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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

_____________________________________________________

R A P P O R T D’ I N F O R M A T I O N

présenté à la suite de la mission effectuée en Algérie

du 16 au 22 avril 2011

par une délégation du

GROUPE D’AMITIÉ FRANCE - ALGÉRIE (1)

_____________________________________________________

(1) Cette délégation était composée de M. Bernard Derosier, Président, de MM. Jérôme Lambert et Georges Mothron, Vice-Présidents, et de M. Jean Proriol.

SOMMAIRE

CARTE 5

INTRODUCTION 7

I. Le printemps algérien, une transition ordonnée 11

A. Une crise d’abord économique et sociale 11

1.  Un mécontentement général contre les inégalités et les difficultés de la vie quotidienne 11

2.  Un contexte politique particulier : pluralisme de la presse, atomisation de la classe politique et souvenir des années noires 13

B. Une transition en deux temps 15

1.  Début février : des mesures d’ouverture 15

2.  Mi-avril : un programme de réformes politiques 16

II. La relation bilatérale : une volonté commune de renforcer les liens entre la France et l’Algérie 21

A. La densité retrouvée de la relation bilatérale 21

1.  La relance d’un dialogue de haut niveau : une approche originale, la mission des deux « facilitateurs » 21

2.  La mémoire en partage, l’avenir aussi 24

B. Une forte attente : un nouveau partenariat économique et
universitaire
26

1.  Des entreprises attendues 26

2.  Une coopération universitaire qui s’inscrit dans une problématique
identi
que
32

III. Les échanges parlementaires : un meme désir, les approfondir 39

A. Des liens étroits, un dialogue fécond 39

1.  Les deux groupes d’amitié : un choix, privilégier des signes concrets d’avancées dans les relations 39

2.  Les entretiens de la délégation avec les représentants des groupes parlementaires : un dialogue franc et sincère 41

B. Aller plus loin : la Grande Commission interparlementaire franco-algérienne 42

Annexe 1 : Programme de la mission 45

Annexe 2 : Entretiens parlementaires 51

CARTE

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INTRODUCTION

À l’invitation de M. Belkacem Belabbes, président du groupe parlementaire d’amitié Algérie - France de l’Assemblée Populaire Nationale (APN), une délégation du groupe d’amitié France – Algérie de l’Assemblée nationale s’est rendue à Alger, Oran, Relizane et Sétif du 16 au 22 avril 2011. Conduite par M. Bernard Derosier, député (SRC) du Nord, président du groupe d’amitié, elle était composée de MM. Jérôme Lambert, député (SRC) de Charente, Georges Mothron, député (UMP) du Val d’Oise, vice-présidents du groupe d’amitié, et Jean Proriol, député (UMP) de Haute-Loire.

Quelques semaines après l’arrivée inattendue du « printemps arabe », et au lendemain des annonces faites par le Président de la République algérienne, M. Abdelaziz Bouteflika, la visite de la délégation française s’inscrivait dans un contexte mouvant, mais particulièrement passionnant.

En matière bilatérale, la délégation s’est vivement intéressée à la mission confiée en matière économique à deux « facilitateurs » (MM. Jean-Pierre Raffarin, vice-président du Sénat, ancien Premier Ministre, et Mohamed Benmeradi, ministre algérien de l’Industrie, des PME-PMI et de la promotion de l’investissement), dont le caractère innovant a retenu son attention.

S’inscrivant dans le cadre des relations aujourd’hui régulières et nourries entre les groupes d’amitié des deux assemblées, cette visite avait aussi pour objectif le suivi des actions menées conjointement par MM. Belabbes et Derosier depuis le début des législatures de chacune des deux assemblées, en 2007. La délégation a également tenu des séances de travail avec les groupes politiques de l’APN et a exploré avec eux les possibilités de renforcement de la coopération interparlementaire.

Enfin, la visite a été ponctuée par un geste mémoriel d’importance, puisqu’à Sétif les parlementaires français et algériens ont déposé une gerbe de fleurs en hommage aux victimes des massacres du 8 mai 1945.

Choses vues, choses dites, le présent rapport a pour objet de traduire les impressions de la délégation, tout au long de cette visite. En toute amitié, mais aussi en toute franchise, car, pour reprendre les mots même de S.E.M. Mourad Medelci, « l’amitié est quelque chose de sacré, mais il n’y a pas d’amitié sans franchise ».

Les membres de la délégation tiennent à exprimer leurs remerciements les plus vifs aux autorités algériennes parlementaires, et tout particulièrement, à l’Assemblée Populaire Nationale, à M. Seddik Chiheb, vice-président chargé des relations internationales, ainsi qu’à M. Belkacem Belabbes, président du groupe parlementaire d’amitié Algérie - France, et au bureau du groupe d’amitié, pour la très haute qualité et la chaleur de l’accueil qui leur a été réservé.

Ils remercient également S.E.M. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, S.E.M. Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, des PME-PMI et de la promotion de l’investissement, S.E.M. Nacer Mehal, ministre de la Communication, et S.E.M. Amar Tou, ministre des Transports, qui ont accordé à la délégation des entretiens très constructifs.

Leurs remerciements s’adressent aussi à MM. Abdelmalek Boudiaf, wali d’Oran, Abdelkader Kadi, wali de Relizane, Abdelkader Zoukh, wali de Sétif, et Mohamed Dib, président de l’Assemblée Populaire Communale de Sétif, qui leur ont présenté des projets réalisés ou en voie de l’être dans leurs wilayas et mairie respectives. Les représentants du Forum des chefs d’entreprise et les chefs d’entreprises de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française ont dressé un panorama précis du contexte dans lequel évoluent les entrepreneurs. M. Philippe Sauvard, directeur du projet Métro Alger pour Siemens, a permis à la délégation, en organisant la visite de ce site, de constater le dynamisme de la présence économique française directe et les contreparties positives qu’en retirent les deux pays.

Enfin, les membres de la délégation remercient l’Ambassadeur, Haut Représentant de la France en Algérie, S.E.M. Xavier Driencourt, pour son concours précieux dans la préparation et le déroulement de cette visite, ainsi que l’ensemble du personnel de l’ambassade – en particulier M. Louis-Xavier Thirode –, dont ils ont apprécié la courtoisie, l’efficacité et la disponibilité.

I. Le printemps algérien, une transition ordonnée

Hasard – mais le hasard fait bien les choses –, la délégation est arrivée à Alger au lendemain d’annonces très attendues faites par le Président Bouteflika dans un discours télévisé, le premier depuis sa réélection en avril 2009 pour un troisième mandat.

Depuis décembre dernier, l’ensemble du monde arabe est secoué par une « crise démocratique », d’ampleur variable. Dans tous les pays de la rive sud de la Méditerranée, les rapports politiques et sociaux sont à redéfinir. Certains pays gèrent l’après révolution ; d’autres ont choisi une terrible répression. Dans d’autres encore, les autorités ont pris les devants en s’engageant résolument dans un processus d’ouverture.

L’Algérie a choisi une transition ordonnée, en deux temps, relançant une transition démocratique anticipée voilà déjà vingt ans, mais interrompue par la décennie noire.

A. Une crise d’abord économique et sociale

Foisonnement des journaux, disparition dès 1989 du parti unique, renouvellement des dirigeants à intervalles réguliers, l’Algérie avait su laisser à ses citoyens un espace de liberté politique bien plus grand que ceux accordés par les régimes voisins.

Toutefois l’insuffisance de perspectives d’avenir couplée aux difficultés de la vie quotidienne ont fait se multiplier depuis janvier des mouvements fragmentés, sporadiques, relativement violents.

1.  Un mécontentement général contre les inégalités et les difficultés de la vie quotidienne

D’est en l’ouest de l’Algérie, les grèves et manifestations pour revendiquer des modifications de statut et/ou des augmentations de salaire se sont multipliées depuis janvier, dans tous les secteurs d’activité, y compris proches du pouvoir. Plus de 70 mouvements sociaux ont été décomptés au cours du mois précédant la venue de la délégation : greffiers, agents municipaux, gardes communaux, avocats, employés para-médicaux, étudiants, chômeurs, médecins, victimes du terrorisme, « patriotes » de la guerre civile, employés de la Poste, de la Sonatrach, d’entreprises privatisées, enseignants contractuels…

Une pression économique et sociale similaire à celles qui se sont manifestées dans d’autres pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est clairement perceptible, même si l’Algérie se caractérise par la permanence d’un bruit de fond social : on compte environ 9 000 émeutes par an.

Dans ce pays jeune (65 % de la population a moins de trente ans), la pression démographique reste forte et l’économie algérienne, dont le secteur productif est dominé de façon écrasante par les hydrocarbures (98 % des exportations), ne peut absorber les 150 000 entrants annuels sur le marché du travail, en dépit des efforts des autorités.

Depuis 2005, grâce à la remontée des prix du pétrole, au remboursement anticipé de la dette extérieure et à la constitution de confortables réserves de change (de l’ordre de 150 milliards de dollars en 2010), les autorités algériennes s’efforcent d’assurer le décollage économique du pays. Ainsi, depuis 10 ans, quelque 500 milliards de dollars ont été injectés dans des structures économiques et sociales dont la plupart étaient en déshérence.

Centrée sur la mise à niveau des infrastructures, élément certes indispensable, cette politique peine toutefois à accroître la capacité de production de l’économie algérienne dans des proportions suffisantes pour répondre aux aspirations d’une jeunesse en quête d’emplois stables et de logements. Par ailleurs, l’inflation rogne de façon systématique des salaires relativement faibles.

Dans ce décor de vie quotidienne difficile et d’inégalités accrues, l’interdiction du crédit à la consommation qu’a imposée la loi de finances complémentaire pour 2009 a eu pour effet de renforcer les frustrations sociales. En effet, cette facilité était principalement utilisée pour des achats d’automobiles, absolument nécessaires pour se déplacer dans l’Algérie d’aujourd’hui, en dépit des projets d’infrastructures collectives de transport, de grande qualité, que la délégation a pu visiter, et dont l’achèvement permettra une amélioration de la vie quotidienne des habitants d’Alger, d’Oran et de Sétif.

Le renchérissement du prix de certains produits de base, dans un contexte de hausse du prix des hydrocarbures – et donc de ressources financières accrues pour l’Algérie – a été le catalyseur de ces frustrations sociales aiguës, qui poussent les Algériens à privilégier une stratégie individuelle tournée vers un désir d’ailleurs.

Mais ce sentiment de frustration, voire de colère, aussi bien dans les classes moyennes que dans les catégories sociales les plus modestes s’est plus traduit par l’exigence d’un nouveau pacte social et économique interne que par une contestation frontale du système politique, comme en Tunisie ou en Égypte.

2.  Un contexte politique particulier : pluralisme de la presse, atomisation de la classe politique et souvenir des années noires

« À quand le tour de l’Algérie ? » s’interrogeait-on en janvier-février dans les medias, notamment français. Mais l’Algérie n’a pas été emportée par la vague révolutionnaire, car elle se distingue de la Tunisie et de l’Egypte sur des points qui se révèlent essentiels.

D’abord, un renouvellement régulier des responsables politiques (en trente ans, l’Algérie aura connu six Présidents de la République), et la prise de conscience, y compris dans la majorité présidentielle, de la nécessité d’évolutions maîtrisées dans le mode d’exercice du pouvoir. En témoignent les idées lancées dès janvier de révision de la Constitution ou de remaniement gouvernemental. À l’opposé de la situation qu’ont connue des pays voisins, la contestation n’a pas pu se focaliser sur une personne ou une famille cibles de toutes les récriminations.

En second lieu, un pluralisme médiatique indéniable. L’Algérie possède une presse bien plus libre que la plupart des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Elle compte une trentaine de journaux, édités aussi bien en arabe qu’en français. S’il n’en va pas de même pour les médias audiovisuel (une seule radio et télévision d’État divisées en plusieurs chaînes), les paraboles (une, voire deux) qui ornent chaque fenêtre ou presque démontrent que les Algériens ont un large accès à d’autres canaux d’information, souvent français, mais de plus en plus moyen-orientaux. En effet, l’arrêt de la diffusion en analogique et le passage au numérique désavantagent les chaînes françaises, dont les abonnements payants sont plus coûteux que ceux de leurs concurrentes arabes.

Troisièmement, un multipartisme déjà ancien mais une participation politique atomisée. C’est en effet dès la fin des années 1980, à la suite des émeutes d’octobre 1988, que l’Algérie instaure le multipartisme et la liberté d’expression. Près de soixante partis politiques ont existé depuis cette date. Vingt-six partis sont reconnus, et vingt-trois partis ont obtenu au moins un siège à l’Assemblée Populaire Nationale lors des dernières élections législatives, en mai 2007. Mais seuls sept d’entre eux ont plus de dix députés chacun. La Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), regroupant une quinzaine de partis et d’associations a tenté de conduire des manifestations hebdomadaires à Alger, qui n’ont rassemblé que quelques centaines de manifestants et ont toutes été empêchées par un important dispositif policier. L’échec relatif de cette stratégie a conduit à une scission au sein de la CNCD dès le 23 février dernier. Les groupes islamiques ayant leurs racines dans le Front islamique du salut (interdit) n’ont pas plus réussi à susciter une adhésion populaire.

Enfin, le souvenir de la « décennie noire ». Les Algériens s’accordent à dire que si leur pays n’a pas suivi l’exemple de la Tunisie, de l’Égypte et de la Libye, c’est à cause des terribles souvenirs laissés par le conflit avec les extrémistes islamistes qui, dans les années 1990, a fait plus de 100 000 morts. La violence de la guerre civile née en Libye à la suite de la rébellion d’une partie de la population n’a fait que renforcer ces craintes.

Les Algériens ne veulent pas d'une révolution. Ils entendent plutôt, aujourd'hui, profiter de la conjoncture pour obtenir, d’une part, une redistribution des fruits de la rente pétrolière et, d’autre part, une réforme politique.

B. Une transition en deux temps

Devant cette contestation sociale qui allait en s’amplifiant, les autorités algériennes ont d’abord annoncé des mesures en faveur de l’emploi (notamment pour les jeunes) et du logement, le retour à une plus grande tolérance à l’égard du secteur informel, des efforts pour une meilleure efficacité économique, puis des réformes politiques dont le contenu sera discuté au cours des mois à venir.

1.  Début février : des mesures d’ouverture

Les interlocuteurs de la délégation ont tous montré une conscience vive de la nécessité de répondre aux aspirations exprimées par la société, ce que le Premier Ministre Ahmed Ouyahia a parfaitement résumé en affirmant le 30 mars dernier que « le Gouvernement ne peut pas tourner le dos à la société ».

Les mesures annoncées en Conseil des Ministres le 3 février ont apporté une première série de réponses à la tension sociale :

- Renforcement des efforts en matière d’emploi et de logements. Plus de 190 000 nouveaux logements ont été réceptionnés en 2010 (la délégation a pu constater lors de ses déplacements en province la multiplication des chantiers et des ensembles immobiliers neufs) mais la persistance de contentieux juridiques bloque l’achèvement des chantiers sur certains sites ou la distribution des logements sociaux achevés. Le Président Bouteflika a ordonné le lancement en 2011 des travaux de construction d’au moins un tiers des 700 000 logements prévus dans le programme de logements ruraux et a appelé à intensifier la construction de 340 000 logements destinés à la résorption de l’habitat précaire.

- Préservation du pouvoir d’achat des citoyens algériens. Augmentation de salaires, attribution de primes, intégration de contractuels, relâchement de la lutte contre le secteur informel, considéré comme un amortisseur social sans substitut pour le moment, consolidation des dispositifs de régulation des prix, etc. La priorité est donnée à la stabilité sociale, condition essentielle d’une évolution maîtrisée. Et ce d’autant que l’Algérie a les moyens de cette politique d’apaisement : toute hausse de 2 dollars du prix du baril se traduit par une recette annuelle supplémentaire de 1 milliard de dollars, or le prix du baril a augmenté de plus de 25 dollars depuis le début de l’année.

- Satisfaction de revendications anciennes. Outre la levée – sous conditions – de l’état d’urgence en vigueur depuis 19 ans, ont aussi été annoncés la possible dépénalisation de l’acte de gestion des responsables des entreprises publiques, une couverture équitable des partis et organisations légales par les médias audiovisuels, et un traitement plus respectueux des citoyens dans leurs relations avec les administrations, en particulier la police.

2.  Mi-avril : un programme de réformes politiques

À la veille de l’arrivée de la délégation, le Président Abdelaziz Bouteflika s’est adressé à ses concitoyens dans une intervention télévisée très attendue, la première depuis sa réélection en avril 2009, et la première aussi depuis le déclenchement des révolutions arabes.

Outre un bilan de ses politiques de réconciliation nationale et de développement économique et social, il a annoncé un programme de réformes politiques, ce qui était réclamé à la fois par l’opposition mais aussi par l’Alliance Présidentielle.

Une seconde intervention du Président Bouteflika en Conseil des Ministres, le 2 mai, a précisé la démarche et le calendrier de la réforme.

Une commission, présidée par le Président du Conseil de la Nation, M. Abdelkader Bensalah (désigné à cet effet par le Président Bouteflika le 2 mai,) assisté du général-major Touati, ancien chef du Conseil de sécurité de la présidence, et de M. Mohamed-Ali Boughazi, conseiller du Président et ancien ministre, procèdera à une large consultation des partis politiques reconnus et de personnalités et experts. Elle sera chargée à la fois d’élaborer des propositions de modification de la Loi fondamentale, mais aussi de suivre l’ensemble de la réforme politique.

Avant l’automne, le Parlement examinera six projets de loi organique et ordinaire, dont, pour certains, il était déjà saisi.

D’une part, trois projets relatifs aux élections et aux partis :

- révisant profondément le code électoral, en concertation avec tous les partis politiques « qu’ils soient ou non représentés au Parlement », en vue de permettre aux Algériens « d’exercer leur droit dans les meilleures conditions, empreintes de démocratie et de transparence »,

- révisant la loi sur les partis politiques (une dizaine de partis attendent depuis plus de dix ans leur agrément par le ministre de l’Intérieur),

- et mettant en application la révision constitutionnelle de 2008 relative à la représentation des femmes au sein des assemblées élues.

D’autre part, trois projets relatifs aux liens des citoyens avec le pouvoir :

- définissant les cas d’incompatibilité avec un mandat parlementaire,

- assouplissant les règles relatives aux associations, appelées à jouer un rôle accru de médiation entre les citoyens et les pouvoirs publics,

- et, enfin, renforçant les prérogatives des assemblées locales et augmentant leurs moyens humains et matériels, afin de leur permettre d’exercer pleinement leurs prérogatives et, partant, de rapprocher les centres de décision des administrés dans un certain nombre de domaines.

C’est dans ce cadre rénové que se tiendront les élections locales et législatives de 2012. Le Parlement nouvellement élu sera alors appelé à examiner la réforme constitutionnelle, issue des travaux de la commission, et éventuellement soumise à référendum.

En matière de presse et communication, le même Conseil des Ministres du 2 mai a adopté un projet de loi dépénalisant le délit de presse, réclamé de longue date (si en pratique les peines de prison prévues dans le code pénal n’étaient pas prononcées ces dernières années, le délit de presse n’en constituait pas moins une épée de Damoclès incompatible avec la liberté d’expression).

La révision de la loi sur les medias devrait permettre la création de « chaînes thématiques spécialisées et ouvertes à toutes les opinions, dans leur diversité ». Il ne semble pas envisagé, à ce stade, de mettre fin au monopole d’État des médias audiovisuels.

La presse non gouvernementale et l’opposition ont accueilli avec scepticisme ces propositions, regrettant en particulier l’absence d’assemblée constituante. Le 26 avril, le Front des Forces Socialistes a annoncé qu’il ne participerait pas aux travaux de la commission de réforme politique, alors que la précision apportée par le Président Bouteflika dans son discours du 15 avril (« partis représentés ou non ») lui garantissait d’y être associé.

Chaque situation est unique et c’est à chaque peuple, avec son histoire et ses spécificités, de prendre son destin en main et de créer son propre modèle. La délégation considère que ces annonces sont un premier pas très intéressant, qui va dans la bonne direction. Évoluer, se réformer, c’est toujours répondre aux aspirations légitimes du peuple. La délégation suivra avec attention la mise en place de ces réformes annoncées et les propositions qui sortiront des débats, qu’elle souhaite les plus ouverts possible, puisque les réformes sont espérées par tous.

Elles couvrent un champ très large, même si sur certains textes les préparatifs sont bien avancés. Les mois à venir seront très denses, d’autant que la session d’automne de l’APN sera accaparée par la discussion budgétaire. Mais les parlementaires algériens et les quatre ministres que la délégation a rencontrés se sont tous déclarés prêts à travailler sans relâche pour aboutir.

Les réformes annoncées sont porteuses, menées à bien, d’un changement substantiel. L’Algérie a précédé tous ses voisins sur la voie du changement démocratique, dès la fin des années 1980. Elles renouent, au bénéfice de tous les citoyens algériens, ce fil tragiquement interrompu.

II. La relation bilatérale : une volonté commune de renforcer les liens entre la France et l’Algérie

Traditionnellement, ce sont l’histoire et la géographie qui forgent l’étroitesse des liens entre la France et nombre de pays.

L’Algérie fait donc, par définition, partie du cercle très limité de pays avec lesquels la France entretient une relation privilégiée, même si cette relation n’est pas exempte de vicissitudes. Mais quoi d’extraordinaire ? De part et d’autre de cette mer Méditerranée, ce sont aussi des liens humains – et donc vivants – qui nous unissent.

La visite de la délégation s’est inscrite dans une séquence particulièrement positive de ces échanges, marqués par un nouveau rythme, en particulier grâce à la mission confiée en matière économique à deux « facilitateurs » (MM. Jean-Pierre Raffarin, vice-président du Sénat, ancien Premier Ministre, et M. Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, des PME-PMI et de la promotion de l’investissement).

Le caractère innovant de cette démarche a retenu l’attention du groupe d’amitié, et la délégation a donc souhaité centrer sa visite sur la relation économique bilatérale.

A. La densité retrouvée de la relation bilatérale

Après avoir connu un certain ralentissement, les relations bilatérales entre la France et l’Algérie ont été relancées depuis quelques mois.

1.  La relance d’un dialogue de haut niveau : une approche originale, la mission des deux « facilitateurs »

Dès la première élection du Président Bouteflika en 1999, la France et l’Algérie avaient manifesté leur volonté de refonder la relation bilatérale.

La « Déclaration d’Alger » de mars 2003, signée par les deux Présidents de la République d’alors, MM. Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, visait à faire de cette relation un « partenariat d’exception ».

La Convention de Partenariat (approuvée par le Sénat le 20 juillet 2009 et par l’Assemblée nationale le 9 février 2010), l’accord de coopération dans le domaine de la défense et un accord de coopération en matière de nucléaire civil, entré en vigueur le 30 juin 2009 et alors inédit dans la région Afrique du Nord / Moyen Orient sont autant de traductions concrètes de ce partenariat, souhaitées par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy lors de sa visite d’État en décembre 2007, comme par le Premier Ministre, M. François Fillon lors de son déplacement en juin 2008.

La volonté de la France de progresser dans cette voie est toujours aussi forte. Celle de l’Algérie aussi, comme la délégation a pu le constater lors de son entretien avec S.E.M. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a en effet déclaré souhaiter profiter d’une « conjoncture aujourd’hui meilleure qu’elle n’a jamais été » et de « relations dans un contexte de sérénité et de franchise où la confiance est au rendez-vous, au service des États, des populations, des deux côtés ».

Certes, cette relation n’est pas exempte de nuages. Des irritants parfois l’assombrissent, qu’il s’agisse des questions de mémoire, de considérations sécuritaires liées au terrorisme, ou encore de contentieux judiciaires ou commerciaux. Mais pour S.E.M. Mourad Medelci – et la délégation partage pleinement son avis –, « des hauts et des bas dessinés sur une cime très haute relativisent la notion de hauts et de bas ».

Cela ne signifie pas que la France et l’Algérie soient d’accord sur tout. Mais une relation de qualité permet à chaque partie de comprendre la position des uns et des autres et de lui reconnaître une logique propre.

La délégation s’est particulièrement intéressée à la relation économique bilatérale. En effet, sans renoncer à la qualité de leurs relations sociales et culturelles, la France comme l’Algérie ont fait aujourd’hui le choix d’une approche originale, progressive, recentrée sur le développement des échanges économiques.

Si ceux-ci sont facilités par différents facteurs liés aux habitudes, à la langue, au mode de consommation, à l’émigration algérienne en France, un triple reproche a été adressé à la délégation par ses interlocuteurs, qui considèrent que les échanges privilégient le commerce sur l’investissement, l’immédiat sur la durée, et ne permettent pas de créer assez d’emplois qualifiés et de développer les filières locales en Algérie.

À l’été 2010, la France s’est vu proposer de travailler sur une liste précise de douze dossiers, et de nommer, de part et d’autre, deux personnalités qui en seraient chargées. Dans trois de ces douze dossiers (Total, Renault, Lafarge), il s’agit d’aider l’Algérie à construire trois filières industrielles complètes prometteuses, créatrices de valeur ajoutée et génératrices d’emplois : 20 000 au total, trois à quatre fois plus en emplois indirects.

Désigné par le Président de la République le 2 septembre, M. Jean-Pierre Raffarin a choisi de limiter dans le temps sa mission, de façon à lui assurer un plus grand dynamisme. Du côté algérien, M. Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, de la petite et moyenne entreprise et de la promotion de l’investissement, s’est vu confier ce dossier.

M. Raffarin s’est rendu à Alger le 24 novembre 2010, les 20-21 février 2011, puis les 30 et 31 mai. Les résultats de ses visites ont constitué autant de signes politiques forts et très positifs. Les deux facilitateurs ayant décidé d’un rythme de « points d’étape » environ tous les mois et demi - deux mois, M. Benmeradi s’est rendu à son tour à Paris les 20 et 21 avril.

Le groupe d’amitié France–Algérie de l’Assemblée nationale s’est montré vivement intéressé par cette approche, étant lui-même porteur de longue date d’un projet de rapprochement des PME/PMI des deux pays.

À l’initiative de son Président, M. Bernard Derosier, il a donc convié M. Raffarin à venir présenter sa mission devant les députés français, le 1er mars.

La délégation française a également souhaité rencontrer à Alger son homologue. Ce que ce dernier a très gracieusement accepté, à quelques heures de son départ pour Paris pour un point d’avancement des dossiers.

La délégation a enfin choisi de visiter l’un des douze « chantiers » examinés par les facilitateurs, celui du métro d’Alger. Ce projet, en cours depuis 30 ans, est quasiment terminé, et il est aujourd’hui envisageable de le voir circuler à la fin de l’année, pour le plus grand bénéfice de la population algéroise.

Les impressions que retire la délégation de ces visites sur le terrain sont présentées ci-après.

Un nouvel élan est donc indéniable, et la délégation s’en réjouit. Outre les visites mentionnées précédemment de MM. Raffarin et Benmeradi, l’accueil réservé tout au long de l’automne 2010 à Mme Idrac, Secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur en septembre 2010, ainsi qu’à son successeur, M. Pierre Lellouche, en mai 2011, à M. Chevènement venu à Alger et à Oran aux mêmes dates, à Mme Alliot-Marie, ministre d’État, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés, les 17 et 18 octobre, démontre la qualité et la densité des contacts bilatéraux.

2.  La mémoire en partage, l’avenir aussi

La délégation a choisi de ponctuer sa visite par un geste mémoriel d’importance : à Sétif les parlementaires français et algériens ont, ensemble, déposé une gerbe de fleurs en hommage aux victimes des massacres du 8 mai 1945.

Car l’économie ne peut pas être la seule facette des relations entre les deux pays. Il s’agit aussi de sensibilités, d’état d’esprit.

Or les questions de mémoire, des séquelles de la guerre d’indépendance, de la perception par la France de son héritage colonial, ont été évoquées par la plupart des interlocuteurs de la délégation, en particulier au Parlement (cf. infra, annexe 2 Entretiens parlementaires).

Ces sujets sont légitimes. Les interlocuteurs de la délégation exprimaient les sentiments de leurs concitoyens, qui les ont élus.

Les faits ont été reconnus. Le geste de la délégation s’inscrit en effet à la suite des discours de deux ambassadeurs de France, S.E.M. Colin de Verdière à Sétif en février 2005, qualifiant les massacres de Sétif de « tragédie inexcusable », et S.E.M. Bernard Bajolet, à Guelma en avril 2008, reconnaissant la « très lourde responsabilité » de la France. Il s’inscrit surtout dans la suite du discours que le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a prononcé à Constantine lors de sa visite d’État et dans lequel il reconnaissait sans ambiguïté le caractère injuste du système colonial et de la répression en Algérie. Car pour construire l’avenir, il faut reconnaître le passé, en être conscient et l’assumer.

Ce passé et ces faits restent douloureux et vivants dans la mémoire des Algériens ainsi que dans celle des Français. Il faudra sans doute encore du temps pour que les uns et les autres les évoquent avec plus de sérénité.

Mais aujourd’hui la majorité des Algériens et des Français sont nés après la fin de la guerre d’indépendance. N’est-il pas alors temps de s’interroger ? Le souvenir, ce ne doit pas être la répétition indéfinie du passé au point d’en devenir prisonnier, ce n’est pas la mise en concurrence des mémoires et des souffrances, ce ne peut être la prétendue justification d’une séparation radicale. Le souvenir doit conduire à la compréhension, à un rapprochement, à une construction commune.

2012 marquera le 50e anniversaire des accords d’Évian et de l’indépendance de l’Algérie. Ce que l’Algérie a réussi à faire pour elle-même, avec la loi de réconciliation nationale, ce que la France et l’Allemagne, après trois guerres dont deux mondiales, ont réussi à faire en 1963, la délégation exprime le vœu que l’Algérie et la France le réussissent aussi, pour écrire ensemble l’avenir de leurs deux peuples et se pencher ensemble sur leur passé.

Étant profondément convaincue que l’avenir de la France et l’Algérie ne pouvait s’écrire qu’en commun, la délégation s’est réjouie de voir que cet espoir et ce souhait ont été partagés par ses interlocuteurs, en particulier par M. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, et par le bureau du groupe d’amitié Algérie - France.

B. Une forte attente : un nouveau partenariat économique et universitaire

1.  Des entreprises attendues

Les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont progressé de manière très rapide depuis 1999, puisqu’ils ont plus que triplé en douze ans.

En 2010, la France a exporté, selon les statistiques des douanes françaises, pour 5,2 milliards d’euros en Algérie, conservant son rang de premier fournisseur extérieur de ce pays, avec 15 à 20 % de part de marché. Et ce, malgré la montée en puissance de la concurrence venue d’Europe (Italie, Espagne, Allemagne, Turquie), des États-Unis et d’Asie. L’Algérie est le premier partenaire de la France en Afrique.

Fait significatif, les PME sont des acteurs majeurs de ces échanges : sur les 9 000 entreprises qui ont exporté vers l’Algérie de façon significative en 2010, seules un quart sont des grandes entreprises.

Mais tous les interlocuteurs de la délégation l’ont souligné, au-delà des réelles opportunités commerciales que présente le marché algérien, les entreprises françaises, grandes comme petites, sont attendues sur le terrain de l’investissement.

S.E.M. Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, des PME-PMI et de la promotion de l’investissement, a ainsi présenté de façon très forte à la délégation la volonté de son pays de diversifier une économie trop dépendante des hydrocarbures.

M. Mohamed Benmeradi a cité à l’appui de son propos l’exemple des agrumes et des tomates, exportés sous forme de fruits et réimportés sous forme de jus et de concentrés.

Pourtant 1 341 opérateurs économiques français sont recensés en Algérie, 430 entreprises françaises y sont présentes, où elles ont créé près de 35 000 emplois directs, soit 100 000 emplois en ajoutant les emplois indirects. Et si les échanges économiques comportent en effet un important volet commercial, nombre de projets intègrent aussi une double dimension de développement économique et de création d’emplois.

La Société générale et Natexis recensent ainsi chacune 1 500 emplois à leur actif ; non seulement elles accompagnent les entreprises françaises qui interviennent en Algérie, mais elles sont aussi implantées localement et financent des projets économiques locaux. Michelin est le premier opérateur algérien après Sonatrach grâce à une longue implantation locale et exporte 50 % de sa production hors d’Algérie ; Alstom produira des rames de tramways à Annaba en association avec Ferrovial. Sanofi-Aventis a annoncé le 2 février la signature d’une convention pour la réalisation d’une usine de médicaments et d’un centre de stockage à Sidi Abdellah, avec pour objectif de fournir le marché algérien en produits fabriqués localement et de contribuer au transfert de technologies. 133 emplois sont concernés. Ce groupe est présent depuis 2000 et possède déjà 2 usines (650 emplois). Razel, spécialisée dans la construction des ponts, des tunnels et des barrages, a en charge la construction de barrages au sud de Lakdharia et à Jijel (1 300 emplois locaux).

D’une façon plus générale, les investissements français (2e investisseur en Algérie, 1er hors hydrocarbures) se développent à un rythme rapide (+ 50 %), en raison de la modestie des investissements directs, toutes nationalités confondues. Mais il est toujours possible de faire mieux.

Sans vouloir s’immiscer dans des choix qui relèvent des entreprises, les parlementaires français et algériens peuvent suggérer, proposer, encourager.

Des entretiens que la délégation a eus avec des représentants des entreprises françaises, elle retient que les PME qui souhaiteraient investir en Algérie et donc y créer de la valeur sont aujourd’hui confrontées à trois difficultés. D’abord, un cadre juridique sans doute difficile pour des entreprises de cette taille, qui n’ont pas le personnel nécessaire pour s’adapter aux contraintes découlant d’une législation complexe et évolutive ni pour répondre aux demandes de l’administration. Ensuite, des contraintes bancaires et de change qui font peser une charge lourde sur des trésoreries qui ne sont pas celles de grands groupes internationaux. Enfin, des contraintes de délivrance de visas d’affaire, notamment pour des séjours de longue durée.

Dans chacun de ces trois domaines, l’Algérie exerce, à bon et légitime droit, sa souveraineté. Mais force est de constater que d’autres pays ont choisi des modalités différentes, plus souples et que les entreprises sont naturellement portées à investir là où elles peuvent le faire le plus facilement.

Dans le même temps, la délégation a pu constater l’existence d’un nouveau climat entrepreneurial en Algérie et un regain d’intérêt indéniable des entreprises françaises. Patience, persévérance pour les uns, nouveau processus de concertation tripartite pour les autres, la délégation ne doute pas que tous tendent vers un seul et même but, investir et créer de la valeur en Algérie.

Le brillant succès, à cet égard, du Forum de partenariat co-organisé par UbiFrance et les autorités algériennes les 30 et 31 mai, a réjoui la délégation : près de 700 PME, dont 500 algériennes et 200 françaises, 4 500 rendez-vous d’affaires, plus de 1 000 participants.

Ce forum, nouvelle étape d’une relation qui se veut « gagnant-gagnant », favorisera l’émergence de nouveaux partenariats générateurs de valeur ajoutée, avec toujours pour objectif réaffirmé la valorisation du potentiel industriel des deux pays et la participation au développement économique de l’Algérie.

De l’entretien que la délégation a eu avec la Chambre algérienne de Commerce et d’Industrie, elle retient un problème similaire de visas, en nombre insuffisant et soumis de plus à des conditions d’engagements (à ne pas se faire soigner en France, ni à demander un certificat de résidence), qui, au sens des entrepreneurs algériens, n’ont pas lieu d’être.

Sans prendre parti sur cette question, la délégation constate toutefois que la circulation des personnes reste une question très sensible. Pourtant, des efforts ont été faits. Le nombre de visas délivrés s’est stabilisé autour de 135 000 par an, contre 57 000 en 1997, avec un taux de délivrance de 70 %. Les conditions d’instruction et de délivrance des visas se sont améliorées avec le passage à la biométrie et la gestion extérieure des rendez-vous et du recueil des dossiers, ainsi qu’avec la normalisation du dispositif consulaire français, achevée avec la réouverture du Consulat général d’Oran en 2007.

Des efforts restent sans doute à faire. Rien ne sert de stigmatiser telle ou telle catégorie de population, comme on le voit parfois; mieux vaudrait créer les conditions d’une circulation facilitée et raisonnée. Les négociations en cours sur l’accord de circulation de 1968 pourraient offrir une telle opportunité.

S.E.M. Mohamed Benmeradi a également souligné l’intérêt des investissements étrangers pour le transfert de savoir-faire et la formation de la main d’œuvre.

À l’image de ce que fait le groupe Mercedes, le projet Renault est synonyme de formation et de transferts de technologies pour les PME algériennes qui ont été recensées et mises à niveau pour être en capacité d’être choisies comme fournisseurs.

Le réseau commercial Renault a mis en place une telle démarche de formation. Il emploie aujourd’hui 450 employés dont seuls deux sont expatriés. La relève des cadres, entièrement algérienne, est ici déjà effectuée.

La délégation ne peut qu’encourager une telle démarche, concrétisée par d’autres entreprises françaises. Ainsi ADPInternational a mis en place à l’aéroport d’Alger, dans le cadre d’un contrat de gestion et d’exploitation, des outils d’apprentissage (recrutement de cadres fraîchement diplômés, qui passent sur une période de deux ans dans l’ensemble des directions). Cette expérience a eu un effet « essaimage » : à la suite d’ADPInternational sont venus JCDecaux, Cegelec, Schneider, Sodexho pour la restauration, etc.

Lors du forum de partenariat et d’affaires algéro-français évoqué plus haut, des ateliers débats ont proposé des pistes de réflexion, à partir d’expériences probantes, en réponse aux besoins et attentes des entreprises en matière de « partenariats publics- privés », de « ressources humaines et de transferts de savoir-faire » et d’« innovation », qui donnent à penser à la délégation que les deux exemples qui lui ont été présentés feront largement école.

Dans le cadre de son déplacement, la délégation a également visité trois chantiers emblématiques du renouvellement de la relation économique franco-algérienne, celui du métro d’Alger et des tramways d’Alger et d’Oran.

S.E.M. Amar Tou, Ministre des Transports, avec lequel la délégation s’est entretenue, a joué un grand rôle pour redynamiser le premier projet, en attente depuis près de trente ans. Il a présenté à la délégation les projets d’extension, déjà dessinés, de la première ligne, soit 40 kilomètres envisagés pour 2020.

La mise en service de la première ligne est prévue pour la fin de l’année, et la délégation, qui a eu le plaisir de participer à un essai de circulation d’une rame, a pu constater que toutes les équipes du groupement Siemens – Vinci – CAF et de la RATP étaient pleinement mobilisées pour respecter l’objectif de mise en service au 31 octobre, et ainsi soulager les Algérois dans leurs déplacements quotidiens, marqués par des embouteillages quasi-permanents qui paralysent la ville par endroits.

En charge également du dossier des tramways, M. Amar Tou a annoncé à la délégation une anticipation du programme quinquennal 2015-2019, permettant ainsi à d’autres wilayas que les six initialement sélectionnées, de bénéficier à terme de ce mode de transport urbain écologique.

Bel exemple de partenariat industriel, Alstom est engagé directement ou via ses filiales espagnole et italienne, sur les chantiers des tramways d’Alger, d’Oran et de Constantine. Le premier tronçon du tram d’Alger, premier du genre en Algérie a été inauguré le 8 mai dernier. Le tronçon en service relie le quartier de Bab Ezzouar à celui de Bordj el Kiffan, dans la banlieue est d’Alger. D’une longueur de 7,2 kilomètres, il comprend aujourd’hui 13 stations. À terme, la ligne comportera deux autres sections, sur 23 kilomètres, 38 stations et 8 pôles d’échanges.

Fil rouge du déplacement de la délégation en Algérie, la concrétisation de tous ces dossiers est le signe manifeste du « partenariat d’exception » que Français comme Algériens appellent de leurs vœux afin de contribuer ensemble à la diversification de l’économie algérienne. En effet, sur les 12 dossiers, 9 ont déjà été finalisés et les 3 projets stratégiques de moyen terme devraient connaître leur aboutissement dans les mois qui viennent : Lafarge, qui a élargi le champ de son partenariat avec le groupe public GICA, devrait initier un investissement majeur dans l’Est du pays ; Total pétrochimique est en accord avec Sonatrach pour passer à une phase de finalisation active du projet de vapocraqueur d’éthane à Arzew et d’une nouvelle filière industrielle (pétrochimie et plasturgie) ; le projet Renault devra aboutir dans les prochains mois avec une usine d’une capacité de 150 000 véhicules/an et un taux d’intégration de 50 %. Ces projets se traduiront par un doublement du contenu en emplois de l’investissement direct étranger français en Algérie (plus de 200 000 au total y compris les emplois indirects) et par d’importants transferts de savoir-faire (les entreprises françaises installées en Algérie ont déjà assuré près de 500 000 hommes-jours de formation en 2010) et de technologies.

Mais si dans un certain nombre de domaines, les grands groupes sont mieux à même d’apporter la réponse attendue aux besoins algériens, dans beaucoup d’autres, ce sont les PME qui pourront le faire : c’est ce tissu nouveau de petites et moyennes entreprises qui permettra de créer les emplois dont l’Algérie a besoin, et de fournir les biens et services aujourd’hui importés de façon ultra majoritaire. L’unité d’AgroFilm de fabrication d’emballage souple, à Sétif, visitée par la délégation, en a fournit une illustration remarquable.

2.  Une coopération universitaire qui s’inscrit dans une problématique identique

Les champs extrêmement variés de la coopération française en Algérie se nourrissent de nos liens historiques et humains. La coopération culturelle y tient donc une place centrale.

Dans le cadre de sa visite, la délégation s’est attachée au premier axe de coopération défini dans le Document-Cadre de Partenariat, soit le renforcement du capital humain (les deux autres étant le développement économique et durable et le secteur productif d’une part, la bonne gouvernance, l’État de droit, la modernisation du secteur public et le renforcement de la coopération décentralisée d’autre part). Elle s’est déplacée sur le site de deux universités, celles de Relizane et de Sétif, qui ont bénéficié d’investissements publics algériens très importants. L’université de Sétif est ainsi passée de 250 étudiants et 18 enseignants permanents à, respectivement, 50 000 et 1 816 (et autant d’enseignants temporaires), sur un campus de 200 hectares où en 5 ans ont été construits 20 000 places pédagogiques et 12 500 lits dans six résidences universitaires.

Dans le climat social général marqué par une forte agitation, un vaste mouvement de contestation estudiantine est observé sur l’ensemble du territoire algérien depuis le mois de février. Parti d’une revendication sur la reconnaissance de la grille indiciaire et des statuts des ingénieurs dans les « grandes écoles » et les Écoles Nationales Supérieures, le mouvement s’est étendu à l’ensemble de l’enseignement supérieur.

Ce dernier est en Algérie le terrain d’enjeux majeurs et de choix délicats : massification (1,16 million d’étudiants aujourd’hui, 1,5 prévu pour 2015), développement de formations professionnelles et de filières d’excellence, faiblesse structurelle des centres de recherche, transition inachevée entre le système classique et le système LMD (Licence, Master, Doctorat), réforme de la gouvernance des universités ainsi que des statuts et des carrières des personnels et des enseignants chercheurs, etc.

Depuis 2004, la coopération française, très active, s’attache à l’accompagnement de la réforme LMD avec la mise en place de masters professionnels. Elle appuie également la formation des cadres enseignants-chercheurs et la mise en place de pôles d’excellence (École Supérieure Algérienne des Affaires en 2005, création d’une École Supérieure de Technologie en cours, aide à la réforme des classes préparatoires et des écoles supérieures).

À l’image des liens entre les universités de Sétif et de Strasbourg, présentés à la délégation par le Professeur Chekib-Arslane Baki, recteur de l’Université Ferhat Abbas, il existe aujourd’hui 600 accords et conventions entre les universités françaises et algérienne, qui constituent, selon le mot de M. Joël Lascaux, conseiller de coopération et d’action culturelle, le « sédiment de notre relation ».

Ainsi, à l’Université Ferhat Abbas de Sétif, sur 18 conventions avec des universités/organismes nationaux et étrangers réalisées ou en voie de l’être, 11 le sont avec des universités françaises :

Conventions avec des universités et organismes nationaux et étrangers

Etablissement

Organisme étranger

Objet de la convention

Université de Sétif

Université de Rennes 1

Coopération scientifique

Université de Sétif

Université de Reims et Agence Universitaire de la Francophonie

Bourse de mobilité francophone pour la formation des étudiants.

Université de Sétif

Université de Strasbourg (ULP)

Accord cadre de coopération scientifique.

Université de Sétif

A.U.F et U.C. Louvain de Belgique

Mobilité des étudiants.

Université de Sétif

Université de Savoie

Coopération scientifique et échange dans les domaines d’intérêt commun.

Université de Sétif

Université de Haute Alsace de Mulhouse

Coopération scientifique (notamment maths, physique théorique et environnement).

Université de Sétif

Technische Universität

Ilmenau-Allemagne

Coopération et collaboration scientifique dans les domaines d’intérêt commun.

Université de Sétif

Université de Metz-

Coopération et échange scientifique dans les domaines d’activités de recherche communs.

Université de Sétif

Université Blaise Pascal de Clermond Ferrand ll

Développement et renforcement des liens de coopération dans les domaines de la formation et de la recherche.

Université de Sétif

Université Claude Bernard de Lyon1

Coopération scientifique dans les domaines d’enseignement et de recherche (sciences, technologie et santé).

Université de Sétif

Université Mohamed El Khames El Souici-Maroc

Recherche scientifique.

Echange de revues, publications et périodiques.

Echange d’enseignants-chercheurs.

Echange d’étudiants.

Echange de cadres administratifs.

Université de Sétif

Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Réalisation de programmes de recherche et d’enseignement communs dans les domaines d’intérêt commun.

Université de Sétif

Laboratoire d’Architecture Méditerranéenne

U.R.B.A Sétif

Assistance scientifique, études et échange de documentation.

Université de Sétif

Direction de la Pêche et des Ressources Halieutiques

Collaboration scientifique et technique.

Conventions avec des organismes nationaux et étrangers
en cours de réalisation

Etablissement

Organisme national

Objet de la convention

Université de Sétif

Université de Saint Etienne

Coopération scientifique.

Université de Sétif

Université de Management

Université de Strasbourg

Coopération scientifique.

Université de Sétif

Algérie Télécom

Coopération scientifique.

Université de Sétif

Observatoire National de l’Education et de la Formation

Coopération scientifique

(Source: http://www.univ-setif.dz – Consulté le 5 juin 2011)

Première partenaire de l’Algérie en matière d’appui à la formation scientifique, la France soutient en 2011 quarante doctorants algériens dans le cadre du programme Profas (programme boursier destiné aux maîtres-assistants algériens). Elle accueille 20 000 étudiants algériens, dont 300 bénéficient d’une bourse d’étude (chiffre qui doit laisser rêveurs nombre de nos postes diplomatiques…), et 5 027 visas d’étude ont été délivrés en 2010 par les consulats de France en Algérie.

Lors de leur rencontre avec la délégation, les interlocuteurs (recteurs, enseignants chercheurs, etc.) ont exprimé de fortes attentes : bourses et visas d’étude plus nombreux, échanges facilités, etc.

La délégation s’est réjouie de ce fort « appel de France », tout en notant que, comme pour les icebergs, la partie immergée était la plus conséquente. L’Algérie bénéficie d’une enveloppe de coopération culturelle de 10 millions d’euros, la plus importante de tous les pays bénéficiaires. Dans le contexte budgétaire français actuel, la probabilité de la voir s’accroître est faible.

Une piste prometteuse réside sans doute dans le développement de la promotion et de la mise en place des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

On peut aussi attendre des réformes économiques et de l’effort de modernisation en cours, le développement d’une classe moyenne capable, comme dans d’autres pays similaires, de faire par elle-même l’investissement dans le futur que représente des études à l’étranger.

Dans l’intervalle, compte tenu de la part importante de la jeunesse algérienne qui reste marginalisée et de la résonance du monde universitaire sur l’ensemble de la société, il apparaît nécessaire à la délégation de maintenir pour l’avenir ce haut niveau de coopération, et d’inciter les écoles et universités françaises à offrir leur expertise et savoir-faire à leurs homologues algériennes et à leurs étudiants.

III. Les échanges parlementaires : un meme désir, les approfondir

Si l’expression de « diplomatie parlementaire » est parfois jugée inadéquate, force est de constater que les échanges interparlementaires accompagnent toujours, précèdent parfois la diplomatie « tout court » pour un certain nombre de sujets.

Les deux groupes d’amitié parlementaire, sous l’impulsion de leurs présidents (MM. Jérôme Lambert puis Bernard Derosier, côté français, MM. Mohammed Abbou puis Belkacem Belabbes, côté algérien), ont ainsi conçu leur action depuis près de 20 ans : se parler, en permanence, avec franchise, et contribuer à faire avancer les dossiers.

Aujourd’hui, il est possible d’aller plus loin encore, en faisant vivre la Grande Commission Interparlementaire, née de la volonté de quatre présidents d’assemblées.

A. Des liens étroits, un dialogue fécond

1.  Les deux groupes d’amitié : un choix, privilégier des signes concrets d’avancées dans les relations

Depuis la reprise, en 2001, des relations entre l’Assemblée nationale et l’Assemblée populaire nationale, celles-ci se sont progressivement étoffées et densifiées, particulièrement entre les présidents, les groupes d’amitié et sur le plan de la coopération interparlementaire.

Les deux groupes d’amitié sont parmi les plus importants en nombre de parlementaires dans chacune des deux assemblées.

Et ils sont aussi parmi les plus actifs : le groupe français s’est ainsi rendu à trois reprises en Algérie (février 2002, mai 2005 et avril 2011) et son homologue algérien s’est déplacé en France à deux reprises (octobre 2003, octobre 2008). Sans compter les déplacements effectués au titre de la coopération décentralisée : M. Belkacem Belabbes était ainsi reçu à la mi-mars par M. Derosier dans son département du Nord, pour travailler ensemble sur les projets de coopération avec la Wilaya de Relizane identifiés à la suite de la précédente visite du groupe d’amitié, en 2005.

En 2007, les membres des deux groupes d’amitié ont fait le choix de travailler sur des sujets pouvant marquer concrètement des avancées dans les relations entre les deux États. C’est ainsi qu’ont été retenus d’abord l’environnement, puis l’apport des PME-PMI dans les échanges et le développement économique.

La délégation française a ainsi visité de belles réussites entrepreneuriales algériennes : à Relizane, l’usine BCR de Oued Rhiou, une exploitation agricole laitière et l’usine de production de lait et dérivés de Sidi-Saada, et à Sétif, l’unité El Anfel de production de lait de Ras El Ma et l’unité d’AgroFilm de fabrication d’emballage souple. Elle a été vivement impressionnée par la qualité et la variété des unités présentées, en particulier Agro-Film, aux machines ultra modernes.

La délégation a aussi visité des projets réalisés en partenariat avec des entreprises françaises : la centrale à gaz Alstom à Relizane, le métro d’Alger et le tramway d’Oran.

Le tissu industriel existe, des infrastructures ont été rénovées ou construites (métro d’Alger et tramway d’Oran précédemment cités, ou encore l’autoroute Est-Ouest, que la délégation a empruntée).

La mission confiée à MM. Raffarin et Benmeradi, et en particulier le forum des PME-PMI des 30 et 31 mai à Alger, ne pourront que multiplier les opportunités pour les entreprises françaises et algériennes de nouer des liens commerciaux et d’investissement.

Quant au sentiment d’insécurité, il a considérablement diminué depuis la série d’attentats sanglants commis en plein centre d’Alger en 2007 et 2008. Les autorités algériennes, en traçant dans le pays de véritables cordons de sécurité, ont permis de réduire de façon considérable les zones à risques, à l’est d’Alger et dans le grand sud essentiellement.

Subsiste toutefois une image dont certains des interlocuteurs de la délégation ont jugé qu’elle ne reflétait pas la réalité algérienne. S.E.M. Nacer Mehal, ministre de la Communication tout comme S.E.M. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, ont ainsi souhaité que les médias audiovisuels français permettent à leurs téléspectateurs de mieux connaître l’Algérie, et « pas uniquement à travers les événements douloureux ».

À cette demande, compréhensible, la délégation n’a pu que répondre que les medias français, même quand ils étaient publics, étaient libres et qu’il appartenait donc à l’Algérie « non seulement de faire, mais aussi de faire savoir ». Pour nombre de raisons, l’opinion publique dissocie l’Algérie de ses deux voisins, le Maroc et la Tunisie. L’une de ces raisons tient sans doute au flux de touristes que ces deux pays accueillent. Une autre est probablement les campagnes annuelles de publicité que, depuis de longues années, ces deux pays organisent sur toutes sortes de supports (presse, affiches, etc.).

Une telle image se construit dans la durée, il faut du temps avant que les réflexes acquis s’émoussent et que soient perçus d’abord par les journalistes puis par l’opinion les changements qui affectent un pays. Mais l’afflux de participants constaté au Forum de partenariat économique montre bien qu’il est possible de modifier l’« image de marque » d’un pays, si de réels changements s’inscrivent dans la durée et si une stratégie de communication à long terme est définie.

2.  Les entretiens de la délégation avec les représentants des groupes parlementaires : un dialogue franc et sincère

Cet intérêt pour l’économie n’est toutefois pas exclusif, et la rencontre avec des représentants de six des sept groupes parlementaires de l’APN a permis d’aborder de nombreux sujets de politique interne ou externe, en toute franchise.

Le groupe Rassemblement pour la Culture et la Démocratie ayant décidé de suspendre sa participation aux travaux de l’APN jusqu’à, selon le communiqué de son Président, M. Atmane Mazouz, « les conditions d’une transmission fidèle des interventions des députés soient garanties », ce dernier n’a donc pas rencontré la délégation lors de son passage. Mais il lui a remis un dossier de coupures de presse.

Un compte rendu analytique de ces entretiens est annexé page 51.

B. Aller plus loin : la Grande Commission interparlementaire franco-algérienne

Signé à Alger par les Présidents Jean-Louis Debré et Amar Saadani le 21 janvier 2007, le protocole cadre de coopération entre l’Assemblée nationale française et l’Assemblée Populaire Nationale algérienne prévoyait la création d’une « Grande Commission interparlementaire France-Algérie », à l’image de celles qui existent à l’Assemblée avec le Canada, le Québec, la Russie et la Chine.

Cette signature étant intervenue trop tardivement dans le calendrier de la XIIe législature pour que les modalités de fonctionnement de cette Grande Commission aient pu faire l’objet de discussions entre les Présidents Debré et Saadani, leurs successeurs, les Présidents Bernard Accoyer et Abdelaziz Ziari se sont à leur tour saisis de cette question, et la réunion inaugurale s’est tenue à Paris le 28 mai 2009.

Le contexte était en effet favorable : la visite d’État en Algérie du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, en décembre 2007, et le sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée, en juillet 2008 à Paris, plaidaient en faveur d’une poursuite et d’un approfondissement des relations franco-algériennes, notamment parlementaires.

À la suite de cette réunion inaugurale, le Président Ziari avait formellement indiqué que la première session de la Grande Commission se déroulerait à Alger. Mais la détérioration passagère des relations politiques entre la France et l’Algérie a entraîné la suspension de cette première réunion.

Or les rencontres entre les deux assemblées, à tous les échelons politiques et administratifs, se sont multipliées à un rythme que l’Assemblée nationale française ne connaît qu’avec un tout petit nombre de pays amis.

La tenue de la première session de la Grande Commission serait la traduction parlementaire évidente du renouveau actuel des rapports franco-algériens.

L’intérêt qu’il y aurait de passer à un autre stade, plus qualitatif, plus approfondi, des rapports entre les parlementaires français et algériens est reconnu par tous les interlocuteurs de la délégation.

Bref, tout plaide en faveur d’une réunion de cette Grande Commission avant la fin de l’année 2011.

Des rencontres, selon un rythme plus régulier avec un ordre du jour établi conjointement - et la délégation a vu au cours de sa visite que les sujets de discussion ne manqueraient pas -, permettraient d’apprendre à mieux se connaître, d’échanger en toute franchise des points de vue pas toujours forcément identiques, au service des deux peuples français et algérien.

Tous les interlocuteurs de la délégation se sont déclarés prêts à se saisir de ce nouvel outil.

La délégation formule donc des vœux pour que le Président Ziari saisisse son homologue, le Président Accoyer, d’une proposition de réunion de la Grande Commission à Alger avant la fin des législatures en cours pour les deux assemblées.

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Annexe 1 : Programme de la mission

Samedi 16 avril 2011

10h50 Arrivée à l’aéroport international Houari Boumediene; accueil au salon d’honneur par M. Belkacem Belabbes, président du groupe parlementaire d’amitié « Algérie-France », député (FLN) de Relizane, M. Omar Alilat, député (RND) de Bejaia, M. Abdelkader Semmari, député (MSP) de Sétif, M. Abdelkader Ziani, député (FLN) de Sidi bel Abbes, et Mme Fatima Djaballah, députée (MJD) d’Oran, membres du bureau du groupe d’amitié, ainsi que M. Louis-Xavier Thirode, conseiller politique à l’Ambassade de France

Transfert et installation à l’hôtel

12h30 Déjeuner de travail avec M. Louis-Xavier Thirode, conseiller politique, Mme Marie Dumoulin, conseiller politique, M. Patrick Gay, adjoint du chef de service économique régional, M. Joël Lascaux, conseiller de coopération et d’action culturelle, et Mme Claude Maségosa, conseillère export chargée du pôle infrastructures, transports, énergie à Ubifrance

15h30 Visite du jardin d’Essai d’El Hamma

Temps réservé

18h30 Vernissage de l’exposition de photographies « Al Quods al Sharif » de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, à Notre-Dame d’Afrique

20h30 Dîner offert par M. Belkacem Belabbes, président du groupe parlementaire d’amitié « Algérie-France » et M. Smail Allaoua, directeur général Europe au ministère algérien des affaires étrangères

Dimanche 17 avril

9h30 Audience avec M. Seddik Chiheb, vice-président de l’APN chargé des relations internationales, député (RND) d’Alger, en présence du bureau du groupe parlementaire d’amitié « Algérie-France » : M. Belkacem Belabbes, député (FLN) de Relizane, M. Omar Alilat, député (RND) de Bejaia, M. Abdelkader Semmari, député (MSP) de Sétif, M. Abdelkader Ziani, député (FLN) de Sidi bel Abbes, Mme Saoudi Dalila, députée (Indépendants) de Bouira, et Mme Fatima Djaballah, députée (MJD) d’Oran.

10h15 Entretiens avec les chefs de six des sept groupes parlementaires de l’APN

- M. Layachi Dadoua, député de Biskra, chef du groupe parlementaire « Front de Libération Nationale »

- M. Miloud Chorfi, député de Mascara, chef du groupe parlementaire « Rassemblement National Démocratique »

- M. Ahmed Issad, député de Bouira, représentant le chef du groupe parlementaire « Mouvement pour la Société pour la Paix »

12h30 Déjeuner avec les membres du groupe parlementaire d’amitié Algérie-France

14h30 Suite des entretiens avec les chefs des groupes parlementaires de l’APN 

- M. Imad Djaafri, député de Ourgla, chef du groupe parlementaire des « Indépendants »

- M. Ramdhane Tazibt, député de Boumerdès, représentant le chef du groupe parlementaire « Parti des Travailleurs »

- M. Abdelkader Driham, député de Chlef, chef du groupe parlementaire « Front National Algérien »

16h00 Audience avec M. Brahim Boulahia, président de la commission des affaires extérieures du Conseil de la Nation

16h30 Rencontre avec des représentants du Forum des chefs d’entreprises

19h30 Dîner officiel offert par M. Belkacem Belabbs, président du groupe parlementaire d’amitié « Algérie-France », en l’honneur de la délégation française

Lundi 18 avril

8h30 Audience avec S.E.M. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères

9h30 Audience avec S.E.M. Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, des PME-PMI et de la promotion de l’investissement

11h30 Visite du site du chantier du métro d’Alger

13h00 Déjeuner offert par M. Tahar Kellil, Président de la Chambre algérienne de l’industrie et du commerce (CACI)

15h30 Entretien avec les membres du bureau du groupe d’amitié Algérie-France : M. Belkacem Belabbès, député (FLN) de Relizane, M. Omar Alilat, député (RND) de Bejaia, M. Abdelkader Semmari, député (MSP) de Sétif, et Mme Fatima Djaballah, députée (MJD) d’Oran

16h30 Audience avec S.E.M. Nacer Mehal, ministre de la Communication

18h00 Audience avec S.E.M. Amar Tou, ministre des Transports

19h30 Réception offerte par la délégation du groupe d’amitié France – Algérie et par S. E. M. Xavier Driencourt, ambassadeur de France à Alger

Mardi 19 avril

7h30 Départ pour l’aéroport

 9h50 Départ du vol Air Algérie AH 6180 pour Oran

10h50 Arrivée du vol à Oran.- Accueil par le représentant de la Wilaya d’Oran, Mme Fatima Djaballah, députée (MJD) d’Oran, membre du bureau du groupe parlementaire d’amitié « Algérie - France » et par le consul général de France à Oran, M. Jean-Louis Soriano

11h45 Accueil par M. Mohamed Zine-Eddine Hassam, président de l’assemblée populaire communale d’Oran et par les représentants de la commune (siège de l’APC)

13h00 Déjeuner offert par M. Abdelmalek Boudiaf, wali d’Oran

14h30 Présentation du projet du tramway d’Oran par le directeur du transport de la wilaya d’Oran et par les responsables du projet du tramway (station de tramway Maarouf)

Départ en voiture pour Relizane

16h30 Accueil de la délégation par M. Abdelkader Kadi, wali de Relizane (siège de la Wilaya de Relizane)

17h00-21h00 Visites de la journée d’information sur l’emploi et le développement à l’université de Relizane, de la centrale électrique Alstom de Relizane, de l’usine BCR de Oued Rhiou, d’une exploitation agricole laitière et de l’usine de production de lait et dérivés de Sidi-Saada

21h30 Dîner officiel offert par M. Abdelkader Kadi, wali de Relizane, en l’honneur de la délégation

Retour à Oran – Installation de la délégation à l’hôtel

Mercredi 20 avril

 7h15 Départ pour l’aéroport

 8h00 Départ du vol Air Algérie AH 6168 Oran-Constantine

 9h40 Arrivée du vol.- Accueil par M. Abdelkader Semmari, député (MSP) de Sétif, membre du bureau du groupe parlementaire d’amitié « Algérie - France ». Départ pour Sétif en voitures

11h00 Accueil de la délégation par M. Abdelkader Zoukh, wali de Sétif

11h15 Dépôt de gerbe devant le portrait du premier martyr des massacres du 8 mai 1945

Installation de la délégation à l’hôtel

12h00 Déjeuner offert par M. Mohamed Dib, président de l’assemblée populaire communale de Sétif

14h30-18h00 Visites de l’unité El Anfel de production de lait à Ras El Ma, de l’unité d’AgroFilm de fabrication d’emballage souple, du pôle universitaire El Bez à l’université Ferhat Abbas et du musée national à Sétif

19h00 Dîner offert par M. Mohamed Dib, président de l’assemblée populaire communale de Sétif

Jeudi 21 avril

 9h30 Visite du site archéologique romain et du musée de Djemila

Après le déjeuner, retour à Alger par la route

18h30 Réunion avec des chefs d’entreprises de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française

20h00 Dîner de travail avec Mme Marie-Madeleine Delabre, consule générale adjointe de France à Alger, M. Karim Dendene, conseiller (Union de la Majorité), M. Fwad Hasnaoui, conseiller (Français du Monde- ADFE) et Mme Radya Rahal, conseillère (Union de la Majorité) à l’Assemblée des Français de l’étranger

Vendredi 22 avril

10h20 Départ pour Paris. La délégation a été saluée à l’aéroport par M. Belkacem Belabbes, président du groupe parlementaire d’amitié « Algérie-France », et par S.E.M. Xavier Driencourt, ambassadeur, Haut Représentant de la France à Alger

Annexe 2 : Entretiens parlementaires

Entretien avec M. Seddik Chiheb,
vice-président de l’Assemblée Populaire Nationale
chargé des relations internationales

M. Bernard Derosier a exprimé son bonheur d’être accueilli une nouvelle fois sur le sol algérien et de revoir ses amis parlementaires. Il a assuré M. Seddik Chiheb de la volonté très forte de la délégation, quelle que soit l’orientation politique de ses membres, d’entretenir une qualité de relation entre la France et l’Algérie la meilleure qui soit.

Si des divergences d’appréciation existent parfois, comme sur la Libye, et que des sujets de préoccupation demeurent, tel l’histoire commune puis partagée, il a considéré toutefois que l’histoire entre la France et l’Algérie était une histoire d’amour, avec la passion qui parfois marque l’amour, et que les événements qui séparaient avaient pu être surmontés.

En matière de relations parlementaires, un pas avait été franchi en 2007 puis 2009, avec la création de la Grande Commission Interparlementaire Franco-Algérienne, qui toutefois ne s’était réunie qu’une fois, à Paris. M. Derosier a exprimé le souhait très vif que cette commission se réunisse, à Alger en 2011, avant la fin des législatures française et algérienne.

Après avoir excusé M. Abdelaziz Ziari, chargé de façon impromptue de conduire la délégation algérienne à la session plénière de l’Union Interparlementaire à Panama, M. Seddik Chiheb a salué la contribution du groupe d’amitié Algérie-France de l’APN à la qualité des relations entre les deux pays.

Il a assuré la délégation française que la bonne volonté algérienne ne pouvait être mise en doute, la main ayant à ses yeux toujours été tendue. Des soubresauts ont existé, par intermittence. Si la période post coloniale et ses pesanteurs ont été dépassées, la demande algérienne, expresse et légitime, de voir la France reconnaître ses méfaits et ses crimes s’est heurtée à l’obstination de la France officielle de ne pas présenter d’excuses.

M. Seddik Chiheb a aussi fait le constat que la France et l’Algérie ne pouvaient ni se séparer ni se passer l’une de l’autre, et que cette histoire d’amour entre les deux pays, pour reprendre l’expression utilisée par M. Derosier, devait se concrétiser de façon harmonieuse et bénéfique pour les deux parties. En ce sens, la mission conduite par M. Raffarin était extrêmement positive alors que l’on pouvait percevoir un ressentiment à l’égard de la France, insuffisamment impliquée à son sens dans le processus de développement national, notamment en matière d’investissements directs. Les relations parlementaires sont, elles, exemplaires et on ne peut que souhaiter un élargissement du champ de leur action.

M. Bernard Derosier a formulé le vœu que les différents qui surgissaient parfois n’occultent pas l’essentiel entre les deux pays. En matière d’investissements français, les entreprises mentionnaient souvent des contraintes administratives et d’instabilité juridique. Cette « frilosité » pouvait s’expliquer aussi par le souci de respecter l’indépendance de l’Algérie et la crainte d’être accusé de néocolonialisme. Il s’est engagé à relayer cette forte demande auprès du gouvernement et des entreprises français.

M. Seddik Chiheb a expliqué que cette « absence » n’était pas perçue comme de la non-ingérence, et qu’au contraire la France pouvait jouer un rôle important dans la politique de stabilité nationale, ce qu’elle n’avait pas voulu faire pendant la décennie noire. Cette incompréhension relevait à son sens d’un manque de contacts francs et fréquents, et d’une politique de défiance. Le dialogue sur les religions en était un bon exemple, fait pour gêner les relations entre les deux pays plutôt que pour les améliorer. M. Chiheb a déclaré refuser la culture de l’oubli, mais aussi celle de la haine. Les deux peuples ne sont pas « séparables », des contacts permanents sont donc les bons outils pour dissiper malentendus et ambiguïtés.

M. Bernard Derosier s’est déclaré en plein accord avec M. Chiheb, et a rappelé que la Grande Commission Interparlementaire pouvait justement être cet outil.

M. Seddik Chiheb a exprimé l’absence de réserves de l’Assemblée Populaire Nationale vis-à-vis de cette Commission, qui pourra influencer, et redresser si nécessaire, le cours des choses.

M. Jean Proriol s’est déclaré très ému d’être en Algérie, lui ancien sous- lieutenant en Kabylie. Il a assuré M. Chiheb que tous les membres de la délégation partageaient le même intérêt sincère pour l’Algérie, et le même souhait, réduire les difficultés sur lesquelles la France et l’Algérie butent depuis cinquante ans, sans attendre cinquante autres années. Il s’est inscrit en faux contre l’idée que les entreprises françaises étaient absentes d’Algérie, prenant pour exemple le métro d’Alger. Il a souhaité que cette présence soit encore approfondie, et s’est réjoui de la mission confiée à M. Jean-Pierre Raffarin, dont la double casquette de « Monsieur Chine » et « Monsieur Algérie » était une marque évidente de considération pour cette dernière.

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M. Jérôme Lambert s’est lui aussi réjoui d’être une nouvelle fois reçu dans cette Assemblée, dans le cadre des relations entre les groupes d’amitié, rappelant ses précédentes fonctions de président du groupe France - Algérie, et précisant que sa relation d’amour personnelle avec l’Algérie, pour reprendre l’expression du président Derosier, était double, puisque son épouse était algérienne.

Né pendant la guerre d’Algérie, M. Lambert a expliqué que pour lui comme pour les Français de sa génération, et des générations suivantes, l’Algérie avait toujours été un pays indépendant et un pays semblable aux autres. Dans ces deux pays situés de part et d’autre de la mer Méditerranée, ces deux pays où l’on parle le plus le français, aux populations mêlées, avec les centaines de milliers d’Algériens en France, et les millions de Français d’origine algérienne, de nombreux députés avaient envie que cette relation particulière débouche sur de belles réalisations.

M. Georges Mothron a souhaité revenir sur la question du dialogue sur les religions en présentant sa circonscription, dans la banlieue nord de Paris. 30 % de la population est originaire directement ou indirectement de l’Algérie. Lorsqu’il était maire d’Argenteuil, bien qu’appartenant à l’aile droite de l’UMP, il y avait fait construire une mosquée, la plus grande de France. De cet exemple, il a conclu que des contacts directs entre parlementaires permettraient de dépasser des présentations journalistiques souvent excessives.

M. Bernard Derosier a conclu l’entretien par un vibrant hommage à l’action de l’Ambassadeur de France, S.E. M. Xavier Driencourt, à son équipe de collaborateurs et au travail mené par le Centre Culturel Français, au lendemain de la visite de la délégation à l’exposition de photographies « Al Quods al Sharif » par l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, organisée à Notre Dame d’Afrique dans le cadre des festivités « Tlemcen, capitale 2011 de la culture islamique ».

Entretien avec M. Layachi Dadoua député de Biskra,
chef du groupe parlementaire « Front de Libération Nationale »

M. Bernard Derosier s’est déclaré très satisfait d’avoir cet échange avec le chef du groupe parlementaire d’un parti qui a joué et joue encore un grand rôle dans la vie politique de l’Algérie. Il a félicité M. Layachi Dadoua d’avoir confié la présidence du groupe parlementaire d’amitié Algérie - France à M. Belkacem Belabbes, très fin connaisseur de la France et de la vie politique française. Il a interrogé son interlocuteur sur ce que son groupe, le groupe majoritaire, attendait de la France.

M. Layachi Dadoua a répondu vouloir privilégier les relations humaines avant toutes les autres, car ce sont elles qui durent et soudent les peuples.

À son sens, les deux peuples sont encore influencés par le passé, et notamment le FLN, car la famille révolutionnaire est composée de militants de l’indépendance. L’adoption de lois par la France a laissé des séquelles, tout comme les explosions nucléaires dans le Sahara, dont il a pu faire, à la tête d’une délégation, le constat des conséquences néfastes pour les hommes, les animaux, et l’environnement, qui n’ont pas été retenues par les autorités françaises.

En cette matière, M. Dadoua a réclamé l’attention humaine et fraternelle de l’opinion publique française, ainsi que du Gouvernement. Il a également souhaité une réaction du Gouvernement et du Parlement français sur les crimes du colonialisme.

M. Bernard Derosier a rappelé avec humour une référence personnelle sans doute partagée, celle des mots « Du passé faisons table rase… » du chant révolutionnaire L’Internationale, précisant que cela ne voulait pas dire qu’il ne fallait pas tenir compte de l’histoire, qui éclaire pour l’avenir. Le colonialisme est un élément de l’histoire commune des nations, celles qui l’ont subi comme celles qui l’ont imposé. Il n’est pas le seul fait de la France, d’autres pays en ont été les acteurs, comme l’Empire ottoman en Algérie, d’autres pays en ont subi les conséquences. Et la France, par la voix de son Président de la République, à Constantine, a reconnu le caractère injuste du système colonial.

L’Algérie a gagné son indépendance, la France en a pris acte. Depuis près de 50 ans, les relations entre les deux pays s’inscrivent dans ce cadre. La France a connu d’autres situations de guerre, avec l’Allemagne par exemple. Dans les années qui ont suivi cette guerre qui a fait des millions de morts, la France et l’Allemagne ont su trouver les voies de la réconciliation, ce qui a permis la construction de l’Europe. Ce qui a été possible entre la France et l’Allemagne serait-il donc impossible entre la France et l’Algérie ? M. Derosier s’est refusé à le croire.

Quant aux séquelles des essais nucléaires, M. Derosier a précisé que la loi d’indemnisation des victimes des essais votée par le Parlement français s’appliquait aux citoyens algériens. Il a approuvé l’idée de prendre en considération, sur le terrain, les problèmes pratiques auxquels sont confrontées les populations, et suggéré de continuer sur ce sujet les discussions engagées pour trouver les modalités de mise en œuvre d’une politique partagée. C’est un sujet qui pourrait être un exemple concret du travail en commun des deux assemblées nationales, et qui pourrait être mis à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la Grande Commission interparlementaire Franco-Algérienne.

M. Layachi Dadoua a rappelé que la criminalisation du colonialisme devait être internationale, et que la colonisation en Afrique du Nord, et en particulier en Algérie, s’était vue glorifier par une loi française.

Il a ensuite évoqué la situation régionale, dans le Maghreb et dans le Sahara et exprimé le regret que la France n’ait pas consulté l’Algérie avant d’entreprendre un certain nombre d’actions. L’Algérie a expérimenté, et combattu, seule, le terrorisme, et a donc une expérience certaine et utile en la matière. L’Algérie a aussi été dans le monde arabe la première à adopter la démocratie et le pluralisme politique. Ce qui se passe à sa frontière est inquiétant.

M. Bernard Derosier a remercié M. Dadoua pour sa franchise. Il a expliqué que la France n’avait pas voulu, pendant la décennie noire, prêter le flanc à la critique d’ingérence dans les affaires d’un pays totalement indépendant, mais jugé qu’avec le recul, la France aurait dû manifester sa solidarité avec le peuple algérien victime de manière plus forte.

S’agissant de la Libye, M. Bernard Derosier a rappelé que la France participait à une opération menée sous l’égide de l’ONU, avec l’accord de la Ligue des États arabes et de l’Union Africaine. Les discussions, les échanges entre la France et l’Algérie, qui a une longue frontière commune avec ce pays, doivent contribuer à trouver la solution la plus appropriée pour les populations civiles libyennes, et pour les pays de la région qui luttent contre le terrorisme.

M. Miloud Chorfi, député de Mascara, chef du groupe parlementaire « Rassemblement National Démocratique »

Après avoir souhaité la bienvenue à la délégation, et appelé au renforcement des liens entre les deux pays, les deux peuples et les deux parlements, dans le respect mutuel, M. Miloud Chorfi a présenté le Rassemblement national Démocratique. Nouveau parti né le 21 février 1997, après que l’Algérie a ouvert la porte au multipartisme, le RND suit les principes fondateurs de la Révolution de février 1962. Parmi les premiers résistants au terrorisme, le RND a apporté son soutien au Président Bouteflika, dont les efforts ont permis la réconciliation nationale sans laquelle il n’y a pas de paix, de stabilité et de développement possible.

Il a ensuite commenté les propos tenus la veille de l’arrivée de la délégation par le Président Bouteflika lors de son intervention télévisée, qui constituent une réponse claire aux aspirations et aux demandes de la majorité du peuple algérien. À la différence de ses voisins, l’Algérie a mis en place le multipartisme dès 1988, et a expérimenté les vents et tempêtes de la démocratie au cours de la décennie 1990, au prix fort.

M. Bernard Derosier a vivement remercié M. Miloud Chorfi pour cette présentation, en particulier, des récents développements relatifs à l’organisation intérieure de l’Algérie. Il l’a interrogé sur les attentes de son parti vis-à-vis de la France.

En réponse, M. Miloud Chorfi a cité le renforcement des liens et de la coopération entre deux pays si proches et qui ont une langue en partage, des échanges de vues sur certaines questions relatives à l’Algérie comme à son environnement, qui restent marquées par l’ambiguïté, tel le récent débat sur l’islam en France et, enfin, une transformation des relations économiques, restées au niveau des échanges commerciaux. M Chorfi a cité en particulier pour illustrer son propos l’absence de participation de la France au programme de privatisation conduite par le Gouvernement algérien.

M. Bernard Derosier a estimé que des échanges francs et approfondis pourraient permettre de faire avancer les solutions aux trois points soulevés. La Grande Commission Interparlementaire pourrait être l’un de ces outils de dialogue ; installée depuis mai 2009, elle pourrait tenir sa première réunion à Alger avant la fin des deux législatures française et algérienne.

Il a assuré à son interlocuteur que la délégation comprenait que la question de la Libye était importante pour l’Algérie, en raison de la frontière commune, des implications pour les pays du Sahel et des risques liés au terrorisme, et que cela devait être pris en considération, mais que les deux pays avaient une référence commune, le « devoir de protection des population civiles », posée qui plus est par les Nations Unies.

S’agissant du débat sur l’islam, il a rappelé que le débat voulu et organisé par le groupe politique majoritaire avait suscité des divisions en France et des nuances entre la position de ce groupe politique et celle du gouvernement français.

Quant aux relations économiques, la visite en France en 2008 de la délégation du groupe d’amitié Algérie - France avait été l’occasion de mettre en lumière le rôle des PME-PMI dans le développement économique. L’organisation les 30 et 31 mai d’un forum économique des PME-PMI est en ce sens un aboutissement. Les entrepreneurs constatent un certain nombre de freins ; les acteurs politiques comme les diplomates doivent travailler à les inciter à venir.

M. Miloud Chorfi a souhaité que la Grande Commission interparlementaire se réunisse dans quelques mois en Algérie. L’ordre du jour de sa réunion devra permettre un partenariat plus actif dans le respect mutuel entre les deux pays. Il a enfin interrogé M. Derosier sur les attentes de la délégation.

M. Bernard Derosier a expliqué que nombre de parlementaires, de citoyens français souhaitaient ardemment que les Français et les Algériens se tournent ensemble vers l’avenir, et travaillent main dans la main à résoudre les problèmes internationaux.

M. Ahmed Issad, député de Bouira,
représentant le chef du groupe parlementaire
« Mouvement pour la Société pour la Paix »

M. Ahmed Issad a tout d’abord présenté son groupe politique, le troisième en nombre, membre de l’Alliance présidentielle, et qui occupe des postes de responsabilité tant à l’APN qu’au gouvernement (4 ministres).

Pour son groupe politique, les relations entre la France et l’Algérie se conjuguent au passé, au présent et au futur. S’agissant du passé, il a rappelé que l’adoption par le Parlement français d’une loi glorifiant le colonialisme avait ravivé pour sa génération le souvenir de plus d’un siècle de souffrances, de crimes sanguinaires et de crimes contre l’humanité commis de 1832 à 1962. Pour que cette page se tourne, il était essentiel que la France reconnaisse ses crimes envers le peuple algérien. Il a également rappelé combien l’Algérie s’était sentie seule pendant la décennie noire, qui avait vu la France accueillir sur son sol les responsables de cette tragédie, pour protéger ses propres intérêts.

Pour les jeunes générations, le présent et le futur sont, eux, basés sur un intérêt réciproque : l’appartenance commune à l’aire méditerranéenne, les relations historiques, le désir de l’Algérie de développer son économie. À ce sujet, M. Ahmed Issad a regretté la frilosité des entreprises françaises qui n’ont pas pris part aux plans d’investissements de plusieurs milliards de dollars mis en œuvre ces dernières années, préférant se limiter aux gains faciles et garantis liés au secteur des hydrocarbures.

M. Issad a exprimé son inquiétude à propos du récent dialogue sur l’islam, considérant pour sa part que les musulmans pouvaient être un trait d’union entre la France et l’Algérie, ainsi que sa réprobation de ce qu’il considère être un double standard en matière de droits de l’homme, la France ne faisant pas pour la Palestine ce qu’elle fait pour la Libye.

Il a enfin déclaré, revenant sur la situation régionale, que le soutien apporté par les pays occidentaux aux dirigeants en place avait empêché l’éclosion de ces demandes démocratiques, pour lesquelles l’Algérie avait été pionnière, à la fin de la décennie 80. Seul le terrorisme avait interrompu le processus.

M. Bernard Derosier, tout en la trouvant un peu rude, a salué la franchise de M. Issad.

Il a tout d’abord souhaité rectifier la présentation faite d’une décision du Parlement français. Il n’existe pas dans le corpus législatif français de texte glorifiant le colonialisme. À l’occasion d’un texte présenté par le gouvernement concernant des Français d’origine algérienne, un amendement d’origine parlementaire, qui valorisait la période coloniale - théorie à laquelle, loin s’en faut, tous les Français ne souscrivent pas - s’est glissé dans le débat, à la faveur d’une séance de nuit. Une correction a été immédiatement apportée dès que les conséquences de cette adoption par inattention ont été perçues.

M. Derosier a également souligné que l’histoire était aussi faite de mouvements de population, qui ont marqué les peuples, et que la colonisation française aurait tout aussi bien pu être une colonisation ottomane. L’Algérie a su défendre une politique de réconciliation nationale. En tenant compte de l’histoire, source d’information sur le passé et outil d’analyse de l’avenir, pour éviter que ne se renouvellent les formes les plus négatives, pourquoi ne pas enfin trouver le chemin d’une « réconciliation internationale », à l’image de ce qu’ont su faire la France et l’Allemagne?

S’agissant du débat sur l’islam organisé à l’initiative d’une formation politique, il a suscité des réserves des autres religions, et même au sein de cette formation. Correspondant à des préoccupations d’ordre intérieur, il est surtout concomitant de la montée de thèses populistes à la recherche de boucs émissaires, et cela n’est pas malheureusement pas le propre de la France. M. Derosier a appelé, sur cette question, son interlocuteur à être vigilants, ensemble.

M. Jean Proriol a ajouté que ce débat visait à combattre les préjugés colportés sur l’islam et qu’il avait été plutôt bien perçu par tous ceux qui y avaient participé, dont des représentants de toutes les religions, même si l’image que la presse en avait donné pouvait sembler différente.

En matière de relations internationales, M. Bernard Derosier a appelé au respect de toutes les résolutions des Nations Unies.

M. Jérôme Lambert a rappelé que, tout comme la France, l’Algérie entretenait des relations diplomatiques avec des pays qui n’étaient pas tous des démocraties modèles.

M. Imad Djaafri, député de Ourgla,
chef du groupe parlementaire des « Indépendants »

M. Imad Djaafri a tout d’abord présenté la situation intérieure de l’Algérie, se félicitant de la réélection en 2009 du Président Bouteflika, et de ses récentes déclarations. Grâce à lui, et au courage des citoyens, l’Algérie a pu sortir de la décennie noire et commencer une nouvelle ère, marquée par la réconciliation nationale – même si la séquelle des disparus n’est pas cicatrisée – et un développement économique remarquable.

Comme ses collègues, M. Djaafri est revenu sur le passé colonial, sur la glorification qui selon lui en était faite en France, ainsi que sur la déception ressentie à ne pas voir la France s’engager plus avant aux côtés des autorités algériennes pendant la décennie 1990.

Il a exprimé le souhait que les entreprises françaises investissent plus en Algérie, car l’Algérie refuse d’être un simple marché de commerce pour la France. Il a aussi demandé que la circulation des personnes soit facilitée. Il a remarqué que l’Union pour la Méditerranée visait pourtant à promouvoir le renforcement des liens de voisinage entre les deux rives de la Méditerranée.

M. Bernard Derosier, sur les premiers points, a réitéré ses explications et son souhait de voir les deux pays se tourner ensemble vers l’avenir, sans oublier le passé qui éclaire, et trouver ensemble le chemin d’une réconciliation internationale comme l’Algérie a su le faire pour elle-même avec la loi de réconciliation nationale.

Il a partagé l’opinion de M. Djaafri de voir la France jouer le rôle de médiateur entre l’Algérie et l’Union Européenne, en raison des liens particuliers qui les unissent.

M. Jérôme Lambert a en premier lieu reconnu que la réaction algérienne en 2005 était justifiée, car il n’était pas acceptable de glorifier la colonisation en Afrique du Nord. Mais il a également noté que seule l’Algérie continuait aujourd’hui à évoquer une disposition législative qui n’existait pas.

Il a ensuite constaté qu’une très forte demande d’investissements français était adressée à la délégation. La France est le premier investisseur étranger hors le secteur des hydrocarbures. Les 430 entreprises présentes ont créé 35 000 emplois directs et plus de 100 000 emplois indirects. Si la délégation partage le souhait que les relations économiques entre les deux pays se renforcent, elles prennent place dans un contexte d’économie libre, et de concurrence mondiale. L’État français ne détermine pas les décisions d’investissement des entreprises, et ces dernières choisissent d’investir là où elles peuvent le faire le plus facilement. C’est le droit le plus absolu de l’Algérie que d’imposer des conditions, comme par exemple un partenariat avec part majoritaire, mais ces conditions sont contraignantes dans le contexte mondial. Certes, les Chinois le font aussi, mais uniquement pour les secteurs stratégiques.

M. Bernard Derosier a conclu à la nécessité de poursuivre le dialogue à tous les niveaux. Pour ce qui relève des parlementaires, un outil existe, la Grande Commission interparlementaire, dont il a vivement souhaité que sa première réunion se tienne à Alger, avant la fin de l’année.

M. Ramdhane Tazibt, député de Boumerdès,
représentant le chef du groupe parlementaire « Parti des Travailleurs »

M. Ramdhane Tazibt a décrit la France et l’Algérie comme deux pays complémentaires, et égaux.

La double guerre menée pendant 20 ans à son pays, par les terroristes et par les plans d’ajustement structurel, ont entraîné un sinistre sur le plan économique et social, avec plus de 2 millions d’emplois perdus, qui a en retour nourri le terrorisme. Les efforts à faire pour reconstruire l’économie et réindustrialiser le pays sont immenses.

Or l’accord d’association avec l’Union européenne, négocié de façon inéquitable, n’a pas tenu ses promesses. Les privatisations n’ont eu pour conséquence que la désindustrialisation. La Tunisie, longtemps donnée en exemple, montre à quel point ces politiques peuvent avoir des effets nocifs. Or le dommage collatéral des troubles politiques, c’est l’émigration.

M. Tazibt s’est félicité que l’Algérie ait aujourd’hui la chance de disposer de ressources financières propres, au contraire des années 80. Privilégier des relations bilatérales d’État à État, qui, elles, prennent en compte le facteur humain, culturel, politique, avec la France permettrait de densifier et de diversifier les relations économiques entre les deux pays.

Dans ce contexte, les tensions inutiles, liées au passé colonial ou bien au fait de considérer l’Algérie comme un pays à risque, devraient être évitées entre deux pays qui se veulent amis.

En matière internationale, M. Tazibt a récusé toute forme d’intervention, notamment militaire, en Libye et en Côte d’Ivoire, ainsi que le qualificatif « arabes » pour des révoltes qui touchent tous les pays dans un contexte de crise internationale, comme l’ont montré en France les manifestations contre la réforme des retraites ou plus récemment le très fort taux d’abstention aux élections cantonales.

M. Bernard Derosier a interrogé M. Tazibt sur la façon dont sans intervention militaire, la communauté internationale aurait pu protéger des populations civiles qui avaient exercé leur droit légitime d’expression et de manifestation, et qui étaient sur le point d’être massacrées. En Libye comme en Côte d’Ivoire, la communauté internationale a bâti un large consensus avant d’intervenir pour faire respecter l’expression des citoyens de ces deux pays.

M. Jérôme Lambert, quant à lui, a pris bonne note du souhait de M. Tazibt de régler de façon bilatérale les questions commerciales, tout en soulignant que ces questions relevaient dorénavant du domaine de compétence de l’Union Européenne.

M. Abdelkader Driham, député de Chlef,
chef du groupe parlementaire « Front National Algérien »

Après avoir fait un bref historique de son parti (créé en 1999, en progression constante à chaque élection, très populaire parmi la jeunesse algérienne), M. Abdelkader Driham a abordé la question de la situation régionale, retrouvant dans la situation libyenne des traits communs avec l’Algérie des années 90 : un changement précipité, mal préparé, qui débouche sur le chaos. Tout en déclarant soutenir les peuples opprimés, M. Driham s’est prononcé en faveur de la non intervention dans les affaires intérieures des pays arabes, dont d’autres pourraient connaître un sort similaire.

M. Bernard Derosier a déclaré comprendre les raisons qui, compte tenu de sa situation particulière, justifiait la position de l’Algérie. Il a toutefois souligné qu’il trouvait paradoxal que l’on reproche à la France d’intervenir pour protéger des populations civiles, en conformité avec les Nations Unies, avec le soutien de la Ligue des États arabes et de l’Union africaine, alors que par ailleurs, le reproche lui était fait de n’être pas suffisamment intervenue pendant la décennie noire.

Il a déclaré que l’intervention militaire ne règlerait pas tout, et qu’il fallait aujourd’hui trouver les voies et moyens d’en sortir.

M. Abdelkader Driham a précisé sa position en déplorant que plus de temps n’ait pas été laissé à une négociation entre Libyens pour régler ce conflit interethnique, et que l’intervention ait pour effet de multiplier de façon incontrôlable la circulation des armes.

Il a ensuite regretté les insuffisances de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie, et souhaité l’implication plus forte de la France pour en améliorer les clauses.

M. Bernard Derosier a conclu cette série d’entretiens en souhaitant que la France et l’Algérie cherchent de concert à remplir les conditions permettant de signer un traité d’amitié entre les deux pays, les deux peuples, les deux parlements.

M. Brahim Boulahia,
président de la commission des affaires extérieures
du Conseil de la Nation

M. Bernard Derosier a remercié M. Brahim Boulahia d’accueillir la délégation de l’Assemblée nationale au sein de la seconde chambre algérienne, et a souligné l’intérêt de cette visite, au lendemain d’un discours du Président de la République qui fera date et alors que les relations franco-algériennes sont dans une phase de renouveau.

Tout en précisant que les parlementaires n’étaient pas chargés des relations diplomatiques, il a constaté que cette visite témoignait d’une détermination partagée de contribuer aux relations entre la France et l’Algérie.

En presque 50 ans d’indépendance, ces deux pays ont eu des relations marquées par des moments de bonne coopération, et parfois par des moments de tensions.

M. Derosier a rappelé sa présence en Algérie, en 2003, quand les Présidents Chirac et Bouteflika avaient conclu à la nécessité de passer à l’étape d’un traité d’amitié entre leurs deux pays. Cela n’a finalement pas eu lieu, une autre occasion se présentera un jour sans doute.

M. Brahim Boulahia a souhaité exprimer quelques préoccupations, de façon franche et sincère, car il n’y a pas de relations satisfaisantes sans clarté, sincérité et franchise. Il a noté que non seulement le niveau des relations entre les deux pays était insatisfaisant (alors même que les conditions étaient réunies pour qu’elles soient ambitieuses), mais aussi, que lorsque des efforts étaient faits de part et d’autre pour les améliorer, un incident survenait. Sans qu’il puisse identifier qui voulait ainsi freiner ces avancées, voire les annuler. M. Boulahia a cité l’exemple de la proposition de traité d’amitié en 2003, immédiatement suivie par la loi glorifiant le colonialisme du 23 février 2005. En tant que juriste, il ne pouvait comprendre comment usurper la liberté d’un peuple pouvait être assimilé à une mission civilisationnelle et être glorifiée.

M. Bernard Derosier a saisi cette occasion qui lui était donnée de rectifier une présentation erronée des faits. Il n’a jamais été question d’un texte de loi présenté, voté, promulgué et publié glorifiant le colonialisme, mais bien plus simplement d’un amendement adopté nuitamment en séance de nuit dans un hémicycle quasi désert comme cela arrive hélas trop souvent, sur un texte dont l’objet était beaucoup plus large. Les quelques députés présents n’ont pas mesuré la portée de l’adoption de cet amendement qui ne glorifiait pas la colonisation, mais voulait en souligner certains aspects que l’auteur de l’amendement jugeait positifs, opinion que ne partage pas cette délégation. Et cela a été rectifié dans les meilleurs délais possibles.

Cela fait partie de l’histoire commune entre la France et l Algérie, et l’histoire est une incontestable valeur de référence. Toutefois, si elle éclaire le passé, c’est pour mieux préparer l’avenir, bâtir ensemble le futur.

M. Brahim Boulahia a précisé qu’en tant qu’élu de la Nation, il tenait à exprimer la position des citoyens algériens sur ce point sensible, tout comme sur celui, également sensible, du niveau des relations économiques. Une histoire commune, une géographie qui lie, une langue en partage, des populations qui se mélangent, tout cela devrait concourir à des relations économiques d’un niveau bien supérieur.

M. Bernard Derosier a estimé que l’on pouvait en effet toujours faire mieux.

Mais la France est déjà le premier investisseur étranger hors le secteur des hydrocarbures. Les 430 entreprises présentes ont créé 35 000 emplois directs et plus de 100 000 emplois indirects. La France, de plus, a un modèle économique libéral, et le gouvernement français n’a pas la capacité d’obliger les investisseurs français à venir s’installer en Algérie.

M. Bernard Derosier s’est toutefois réjoui de deux facteurs de nature, à ses yeux, à répondre aux attentes de M. Boulahia : d’abord la mission confiée aux deux « facilitateurs économiques », MM. Raffarin et Benmeradi, et ensuite le forum des PME-PMI les 30 et 31 mai, aboutissement d’un dossier ouvert lors de la venue en France du groupe d’amitié Algérie – France, en 2008.

M. Brahim Boulahia a conclu l’entretien en rappelant que la France comme l’Algérie devaient avoir le meilleur pour ambition, au service des deux pays et des deux peuples, et au bénéfice partagé des deux partenaires. L’Algérie est un pays ouvert, où le meilleur emporte les marchés, et la France dispose d’atouts considérables par rapport aux autres investisseurs.

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