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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D’ I N F O R M A T I O N

présenté à la suite de la mission effectuée en Albanie
du 27 septembre au 1er octobre 2010


par une délégation du



GROUPE D’AMITIÉ FRANCE- ALBANIE (1)





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(1) Cette délégation était composée de Mme Geneviève Colot, présidente, MM. Christian Ménard, Jacques Desallangre, vice-présidents et M. Robert Lecou,

SOMMAIRE

CARTE 5

INTRODUCTION 7

I. UNE SITUATION POLITIQUE TENDUE DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE ECONOMIQUE 9

1. Une situation politique conflictuelle 9

2. Un pays en forte croissance 10

3. Une volonté européenne affirmée 11

II. ENTRETIENS POLITIQUES AU PARLEMENT 13

1. Entretien avec Mme Jozefina Topalli, présidente du Parlement 13

2. Entretien avec M. Fatos BEJA, président de la commission des Affaires étrangères, et les membres du groupe d’amitié Albanie-France 15

III. ENTRETIENS AVEC DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT 19

1. Entretien avec M. Edmond Haxhinasto, ministre des Affaires étrangères 19

2. Entretien avec M. Lulzim BASHA, ministre de l’Intérieur 20

3. Entretien avec M. Sali BERISHA, Premier ministre 22

CONCLUSION 27

A N N E X E : Composition de la délégation 29

PROGRAMME 30

CARTE

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INTRODUCTION

Une délégation du groupe d’amitié France-Albanie de l’Assemblée nationale s’est rendue en Albanie du 25 septembre au 1er octobre 2010.

Elle était conduite par Mme Geneviève Colot, présidente du groupe d’amitié (UMP, Essonne), accompagnée de MM. Christian Ménard, (UMP, Finistère) et Jacques Desallangre, vice-présidents (GDR, Aisne), ainsi que de M. Robert Lecou (UMP, Hérault).

Elle était conduite par Mme Geneviève Colot, présidente du groupe d’amitié (UMP, Essonne), accompagnée de M. Christian Ménard, (UMP, Finistère), M. Jacques Desallangre, vice-présidents (GDR, Aisne), et M. Robert Lecou (UMP, Hérault).

Cette mission faisait suite à une réception par le groupe d’amitié d’une délégation conduite par M. Fatos Beja, vice-président du Parlement et président du groupe d’amitié Albanie-France, en octobre 2006.

Le dernier voyage du groupe d’amitié en Albanie datait de juin 1999, à l’époque de la guerre du Kosovo.

Accueillie à son arrivée par M. Fatos Beja, aujourd’hui président de la commission des Affaires étrangères, et par Son Exc. Mme Maryse Daviet, ambassadrice de France à Tirana, la délégation a été longuement reçue par Mme Jozefina Topalli, Présidente du Parlement, et par les membres du groupe d’amitié présidé par Mme Paolina Hoti, députée de Shkodra.

La délégation a obtenu une audience du Premier ministre, M. Sali Berisha, qui a offert un dîner en son honneur.

La délégation a également eu l’occasion de s’entretenir avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Intérieur.

A l’invitation de Mme Topalli, les députés français se sont rendu à Shkodra, au nord du pays, et ont pu visiter le poste frontière avec le Monténégro, doté des derniers perfectionnements techniques. En revanche, la rencontre prévue avec le maire de Tirana, M. Edi Rama, chef de l’opposition, n’a pu avoir lieu.

A l’Ambassade de France, les députés ont rencontré les représentants des principales sociétés françaises implantées en Albanie et ont eu le privilège de visiter à Tirana le site ultra sécurisé de fabrication des documents d’identité biométriques, co-géré par la SAGEM.

Les membres de la délégation tiennent à exprimer leurs plus sincères remerciements à Mme Topalli pour la qualité de son accueil et à féliciter les services du Parlement albanais pour leur efficacité.

La délégation remercie tout particulièrement Son Exc. Mme Maryse Daviet pour sa disponibilité et son implication qui ont beaucoup contribué à la réussite de cette visite.

Le groupe d’amitié a pu constater l’importance accordée par l’Albanie à ses relations avec la France et tout particulièrement dans sa recherche d’un soutien à sa démarche d’adhésion à l’Union européenne.

Le problème de la levée de l’obligation du visa ayant été l’un des principaux problèmes évoqués, la délégation se réjouit qu’il soit aujourd’hui résolu.

Le présent rapport d’information, établi à la suite de la mission, s’attachera à exposer la situation actuelle de l’Albanie (I), et à rendre compte des nombreux entretiens organisés à son intention, aussi bien au Parlement (II), qu’avec des membres du Gouvernement (III).

I. UNE SITUATION POLITIQUE TENDUE DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE ECONOMIQUE

1. Une situation politique conflictuelle

Dernier pays des Balkans à obtenir son indépendance de l’empire ottoman, en 1912, l’Albanie se prépare à célébrer son centenaire, après une histoire pour le moins mouvementée.

Amputée des provinces du Kosovo et de la Macédoine au profit de la Yougoslavie, l’Albanie a connu bien des vicissitudes.

Annexée en 1939 par l’Italie de Mussolini, l’Albanie est libérée par les partisans communistes qui prennent le pouvoir : la monarchie du roi Zog est remplacée par le régime d’Enver Hoxha, fidèle admirateur de Staline. Après sa mort en 1985, le régime ne parvient pas à accomplir sa « perestroïka » et le peuple se soulève en novembre 1989. Les premières élections générales qui ont lieu en 1991 laissent au pouvoir les anciens dirigeants mais leurs résultats sont contestés par les opposants du Parti démocrate. C’est le moment que choisissent des milliers d’Albanais pour fuir leur pays et sa misère, essentiellement en direction de l’Italie.

De nouvelles élections législatives, organisées en avril 1992, donnent cette fois la majorité au Parti démocratique, libéral, qui porte son chef M. Sali Berisha au poste de Président de la République.

A la sortie difficile d’un des régimes staliniens les plus durs de l’Histoire, qui laissait un pays isolé et exsangue, se sont ajoutés le scandale des pyramides financières puis une véritable guerre civile en 1997 : le Parti démocrate est massivement rejeté lors des législatives de juillet 1997, remportées par le Parti socialiste de M. Fatos Nano. Les électeurs rejettent également à cette occasion la proposition de restaurer une monarchie.

Le pays, alors en plein chaos, subit l’affrontement des partis politiques et organisations mafieuses puis par l’afflux des réfugiés de la guerre du Kosovo en 1999.

Une nouvelle constitution, adoptée en 1998, instaure un régime parlementaire. Les pouvoirs du Président de la République, élu par le Parlement, sont limités. Le Parlement, « Kuvendi », monocaméral, est élu pour quatre ans : il compte 140 députés.

Le Parti socialiste gagne à nouveau les élections en 2001 mais est battu en juillet 2005 : M. Sali Berisha devient Premier ministre avec pour mot d’ordre la lutte contre la corruption.

En juin 2009, son parti n’obtient que 70 sièges et doit donc s’allier avec un ancien allié des socialistes, le Mouvement socialiste de l’Intégration d’Ilir Meta et ses quatre députés.

Mme Josefina Topalli, proche de M. Berisha, est réélue à la Présidence du Parlement.

Le chef des socialistes et maire de Tirana, M. Edi Rama, conteste alors les résultats des élections, pourtant caractérisées, selon l’OSCE, par des progrès tangibles, et organise un boycott du Parlement. Des grèves de la faim sont même lancées par quelques députés.

La situation reste donc tendue à Tirana, alors que le pays connaît un développement économique sans précédent.

2. Un pays en forte croissance

Avec une population d’environ trois millions d’habitants pour une superficie de 28 748 km², l’Albanie dispose aujourd’hui d’un PIB de plus de 10 milliards de dollars soit un revenu annuel d’environ 3 600 dollars par habitant, vingt fois plus qu’à l’époque de sa sortie du régime communiste il y a seulement vingt ans.

Après les premières élections libres de juin 1992, le gouvernement du Parti démocratique de M. Sali Berisha a pratiqué une politique graduelle de privatisations qui a contribué au dynamisme de l’économie, le taux de croissance s’établissant à 9 % en 1996 pour une inflation de 7,4 %.

Après l’effondrement des pyramides financières, un programme d’urgence est adopté en octobre 1997 sous le contrôle du FMI qui décide d’apporter, en mars 1998, d’apporter au pays une aide à moyen terme. Un soutien financier est également accordé par la Banque mondiale ainsi que par l’Union européenne dans le cadre du programme Phare.

Aujourd’hui, si l’Albanie reste l’un des pays les plus pauvres d’Europe, elle se distingue, avec le Kosovo, des autres pays de la région par un taux de croissance élevé (7,3 %), malgré la crise financière. Pour la construction, qui se fait souvent de manière anarchique, cette croissance atteint même 20 %.

Les transferts de la diaspora ont représenté plus d’un milliard de dollars en 2007.

Toutefois, 20 % de la population reste en dessous du seuil de pauvreté et le chômage dépasse 15 %.

Pour attirer les investisseurs dans ce pays resté largement agricole, le gouvernement a considérablement réduit les délais d’enregistrement des sociétés étrangères et les frais de licence commerciale. Il a pris des décisions pour la création de nouvelles infrastructures routières et portuaires. Il a ainsi entrepris la réalisation d’une autoroute reliant le port de Durrës à Pristina, capitale du Kosovo, ce qui permettra en particulier de désenclaver ce pays. Il tente également de résoudre son problème énergétique.

Dans son programme, le gouvernement accorde la priorité au processus d’intégration à l’Union européenne, condition nécessaire à son développement.

3. Une volonté européenne affirmée

L’Albanie s’est dès 1992 rapprochée de l’Union européenne en signant un accord de commerce et de coopération et a demandé un accord d’association en 1995.

Un accord de stabilisation et d’association avec l’Union, conclu en juin 2006, est entré en vigueur le premier avril 2009.

M. Berisha a alors déposé officiellement le 28 avril une demande d’adhésion sur laquelle la Commission européenne doit émettre un avis.

En effet, après l’adhésion à l’OTAN, demandée dés 1996 et obtenue en 2009, c’est aujourd’hui l’enjeu majeur de la politique extérieure albanaise.

Si l’Italie et la Grèce sont de loin ses premiers partenaires commerciaux, l’Albanie exprime le désir d’un renforcement de ses liens avec la France qu’elle considère comme un allié privilégié pour son entrée dans l’Union.

Sur le plan commercial, plusieurs grands projets ont été conclus : la confection des documents d’identité par la Sagem, de même que la fourniture de deux avions ATR et cinq hélicoptères Cougar. Des investissements ont été réalisés par la Société Générale, le Crédit agricole ou dans les mines (KLB). La société CNR a obtenu la concession d’une construction de microcentrale hydro-électrique, etc.

Sur le plan culturel, notre appui à la francophonie s’exprime essentiellement par le soutien aux sections bilingues franco-albanaises de lycées à Tirana, Korça et Elbasan et par la formation continue des enseignants.

La France a soutenu l’Albanie pour qu’elle soit membre de plein droit en 2006 de l’Organisation internationale de la Francophonie.

La France subventionne également des fouilles archéologiques et facilite la formation des élites albanaises par des bourses ou par l’accueil dans une université française, faisant de notre pays le 6ème pour l’accueil des étudiants albanais.

30 % des élèves apprennent aujourd’hui le français et TV5 comme RFI sont largement diffusés. Cela fait de l’Albanie un partenaire privilégié pour la coopération culturelle française dans la région.

La délégation a pu s’en rendre compte, beaucoup de nos interlocuteurs s’exprimant dans notre langue ou la comprenant.

II. ENTRETIENS POLITIQUES AU PARLEMENT

1. Entretien avec Mme Jozefina Topalli, présidente du Parlement

La délégation a rencontré Mme Jozefina Topalli, présidente du Parlement albanais, le 28 septembre 2010.

Lors de cette rencontre, Mme Topalli a tout d’abord remercié la France pour son soutien à l’Albanie et au Kosovo.

Elle s’est félicitée de la présence accrue d’entreprises et d’investisseurs français. Elle a pris en exemple la Société générale ou la SAGEM, chargée de la fabrication des nouvelles cartes d’identité et passeports numériques albanais.

La Présidente Topalli a saisi l’occasion pour se préoccuper de la fin annoncée de l’obligation de visa pour les citoyens albanais se rendant en France. Cette mesure serait-elle différée, comme semble l’indiquer une déclaration du secrétaire d’État français chargé de l’Union européenne, alors qu’en France a éclaté une polémique sur les Roms ?

Mme Colot a remercié Mme Topalli pour sa disponibilité et la qualité du programme préparé. Puis elle a présenté les membres de la délégation en précisant que M. Ménard était président du groupe d’études à vocation internationale sur le Kosovo et que M. Lecou avait été rapporteur du projet de loi de ratification du traité sur l’accession de l’Albanie au traité de l’Atlantique Nord adopté le 16 février 2009.

Mme Colot a rappelé qu’elle-même avait été rapporteure du projet de loi adopté le 11 décembre 2008 autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et la République d’Albanie et s’est félicitée qu’il ait été adopté à l’unanimité.

Mme Colot a évoqué sa précédente visite à Tirana, fin 2009, alors qu’elle accompagnait M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes.

La crise politique était alors très vive, l’opposition socialiste refusant de participer aux travaux du Parlement à majorité démocrate.

Mme Topalli a indiqué que le Premier ministre M. Sali Berisha et le chef du Parti socialiste, M. Edi Rama, s’étaient mis d’accord sur un nouveau mode de scrutin, proportionnel, pour les élections législatives de 2009. Néanmoins, le Parti socialiste ayant perdu les élections, il conteste les résultats et saisit la Commission centrale électorale, puis le tribunal, qui rejettent sa demande. L’OSCE, observatrice des élections, s’est pourtant déclarée satisfaite de leur organisation. Dans la tradition bipartisane albanaise, où les scores sont souvent de 50-50, le Parti socialiste refuse sa défaite car la coalition au pouvoir s’est constituée grâce à la défection du LSI, parti de gauche.

Malgré les pressions internationales et celles de députés socialistes craignant d’être déchus de leur mandat, en application du règlement, en raison de leur absence, M. Rama continue d’exiger un recomptage des bulletins mais a fini par accepter que son parti siège au Parlement.

Mme Topalli a alors indiqué que la création d’une commission d’enquête parlementaire avait été acceptée mais que celle-ci n’avait pas encore commencé ses travaux. De toute façon, un recours est toujours possible devant la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg.

M. Lecou s’inquiète : la démocratie est-elle bloquée en Albanie ?

La Présidente du Parlement estime que M. Rama a peur de perdre la tête du PS. Etant maire de Tirana, conformément à la règle du non-cumul, il n’est pas député et se sent donc peu concerné par le travail parlementaire. Aujourd’hui, les députés socialistes siègent mais ne participent pas aux votes.

Mme Colot demande combien de temps sont conservés les bulletins de vote aux élections. Mme Topalli répond que deux types d’urnes sont utilisés : une urne pour le matériel électoral et les registres, l’autre pour les bulletins. Si l’urne des registres est ouverte, les bulletins de l’autre urne doivent être détruits aux termes de la loi.

M. Ménard demande quelle analyse fait la Présidente de la démission du Président du Kosovo, M. Fatmir Sejdiu.

Mme Topalli juge qu’il a pris la bonne décision. En effet, selon les termes de la Constitution kosovare, le Président de la République ne peut conserver sa fonction tout en étant chef de parti. M. Sejdiu a donc choisi de quitter le pouvoir pour se représenter aux prochaines élections prévues en 2011.

La Présidente du Parlement souligne le rôle que joue Tirana pour la paix dans la région et les progrès énormes qu’a enregistrés son pays. L’Albanie a, en effet, le statut de pays candidat à l’Union, assure sa sécurité intérieure (mieux qu’en Roumanie…) et respecte ses trois croyances religieuses, sans conflit.

Mme Topalli conclut en félicitant l’ambassadrice de France pour son travail de rapprochement entre les peuples albanais et français.

2. Entretien avec M. Fatos BEJA, président de la commission des Affaires étrangères, et les membres du groupe d’amitié Albanie-France

La délégation a rencontré M. Fatos Beja, président de la commission des Affaires étrangères ainsi que des membres du groupe d’amitié Albanie-France le 28 septembre 2010.

M. Beja a tout d’abord excusé la présidente du groupe d’amitié, Mme Paolina Hoti, de son absence due à un déplacement.

Il indique qu’il la remplace en tant qu’ancien président du groupe, accueilli en France en 2006 et précise que tous les membres présents parlent français ! Ceci prouve l’importance de la francophonie. D’ailleurs, le groupe d’amitié est constitué de personnalités politiques importantes, dont d’anciens ministres.

M. Beja insiste sur le fait que l’Albanie veut tourner la page de son histoire douloureuse et entrer dans l’Union européenne.

Mme Colot l’interroge : cette entrée n’est-elle pas compromise par le boycott du Parlement par le Parti socialiste ?

Le président précise que sa commission est constituée de manière paritaire : 7 démocrates et 7 socialistes. Le PS a refusé de siéger pendant six mois, puis a organisé des incidents, dont une grève de la faim.

M. Kastriot Islami, ancien ministre des Affaires étrangères, prend alors la parole au nom de l’opposition socialiste. Il reconnaît un problème de fonctionnement de la démocratie albanaise. Son parti a accepté les résultats et le rapport de l’OSCE sur les dernières élections mais souhaite une enquête sur leur déroulement. Aujourd’hui, son parti participe aux travaux mais pas aux votes. Certains textes requérant une majorité qualifiée pour leur adoption sont donc ajournés, telle la réforme du code électoral.

M. Ethem Ruka, socialiste, évoque de grandes manifestations ayant réuni un million de personnes contre ces résultats : selon lui, c’est un détournement du vote des Albanais.

Mme Colot constate que le problème n’est toujours pas réglé après 15 mois ! En France, ce serait impossible car l’on aurait détruit les bulletins.

M. Beja rappelle que la nouvelle loi électorale a été acceptée par le Parti socialiste. Les élections ont été conformes aux standards européens et les résultats sont d’ailleurs proches de 50/50, avec une coalition de 74 députés contre 64 (et 2 indépendants). La réalité est que les recours engagés ont échoué.

M. Lecou considère que « les vrais sujets sont ailleurs » ! Il cite le dernier rapport de l’OTAN, optimiste sur la démocratisation de l’Albanie. Qu’attend celle-ci de l’entrée dans l’Union européenne ?

M. Tritan Shehu, ancien ministre démocrate, considère que « l’Europe » est une notion plus large que l’UE et que 97 % de la population soutient la volonté d’adhésion.

M. Beja confirme : pour lui, « le soleil se lève à l’Ouest ». Il soulève le problème des visas. Quel est le sens de leur maintien, alors qu’un tiers des albanais se sont déjà rendus à l’étranger et que le pays compte 700 000 jeunes de moins de 18 ans, 500 000 retraités de plus de 65 ans, et 100 000 fonctionnaires ? Les Albanais sont très attachés à leur terre et le pays s’est considérablement modernisé depuis 20 ans : quel serait aujourd’hui leur intérêt à fuir ?

D’ailleurs, 25 000 Albanais étudient en Italie mais seulement 400 en France. Il importe donc de développer nos relations culturelles.

III. ENTRETIENS AVEC DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT

1. Entretien avec M. Edmond Haxhinasto, ministre des Affaires étrangères

La délégation a rencontré M. Edmond Haxhinasto, ministre des Affaires étrangères, le 30 septembre 2010.

Le ministre a tout d’abord remercié la France de son soutien pour l’intégration dans l’UE et la fin des visas. Il a souligné que le rapport des experts sur les conditions de l’entrée de l’Albanie dans l’Union européenne était positif et reconnaissait les efforts faits par son pays pour respecter les critères tels que la lutte contre la corruption ou le crime organisé.

Mme Colot l’interroge alors sur la politique extérieure : quelles sont les relations avec les pays voisins ?

Selon M. Haxhinasto, l’Albanie a un rôle modérateur dans la région. Ses deux premiers partenaires sont l’Italie et la Grèce.

Il indique toutefois qu’on a déploré en Grèce des incidents sporadiques frappant la communauté albanaise. Aujourd’hui, les deux pays veulent travailler ensemble et la deuxième génération dispose du droit de vote en Grèce.

Concernant la Macédoine, l’Albanie soutient l’accord d’Ohrid et l’intégration de la communauté albanaise.

Les relations sont très bonnes avec le Monténégro récemment indépendant.

Le problème avec la Serbie est l’absence de symétrie dans la volonté de relations. La question du Kosovo ne doit en aucun cas peser. Ce pays est confronté à de nombreux défis, dont la reconnaissance internationale, l’instauration d’un dialogue avec la Serbie ou la consolidation des institutions : la démission du Président Sejdiu s’inscrit dans ce cadre du respect de la Constitution.

Le ministre se félicite du rôle joué par la France pour la reconnaissance du Kosovo.

Actuellement, l’Albanie jouit d’un respect croissant de la communauté internationale, consacré par son entrée dans l’OTAN et sa marche vers l’Union européenne.

M. Ménard, de retour d’une récente mission au Kosovo, s’inquiète ouvertement : les choses semblent évoluer très lentement et de violents incidents ont encore éclaté à Mitrovitsa. Quelle influence a la Russie sur la Serbie ?

Le ministre remarque que la Serbie est bien peu constructive dans son comportement avec les Serbes du Kosovo : elle semble vouloir gagner du temps en fatiguant ses partenaires.

Concernant la Russie, il fait remarquer que ses intérêts stratégiques sont nuls au Kosovo : il s’agît plutôt d’un affrontement avec les États-Unis.

M. Lecou rappelle que, dans son rapport, il s’est félicité des progrès enregistrés dans la lutte contre la corruption.

M. Haxhinasto précise que la capacité d’intervention de l’État a considérablement augmenté grâce à la formation de forces spécialisées. Un nouveau système d’appel d’offres électroniques, sans contacts personnels, a été mis en place pour les achats de l’État.

Enfin, la loi permet aujourd’hui de saisir les biens des personnes reconnues coupables de corruption.

2. Entretien avec M. Lulzim BASHA, ministre de l’Intérieur

La délégation a rencontré M. Lulzim Basha, ministre des affaires étrangères et candidat déclaré à la mairie de Tirana, le 30 septembre 2010.

Au début de cet entretien, Mme Colot a questionné le ministre sur la diaspora albanaise : assiste-t-on à des retours au pays depuis l’arrivée de la démocratie ?

M. Basha rappelle alors que de nombreux départs ont été enregistrés depuis 1990, essentiellement vers la Grèce et l’Italie.

Toutefois, si les envois d’argent de l’étranger ont représenté 30 % du PIB en 2004, ils n’en représentent plus aujourd’hui que 17 %.

Les principales raisons de cette évolution sont la croissance économique et l’intégration des Albanais dans leur pays d’accueil : avec la crise grecque, des dépôts d’argent sont effectués en Albanie dans des filiales de banques grecques. Des immigrés formés reviennent.

Mme Colot remarque l’absence de sentiment d’insécurité à Tirana : est-ce le cas partout ?

M. Basha cite une mission de la Commission de Bruxelles qui a relevé un indice de délinquance en dessous de la moyenne européenne, avec pourtant plus de deux millions de touristes.

M. Robert Lecou s’inquiète alors du crime organisé.

Le ministre précise qu’en 2009, 320 groupes ont été démantelés, 1200 chefs de gangs arrêtés et 800 poursuivis. L’interdiction des petits bateaux à moteurs rapide en Adriatique, initialement prévue pour trois ans, a été prolongée. L’Albanie n’est plus à présent une zone de transit pour l’héroïne. De même, est engagée la lutte contre le trafic d’êtres humains.

La deuxième phase du plan de lutte contre la criminalité consiste à s’en prendre aux biens et avoirs des délinquants. Une loi adoptée en janvier 2010 permet leur saisie, indépendamment de la poursuite pénale.

Une structure spéciale, composée de 35 officiers de police a été constituée et coopère avec la police italienne.

Mme Colot demande alors si les nouveaux équipements des postes frontières ont permis une réduction de la criminalité.

M. Basha confirme que c’est bien le cas, avec 24 postes équipés de scanners biométriques permettant une identification automatique grâce à une image transmise en temps réel. Les experts ont été formés à Lyon.

À Durrës, sur l’Adriatique, les gardes-côtes bénéficient du centre maritime opérationnel IMOC (Inter-institutional Maritime Operations Center), capable d’identifier 15 000 navires.

Cinq hélicoptères avec système de prise de vues ont été commandés à Eurocopter.

Les cartes d’identité comme les passeports biométriques sont fabriqués à Tirana par la société française SAGEM en partenariat avec une compagnie albanaise. Le système retenu, « papillon », permet la mise en mémoire de toutes les empreintes : l’Albanie est donc aujourd’hui l’un des pays les mieux équipés en matière de contrôle d’identité. Une cérémonie est prévue pour célébrer l’émission du millionième passeport.

Le ministre estime dès lors que sont mieux que réunies les conditions pour une libéralisation des visas avec l’espace Schengen.

M. Ménard pose alors le problème des islamistes. Sont-ils un danger ? Et les Roms ?

Pour M. Basha, il n’y a aucun risque de radicalisme en Albanie. Quant aux Roms, l’Etat dispose de fonds spéciaux pour leur hébergement et leur éducation.

3. Entretien avec M. Sali BERISHA, Premier ministre

La délégation a rencontré M. Sali Berisha, Premier ministre, le 30 septembre 2010.

Au début de cet entretien, Mme Colot a rappelé au Premier ministre qu’elle avait eu l’occasion de le rencontrer lors de sa précédente visite avec M. Pierre Lellouche. La situation était alors marquée par le boycott par l’opposition du Parlement. Comment les choses ont-elles évolué ? Qu’attend le Chef du Gouvernement d’une entrée dans l’Union européenne ?

M. Berisha revendique une attitude ouverte envers l’opposition. Les dernières élections ont été reconnues comme régulières, aussi bien par l’OSCE que d’autres instances indépendantes.

Il a accepté les recours mais la décision de rejet de la Cour constitutionnelle est définitive. Le boycott puis la grève de la faim de certains députés pendant 19 jours pour bloquer sa décision sont inacceptables car ils ne sont qu’une forme de chantage. En effet, les votes ne peuvent être recomptés sans une décision de la Cour.

M. Berisha souligne que la nouvelle loi électorale en vigueur a été adoptée par l’opposition. Or, aujourd’hui, elle refuse de participer aux votes, même pour celui relatif à l’accord d’association avec l’Union européenne. Le Premier ministre se dit prêt à faire adopter des amendements proposés par l’opposition pour la future loi électorale, mais celle-ci pratique un blocage systématique et est prête à tout pour prendre le pouvoir.

Concernant l’intégration à l’Union européenne, il considère que c’est pour son pays « le projet du siècle », et qu’elle est très chère au cœur de tous les citoyens albanais.

M. Berisha explique que son pays a changé de manière incroyable depuis 20 ans !

En effet, en 1992, le PIB par habitant n’était que de 204 $ par habitant…L’Albanie comptait 80 % de chômeurs et était au 3ème rang des pays les plus pauvres !

Depuis, de grands progrès ont été enregistrés dans tous les domaines. L’espérance de vie est passée de 72 à 78 ans. La création d’entreprises est facilitée, avec un guichet unique et des délais réduits. Le taux d’imposition a été ramené de 23 à 10 %.

Les cotisations sociales sont passées de 32 à 15 % du salaire.

Aujourd’hui, 10% du PIB sont investis pour la rénovation des infrastructures : 600 km de routes ont été réalisées et 700 km sont prévues : Chaque village doit pouvoir être relié à un axe routier en 20 minutes au plus.

De même, est prévue la construction de plusieurs centrales hydro-électriques pour fournir l’énergie nécessaire.

Le tourisme est un secteur en pleine expansion, avec une croissance de 5 % l’an.

En matière d’éducation, le Premier ministre se félicite des progrès considérables accomplis : l’Albanie est passée de 60 à 91 % de jeunes scolarisés jusqu’au baccalauréat. Les traitements des enseignants ont été doublés pour donner plus d’attractivité à la profession.

Interrogé par M. Lecou sur la présence française, M. Berisha insiste sur le fait que l’Albanie est francophone et francophile ! Il remercie la France pour son soutien dans le processus d’intégration à l’OTAN et à l’Union européenne, de même que pour son rôle positif dans les Balkans, tout particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance internationale du Kosovo.

Le Chef du Gouvernement albanais précise qu’il a rencontré le Président Sarkozy et qu’il l’a invité à Tirana. Le Président a promis d’y réfléchir car, à ce jour, aucun Chef d’Etat français ne s’est encore rendu en Albanie. Ce voyage constituerait un signe très important d’encouragement aux entreprises françaises à investir dans le pays.

La présence française est déjà conséquente, aussi bien pour l’exploitation de bitumes que pour la fabrication des documents d’identité (SAGEM).

Mme Colot s’inquiète de la présence de la langue française : bénéficie-t-elle d’un soutien du gouvernement ?

Le Premier ministre explique qu’un petit pays comme le sien a besoin d’un multilinguisme : le français est la deuxième langue étrangère obligatoire à l’école et son enseignement s’est donc accru.

En réponse à M. Ménard qui l’interroge sur sa vision de l’avenir du Kosovo, M. Berisha estime satisfaisante, aussi bien pour le Kosovo que pour la Serbie, la résolution pertinente du Conseil de sécurité de l’ONU. Le processus de l’indépendance est devenu irréversible mais implique un dialogue avec le président serbe Tadic.

M. Berisha précise que les relations entre son pays et la Serbie ne sont en aucun cas conditionnées par celles entre le Kosovo et la Serbie. D’ailleurs, le président Tadic est invité à venir à Tirana.

M. Berisha confirme enfin que le Président Sejdiu a démissionné pour se mettre en conformité avec une décision de la Cour constitutionnelle.

CONCLUSION

Grâce à cette mission très dense, la délégation a pu se faire une idée assez précise de la situation de l’Albanie d’aujourd’hui, aussi bien sur le plan politique qu’économique, social ou culturel.

En à peine 20 ans, l’Albanie est passé d’un réel sous-développement à une économie particulièrement dynamique, comme l’a justement fait remarquer l’actuel Premier ministre. A ce titre, les efforts consentis par le peuple Albanais méritent toute notre admiration.

Pour autant, il reste à l’Albanie à accomplir des progrès pour être pleinement reconnue, au plan international et européen, comme un État moderne, en marche vers l’intégration européenne.

En effet, la situation politique peine à se stabiliser et le fonctionnement démocratique des institutions à se pérenniser. Il est regrettable qu’à chaque élection générale, la minorité défaite conteste violemment les résultats et boycotte les travaux du Parlement. Un problème de maturité se pose de toute évidence à cette jeune démocratie.

La délégation déplore de n’avoir pu rencontrer le chef de l’opposition et maire de Tirana pour qu’il s’explique clairement sur ses intentions futures. Il est à craindre que le refus de dialogue n’entraîne des troubles, suivis de violences, comme cela a été le cas en janvier 2011 : trois personnes ont trouvé la mort dans une manifestation organisée par l’opposition devant le siège du Gouvernement, suite à la démission du vice Premier ministre Ilir Meta, accusé de corruption.

La lutte contre la corruption, qui semble aujourd’hui sérieusement engagée, doit être poursuivie de façon conséquente de manière à mettre un terme à certaines habitudes solidement ancrées.

Les députés français ont été fortement impressionnés par le système ultra-sécurisé utilisé pour la fabrication des nouveaux passeports albanais. Le niveau de sécurité des passeports ainsi fabriqués paraît supérieur aux standards français. Ce nouveau dispositif technique ne peut qu’apporter une aide précieuse aux policiers chargés de la délinquance dans cette région des Balkans.

Cette amélioration de la sécurité des passeports albanais a certainement contribué à lever le dernier obstacle opposé par la France à la suppression de l’obligation de visa : la décision de supprimer cette obligation a été prise par les ministres de l’Union européenne le 8 novembre 2010, et notre groupe d’amitié ne peut que s’en réjouir, même si un retour en arrière est prévu en cas d’afflux de migrants.

Candidate aujourd’hui crédible à l’entrée dans l’Union européenne, l’Albanie doit à présent démontrer qu’elle est capable d’en finir avec ses vieux démons et de se détourner définitivement de son passé de guerres civiles pour enfin parvenir à une pratique démocratique apaisée dans laquelle l’opposition s’exprime au Parlement et non plus dans la rue.

A N N E X E

Composition de la délégation

- Mme Geneviève Colot (UMP, Essonne),

présidente du groupe d’amitié France-Albanie

- M. Christian Ménard (UMP, Finistère),

vice-président,

- M. Jacques Desallangre (UMP, Aisne),

vice-président,

- M. Robert Lecou, (UMP, Hérault)

La délégation était accompagnée par M. Thierry Beaugendre, secrétaire administratif du groupe d’amitié.

PROGRAMME

Lundi 27 septembre

14h45 Accueil de la délégation par M. Fatos Beja (PD), président de la CAE du Parlement, et M. Vangel Mita, chef du protocole au Parlement
et Son Exc. Mme Maryse Daviet, ambassadrice de France

Transfert de la délégation à l’hôtel Tirana

Après-midi Libre

19h30 Dîner à la résidence de France de la délégation avec les membres de l’ambassade : M. Christian Reigneaud, premier conseiller, M. Raymond Chaffort, conseiller culturel et de coopération, Mme Myriam Rion-Beaufaron, consule et M. Jean-Louis Jacquinet, attaché de sécurité intérieure.

Mardi 28 septembre

10h00 Entretien au Parlement de la délégation avec Mme Jozefina Topailli, présidente du Parlement.

A l’issue de l’entretien, point de presse

11h00 Rencontre au Parlement avec le groupe d’amitié Albanie-France : MM. Fatos Beja (PD Fier), Tritan Shehu (PD Tirana), Gjerdji Papa (PD Korca), Kastriot Islami (PS Tirana), Eth’em Ruka (PS Gjirokaster), Luciano Boci (PD Elbasan).

13h00 Déjeuner offert à la délégation par Mme Jozefina Topalli, présidente du Parlement et M. Fatos Beja, président de la CAE.

Après-midi Visite à Kruja

19h30 Dîner à la résidence de France avec les représentants de cinq sociétés françaises : MM. Jean-Alain Jouan (ALEAT/SAGEM), Ludovic Laventure (Krystal), Hubert de Saint-Jean (Société générale Albanie), Patrick Pascal (Sélénice Bitumin) et Julien Roche (Green Technologies/CNR/EADS)

Mercredi 29 septembre (Shkodra)

9h00 Départ de Tirana de la délégation avec Mme Jozefina Topalli, présidente du Parlement

Visite de la forteresse et du centre ville

Déjeuner à Shkodra

Fin Retour à Tirana

d’après-midi

Dîner Libre

Jeudi 30 septembre

9h00 Entretien au ministère des affaires étrangères avec M. Edmond Haxhinasto, ministre des affaires étrangères

10h00 Entretien au ministère de l’intérieur avec M. Lulzim Basha, ministre de l’intérieur

11h00 Entretien à la Primature avec le Premier ministre, M. Sali Berisha

13h00 Déjeuner à la « Table de l’Ours » offert par le groupe d’amitié parlementaire albanais présidé par Mme Paulina Hoti (PD), présidente du groupe d’amitié Albanie-France

Après-midi Visite dans la ville avec le COCAC

17h00 Visite du centre de production de la SAGEM (passeports et cartes d’identité)

19h30 Dîner à la résidence de France

Vendredi 1er octobre

13h45 Départ de l’aéroport de Tirana

15h15 Décollage du vol pour Paris via Ljubjana

© Assemblée nationale