres. En pratique, les sanctions prononcées sur ce fondement sont toutefois rares, puisqu’on dénombre douze cas en 2009 sur le fondement de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983.
La substance de l’incompatibilité édictée à l’article 25-I du titre Ier du statut général des fonctionnaires est reprise dans les textes propres à certains secteurs jugés sensibles, comme le secteur sanitaire. Ainsi, les agents contractuels de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) se voient expressément interdire par l’article L. 5323-4 du code de la santé publique d’avoir, dans les établissements ou entreprises contrôlés par l’Agence, des intérêts « de nature à compromettre leur indépendance ». Ces dispositions font écho au délit de prise illégale d’intérêts figurant à l’article 432- 12 du code pénal, même si, de manière très paradoxale, ce dernier paraît embrasser des hypothèses plus larges.
• Des codes de déontologie à portée strictement sectorielle.
Les codes de conduite permettent aujourd’hui de répondre aux principales incertitudes en présentant des instructions directement applicables pour résoudre un problème déterminé ou des indications sur les modalités pour se procurer de telles instructions. Les normes de comportement édictées sont particulièrement précises et concrètes (acceptation de cadeaux, utilisation d’informations confidentielles, voyages d’affaires, utilisation d’argent public, cumuls, passage vers le secteur privé, utilisation des moyens matériels de l’administration, activités politiques…).
Le nombre de codes et de chartes de déontologie dans l’administration française reste limité et circonscrit, pour l’essentiel, à certains secteurs d’activité (fonctions d’autorité, fonctions en lien avec la sphère économique, secteur sanitaire, etc..).
La portée de ces codes de déontologie varie par ailleurs fortement. Dans certains cas, ces textes constituent de simples documents de référence. Dans d’autres, ils peuvent avoir une valeur juridique réellement contraignante. Tel est le cas de la police nationale, dont le code de déontologie édicté par décret, impose au policier des obligations pour lesquelles tout manquement expose son auteur à des sanctions disciplinaires qui peuvent déboucher sur des poursuites pénales en cas d’infraction avérée. En retour, les policiers et leurs familles peuvent bénéficier d’une protection juridique contre les faits dont ils sont victimes dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions.
• Des obligations déclaratives relativement rares.
Certains fonctionnaires sont soumis à des dispositions spécifiques, qui prévoient la déclaration d’intérêts ponctuels et limitativement énumérés à leur autorité hiérarchique.
Les textes prévoyant de telles informations ou déclarations semblent relativement rares. La Commission de réflexion a en particulier relevé les dispositions relatives aux directeurs des directions départementales de la protection des populations ou des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations et à leurs adjoints, qui, en vertu du décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles, doivent déclarer au préfet si leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité, un parent ou un allié jusqu’au troisième degré inclus donne professionnellement des conseils fiscaux ou juridiques ou exerce la profession d’industriel, de commerçant, d’agriculteur ou de prestataire de services, en précisant l’étendue géographique où s’exerce cette activité.
De même, les personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques dont le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un parent jusqu’au troisième degré inclus exerce des fonctions de dirigeant dans une entreprise ou un organisme public situé dans le même département que celui où ils sont affectés, sont tenus, en vertu de l’article 24 du décret n° 2010-986 du 26 août 2010, d’en faire la déclaration au service.
c) Les collaborateurs de cabinet.
Lorsqu’ils ont par ailleurs la qualité d’agent public, les membres des cabinets ministériels comme les collaborateurs de cabinet des autorités exécutives locales sont soumis aux règles de cumul d’activités applicables aux agents publics2.
En dehors de ce cas, les membres des cabinets, à la différence des membres du Gouvernement, ne font pas l’objet d’un régime d’incompatibilité contraignant. Une circulaire du Premier ministre du 18 mai 2007 indique toutefois que ces fonctions, compte tenu de leur nature et de la charge de travail qu’elles impliquent, sont incompatibles avec tout emploi dans une administration centrale, dans un établissement public ou une entreprise publique, ou encore dans une entreprise privée. Elle interdit en outre qu’un collaborateur de cabinet soit nommé dans les organes délibérants (conseil d’administration ou autre) des organismes publics ou privés au sein desquels l’Etat est représenté ou dans les instances officielles permanentes au sein desquelles les ministères sont représentés.
S’agissant des collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, l’article 2 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 se borne à prévoir qu’ils ne peuvent occuper un emploi permanent d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public local.
d) Les membres des autorités administratives indépendantes (AAI).
Les autorités administratives indépendantes disposent généralement de règles déontologiques, que ce soit par renvoi aux règles applicables aux agents publics ou par des textes propres assortis d’obligations spécifiques au secteur concerné.
• Des régimes spécifiques d’incompatibilités
En matière d’incompatibilités, il n’existe aucun cadre commun, les règles applicables résultent des textes propres à chaque institution.
Ceux-ci prohibent en général l’exercice d’une activité, voire la détention d’intérêts, dans des entreprises du secteur contrôlé par l’autorité : certaines autorités indépendantes font l’objet d’un régime particulièrement strict, prohibant l’exercice de toute activité professionnelle, de quelque nature que ce soit (Conseil supérieur de l’audiovisuel, Autorité de sûreté nucléaire…), ou interdisant la nomination de membres ayant, au cours d’une période récente, exercé des activités ou détenu des intérêts incompatibles (cas de la HADOPI). A l’inverse, d’autres autorités ne font l’objet d’aucun régime spécifique d’incompatibilité, ce qui s’explique en général par le fait qu’elles n’assurent pas la régulation d’un secteur économique (cas de la Commission d’accès aux documents administratifs, par exemple).
Dans certains cas, les incompatibilités sont plus étendues pour le président, voire les vice-présidents de l’autorité (cas de la Commission de régulation de l’énergie). En règle générale, les incompatibilités touchant aux activités sont assorties de mécanismes de démission d’office, et les règles se rapportant aux intérêts, d’une obligation de s’en défaire, à peine de démission d’office. Au total, si les statuts des autorités administratives indépendantes convergent assez largement, en particulier pour celles qui sont chargées de missions de régulation dans des secteurs en relation avec l’économie, le cadre juridique n’est pas harmonisé, sans que des raisons objectives motivent l’ensemble des discordances constatées.
• Des obligations déclaratives complémentaires.
Les dispositifs de déclaration d’intérêts existent essentiellement pour les AAI des secteurs sanitaire (Haute autorité de santé ou AFSSAPS) et économique et financier (AMF, Autorité de contrôle prudentiel), ainsi qu’à la CNIL, selon des modalités plus ou moins contraignantes et en complément des incompatibilités déjà examinées. Les modalités généralement retenues imposent simplement l’information du président du collège sur les intérêts détenus. Les règles relatives à la publicité des déclarations d’intérêts sont variables.
e) Les dirigeants d’établissements publics ou d’entreprises publiques.
Dans les établissements publics à caractère administratif, l’ensemble des personnels, y compris le directeur général, sont en principe des agents publics, soumis aux dispositions du statut général des fonctionnaires, notamment de l’article 25 de son titre Ier. Il en va de même du titulaire du plus haut emploi dans les établissements publics à caractère industriel et commercial. En revanche, et sauf disposition législative contraire, le statut général ne saurait s’appliquer aux dirigeants des entreprises publiques qui ne sont pas des personnes de droit public : tel est le cas des sociétés anonymes. Il s’applique toutefois aux membres du conseil d’administration qui ont la qualité d’agent public, c’est-à-dire aux administrateurs d’Etat, ce qui fait obstacle, par exemple, à ce que ces derniers détiennent des intérêts de nature à compromettre leur indépendance dans les entreprises dont ils sont administrateurs.
Indépendamment de la qualité d’agent public, les fonctions de président et de membre de conseil d’administration ainsi que celles de directeur général et de directeur général adjoint exercées dans les entreprises publiques et établissements publics nationaux sont incompatibles avec le mandat de député ou de sénateur. En revanche, le décret n° 94-582 du 12 juillet 1994 relatif aux conseils et aux dirigeants des établissements publics, des entreprises du secteur public et de certaines entreprises privées est muet sur la question des incompatibilités.
Dans les entreprises publiques à forme privée (sociétés anonymes en particulier), la principale limitation transversale résulte des règles relatives au cumul des mandats portant à la fois sur les mandats d’administrateur de sociétés anonymes ou de membres du conseil de surveillance et sur ceux de directeur général de société anonyme. En cas de dépassement du plafond, l’administrateur doit se démettre de l’un de ses mandats dans les trois mois.
Par ailleurs, s’agissant spécifiquement des entreprises du secteur public – entreprises régies par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (dite « loi DSP »), les présidents, directeurs généraux, et directeurs généraux adjoints, comme l’ensemble des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ne peuvent appartenir simultanément à plus de quatre conseils dans de telles entreprises. L’article 130 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 leur a rendu applicables les dérogations prévues par le code de commerce s’agissant, en particulier, des filiales. En l’état, une même personne peut donc, dans la limite de ces plafonds, cumuler des mandats sociaux dans des entreprises relevant à la fois du secteur public et du secteur privé, hypothèse relativement fréquente en pratique.
Enfin, les statuts de l’entreprise publique peuvent prévoir d’autres limitations, souvent plus ponctuelles, comme pour les administrateurs de la société anonyme La Poste ou le président du directoire de RTE – EDF.
1.3. Contrôles et sanctions, une rigueur également hétérogène selon les types de conflits d’intérêts et les situations individuelles
• Les contrôles hiérarchiques internes à l’administration : des contrôles sectoriels.
Ces mesures relèvent par nature de la responsabilité de la hiérarchie administrative, dans la mesure où elles concourent au bon fonctionnement des services, qui n’est pas séparable du comportement des agents.
Une partie des mécanismes en cause repose ainsi largement sur la volonté des administrations qui sont chargées de collecter l’information, de porter une appréciation et d’engager les procédures. Ce système est essentiellement ministériel ou déconcentré et fonctionne sur la base d’un principe de confiance et de responsabilité individuelle.
A cet égard, certaines administrations sont particulièrement soucieuses de protéger leurs agents et leur crédibilité grâce à des mécanismes renforcés, comme une cartographie des postes à risques et des règles d’organisation du travail assorties de modes opératoires particuliers (organigrammes fonctionnels, exigences en termes de traçabilité ...) et d’opérations de contrôle interne. Certaines d’entre elles sont particulièrement sensibles à la situation personnelle des agents, notamment dans les services financiers, la magistrature, la sécurité ou les emplois impliquant des prérogatives régaliennes et de puissance publique, comme la fonction préfectorale ou la diplomatie.
Ces obligations peuvent aller jusqu’à l’institution et au traitement de déclarations d’intérêts ponctuels et limitativement énumérés. Tel est le cas pour les directeurs des directions départementales de la protection des populations ou des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, en application de l’article 12 du décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009, ou pour les personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques, comme précédemment évoqué.
Certains dispositifs de contrôle organisés dans le cadre institutionnel général offrent également de multiples opportunités de prévenir et de contrôler d’éventuels conflits d’intérêts. C’est notamment le cas du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ou du contrôle de légalité.
Enfin, il convient de rappeler que les codes de déontologie jouent parfois un grand rôle en matière d’information et de prévention. Beaucoup d’entre eux donnent des consignes précises aux agents susceptibles de se trouver dans une situation de conflits d’intérêts. Tel est le cas de la charte de déontologie du Service des achats de l’Etat qui prévoit différentes mesures en cas de risque de partialité ou de prise illégale d’intérêts, comme le fait de confier le dossier à un autre agent. De la même manière, la charte de déontologie de la Haute autorité de santé fixe des règles destinées à la prévention et à la gestion des conflits d’intérêts.
• Des sanctions disciplinaires parfois lourdes, sous le contrôle du juge.
Les manquements à la déontologie, notamment les manquements au devoir de probité ou à l’obligation jurisprudentielle d’impartialité, sont constitutifs d’une faute disciplinaire exposant son auteur à une sanction disciplinaire, prononcée par l’autorité de nomination qui exerce son pouvoir disciplinaire, après avis du conseil de discipline. La sanction disciplinaire peut aller du blâme jusqu’à la mise à la retraite d’office ou la révocation, en passant par le déplacement d’office ou l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans, selon notamment la gravité des faits et le dommage généré. Les sanctions encourues s’inscrivent ainsi dans une échelle graduée, de la même manière que les peines qui peuvent également être infligées, au titre des infractions pénales.
En effet, une sanction pénale peut se cumuler avec une sanction disciplinaire puisque l’article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dispose que « toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». En matière de manquement aux obligations déontologiques et notamment en matière de conflits d’intérêts, les qualifications pénales qui trouvent à s’appliquer en fonction des circonstances de l’espèce sont les suivantes : la corruption passive, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts ou encore le délit de favoritisme3.
Toutefois, d’un point de vue statistique, eu égard au nombre de fonctionnaires de l’Etat par exemple, le nombre de sanctions disciplinaires prononcées au titre d’une situation de conflit d’intérêts est faible. Ce sont, depuis 2007, entre 5 600 et 5 950 sanctions disciplinaires qui sont prononcées par an dans la fonction publique de l’Etat pour plus de 2,4 millions de fonctionnaires, et plus de la moitié sont liées à de l’indiscipline, un mauvais service fait ou des fautes professionnelles et non à des situations de conflits d’intérêts et de prise illégale d’intérêts. Seulement 3 % des sanctions disciplinaires concernent des faits de détournement de fonds ou de malversations financières. En 2009, 200 cas de détournement, malversations, vol ont été sanctionnés, avec 80 révocations et mises à la retraite d’office.
• Les contrôles opérés par la commission pour la transparence financière de la vie politique sur la variation de situation patrimoniale.
Avec le rapport de la commission de réflexion, il peut être considéré que l’action de la CTFVP a pu contribuer à la moralisation de la vie politique. Toutefois, outre les limites matérielles auxquelles se heurte son action, ce dispositif n’a pas pour objet spécifique la prévention des conflits d’intérêts, mais la lutte contre l’enrichissement personnel indu et la corruption.
La déclaration de patrimoine apparaît en outre comme une obligation minimale permettant seulement à la Commission, par comparaison des déclarations successives, d’apprécier si et dans quelle mesure le patrimoine des membres du Gouvernement s’est accru au cours de leurs fonctions. Elle ne permet en revanche nullement de confronter les intérêts détenus par un ministre au champ de ses attributions et de déterminer, par conséquent, s’il est susceptible ou non de se trouver en situation de conflit d’intérêts.
Son pouvoir le plus significatif consiste dans la possibilité de transmettre le dossier au parquet en cas d’évolution de patrimoine inexpliquée, et après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations, conformément au dernier alinéa de l’article 3 de la loi du 11 mars 1988 et à l’article 4 du décret n° 96-763.
• Une part importante de la prévention des conflits d’intérêts en France repose aujourd’hui sur les contrôles opérés par la commission de déontologie instituée par la loi du 29 janvier 1993.
Cette loi a mis en place une procédure unique en Europe d’avis préalable, réformée en 2007 puis en 2009. Cette instance désormais commune à l’ensemble des fonctions publiques est notamment chargée d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions.
La saisine de la commission est obligatoire pour les agents relevant du champ d’application de l’article 432-13 du code pénal. Elle l’est également pour les collaborateurs du Président de la République et les membres d’un cabinet ministériel.
En revanche, les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales informent seulement la commission avant d’exercer toute activité lucrative (II de l’article 87 de la loi du 29 janvier 1993). Les autres saisines sont facultatives, à l’initiative soit de l’administration dont relève l’agent, soit, ce qui est plus rare, de ce dernier. Elles représentent aujourd’hui 85% des saisines, chiffre qui démontre l’implication des administrations dans la prévention des conflits d’intérêts et le fait que la réforme n’a pas amoindri le contrôle déontologique dans la fonction publique. La commission peut également s’autosaisir à l’initiative de son président.
La commission opère un double contrôle :
- Elle s’assure que l’activité que l’agent projette d’exercer ne le place pas en contravention avec l’article 432-13 du code pénal. Un avis d’incompatibilité de la commission lie l’administration.
- Elle effectue par ailleurs un contrôle de nature déontologique, qui a pour objet de vérifier que l’activité privée ne porterait pas atteinte à la dignité des fonctions précédentes ou ne risque pas de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service.
L’article 3-1, introduit, par le décret n° 2010-1079 du 13 septembre 2010, dans le décret n° 2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie, a précisé les éléments qui devaient être portés à la connaissance de la commission, en indiquant que l’information ou la saisine de cette dernière comporte au minimum une description détaillée des fonctions exercées par l’agent au cours des trois dernières années, les statuts de l’entreprise ou de l’organisme privé ou, à défaut, une note détaillée sur son objet, son secteur et sa branche d’activité, ainsi que la nature des fonctions exercées au sein de cette entreprise ou de cet organisme. En pratique, l’essentiel des avis d’incompatibilité sont motivés par le caractère insuffisant des informations fournies par l’administration et par l’agent.
La commission peut assortir ses avis de compatibilité de réserves qui valent pendant les trois ans suivant la cessation des fonctions. Les avis de compatibilité, même assortis d’une réserve, laissent à l’administration le choix de la décision finale. Une réserve permet d’autoriser un projet professionnel, dès lors qu’il n’est pas mis en œuvre dans des conditions où il pourrait compromettre le fonctionnement normal, la neutralité ou l’indépendance du service auquel appartenait jusqu’alors l’agent intéressé. Elle peut par exemple autoriser ce projet selon des modalités qui excluent notamment les contacts avec l’ancien service. La réserve tient également compte de la nature des fonctions exercées, comme du niveau hiérarchique, qui justifie d’autant plus de réserves qu’il est élevé.
Lorsque la commission a été consultée aux fins d’examiner si les fonctions envisagées portent atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées ou risquent de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, et qu’elle n’a pas émis d’avis défavorable, l’agent public ne peut plus faire l’objet de poursuites disciplinaires à ce titre.
Dans le cas contraire, l’agent qui enfreint cette deuxième interdiction n’est pas soumis au contrôle du juge pénal à ce titre. Néanmoins, l’administration dont il relève peut lui appliquer, le cas échéant, l’une des sanctions disciplinaires prévues par le statut général des fonctionnaires. En cas de contentieux, le juge administratif est seul compétent. 12 sanctions disciplinaires de tous niveaux ont été prises sur le fondement de cet article en 2009.
Enfin, il convient de signaler que la DGAFP et la commission de déontologie jouent un rôle important au niveau interministériel par la diffusion d’une doctrine à travers les rapports publics et la mise en ligne des décisions anonymées.
• Le droit des « conflits d’intérêts » en France apparaît parallèlement très marqué par le cadre pénal, sous le chef du délit soit de la prise illégale d’intérêts dans l’exercice des fonctions (article 432-12 du code pénal), soit de la prise illégale d’intérêts à l’issue des fonctions (article 432-13 du même code).
a) La prise illégale d’intérêts au cours des fonctions : une infraction large et sévère qui distingue la France au sein de l’OCDE
Ce dispositif pénal inscrit à l’article 432-12 du code pénal a d’abord pour objet d’éviter que les personnes concourant à une mission de service public ne tirent effectivement profit de leurs fonctions dans leur intérêt personnel, par exemple par l’octroi d’une subvention à une entreprise dans laquelle l’agent participant a un intérêt, l’utilisation à des fins privatives de personnel placé sous sa subordination ou sa participation à l’octroi d’un permis de construire à une société civile immobilière que lui-même ou un membre de sa famille gère. A cet égard, cette infraction peut être rapprochée d’autres manquements à la probité figurant dans cette section du code pénal, comme la concussion (article 432-10), la corruption passive et le trafic d’influence, ou la soustraction et le détournement de biens (articles 432-15 et 432-16).
Mais au-delà, à la différence de ces derniers, le délit de prise illégale d’intérêts vise également à réprimer ceux qui s’exposent au soupçon de partialité et qui se placent dans une situation où leur propre intérêt entre ou est susceptible d’être regardé comme entrant en conflit avec l’intérêt public dont ils ont la charge.
Ce délit se caractérise en effet par son champ d’application potentiellement très large, auquel la jurisprudence judiciaire mais aussi le juge administratif ont donné une portée extensive.
Entrent dans le champ d’application de cette disposition non seulement les agents publics, comme le prévoyait déjà l’article 175 de l’ancien code pénal, mais aussi les membres du Gouvernement, les collaborateurs de cabinets, les membres d’autorités administratives indépendantes, les dirigeants d’établissements publics et d’entreprises publiques, ainsi que les experts, qui collaborent, parfois de manière ponctuelle, au service public.
Par ailleurs, les éléments constitutifs de l’infraction sont définis de manière souple et objective.
D’une part, la personne doit avoir eu, au temps de l’acte, l’administration, la surveillance, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle elle a pris un intérêt. C’est bien davantage sa fonction que son comportement, sa motivation ou la nature de son implication dans l’affaire qui apparaît déterminante. Il importe peu que la personne n’ait pas elle-même pris une décision l’avantageant ou que ses fonctions d’administration ou de surveillance n’impliquent pas de pouvoirs décisionnels. Il suffit qu’elle ait pris part, d’une manière quelconque, à une affaire relevant de sa compétence, par exemple en donnant un simple avis.
D’autre part, la personne doit avoir pris dans l’entreprise ou l’opération litigieuse un « intérêt quelconque ». L’intérêt peut être matériel ou moral, direct ou indirect. Ainsi, le responsable public qui participe à l’octroi d’une subvention à une association dans laquelle il est salarié, ou qu’il dirige, est condamné pour prise illégale d’intérêts, alors même que cette association n’a aucune activité lucrative. Toutefois, l’intérêt d’un membre de la famille peut aussi entrer en ligne de compte.
Contrairement aux prescriptions du 3° du I de l’article 25 du titre Ier du statut général des fonctionnaires rappelées ci-dessus, qui prohibent la détention par un agent public d’un intérêt de nature à compromettre son indépendance dans une entreprise placée sous son contrôle, l’article 432-12 du code pénal élargit, par la notion d’ « intérêt quelconque », le champ des intérêts prohibés, sans s’attacher à leur nature ou à leur intensité. La prise illégale est donc constituée même si la valeur de l’intérêt est modeste ou si aucun avantage n’a finalement été retiré de la situation.
Enfin, les peines prévues par le code pénal sont très lourdes (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, sans compter les peines complémentaires d’inéligibilité et d’interdiction d’exercer une fonction publique qui peuvent être prononcées en application de l’article 432-17 du code pénal).
b) La prise illégale d’intérêts à l’issue des fonctions
Ce délit, prévu à l’article 432-13 du code pénal, trouve des équivalents dans de nombreux Etats membres de l’OCDE. Il interdit à toute personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire public, à raison même de sa fonction, d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée – ou d’une entreprise publique exerçant dans le secteur concurrentiel - d’occuper un emploi dans cette entreprise, d’y exercer une activité de conseil ou de formation ou d’y prendre des participations. Il vise à la fois à éviter que l’agent, « par anticipation », n’avantage une entreprise dans laquelle il peut espérer être recruté à brève échéance, et à prévenir le risque qu’il ne fasse bénéficier une telle entreprise d’avantages indus liés à son ancienne fonction (informations, contacts…).
Les éléments constitutifs de l’infraction sont, là encore, purement objectifs. Comme pour l’article 432-12, la notion de surveillance (et de contrôle) est définie de manière large. Elle peut avoir consisté en des contrôles épisodiques intermittents. Surtout, il suffit que les attributions du service dans lequel l’agent a exercé son activité aient inclus la surveillance ou le contrôle pour que ce dernier se voie interdire d’y exercer une activité professionnelle. Cette interdiction structurelle, bien que réduite de 5 à 3 ans par la loi de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007, apparaît particulièrement contraignante.
Cette incrimination fait l’objet d’une double procédure préventive. D’une part, lorsque l’emploi contrevenant à l’article 432-13 est pourvu par un acte administratif (cas de la nomination par décret de dirigeants d’entreprises publiques opérant dans le secteur concurrentiel, du détachement…), ce dernier est illégal et le juge administratif, saisi d’une demande en ce sens, l’annule. D’autre part, et surtout, en application de la loi du 29 janvier 1993, la procédure d’avis préalable de la commission de déontologie, permet d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou de toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions. La saisine de la commission est obligatoire pour les agents relevant du champ d’application de l’article 432-13 du code pénal. Elle l’est également pour les collaborateurs du Président de la République et les membres d’un cabinet ministériel. En revanche, les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales informent seulement la commission avant d’exercer toute activité lucrative (II de l’article 87 de la loi du 29 janvier 1993). Les autres saisines sont facultatives, à l’initiative soit de l’administration dont relève l’agent, soit, ce qui est plus rare, de ce dernier. La commission peut également s’autosaisir à l’initiative de son président.
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II. Objectifs poursuivis
Il est désormais nécessaire que la France se dote d’une politique plus cohérente de prévention des conflits d’intérêts. Telle est la première préconisation issue du rapport de la Commission de réflexion et l’axe principal selon lequel le Gouvernement a souhaité élaborer le présent projet de loi.
La question des conflits d’intérêts a été, jusqu’ici, abordée sous l’angle de la sanction, qu’il s’agisse, au premier chef, de la sanction pénale, que la France a été parmi les premières à édicter et qui est l’une des plus sévères des Etats membres de l’OCDE, mais aussi des sanctions disciplinaires ou financières, ou encore de la censure des actes administratifs intervenus en méconnaissance du principe d’impartialité.
Ces sanctions sont potentiellement très lourdes et exposent les responsables publics à un risque important, dont ils ne mesurent pas toujours la portée réelle.
Cette rigueur des sanctions potentielles rend indispensable une meilleure appropriation individuelle et collective en amont et une meilleure prise en charge du risque dans l’organisation de la puissance publique.
C’est la raison pour laquelle deux objectifs sont prioritairement poursuivis dans le cadre de ce projet de loi :
§ la détermination de règles de comportement permettant aux administrations et aux responsables publics de se prémunir contre les principaux risques de conflits d’intérêts et servant de base à la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention ;
§ l’édiction de principes et valeurs de portée générale, affirmés au niveau normatif adéquat, sous la coordination et la supervision d’une autorité qui puisse apporter l’appui nécessaire, sur les questions de déontologie, aux administrations et aux responsables et agents publics.
a) Mieux prévenir, par une organisation adaptée et une meilleure prise de conscience individuelle des situations potentiellement risquées, les cas de conflits d’intérêts.
Traiter les conflits d’intérêts, c’est avant tout faire en sorte qu’ils ne surviennent pas. L’effet dissuasif des sanctions ne peut suffire. Les responsables publics ont aujourd’hui besoin d’un cadre préventif posé par le législateur, auquel ils puissent se référer. L’objectif doit être de les responsabiliser, ainsi que les autorités dont ils relèvent, et non de créer des instruments qui risqueraient à tort d’être perçus comme de nouvelles règles de discipline.
L’enjeu est d’abord d’apporter conseil et assistance aux agents, notamment en cas de doute. La plupart des conflits d’intérêts résultent en effet du manque de vigilance et de sensibilisation des fonctionnaires. Leur occurrence est rendue d’autant plus facile que les responsables publics, quels que soient leur situation ou leur statut, ne disposent quasiment d’aucune information, et sont le plus souvent livrés à eux-mêmes pour identifier les situations susceptibles d’être regardées comme délicates. Seule une petite minorité de fonctionnaires est systématiquement éclairée, lors de la prise de poste, sur les risques déontologiques inhérents aux fonctions exercées et sur les conduites appropriées pour y parer.
Ceci suppose de développer l’information des personnels d’encadrement dès leur prise de fonction et de trouver les moyens pour une meilleure appropriation des règles par l’ensemble des responsables publics.
b) Fixer un socle de référence commun aux responsables publics en matière de conflits d’intérêts susceptible d’être complété par des règles déontologiques particulières.
Le caractère disparate des règles actuelles ainsi que l’absence de références générales nuisent à la connaissance précise de leurs obligations par tous les responsables publics.
En complément des régimes prohibitifs et répressifs mentionnés ci-dessus, la France s’est pourtant dotée de règles et d’instruments encadrant le comportement des acteurs publics en vue de prévenir l’apparition ou la persistance de conflits d’intérêts. Ces dispositifs irriguent la déontologie de la vie publique et sont, dans l’ensemble, appliqués, consciemment ou non, par les personnes qui y sont soumises.
Mais, loin de s’inscrire dans une stratégie globale, délibérée et affichée de prévention des conflits d’intérêts, ils forment un cadre diffus et relativement méconnu, car relevant largement de l’ordre de l’implicite. Cette situation nuit tout à la fois à leur appropriation par les responsables publics et à leur compréhension par les citoyens.
C’est la raison pour laquelle l’édiction d’obligations et de principes transversaux est désormais nécessaire pour jeter les bases d’une culture déontologique commune à tous les agents et susceptible d’être appliquée de façon homogène dans l’ensemble de la sphère publique.
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III. Options
III.1. Le choix a tout d’abord été fait d’une clarification au niveau législatif des principes transversaux qui encadrent l’action publique.
a) Consécration de principes jurisprudentiels
A titre liminaire, le Gouvernement a fait le choix de ne pas modifier le code pénal, notamment l’article 432-12 relatif à la prise illégale d’intérêts dans l’exercice des fonctions. Il a en effet souhaité se concentrer sur le renforcement du volet déontologique, tout en réaffirmant, implicitement, l’importance du cadre pénal et de son caractère dissuasif. Il s’est avéré plus adapté d’inscrire dans la loi des obligations d’origine jurisprudentielle qui, d’ores et déjà, permettent d’assurer la confiance mutuelle entre les citoyens et les agents qui incarnent l’autorité ou le service publics, et de sécuriser l’action publique et ceux qui y participent en protégeant ces derniers contre les risques de conflits ou de soupçon de conflits d’intérêts.
Le projet de loi pose ainsi deux obligations générales qui s’imposent aux personnes dépositaires de l’autorité publique et des personnes chargées d’une mission de service public et qui ont paru synthétiser l’essentiel des obligations déontologiques : la probité et l’impartialité. Ces principes avaient déjà été dégagés par la jurisprudence et méritaient de figurer dans la loi. Le Gouvernement a en revanche écarté d’autres principes, comme la neutralité ou l’indépendance, qui s’avéraient largement redondants avec l’exigence d’impartialité et dont la portée pouvait être sujette à caution selon le responsable public en cause. Pour autant, il convient d’indiquer que les obligations individuelles ainsi posées sont tout à la fois le reflet et la traduction de l’exigence de neutralité de l’action publique et de la puissance publique prises dans leur globalité.
Le principe d’impartialité implique l’obligation, également posée par le projet de loi, de prévenir et de faire cesser sans délai tout conflit d’intérêts. Sur ce point, le Gouvernement n’a pas estimé opportun d’introduire dans le projet de loi une définition autonome du conflit d’intérêts, pour deux raisons principales. D’une part, la plasticité de cette notion, en pratique, rend très délicate la fixation a priori de ses contours. En effet, figer au niveau législatif certains paramètres – soit ceux envisagés dans le cadre du rapport de la Commission de réflexion, comme l’existence d’un avantage pour définir l’intérêt privé, soit d’autres tels que, par exemple, l’ancienneté de la détention de l’intérêt privé au-delà de laquelle ce dernier ne serait plus source de conflit d’intérêts −, aurait inéluctablement conduit à courir le risque d’interprétations « a contrario », l’ensemble des hypothèses de conflits d’intérêts ne pouvant être anticipées par le législateur. D’autre part, ces mêmes paramètres auraient eu paradoxalement pour effet de restreindre la portée du cadre préventif et de laisser subsister des angles morts susceptibles de caractériser une prise illégale d’intérêts au sens pénal du terme. De la sorte, un responsable public respectant scrupuleusement ses obligations préventives aurait pu être inquiété sur le plan pénal à raison des mêmes faits, ce qui n’est pas acceptable.
Le projet privilégie donc une définition souple et subjective du conflit d’intérêts, conçu comme la situation dans laquelle le responsable public estime, en conscience, que son impartialité pourrait être mise en doute. Cette approche, qui répond à l’objectif de prise de conscience individuelle des responsables publics décrit ci-dessus, intègre naturellement l’idée d’intensité de l’intérêt privé détenu mis en avant par la Commission de réflexion, car un intérêt tout à fait mineur ne saurait normalement éveiller dans le chef d’un responsable public le sentiment que son impartialité pourrait être mise en cause.
b) Détermination du champ d’application de ces nouveaux principes
La finalité globale du projet de loi consiste à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques et à mettre en place un dispositif complet en matière de règles déontologiques pour les acteurs publics. Dans cette perspective, le Gouvernement a choisi d’inclure dans le champ d’application du projet de loi le public le plus large possible lié à l’action publique : sont concernées les personnes dépositaires de l’autorité publique, ainsi que l’ensemble des personnes chargées d’une mission de service public.
Conformément à la doctrine et à la jurisprudence liées à l’application des articles 432-11 et 432-12 du code pénal, la personne dépositaire de l’autorité publique est une personne titulaire d’un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses, pouvoir qu’elle manifeste dans l’exercice des fonctions, permanentes ou temporaires, dont elle est investie par délégation de la puissance publique. La notion de personne chargée d’une mission de service public, quant à elle, vise la personne qui exerce une fonction ou une mission d’intérêt général mais qui n’a pas reçu de pouvoir décisionnel ou contraignant, correspondant à l’exercice de l’autorité publique.
Dans l’optique du présent projet de loi, ces deux catégories renvoient, pour l’essentiel, à la totalité des agents publics, aux membres du Gouvernement et à leurs collaborateurs, mais aussi à des personnes qui, sans être agents publics, sont chargées d’une mission de service public. Le cas des élus et exécutifs locaux est réservé.
III.2. La responsabilité individuelle a été placée au cœur de l’économie générale de la loi, grâce à la formalisation de mécanismes permettant d’éviter de se trouver placé en situation de conflit d’intérêts.
Même si la prévention des conflits d’intérêts et, plus largement, la déontologie publique supposent une démarche de terrain appuyée sur des codes et chartes de déontologie adaptés aux spécificités de chaque administration ou organisme public, le Gouvernement a fait le choix d’inscrire dans la loi un certain nombre de mécanismes destinés à y concourir. Ces mécanismes ne sont pas étrangers à notre droit positif, et sont présents dans un grand nombre de pays membres de l’OCDE. Ils visent à doter les responsables publics, et tout particulièrement ceux qui sont investis des responsabilités les plus élevées, des moyens juridiques adéquats pour mettre en œuvre les obligations générales décrites ci-dessus.
a) Les mécanismes de « déport » pour ne pas prendre part au traitement d’une affaire en cas de risque de conflit d’intérêts
Le projet de loi ne se contente pas de rappeler aux responsables publics qu’ils ne peuvent prendre part au traitement d’une affaire lorsqu’ils estiment que leur impartialité pourrait être mise en doute, en raison des intérêts de toute nature qu’ils détiennent.
Il offre à ces responsables publics les moyens de mieux prévenir ces situations, en sécurisant juridiquement le recours à l’abstention ou à la suppléance.
Plusieurs mécanismes sont mis en place, selon les personnes concernées :
- les agents publics qui ont un supérieur hiérarchique et qui estiment se trouver en situation de conflit d’intérêts saisissent ce dernier, qui apprécie s’il y a lieu de confier le dossier à une autre personne ;
- les personnes appartenant à des instances collégiales s’abstiennent de siéger lors de l’examen du dossier en cause ;
- les personnes investies de pouvoirs propres, de sorte qu’elles ne peuvent en référer à une autorité hiérarchique, apprécient si elles doivent être suppléées. Les conditions dans lesquelles les membres du Gouvernement sont suppléés seront définies par voie réglementaire. Les présidents des instances collégiales seront, eux, suppléés par le plus âgé des membres du collège, conformément à la pratique en vigueur dans les instances délibératives et à défaut de règles spéciales. Dans tous les autres cas, il est prévu que la suppléance sera assurée par un subordonné ayant reçu délégation. Ce mécanisme organise le transfert de pouvoir de façon automatique. La délégation donnée à un subordonné vaudra ainsi délégation de pouvoir, sans possibilité bien évidemment pour le délégant de donner d’instructions en ce qui concerne le dossier en cause.
Par ailleurs, pour les membres des juridictions, le projet de loi renvoie aux règles propres à la juridiction.
Ainsi, l’initiative repose sur le responsable public lui-même : dès lors qu’il est le plus à même de connaître sa situation, il lui appartient, s’il l’estime en conscience nécessaire, de recourir aux mécanismes susmentionnés. Le rôle des autorités hiérarchiques, lorsqu’elles existent, est toutefois loin d’être négligeable, car il leur incombe, une fois saisies par l’agent, de déterminer s’il existe un conflit d’intérêts potentiel et d’en tirer les conséquences, le cas échéant. En revanche, les faibles moyens dont les supérieurs hiérarchiques disposent pour connaître l’existence de tels risques ne permettaient pas de leur imposer une obligation de « détection » des conflits d’intérêts non signalés par leurs subordonnés. Une telle prérogative supposerait au demeurant, dans certains cas, une immixtion du supérieur hiérarchique dans la vie privée de son subordonné, ce qui apparaît excessivement intrusif.
Il n’est apparu ni utile, ni souhaitable, d’instituer une sanction particulière en l’absence de recours au mécanisme de déport, alors que la situation pouvait le justifier. Le juge administratif pourra juger que la décision à laquelle la personne « intéressée » a pris part est, de ce fait, entachée d’illégalité. D’autre part, des sanctions disciplinaires pourront être prononcées à l’encontre des agents publics qui méconnaissent ces obligations.
b) La généralisation du mécanisme de déclaration d’intérêts
Deux options pouvaient être envisagées quant au public concerné par la déclaration d’intérêts : 1°) les membres du Gouvernement, collaborateurs du Président de la République, membres des cabinets ministériels et autres autorités publiques occupant un poste élevé et à responsabilités ou 2°) ces mêmes autorités complétées par certains agents publics ou experts intervenant pour le compte du service public qui seraient mentionnés sur une liste fixée par décret en Conseil d’Etat compte tenu de la nature sensible de leurs fonctions et de leur domaine d’intervention.
Afin de tenir compte de l’existence de secteurs ou activités présentant des risques particuliers, la seconde option a été retenue. Celle-ci s’inscrit parfaitement dans le cadre des engagements pris par la France à la suite de la ratification de la convention des Nations Unies contre la corruption, dite convention de Mérida et adoptée à New York le 31 octobre 2003. En effet, cette convention prévoit notamment que chaque Etat partie s’efforce d’adopter, de maintenir et de renforcer des systèmes qui favorisent la transparence et préviennent les conflits d’intérêts, encourage l’intégrité, l’honnêteté et la responsabilité chez ses agents publics et prend, s’il y a lieu, des mesures pour réglementer les questions touchant les personnels chargés de la passation des marchés, telles que l’exigence d’une déclaration d’intérêts pour certains marchés publics.
Le Gouvernement a estimé nécessaire d’inclure dans ce dispositif les membres du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, ainsi que les personnes exerçant les mêmes fonctions au sein de ces institutions, eu égard à l’importance de ces fonctions. Il convient de noter que les magistrats nommés à la Cour de cassation seront soumis à des règles identiques, en vertu d’une loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Sont également concernés les présidents et membres des autorités administratives indépendantes et les responsables des principales entreprises publiques et établissements publics nationaux. En ce qui concerne les élus, un groupe de travail spécifique a été constitué dans chaque assemblée parlementaire, en vue de déterminer les règles qui leur seront applicables.
En règle générale, il est prévu que la déclaration d’intérêts soit adressée à la personne sous l’autorité de laquelle le déclarant exerce ses fonctions.
Les membres du Gouvernement remettront leur déclaration d’intérêts au Premier ministre. Seront également remises au Premier ministre les déclarations d’intérêts des membres de son cabinet, ainsi que celles des présidents des collèges et des organes chargés de prononcer des sanctions des autorités administratives indépendantes. Les membres de ces collèges et organes remettront quant à eux leur déclaration respectivement au président du collège et au président de l’organe chargé de prononcer des sanctions.
Les collaborateurs du Président de la République remettront leur déclaration d’intérêts au secrétaire général du Gouvernement.
Le vice-président du Conseil d'Etat remettra sa déclaration au président de section le plus ancien et les autres membres du Conseil d'Etat remettront la leur au vice-président.
Le premier président de la Cour des comptes remettra sa déclaration au procureur général près la Cour des comptes, et inversement. Les membres de la Cour qui assistent le procureur général lui remettront leur déclaration. Les autres membres de la Cour des comptes la remettront au premier président.
Les titulaires d’emplois fonctionnels et les responsables des cabinets des collectivités locales en rendront destinataire leur autorité exécutive.
L’autorité à laquelle seront remises les déclarations d’intérêts des responsables des entreprises publiques et des établissements publics de l’Etat les plus importants, ainsi que des experts et personnes chargées d’une mission de conseil auprès d’une personne publique, sera précisée par décret en Conseil d’Etat.
Les autres déclarations d’intérêts seront remises au ministre qui a autorité sur l’intéressé ou qui exerce la tutelle de l’organisme.
Il a été décidé que seules les déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement, compte tenu de la nature de leurs fonctions, devraient être rendues publiques. Une telle mesure de publicité s’applique déjà à la déclaration d’intérêts des membres de la Commission européenne, des ministres du Canada, du Royaume-Uni ou d’Australie.
Pour les autres catégories de personnes concernées, comme l’a préconisé la Commission de réflexion, les règles de publicité actuellement applicables, en vertu d’autres textes, aux déclarations d’intérêts ne sont pas être remises en cause. Mais il n’y a pas d’extension des cas de publicité des déclarations. Si l’exigence de prévention des conflits d’intérêts implique que l’autorité dont les déclarants relèvent connaisse les intérêts déclarés, l’atteinte à la liberté individuelle et au respect de la vie privée que constituerait la publication des déclarations a semblé trop importante au regard du bénéfice qu’apporte la publicité.
Par ailleurs, ces déclarations seront exclues du droit d’accès aux documents administratifs prévu par la loi du 17 juillet 1978, mais sa propre déclaration restera accessible au déclarant. Les déclarations d’intérêts seront également communicables, à sa demande, à l’Autorité de la déontologie de la vie publique créée par le présent projet de loi (cf. infra), à l’exception des déclarations des membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, pour lesquels le principe constitutionnel d’indépendance des juridictions fait obstacle à ce que les déclarations puissent être transmises à une autorité administrative extérieure.
c) Instauration d’un dispositif de mandat de gestion sans droit de regard pour certains intérêts financiers des hauts responsables les plus exposés.
Afin de protéger les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique de tout soupçon de conflit d’intérêts en matière économique et financière, le projet de loi érige au niveau législatif le principe selon lequel les instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des AAI intervenant dans le domaine économique doivent être gérés dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part, pendant la durée de leurs fonctions. Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application du dispositif. Il précisera en particulier le périmètre des éléments du patrimoine financier concernés.
Il a paru justifié de n’imposer cette obligation très contraignante qu’aux membres du Gouvernement et des AAI intervenant dans le domaine économique : pour les autres agents publics, cette restriction à leur liberté de gérer leur patrimoine serait disproportionnée avec l’objectif poursuivi par le projet de loi.
Par ailleurs, la rédaction retenue laisse aux intéressés le choix entre détenir des instruments financiers qui ne sont, par nature, pas générateurs de conflits d’intérêts (placements non « dédiés ») ou, dans le cas contraire, confier leur gestion à un tiers sans droit de regard.
III.3. Confier à une autorité collégiale une mission générale et certaines attributions individuelles en matière de déontologie.
La plupart des pays comparables à la France qui se sont engagés dans une démarche de prévention des conflits d’intérêts disposent, comme il a été dit, d’une organisation administrative adaptée à cette exigence. Afin de renforcer l’efficacité de la démarche préventive et d’harmoniser les règles applicables à l’ensemble des responsables publics, il a été décidé de rassembler dans une même autorité les différentes instances existantes.
Cette Autorité de la déontologie de la vie publique, autorité administrative indépendante, sera chargée notamment de contribuer, par la prévention, à une meilleure prise en compte des questions de déontologie dans les administrations, de conseiller, à leur demande et de manière confidentielle, les personnes tenues de souscrire une déclaration d’intérêts et d’assurer les missions aujourd’hui dévolues aux commissions de déontologie existant pour les personnels civils et les militaires.
Il n’est pas prévu de modifications en ce qui concerne la commission pour la transparence financière de la vie politique. Ses missions ont été jugées suffisamment spécifiques et distinctes de l’objet du projet de loi pour continuer à être distinguées de celles de la nouvelle Autorité de déontologie.
a) La détermination des missions de la nouvelle Autorité
Le choix a été fait d’articuler la prévention des conflits d’intérêts autour d’une Autorité de déontologie de la vie publique, qui reprendrait les missions des actuelles commissions de déontologie, auxquelles s’ajouteraient les missions de prévention des conflits d’intérêts dans la sphère publique issues du présent projet de loi.
En revanche, il est apparu au Gouvernement qu’il ne serait ni opportun, ni efficace de conférer à cette Autorité des pouvoirs d’investigation plus intrusifs ou des pouvoirs propres de sanction. En cohérence avec le choix opéré par le Gouvernement de ne pas modifier le code pénal, la préconisation, présentée par le rapport de la Commission de réflexion, de doter la nouvelle autorité d’une possibilité d’injonction ou d’enquête et de créer une sanction pénale d’amende (assortie, le cas échéant, d’une peine d’inéligibilité ou d’interdiction d’exercer une fonction publique) en cas de méconnaissance des injonctions de l’Autorité constatant un conflit d’intérêts, n’a pas été retenue. Il convient en effet de ne pas entretenir la confusion quant au rôle de l’Autorité : elle doit s’inscrire dans une logique de prévention, de recommandation et de conseil, voire de décision, et non de poursuite ou de pénalisation. C’est à cette condition qu’un dialogue serein et transparent pourra s’établir entre les responsables publics et l’Autorité.
L’enjeu est que cette autorité soit en mesure d’intervenir aussi bien au moment de la prise de fonctions publiques que pendant l’exercice de celles-ci ou après leur cessation. En outre, une telle fusion répond aux exigences d’une gestion publique et d’une organisation administrative resserrées et efficaces.
L’Autorité est tout d’abord investie d’une double mission de conseil auprès des agents soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts et auprès du Gouvernement et des administrations. Elle peut ainsi émettre des avis -qui resteront secrets- à la demande des personnes devant déclarer leurs intérêts. Elle peut aussi, à la demande du Gouvernement ou de sa propre initiative, émettre des recommandations en matière de déontologie, qu’elle peut rendre publiques. Sa mission peut également la conduire à adresser des orientations aux personnes en charge de ces questions dans les administrations et, pour ce qui concerne les membres du Gouvernement, au secrétaire général du Gouvernement. S’agissant de la publicité des avis et recommandations de l’Autorité, le Gouvernement a souhaité, par ce choix, préserver autant que nécessaire la vie privée des personnes concernées ainsi que la qualité d’un dialogue orienté vers la prévention et le conseil. Ces missions de l’Autorité ne s’exerceront pas pour ce qui concerne les juridictions et leurs membres, compte tenu du principe constitutionnel d’indépendance des juridictions déjà mentionné.
Sont en outre transférées à l’Autorité les compétences actuelles de la commission de déontologie prévue à l’article 87 de la loi du 29 janvier 1993 précitée ainsi que celles de la commission de déontologie des militaires. Cette Autorité sera en effet chargée, en lieu et place de ces commissions, d’examiner les projets de départ des agents publics vers le secteur privé, les projets de création ou de reprise d’entreprise de ces mêmes agents et les autorisations demandées par les personnels de la recherche en vue de participer à la création d’entreprise et aux activités d’entreprises existantes.
b) Détermination du champ des personnels soumis au contrôle de l’Autorité de déontologie.
Le Gouvernement a souhaité reprendre, en adaptant leur champ, les dispositions existantes les plus larges, à savoir celles définissant le champ des personnes relevant de la commission de déontologie prévue par la loi du 29 janvier 1993. Il est en effet apparu nécessaire, non de changer les règles relatives à la déontologie des fonctionnaires, mais de consolider la doctrine interministérielle et inter-fonctions publiques progressivement élaborée par la commission et diffusée auprès des administrations depuis 1993.
Sont ainsi compris dans le champ de compétence de l’Autorité les collaborateurs du Président de la République, les membres des cabinets ministériels, les fonctionnaires et agents non titulaires des trois versants de la fonction publique, les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, les agents des autorités administratives indépendantes, les personnels médicaux hospitaliers mentionnés à l’article L. 6152-1 du code de la santé publique (notamment les praticiens hospitaliers) et les militaires.
c) Détermination des modalités de saisine de la nouvelle Autorité.
La saisine de l’Autorité doit pouvoir intervenir selon plusieurs voies en fonction de la nature de ses missions (cf. supra). S’agissant du contrôle déontologique, les règles de saisine de la commission de déontologie prévue à l’article 87 de la loi du 29 janvier 1993 et de la commission de déontologie des militaires ont été reprises, qu’il s’agisse du champ de la saisine obligatoire et des saisines facultatives, ou bien du périmètre des personnes soumises à son contrôle.
Ainsi la saisine de l’Autorité est obligatoire, préalablement à tout départ dans le secteur privé, pour les collaborateurs du Président de la République, les membres d’un cabinet ministériel, les agents en lien, dans l’exercice de leurs fonctions, avec des entreprises privées ainsi que les militaires, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Elle est rendue obligatoire pour les collaborateurs des autorités territoriales qui jusqu’alors étaient soumis à un régime d’information préalable obligatoire. Elle est également obligatoire préalablement à l’exercice de tout cumul pour création ou reprise d’entreprise.
Le dispositif issu de la loi du 29 janvier 1993 est cependant modifié s’agissant de la saisine de l’Autorité à l’initiative de son président. Celle-ci est désormais possible dans un délai de trente jours, et non plus dix jours, à compter de l’embauche de l’agent ou de la création de l’entreprise. Cette disposition doit permettre de donner toute sa portée à la procédure « d’auto-saisine » de l’Autorité, notamment dans le cas où ni l’agent, ni son administration n’auraient considéré dans un premier temps que le projet de départ concerné relevait du contrôle opéré par l’Autorité. Le président pourra donc saisir directement l’Autorité s’il estime que l’activité privée projetée est susceptible d’être interdite au regard des règles de droit applicables. Cette mesure est apparue comme le corollaire des modifications importantes intervenues avec la loi du 2 février 2007 : en rendant facultatives un grand nombre de saisines de la commission de déontologie, cette loi a en effet cherché à responsabiliser les administrations mais a modifié en profondeur le fonctionnement de la commission, et les administrations commencent seulement à s’approprier les nouvelles règles de saisine.
d) Composition de l’Autorité de déontologie de la vie publique
La nouvelle Autorité doit bénéficier d’une composition légère, gage d’efficacité, et en même temps « pluridisciplinaire ».
A cet effet, le projet de loi prévoit qu’elle sera composée à titre principal de cinq membres : un conseiller d’Etat, un conseiller maître à la Cour des comptes et trois personnalités qualifiées en matière de déontologie, désignées respectivement par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. Le président de l’Autorité sera choisi parmi ces membres. Les personnalités qualifiées pourront notamment provenir du secteur privé (déontologue d’entreprise …). Il n’a pas été estimé opportun d’adjoindre un magistrat judiciaire à l’Autorité dans la mesure où celle-ci se limite à un contrôle préventif, clairement distinct de la logique pénale.
A ces cinq membres, sera adjoint, en fonction de l’ordre du jour des séances, un membre représentant le versant de la fonction publique concernée (Etat, territoriale, hospitalière, militaire) ou la spécialité concernée (recherche). La composition du collège sera ainsi modulée en fonction de la fonction publique d’appartenance des agents, afin d’associer à chaque fois les personnalités les plus compétentes au débat.
Assisteront également, avec voix consultative, aux réunions du collège, en qualité de commissaires du gouvernement, selon les cas, un représentant du Premier ministre ou un représentant du ministre de la fonction publique ou un représentant du ministère de la défense. Par ailleurs, l’autorité dont relève l’agent pourra être invitée à intervenir. De la sorte, la structure resserrée qu’est l’autorité disposera de l’ensemble des éclairages nécessaires à l’exercice de ses missions.
4. Incidences de la réforme
4.1. Incidences pour les responsables publics dans le champ
Compte tenu de la reprise des compétences des commissions de déontologie par l’Autorité de déontologie de la vie publique, la principale mesure nouvelle susceptible d’avoir un impact sur les responsables publics sera l’obligation de déclaration d’intérêts et d’un mandat de gestion pour les responsables de certaines autorités administratives indépendantes (les membres du Gouvernement étant déjà soumis à cette dernière obligation en vertu d’instructions émanant du Premier ministre).
S’agissant de la déclaration d’intérêts, cette mesure concernera un nombre significatif de responsables publics : 30 à 40 membres du Gouvernement, environ 300 collaborateurs de cabinets ministériels et du Président de la République, 480 emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la discrétion du Gouvernement4, 260 présidents et membres des collèges d’AAI5, plusieurs centaines de présidents, directeurs généraux, directeurs généraux adjoints d’entreprises publiques chargées d’une mission de service public et d’établissements publics nationaux, 900 agents occupant les emplois fonctionnels concernés de la fonction publique territoriale, environ 500 collaborateurs de cabinet des autorités des collectivités territoriales6, 350 directeurs généraux des établissements hospitaliers concernés, environ 300 membres du Conseil d’Etat et 400 membres de la Cour des comptes. A ces agents, il conviendra également d’ajouter un nombre a priori indéterminé d’agents et d’experts dont le périmètre sera défini par décret en Conseil d’Etat.
Cette déclaration d’intérêts constituera néanmoins une formalité légère en termes administratifs, à la fois dans sa rédaction et dans son traitement, qui, en tant qu’obligation déclarative, ne donnera pas lieu à investigation ou contrôle externe et sera en premier lieu un outil de prévention, et de dialogue le cas échéant entre chaque responsable et son autorité de tutelle. Le dépôt étant déconcentré dans chaque administration et chaque organisme, la charge de travail en résultant sera, pour une même autorité administrative, relativement limitée.
Des avantages en termes de sécurité juridique sont attendus de cette mesure qui permettra aux intéressés et à leur hiérarchie de mieux appréhender les risques de conflits d’intérêts, avant même qu’ils ne produisent des conséquences préjudiciables pour eux et pour les fonctions qu’ils exercent. N’étant pas versée au dossier individuel des agents, la déclaration d’intérêts ne figurera pas au nombre des documents transmis à la CAP en cas de sanction disciplinaire. En revanche, en cas de poursuite pénale, le juge pénal pourra en avoir communication s’il en fait la demande.
S’agissant des conditions de gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des AAI intervenant dans le domaine économique, le choix est opéré de cibler cet encadrement sur les éléments de patrimoine financier susceptibles d’interférer avec l’exercice des fonctions. Ce choix permettra de protéger les personnes concernées, tout en limitant la contrainte qui leur est imposée. Le décret en Conseil d’Etat qui fixera les conditions d’application de l’article législatif permettra de préciser le périmètre concerné.
S’agissant des règles de déport et de suppléance, l’objectif est à nouveau de protéger les personnes et, à travers elles, les institutions dont elles sont membres, sans entraver le fonctionnement de ces institutions.
4.2. Incidences pour les administrations publiques
L’incidence du projet de loi sur l’organisation des ministères, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers n’est pas notable.
L’impact de la création de l’Autorité de déontologie de la vie publique doit être signalé. En cohérence avec le nouveau statut d’autorité administrative indépendante, les représentants des administrations employeurs ne siègeront pas au sein du collège comme ils siégeaient au sein de la commission de déontologie. Ils pourront toutefois être entendus lors de l’examen de cas individuels. Les liens nécessaires entre administrations et Autorité en charge du contrôle de déontologie devront donc être organisés de manière différente pour assurer l’efficacité du système, qui jusqu’ici reposait largement sur une responsabilisation des administrations. A cette fin, les administrations seront invitées à désigner des personnes ressources en matière de déontologie, conformément à la préconisation du rapport de la Commission de réflexion d’instituer des déontologues dans les administrations publiques.
Enfin, l’impact budgétaire de cette création sera limité. Le projet de loi conduit à supprimer les deux commissions de déontologie existantes placées respectivement auprès du ministre de la fonction publique et du ministre de la défense. Les besoins de fonctionnement de l’Autorité correspondront à ceux des actuelles commissions, auxquels s’ajouteront les besoins nouveaux correspondant aux compétences résultant du présent projet de loi (pouvoir d’avis sur les risques de conflits d’intérêts et de recommandation sur la prévention des conflits d’intérêts). A cet égard, les moyens dont bénéficiera l’Autorité peuvent être évalués à environ une dizaine d’ETP, répartis de manière équilibrée entre les trois catégories hiérarchiques A, B et C. S’agissant des membres de l’Autorité, seul le président serait appelé à exercer ses fonctions à temps complet.
4.3 Incidences économiques et sur le fonctionnement des entreprises.
Compte tenu de l’absence de modification du contrôle de déontologie issu de la loi du 29 janvier 1993, l’impact économique et l’impact sur le fonctionnement des entreprises sont inexistants. En particulier, les dispositions du projet de loi ne feront pas obstacle aux mobilités entre secteur privé et public prévues actuellement par les textes.
IV. Mesures d’application et période transitoire
Le chantier réglementaire consécutif à l’adoption de ce projet de loi est limité. En l’état, le projet de loi prévoit en effet une quinzaine de décrets d’application (cf. tableau ci-après).
Un article spécifique sécurise le transfert des dossiers individuels entre les commissions de déontologie et l’Autorité de la déontologie de la vie publique, en prévoyant que les procédures en cours devant ces commissions à la date d’installation de l’Autorité se poursuivent devant cette dernière. Il est par ailleurs prévu que les dispositions relatives aux déclarations d’intérêts soient applicables aux personnes en fonctions à la date d’entrée en vigueur du décret mettant en œuvre ce mécanisme.
Le texte ne comporte aucune adaptation, ni exclusion, ni mention expresse d’applicabilité outre-mer. Dans les départements d’outre-mer, le projet de loi s’appliquera de plein droit. Pour les collectivités d’outre-mer de l’article 74 de la Constitution et pour la Nouvelle-Calédonie, l’application sera de plein droit pour les agents publics de l’Etat ; pour les autres agents, notamment les agents appartenant à la fonction publique locale, l’applicabilité de la loi dépend des dispositions spécifiques régissant chaque collectivité et des compétences respectives Etat/territoire dans le domaine de la fonction publique. En Polynésie française, la fonction publique communale ne sera pas concernée, bien que relevant de la compétence de l’Etat, en l’absence de mention expresse d’applicabilité ; il en est de même pour la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et des communes et pour la fonction publique locale de Wallis et Futuna, ces matières relevant de la compétence des deux collectivités. En revanche, la loi s’appliquera tant aux agents publics de l’Etat qu’aux agents de la fonction publique locale à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon dans la mesure où la matière ne relève pas de la compétence du territoire et où les dispositions applicables prévoient dans ce cas une application de plein droit de la loi.
V. Consultations menées
Dans le cadre des travaux de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, une importante série d’auditions a été réalisée, sollicitant quelque 45 personnalités représentatives du monde politique, administratif, syndical, universitaire et économique. La rédaction du rapport de la Commission a également donné à de nombreuses consultations auprès des administrations compétentes.
Par ailleurs, dans le cadre de la préparation du présent projet de loi, le conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, celui de la fonction publique territoriale et celui de la fonction publique hospitalière ont été consultés, respectivement les 14 juin, 22 juin et 16 juin 2011, ainsi que le conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le 5 juillet 2011 et le conseil supérieur de la Cour des comptes, le 1er juillet 2011.
Une partie des dispositions du projet de loi sont d’application directe et entreront en vigueur à la date de publication de la loi. Toutefois, un certain nombre de textes réglementaires devront être pris, dont la liste suit :
Dispositions appelant un décret d'application
N° d'ordre |
Article de la loi |
Objet |
Ministre(s) rapporteur(s) |
1 |
Article 1er |
Règles de déport applicables aux membres du Gouvernement |
Premier ministre |
2 |
Article 2 |
Champ d’application de la déclaration d’intérêts : - Liste des entreprises publiques et établissements publics de l’Etat dont les présidents, directeurs et directeurs adjoints sont soumis à la déclaration d’intérêts - Liste des responsables des cabinets des autorités territoriales soumis à la déclaration d’intérêts - Liste des agents publics, experts ou personnes chargés d’une mission de conseil pour le compte d’une personne publique soumis à la déclaration d’intérêts |
Fonction publique lntérieur |
3 |
Article 3 |
Dispositions générales et particulières relatives à la déclaration d’intérêts (modèles, contenu, conditions de mise à jour et de conservation, conditions de publicité pour les membres du Gouvernement, autorité destinataire) |
Premier ministre (membres du Gouvernement) Fonction publique lntérieur Santé |
4 |
Article 4 |
Dispositions relatives à l’encadrement de la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des AAI intervenant dans le domaine économique |
Premier ministre et Economie |
5 |
Articles 6 à 13 |
Dispositions relatives au fonctionnement de l’Autorité de la déontologie de la vie publique, notamment : - Liste des militaires pour lesquels la saisine de l’Autorité est obligatoire pour l’appréciation de compatibilité prévue au 6° de l’article 7 de la loi (article 8-3°) - Dispositions relatives aux retenues sur pension susceptibles d’être appliquées aux fonctionnaires ou agents publics méconnaissant les règles de saisine ou les avis de l’Autorité (article 11-III) - Modalités de représentation, avec voix consultative, de l’autorité de nomination ou de gestion des agents, aux séances de l’Autorité (article 12) - Autres règles de fonctionnement de l’Autorité et de procédure. |
MINDEF pour le premier Fonction publique pour les autres décrets |
1 La notion de « conflits d’intérêts » a fait l’objet de tentatives récentes de définition, soit de la part d’organisations internationales (l’OCDE et le Conseil de l’Europe), soit de la part d’Etats ayant adopté une législation relative à la prévention des conflits d’intérêts, comme le Canada.
2 Un doute subsiste, en l’état de la jurisprudence, sur l’application de ces règles aux collaborateurs de cabinet n’ayant pas, avant leur nomination, la qualité d’agent public.
3 cf. articles 432-11 à 432-14 du code pénal.
4 Données DGAFP, comprenant notamment 125 préfets, 150 directeurs d’administration centrale et secrétaires généraux, 173 ambassadeurs et 26 recteurs.
5 Données Légifrance, 2010.
6 Données CNFPT, 2007 − « Nouvel état des lieux des emplois de direction dans les grandes collectivités au 31 décembre 2005 », p. 29 à 40.