Accueil > Document d'information de l'Assemblée nationale
Version PDF




ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

_____________________________________________________





R A P P O R T D’ I N F O R M A T I O N


Présenté à la suite de la mission effectuée en Turquie
du 11 au 16 avril 2010

par une délégation du



GROUPE D’AMITIÉ FRANCE- TURQUIE





_____________________________________________________

Cette délégation était composée de M. Michel Diefenbacher, Président, Mme Arlette Grosskost, MM. André Chassaigne, Jean-Philippe Maurer, Christophe Bouillon, Vice-Présidents et Serge Blisko, Secrétaire parlementaire.

SOMMAIRE

CARTE 4

INTRODUCTION 5

I. UN CONTEXTE FAVORABLE A LA MISSION DU GROUPE D’AMITIÉ 6

A. Le succès de la « Saison de la Turquie en France » 6

B. Le renforcement des liens entre les deux pays 7

C. Des échanges économiques avec la France en plein développement 8

II. LA GRANDE ASSEMBLEE NATIONALE DE TURQUIE ET LE REGIME PARLEMENTAIRE TURC 11

A. La naissance de la Grande Assemblée nationale et de la Turquie moderne 12

B. Le régime parlementaire turc 12

III. UN PAYS MARQUÉ PAR UN FORT DYNAMISME ÉCONOMIQUE 13

A. La Turquie et la crise économique mondiale 13

B. La situation économique actuelle et ses perspectives 14

IV. PROCESSUS DES NEGOCIATIONS D’ADHESION A L’UNION EUROPEENNE ET EVOLUTION POLITIQUE DE LA TURQUIE 15

A. L’état d’avancement des négociations 17

B. La position de la France 20

C. Des réformes perfectibles dans le domaine des droits de l’homme et des libertés publiques 21

V. LA TURQUIE DISPOSE D’UN POLE D’EXCELLENCE D’ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS 22

A. le lycee francais Charles de Gaulle D’ankara 23

B. le lycee Saint-Benoit d’Istanbul 23

C. Le lycée de Galatasaray 24

D. L’université Galatasaray 25

CONCLUSION 26

ANNEXE 28

CARTE

INTRODUCTION

Conduite par son Président, Michel Diefenbacher, député (U.M.P.) du Lot-et-Garonne, une délégation du groupe d’amitié France-Turquie s’est rendue en Turquie du 11 au 16 avril 2010, à l’invitation de la Grande Assemblée nationale de Turquie. Cette délégation était en outre composée de Mme Arlette Grosskost, députée (U.M.P.) du Haut-Rhin, MM. André Chassaigne, député (G.D.R.) du Puy-de-Dôme, Jean-Philippe Maurer, député (U.M.P.) du Bas-Rhin et Christophe Bouillon, député (S.R.C.) de Seine-Maritime, vice-présidents, et de Serge Blisko, député (S.R.C.) de Paris, secrétaire parlementaire.

Le programme de visites et de rencontres a conduit la délégation successivement à Ankara, Bursa et Istanbul où elle s’est entretenue avec de hautes personnalités politiques, a rencontré des responsables des milieux économiques, visité l’usine Renault de Bursa ainsi que plusieurs établissements scolaires et universitaires dispensant leurs enseignements en langue française.

La délégation a particulièrement apprécié l’accueil chaleureux des autorités turques et de tous ses interlocuteurs ainsi que le grand intérêt porté à l’approfondissement des relations bilatérales. Elle remercie vivement les services de la Grande Assemblée nationale de Turquie, ceux de l’Ambassade de France et du Consulat général d’Istanbul pour la qualité du programme et l’efficacité de l’organisation de la mission.

Cette visite était la première, depuis 1996, du groupe d’amitié de l’Assemblée nationale. Elle faisait elle-même suite à la première réception en France, depuis 1990, d’une délégation du groupe d’amitié Turquie-France au mois de novembre 2009.

L’adoption, en 2001, d’une loi mémorielle relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 et le différend sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne expliquent pour l’essentiel cette longue mise en sommeil du dialogue interparlementaire.

Les deux groupes d’amitié se sont félicités d’avoir ouvert une nouvelle page dans l’histoire de leurs relations.

I. UN CONTEXTE FAVORABLE A LA MISSION DU GROUPE D’AMITIÉ

Cette mission s’est déroulée dans un contexte particulièrement favorable : la « Saison de la Turquie en France » a été un remarquable succès. Inaugurée en présence du Président Abdullah Gül en octobre 2009, sa clôture a été l’occasion en avril 2010 d’une visite du Premier ministre Recep Tayip Erdoğan . Ces deux visites se sont déroulées dans les meilleures conditions.

A. Le succès de la « Saison de la Turquie en France »

La mission a eu lieu alors que venait de s’achever la « Saison de la Turquie en France », qui s’est traduite par plus de 600 manifestations organisées à Paris et dans 80 villes de province, de juillet 2009 à mars 2010. Son large succès et son grand retentissement ont été unanimement reconnus.

A côté de grandes expositions culturelles, telles celles du musée du Louvre, sur les caftans de Topkapi, la cité antique d’Izmir et la culture hittite, visitées par un million trois cent mille personnes ou encore celle, emblématique, « De Byzance à Istanbul, un port pour deux continents » organisée au Grand Palais qui a rassemblé plus de deux cent cinquante mille visiteurs, se sont multipliés partout en France, des concerts, des représentations théâtrales, des festivals du film turc, des manifestations littéraires.

Le milieu éducatif a largement participé à l’événement par l’organisation d’échanges scolaires et d’initiatives croisées entre établissements d’enseignement des deux pays.

Le programme de la  « Saison » a également comporté un volet économique impliquant des entreprises turques et françaises présentes au sein de salons professionnels ou de forums d’affaires.

Au titre du « débat d’idées », se sont tenus des dizaines de colloques sur des thèmes très diversifiés. Le groupe d’amitié a, pour sa part, en partenariat avec le milieu associatif, contribué à l’organisation de trois conférences-débats qui se sont déroulées dans l’enceinte de notre Assemblée et qui, à chaque fois, ont réuni plusieurs centaines de participants :

● La première s’est tenue le 24 octobre 2009 à l’initiative de l’association « Turquie européenne » et a débattu du processus des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Elle a aussi dressé le bilan des coopérations décentralisées mises en œuvre entre la France et la Turquie.

● La deuxième, organisée le 8 décembre 2009 par l’association «Cordoue Confluences », s’est interrogée sur les influences croisées et les particularités des laïcités turques et françaises.

● Les travaux de la troisième, réunie le mardi 23 mars 2010 à l’initiative de « L’union et la fédération des écoles françaises de Turquie », ont porté sur l’histoire et l’avenir des six établissements scolaires fondés à partir du XVIe siècle à Istanbul et Izmir dispensant leurs programmes d’enseignement en français.

La « Saison de la Turquie en France » a permis à de nombreux Français de découvrir ou de mieux connaître l’histoire de la Turquie et de mesurer la richesse et l’ancienneté des liens qui ont uni les deux pays depuis le XVIe siècle. Elle a aussi mis en évidence la modernité de ce pays, incontestablement méconnu et en butte à bien des préjugés.

Cette grande manifestation a véritablement créé une dynamique qu’il serait souhaitable de maintenir. Elle a sans aucun doute contribué à l’amélioration du contexte des relations bilatérales dans tous les domaines.

B. Le renforcement des liens entre les deux pays

La délégation du groupe d’amitié s’est rendue en Turquie alors que M. Recep Tayip Erdoğan, Premier ministre de Turquie, venait d’achever une visite officielle en France début avril 2010, à l’occasion de la cérémonie de clôture de la « Saison de la Turquie  en France». Cette visite avait été marquée par un agenda politique particulièrement important et par des contacts avec les représentants des milieux économiques français.

Déjà constatés lors de la visite à Paris en octobre 2009 du Président de la République de Turquie, M. Abdullah Gül, à l’occasion de l’ouverture de la « Saison », la « trêve médiatique » et le réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays se sont depuis nettement confirmés.

Tous les observateurs ont noté après cette visite la volonté partagée des deux pays de surmonter leur différend sur la finalité des négociations d’adhésion à l’Union européenne et de renforcer la coopération bilatérale dans tous les domaines.

C. Des échanges économiques avec la France en plein développement

Le programme de la mission du groupe d’amitié a comporté un volet économique particulièrement riche.

La délégation s’est successivement entretenue avec M. Ali Babacan, Vice-Premier ministre, ministre d’Etat chargé de la coordination des Affaires économiques, a rencontré les conseillers du commerce extérieur français ainsi que les représentants des milieux économiques turcs. Elle a également visité l’entreprise Renault de Bursa.

Tous ses contacts lui ont permis de mieux appréhender la situation des relations commerciales entre les deux pays ainsi que l’évolution économique de la Turquie.

Bien que très déséquilibrés, et en deçà de leur potentiel, les échanges économiques et commerciaux entre les deux pays sont remarquables.

Si les désaccords politiques intervenus au cours de la dernière décennie ont pu peser sur la signature de certains contrats, la France est néanmoins devenue le deuxième client de la Turquie, après l’Allemagne. Ses échanges commerciaux ont atteint 10 milliards d’euros en 2009. L’objectif affiché est de les porter à 15 milliards d’euros dès 2012.

La France se classe également au deuxième rang pour ce qui concerne les investissements réalisés en Turquie où 330 de ses entreprises sont implantées, employant près de 100 000 personnes, dans des secteurs d’activité très divers (Danone, L’Oréal, Total, Renault, P.S.A. Peugeot-Citroën, Lafarge, B.N.P.-Paribas, Groupama, Carrefour…).

Les investissements turcs en France demeurent en revanche modestes puisqu’ils sont de l’ordre de 100 millions d’euros. La France entend les encourager. L’ouverture prochaine à Istanbul d’une antenne de l’Agence française des investissements internationaux placée sous la tutelle du ministère de l’économie et des finances devrait permettre de leur donner un essor très conséquent.

Grâce à ses nombreuses zones franches, la Turquie offre des conditions favorables à l’implantation des entreprises étrangères Elle propose par exemple la mise à disposition de terrains ou l’exonération partielle des charges sociales.

La délégation a visité avec un vif intérêt les installations et les chaînes de montage de l’usine Renault située à Bursa, ville industrielle du Nord-Ouest de la Turquie. La rencontre avec la très dynamique équipe dirigeante a été particulièrement chaleureuse et enrichissante.

Associé au groupe Oyak (fonds de pension de l’armée turque), Renault a débuté son activité en Turquie dès 1971 et a connu un développement très rapide.

Avec un effectif de 6 000 salariés, la filiale industrielle Oyak-Renault (51 % Renault, 49 % Oyak), produit 360 000 véhicules particuliers par an, essentiellement des gammes Mégane et Clio. Elle devrait prochainement partager avec les établissements Renault de Flins la production du nouveau modèle Clio 4. L’usine s’apprête également à fabriquer plusieurs séries de véhicules électriques.

L’outil de production est remarquablement moderne et performant. La qualité de la production approche le « zéro défaut ». Les ouvriers travaillent 45 heures par semaine. Il n’y a pas de conflits sociaux.

Renault-Oyak est le premier constructeur automobile du pays où il représente la cinquième plus grande entreprise. 80 % de sa production est exportée vers plus de cent pays répartis sur les cinq continents. Avec 83 000 unités vendues en 2007, Renault est, pour les véhicules particuliers, la première marque automobile commercialisée en Turquie. Le marché local est loin d’être saturé et la demande intérieure devrait augmenter fortement dans les prochaines années.

Outre les constructeurs Renault et P.S.A. Peugeot-Citroën, la présence française en Turquie dans la filière automobile est significative : elle compte une trentaine d’entreprises ayant une activité industrielle, commerciale ou de service.

En particulier, 17 équipementiers français sont installés en Turquie (Valéo, Mecaplast Otomotiv, M.G.I. Courtier….), principalement dans la zone industrielle de Bursa et la région de la mer de Marmara. Généralement implantées à la demande d’un constructeur (principalement Renault), ces entreprises ont par la suite trouvé des débouchés chez d’autres clients, voire à l’export.

Plus généralement, l’industrie automobile constitue un des piliers de l’économie turque. La Turquie est, en Europe, le premier constructeur d’autobus et le deuxième constructeur de véhicules utilitaires légers. Toutes productions confondues, elle se classe au 17e rang mondial. Fiat, Honda, Hyundai et Ford sont également présents en Turquie.

L’implantation des entreprises françaises se manifeste dans de nombreux autres secteurs et a tendance à se diversifier. Ainsi, récemment, des entreprises ont-elles développé leur activité dans le secteur des énergies renouvelables.

La présence économique française bénéficie également du soutien de l’Agence française de développement qui a consenti un milliard d’euros de prêts depuis 2004.

Par ailleurs, il existe des perspectives de grands contrats pour les entreprises françaises, en particulier dans le domaine des transports aériens, plus précisément dans la fourniture de nouveaux appareils Airbus à la compagnie Turkish Airlines (T.H.Y.) qui est en plein développement. Selon les chiffres publiés par l’Association des compagnies aériennes européennes (A.E.A.), Turkish Airlines est devenue, avec un volume de 25 millions de passagers en 2009, le quatrième transporteur européen. Istanbul est la neuvième plateforme aéroportuaire (hub) d’Europe.

Des projets industriels pourraient se concrétiser notamment dans le secteur du transport de gaz. L’entreprise G.D.F.-Suez pourrait en effet intégrer le consortium chargé de la construction du gazoduc « Nabucco », long de 3 300 kilomètres qui reliera l’Asie Centrale à l’Europe via la Turquie.

En revanche, les entreprises françaises restent absentes du marché de production électronucléaire, dont les développements sont pourtant particulièrement prometteurs.

II. LA GRANDE ASSEMBLEE NATIONALE DE TURQUIE ET LE REGIME PARLEMENTAIRE TURC

A Ankara, le programme de la mission a comporté plusieurs entretiens au sein de la Grande Assemblée nationale de Turquie : la délégation française s’est entretenue avec son Président, M. Mehmet Ali Şahin, a rencontré le groupe d’amitié Turquie-France, présidé par M. Yaşar Yakiş, par ailleurs Président de la Commission d’harmonisation avec l’Union européenne, ainsi que la Commission des Affaires étrangères, présidée par M. Murat Mercan.

Au cours de ces échanges, les deux groupes d’amitié se sont félicités de la relance du dialogue entre les deux Assemblées et ont plus particulièrement abordé l’état d’avancement du processus des négociations d’adhésion, l’évolution de la diplomatie turque, l’avenir des échanges commerciaux et des investissements entre les deux pays ainsi que le contenu de la réforme de la Constitution turque en voie d’adoption.

La délégation a visité l’Assemblée, construite en 1960, et s’est rendue dans la très moderne et spacieuse salle des séances. Devenu trop exigu, le bâtiment qui avait abrité l’Assemblée depuis 1924, et dans lequel furent menées les plus importantes réformes conduites par Mustafa Kemal Atatürk, a été transformé en musée national.

A. La naissance de la Grande Assemblée nationale et de la Turquie moderne

La Grande Assemblée nationale de Turquie (Türkiye Büyük Millet Meclisi) a été fondée le 23 avril 1920, en pleine guerre de libération menée par Mustafa Kemal, le futur Atatürk (« père des Turcs ») contre l’occupation des forces étrangères et le démantèlement du territoire tels que prévus par le Traité de Sèvres.

Après la victoire des forces nationales, l’armistice est signé le 11 octobre 1922. Le sultanat et le califat sont abolis respectivement le 1er novembre 1922 et le 3 mars 1924. Le traité de Lausanne du 24 juillet 1923 rétablit le territoire de la Turquie dans sa configuration quasi actuelle. La République est proclamée le 29 octobre 1923.

Les fondements de la République ainsi établis, de vastes réformes sont conduites dans le sens d’une laïcisation et d’une modernisation de la société. Il convient de citer notamment l’édiction du code civil et du code pénal, l’instauration du droit de vote des femmes (1930 pour les élections municipales et 1934 pour les élections législatives), la construction d’un système scolaire laïc, le passage au système métrique, l’adoption de l’alphabet latin, du système horaire et du calendrier internationaux, la réforme de l’état civil, la création de la Banque centrale de la République de Turquie, l’adhésion à la Société des Nations…

L’immense rôle qu’a joué Mustafa Kemal, surnommé également le « Ghazi » (le Victorieux), dans l’instauration de la République de Turquie et dans la modernisation du pays, demeure fortement ancré dans la mémoire collective du peuple de Turquie. La délégation française a pu le constater à de nombreuses reprises, aussi bien au cours des divers entretiens et rencontres qu’elle a eus que lors de l’émouvante visite du Mausolée d’Atatürk à Ankara.

B. Le régime parlementaire turc

Le régime parlementaire turc est monocaméral. Le pouvoir législatif appartient à la Grande Assemblée nationale de Turquie qui est composée de 550 députés répartis entre 79 circonscriptions électorales.

La durée du mandat est de quatre ans. Le prochain renouvellement devrait avoir lieu en juillet 2011. L’actuelle Assemblée compte 10 % de femmes.

L’élection des députés s’effectue au scrutin de liste avec répartition des sièges à la proportionnelle assorti de deux conditions restrictives : les partis doivent obtenir au moins 10 % des voix au niveau national et doivent présenter des candidats dans la moitié au moins des districts provinciaux.

Depuis 2002, l’A.K.P., (Parti de la Justice et du développement), formation issue de la mouvance islamiste et conservatrice, mais libérale sur le plan économique, dispose de la majorité à l’Assemblée.

III. UN PAYS MARQUÉ PAR UN FORT DYNAMISME ÉCONOMIQUE

Membre du G 20 depuis 1999, la Turquie s’est hissée en vingt ans du 28e au 17e rang dans le classement des économies mondiales établi par le Fonds monétaire international. Toujours selon les données du F.M.I., la Turquie sera la 13e plus grande puissance économique à l’horizon 2026.

La Turquie est par ailleurs membre de la plupart des organisations économiques internationales et principalement de l’O.C.D.E., de l’O.M.C. et du F.M.I.

A. La Turquie et la crise économique mondiale

La crise boursière de 2008 n’a évidemment pas épargné la Turquie. Après la forte récession qui a marqué le début de l’année 2009, (- 14,5 %), l’économie turque s’est redressée au cours des trois derniers trimestres, la croissance redevenant positive à la fin de la même année. Pour l’année 2010, le gouvernement turc table sur un taux de croissance de 6 %.

Selon les estimations concordantes de la Banque mondiale et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (B.E.R.D.), la Turquie devrait enregistrer le taux de croissance le plus élevé en Europe en 2010, notamment grâce à une augmentation de la consommation intérieure.

La Turquie est le seul pays au monde dont la notation financière, qui mesure le risque de crédit des collectivités publiques et des entreprises, a été améliorée au cours de cette même année 2009.

Mise en œuvre en 2003, après la grave crise financière que le pays avait traversée en 2001, la réforme du système bancaire turc a incontestablement limité les conséquences de la dépression actuelle.

Par ailleurs, l’accès des ménages au crédit est encadré depuis quelques années, qu’il s’agisse de l’octroi de prêts immobiliers ou du crédit à la consommation.

Parallèlement, des réformes ont été conduites dans le domaine de la politique sociale. Le système de protection sociale a été révisé dans le sens d’une plus grande rationalisation des dépenses et l’âge de départ à la retraite des salariés a été porté de 65 à 68 ans.

B. La situation économique actuelle et ses perspectives

Stimulées par les investissements extérieurs et par les négociations avec l’Union européenne, les réformes engagées sur le plan économique au cours des dernières années, ont abouti à des changements macroéconomiques majeurs.

La part du secteur privé dans l’économie turque s’est fortement accrue. Les privatisations ont notamment concerné le secteur des télécommunications, les industries sidérurgique, pétrochimique et métallurgique, les activités portuaires et le secteur des assurances. Ce processus de privatisation devrait être étendu en 2010 au secteur de l’énergie, en particulier à la distribution de l’électricité, et au réseau autoroutier.

Fléau endémique de l’économie turque, l’inflation a commencé à être mieux maîtrisée, son taux passant de 30 % en 2002 à 6,5 % en 2009.

La croissance de l’économie a aussi stimulé le commerce extérieur. Les exportations turques ont atteint 132 milliards de dollars fin 2008 contre 36 milliards en 2002. La forte progression constatée en janvier 2010 (+ 12, 5 %) laisse présager un résultat en forte augmentation en année pleine. Près de la moitié des exportations turques sont destinées aux pays membres de l’Union européenne.

Les revenus tirés du tourisme sont en constante augmentation, passant de 8,5 milliards de dollars en 2002 à 22 milliards en 2009. Grâce à un patrimoine touristique particulièrement riche, mêlant sites naturels, archéologiques et historiques, la Turquie a accueilli plus de 25 millions de touristes étrangers en 2009.

L’évolution n’est cependant pas aussi satisfaisante pour tous les indicateurs économiques. En effet, la progression du taux de chômage est particulièrement préoccupante. Déjà élevé avant le début de la crise financière de 2008 (10 %), ce taux a atteint 14 % en 2009. Il avoisine même 25 % pour la tranche d’âge la plus touchée, c’est-à-dire les jeunes de 16 à 25 ans.

La situation des finances publiques, en particulier l’endettement du pays, demeure également préoccupante, même si de réelles améliorations ont été enregistrées au cours des dernières années. La dette publique, telle que définie par l’Union européenne, de l’ordre de 74 % en 2002, avoisinait encore 40 % en 2008. Parallèlement, le déficit budgétaire estimé à 10 % en 2002 a été ramené à 6 % en 2009.

IV. PROCESSUS DES NEGOCIATIONS D’ADHESION A L’UNION EUROPEENNE ET EVOLUTION POLITIQUE DE LA TURQUIE

L’adhésion à l’Union européenne constitue bien entendu la préoccupation majeure non seulement des milieux politiques et économiques du pays mais aussi de l’ensemble de la population. Elle fait l’objet d’une très forte attente, partagée par toutes les formations politiques et toutes les générations.

L’intense activité diplomatique déployée par la Turquie aussi bien en direction des pays du Proche et Moyen-Orient que des Balkans ou des pays d’Asie centrale ne remet pas en cause sa volonté historique d’un ancrage dans le monde européen.

La question incontournable de l’élargissement de l’Union européenne a donc été abordée de manière approfondie lors des différents entretiens que la délégation a eus au cours de son séjour.

Plus spécifiquement, la délégation a rencontré M. Haluk Ilicak, secrétaire général adjoint pour les Affaires européennes ainsi que Mme Ayşe Sezgin, sous-secrétaire adjoint en charge de l’Union européenne au Ministère des Affaires étrangères. Les discussions ont notamment porté sur la procédure et l’état d’avancement des négociations d’adhésion.

La Turquie a manifesté dès juillet 1959, c’est-à-dire seulement dix-huit mois après le Traité de Rome, sa volonté de rejoindre la communauté européenne. L’accord d’Ankara, signé le 12 septembre 1963 entérinait « l’accord d’association » de la Turquie avec la C.E.E. et prévoyait l’éventuelle possibilité, à terme et sous conditions, d’une adhésion.

Intégrée à l’Union douanière en 1996, la Turquie a obtenu le statut officiel de candidat en décembre 1999 et les négociations d’adhésion ont été ouvertes en octobre 2005.

Mais le débat intra-européen sur l’opportunité d’intégrer ou non la Turquie et la lenteur du processus des négociations ont incontestablement refroidi l’enthousiasme manifesté en 2005.

L’évolution des négociations demeure toutefois suivie avec une attention soutenue. Dans chaque département, un sous-préfet est spécifiquement chargé d’informer les administrés sur les réformes entreprises par l’Etat en vue d’harmoniser la législation turque avec les dispositifs communautaires. Lors de la rencontre du groupe d’amitié avec les étudiants de l’université de Galatasaray, toutes les questions ont, sans exception, porté sur ce sujet.

Il est clair que la position prise notamment par la France n’est pas comprise par la plupart des « décideurs » et des intellectuels turcs. La proposition d’un « partenariat privilégié » est unanimement et clairement rejetée. La Turquie ne bénéficie-t-elle pas d’ores et déjà d’un accord de libre échange avec l’Union européenne et de certaines interventions, tel le programme « Erasmus » ?

Les responsables turcs évoquent eux-mêmes la possibilité pour la Turquie de ne pas adhérer à l’Union européenne. Mais ils estiment qu’une telle décision ne pourrait être prise qu’à l’issue du processus d’adhésion. Encore faut-il que ce processus soit conduit jusqu’à son terme.

Dans ces conditions, ils ont beaucoup de mal à accepter la position prise par la France et rejettent clairement la proposition de « partenariat privilégié », perçue comme un moyen d’écarter a priori la perspective d’une adhésion. Pour eux, les négociations en cours sont ouvertes « en vue d’une adhésion », même s’il ne peut pas être exclu qu’au terme de la négociation, l’adhésion ne soit pas acceptée.

Nos interlocuteurs ont à plusieurs reprises évoqué l’exemple de la Norvège et laissé entendre qu’une fois la négociation achevée, les Turcs pourraient eux-mêmes, comme l’avaient fait les Norvégiens, ne pas donner suite à leur demande. Mais une telle éventualité n’est envisageable qu’au vu des conclusions de la négociation.

A. L’état d’avancement des négociations

Depuis octobre 2005, 13 chapitres de négociation ont, à ce jour, été ouverts sur un total de 35. Un seul chapitre (science et recherche) est provisoirement clos. Il ne pourrait l’être définitivement qu’au terme du processus d’adhésion, l’acquis communautaire étant en constante évolution.

En 2006, huit chapitres en phase préparatoire, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’un rapport de « criblage » identifiant les critères auxquels le pays candidat doit satisfaire, ont été « gelés » par les 27 pays membres en raison du non-respect par la Turquie de ses obligations au titre du protocole d’Ankara, c’est-à-dire la levée des restrictions à l’encontre des navires et aéronefs chypriotes. Il s’agit des chapitres relatifs à la libre circulation des marchandises, à l’établissement et à la libre prestation de services, aux services financiers, à l’agriculture et au développement rural, à la pêche, à la politique des transports, à l’union douanière ainsi qu’aux relations extérieures.

Pour le même motif, cinq autres chapitres ont été bloqués par Chypre fin 2009 : il s’agit de ceux relatifs à la libre circulation des travailleurs, au pouvoir judiciaire et aux droits fondamentaux, à la justice et à la sécurité, à l’éducation et à la culture ainsi qu’à la politique extérieure de sécurité et de défense.

La France a pour sa part considéré que cinq chapitres n’étaient pas compatibles avec sa position sur l’issue finale des négociations (chapitres 11, 17, 22,33 et 34). 

Le tableau inséré ci-dessous récapitule l’état d’avancement des négociations, chapitre par chapitre :

N° Chapitre

Intitulé

Etat d'avancement

Rapport de criblage présenté

Notification des critères d'ouverture

Notification de l'intention d'ouvrir les négociation.

Chapitre ouvert à la négociation.

Critère de fermeture

Chapitre provisoi-

rement clos

1

Libre circulation des marchandises

ü

5

 

 

 

 

2

Libre circulation des travailleurs

ü

 

 

 

 

 

3

Etablissement et libre prestation de services

ü

2

 

 

 

 

4

Libre circulation des capitaux

ü

2

ü

ü

5

 

5

Marchés publics

ü

3

 

 

 

 

6

Droit des sociétés

ü

1

ü

ü

6

 

7

Droit de la propriété intellectuelle

ü

1

ü

ü

5

 

8

Politique de la concurrence

ü

6

 

 

 

 

9

Services financiers

ü

1

 

 

 

 

10

Société de l'information et médias

ü

1

ü

ü

6

 

11

Agriculture et développement rural

ü

6

 

 

 

 

12

Sécurité sanitaire des aliments, politique vétérinaire et phytosanitaire

ü

6

ü

ü

 

 

13

Pêche

ü

 

 

 

 

 

14

Politique des transports

ü

 

 

 

 

 

15

Energie

ü

 

 

 

 

 

16

Fiscalité

ü

1

ü

ü

4

 

17

Politique économique et monétaire

ü

0

ü

 

 

 

18

Statistiques

ü

0

ü

ü

3

 

19

Politique sociale et emploi

ü

2

 

 

 

 

20

Politique d'entreprise et politique industrielle

ü

0

ü

ü

2

 

21

Réseaux transeuropéens

ü

0

ü

ü

2

 

22

Politique régionale et coordination des instruments structurels

ü

 

 

 

 

 

23

Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux

ü

 

 

 

 

 

24

Justice, liberté et sécurité

ü

 

 

 

 

 

25

Science et recherche

ü

0

ü

ü

ü

ü

26

Education et culture

ü

0

ü

 

 

 

27

Environnement

ü

2

ü

ü

6

 

28

Protection des consommateurs et de la santé

ü

0

ü

ü

6

 

29

Union douanière

ü

2

 

 

 

 

30

Relations extérieures

ü

 

 

 

 

 

31

Politique extérieure de sécurité et de défense

rapport de criblage non présenté

32

Contrôle financier

ü

0

ü

ü

7

 

33

Dispositions budgétaires et financières

ü

 

 

 

 

 

34

Institutions

-

 

 

 

 

 

35

Questions diverses

-

 

 

 

 

 

 

Total sur les 35 chapitres

32

15

13

13

11

1

Parmi tous les chapitres qui ne sont pas ouverts à la négociation, il faut mentionner celui consacré au pouvoir judiciaire et aux droits fondamentaux. Le « gel » demandé par Chypre ne favorise dans ce domaine, ni la clarté de la négociation ni l’évolution du système institutionnel turc. On ne peut que regretter l’absence de discussions sur ce sujet particulièrement important et sensible.

Au-delà de la nécessité de satisfaire aux critères définis par l’Union européenne et à la reprise de l’acquis communautaire, la position de l’opinion publique dans les divers pays européens pèse fortement sur l’issue finale du processus de négociations.

B. La position de la France

Le Gouvernement français considère que si la Turquie et l’Union européenne doivent avoir des liens aussi forts que possible, elle n’a pas vocation à y être intégrée.

Dans ce contexte, la France s’oppose à l’ouverture de cinq chapitres majeurs, constitutifs d’une adhésion pleine et entière : les chapitres 11 « agriculture et développement rural », 17 « politique économique et monétaire », 22 « politique régionale », 33 « dispositions budgétaires et financières » et 34 « institutions ».

Pour autant, elle estime qu’il est de l’intérêt de la Turquie et de l’Europe de favoriser le rapprochement des normes turques et européennes. C’est pourquoi la France est favorable à l’ouverture de nouveaux chapitres tant que ce processus n’entre pas en contradiction avec sa position fondamentale sur l’issue finale de la négociation.

Parallèlement, la France souhaite renforcer la coopération avec la Turquie non seulement au plan économique mais également dans les domaines judiciaire, militaire et culturel.

La France se félicite par ailleurs de la participation de la Turquie à l’Union pour la Méditerranée au sein de laquelle elle a obtenu le portefeuille des transports.

C. Des réformes perfectibles dans le domaine des droits de l’homme et des libertés publiques

Depuis 1999, année de sa candidature officielle à l’Union européenne, la Turquie a entrepris plusieurs réformes pour se rapprocher des valeurs communes aux Etats membres. Elle a mis en œuvre des mesures allant dans le sens d’une modernisation et d’une plus grande démocratisation du pays.

On peut citer en particulier l’abolition de la peine de mort, la suppression des tribunaux de sûreté nationale, l’adoption d’un nouveau code pénal et plusieurs dispositions touchant à la liberté d’association et à la presse. Plusieurs mesures ont par ailleurs contribué à limiter le rôle de l’armée dans la société turque.

Par ailleurs, une réforme constitutionnelle de grande ampleur est actuellement en voie d’adoption. Elle prévoit notamment une modification de la composition de la Cour constitutionnelle et celle du « Conseil des juges et des procureurs », équivalent de notre « Conseil supérieur de la magistrature ». Ces mesures sont au cœur du projet de révision constitutionnelle : elles visent essentiellement à lever les blocages juridiques et juridictionnels qui font obstacle à l’action du gouvernement et cristallisent l’affrontement entre le parti au pouvoir et l’opposition. Elles sont de ce fait les plus controversées et pourraient êtres soumises à référendum à l’automne prochain.1

Ce texte prévoit également de rendre plus difficile la dissolution des partis politiques par la Cour constitutionnelle. Le parti au pouvoir, l’A.K.P. (Parti de la justice et du développement) avait été menacé d’une telle sanction en 2008.

Le projet prévoit également toute une série de mesures en faveur des droits de la personne : un renforcement de l’égalité des sexes, une meilleure garantie concernant l’usage des données informatiques, l’amélioration de la protection des enfants contre les violences et abus sexuels, la création d’un médiateur chargé de résoudre les différends entre administration et administrés, des droits nouveaux en faveur des fonctionnaires.

Cependant, deux points essentiels n’ont pas, à ce jour, donné lieu à des réformes satisfaisantes au regard des normes européennes : il s’agit de la liberté religieuse et de la reconnaissance des droits politiques de la population kurde.

Alors que les constructions de mosquées se multiplient dans tout le pays, la possibilité pour les communautés non musulmanes de créer de nouveaux lieux de culte et de rendre publics les événements qui marquent la vie de leur communauté se heurte à bien des difficultés.

S’agissant de la reconnaissance de l’identité kurde, des avancées ont été enregistrées ces dernières années : la langue kurde a été autorisée, une chaîne de télévision émettant en kurde a été créée. La population kurde attend cependant des réformes plus profondes, en particulier au niveau institutionnel et à l’égard du système éducatif public.

La dissolution, au mois de décembre 2009, du parti kurde D.T.P., (Parti de la société démocratique), certes remplacé depuis par le B.D.P. (Parti pour la paix et la démocratie) laisse planer le doute sur la volonté réelle du gouvernement dans ce domaine.

Il serait regrettable que le « processus d’ouverture démocratique » annoncé par le Gouvernement à la fin de l’année 2009 ne débouche pas sur de nouveaux progrès. A plusieurs reprises, les instances européennes se sont prononcées en faveur du respect des droits fondamentaux et libertés publiques des Kurdes.

V. LA TURQUIE DISPOSE D’UN POLE D’EXCELLENCE D’ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS

La Turquie bénéficie d’un important réseau d’établissements dispensant leur enseignement en langue française : le lycée et l’université de Galatasaray, six lycées congréganistes ainsi que deux lycées privées (Fondation laïque privée turque Tevfik Fikret à Ankara et Izmir). Ces établissements scolarisent au total 10 000 élèves.

Ces établissements ont joué et continuent de jouer un rôle majeur dans la formation des élites turques, dans la connaissance mutuelle des deux cultures et dans le développement des relations franco-turques. La délégation française a pu constater ce phénomène à plusieurs reprises, aussi bien à l’occasion de ses nombreux entretiens et rencontres qu’au cours de la visite de quatre de ces prestigieux établissements : le lycée Charles de Gaulle d’Ankara, le lycée Saint-Benoît d’Istanbul, le lycée et l’université de Galatasaray.

A. le lycee francais Charles de Gaulle D’ankara

Créé en 1960, le lycée français Charles de Gaulle scolarise les enfants de la petite section de la maternelle au baccalauréat. Les enseignements sont intégralement dispensés en français et le diplôme préparé en fin de scolarité est le baccalauréat. Parmi les 564 élèves scolarisés en 2009-2010, 68 % sont turcs, 24 % français, 8 % originaires de pays tiers.

Cet établissement relève de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (A.E.F.E.) et est placé sous la tutelle du service culturel de l’Ambassade de France.

Les classes primaires, de collège et de lycée ont récemment emménagé dans de nouveaux bâtiments, fonctionnels et spacieux, installés à la périphérie de la ville. En revanche, les classes maternelles sont encore hébergées dans des locaux préfabriqués dans l’attente de la construction, fortement souhaitée, d’une école.

Le projet d’établissement repose sur cinq axes principaux : le développement d’une identité d’établissement, la maîtrise du français, l’enseignement des sciences, le renforcement des formations bilingues français-turc et français-anglais.

B. le lycee Saint-Benoit d’Istanbul

Le lycée Saint-Benoît d’Istanbul appartient au réseau des six établissements congréganistes français de Turquie qui comprend par ailleurs les lycées Saint-Joseph, Saint-Michel, Notre Dame de Sion et Sainte Pulchérie d’Istanbul ainsi que le lycée Saint-Joseph d’Izmir. Ces lycées ont été fondés à partir du XVIe siècle par des congrégations catholiques françaises. Au fil du temps, ils ont ouvert leurs portes à toutes les autres communautés religieuses et sont devenus de fait des établissements laïques. Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie républicaine en 1923, avait inscrit ses trois filles adoptives dans l’une de ces écoles.

Ces lycées sont des établissements scolaires privés français assujettis aux dispositions réglementaires turques encadrant le statut des « écoles privées étrangères ». Ils scolarisent plus de 5 500 élèves, classes maternelles, primaires et collèges compris, et dispensent un enseignement conforme aux programmes officiels de l’éducation nationale turque. La majeure partie des cours est assurée en langue française, y compris pour les disciplines scientifiques.

Le lycée Saint-Benoît, installé dans de magnifiques bâtiments historiques situés au centre d’Istanbul, accueille au total 875 enfants répartis dans 42 classes. Tous les élèves sont de nationalité turque.

Le projet éducatif s’articule autour de deux défis : permettre aux élèves une réussite dans leur vie professionnelle mais aussi former des adultes responsables et cultivés, respectueux des valeurs républicaines et démocratiques.

C. Le lycée de Galatasaray

Créé d’abord comme « école du Palais » en 1481, l’établissement de Galatasaray a reçu son statut actuel de lycée public bilingue en 1868, sous le sultan Abdulaziz, avec la collaboration de la France et de son ministre de l’Instruction publique de l’époque, Victor Duruy. L’établissement jouit de magnifiques locaux historiques installés au cœur du quartier européen d’Istanbul. Son prestige dépasse largement les frontières de la Turquie.

L’établissement comporte les cycles d’enseignement primaire, de collège et de lycée. Au total, il a scolarisé 1 110 élèves en 2009-2010, dont 44 % de filles.

L’entrée à l’école primaire se fait chaque année par tirage au sort : sur un total de 3 000 demandes, 50 élèves sont ainsi intégrés chaque année. La poursuite des études en cycle lycée s’effectue sur la base d’un examen de niveau en français.

L’originalité de cet établissement tient surtout aux conditions de recrutement des lycéens. Un concours national est organisé chaque année pour les élèves ayant terminé les années de collège et désireux d’intégrer le cycle lycée à Galatasaray ou dans les autres établissements du réseau d’enseignement bilingue. Ce concours permet un brassage sociologique et géographique des élèves. Largement majoritaires jusqu’à la fin des années 90 au lycée de Galatasaray, les Stambouliotes ne représentent dorénavant que 37 % des élèves.

La création, en 1992, sous l’impulsion des anciens élèves, de « l’Etablissement intégré de Galatasaray » a donné naissance à un cycle d’enseignement supérieur : l’Université de Galatasaray.

D. L’université Galatasaray

L’Université Galatasaray est une université turque publique et francophone. Elle est installée dans un ancien palais ottoman situé sur les rives du Bosphore.

Nommé pour quatre ans par le Président de la République, le recteur est assisté d’un recteur-adjoint français qui gère l’équipe de 34 enseignants français et développe la coopération avec les universités françaises.

Au cours de l’année scolaire 2009-2010, l’université a accueilli 3 005 étudiants. L’établissement intègre chaque année 420 étudiants par deux canaux : 50 % des élèves sont recrutés par la voie du concours national d’entrée à l’université, l’autre moitié étant réservée au concours interne pour les élèves des lycées francophones dont 25 % pour le lycée Galatasaray.

L’Université Galatasaray est très ouverte à l’international, ses échanges principaux s’effectuant avec la France, notamment dans le cadre d’accords « Erasmus » et de l’accueil d’étudiants turcs désireux de suivre un Master 2 en France.

Tous ces établissements bénéficient, pour le recrutement de leurs enseignants français, du soutien de la Mission de coopération éducative et linguistique (M.I.C.E.L.) du Ministère des Affaires étrangères.

Etant donné la qualité de leurs enseignements et le rôle qu’ils jouent dans le rayonnement de la langue et de la culture françaises, il serait opportun de maintenir cette aide à la hauteur des besoins.

Par ailleurs, la volonté affichée par la France d’augmenter sensiblement le nombre d’élèves étudiant la langue française dans les établissements scolaires et culturels français comme dans les établissements scolaires turcs où l’apprentissage d’une seconde langue est dorénavant obligatoire, nécessiterait de déployer des moyens supplémentaires, notamment en personnels.

CONCLUSION

Par la mission qu’elle vient d’effectuer, la délégation se félicite d’avoir contribué à l’essor des relations d’amitié entre les deux Assemblées.

Cette relance du dialogue interparlementaire participe de l’histoire des liens qui unissent les deux pays depuis le XVIe siècle. Elle témoigne également de la volonté de surmonter certains différends récents et de développer les relations bilatérales dans tous les domaines.

Cette visite a permis au groupe d’amitié de mieux appréhender la réalité politique et économique de la Turquie, marquée par un fort dynamisme, une grande modernité et une diplomatie très active. Elle lui a également permis de mesurer le potentiel qui existe dans les échanges entre les deux pays, aussi bien en termes économique et commercial que dans les domaines culturel et éducatif.

Indépendamment de l’avenir du processus des négociations d’adhésion à l’Union européenne, la délégation a pu apprécier les réformes entreprises par le pays pour se rapprocher des valeurs et normes européennes, même si des efforts importants sont encore nécessaires, notamment en matière des droits de l’Homme et des libertés publiques.

ANNEXE

PROGRAMME INTEGRAL DE LA MISSION

Dimanche 11 Avril 2010

14 h 10 Départ de Roissy-CDG 1 pour Ankara via Istanbul

21 h 05 Arrivée à l’aéroport Esenboğa d’Ankara

Accueil par M. Yaşar YAKIS Président du groupe d’amitié Turquie-France de la Grande Assemblée nationale de Turquie, Président de la Commission d’harmonisation avec l’Union européenne, M. Vincent GUEREND, Premier conseiller de l’Ambassade de France en Turquie et par le service du protocole de la Grande Assemblée nationale de Turquie (G.A.N.T.)

Lundi 12 Avril 2010

8 h 30 Petit-déjeuner de travail à l’Ambassade de France

10 h 30 Entretien avec M. Yaşar YAKIŞ, Président du Groupe d’amitié Turquie-France et Président de la Commission d’harmonisation avec l’Union européenne de la Grande Assemblée Nationale de Turquie, et les membres du Groupe d’amitié

11 h 30 Entretien avec M. Murat MERCAN, Président de la Commission des Affaires étrangères de la Grande Assemblée Nationale de Turquie, et les membres de la Commission

13 h 00 Déjeuner offert par M. Murat MERCAN, Président de la Commission des Affaires étrangères

15 h 00 Visite du mausolée d’Atatürk et dépôt d’une gerbe

16 h 00 Entretien avec M. Haluk ILICAK, Ambassadeur, Secrétaire Général adjoint du Secrétariat Général de l’Union Européenne

19 h 30 Dîner offert par M. Yaşar YAKIŞ, Président du Groupe d’amitié Turquie-France, Président de la Commission d’harmonisation avec l’Union européenne

Mardi 13 Avril 2010

9 h 00 Petit-déjeuner de travail avec M. Bernard EMIE, Ambassadeur de France

10 h 30  Entretien avec M. Mehmet Ali ŞAHIN, Président de la Grande Assemblée nationale de Turquie

12 h 00 Entretien avec M. Ali BABACAN, Vice-Premier ministre, ministre d’Etat, chargé de la coordination des affaires économiques

13 h 15 Déjeuner avec des représentants de think tanks et des journalistes

15 h 15 Entretien avec Mme Ayşe SEZGIN, Sous-secrétaire d’Etat adjoint en charge de l’Union européenne au Ministère des Affaires étrangères

16 h 30 Visite du musée des civilisations anatoliennes

17 h 30 Visite de la citadelle d’Ulus

18 h 00 Visite de l’église d’Ulus – rencontre avec le Père Patrice JULLIEN de POMMEROL

20 h 30 Dîner à la Résidence de l’Ambassade de France avec la communauté française et francophone d’Ankara

Mercredi 14 Avril 2010

9 h 30  Visite de l’Institut Français « Yildiz » d’Ankara

10 h 30 Visite du lycée Charles de Gaulle d’Incek (banlieue d’Ankara)

12 h 00 Déjeuner au lycée Charles de Gaulle

14 h 30 Départ pour Bursa (transfert aérien)

15 h 30 Arrivée à Bursa

17 h 00 Visite de l’usine Renault

19 h 00 Réception à l’hôtel avec la communauté française et francophone de Bursa

20 h 30 Dîner offert par M. Şahabettin HARPUT, Préfet de Bursa

Jeudi 15 Avril 2010

9 h 00  Visite des principaux monuments de Bursa

11 h 30  Transfert en ferry pour Istanbul

12 h 50 Arrivée à Istanbul à l’embarcadère de Yenikapı

13 h 15 Déjeuner avec les conseillers du Commerce extérieur de la France

15 h 00 Visite du lycée Saint-Benoît

18 h 00 Rencontre avec des représentants des milieux économiques turcs, à l’invitation de la TÜSIAD (organisation patronale turque)

20 h 00 Dîner offert par M. Jak KAMHİ, Président de Profilo Holding

Vendredi 16 Avril 2010

8h 30 Petit déjeuner de travail avec des représentants de la société civile (think tanks et journalistes)

10 h 15 Visite de l’Université Galatasaray

10 h 45 Rencontre à l’Université Galatasaray sur le thème : « Les échanges franco-turcs dans la réalité économique d’aujourd’hui » (interventions et questions-réponses avec des étudiants).

12 h 30 Visite du lycée Galatasaray

13 h 15 Déjeuner au lycée Galatasaray à l’invitation de M. Inan KIRAÇ, Président de la Fondation Galatasaray pour l’éducation.

15 h 30 Visite de Sainte-Sophie, de la Mosquée bleue et de la citerne byzantine “Yerebetan”.

© Assemblée nationale

1 Cette réforme constitutionnelle a été approuvée par voie référendaire le 12 septembre 2010 (58 % pour, 42 % contre)