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N° 613

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

sur le lobbying

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jean-Paul CHARIÉ,

Rapporteur

Sommaire :

favoriser le lobbying au lieu de le craindre 5

Le Lobbying pour améliorer la Politique 7

Lobbying et démocratie : 7

Pas de bonnes décisions publiques sans tenir compte des contraintes des acteurs 7

Lobbying et gestion de la cité : 8

Pas de réussite sans maîtrise des concepts et réalités 8

Lobbying et croissance : 9

Pour notre progrès, dépasser les clivages et rigidités 9

Être les meilleurs ne suffit plus. Travaillons autrement. 13

Livre bleu, résultat d’une large concertation 15

comparaisons internationales 17

La France dévalorise le métier de lobbyiste 17

États-Unis, Europe, Allemagne, … le lobbying y est un atout. 30

Transparence et compétence du lobbying 34

REdéfinir le Lobbying 38

nouveaux droits et devoirs 44

Création du registre parlementaire des lobbyistes 46

Réaction unanime et positive des professionnels 48

Accès des lobbyistes au Parlement 53

Mise à disposition des documents parlementaires 53

Proche de l'hémicycle, un lieu réservé aux lobbyistes 54

Assister aux débats des commissions 56

Consultations préalables des lobbyistes 57

Annuaire des parlementaires par spécialisation 60

Meilleure gestion des colloques parlementaires 62

Meilleur rayonnement de la presse dite « parlementaire » 65

Autres propositions de développement du lobbying 68

Annuaire européen Parlementaire 69

Le lobbying au niveau du bassin d’EMPLOI 71

suggestions Pour aider le politique 74

Pour aider le travail du parlementaire 74

Informez localement vos politiques 76

EXAMEN EN COMMISSION 79

Annexes 85

Une première à l’assemblée, salle Colbert, participation de 350 lobbyistes ! 87

Résultats bruts des consultations individuelles 95

Groupes d'intérêts auprès du Parlement européen 111

Charte de déontologie de l’Association pour les Relations avec les Pouvoirs Publics 113

Charte déontologique de l'Association Française des Conseils en Lobbying 115

« Une bonne loi est proche du terrain »

Alain

Pour être efficaces, les politiques doivent être humbles.

Dans un monde de plus en plus complexe, comment réussir une politique sans associer à sa définition ceux qui la mettent en œuvre ?

FAVORISER LE LOBBYING AU LIEU DE LE CRAINDRE

Quand, par méconnaissance du terrain, la loi devient inapplicable :

De bonne foi, de plus en plus d'acteurs politiques (élus ou fonctionnaires), prennent des décisions, publient des arrêtés et des décrets, dont les effets concrets ne sont pas toujours compatibles avec les réalités. Les décisions parfois se retournent contre l'objectif recherché. Ces erreurs sont dues à un manque de connaissance du milieu concerné.

Quand les partenaires aux mêmes objectifs s’opposent faute de dialogue.

Les entreprises, les secteurs d'activités, les filières de métiers sont aujourd'hui confrontés à une concurrence internationale intransigeante, à des évolutions inimaginables de la société et à des décisions publiques vécues comme des entraves… Nous devrions nous entraider, nous associer, nous comprendre. Or, en partageant pourtant les mêmes desseins, les mêmes intérêts, nous nous opposons, nous nous combattons. Rapprocher les mondes, coordonner, partager les informations, devient une nécessité absolue. Si les acteurs se connaissaient mieux, se côtoyaient davantage, ils se respecteraient plus. Ils deviendraient des partenaires. C'est en partie cela l’enjeu du développement du lobbying.

Les parlementaires ne peuvent tout connaître seuls.

Dans une société de plus en plus complexe, ils doivent confronter les points de vue, croiser les regards. Dans un monde en mutation permanente, quand la vérité d'hier peut vite évoluer et quand la vérité binaire devient relative, les gestionnaires de la cité devraient être en relation directe et permanente avec les entreprises. Or, beaucoup s'en méfient et « s'en protègent » en partie du fait d'une mauvaise image du lobbying.

Des critiques contribuent à créer une suspicion sur les rapports entre le monde des entreprises et celui des politiques. Or, lobbying et politique sont, par nature et par dessein, étroitement liés.

Les pays performants et modernes développent, eux, le lobbying.

Les Anglais et les Américains valorisent les lobbies et reconnaissent l'intérêt de leur métier. L'Union européenne consulte tous les acteurs économiques, développe un système de registre et un code de déontologie des lobbyistes. En Allemagne, les lobbyistes sont considérés comme des partenaires des pouvoirs publics… Dans ces pays qui réussissent mieux que la France pour la croissance économique, il n'y a pas d’a priori contre les lobbyistes.

Les élus manquent de culture économique, mais que font les dirigeants d’entreprises ?

Les dirigeants d’entreprises, tout en se plaignant légitimement du manque de culture économique des parlementaires, développent rarement des relations régulières avec leurs élus.

La plupart des multinationales et organisations professionnelles ont créé des fonctions de lobbyistes, mais force est de le constater : la plupart des dirigeants d'entreprises hésitent à inviter, à contacter leur député, leur maire, leurs partenaires publics… Quand ils le font, c'est souvent trop tard.

I.— Les enjeux du lobbying en France :

LE LOBBYING POUR AMÉLIORER LA POLITIQUE

Avant de proposer un cadre de développement du lobbying en France, et pour mieux comprendre les évolutions souhaitables, il est essentiel de souligner les enjeux du lobbying.

Pour nous, développer le lobbying bien compris c’est servir trois dimensions totalement liées : la démocratie, la gestion du pays ou la politique, la croissance et son dynamisme.

Lobbying et démocratie :

Pas de bonnes décisions publiques sans tenir compte des contraintes des acteurs

L’enjeu est de rendre les décisions publiques locales ou nationales plus efficaces car conformes aux contraintes des acteurs de terrain.

Le lobbying bien compris permet le rapprochement des acteurs publics et privés. Il anime une concertation permanente. Il assure une association tout au long des procédures de la décision politique : dès le début de la réflexion, pendant l'élaboration, lors des débats sur la formulation, après la décision pour sa mise en œuvre. Une noble illustration de la démocratie vivante.

Dans notre société totalement ouverte, aux évolutions permanentes, rapides et d’ampleur inimaginable, le lobbying permet d’informer, en temps réel, les décideurs publics.

Mieux les informer sur les tenants et aboutissants…

Mieux les informer quand ils le souhaitent, au moment où cela leur est utile.

Mieux les informer de façon exploitable pour eux et avec des illustrations concrètes…

Le lobbying est un levier essentiel d’information, de proposition, de dialogue et donc, de prise de décision. Il aide à décider en donnant une meilleure connaissance des objectifs possibles, des conditions, des faisabilités, des conséquences.

Comme le déclare le président d’une des plus grandes fédérations professionnelles : « Le lobbying permet la sensibilisation des politiques aux enjeux et problèmes des entreprises. Les lobbyistes apportent une réalité proche du terrain, permettent l’applicabilité des politiques et des nouvelles législations ».

Le lobbying permet d’aboutir à des décisions publiques, (lois, décrets, programmes..), mieux applicables, car davantage conformes aux réalités, contraintes, opportunités…

Lobbying et gestion de la cité :

Pas de réussite sans maîtrise des concepts et réalités

L’enjeu est de servir les intérêts de notre pays, de servir une société de progrès pour l’homme. Or cela est parfois incompris. Les rigidités, nos « avantages acquis » existent de tous les côtés. Nous avons tout pour réussir mais nos propres entraves sont réelles. Les dépasser ne dépend que de nous.

Si elles sont bien préparées, les politiques seront bien acceptées.

Si les acteurs chargés directement ou indirectement de les appliquer sont bien associés, les politiques seront efficientes.

De nombreuses réformes, évolutions et nouvelles lois, conformes à l’intérêt général, sont pourtant refusées par l’opinion publique. Elles en deviennent difficilement applicables. Développer le lobbying c’est mieux informer les relais d’opinion, les prescripteurs, les médias. Le lobbying bien compris contribue à sensibiliser l’opinion publique aux nouveaux enjeux politiques.

La France serait l'une des premières puissances économiques du monde et l’un des pays qui se méfie le plus de l'économie de marché. Comme nous l’avons encore constaté lors des débats « contre les opérateurs de téléphone », au Parlement en octobre 2007, les décalages entre les réalités et les perceptions ne facilitent pas une bonne gestion de la cité.

Comment se faire comprendre et partager quand les acteurs concernés ne maîtrisent ni les concepts ni les éléments scientifiques et techniques ?

Si elles sont mieux préparées, mieux anticipées, les décisions publiques seront mieux acceptées, mieux reconnues et donc mieux appliquées…

La culture de l'anticipation, de l'association, de la concertation en amont permettra d’éviter la gestion dans la précipitation.

La confrontation en temps réel des idées et des réalités contribuera à développer une culture économique conforme aux vraies réalités, et aux mécanismes incontournables. Le tout pour un meilleur fonctionnement de la société.

La crise de confiance des citoyens face à leurs institutions est réelle. Si ces institutions travaillent entre elles autrement, savent se rapprocher dans l'intérêt général, la confiance reviendra.

A partir du moment où les vraies réalités seront mieux connues, à partir du moment où, disposant facilement, au bon moment de la bonne information, il sera plus aisé de contrer une fausse allégation, les débats parlementaires gagneront en qualité.

Mieux informés sur la complexité des réalités, les acteurs défendront des positions moins binaires. L'art de la rhétorique et l'art de l'argumentation y gagneront également.

Les acteurs privés et publics sont sur le même bateau France. Associer ces deux mondes, avec leurs contradictions et leurs multiples diversités, c’est, en regardant les faits en face, associer les forces vives au lieu de les opposer. C’est réussir ensemble en travaillant autrement.

Lobbying et croissance :

Pour notre progrès, dépasser les clivages et rigidités

La France affiche un taux de croissance économique nettement inférieur à celui des États-Unis et à celui de ses voisins dont l’Allemagne, car en France il n’est pas encore répandu de travailler ensemble autrement. C’est préoccupant.

Du développement des activités économiques et des entreprises, de l’augmentation de leur chiffre d’affaires et de leur bénéfice, de la capacité de nos entrepreneurs à dégager de l’activité et des résultats positifs, dépend le niveau de croissance de notre pays. La croissance n’est pas un concept abstrait et seulement macro économique. La croissance dépend aussi du monde micro économique des entreprises. Augmenter notre taux de croissance, c’est développer l’activité des PME !

Faute de la culture du « travailler ensemble » nos résultats restent inférieurs à ceux de nos voisins de même catégorie.

Nous ne sommes pas moins compétents. L’ingéniosité des entrepreneurs français est reconnue dans le monde entier. En France nous sommes les meilleurs au monde dans de très nombreux domaines. De la banque au BTP, de la pharmacie au TGV, de l’agro-alimentaire aux foires, salons et congrès…, nous serions la nation la mieux placée dans l’ensemble des secteurs d’activité. Côté consommation nous sommes aussi le pays au plus fort taux de supermarchés, le premier pays au monde pour le nombre de touristes.

Alors, où est le problème ? En bien des domaines de compétence nous sommes les meilleurs au monde et pourtant… ! Pourquoi sommes-nous les meilleurs tout en étant moins bons que nos challengers ?

Par rapport à nos amis allemands, nous avons la même monnaie, nous avons les mêmes concurrents, les mêmes défis mondiaux, nous avons le même niveau de consommation. Le problème vient peut-être de nous… ! Ouvrons les yeux, acceptons un autre regard, osons nous voir avec lucidité et discernement.

Être les meilleurs ne suffit plus. Si notre taux de croissance n’est pas à la hauteur de celui des autres pays d’ordre comparable, ni à la hauteur de nos potentiels, ce n’est pas à cause du niveau de consommation. Si nous faisons moins bien ce n’est pas à cause des autres, c’est d’abord à cause de notre façon d’être et d’agir.

L’esprit gaulois du « chacun pour soi ». Nos entreprises développent l’individualisme, or aujourd’hui seules les équipes, les économies d’échelle, les mises en commun, les répartitions et les entraides peuvent relever les défis. L’enjeu est de travailler en équipe et de travailler avec les partenaires publics !

L’absence de solidarité avec les grands donneurs d’ordre. En France l’attitude de nombreux grands donneurs d’ordre à l’égard de leurs fournisseurs et sous-traitants n’est pas digne des enjeux à relever. Comment créer de la croissance quand les partenaires développent des entraves au lieu de s’aider ?

Édicter la croissance ne suffit pas. Il faut faire évoluer, changer les habitudes, dépasser les clivages. Le lobbying bien compris, c’est cela. En associant, en partageant, en s’appuyant les uns sur les autres, les acteurs publics et privés plus solidaires retrouveront la croissance à la hauteur de nos potentiels.

Or, comme je l’ai constaté dans trois régions, « Pays de la Loire » « Champagne-Ardenne » et « Centre » où je suis allé en septembre 2007 pour mesurer la mise en œuvre de la politique de développement des PME, je l’affirme : dès qu’il y a réunion des acteurs publics et privés, ces vraies entraves disparaissent. Comme je le présente dans mon avis budgétaire N° 278 de novembre 2007 sur le PLF 2008, la bonne politique de la croissance existe en France. C’est celle des DRIRE qui l’animent. Elles ont tout compris. Leurs résultats sont immédiats. Tout y est. Ce n’est pas du lobbying car cela dépasse le lobbying. Mais c’est à la base du lobbying, car, c’est grâce à la connaissance des cultures et contraintes des acteurs des usines françaises soumises aux concurrents mondiaux, que les agents des DRIRE proposent de bonnes solutions collectives.

Dans un monde totalement transformé en ces trente dernières années, sachons changer d'attitude. Être les meilleurs chacun de son côté ne suffit plus ! Il devient indispensable de travailler en réseau pour partager les compétences, pour coordonner, pour associer les énergies.

Nous devons sortir de la culture d'opposition et de celle des divergences. Cultivons le sens du partenariat, du consensus, du respect des autres, de l'échange. Révisons nos certitudes. Sortons du binaire, croisons les regards.

Plus les acteurs apprendront à se reconnaître, plus ils s'écouteront, se respecteront, et s'entraideront sur l'essentiel. Cette stratégie de coopération augmentera la légitimité des décisions et réduira le recours des acteurs à des stratégies de pression.

Pour être efficaces, les politiques doivent être humbles. Dans un monde de plus en plus complexe, il est impossible de réussir une politique sans associer ceux qui la mettent en œuvre.

Le lobbying bien compris, ce n’est pas « décrocher un marché » :

Le lobbying bien compris, ce n’est ni un élément de stratégie commerciale, ni un élément de droit privé. Aider les décideurs publics, participer ainsi aux décisions publiques n’a pas pour objet d’obtenir un contrat, un engagement de commande, un avantage commercial. Le lobbying, ce n’est pas « décrocher » un marché.

Le lobbying bien compris ce n’est pas la démarche d’une entité publique vers une entité privée, c’est au contraire celle du privé vers le public.

De la même manière le lobbying bien compris n’a rien à voir avec ce cliché : « intense lobbying pour convaincre les députés… ». Le lobbying bien compris, ce n’est pas faire du « trafic d'influence », ni obtenir des « faveurs », des « privilèges ». Certaines pratiques condamnables, et condamnées par le droit pénal, n’ont rien à voir avec le lobbying.

Le lobbying remplit une fonction démocratique à part entière, mais il se différencie des stratégies des groupes de pression qui mobilisent des citoyens en dehors de la communauté politique dans le but d’influencer les décisions publiques. Que des groupes de pression cherchent à influencer les politiques, par lettre, par pétition, par manifestation, est une chose. Que des professionnels informent les décideurs en est une autre.

L’enjeu est d’affirmer et de valoriser le métier des lobbyistes. Son existence est essentielle. En réprimant les dérives, nous devons développer, organiser, et faciliter l’exercice de ce métier, professionnaliser et développer les moyens de travail.

Le politique identifie trois catégories de « lobbyistes »

– Les lobbyistes salariés d'entreprise,

– Les lobbyistes appartenant à un cabinet conseil de lobbyistes,

– Les lobbyistes d'organisations transversales, d’associations.

Le lobbyiste salarié d'entreprise est employé d’une seule entreprise, souvent une multinationale ou un grand groupe. Compte tenu de l’importance et des moyens de l’entreprise qu’ils représentent, le rôle de ces lobbyistes est essentiel pour le politique. Par le lobbyiste d’entreprise, le politique obtient des informations sur l’ensemble d’une activité tout en obtenant des exemples, illustrations, analogies et comparaisons. Les grandes entreprises offrent une vision et une prospective que ne possèdent pas d’autres acteurs.

Les cabinets conseils de lobbyistes sont très utiles aux politiques. Ils possèdent une bonne maîtrise des procédures et arcanes politiques. Ils peuvent transmettre les informations pertinentes d’entreprises ou d’entités n’ayant pas de services de lobbying. Comme ce sont des spécialistes verticaux et transversaux du lobbying, de grandes entreprises possédant un service intégré de lobbying font appel à leurs services, « comme des directions de la communication font appel à des agences de publicité ou des directions juridiques font appel à des avocats... », précise l’Association Française des Conseils en Lobbying (AFCL) qui ajoute : « L'expertise des cabinets conseil en lobbying de l'AFCL est recherchée par les entreprises  car elle leur apporte un regard extérieur, une méthodologie éprouvée, une approche enrichie par de nombreuses expériences. De plus, leur approche est souvent transversale en termes de cibles, incluant les politiques  mais aussi la société civile et les médias, tandis que les services de lobbying intégrés ont souvent une compétence verticale (Parlement, parfois élargie à l'exécutif). » .

Le lobbying bien compris, c’est leur métier. Ils peuvent devenir des partenaires majeurs et privilégiés des politiques, qui devraient faire plus souvent appel à eux.

Les organisations professionnelles censées représenter les intérêts et enjeux des filières d’activité sont par nature des interlocuteurs majeurs des politiques. Elles devraient toutes devenir des lobbyistes. Par rapport aux deux premières catégories de lobbyistes, qu’ils soient fédération professionnelle, association de consommateurs, ONG ou tout autre type de structure transversale, ils représentent un ensemble transversal d’acteurs, une filière, un domaine de compétence… À ce titre leur démarche spécifique de lobbying est essentielle pour les politiques.

Certes, cela se conçoit, l’ARPP (Association pour les Relations avec les Pouvoirs Publics) pense que « la segmentation se justifie uniquement entre lobbyistes internes à une organisation, quelle qu’elle soit, et consultants extérieurs. Il s’agit donc de distinguer les lobbyistes qui agissent pour compte propre de ceux qui opèrent pour compte de tiers. » Mais dans un souci d’efficacité et de clarification, et en pensant en particulier au futur registre des lobbyistes, le politique préfère conserver ces trois catégories.

II.— Pourquoi ce livre ? Comment a-t-il été porté ?

Être les meilleurs ne suffit plus. Travaillons autrement.

Pour un cercle vertueux, promouvoir le lobbying bien compris.

Quelle est la situation la plus grave ?

Celle de lobbyistes qui confondraient fourniture d’informations avec souci de mettre des « députés dans leurs poches », ou  celle d’un Parlement qui ne comprend pas que, dans une société de plus en plus complexe, de plus en plus mobile, et si vite différente de celle d’hier, il est indispensable de systématiser l’échange permanent avec les acteurs non politiques.

Quelle est la meilleure méthode ?

La première est celle du « facile à faire comprendre mais difficile à appliquer ». On l’a longtemps appelée la démagogie… ! C’est la gestion par la communication, la force de la déclaration d’intention. Elle ne demande pas de compétence technique, elle n’a pas besoin de tenir compte des contraintes techniques. Il suffit d’affirmer ; le souci de l’efficience est secondaire. Si c’est plausible, les gens y croiront, même si…

L’autre méthode est de fixer des objectifs clairs, d’afficher des desseins politiques ambitieux. Puis, de travailler la faisabilité des solutions pour y parvenir avec tous les acteurs concernés. Cette méthode demande du courage et de la transparence, de la détermination et de l’humilité. Cette méthode va moins vite. Elle oblige à tenir compte de détails, à associer mieux, à écouter et à respecter… Mais cette méthode, c’est celle des entreprises qui gagnent…

Quelle est la meilleure voie ?

Dénoncer le lobbying comme source de déviance et d’atteinte à l’intégrité morale des acteurs politiques ? Mais alors, isoler, si l’on est logique avec cette vision, le monde politique d’une certain nombre de réalités, pourtant incontournables, car cette connaissance des détails ne s’obtient qu’au cours d’échanges spécifiques, qu’avec une certaine « complicité » ?

Ou, à l’inverse, encourager les relations permanentes, directes et de « bonne entente » entre les politiques et les autres acteurs. Encourager le développement du lobbying bien compris, car il permet de gérer la cité en bonne connaissance de ses rouages ?

Globalement, à droite comme à gauche, le personnel politique en France est d’abord sincère et intègre. Le plus préoccupant est de voir des ministres, des rapporteurs et des collègues soutenir des dispositions législatives inapplicables, car contraires aux réalités du terrain. Trop souvent nous légiférons en fonction de nos expériences personnelles. Quelle que soit l’émotion sincère de nos vécus personnels,

Ce n’est pas parce que ce fut réel, que ce doit être généralisé.

Ce n’est pas parce que c’est plausible, que c’est vrai.

Ce n’est pas parce que cette disposition législative fera plaisir à beaucoup d’électeurs, qu’elle servira leurs intérêts.

Pourquoi tant de si bonnes dispositions législatives, depuis tant d’années n’aboutissent pas ?

Pourquoi les nouveaux députés de tous bords politiques sont vite déçus par nos méthodes de travail à l’Assemblée Nationale ?

Est-ce parce que les députés seraient sous l’influence de quelques lobbies économiques ou au contraire, est-ce parce que le Parlement ne prend pas assez le temps de tenir compte des réalités incontournables des acteurs du terrain ?

C’est évidemment l’absence d’échanges interactifs complets et de bonne prise en considération des contraintes de base qui mine l’efficacité politique.

Dans une société de plus en plus complexe qui évolue de plus en plus vite, plus les acteurs échangeront et s’associeront, mieux la France se portera.

Nos faiblesses en France ne viennent pas de l’incapacité des uns ou des autres à créer, à impulser, à croître. L’ingéniosité des Français est reconnue dans le monde entier. La conscience professionnelle des travailleurs est une force de notre nation. Nos faiblesses résident dans nos mentalités.

Travaillons en réseau, créons des synergies, échangeons nos expériences et nos forces.

Rapprochons petites et grandes entreprises, gestionnaires de la cité et entrepreneurs économiques. Comme le font naturellement les Allemands, développons la solidarité, la prise en considération sincère de l’autre.

Comme je l’ai montré dans mon rapport parlementaire N° 2826 de février 2006 et intitulé «  Foires, salons, congrès : pour que France rime avec croissance », être les meilleurs ne suffit plus. Nous devons travailler autrement, agir ensemble.

Livre bleu, résultat d’une large concertation

Pour porter ce livre bleu du lobbying, j’ai dans un premier temps posé les enjeux et objectifs qui l’introduisent. J’ai ensuite réuni, salle Colbert à l’Assemblée Nationale plus de 350 professionnels du lobbying. Après une introduction de Patrick Ollier, Président de la commission des affaires économiques, j’ai structuré les débats autour de trois thèmes :

– Entreprises, pourquoi et comment vous rapprocher du monde des élus ? En quoi cette démarche peut-elle contribuer au développement durable ? avec Michaël Jaïs, Directeur général adjoint d’Augure, Thierry Del Jésus auteur de « Top 100 du lobbying » et débat avec la salle.

– Parlementaires, pourquoi et comment développer les relations avec le monde économique et les entreprises ? En quoi cela peut-il améliorer le travail législatif ? avec Perrette Rey, Président du tribunal de commerce de Paris, Paul Bourry, Président du cabinet Bourry et associés, Vincent Nouzille, co-auteur de « Députés sous influences » et débat avec la salle.

– Comment améliorer ce relationnel ? Quelles sont les dérives à éviter ? Quelle éthique ? Comment s'orienter vers un code de déontologie ? avec Marie-José Ranno, présidente de l’ARPP, Jean-Christophe Adler, président de l’AFCL et débat avec la salle.

Une mise en perspective des enjeux fut présentée par Jacques Marseille, historien et économiste, professeur à l’Université Paris I Sorbonne.

Olivier Jay, rédacteur en chef d'Usine Nouvelle accepta de tirer les conclusions d’observateur privilégié.

J’ai ensuite constitué un comité de pilotage pour valider et critiquer chaque analyse et chaque proposition. En juillet 2007, j’ai diffusé un document de travail pour que le plus grand nombre puisse me faire part de critiques positives et négatives. Nous avons par ailleurs, conduit en août 2007, 32 entretiens individuels de 45 minutes.

Les analyses et propositions de ce livre bleu émanent d’un grand travail collectif.

A l’unanimité, les professionnels soulignent en particulier ces contenus du livre bleu :

• La reconnaissance de la fonction de lobbyiste et de l'apport du lobbying pour plus de 40 % des professionnels interrogés.

• La mise en valeur de la transparence et de la rigueur du lobbying vient en seconde position.

• L’encouragement des contacts entre lobbyistes et parlementaires.

• L’amélioration du fonctionnement de la démocratie.

• La création d’un code éthique.

• La systématisation de la consultation préalable par le politique de tous les acteurs concernés par une future réglementation.

• La création du registre des lobbyistes.

• L’identification des parlementaires par domaines de compétence et spécialisation.

III.— Le lobbying en France et dans le monde :

COMPARAISONS INTERNATIONALES

La France dévalorise le métier de lobbyiste

Au début des années 1990, en France, le lobbying n'existait pas dans les entreprises privées. Il existait dans certaines grandes entreprises nationalisées ou publiques. Aujourd'hui, de nombreuses grandes entreprises et fédérations ont créé des fonctions de lobbyistes pour développer les relations avec le monde politique.

Aux côtés de l’autorité politique et de l’autorité technocratique existe dorénavant une troisième composante incontournable : l’autorité technique.

Le lobbying professionnel bien compris reste pourtant en France un métier à promouvoir, y compris dans les entreprises.

Les lobbyistes sont des professionnels au service des politiques.

Selon les lobbyistes leurs principaux objectifs assignés sont de « défendre les intérêts d’une entité propre dont nous sommes salariés (entreprise publique ou privée, établissement public, organisme public ou parapublic, organisation professionnelle) dans le cadre de l’intérêt général. Sensibiliser nos entreprises, et notamment leurs dirigeants, sur les priorités des instances communautaires et françaises. »

Les lobbyistes précisent : il s’agit d’ « informer, d’expliquer les enjeux aux parlementaires ».

Les lobbyistes sont là pour leur « apporter une expertise », ils développent un « rôle d’interface entre les scientifiques et les politiques, entre les entreprises et les politiques ».

Ce « travail en aval, en amont, pendant les travaux parlementaires » leur demande de « réaliser une veille sur les évolutions de l’environnement légal et réglementaire ».

Pour ces professionnels, « informer les autorités politiques et de régulation » contribue à « créer un contexte favorable au niveau local national, international ».

Cette vision et cette présentation du lobbying montrent la dimension déjà très professionnelle et éthique de nombreux lobbyistes français.

L’ambiance générale n’est pas à l’unisson.

Tant ils craignent les critiques, les préjugés, les interprétations négatives, de nombreux lobbyistes s’expriment sur leur métier avec méfiance.

J’ai associé les lobbyistes à mes travaux et réflexions. S’ils sont venus très nombreux au colloque organisé salle Colbert à l’Assemblée, s’ils ont participé aux ateliers, beaucoup n’ont pas souhaité répondre au questionnaire… ! Cela caractérise l’état de mal-être… !

Cette défiance existe aussi dans leur entourage immédiat.

Le lobbying bien compris n’a jamais été valorisé par les politiques. Le lobbying est davantage critiqué que salué. Conséquence, même dans leur entreprise ou leur structure, les lobbyistes doivent encore convaincre de l'intérêt de leur mission. Ils rencontrent obstacles, résistances et difficultés pour « obtenir une diffusion rapide, une information fiable en temps réel », pour « avoir la confiance des directions techniques. »

Beaucoup nous disent devoir « imposer cette activité nouvelle dans leur entreprise » car les collaborateurs et hiérarchies par « méconnaissance du monde politique » ne savent pas comment fonctionnent le Parlement et les institutions et pourquoi les politiques ont besoin d’un certain type d’informations, de contacts et d’échanges.

Le lobbying souffre de préjugés.

Le rôle des lobbyistes n'est pas de soutenir une philosophie, une doctrine, une idéologie. Cela est le travail des politiques !

La fonction du lobbying est d'apporter des éléments concrets sur des effets pervers, des effets positifs, des conditions d'application. Il valorise des atouts, des projets, des objectifs. On ne doit pas demander au lobbyiste de s’opposer à une orientation politique ou à un parti politique. On doit lui demander d’informer, de faire prendre conscience… ce qui est totalement différent.

Un de nos interlocuteurs insiste : « Il faut stopper la connotation péjorative du mot lobbying. La méconnaissance du lobbying est due au manque de structuration et de transparence de l’activité. C’est pourquoi il faut définir un statut. C’est pourquoi il faut mettre en place un code de déontologie. »

Le lobbying, ce n'est pas agir pour garantir ou obtenir une part de marché ou une commande. Le lobbying, ce n'est pas du commercial.

Or, le mélange des genres existe. Pour de très nombreuses entreprises travaillant avec des collectivités, des administrations ou des ministères, comment ne pas croiser les missions du lobbyiste avec celles du commercial ? Ainsi, le lobbyiste est ainsi parfois rattaché à la direction commerciale de l'entreprise. C’est significatif d’une mauvaise appréhension du lobbying. Le lobbyiste devrait être rattache au Président, au secrétaire général, au directeur juridique, au directeur stratégique…, mais pas au commercial.

Le lobbying est parfois inutile. C'est encore la culture du « pour vivre bien, vivons cachés ». Beaucoup refusent de contacter les politiques. D’autres ne savent pas. D’autres encore se disent que c’est inutile.

Pour leurs relations hors entreprises, une association de lobbyistes déclare : « Il ne nous semble pas y avoir de difficultés particulières car le Parlement français a depuis plusieurs années fait preuve, dans ses relations avec les représentants de la société civile, d’un réel esprit d’ouverture pour mieux appréhender leurs attentes. »

En formule diplomatique comme c’est bien dit pour ne froisser personne. Car, en fait, les difficultés existent : « L’expertise n’est pas privilégiée ». Il n’y a « pas de reconnaissance du lobbyiste parmi les métiers du Parlement. » Le lobbyiste ne rencontre « pas de problème lorsque l’expertise et le rôle du lobbyiste sont reconnus, mais c’est rarement le cas, et jamais de façon générale et permanente ». Le lobbyiste se heurte à une « méconnaissance du monde de l’entreprise », à des « difficultés d’accès à des informations détenues par les pouvoirs publics », il n’y a « pas de reconnaissance officielle, de système de carte professionnelle ou d’inscription sur un registre national ».

Saluons certaines sources de satisfaction :

Les lobbyistes sont en général satisfaits « d'avoir été écoutés, sinon entendus. » Les lobbyistes sont satisfaits des « contacts établis », «de faire avancer les dossiers », « de montrer que les politiques sont efficaces »…

« Conscience de l’importance de leur travail », et «satisfactions professionnelles : il y a une certaine fierté à faire ce travail ! ».

Un certain nombre de laisser-aller et de dérives existent.

Nous ne parlons pas des éventuels phénomènes de corruption ou de trafic d’influence. Quand ils existent, ils n’ont rien à voir avec le lobbying bien compris. Ils doivent faire l’objet des procédures judiciaires clairement prévues par la loi. Ces attitudes doivent être rigoureusement sanctionnées. Mais ce n’est pas parce que des délits de cette sorte ont existé, existent et existeront qu’il faut les confondre avec le lobbying bien compris qui est, lui, à développer.

En revanche, certains états de fait ou attitudes méritent notre attention et de sévères remises en cause !

Collaborateur parlementaire et lobbyiste ?

Certains lobbyistes ont demandé à des députés de leur fournir une « carte permanente d’accès » au Palais Bourbon. Ces personnes entrent comme elles le souhaitent dans l’enceinte, sans être collaborateur de député. Elles sont salariées d’une grande entreprise.

Cette opacité, cette façon de détourner l’objet de dispositions officielles est anormale, même si c’est l’un des moyens intelligents de répondre à un vide, à un manque d’organisation. Quand le registre des lobbyistes et les conditions d’accès auront été mis en place, la contrepartie sera de mettre fin à ce détournement des procédures.

Le collaborateur de député est bien placé au cœur de l’institution pour exercer la fonction de lobbyiste. Il peut en temps réel disposer des informations et documents essentiels, les transmettre et faire réagir immédiatement.

Cette fonction double fonction, collaborateur et lobbyiste, est-elle admissible ?

Dans l’absolu oui, puisque cela permet de mieux rapprocher les deux mondes, et de donner aux politiques les informations dont ils ont besoin.

Pourtant, si le collaborateur est en même temps un relais lobbyiste d’une entité extérieure, cela implique le respect rigoureux de certaines règles.

La fonction de lobbyiste et les avantages reçus doivent être déclarés. Si la possibilité de cette double fonction devait être reconnue et donc « officialisée », s’imposerait la totale transparence.

La deuxième condition serait de respecter les règles du code éthique, de s’y plier rigoureusement.

À l’inverse si ces deux conditions n’étaient pas tenues, le règlement intérieur de l’Assemblée – mais l’employeur n’est pas l’Assemblée, c’est le député – devrait prévoir les procédures de licenciement immédiat pour faute grave.

Si cette double fonction devenait acceptable, elle se développerait compte tenu des compléments procurés : compléments financiers pour le collaborateur. Compléments techniques et de compétence pour le député. Dans l’absolu ce n’est pas négatif, mais la reconnaissance de cette situation impliquera quelques contreparties.

Élu et lobbyiste.

Un élu peut-il être en même temps un lobbyiste ?

Si c’est pour mieux légiférer, oui. On ne va pas interdire à des députés médecins d’être des relais des professionnels de la médecine, à des députés professeurs de faire part de leur expérience et du vécu de leurs collègues professeurs… Heureusement qu’il existe des députés issus de diverses professions et capables de dire à leurs collègues la réalité de certaines situations.

Pour un parlementaire, cette fonction naturelle de transmission de l’information, d’exploitation d’une compétence, d’une expérience, d’une maîtrise d’un domaine pour aider le législateur à légiférer correctement, ce n’est pas une fonction de lobbyiste, c’est la fonction de parlementaire.

Le parlementaire assume des fonctions du lobbyiste bien compris, cela ne doit pas faire de lui un lobbyiste. La nuance est essentielle.

À l’inverse, un député peut-il rester acteur principal de certaines institutions ? Ainsi un député a démissionné de sa fonction de président de Chambre consulaire. Mais l’Assemblée est aussi la première à nommer des députés, présidents d’institutions extra parlementaires. Quelles règles éthiques définir ?

Ne demandons pas à tous les députés de rompre tous liens avec leurs précédentes fonctions ou activités de compétence. Si un fonctionnaire non réélu député peut retrouver immédiatement son ancienne place professionnelle, dans le privé, le non réélu, s’il a coupé les liens avec ses anciennes attributions professionnelles, peut se retrouver sans emploi.

La fonction de député est d’abord un mandat temporaire. Ce n’est pas une profession même s’il faut du métier. Mieux vaut prévoir des retours à la situation initiale ! Par respect des règles démocratiques pour que des personnes issues du milieu privé, des agriculteurs, commerçants et artisans, des dirigeants d’entreprise, ou des professions libérales, puissent être candidats et élus, ils doivent pouvoir conserver des possibilités de retour à leur profession d’origine.

Un ancien député peut-il devenir lobbyiste ?

Des députés connaissent les procédures institutionnelles, les usages, habitudes, cultures… Ils disposent d’un bon réseau au sein du monde politique. Quand ils ne sont plus députés, ils possèdent donc des qualités intéressantes du lobbyiste bien compris, qui doit fournir au bon interlocuteur politique, et au bon moment, la bonne information.

Si c’est en toute transparence.

Si les règles du code éthique du lobbying sont respectées.

Si par exemple, l’ancien député devenu lobbyiste informe bien tous les politiques de tous les bords politiques.

Dans l’absolu, interdire même temporairement, aux anciens députés de devenir lobbyiste n’apparaît pas justifié.

Une réserve cependant : un élu ne se représentera pas. Il aurait déjà convenu d’un accord avec un futur employeur. Il en profiterait pour faire passer « en douce » des avantages politiques pour son futur employeur…

Cette situation n’est pas nouvelle. Elle fait déjà l’objet de nombreuses réflexions et règles de conduite. Ainsi les hauts fonctionnaires ou les membres d’autorités indépendantes de régulation doivent respecter un délai après la fin de leur nomination avant d’entrer dans certaines entreprises ou autres entités.

Mais comment gérer cette situation pour un ancien maire, ancien conseiller général conseiller régional ou ancien parlementaire ? En appliquant la loi existante !

Les trafics d’influence, les délits d’initiés, les avantages financiers occultes sont pénalement condamnables… Activons mieux les lois actuelles avant d’en prévoir d’autres. Ce n’est pas en rigidifiant, en augmentant les contraintes, en sur-réglementant que nous améliorerons le fonctionnement et l’efficience de la démocratie.

Les voyages à l’étranger !

Le financement extérieur de voyages pour les élus provoque régulièrement des soupçons, critiques ou plaintes.

Partons d’une conception positive : il ne faut pas entraver, et encore moins interdire, le financement « extérieur » de voyages d’acteurs politiques à l’étranger. Trop d’élus ou de décideurs politiques ne « sortent » pas assez des frontières du pays. Peu de députés possèdent une conscience juste des réalités du monde qui nous entoure. Bien des erreurs politiques seraient évitées si plus de députés allaient observer comment d’autres peuples, d’autres acteurs agissent face aux mêmes problèmes, aux mêmes défis. Donc, si des entreprises ou des associations invitent des députés à découvrir leurs performances ou leur concurrence à l’étranger, c’est bénéfique pour l’amélioration du débat et des choix politiques.

Comment éviter des dérives ou abus ? En appliquant une règle comme celle-ci :

Pour mieux connaître les performances des acteurs français hors de France, et comparer les politiques, les députés sont encouragés à participer à des voyages « collectifs » et d’études financés par des acteurs extérieurs.

Chaque député peut accepter, dans l’année, le financement de trois voyages collectifs hors de France.

Par respect du contradictoire et de l’impartialité, chaque voyage collectif doit inclure des députés de la majorité et de l’opposition.

L’idéal serait d’associer au moins un journaliste accrédité par l’Assemblée nationale. Sa présence serait un gage de transparence et d’objectivité.

Les parlementaires qui participent au voyage devront publier un compte rendu individuel ou collectif sur le voyage.

Pour faciliter la transparence et anticiper toute suspicion, chaque voyage doit faire l’objet d’informations publiées sur le réseau intranet de l’Assemblée nationale. Dans cette information, doivent figurer : le nom et les fonctions des participants, l’origine du financement, l’objet ou l’objectif du voyage. Le compte rendu des députés sur le voyage sera également publié…

Représentants de la France, les députés doivent avoir un comportement exemplaire pendant toute la durée du voyage. Dans le cas contraire le parlementaire peut se voir interdire le bénéfice de ces voyages.

D'une manière générale, les professionnels du lobbying approuvent la nécessité de fixer des règles dans le but d'accroître la transparence des voyages d'étude à l'étranger.

Quelques lobbyistes émettent toutefois des réserves sur certains aspects de ces propositions :

Sur une possible limite de 3 voyages financés par an, une lobbyiste nous dit : « Comment empêcher une entreprise de donner une mission de deux à trois jours à un député, de surcroît ancien ministre, dans un pays étranger : rencontrer en " off " des représentants du gouvernement qu’il connaît bien en raison de ses fonctions ministérielles passées ? Aucun contrôle ne me semble possible… » Réponse : dans ce cas ce n’est plus du lobbying bien compris comme je l’entends. C’est de la communication d’image, c’est limite du commercial. Je ne critique pas : pourquoi interdire d’exploiter les compétences de Français, fussent-ils élus ou anciens ministres, pour servir les intérêts de notre nation, à travers ceux de nos entreprises…, mais, ce n’est plus du lobbying ! De plus, au-delà des voyages « collectifs », il pourrait exister des voyages individuels en respectant les principes de transparence sur le site approprié.

Sur la participation de journalistes il m’a été dit : « La participation obligatoire de journalistes à ces voyages serait une erreur. Les journalistes ne peuvent pas être neutres et cela mettrait les entreprises dans l’embarras. » Ce ne pourrait être une obligation, car certaines entreprises organisent des voyages spécifiques pour la presse et les médias. Il est aussi avancé par certains lobbyistes réticents à cette suggestion : « La sélection de certains d’entre eux pourrait créer des litiges ». « La relation avec la presse dépend du service communication, quand la relation avec les élus dépend du service lobbying ». Cet échange m’a amené à retirer le caractère obligatoire dans ma proposition de participation d’un journaliste.

Voyages en France :

Certains de nos correspondants suggèrent de s'intéresser également aux voyages effectués en France. « Le problème est le même lorsque l'on convie des parlementaires sur le territoire français » affirme un de nos interlocuteurs.

Un autre lobbyiste précise : « Il apparaît nécessaire de se prémunir des dérives et de définir un cadre à ces voyages, beaucoup plus fréquents que les déplacements à l’étranger. Qui paye les déjeuners, les soirées ? Il faut toutefois faire attention à ne pas tomber dans un degré de précision absurde, sur le modèle de celui existant aux États-Unis. »

À cela je réponds : mon expérience et analyse des faits depuis plus de 20 ans d’activités parlementaires le montrent : le problème n’est pas de réglementer ou d’encadrer les voyages et déplacement offerts en France. Il est au contraire de pousser les parlementaires à les accepter.

Un parlementaire ne doit pas se contenter de la seule vision dans son département. Un parlementaire grâce à ses déplacements sur tout le territoire constatera que la France n’est ni uniforme ni homogène. Il prendra conscience des différences d’interprétation des textes votés, confrontera les expériences, initiatives et résultats. Un parlementaire représente sa circonscription, tout en étant député de la République française.

Des erreurs seraient évitées, si sur certains sujets comme l’emploi, le dynamisme économique, la création d’entreprise, l’agriculture, la recherche… des députés possédaient une vision moins binaire, moins rigide, moins restrictive.

Un parlementaire ne doit pas se contenter de ses lectures ou supports quotidiens d’observation. En acceptant d’aller visiter une entreprise, un centre de recherche, une innovation, une excellence en dehors de sa circonscription ou de Paris… les députés incarneraient mieux la complexité et la vraie vérité de certains sujets.

Des « journées de découverte de l'entreprise » pour les députés.

Dans le même état d’esprit, des lobbyistes suggèrent de s'inspirer « des stages d'immersion en entreprise » organisés par le Sénat et de mettre en place un système similaire à l'Assemblée. Un autre préfère parler de journées de découverte de l'entreprise, qui seraient destinées à des délégations de membres de commissions parlementaires. « Ces rencontres, qui se tiendraient sur les sites des entreprises, permettraient aux députés d'évoluer sur la compréhension d'un problème et de sortir des schémas préétablis dans les médias, y compris en posant des questions critiques aux entreprises. » Mais les députés trop souvent refusent, faute de temps, faute de disponibilité entre leur activité à Paris et celle dans leur circonscription.

Assurons la promotion de ces déplacements parlementaires. Expliquons le lien direct avec la qualité de leur travail parlementaire. Au lieu de classer les députés en fonction de leur présence à l’Assemblée ou du nombre de questions écrites déposées – ce qui est démagogique – il serait préférable de noter les députés en fonction de leurs déplacements et réunions de travail en dehors de Paris ou de leur circonscription !

Les conjoints ?

Un lobbyiste estime : « le point qui pose problème est le statut des collaborateurs (notamment des épouses) qui accompagnent l'élu. » Pour ce lobbyiste, il ne paraît pas acceptable que les frais de voyages de ces personnes soient à la charge de l'entreprise qui invite le député. Ma réponse est claire : c’est à l’entreprise de refuser, c’est au parlementaire de ne pas accepter.

Que le conjoint puisse accompagner le député lors de certains déplacements avec l’accord de l’invitant et le financement spécifique du député, sans que cela devienne systématique et régulier, m’apparaît possible et souhaitable. La vie de couple est aussi à préserver. Être le conjoint d’un parlementaire ou d’un élu implique des contraintes et conditions de vie difficiles et souvent pénibles. Qu’une fois de temps en temps le conjoint puisse être associé, puisse accompagner, est souhaitable.

Le développement des groupes d’études.

Un des lobbyistes suggère d'engager une réflexion sur la « redynamisation » et le « repositionnement » des groupes d'études de l'Assemblée nationale.

Ce sont des groupes de travail entre députés sur un thème précis : sur la chasse, sur les artisans d’art, sur les NTIC … Ces groupes d’études sont officialisés par la présidence de l’Assemblée. Ils doivent permettre à certains de mieux appréhender et maîtriser les sujets.

Malheureusement, à part le président – il y trouve un intérêt personnel et il fixe la date des réunions en fonction de son agenda –, les députés n’ont pas le temps de participer aux travaux de ces groupes. Un professionnel du lobbying constate donc : « Les groupes d'études ont actuellement une fonction aléatoire et leur fonctionnement est souvent opaque. Les objectifs sont définis d'une manière insuffisante. Dans certains cas, le manque de règles et de moyens conduit à un non-respect du contradictoire, voire à la manipulation de certains membres par une argumentation fallacieuse ou à sens unique. » Pour lui, la réflexion devrait porter sur le nombre, les moyens et les thématiques des groupes d'études.

Il propose de s'inspirer du système du Parlement britannique où les groupes d'études parlementaires, par ailleurs publics et transparents, sont directement financés, en parts égales, par les entreprises. « Ces entreprises peuvent ensuite être invitées aux réunions des groupes de travail ou prendre en charge des réceptions, colloques ou opérations à l'attention des parlementaires. »

En complément, il est proposé la mise à disposition par les entreprises de cadres experts sur les thématiques abordées. Ils assisteraient les administrateurs ou les collaborateurs des députés sur les sujets techniques.

« Les voyages à l'étranger des députés pourraient également s'effectuer dans le cadre de ces groupes d'études. Les entreprises lanceraient des appels à candidature pour des voyages d'études, auxquels les députés du groupe d'études thématique concerné pourraient participer. Toutefois, ce ne serait pas à l'entreprise de choisir les députés auxquels le voyage est proposé. »

Rétention d’informations ou refus de l’échange :

L'élu, surtout quand il assume une responsabilité de rapporteur, de porte-parole, d’animateur…, ne doit pas refuser le dialogue, refuser de recevoir, refuser l’échange, refuser de transmettre l’information.

Faute de temps il peut organiser des auditions communes, il peut déléguer, mais il ne devrait pas sélectionner ou refuser l’échange.

De même les lobbyistes doivent s’obliger à donner les mêmes informations ou expertises à tout l’échiquier politique.

Tromper ou harceler.

Certaines attitudes de lobbying sont inacceptables : entrer dans le bureau d’un député sans prendre rendez-vous. Harceler son cabinet. Entraver le travail du député et de ses collaborateurs. Exercer des pressions sur eux.

Il est condamnable de fournir des informations faussées ou fausses : volontairement fausses sur l’éventuel impact économique, sur les éléments sociaux, sur l'environnemental… Le lobbyiste ne peut tromper le politique en lui donnant de fausses informations, ou des informations volontairement tronquées.

Harceler ou utiliser des méthodes non éthiques, c’est profiter des technologies modernes de communication par Internet et courriers électroniques, pour organiser des campagnes massives sur une cause donnée. Ce n’est plus du lobbying bien compris. Les politiques ne peuvent vérifier dans quelle mesure ces campagnes reflètent les préoccupations réelles des citoyens. Ce sont des pratiques allant « au-delà de la représentation légitime des intérêts ».

En se livrant à de telles dérives, le lobbyiste s’exclurait lui-même du champ du lobbying bien compris.

Les colloques « parlementaires ».

De nombreuses rencontres, auxquelles nous donnerons l’appellation générique de « colloque », sont organisées dans l’enceinte du Parlement ou en utilisant l’appellation du Parlement.

Au nom d’un député, les documents d’invitation et de présentation donnent le plus grand caractère officiel à cet évènement. Or il est avant tout organisé par des cabinets extérieurs. En exploitant le caractère « officiel » du colloque, ils mobilisent des sponsors ou des financeurs. Les budgets sont significatifs. Les droits d’entrée sont élevés.

Il est avancé la présence des députés. Or ils n’y participent que rarement. Le député « organisateur » n’assiste pas toujours à toute la réunion. Il se contente parfois, de passer pour introduire ou conclure.

Dans ces colloques, le contradictoire n'est pas une règle respectée.

La préoccupation est d’abord celle de l'équilibre budgétaire de l'organisateur. Si le principal acteur concerné par le sujet ne veut pas cofinancer le colloque, il n'est pas invité, il ne peut s’y exprimer. Sa prise de parole est refusée. On peut ainsi organiser un colloque au nom de l'Assemblée nationale et dans ses locaux, sur le transport ferroviaire en France sans que puisse s'exprimer la SNCF !

Dans l’invitation, le nom du député est mis en avant, or ce n’est pas lui qui invite et qui gère la liste des invités.

Régulièrement, les ministres viennent, se prêtent au jeu, se sentent obligés de participer, mais cela n’améliore pas pour autant l’éthique intrinsèque du colloque.

Sous couvert d'un de ces colloques, une délégation de députés irakiens a été « officiellement » reçue à l'Assemblée nationale en pleine guerre avec l'Irak…

M. Romain Chetaille de la Revue parlementaire écrit : « Il nous semble important pour les parlementaires de pouvoir conserver toutes leurs marges d’initiatives dans ce domaine. Il est dans leur intérêt de garder la possibilité de réserver une salle et d’organiser une réunion de travail plus ou moins formelle sur les sujets sur lesquels ils se mobilisent et dont ils restent seuls juges de l’opportunité. De notre point de vue, il s’agit là d’un aspect essentiel de la liberté des parlementaires à laquelle participent les facilités logistiques offertes par l’Assemblée nationale. Tout contrôle a priori sur le choix des sujets ou le calendrier briderait les initiatives. Il aurait pour conséquence de confisquer certains thèmes au profit de parlementaires expérimentés qui ne manqueraient pas d’exercer toute leur influence afin de coopter toute initiative se rapportant à leurs sujets de prédilection sur lesquels ils sont identifiés depuis longtemps. » Partageant totalement cette approche, notre réflexion ne porte pas sur cette capacité des députés à organiser leurs réunions de travail, mais sur l’exploitation par d’autres de cette capacité. Le Parlement et les députés doivent scrupuleusement maîtriser les colloques pour qu’ils restent un outil de travail du Parlement.

Journaux ou revues « parlementaires » ?

Certaines publications portent dans leur titre, l’image ou le mot « parlementaire ». Elles s’appellent l’Hémicycle, Journal du Parlement, Revue parlementaire, Parlementaires de France. Elles n’ont rien d’officiel. Elles vivent grâce à la publicité et au bon vouloir souvent naïf de certaines entreprises.

Dès la première réunion salle Colbert à l’Assemblée, cette réflexion a été émise.

Une seule publication, la Revue parlementaire a réagi. Par écrit M. Romain Chetaille, directeur de cette publication créée en 1905 s’étonne de mes critiques puisque, écrit-il : « Notre vocation est de rendre compte de l’importance du travail des parlementaires passé sous silence faute d’aspect « sensationnel » ou politicien par la presse grand public. Nous nous attachons à expliquer la diversité et la complexité du travail parlementaire. Ce type de magazine relève de la liberté de la presse et existe dans toutes les grandes démocraties. »

À la suite de ce courrier et d’un échange, M. Chetaille a formulé une contribution particulièrement pertinente reprise dans le chapitre « nouveaux droits et devoirs du lobbying », meilleur rayonnement de la presse dite  « parlementaire »

La chaîne parlementaire et Public Sénat :

Ces deux chaînes sont financées par les deux chambres. Elles sont destinées à informer sur les travaux du Parlement. Elles permettent la retransmission en direct des séances. Elles ne sont pas des chaînes d’information générale…

Que font ces chaînes pour expliquer la diversité et la complexité du travail parlementaire ? L'absentéisme dans l'hémicycle est souvent critiqué. Si la chaîne parlementaire en expliquait mieux les raisons, cette critique diminuerait.

La Chaîne parlementaire et Public Sénat pourraient agir en tant que vecteurs du débat.

Des journalistes pourraient y animer, sur diverses thématiques, des débats entre parlementaires et lobbyistes soulignant divers points de vue contradictoires.

Utiliser autrement les compétences.

Beaucoup laissent faire, or ni le rayonnement ni le crédit du Parlement ne s’en trouvent grandis. C’est contraire au développement d’un lobbying mature et bien compris.

Pour autant, l’enjeu de nos critiques n’est pas de supprimer ou d’interdire. Il est au contraire d’utiliser autrement ces compétences d’organisateurs et d’éditeurs.

Colloques, revues, chaînes spécialisées… : développer les rencontres et la communication parlementaires reste indispensable. Le faire avec les professionnels qui depuis des années s’intéressent au Parlement, parait normal.

Sachons seulement agir ensemble autrement avec d’autres desseins et selon d’autres mises en valeur.

États-Unis, Europe, Allemagne, … le lobbying y est un atout.

Aux États-Unis :

Le lobbying est « institutionnalisé et joue un rôle important dans le processus législatif américain. On peut expliquer cela par certains aspects de la culture nord-américaine :

– La prise de décision s’effectue par consensus ;

– L’entreprise n’est pas l’ennemi (1) ;

– Le lobbying est professionnalisé ;

– Il s’appuie sur la réglementation suivante :

L’amendement n°1 de la Constitution de États-Unis fait implicitement référence aux lobbies et aux groupes de pression : « Le Congrès ne pourra faire aucune loi (…) touchant au droit des citoyens de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de leurs griefs ».

Le « Lobbying Disclosure Act » de 1995 et le « Legislative Transparency and Accountability Act » de 2006 réglementent très strictement le lobbying. Cette réglementation s’exprime notamment dans le code de déontologie du Sénat qui ne comporte pas moins de 562 pages.

Le système américain rend obligatoire l’inscription des professionnels du lobbying sur une base de données détaillée.

La réglementation est assortie d’un système de sanctions. En 2005, 34750 agents étaient spécialisés dans le lobbying (2). Cependant, l’affaire « Jack Abramoff » a révélé des dysfonctionnements importants du système. En réaction au scandale, les politiques ont décidé de réformer le système en durcissant les règles et les sanctions.

Auprès des institutions de l’Union européenne :

Au niveau de l’Union européenne, le lobbying est une pratique courante, dont la légitimité est reconnue. Le lobbying contribue à l’élaboration des politiques européennes en apportant de l’information et de l’expertise sur tous les enjeux essentiels de la prise de décision.

En 2004, les professionnels du lobbying étaient près de 10 000 entre Bruxelles et Strasbourg (3).

Le développement du lobbying européen s’explique par de nombreux éléments caractéristiques du système politique de l’Union européenne:

L’administration européenne agit dans une logique de concertation et d’ouverture à la société civile : les consultations lancées par les institutions européennes sont ouvertes à toutes les contributions.

La culture politique est caractérisée par la recherche du consensus.

Les fonctionnaires européens sont issus de divers horizons et de diverses cultures et leur mobilité demeure forte.

Le lobbying s’effectue dans une logique d’anticipation de la prise de décision communautaire.

La réflexion sur l’encadrement du lobbying européen a été engagée dès la fin des années 1980, suite à l’entrée en vigueur de l’Acte Unique, qui a suscité une intensification de la représentation des intérêts à Bruxelles.

Afin de réguler les activités de lobbying, le Parlement européen s’est doté dès 1997 d’un système d’accréditation et d’un code de conduite obligatoire des lobbyistes. Pour obtenir une carte d’accès aux locaux du Parlement, les lobbyistes sont contraints de souscrire au code de conduite et de s’inscrire sur un registre public des représentants d’intérêt, disponible sur Internet. En cas de non-respect des règles du code de conduite, le lobbyiste encourt le retrait de son accréditation, c'est-à-dire de son accès au Parlement.

La Commission européenne ne possède pas de système d’accréditation, ni de registre obligatoire des professionnels du lobbying. La Commission gère une base de données sur les groupes d'intérêt (appelée CONNECS), mais ne répertorie actuellement que les organisations à but non lucratif. L’enregistrement sur ce répertoire reste facultatif et ne confère aucun avantage particulier.

Pour encadrer le lobbying, la Commission a opté en décembre 1992 pour un dispositif fondé sur l’autorégulation des représentants d’intérêts. Ainsi, les acteurs du lobbying ont été invités à établir leurs propres règles éthiques respectant certains critères minimaux fixés par la Commission (4).

Les associations européennes des lobbyistes professionnels, créées pour répondre au besoin d'autorégulation de la profession, ont élaboré conformément au souhait de la Commission leurs propres codes de déontologie sur lesquels leurs membres doivent impérativement s'engager. Ces associations ont en 2005 renforcé leurs codes par des mécanismes de sanctions internes. Ces mécanismes n'ont toutefois pas servi jusqu'ici, aucun manquement n'ayant été constaté.

La Commission européenne souhaite toutefois réviser le dispositif actuel. Elle est favorable à un renforcement de la participation des groupes d'intérêts, qu’elle justifie ainsi : « une participation plus active suppose une responsabilité accrue ».

Ainsi, en mars 2006, le commissaire Siim Kallas a lancé l’Initiative européenne en matière de transparence visant à encadrer davantage l’activité des lobbies (5). L'objectif est d'inciter les entreprises et organisations représentées à s'inscrire sur un registre commun, qui sera créé et lancé par la Commission au printemps 2008.

Pour des raisons de transparence, les lobbyistes inscrit sur le registre devront déclarer à la Commission les données budgétaires utiles concernant leurs principaux clients, leurs sources de financement, et leur ventilation.

La Commission privilégie actuellement l'option d'un enregistrement facultatif des lobbyistes sur le registre. En contrepartie, l’ensemble des lobbyistes inscrits seront tenus d'adopter un code d'éthique et de transparence commun. La Commission prévoit d'élaborer ce nouveau code de conduite en concertation avec le corps des lobbyistes, en s'inspirant éventuellement des codes existants.

Ce projet implique également la mise en place d’un mécanisme de suivi et de sanction en cas de non respect des règles ou d'enregistrement inexact sur le registre.

La Commission prévoit d’examiner à nouveau la situation en 2009 afin de pouvoir apprécier si les objectifs fixés ont été atteints. Si ce n'est pas le cas, la Commission se réserve le droit d'élaborer un cadre plus strict, comportant par exemple un système obligatoire d'inscription et de déclaration des intérêts représentés.

La Commission souligne par ailleurs son engagement de maintenir un dialogue constructif et fructueux avec les groupes d'intérêt, notamment par le biais des consultations.

En Allemagne :

Au sein de l'Union européenne, le Bundestag allemand est, pour l'heure, la seule assemblée à avoir adopté des règles formelles spécifiques concernant l'enregistrement des lobbyistes.

Chaque année, une liste publique de l’ensemble des groupes désireux d’exprimer ou de défendre leur opinion est établie. Pour pouvoir être enregistrés, les groupes d'intérêts sont tenus de fournir les informations suivantes : nom et siège de l'organisation, composition du conseil d'administration et du conseil de direction, domaine d'intérêt, nombre de membres, noms des représentants de l'association et adresse administrative. Il n'y a pas d'obligation de fournir des informations financières. Le registre est accessible sur Internet.

En principe, les groupes d’intérêts ne peuvent être entendus par des commissions parlementaires ou se voir délivrer un laissez-passer leur donnant accès aux bâtiments du Parlement, à moins d’être inscrits sur le registre.

Le Bundestag peut inviter, à titre exceptionnel, des organisations qui ne figurent pas dans le registre à présenter des informations.

Transparence et compétence du lobbying

Se présenter, c’est permettre d’aller à l’essentiel. Pour faciliter l’échange avec une bonne maturité, pour sortir des suspicions qui polluent les relations, les lobbyistes doivent faire connaître leur identité : les acteurs au nom desquels ils s’expriment, et qui sont à l’origine de leur rémunération. L’objectif de cette transparence n’est pas d’alimenter un quelconque « voyeurisme ».

« Permettre aux citoyens d’avoir une information plus précise sur la contribution que les groupes d’intérêts apportent aux institutions », n’est pas l’objectif. Le lobbying bien compris n’est pas à confondre avec les groupes de pression. Il n’est pas là pour influencer, dévier ou orienter autrement. Il est là pour informer. L’objectif de cette transparence est de permettre au politique de mieux juger la qualité de l’information reçue, de mieux évaluer ses valeurs… La même information, la même analyse, la même objection venant de l’acteur le plus puissant ou venant du porte-parole représentant des centaines de petits acteurs secondaires, n’aura pas la même portée.

Mieux se comprendre, mieux s’entraider, c’est d’abord mieux se présenter. Se présenter c’est permettre d’aller à l’essentiel. Mais, rétorquent certains : « La transparence peut rigidifier les débats. » Cette réticence légitime peut venir de l’attitude de certains politiques qui, par principe refusent de recevoir certaines personnalités ou catégories de personnes. Le lobbyiste imagine alors que s’il est moins identifié, il aura plus de chance de se faire entendre.

À l’inverse, si le lobbyiste veut faire partager une information pertinente, s’il veut être performant et si son interlocuteur doit être influent vis-à-vis de ses pairs, nous n’imaginons pas que cela puisse se faire sans un minimum d’identification des origines.

Le lobbying bien compris ce n’est pas du « show biz » ! Le principe de la transparence implique une culture adaptée. Certains défendent et appellent la démocratie transparente… Veulent tout médiatiser… exploitent la démocratie des sondages… Nous tombons alors parfois dans la démocratie des préjugés, des idées toutes faites, des mimétismes… C'est-à-dire le contraire du lobbying bien compris. Pour anticiper sur un bon lobbying, des phases préalables de « relations publiques », de relationnel sont préférables. Ces approches vont faciliter la transmission, quand ce sera nécessaire, et en confiance, de la bonne information au bon moment.

Mais la vraie phase de lobbying, celle qui par la qualité de l’information et de l’expertise aide le politique dans sa décision, n’est plus une phase de relations publiques. Le lobbying met en valeur les particularismes, les spécificités, les contraintes… c’est le contraire de la généralisation et de la globalisation. Les opérations préalables du lobbying, certes utiles, sont à manier avec précaution.

Le lobbying bien compris se déroule avec doigté.

Il ne s’agit pas de se cacher, au contraire, dans l’intérêt général, il faut faire savoir et faire partager. Mais il ne s’agit pas non plus d’étaler sur la place publique.

Face à certaines informations retransmises raccourcies, simplifiées et donc déformées, le public risque de se tromper ou de généraliser. La transparence mal exploitée déforme les appréhensions et jugements, dessert au lieu d’aider.

Trop de communication mal maîtrisée peut dénaturer les débats, peut créer des tensions, polluer le relationnel, peut développer le subjectif et l’émotionnel aux dépens de l’efficacité. Cette situation, caractéristique de la nature humaine, surtout dans le monde politique, existera toujours. Des préjugés et des tensions, des idées fixes et des rigidités continueront d’entraver les bonnes relations entre les politiques et les autres acteurs.

C’est pourquoi le lobbyiste devra parfois faire preuve de qualités de négociateur. Amener le politique à voir autrement, à comprendre que la vérité du politique n’est pas universelle. Amener le politique à évoluer car autour de lui ce n’est qu’évolution…

La transparence totale dès le départ peut être alors déconseillée. « Des positions comme des intérêts peuvent être, au départ, légitimement opposés. Il faut du temps et des étapes pour trouver des accords. »

Ne l’oublions pas, nous évoluons, et de plus en plus souvent, dans des domaines très concurrentiels, stratégiques et tactiques… Les informations les plus pertinentes sont celles qui permettent le mieux d’éviter les plus belles erreurs. Ces informations pertinentes sont souvent celles qui identifient les futures innovations, sont celles qui anticipent le mieux. Elles sont celles qui doivent rester confidentielles si on veut préserver les atouts et potentiels concurrentiels des partenaires.

« Avec le même souci, les lieux communs de concertation et d'échanges ne doivent pas totalement remplacer les espaces clos qui seuls permettront de préserver des intérêts, d'éviter des erreurs, d'anticiper des pièges… »

Publier les positions des lobbyistes ?

Une société ouverte et mature, une politique proche des réalités diverses et variées du terrain, passe par la publication, dans les rapports et sur les sites Internet des arguments, expertises et positions des lobbyistes. Ces informations animeront et respecteront, de fait, le contradictoire.

Toute la difficulté sera de respecter certains éléments confidentiels ou stratégiques qui, s’ils étaient diffusés, seraient repris aux dépens des acteurs concernés. Pour cette seule raison, des entreprises refusent de « communiquer », de faire du lobbying. Mais, si le lobbying ne vient que des acteurs qui n’ont rien à cacher, qui sont sans scrupules, qui sont sans intérêts…, comment développer une bonne politique conforme aux contraintes et enjeux stratégiques ? Il ne faut surtout pas refuser systématiquement la publication des positions des lobbyistes.

Il sera nécessaire d’encourager les rapporteurs des projets de loi à consulter les lobbyistes spécialisés. La qualité de leur rapport sera améliorée avec la publication des informations fournies par les lobbyistes. Pouvoir politique, pouvoir technocratique et pouvoir technique…

Pour servir l’intérêt général : valoriser des intérêts particuliers.

Lors des travaux en prévision de ce livre bleu, de nombreux débats ont porté sur les nuances entre l’intérêt général, cadre du lobbying, et les intérêts particuliers, justification du lobbying.

Si le lobbying bien compris s’impose comme le partenaire de l’action politique, il devient partenaire de l’intérêt général quand l’action politique sert l’intérêt général. Mais il est partenaire de l’intérêt général en évitant au politique de prendre des décisions inapplicables ou inadaptées aux potentiels actuels ou à venir. Il fait éviter les erreurs, en mettant en valeur des aspects et intérêts particuliers.

Le mimétisme et les positions globales n’ont pas besoin de lobbyistes. Servir l'intérêt général, c’est dans la mesure du possible, éviter d'entraver l'intérêt particulier. Entre intérêt général et intérêts particuliers, ou se trouve la ligne de frontière ? Si l'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers, l'intérêt général ne doit pas étouffer les intérêts particuliers, mais au contraire les stimuler et les préserver. Si tous les acteurs concernés sont en mesure d’exprimer leurs points de vue, l’intérêt général peut résulter de la confrontation de ces intérêts particuliers. La contradiction entre les intérêts divergents pourra éclairer le débat public et fournir au législateur des éléments essentiels sur les conséquences de la mise en application d’une loi.

Qui sanctionne ?

L’ARPP a précisé : « Quelle sanction et qui sanctionne ? Les sanctions ne peuvent concerner qu’une attitude répréhensible au sein du Parlement. Les sanctions pourraient être le retrait de l’accréditation, temporairement ou définitivement selon la faute commise. Il faut toutefois avoir à l’esprit que le retrait définitif d’une accréditation peut avoir des conséquences sur l’existence même du contrat de travail du lobbyiste. La faute devra être appréciée suivant des critères objectifs, définis préalablement au regard notamment du code de déontologie. Il est indispensable également de veiller au respect des droits de la défense. »

Un lobbyiste demande à juste titre : « Quel dispositif si les politiques ne respectent pas les règles ? » Réponse : c’est clair, dans ce cas, le lobbyiste ne peut être rendu responsable.

IV.— Préalable : définir le lobbying bien compris

REDÉFINIR LE LOBBYING

Tous les intervenants le reconnaissent, le mot « lobbying » ne donne pas entière satisfaction, mais il est le plus approprié. Personne n'a, dans le contexte actuel, proposé de solution meilleure. De nombreuses études et recherches ont été menées sans nouvelle conclusion satisfaisante.

Le terme « lobbying » comme l’expression « faire du lobbying » étant galvaudé, nous parlerons parfois de « lobbying bien compris ».

Selon l'A.R.T., « le lobbying est une activité qui consiste à apporter au législateur les éléments d’information et d’appréciation susceptibles d’éclairer et d’enrichir sa décision. » « Cette activité suppose de la part du professionnel une parfaite maîtrise des enjeux de l’entité qu’il représente et une excellente connaissance des procédures et des acteurs publics. » Cette définition mérite d’évoluer pour mieux promouvoir le lobbying et le sortir des confusions.

Critères devant entrer dans la définition du lobbyiste :

– Du privé vers le politique :

Le lobbyiste est catégoriel. Il représente, il relaie le point de vue d’une entité « privée ».

Le lobbyiste agit auprès d'acteurs publics et dans un cadre général. Il ne travaille pas pour des contrats privés ou pour informer des décideurs privés.

– Pour des acteurs spécifiques :

Même quand il s’agit d’une collectivité ou d’une association de collectivités, le lobbying porte sur une catégorie spécifique d’acteurs.

– Pas de confusion des genres :

Une entité publique globale et générale, (le monde parlementaire, un groupe politique), ne peut pas faire de lobbying pour elle-même.

Un député cherche à convaincre ses collègues. Il fait son métier de parlementaire et de législateur. Il ne fait pas le métier de lobbyiste.

– Être lobbyiste, c'est informer. Informer n'est pas toujours faire du lobbying :

Tous les lobbyistes apportent de l'information aux responsables et acteurs publics et politiques.

Tous ceux qui apportent de l'information aux responsables et acteurs publics et politiques ne sont pas des lobbyistes.

– Pas de commercial :

Le lobbyiste mène une action d'information et d’expertise. Il n’agit pas pour obtenir un contrat commercial ou un avantage.

– Pas de politique :

Le rôle des lobbyistes n'est pas de soutenir une philosophie, une doctrine, une idéologie…, c'est le rôle des politiques…!

Le lobbyiste apporte des éléments pour aider le politique à agir en toute connaissance de cause.

Le lobbyiste informe le politique, il ne se substitue pas à lui.

Le lobbyiste doit être disponible pour répondre aux questions des politiques.

Éléments complémentaires de définition du lobbyiste :

Professionnel de la communication interactive :

Le lobbyiste doit posséder certaines qualités relationnelles :

Éviter les amalgames et les positions binaires ;

Sens de la communication et de la négociation ;

Sens de l’écoute et de l’échange constructif interactif ;

Respect des fonctions ;

Sens du respect de l'autre et de la séparation des fonctions.

Compétence et autorité :

Le lobbyiste doit être compétent : il maîtrise les enjeux de l’entité qu’il représente.

Il est capable d'obtenir rapidement de l’entité qu’il représente, les informations souhaitées par le monde politique.

Centralisateur d'expertises.

Le lobbyiste doit fournir de l’expertise. Expertise technique comme expertise de terrain.

Maîtrise du monde public :

Le lobbyiste possède une connaissance suffisante des procédures et des acteurs publics pour en être un partenaire fiable, permanent et efficient.

Pas un commercial :

Le lobbyiste ne dépend pas du service commercial. Dans l'entreprise, le lobbyiste doit être rattaché au président ou au directeur juridique mais pas à la direction commerciale.

Faire du lobbying, ce n’est pas faire de la communication d’entreprise.

Travail sur la définition du lobbying :

Dans le document de travail soumis au début de l’été aux acteurs, la proposition de définition, fut :

« Le lobbying, émanation du secteur privé ou d’une catégorie particulière d’acteurs publics, aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Pour cela le lobbyiste fournit directement et spécifiquement au monde politique les informations et expertises dont il a besoin dans l’exercice de ses missions. Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l’acteur politique. Le lobbyiste n’est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques. Il est l’interface entre le monde politique et celui qu’il représente. Il est un partenaire du politique mais il ne se substitue pas à lui. »

La majorité des interlocuteurs partage incontestablement cette vision, approuve cette fonction du lobbying : aider et informer les décideurs publics.

De nombreux acteurs soulignent tout particulièrement l'apport du lobbying pour améliorer le fonctionnement de la démocratie et pour aider le monde politique à « gérer la complexité » des sujets traités. Un d'entre eux demande d' « insister sur le fait que le lobbying n'est pas de la communication d'entreprise ».

Certains lobbyistes considèrent comme réductrice cette définition du lobbying comme « action émanant uniquement « du secteur privé ou d’une catégorie particulière d’acteurs publics ». Ils affirment, à l'instar d’un représentant d'un cabinet de lobbying, que « le lobbying se caractérise avant tout par des méthodes d'action et de dialogue. Il n'est pas nécessaire d'être lobbyiste pour faire du lobbying. » À cela je réponds : pour une définition efficace du lobbyiste, il est essentiel d'être restrictif et rigoureux. L'enjeu est de contribuer à éviter les confusions des genres. L'enjeu est de mieux identifier les professionnels du lobbying partenaires des politiques.

Nous devons acter les différences suivantes :

Un professionnel chargé de donner une bonne image ou notoriété de l'entité représentée, n’est pas un lobbyiste chargé de fournir aux politiques les informations manquantes, oubliées, sous estimées, déformées...

Si le lobbyiste informe le politique, le politique qui informe d'autres politiques n’est pas un lobbyiste.

L'acte d'informer le politique est la base de l’action du lobbyiste. L’acte d‘informer le politique n’est pas toujours une démarche de lobbyiste.

Pour un lobbyiste, les parlementaires peuvent eux-mêmes être amenés à faire du lobbying: « Lorsqu'un lobbyiste agit par le biais d'une stratégie d'influence indirecte, son travail consiste à convaincre un député, pour que celui-ci relaye une certaine cause auprès de ses collègues. » Je désapprouve totalement cette position. Ce n'est pas parce qu'il communique et fournit des informations que le parlementaire fait du lobbying : il assume son mandat de parlementaire.

Des lobbyistes soulignent la nécessité d'inclure le monde associatif dans le champ des entités exerçant du lobbying. « Ces acteurs, qui utilisent les mêmes méthodes de lobbying que les entreprises, doivent également être soumis aux mêmes droits et devoirs que celles-ci ». Un lobbyiste propose de définir le lobbying comme « émanation du secteur privé ou associatif ou d'une catégorie particulière d'acteurs publics ». Effectivement, les lobbyistes d'association de consommateurs, ou d' ONG, sont bien des lobbyistes. Les associations entrent dans le champ du « secteur privé ou d'une catégorie particulière d'acteurs publics ». Je n’écarte donc pas le monde associatif, au contraire. Le monde politique doit s’attacher, et il le fait, à écouter les lobbyistes des organisations professionnelles, des syndicats, des acteurs regroupés en associations transversales ou verticales.

C’est pourquoi il est souhaitable d'identifier trois catégories d'acteurs :

– Les lobbyistes salariés d'entreprise,

– Les lobbyistes appartenant à un cabinet conseil de lobbyistes,

– Les lobbyistes d'organisations transversales. Nous pourrions dire d'organisations représentatives ou d'associations.

Autre précision apportée par un professionnel du lobbying : « L'outil principal du lobbying, qui le distingue [de la pratique] des relations publiques, c'est l'écrit de nature institutionnelle. La fonction du lobbyiste est d'apporter une proposition de solution à un enjeu politique. » Là encore je désapprouve. Si l'écrit de nature institutionnelle peut être un des supports du lobbying, le lobbying ne peut se limiter à cela. Surtout, la fonction du lobbyiste n'est pas d'apporter une solution à un enjeu politique.

Le lobbyiste, face à un enjeu politique, doit apporter les éléments de connaissance qui manquent au politique. Par l'expertise et la connaissance, il va aider le politique à trouver la meilleure solution. Le lobbyiste peut contribuer aux études d'impact ou à celle de faisabilité. Mais, la fonction du lobbyiste n'est pas de trouver la solution. Cette fonction est celle du politique !

La dimension interne du lobbying :

Certains lobbyistes suggèrent d'insérer la dimension interne à la définition du lobbying. Un de nos interlocuteurs explique cet aspect du métier de lobbyiste : « À l'intérieur de l'entité qu'il représente, le travail du lobbyiste consiste à expliquer les enjeux de la prise de décision publique et de faire comprendre le décalage entre exigences économiques et contraintes politiques. »

« Notre rôle est totalement transversal » rappelle un autre correspondant. Il l’explique : un lobbyiste est indubitablement amené à travailler avec un très grand nombre de services de l’entité qu’il représente. Un représentant d’une fédération professionnelle insiste sur la confiance en interne, dont doit pouvoir bénéficier le lobbyiste.

Je partage ce point de vue, car le lobbyiste doit être en mesure de recevoir en interne, les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Compte tenu de ces réflexions de nature à faire évoluer positivement la fonction de lobbyiste, il est utile de les insérer dans la définition.

Sur la position hiérarchique :

Mes échanges avec les acteurs concernés montrent combien il serait trop contraignant de fixer et de figer les rapports internes. Certains lobbyistes insistent : « Le lobbyiste salarié (entreprise ou fédération professionnelle) ne doit dépendre que du Président, du directeur général ou du secrétaire général et en aucun cas du directeur juridique, même s'il est amené à travailler beaucoup avec celui-ci. »

D'autres au contraire font remarquer : la hiérarchie ou l'organisation interne d'une entreprise ne peut être standardisée. Une grande entreprise peut placer le lobbying au sein du service juridique car ce service est dirigé par un directeur compétent en terme de lobbying, ou quand l'entreprise ne veut pas multiplier les services de rang 1...

À l’issue de ces échanges je propose donc la nouvelle définition suivante du lobbyiste :

Définition du lobbyiste :

Le lobbyiste représente une personne morale privée ou une catégorie spécifique d’acteurs publics, au nom desquels il informe le monde politique. Il existe trois catégories de lobbyistes : les lobbyistes salariés d'entreprise, les lobbyistes appartenant à un cabinet conseil de lobbyistes, les lobbyistes d'organisations associatives.

En fournissant au bon interlocuteur, au bon moment, la bonne information, le lobbyiste aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Le lobbyiste fournit directement au politique les informations et expertises dont il a besoin dans l’exercice de ses missions.

Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l’acteur politique.

Le lobbyiste est un partenaire du politique, mais il ne se substitue pas à lui.

Le lobbyiste n’est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques.

Le lobbyiste est l’interface entre le monde politique et son commanditaire. Le lobbyiste contribue donc également à la diffusion dans l’entité qu’il représente, de l'information émanant du monde politique.

V.— Mise en place d’un code d’éthique

NOUVEAUX DROITS ET DEVOIRS

Le développement souhaitable du lobbying bien compris implique de mettre en place et de faire respecter un code éthique valorisant les relations entre lobbyistes et politiques. Il permettra de développer les pratiques souhaitables et d’écarter les autres. Il organisera des devoirs mais aussi de nouveaux droits du lobbying.

Un code d’éthique est utile pour :

Reconnaître et consolider le rôle du lobbying dans le processus démocratique.

Renforcer la transparence et ainsi éclaircir l’image du lobbying dans l’opinion publique.

Responsabiliser les lobbyistes et les guider dans l’exercice de leur activité.

Etablir une relation de confiance entre les lobbyistes et les députés.

Cet avis est largement partagé par les lobbyistes.

« Faciliter le travail des lobbyistes tout en encadrant l’activité afin de prévenir des dérives éventuelles », tel est le vœu du président d'une grande fédération professionnelle. « Le dialogue entre les lobbyistes et les élus doit se dérouler dans un cadre normalisé, accepté par tous et dans la plus grande transparence » ajoute le secrétaire général d'une autre fédération. « L’ARPP a toujours marqué son attachement à des principes clairs d’éthique professionnelle. Elle s’est dotée depuis déjà une quinzaine d’année d’une charte de déontologie que chaque adhérent s’engage à respecter sous peine d’exclusion. Enfin, très attentive à ces sujets, elle a poursuivi sa réflexion avec la collaboration de spécialistes du droit parlementaire. Elle accueillerait donc favorablement la mise en place de règles de déontologie par l’Assemblée nationale. L’efficacité d’un code de déontologie est subordonnée à la légitimité de son garant. L’Assemblée nationale devra donc être impliquée. Sur le contenu, il faut sans doute se limiter aux pratiques professionnelles en vigueur. »

Même position de l’AFCL qui dès 1991 a élaboré une charte avec le concours d’avocats. « L’AFCL, qui réunit les principaux professionnels français du conseil en lobbying soutient activement l’idée d’une organisation transparente du lobbying au Parlement. Depuis sa création en 1991, elle s’est dotée – démarche inédite à l’époque en Europe – d’une charte déontologique exigeante mise à jour régulièrement et visant à éviter tout mélange des genres en arrêtant des règles strictes et concrètes.  Dans son ouvrage, Déontologie des fonctions publiques (Dalloz, 1995), Christian Vigouroux cite le travail accompli par l’AFCL : " En France, en l’absence de réglementation, c’est l’AFCL qui a lancé une démarche utile afin de se réunir et de s’engager à respecter des principes de déontologie tels que le respect des règlements intérieurs des assemblées politiques. " Ainsi l’AFCL a défini des règles déontologiques strictes pour encadrer la profession de lobbyiste. Elles gagneraient à être reprises par l’institution parlementaire,  afin d'en garantir une large application. ». (voir en annexe cette charte.)

En règle générale les lobbyistes réclament une meilleure reconnaissance de leur métier. Ils demandent plus de légitimité. Pour eux, mon initiative visant à organiser le lobbying va dans ce sens. Pour eux, un code de conduite doit engager les lobbyistes sur un ensemble de droits et de devoirs avec des sanctions possibles.

Il n'est pas nécessaire de passer par un texte législatif :

Il n’est pas utile de passer par une loi pour réglementer le lobbying. Corruption, trafic d’influence, délit d’initié,… etc., chaque lobbyiste est d’ores et déjà soumis au droit commun et à de nombreuses dispositions pénales. L’enjeu n’est pas de renforcer le dispositif législatif ; si délit il y a, il suffit d’appliquer le droit existant.

L’enjeu est de développer l’échange interactif avec les politiques. Cela implique un code de conduite. Pour institutionnaliser ce code, l’enrichissement du règlement de l’Assemblée nationale est suffisant.

Création du registre parlementaire des lobbyistes

La création d'un registre national des lobbyistes professionnels devient essentielle.

Il sera créé par l'Assemblée nationale, ou le Parlement si le Sénat s'y associe.

Il sera tenu à jour et facilement consultable sur un site Internet.

L’inscription d'un professionnel sur ce registre n’est pas obligatoire, mais seule cette inscription ouvre un certain nombre de facilités professionnelles complémentaires spécifiques.

L’inscription se déclenche sur demande de l'employeur du lobbyiste. Que l'employeur soit une entreprise, une association ou un cabinet spécialisé, c'est cette personne morale qui demande l'inscription de la ou des personnes physiques lobbyistes.

L'inscription est acceptée et validée par une structure ad hoc.

Cette structure parlementaire co-présidée par « un sage » met à jour le fichier.

Pour des raisons d'efficacité sont inscrits le lobbyiste en personne et l’entité qu’il représente. Il y existe deux premières entrées pour consulter ce registre: par le nom de la personne physique ou par celui de la personne morale. La troisième entrée est par le domaine ou le sujet de compétence.

S'est posée la question du nombre de personnes physiques pouvant être inscrite par personne morale. Certains cabinets de lobbyistes, de grandes entreprises ou des associations peuvent employer plus d'une dizaine de lobbyistes. Tous les inscrire complexifierait la consultation du registre ou sa bonne exploitation. Il est donc proposé trois compléments :

a) Lobbyistes permanents ou temporaires :

Dans le registre des lobbyistes certains sont inscrits pour l'ensemble d'une longue période, et d'autres sont inscrits pour la seule durée de l’étude ou du travail législatif sur un sujet particulier.

b) Places limitées par entités :

Il nous apparaît indispensable de maîtriser le nombre possible de personnes physiques inscrites en permanence. Trop de lobbyistes nuirait au bon développement du lobbying.

Est retenue la solution suivante : un seul lobbyiste permanent inscrit par organisation professionnelle, par groupe d’entreprise, ou au sein des grands groupes par grande branche d’activités. trois inscrits possibles pour les lobbyistes appartenant à un cabinet conseil de lobbyistes.

c) Inscriptions temporaires :

Pour les inscriptions des lobbyistes, inscrits le temps de l'étude ou du travail sur un sujet précis, c'est la commission ad hoc qui, en accord avec le président de la commission saisie ou des rapporteurs, inscrit le nombre de lobbyistes souhaités. Le lobbyiste est préalablement consulté sur les textes de loi ou les domaines de réflexion politique de sa compétence. S’il ne l’est pas, il peut demander à être consulté en justifiant une compétence ou un point de vue pertinent sur le sujet. Il peut en être de même pour d'autres: des experts sont inscrits sans être des lobbyistes mais leur expertise justifie leur demande de faire du lobbying sur un sujet en débat au Parlement.

Pour pouvoir être inscrit le lobbyiste doit :

S’engager à respecter toutes les règles du code éthique professionnel et :

Déclarer la ou les entités au nom desquelles le lobbyiste va s’exprimer.

Déclarer, à partir d'une liste préétablie par la structure ad hoc, le ou les domaines d’activité, ou les sujets de préoccupation politique sur lesquels le lobbyiste peut apporter des expertises.

S’engager à répondre le plus rapidement possible aux demandes « raisonnables » d’information et d’expertise formulées par les décideurs politiques.

Fut envisagée l'obligation d'une adhésion à une des associations représentatives des lobbyistes professionnels. Cette proposition a été contestée par la plupart des professionnels. S'il apparaît très souhaitable d'encourager les adhésions et de soutenir le développement des associations partenaires de la formation, de l'éthique, de la bonne gestion de cette profession, il est retenu et conservé le principe de l'adhésion facultative et volontaire.

Le registre ouvre des droits.

Le registre parlementaire des lobbyistes est organisé par nom des lobbyistes, ou par nom des entités représentées ou par domaine et sujet de compétence.

L'inscription du lobbyiste sur le registre national procure les avantages suivants:

Une reconnaissance et validation officielle.

Une ou plusieurs des formes d’accréditation prévues pour faciliter son travail :

Droit d'entrée permanente ou ponctuelle,

Accès aux documents parlementaires.

Présence en auditeurs à certaines réunions.

Consultations systématiques ou ponctuelles...

Sont exclus du registre, après convocation et audition contradictoire, les professionnels qui ne respecteraient pas le code éthique ou les usages et règlements du Parlement.

Réaction unanime et positive des professionnels

Le registre est essentiel :

Les lobbyistes accueillent très favorablement ce projet de créer un registre parlementaire des lobbyistes. Les éléments évoqués le plus fréquemment en faveur du registre sont la transparence et l'accès équitable aux locaux du Parlement. Le registre est perçu par de nombreux représentants d'intérêts comme un outil nécessaire au contrôle et à la régulation de l'exercice du lobbying parlementaire. Nombreux sont ceux qui espèrent que le registre permettra de mettre un terme aux pratiques « opaques » et « discriminantes » d'obtention de badges d'accès à l'Assemblée nationale.

Un des résultats escomptés par la création du registre est de « faciliter les contacts avec les parlementaires ». Un représentant d'une grande entreprise souligne que la valeur ajoutée du registre est aussi de permettre aux parlementaires de mieux appréhender « l’identité, la nature et le nombre des acteurs à consulter dans le cadre de l’exercice de leur mission. ». Pour certains, le registre incarne « une reconnaissance de la profession de lobbyiste ». Il pourrait même « apporter un statut valorisable en interne [dans l'entreprise], qui contribuerait à une meilleure reconnaissance de la fonction de chargé des relations avec le Parlement ». Un seul professionnel a déclaré : « Créer des statuts n'est pas utile. On ne se déclare pas lobbyiste »… Réponse : il ne s’agit pas de créer un statut ou un ordre des lobbyistes. Il ne s’agit que de promouvoir et de professionnaliser le lobbying.

Maîtriser le nombre d’inscrits ?

Un autre exprime la crainte d'une inscription massive des lobbyistes sur le registre, « cela créerait une situation ingérable du point de vue du contrôle du lobbying dans les locaux du Parlement ». Cette éventualité est contestée par un lobbyiste d'une grande entreprise, qui fait valoir que le Sénat n'a pas eu de problème avec un système d'accréditation de ce type. Toutefois cette éventualité est réelle et c'est pourquoi nous proposons, dans un premier temps, de limiter le nombre de lobbyiste inscrits par personne morale.

La transparence est indispensable.

Sur les conditions d'inscription au registre, et l'obligation, pour le lobbyiste de déclarer sur le registre, le nom des entités qu'il représente, tous les lobbyistes consultés y sont favorables. La réponse est unanimement affirmative. Cette condition a été qualifiée d'« indispensable », d'« élément nécessaire à la transparence », voire d' « évidente ». « Nous n'avançons jamais cachés ! », s'exclament d'ailleurs de nombreux lobbyistes. Un lobbyiste tente même de comprendre les motivations des réfractaires à cette règle : « Lorsqu’on cache l’identité des mandataires, c’est souvent pour faciliter l’obtention d’informations en amont de la prise de décision. » Et au même lobbyiste d’ajouter : « Il faut donc s'intéresser au problème de la mise à disposition de l’information. » Pour la déclaration sur le registre des domaines de compétence sur lesquels ils peuvent apporter de l'expertise, la grande majorité des lobbyistes se prononcent en faveur de cette mesure. L'avantage est de « permettre aux députés d'identifier les lobbyistes compétents dans un certain domaine. »

Souplesse pour les compétences.

À ceux qui disent : « la liste ne doit pas être figée », « les domaines et sujets sur lesquels le lobbyiste peut apporter une ' expertise ' sont évolutifs. », « Un lobbyiste doit pouvoir s'exprimer également sur d'autres sujets qui concernent l'entité qu'il représente. » « Les lobbyistes de cabinet sont des généralistes », la réponse est : tout lobbyiste qui changera de compétence ou qui, sans être compétent permanent sur tel thème, sera ponctuellement intéressé par ce thème, pourra demander à être inscrit temporairement.

Disponibilité professionnelle :

Sur l'engagement demandé aux lobbyistes de répondre aux demandes « raisonnables » d’information et d’expertise formulées par les décideurs politiques, la plus grande partie des réponses indique qu'il s'agit là de la fonction même du lobbying, qui a pour but de fournir de l'information et de l'expertise aux élus. « Le lobbying, c'est communiquer pour expliquer » rappelle un lobbyiste. Un autre affirme : « la qualité du service d'un lobbyiste se mesure précisément à sa réactivité, à sa capacité à apporter des réponses aux décideurs dans un délai raisonnable. » Une personne souhaite que les demandes d'information soient motivées et inscrites dans le cadre des travaux parlementaires, afin d'éviter les usages abusifs de cette disposition...! Réponse : ce stade sera très vite et spontanément réglé s'il devait se créer.

Dispositions du code d’éthique du lobbying

Ce code sera validé et officialisé par le bureau de l’Assemblée nationale et par le Sénat si comme c’est prévisible, son bureau accepte d’être associé à sa rédaction et mise en œuvre.

1. Définition du lobbyiste

Pour informer le monde politique, le lobbyiste représente une personne morale privée ou une catégorie spécifique d’acteurs publics. Il existe trois catégories de lobbyistes : les lobbyistes salariés d'entreprise, les lobbyistes appartenant à un cabinet conseil de lobbyistes, les lobbyistes d'organisations associatives.

En fournissant au bon interlocuteur, au bon moment, la bonne information, le lobbyiste aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Le lobbyiste fournit directement au monde politique les informations et expertises dont le politique a besoin dans l’exercice de ses missions.

Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l’acteur politique.

Le lobbyiste est un partenaire du politique, mais il ne se substitue pas à lui.

Le lobbyiste n’est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques.

Le lobbyiste est l’interface entre le monde politique et son commanditaire. Le lobbyiste contribue également à la diffusion dans l’entité qu’il représente, de l'information émanant du monde politique.

2. Attitudes

Le lobbyiste respecte les règles et usages internes du Parlement et des institutions politiques

Lors de ses contacts avec les acteurs du monde politique, le lobbyiste déclare son identité et les personnes morales ou physiques au nom desquelles il s’exprime et informe.

Il agit avec honnêteté. Il diffuse une information de qualité et non trompeuse.

Il ne peut pratiquer l’exclusive politique.

Il s’attache à un dialogue constructif et durable.

Il répond avec rigueur à toute demande d'information émanant des décideurs politiques.

Il doit pouvoir mettre les décideurs politiques en relation avec les interlocuteurs idoines au sein de l'entité qu'il représente.

Le lobbyiste ne peut commercialiser des documents, informations ou éléments diffusés gratuitement par les pouvoirs publics.

Les propos et informations des lobbyistes peuvent être publiés par les acteurs politiques, sauf quand le caractère confidentiel est demandé ou s’impose.

Par présence inopportune ou non souhaitée, ou par tout autre moyen de communication, le lobbyiste s’interdit de harceler, les décideurs politiques ou leurs collaborateurs, ou de faire pression sur eux.

Afin de faire connaître les performances et contraintes de leur employeur, les lobbyistes peuvent inviter les parlementaires à des voyages collectifs à l’étranger ou en France. Chaque député peut accepter dans l’année le financement de trois voyages collectifs à l’étranger. Par respect de l’impartialité, chaque voyage doit inclure des députés de la majorité et de l’opposition et de préférence, et, si possible, un journaliste. Par souci de transparence, chaque voyage doit faire l’objet d’informations publiées sur le réseau intranet du Parlement avec ces mentions : les noms et fonctions des participants, l’origine du financement, l’objet ou l’objectif du voyage. Un rapport de voyage rédigé par les parlementaires est souhaitable et justifie l’intérêt du déplacement.

3. Statut et incompatibilités

La profession de lobbyiste peut s'exercer soit à titre individuel, soit comme salarié au sein d'une entreprise ou d'une association.

Sont des lobbyistes professionnels, les personnes dont le lobbying est l'activité principale.

Est incompatible avec le statut de lobbyiste dont toute condamnation pénale ou civile pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.

Un élu national ou européen ne peut être un lobbyiste.

Sans que cela confère le « statut » de lobbyiste, un collaborateur de parlementaire ou un membre d’un cabinet ministériel peut contribuer aux échanges d’informations entre un groupe d’intérêts et le monde politique, si c’est déclaré et transparent.

4. Ouverture de droits

Pour être inscrit sur le registre parlementaire des lobbyistes, le lobbyiste doit s’engager à respecter le code.

Pour être inscrit, le lobbyiste doit également déclarer le ou les commanditaires au nom desquels il va s’exprimer.

À partir d'une liste préétablie, le lobbyiste déclare également le ou les sujets sur lesquels il peut apporter des expertises.

Inscrit sur le registre national parlementaire des lobbyistes, le lobbyiste s’engage à répondre le plus rapidement possible aux demandes « raisonnables » d’information et d’expertise formulées par les décideurs politiques

L’inscription peut être pluriannuelle à raison d’un lobbyiste par entreprise ou association homologuée. Pour les entreprises aux métiers ou activités très différents, l’inscription peut éventuellement se faire à raison d’un lobbyiste par grande branche d’activité. L’inscription peut éventuellement être de trois lobbyistes par cabinet conseil en lobbying.

En plus des inscriptions ci-dessus, peuvent être acceptées d’autres inscriptions temporaires, de personnes particulièrement concernées par un sujet en cours et qui acceptent les règles du présent code, le temps de l’étude ou du travail législatif sur ce sujet particulier.

L’inscription sur le registre parlementaire des lobbyistes permettra, par domaine de compétence, la consultation préalable sur les travaux parlementaires, la possibilité d’être invité au sein du Parlement, de suivre les débats parlementaires, de disposer de conditions particulières pour l’obtention des documents et informations parlementaires.

Pour consulter sur le site Internet dédié, le registre parlementaire des lobbyistes trois possibilités d’entrée : le nom du lobbyiste, l’entité employeur (nom de l’entreprise, de l’association ou du cabinet), le sujet ou domaine de compétence.

5. Sanctions

En cas de non-respect d’une des règles du code d’éthique, et après procédure contradictoire et de défense, le lobbyiste peut recevoir un rappel à l’ordre, un avertissement ou être exclu temporairement ou définitivement du registre des lobbyistes professionnels.

Est sanctionné le lobbyiste, ou l’employeur. L’employeur est concerné par les sanctions tant que ne change pas son attitude justifiant la sanction.

Une procédure d’examen, peut être ouverte sur plainte de plusieurs députés concernant le comportement d’un lobbyiste.

Accès des lobbyistes au Parlement

Beaucoup de lobbyistes le disent : « Tout ce qui peut concourir à améliorer la transparence et la reconnaissance de la profession doit être privilégié, à commencer par un accès « normal » à l’Assemblée nationale, l’institution d’un registre des accréditations et un code de bonne conduite. » Certains lobbyistes disposent d’une carte d’accès libre établie par la présidence de l’Assemblée. À d’autres elle fut refusée. Certains se sont alors fait faire une carte d’accès par un député… La situation n’est ni claire ni juste.

Mais qu’apporte ce droit d’accès ?

« Rien ne remplace la présence physique »,  répondent les lobbyistes attachés à ce « droit ». Nous pouvons les comprendre : le lobbying pour être efficace, pour communiquer en toute confiance la bonne information au bon moment et au bon destinataire, doit respecter des phases préalables de relation et de connaissance mutuelles : « rien ne remplace le contact physique… ».

Pourtant, les avis sont divisés. Personne ne conteste l'utilité de se rendre au moins ponctuellement dans les locaux du Parlement. Par contre, si certains veulent un accès permanent, d'autres pensent que ce n'est pas nécessaire. 20% des lobbyistes interrogées estiment que la présence physique n'a jusqu'ici pas constitué un aspect primordial de leur action de lobbying. Un représentant d'intérêt explique la méthode de son entreprise : « Nous utilisons avant tout la technologie des systèmes d’information comme Internet pour gérer nos contacts avec les parlementaires, tout en sollicitant des rencontres si nécessaire. »

Selon un cabinet de lobbying, l'importance de la présence physique sera « relative au rôle que joue le Parlement dans le système politique français. » De nombreux autres lobbyistes considèrent la présence physique permanente comme un élément indispensable. « Il est essentiel pour un lobbyiste d'être connu et reconnu », déclare un représentant d'une fédération professionnelle. Il ajoute: « Une partie du travail d'un lobbyiste est de rencontrer les députés dans les couloirs, souvent " par hasard " » Est-ce vraiment cela le travail d’un lobbyiste ?...

Comme il est impossible, ni souhaitable, ni efficace, d'augmenter de 300 à 500 personnes le nombre d'accès aux endroits utiles et déjà trop encombrés les jours et heures recherchés, la solution de régulation est indispensable.

Mise à disposition des documents parlementaires :

La mise à disposition des documents parlementaires apparaît plus facile et très utile. Il faudra trouver un système pour permettre aux lobbyistes d'obtenir les documents parlementaires mis en distribution.

Proche de l'hémicycle, un lieu réservé aux lobbyistes

Au cours des débats dans l'hémicycle, sur des points techniques, ou sur des amendements, les parlementaires peuvent avoir besoin d'informations de dernière minute, pour valider ou, au contraire, contre argumenter.

Régulièrement, pour suivre les débats et apporter leurs légitimes compétences techniques, des lobbyistes se trouvent dans les tribunes du public, et communiquent tant bien que mal avec les parlementaires. Il serait préférable de réserver une salle, un bureau, un lieu aux lobbyistes directement concernés par le débat en cours. Dans ce lieu, proche de la salle des séances, les parlementaires pourraient aller chercher les informations de dernière minute dont ils auraient besoin.

Le principe de transparence serait respecté puisque le lieu serait officiel et ouvert à tous les députés. Le principe du contradictoire serait également respecté puisque pourraient être présents tous les lobbyistes concernés quelles que soient leurs positions.

Les lobbyistes considèrent cette suggestion comme un développement positif et utile pour leur action de lobbying. « Cela faciliterait les échanges avec les députés et permettrait d'améliorer le cadre général du lobbying parlementaire » conclut un lobbyiste, qui résume ainsi une opinion largement répandue parmi ses homologues. Un lobbyiste de fédération précise : l'avantage de cette salle serait de fournir une « aide en direct » aux députés pour défendre un dossier lors des débats en séance. Les députés sauraient ainsi où trouver les lobbyistes. Un autre interlocuteur estime que la salle constituerait « un symbole de l’évolution de la culture politique et des mentalités », qui marquerait l'ouverture du Parlement à la société civile.

Les réserves et doutes exprimés concernent la régulation de l'utilisation du lieu : Comment faire pour que « cela ne tourne pas en cacophonie peu informative pour le parlementaire », formule un lobbyiste ? Certains attendent du lieu des moyens de travail (bureau, télévision, fax, Internet etc.). D'autres le soulignent formellement : la salle ne doit pas devenir un bureau. Or elle pourra être un bureau le temps de la présence qui ne sera que temporaire. Les lobbyistes réticents affirment : « cette salle n'est pas nécessaire si le lobbying est pratiqué dans la transparence ». Ils considèrent ce projet comme « impossible à gérer ». Un des lobbyistes sceptiques explique : « il n'est pas judicieux de trop introduire les lobbyistes dans les locaux de l'Assemblée qui ne peut se transformer en agora ». En revanche, il faudrait, selon lui, favoriser la réflexion en amont et y associer plus étroitement les acteurs concernés.

Certains lobbyistes craignent que la mauvaise image du lobbying ne suscite une vive opposition à la création de la salle. Ils redoutent un effet nuisible sur l'opinion publique et préconisent d'avancer en douceur.

Toutes ces réticences tombent avec une pratique claire et une autorité politique pour expliquer l’intérêt, comme le dit Alain, de faire des lois proches du terrain. Et les députés quelles que soient leurs compétences ne peuvent seuls tout connaître de ces réalités du terrain.

Assister aux débats des commissions

Parfois les réunions des commissions sont ouvertes à la presse. Pourquoi celles-là ne le seraient-elles pas aux lobbyistes concernés par le sujet abordé ?

Pouvoir assister aux réunions des commissions ou aux séances publiques permettrait aux lobbyistes de mieux connaître les positions développées, les contextes, les environnements…, et donc de mieux exercer la mission d'information) et d'argumentation…

Des lobbyistes nous ont répondu : « Les débats en séance publique sont retransmis sur le site Internet, il n’est donc pas nécessaire d’y assister. Concernant les réunions de commission, il faut veiller à ne pas enfreindre la liberté des élus qui doivent pouvoir décider en leur âme et conscience. Rendre publiques leurs positions risquerait de remettre en cause cette liberté. La commission est un lieu d’échange, qui doit pouvoir conserver une certaine confidentialité afin de préserver la sérénité des débats. » Formulé autrement : « Le législateur doit pouvoir travailler sereinement au sein des commissions permanentes des assemblées et ces instances doivent donc siéger à huis clos ».

Cette vision du fonctionnement du Parlement est-elle conforme à un Parlement moderne composé de députés qui savent débattre et échanger en toute transparence ? N'est-ce pas ce manque de transparence, n'est pas une certaine forme de copinage et de confinement qui affaiblit la qualité et le crédit du Parlement ? Quant aux légitimes « accords » de coulisse entre des partenaires opposés mais qui ont l'intelligence de chercher des consensus, ils ne se font, de toute façon, jamais en salle de réunion… !

De nombreux lobbyistes souhaitent être autorisés à assister aux séances des commissions parlementaires, à l'instar du système du Parlement européen.  « Cela est justifié, parce que c'est souvent lors des Commissions que l'on constate les difficultés liées aux projets débattus » explique l’un d’entre eux. Il ajoute : « si les lobbyistes étaient interrogés lors des débats des commissions parlementaires, ceci permettrait une mise en évidence des éventuels points conflictuels dans le cadre d’un débat public et accessible à tous les parlementaires. »

Pour un autre il s'agit là de l'aspect de développement le plus important du Livre bleu. « Il s'agit d'un aspect essentiel du travail parlementaire, sur lequel les comptes rendus des séances ne donnent pas une image suffisamment précise. »

Consultations préalables des lobbyistes

Le lobbying bien compris aide le législateur à adapter sa volonté politique aux réalités du terrain. Il est donc normal de demander aux rapporteurs des projets de loi de consulter les lobbyistes.

« Ils consulteront, grâce au registre, les lobbyistes dont le domaine de compétence correspond au sujet de la loi. Ils devront aussi accepter de consulter tous les autres lobbyistes qui, dans un délai suffisant, font valoir un intérêt légitime à être entendus. Le rapporteur devra s’attacher à relever des positions différentes pour animer le contradictoire et pour que tous les types de points de vue soient entendus. »

Cette attitude s’appliquerait également aux orateurs des groupes politiques. La consultation préalable implique une publication des positions et arguments entendus, en respectant la culture adaptée (voir commentaires complémentaires). Les consultations peuvent être écrites ou orales, individuelles ou sous formes de tables ouvertes et réunions communes.

Nous nous heurterons souvent à des aspects de procédure : les délais de consultation, la finesse des questions, les erreurs d’interprétation ou d’analyse… Certains voudront réagir aux propos tenus, d’autres réagiront aux réactions. Les positions évolueront… Des lobbyistes demandent : « Pas de sur administration. Pas trop de surcharges. Réaction aux réactions… La consultation doit être organisée pour éviter les dérives sans fin, les fausses polémiques. » Il nous faudra donc une période d’apprentissage pour trouver un juste équilibre. Mais rien ne devrait empêcher que la consultation devienne plus officielle, plus systématique et mieux organisée.

Les lobbyistes sont très majoritairement favorables à cette systématisation, à une rationalisation et à un renforcement des consultations, tel que je le propose. L’un d’eux traduit ainsi cet état d'esprit de l'ensemble des lobbyistes : « la multiplication des consultations des acteurs concernés par les décisions publiques est un signe encourageant de maturité de la démocratie. »

Les lobbyistes évoquent comme valeur ajoutée de cette proposition le fait de pouvoir disposer d'une meilleure visibilité de l'ensemble des acteurs concernés par une nouvelle mesure et de pouvoir être certain d'être auditionné sur les dossiers pertinents.

Certains précisent être relativement satisfaits de la façon dont les consultations sont menées à l'heure actuelle. Un interlocuteur se montre soucieux de ne pas trop limiter la marge de manœuvre du rapporteur et estime que l' « on ne peut pas présumer qu'un rapporteur ne cherche pas à consulter les acteurs concernés par un projet de loi. » Un seul lobbyiste conteste la pertinence de la réflexion sur le sujet et soutient que « c'est au lobbyiste de faire de la veille parlementaire, d'être proactif et de déclencher la consultation ». Pour l’un deux, une position étonnante : « Il n’est pas utile que des rapporteurs soient obligés de consulter des lobbyistes de cabinet, qui ne détiennent pas l’expertise ».Or pour moi ces professionnels capables de comprendre la technicité de leurs clients et de bien retransmettre les informations sont très utiles aux parlementaires car ils sont de bons passeurs entre de petites structures sans lobbyiste et les politiques.

Les lobbyistes se montrent principalement favorables à systématiser la collecte des positions « minoritaires » par les rapporteurs. Ce doit être affiché plus visiblement dans leurs rapports. Les quelques lobbyistes défavorables font valoir que « le travail du rapporteur doit être le relais de son ultime conviction » et qu'il doit donc pouvoir agir sans contraintes. Cette réflexion justifie le rayonnement du livre bleu.

Le lobbying c’est informer ce n’est pas contraindre. Un rapporteur qui s’informe de toutes les positions, de toutes les faisabilités de mise en œuvre, ne se lie pas, ne perd pas son indépendance, ne se soumet pas à des forces de pression. Il essaie simplement de rendre efficientes et applicables les dispositions de la loi future.

Publication des positions :

Les lobbyistes sont ils favorables à la publication des positions et arguments des lobbyistes ? Cette interrogation a suscité de vives réactions et des réponses très opposées.

15% des lobbyistes interrogés se sont déclarés très défavorables à cette disposition, qui selon eux « viderait le lobbying parlementaire de sa substance », « pourrait tuer le débat et entraver le dialogue de fond constructif », voire « ne paraît pas conforme au simple respect des libertés ». La conséquence pourrait être selon un de nos interlocuteurs « de privilégier le lobbying au niveau des ministères au détriment du lobbying parlementaire. »

Les protagonistes de cette mesure restent largement majoritaires. Ils se montrent pour leur part très enthousiastes quant à la publication des positions. Ils font valoir l'avantage apporté par une transparence accrue, qui contribuerait « à initier un vrai débat et un dialogue positif entre les divers acteurs concernés, ce qui permettrait aux parlementaires de mieux mesurer les enjeux et conséquences des décisions à prendre. » Un autre lobbyiste propose d'aller plus loin et de compléter la publication des positions par « un système interactif par lequel le lobbyiste se voit ensuite interrogé par le/les députés concernés et apporte ses réponses en complément. »

La plupart des lobbyistes insistent toutefois sur la nécessité de tenir compte de la confidentialité de certaines informations. Un lobbyiste explique : « une entreprise doit pouvoir donner aux élus des informations qu’elle ne peut pas donner à la presse ». Il faut cependant développer une culture de la transparence car : « le risque est que chaque information soit signalée comme confidentielle, notamment pour des motifs de concurrence qu'il sera impossible d'apprécier. »

Annuaire des parlementaires par spécialisation

Les parlementaires sont par nature des généralistes. Ils doivent se positionner sur toutes les lois, sur tous les sujets de société. Mais, si les députés ne se spécialisaient pas dans certains domaines de compétence, ce ne serait pas les députés qui feraient les lois, mais les techniciens des ministères et administrations.

L’idée est donc, pour développer cette compétence des élus, de créer un registre des députés par domaine ou sujet. Ce registre évoluera en permanence puisque les députés savent passer d'un domaine à un autre. Mais il permettra de contacter rapidement et d’aider mieux ceux qui au bon moment sont concentrés sur le sujet concerné.

Certains lobbyistes sont très réservés sur cette proposition : « Chaque parlementaire doit pouvoir forger son opinion et intervenir sur n’importe lequel des sujets examinés au Parlement ». Notre réponse est : l'un n'empêche pas l'autre. Au contraire, c'est parce que des collègues prennent le temps de se concentrer sur tel ou tel sujet, que les autres en profitent et peuvent se forger une opinion sur l'ensemble des sujets.

Des lobbyistes dont le principal travail est de fournir ou d'exploiter un « carnet d'adresses » peuvent se sentir affaiblis par cette proposition d'un registre officiel des députés par compétences. Ainsi, un des interlocuteurs s'oppose à la création de l'annuaire, car il estime « c'est le boulot des lobbyistes d'identifier les bons interlocuteurs » et de se doter d'un carnet d'adresses. Son opinion reste toutefois isolée, et j’ajoute : le travail des lobbyistes va évoluer. Être lobbyiste, c'est tout autre chose que la gestion d'un carnet d'adresses... !

Un des lobbyistes précise : « Le lobbying, plus qu’une valorisation d’un carnet d’adresses, doit aussi être développé pour améliorer la connaissance des politiques par les entreprises. Cet annuaire faciliterait ceci. »

Un autre insiste : l'essentiel pour un lobbyiste, « ce n'est pas de connaître les personnes, mais de connaître les sujets ». Pour lui, l'annuaire et les autres outils de développement sont un moyen de « recentrer l'attention sur le cœur du métier du lobbyiste », qui consiste à apporter de l'information et de l'expertise aux décideurs publics.

La plupart de ses homologues partagent cette vision, même si certains d'entre eux estiment déjà disposer d'une vision assez complète des spécialisations des parlementaires par « le suivi des activités parlementaires et des rapports publiés», par un examen du « découpage actuel par commissions parlementaires » et en entretenant des « relations durables avec les parlementaires intéressés par notre domaine d'activité ».

La grande majorité des lobbyistes trouve intéressante la proposition de concevoir un annuaire des parlementaires par thèmes. Pour les lobbyistes favorables à cette mesure, le fait de pouvoir identifier, via l'annuaire, les députés spécialisés dans leur secteur d'activité, « ou qui souhaitent s’y intéresser », représente une vraie valeur ajoutée.

Les sceptiques redoutent que l'annuaire ne soit un outil trop lourd pour remplir pleinement son rôle : « Très honnêtement, nous pensons qu'il sera difficile de sonder les parlementaires sur leurs domaines de compétence. On n'arrivera jamais à obtenir un registre complet ».

Un interlocuteur ajoute : « il faudrait également préciser aux lobbyistes à quel moment on peut solliciter un député et quand est-ce que l'on ne peut pas.»

Pour optimiser l'usage de l'annuaire, un autre propose de concevoir un système, qui générerait automatiquement, par sujet, des fiches et des tableaux (MS Excel) contenant les informations pertinentes sur les députés.

Autre demande exprimée : « un annuaire des assistants parlementaires et leur ligne directe sur Internet pour pouvoir contacter plus rapidement ces personnes. »

Meilleure gestion des colloques parlementaires

Les colloques parlementaires sont indispensables, mais le système actuel des manifestations financées par des organismes extérieurs à l’Assemblée nationale est entièrement à revoir.

Le dispositif actuel de financement et d'organisation des colloques suscite de vives critiques de la part de la grande majorité des lobbyistes. Il est fréquemment qualifié d' « insatisfaisant », d' « éthiquement discutable » ou de « scandaleux », et un de nos interlocuteurs va même jusqu'à utiliser le terme « racket ». « Actuellement, ces colloques n’apportent pas de réelle valeur ajoutée aux travaux parlementaires. Ils dévalorisent le travail des lobbyistes. Ils sont coûteux pour les entreprises qui pourtant apportent les informations. Ils sont discriminants, car seules les entreprises qui apportent le financement peuvent prendre la parole » déplorent de très nombreux acteurs.

Les points problématiques soulevés par les lobbyistes sont les suivants :

« N'est pas acceptable, cette pratique consistant à organiser, dans une enceinte parlementaire et sous divers patronages publics, une manifestation dans le cadre de laquelle une entreprise est obligée de payer (souvent très cher) un "partenariat" pour pouvoir simplement s'exprimer. »

« Ces colloques sont très coûteux pour les entreprises et il n'est pas sûr qu'ils apportent grand chose pour le parlementaire. »

« Le droit d’entrée (et de s’exprimer) est d’un coût exorbitant et pour tout dire assez opaque. »

« Les entreprises se trouvent obligées de financer ces colloques pour pouvoir être présentes, pouvoir intervenir car il leur est difficile d'évaluer les conséquences d'une ' politique de la chaise vide '. Pour parler, il faut payer ! »

« Il s'agit moins de lobbying que d'actions purement commerciales. »

« L'organisation des colloques bénéficie avant tout aux entreprises qui les organisent et non aux intervenants des colloques. »

« Trop souvent les colloques ont lieu sous le patronage d'un parlementaire qui n'est pas présent lors de l'événement. »

« Trop de monologues, aucune réactivité. Trop de discours convenus. »

« Aucun programme prévisionnel des colloques ne semble exister. (Comment prévoir d’y participer !) »

D’autres ajoutent : « Ces manifestations devraient être placées sous l’autorité et la responsabilité du bureau de l’Assemblée nationale » avec un budget de l’Assemblée pour financer les colloques. Mais il faudrait « éviter un trop grand formalisme qui aboutirait à l’interdiction pure et simple de ces activités, dont le caractère informatif doit être avéré. Il est toutefois nécessaire de limiter au maximum les pratiques commerciales dans ces domaines. » Les lobbyistes précisent : « En outre, la responsabilité de l’acceptation relève in fine du parlementaire. »

Certains considèrent que les colloques ne doivent pas être encouragés et n'ont pas vocation à être organisés dans l'enceinte du Parlement. « Avec le même argent, on pourrait organiser des événements plus efficaces » estime en outre un lobbyiste sceptique. Toutefois, la grande majorité des lobbyistes approuve la proposition de modifier les règles d'organisation des colloques pour les développer autrement : les colloques permettent aux entreprises de mieux comprendre le travail parlementaire: « Les colloques nous permettent de voir intervenir les parlementaires et de recueillir les réflexions exprimées. Ainsi, nous pouvons plus précisément identifier les parlementaires qui sont concentrés sur les dossiers qui nous sont importants ». « Ils permettent d’appréhender l’air du temps sur certaines problématiques. » « Ils permettent les échanges avec les parlementaires. »

Un grand nombre de lobbyistes appelle de leurs vœux à encadrer l'organisation des colloques au Parlement par l'élaboration de règles claires et transparentes. Ainsi, ils se positionnent majoritairement en faveur des propositions du livre bleu. Ils approuvent que « ce soit l'Assemblée nationale qui pilote et qui détermine la ligne des colloques. ». Les lobbyistes interrogés suggèrent en outre de réguler l'utilisation des salles et salons du Parlement et de « mettre fin aux exclusivités réservées à certaines entreprises et aux "copinages" ».

Une piste fréquemment évoquée est de confier à un service de l'Assemblée la tâche de contrôler et de réguler l'organisation des colloques, ce qui impliquerait également la gestion des inscriptions et l'évaluation des résultats.

Une seconde piste proposée est de créer un site Internet sur lequel seraient affichées, pour chaque colloque, les informations suivantes:

1) le nom des parlementaires parrainant le colloque,

2) le nom des participants,

3) le coût de l'événement et

4) le nom de l'entreprise chargée de l'organisation de l'événement.

De nombreux lobbyistes réclament que les colloques soient gratuits pour les participants, « de façon à ce que la possibilité de s'exprimer ne soit pas liée à la contribution financière. » L'idée que l'Assemblée nationale finance les colloques et mette en place des appels d'offre groupés pour sélectionner l'entité organisatrice, séduit la majeure partie de nos interlocuteurs. Certains d'entre eux ajoutent que l'Assemblée devrait dans ce cas préciser clairement le contenu, les attentes et les objectifs du colloque. Les lobbyistes opposés aux appels d'offre groupés rappellent pour leur part que ces procédures « s’avèrent souvent longues et ont pour conséquence un résultat de mauvaise qualité ».

Propositions sur l’organisation des colloques parlementaires :

Les colloques, réunions d’échanges entre les parlementaires et les acteurs sont à l’Assemblée indispensables. Il faut donc les développer et les encourager.

L’organisation des colloques doit répondre à une charte et des règles d'organisation sur la prise de parole, le respect du contradictoire, la définition des objectifs, les inscriptions des participants, la publicité et les comptes rendus, la transparence et la visibilité, la nature et les conditions des informations et arguments mis en avant pendant les colloques.

L’organisation des colloques peut être confiée aux entreprises extérieures, dont les entreprises existantes, après un appel d’offre groupé de l’Assemblée nationale.

Meilleur rayonnement de la presse dite « parlementaire »

Sans en faire un point central du Livre bleu, mais par souci de la vérité, dès le début des travaux j’ai écrit « Certaines publications portent dans leur titre, l’image ou le mot parlementaire. Elles s’appellent l’Hémicycle, Journal du Parlement, Revue parlementaire, Parlementaires de France. Elles n’ont rien d’officiel. Elles vivent grâce à la publicité et au bon vouloir souvent naïf de certaines entreprises. »

Une seule publication, la Revue parlementaire a réagi. Par écrit M. Romain Chetaille, directeur de cette publication crée en 1905 s’étonne de mes critiques puisque, écrit-il : «  notre vocation est de rendre compte de l’importance du travail des parlementaires passé sous silence faute d’aspect « sensationnel » ou politicien par la presse grand public. Nous nous attachons à expliquer la diversité et la complexité du travail parlementaire. Ce type de magazine relève de la liberté de la presse et existe dans toutes les grandes démocraties. »

À la suite de ce courrier et conformément à la culture même du lobbying bien compris, ne cherchant pas à opposer mais au contraire à améliorer j’ai rencontré M. Chétaille. Nous avons confronté nos points de vue. Cherchant à le faire évoluer positivement je lui ai dit combien, avec la même énergie il pouvait aider et servir mieux le monde parlementaire.

Ainsi effectivement le travail du député est mal connu. Les lobbyistes et les non politiques ne connaissent pas bien les procédures et la complexité du déroulement législatif. Le grand public s’étonne de voir peu de monde en séance publique et ne comprend pas que c’est normal et souhaitable. Le député se heurte à de nombreuses contraintes. Les contraintes sont celles des accords mondiaux signés par la France, sont celles de l’Union européenne, sont celles de la constitution, sont celles de l’organisation fondamentale du droit… Les contraintes sont juridiques, elles sont aussi financières, économiques, techniques, humaines…

Or pour mieux comprendre la position de la majorité parlementaire, parfois différente de son souhait sincère qui explique les contraintes devant lesquelles cette majorité a dû s’incliner ?

Faire une loi, la concevoir, l’amender, la voter la publier… ça ne suffit plus pour qu’elle soit appliquée et qu’elle change les choses. Le plus grand travail reste à faire, celui de la mise en œuvre sur le terrain. Qui l’explique ? Qui vulgarise ? Qui en parfaite connaissance de la « revue parlementaire » donne de quoi appréhender l’application ?

Les rapports parlementaires représentent une source incroyable de richesses d’informations et d’applications. Malheureusement qui en fait une synthèse, une fiche de lecture, un moyen pratique de les exploiter ?

Comment sont appliquées les lois ? Des parlementaires et en particulier ceux de la commission des affaires économiques, sous l’impulsion de son président ont décidé de s’attacher au contrôle de l’application des lois. Ils publient des rapports. Qui les commente et leur permet le rayonnement souhaitable ?

À la suite de cet échange avec M. Chétaille et sur ma proposition il m’a adressé cette contribution particulièrement pertinente :

« À l’heure où nos concitoyens redécouvrent le goût de la politique après l’avoir sévèrement décriée, contestée et critiquée, La Revue parlementaire souhaite contribuer à sa façon à l’effort de bonne gouvernance qui semble vouloir s’imposer dans nos institutions. Elle se propose, en particulier, d’améliorer la transparence en favorisant l’accès à l’information et de participer à la revalorisation du politique, notamment en faisant mieux connaître la diversité et la complexité du travail parlementaire.

Établir un partenariat direct sous forme de contributions.

Si les Assemblées le souhaitaient, La Revue parlementaire pourrait ouvrir ses colonnes à des contributions de leurs fonctionnaires. Ces contributions pourraient en particulier s’inscrire dans le cadre du travail de simplification du droit souhaité par le Président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale.

● Ainsi, elles pourraient rendre accessibles les conclusions des enquêtes d’évaluation menées un an après l’adoption des lois pour en mesurer l’application et l’efficacité.

● Elles pourraient également sélectionner un projet de loi et présenter, outre ses principaux enjeux et dispositions, les raisons qui ont motivé son examen, une forme d’étude d’impact, ainsi que ses points litigieux, la façon dont ils ont été tranchés et pourquoi.

Présenter l’abondance et la complexité du travail parlementaire, jusque dans ses aspects plus méconnus.

● La reprise du flux RSS de l’Assemblée nationale sur le site de La Revue parlementaire permettrait de mettre en lumière les nombreuses initiatives prises par les parlementaires, notamment sous la forme de propositions de loi.

● La Revue parlementaire pourrait consacrer une partie de ses pages à la présentation des nombreux offices extraparlementaires et aux nombreuses instances de contrôle au sein desquels siègent des parlementaires – partie intégrante, parfois ingrate et souvent méconnue du travail parlementaire.

● La Revue parlementaire pourrait participer à l’effort de pédagogie et d’explicitation des procédures parlementaires en présentant certains aspects du droit parlementaire, ardus pour le profane.

● La Revue parlementaire pourrait souligner le rôle diplomatique joué par les Assemblées parlementaires, rôle discret et pourtant prestigieux.

Instaurer un accès privilégié à l’actualité des Assemblées.

Pour ce faire, La Revue parlementaire a besoin que lui soit réservé un accès privilégié à l’information des deux Assemblées. Celui-ci passerait notamment par :

● La désignation d’une « personne ressource » pour chacune des commissions – une sorte de contact presse approfondi ;

● L’information sur les activités diplomatiques de la Présidence, ainsi que sur les initiatives prises par les différents groupes d’amitié ;

● L’association plus étroite aux différents mandats exercés par les parlementaires hors des Assemblées par une information ad hoc ;

● L’octroi de facilités d’accès et de libre-circulation par badge. »

Autres propositions de développement du lobbying

Immersion des lobbyistes

Des séances spécifiques pourraient être organisées pour les lobbyistes sur le fonctionnement des institutions, de l’Assemblée, du travail des parlementaires, des ministères… Des sessions pourraient traiter les problématiques du monde politique… Mieux « formés », les lobbyistes seraient plus performants. Les lobbyistes seraient de meilleurs partenaires pour relayer l’information aux entreprises et organismes pour lesquels ils travaillent.

Améliorer la disponibilité des informations

Des lobbyistes mettent en exergue les difficultés d'obtention des documents parlementaires de l'Assemblée, « dont la totalité n'est pas mise sur Internet ou dans des délais très longs ». Pour faciliter leur travail, ils souhaitent la mise en place, « par thématiques, de procédures d'alerte automatique / d'envoi des documents, auquel un lobbyiste pourrait s'abonner par une simple inscription. Le coût pourrait être facturé aux lobbyistes. » Certains des interlocuteurs expriment leur frustration quant à la difficulté à nouer un dialogue durable avec les députés. Les lobbyistes souhaitent pouvoir améliorer leur communication avec les députés, notamment en disposant de plus d'information sur leurs agendas.

Forum annuel entre parlementaires et lobbyistes

Pour encourager les contacts et permettre aux députés et lobbyistes de faire connaissance, des lobbyistes proposent d'organiser annuellement, dans les locaux de l'Assemblée, un forum ou une journée réservée aux rencontres entre lobbyistes et députés. Un de nos interlocuteurs va plus loin et propose la création d'un site Internet d'interface et d'échanges entre lobbyistes et parlementaires. « Ce site faciliterait la communication et favoriserait la compréhension du lobbying. Des documents parlementaires pourraient être mis en ligne sur ce site, notamment les conclusions de colloques. » Cette plateforme pourrait selon lui également faire office de site Internet du livre bleu du lobbying, ce qui permettrait de poursuivre le dialogue et de faire évoluer la réflexion sur le développement du lobbying en France.

ANNUAIRE EUROPÉEN PARLEMENTAIRE

Le travail d’équipe réalisé sur le développement du lobbying en France trouverait un prolongement au niveau européen.

Un annuaire européen des parlementaires par thème faciliterait le travail législatif qui ne doit pas s’arrêter aux frontières de chaque nation.

Cet annuaire se ferait avec des professeurs et des étudiants de l’Institut d’études politique de Paris, et en coopération avec une entreprise spécialisée dans la gestion informatique du lobbying (Augure).

Le projet se déroulerait selon la trame suivante :

Intitulé, description et contexte de la mission :

Élaboration d’un annuaire public des parlementaires français par spécialisation ou domaine de compétence, en coopération avec Augure.

La création de cet annuaire sera lancée par Monsieur Jean-Paul Charié (Député du Loiret) dans le cadre du « Livre bleu du lobbying ».

Il proposera à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale de mettre en place cet outil afin de permettre aux lobbyistes « de contacter rapidement et d’aider mieux » les parlementaires qui sont concentrés sur un certain sujet.

Dans le long terme, il est envisagé que des annuaires similaires soient mis en place au niveau du Parlement européen et de parlements nationaux d’Etats membres de l’UE. 

L’annuaire représente un intérêt

Pour les lobbyistes : être en mesure de contacter et d’informer les bons interlocuteurs au moment approprié.

Pour les parlements nationaux et pour le Parlement européen : les parlementaires pourraient facilement identifier et contacter leurs homologues spécialisés dans le même domaine de compétences. L’annuaire faciliterait donc la coopération interparlementaire.

Pour les citoyens : possibilité de connaître, dans un esprit de transparence, les domaines sur lesquels travaillent les parlementaires

Objectifs spécifiques du travail demandé

La mission des étudiants du projet collectif consistera à :

Définir la structure et la nomenclature de l’annuaire en coopération avec Augure.

Élaborer une présentation écrite du projet à l’attention des parlementaires.

Effectuer des recherches préalables sur les sites Internet de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les travaux des parlementaires.

Contacter les parlementaires ou leurs assistants pour se renseigner sur la spécialisation.

Traiter et structurer les informations recueillies et les insérer dans la base de données.

Définir la stratégie de lancement du service en termes de communication et d’événementiel.

Résultat et produit attendus :

Un annuaire complet des parlementaires, disponible sur Internet, structuré et organisé de façon pertinente.

Afin de garantir la continuité, il devra être régulièrement tenu à jour.

Méthodologie :

Définir les méthodes de travail et les modalités de collaboration entre les partenaires (organisation du travail notamment de terrain, fréquence des réunions…)

Réunion de démarrage avec Augure pour fixer les modalités de la collaboration.

Contacts avec les parlementaires par e-mail ou par téléphone, éventuellement entretiens à l’Assemblée nationale.

Logistique :

Préciser l’appui logistique fourni dans le cadre de ce partenariat (accès aux archives, contacts, secrétariat, salle de réunion, aide au financement….), la durée du projet et son calendrier.

La technologie et les bases de données Augure seront mises à la disposition du projet. Augure fournira le support technologique pour la gestion et la mise en ligne de l’annuaire.

Une expertise en matière de structuration et de classification de l’annuaire sera fournie par des experts en affaires publiques, partenaires d’Augure.

Équipe pressentie

8 à 10 étudiants des Masters Affaires publiques et Affaires européennes de l’IEP de Paris.

VI.— Développer le lobbying local

LE LOBBYING AU NIVEAU DU BASSIN D’EMPLOI

« L’homme est un animal sociable : il ne peut vivre et s’épanouir qu’au milieu de ses semblables. Mais il est aussi un animal égoïste. Son insociable sociabilité comme disait Kant, fait qu’il ne peut se passer des autres, ni renoncer, pour eux, à la satisfaction de ses propres désirs. C’est pourquoi nous avons besoin de politique. Pour que les conflits d’intérêts se règlent autrement que par la violence. Pour que nos forces s’ajoutent plutôt que de s’opposer... »

André Comte-Sponville

Dirigeants d’entreprise : sans vous comment gérer la cité ? Soyez politiques :

André Comte-Sponville écrit : « La politique, c’est l’art de vivre ensemble, dans un même État avec des gens qu’on n’a pas choisis, pour lesquels on n’a aucun sentiment particulier ». Or il est bienvenu de dénigrer la politique. Il est de bon ton de s’en désintéresser tout en critiquant les politiques.

Les plus entreprenants préfèrent se consacrer uniquement à leurs affaires, en négligeant totalement leurs interférences avec la gestion de la cité. Pour eux, il serait impossible de cumuler les fonctions de chef d’entreprise et d’acteur politique. Or acteurs économiques et politiques sont indissociables. Des milliers d’exemples le montrent : il est possible de développer une entreprise privée tout en étant maire, conseiller général ou parlementaire. On ne demande pas aux dirigeants d’entreprises d’être candidats à un mandat électif. On leur demande simplement de se rapprocher de leurs élus, de les contacter, de les informer…

Des chefs d’entreprises acquièrent des entreprises, diversifient leurs activités, multiplient leurs charges et responsabilités, mais négligent et parfois refusent de côtoyer les responsabilités publiques. Beaucoup refusent d’exprimer publiquement leur opinion sur telle ou telle orientation politique. Ils répondent : « Quand on est chef d’entreprise, quand on est patron on ne fait pas de politique ! ». Au nom de quelle vertu ? Au nom de quel courage ? Pourquoi les employeurs, pourquoi les créateurs d’entreprises et de richesses n’auraient ils pas le droit de donner leur point de vue ? Quand il s’agit de mieux vivre ensemble, de mieux s’accorder, de mieux s’organiser en collectivité, de mieux se protéger les uns et les autres, de mieux développer l’entraide et la solidarité, pourquoi les entrepreneurs ne pourraient-ils pas s’exprimer sur les réponses nouvelles, aux nouvelles questions ? Gérer ensemble les changements, les évolutions et les complexités, est aussi une des compétences des entrepreneurs. Pourquoi les créateurs d’emplois et de richesses n’auraient pas le droit de dire, n’auraient-ils rien à dire ?

Comment s’étonner de l’inculture économique des élus, quand les élus ne connaissent pas le monde de l’entreprise, et quand ce monde les ignore ?

Débattre ce n’est pas combattre. Informer ce n’est pas « soutenir ».

« Quand on est chef d’entreprise on n’est ni de droite ni de gauche. Nos clients, nos fournisseurs, et nos salariés sont autant de droite que de gauche. C’est pourquoi on ne peut pas faire de politique... » Ce sentiment général mérite d’être combattu. Participer au débat politique ce n’est pas être pour les uns, et contre les autres. Débattre ce n’est pas combattre. Exprimer clairement ses convictions et appréciations, tout en respectant l’autre, ce n’est pas agresser qui que ce soit, au contraire, c’est se faire reconnaître apprécier et respecter. Exprimer ses idées, donner son point de vue, mettre en valeur le regard du chef d’entreprise, du responsable économique et social, c’est enrichir le débat, c’est permettre aux démocrates et républicains de discerner et de mieux décider. C’est donner à beaucoup d’individus des références crédibles qu’ils cherchent en vain. Contribuer au débat politique, y mener une part active, c’est faire vivre la démocratie et donc la protéger. S’exprimer, participer, s’engager, c’est aussi ne pas laisser des minorités agissantes entraver les évolutions, c’est valoriser les attentes et enjeux des majorités. C’est ne pas laisser des technocrates et professionnels de la politique modeler une société à leur image irréelle et irréaliste.

De quel droit se plaindre de ce qui ne va pas, si jamais rien n’a été dit pour l’empêcher. Se taire par devant c’est être complice de la médiocrité dénoncée par derrière.

Ne pas faire de politique, c’est renoncer à une part de son pouvoir et de ses devoirs.

« L’apolitisme est à la fois une erreur et une faute : c’est aller contre ses intérêts et contre ses devoirs. ». écrit André Comte-Sponville. De silence en démission… à quand l’implosion ? Les passéistes finiront par perdre leurs droits. Les lâches finiront par être arnaqués. Les capitalistes égoïstes finiront par être ruinés… Les lois du marché peuvent écraser les lois de la République et de la démocratie, elles ne les remplaceront jamais. Pour bénéficier d’une société humaine et d’un modèle social performant, un modèle économique performant est indispensable.

À l’inverse, un modèle économique performant mais débridé et inhumain ne fera pas un modèle social performant. Il créera de plus en plus de pauvreté, d’injustice, de foyers de révolte et conflits. Le bonheur dépend de l’argent mais l’argent ne fait pas seul le bonheur. Comme le dit André Comte-Sponville « Entre la loi de la jungle et la loi de l’amour, il y a la loi tout court. Entre l’angélisme et la barbarie, il y a la politique ». Le dirigeant peut s’engager, l’entreprise informe. Le dirigeant d’entreprise peut informer la majorité comme l’opposition, les candidats de gauche comme ceux de droite. Il informe, il ne s’engage pas pour l’un ou pour l’autre. Ainsi l’entreprise informe participe à la politique, mais en reste indépendante. Le dirigeant en étant candidat ou élu, en prenant une position pour ou contre, peut s’engager. L’entreprise, elle, informe, donne son expertise.

Le lobbying local c’est rare et pourtant !

Tous les lobbyistes interrogés soulignent l'importance de la connaissance du terrain des députés. Dans ce contexte, nombreux considèrent le renforcement du lobbying local comme une nécessité, qu'il convient d'encourager et de développer. « Nous ne sommes pas assez sollicités par les parlementaires en circonscription » constate un des lobbyistes interrogés tout en souhaitant « une précision des éléments du lobbying bien compris en région ». Un autre lobbyiste explique: « Il est important que les parlementaires se déplacent sur les sites des entreprises de leur circonscription et qu'ils entretiennent des contacts plus réguliers avec elles. En effet, pour comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les acteurs économiques, il faut avoir une connaissance des " produits " qu'ils proposent sur le marché national et mondial. Il faut confronter ces produits avec les produits concurrents ; et la représentation nationale doit en être informée

Combien de chefs d'entreprise ont une fois dans l'année, écrit à leur député ?

Le « lobbying » doit être également local. L'objectif est d'encourager les chefs d'entreprises et les directeurs de sites à se rapprocher du monde politique de leur bassin d'emploi. Il est souhaitable de promouvoir les échanges entre les groupes d’intérêt et les élus au niveau local. Les élus sont invités par les communes et associations pour visiter ou inaugurer le moindre petit investissement quand une entreprise qui dépense mille fois plus et pour des dizaines d’emplois n’invitera jamais le monde politique. Les entreprises, tout en se plaignant légitimement du manque de culture économique des parlementaires, développent rarement des relations régulières avec leurs élus. Certaines multinationales et organisations professionnelles montrent l'exemple, mais force est de le constater : les dirigeants d'entreprises hésitent à inviter, à contacter leur député, leur maire, leurs partenaires publics… Quand une entreprise a déjà contacté ou reçu le monde politique, c'est-à-dire les élus, les directeurs de services de l'État, certains autres « partenaires », elle est déjà connue et reconnue le jour ou s’ouvre un problème à gérer conjointement…

VII.— Conseils - Vade mecum

SUGGESTIONS POUR AIDER LE POLITIQUE

Premières suggestions aux lobbyistes et dirigeants d’entreprises, pour qu’ils nous aident mieux, nous informent mieux, nous, les politiques.

Pour aider le travail du parlementaire :

Anticipez – N’attendez pas le dernier moment pour le contacter, anticipez, faites-vous connaître avant…

Sélectionnez – Ne contactez pas tous les parlementaires. Les parlementaires ne peuvent tous s’occuper de tout. Si toutes les entreprises écrivaient à tous les parlementaires… Sélectionnez les deux ou trois parlementaires « spécialisés » sur votre domaine de compétence.

Personnalisez – Quand vous écrivez au parlementaire n’hésitez pas à lui dire ce que représente votre activité, votre entreprise, ou votre préoccupation pour son département, sa circonscription ou sa commune. L’élu a comme vous besoin de références, de concret.

Soyez concis – Les lettres des entreprises ou lobbyistes sont trop souvent trop longues. Elles commencent par des paragraphes inutiles, par des considérations que l’élu connaît par cœur. Allez droit au but à l’essentiel. Soyez rapide et concis, vous serez efficace.

Vulgarisez – À l’inverse les interlocuteurs du politique oublient trop souvent de dire exactement ce qu’ils représentent, ce qu’ils font ou fabriquent… Ce qui est évident pour vous, ne l’est pas forcément pour l’élu. Or c’est souvent par méconnaissance de l’évidence que les plus belles erreurs sont commises…

Simplifiez – sans tomber dans le simplisme, mettez-vous à la place du parlementaire sans la formation pour appréhender la technicité et complexité de vos propos. « Ton truc on n’y comprend rien ! ». Donc simplifiez, imagez, illustrez : « Un bon dessin vaut mieux qu’un long discours ! »

Soyez concrets – Tout en étant courts et concis, donnez des chiffres, des faits précis, des exemples… Pour convaincre l’élu a rarement beaucoup de temps. Rien ne vaut un bel exemple, un vécu, une analogie…

Prouvez – Affirmer, n’est pas prouver. Le parlementaire entend de multiples positions, expertises, parfois contradictoires. Il est vite habitué à entendre des affirmations qui seront contredites et contre argumentées. Pour donner de la force et de la vérité à vos affirmations donnez des preuves.

Acceptez la réactivité – Si vous avez attiré l’attention du parlementaire et qu’il vous contacte, réagissez rapidement. Soyez réactif. L’emploi du temps d’un élu national demande de gérer entre deux rendez-vous, dans l’urgence…au bon moment !

Acceptez la disponibilité – Pour être disponible n’hésitez pas à donner votre numéro direct de téléphone ou celui de votre secrétariat.

Soyez à l’heure – N’arrivez pas après la bataille ! Souvent le parlementaire reçoit une proposition d’amendement très pertinente sur un projet de loi, mais trop tard, quand le débat est terminé.

Surveillez – Avec les organisations professionnelles, les syndicats, des cabinets spécialisés, ou votre propre équipe de lobbyistes, dirigeants d’activités, surveillez les textes à venir. Dès que vous vous sentez concerné n’hésitez pas à informer.

Humilité – Le député ne peut pas tout savoir, tout connaître tout appréhender. Si vous êtes court, concis pertinent et au bon moment, vous rendrez service au parlementaire et donc à tous ceux qu’il représente.

Affirmez votre autorité – Le travail législatif du député est mal connu, mais sachez le. Sur un projet de loi ses principaux interlocuteurs sont directement ou indirectement le ministre son cabinet et les services administratifs centraux. L’autorité politique du parlementaire est faible par rapport à l’autorité technocratique du gouvernement. Un ministre, de bonne foi, peu affirmer des arguments fournis par ses administrations mais totalement faux. Des informations vraies hier mais fausses aujourd’hui. Ne laissez pas faire. Si par vos informations concrètes et bien argumentées vous apportez en temps voulu votre autorité technique, ce sera utile pour la qualité du travail législatif.

Ne les sous-estimez pas ! Les élus sont capables de se rendre compte, d’être lucides, de discerner. Ils ont le sens du sens, ils perçoivent, ils devinent, ils ressentent. Ils sentent que tout bouge, que ce qui est vrai ici, peut être faux à côté. Que ce qui était vrai hier, peut être devenu faux aujourd’hui. Parfois aussi ils doutent, ils hésitent, ils fléchissent. Ce qu’il leur manque en plus du temps, ce n’est pas leur capacité à maîtriser, ce sont des éléments, des informations précises, le fruit de votre propre expérience, de votre expertise.

Adaptez-vous – Vous pouvez contester avec vigueur et colère une orientation politique, mais méfiez-vous. En vous déconseillant de tout accepter sans discuter, discernez bien ce qui est du domaine de l’opinion dominante, dans l’air du temps. N’allez pas forcément à contre courant, votre « intervention » sera immédiatement rejetée.

Informez localement vos politiques.

Au niveau local, du département, de l’arrondissement, de la commune, pour informer le politique en plus des suggestions ci-dessus, d’autres sont envisageables :

Informez votre député – Le député est élu d’une circonscription locale. Votre entreprise, votre centre de production, sont implantés dans une ou plusieurs circonscriptions. Régulièrement donnez aux députés concernés des chiffres, des nouvelles, des réflexions sur votre activité dans sa circonscription.

Demandez lui – Le parlementaire de la circonscription peut, pour vous, intervenir, poser une question au journal officiel, organiser un rendez-vous… Lui demander de vous rendre service, c’est lui demander de contribuer au bon développement de votre activité, et c’est donc lui rendre service à lui aussi puisque le développement économique de sa circonscription le concerne directement.

Informez vos acteurs politiques – Localement l’environnement politique ne se limite pas aux élus communaux, départementaux, régionaux et nationaux. N’oubliez pas les administrations, les services d’État et certaines associations.

Invitez – Profitez d’un investissement, d’un anniversaire ou de n’importe quel événement pour recevoir les acteurs politiques locaux. Qui inviter ? le maire, le conseiller général, le conseiller régional, les présidents d’assemblée locale, le sénateur, le député. Invitez aussi le sous-préfet, le directeur du travail, de l’URSSAF, de la DRIRE, des pompiers…le commandant de compagnie… Plus vous serez connu et apprécié, mieux ce sera.

Réagissez – Vous êtes concernés par un projet en cours dans votre bassin d’emploi, par un débat local, Vous pouvez fournir une expertise, une illustration, une compétence, faites le ! Informer c’est contribuer, c’est s’intéresser, c’est respecter la fonction de l’autre. En quoi ce serait mal vu ?

Faites plaisir, développez la fierté – Participer au rayonnement local de votre entreprise, c’est faire plaisir aussi aux salariés de votre entreprise, à leur famille à leurs voisins.

Positivez – Sachez-le : les élus sont à 90% contactés par des personnes qui se plaignent, critiquent, exigent, réclament…Vous ne tombez pas dans ce travers. Sachez dire ce qui est bien le positif, les succès, les bons résultats… Ne soyez pas binaire : tout blanc d’un côté tout noir de l’autre…

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 15 janvier 2008, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a procédé à l’examen du rapport d’information de M. Jean-Paul Charié sur le lobbying.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a remercié le président Patrick Ollier d’avoir accompagné ses travaux sur le lobbying, menés depuis un an avec plusieurs députés et près de 350 lobbyistes. Il a annoncé qu’après une présentation rapide des enjeux, il ferait des propositions et insisterait sur la dimension locale du lobbying.

Avec humilité, les parlementaires doivent admettre qu’ils ne peuvent tout savoir seuls. Ils doivent prendre régulièrement l’avis et les conseils de ceux qui ne sont pas des politiques. Au-delà des clivages gauche / droite, il faut sortir de l’isolement des politiques, du chacun pour soi.

Le lobbying ne concerne pas seulement le monde des entreprises, mais aussi celui de la culture, du tourisme, etc.

Le premier enjeu est l’amélioration du travail parlementaire, qu’il s’agisse de la qualité de la rédaction des lois ou du suivi de leur application. Le deuxième enjeu est celui du bon fonctionnement de la cité. Le troisième consiste à favoriser le lobbying, malgré les craintes qu’il suscite : le lobbying bien compris doit être défendu, et les attitudes inacceptables de certains groupes d’intérêts sanctionnées.

Le lobbying bien compris ne correspond pas à une fonction commerciale. Il ne doit pas non plus se substituer à l’action politique, mais informer les élus, de la majorité comme de l’opposition, sans pression ni confusion des genres. Les lobbyistes doivent avoir un sens aigu de l’information et de la communication, et connaître les contraintes des élus pour que leurs informations soient exploitables par les parlementaires.

Pour développer le lobbying en France, il n’est pas nécessaire de passer par un texte législatif. L’enrichissement du Règlement de l’Assemblée nationale suffit, et une modification de certaines habitudes.

On peut identifier trois catégories de lobbyistes : ceux qui sont salariés d’entreprise, ceux qui appartiennent à un cabinet de lobbying, et ceux issus d’organisations transversales ou d’associations.

Les principales propositions du rapport sont les suivantes :

– valoriser le lobbying bien compris en France ;

– affirmer une définition du lobbying : pour informer le monde politique, le lobbyiste représente une personne morale privée ou une catégorie spécifique d’acteurs publics. En fournissant au bon interlocuteur, au bon moment, la bonne information, le lobbyiste aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Le lobbyiste fournit directement au monde politique les informations ou expertises dont le politique a besoin dans l’exercice de ses missions. Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l’acteur politique ; il est un partenaire du politique, mais il ne se substitue pas à lui ; il n’est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques. Enfin, le lobbyiste est l’interface entre le monde politique et son commanditaire. Il contribue également à la diffusion, dans l’entité qu’il représente, de l’information émanant du monde politique ;

– établir un code d’éthique, fixant un certain nombre de règles relatives à l’attitude des lobbyistes (respect des usages parlementaires, transparence, objectivité, etc), aux voyages auxquels participent les parlementaires, au statut des lobbyistes et aux incompatibilités (si les élus nationaux ne peuvent être lobbyistes, les collaborateurs parlementaires pourraient contribuer aux échanges d’informations entre groupe d’intérêts et monde politique, dans des conditions strictes) ;

– créer d’un registre parlementaire des lobbyistes ; l’inscription, validée par une structure ad hoc, ouvrirait certains droits d’accès au Parlement ;

– réserver, près de l’hémicycle, une salle aux lobbyistes ;

– leur permettre d’assister aux débats des commissions ;

– organiser leur consultation préalable à la discussion des textes législatifs ;

– publier un annuaire des parlementaires par spécialisation.

Quant au lobbying local, le manque de communication entre les élus d’un bassin d’emploi et les entrepreneurs de la région est consternant. Il faut impérativement que le monde de l’entreprise ose mieux informer l’ensemble des élus, et des candidats aux élections.

Le président Patrick Ollier, indiquant qu’il n’aimait pas être harcelé par les personnes défendant les intérêts particuliers, s’est dit favorable à ce que l’on encadre cette activité ; le nom même de lobbying est d’ailleurs assez négativement connoté.

Comment peut-on caractériser la « bonne information » que le lobbyiste doit fournir ? Comment faire en sorte que cette relation fondée sur la fourniture d’informations ne devienne pas une relation d’influence ? La distinction entre groupe de pression et bon lobbyiste est-elle si claire ?

Par ailleurs, il serait utile qu’un code de déontologie soit mis au point pour éviter les dérapages. L’actuel président de l’Assemblée nationale doit être soutenu lorsqu’il envisage, dans la lignée de son prédécesseur, d’informatiser l’hémicycle : cette révolution technologique doit permettre d’assurer un meilleur lien avec les organisations extérieures au Parlement. Cela ne doit pourtant pas aller jusqu’à l’envoi de courriels, qui pourraient influencer le député dans son vote. Il y a donc une limite ténue entre information et influence.

Après avoir salué un travail intéressant sur un sujet important, M. Jean-Claude Lenoir a rappelé qu’il avait été lobbyiste pour une grande entreprise publique avant d’être député ; il a jugé que cette profession, dont le nom est issu du hall d’un hôtel de Washington où élus et représentants des intérêts privés se rencontraient, était fondamentale pour éclairer le législateur, particulièrement pour le rapporteur d’un texte qui cherche à recueillir tous les avis sur une mesure. Tout député ou rapporteur sait, cependant, garder son indépendance face aux avis qui lui sont soumis : c’est l’honneur du parlementaire d’être à l’écoute mais de privilégier en tout état de cause l’intérêt général.

Il est cependant hasardeux de vouloir organiser les lobbies suivant les axes présentés par le rapporteur : s’il existe des dérapages, ce qui n’est pas évident, ils relèvent du code pénal et non d’un éventuel code de déontologie ; en organisant la profession, on risque d’attirer au contraire des importuns, qui ne s’intéressent qu’en apparence au travail du Parlement, et il faut refuser d’apporter un quelconque concours à leurs initiatives parasites.

En outre, la proposition de créer un registre est dangereuse, dans la mesure où une personne ne figurant pas sur le registre risque d’avoir moins de légitimité à être entendue par un parlementaire. Celui-ci doit au contraire ouvrir sa porte à tout le monde, et faire ensuite la part des choses.

On peut d’ailleurs se demander pourquoi les intérêts privés sont si mal représentés aux alentours de l’hémicycle, alors que l’administration est présente physiquement dans cet hémicycle ; la démarche du rapporteur visant à développer le recours aux lobbies est bien inspirée, mais la proposition du registre semble inutilement restrictive et complexe.

En revanche, l’idée est excellente de prévoir au Parlement un lieu spécialement dédié aux lobbies, afin qu’ils puissent échanger avec les députés et les rapporteurs dans le cadre du vote d’une loi : on en reviendrait ainsi aux origines du terme, et cela permettrait, dans de nombreux cas, d’améliorer la qualité de la loi.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a estimé que la France semblait hésiter entre la crainte du lobbying et une certaine volonté de le développer. Comme tout rapporteur, il a bien évidemment eu à cœur d’entendre toutes les parties en présence, les grandes comme les petites, comme le font 99 % des députés. Le problème n’est pas d’être sous l’influence d’un groupe de pression, mais de disposer des bonnes informations au bon moment. Pour ne pas craindre cette influence, il faut bien envisager un code éthique permettant d’éviter les dérapages. Ainsi, chaque député pourra saisir une petite structure ad hoc et signaler les abus.

S’agissant par ailleurs du problème de l’informatisation de l’hémicycle, il est très regrettable qu’on ne puisse pas encore y présenter de documents avec des courbes à l’appui de démonstrations de plus en plus complexes. Les conditions matérielles de travail sont parfois trop peu modernes. Cette informatisation sera sans conséquences sur les éventuels dérapages dus aux lobbies, mais permettra au contraire une meilleure information du législateur, et doit donc être envisagée rapidement.

En réponse à M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Paul Charié a ajouté que l’argumentation de ce dernier correspondait pour une large part aux réticences spontanées des lobbyistes qu’il avait entendus pour la préparation du rapport mais que ces réticences s’étaient estompées après discussion. Les propositions avancées ne visent en aucun cas à organiser le lobbying pour le régenter. L’arrivée d’autres lobbyistes n’est pas non plus une perspective que l’on doit craindre. Elle enrichira les sources d’information des parlementaires. La « Revue Parlementaire » a été très sensible à l’exploitation par certains du terme « parlementaire », notamment pour l’organisation de colloques, et a proposé d’engager un travail de vulgarisation et d’explication de la complexité du travail parlementaire. Cette initiative ne peut qu’être encouragée et figurera dans les propositions du rapport. Le Parlement doit aider l’ensemble de la presse à mieux mettre en valeur ses travaux. En ce qui concerne le registre, tous ceux qui n’y seront pas inscrits mais qui pensent pouvoir apporter un éclairage particulier lors de l’examen d’un texte par exemple pourront solliciter une inscription temporaire, afin de pouvoir être consultés.

Mme Catherine Coutelle a déclaré avoir été particulièrement surprise, en tant que nouvelle députée, par la quantité de courrier reçu par les parlementaires, émanant notamment d’associations ou d’entreprises. Elle a rappelé les réticences que suscite en France le terme de lobbying, alors que cette pratique est particulièrement développée au Parlement européen et à la Commission européenne. Elle a demandé si le rapport s’était inspiré de cette expérience communautaire et des mesures qui avaient été prises à Bruxelles pour encadrer le lobbying. Elle s’est également interrogée sur la fonction exacte du lobbyiste, si celui-ci n’est « ni un commercial, ni un chargé de relations publiques » ?

Elle a déploré les réticences et l’attitude de prévention que pouvaient parfois avoir des représentants du monde économique pour engager des discussions avec des élus. Ainsi, une entreprise de sa circonscription qu’elle a rencontrée au cours de sa campagne ne la reçoit plus depuis son élection au Parlement, ce qui est tout à fait dommage.

Elle a déclaré ne pas avoir d’avis sur la tenue du registre mais ajouté que toute démarche de réglementation du lobbying allait plutôt dans le bon sens. Elle a enfin estimé que les débats sur la gratuité des numéros en 08, par exemple, auraient sans doute été plus aisés si les députés avaient plus d’information en amont pour décider.

M. Serge Poignant a distingué le lobbying, qui est une action, du lobbyiste, qui est une personne. Comment situer cette personne dans une entreprise, sachant qu’il existe déjà des chargés de relations publiques et des chargés de relations avec le Parlement et que ce ne sont pas seulement ces derniers qui sont reçus par les parlementaires ? Quelle est la place du lobbyiste dans le lobbying ? À quel échelon faut-il s’adresser également, sachant que les organisations professionnelles ont aussi des personnes chargées des relations avec le Parlement ? La proposition de la « Revue Parlementaire » de mettre en avant le travail des députés en le vulgarisant est par ailleurs une très bonne chose.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a indiqué qu’il n’avait pas trouvé dans la langue française de terme plus adéquat que celui de lobbyiste ; le terme d’informateur, bien que collant à la réalité de la fonction, est trop connoté. Le rapport d’information analyse les situations du lobbying aux États-Unis, en Allemagne, et au sein des institutions communautaires. Aux États-Unis, le lobbyiste, qui utilise des moyens financiers pour contraindre, est aussi un acheteur du monde politique, ce qu’il convient impérativement d’éviter. Pour des raisons matérielles, les lobbyistes ne pourront être tous présents en même temps à l’Assemblée nationale, comme c’est possible à Bruxelles. En revanche, en Allemagne, il n’existe pas de différences de culture avec notre pays. Il y a une différence notable entre les fonctions de commercial, de responsable des relations publiques et de lobbyiste. Le rôle du commercial est de faire en sorte que son entreprise obtienne un marché et soit retenue par un client. Le rôle du responsable des relations publiques consiste simplement à donner une bonne image de l’entreprise auprès des élus. Il peut certes y avoir dans la pratique confusion entre celui-ci et le lobbyiste mais le rôle du lobbyiste est avant tout de donner une bonne information au bon moment à un parlementaire.

En tant que chef d’entreprise de profession, le rapporteur a notamment regretté avoir constaté parfois que des maires construisaient des parkings sans consultation préalable des entreprises de transports ou des stations d’épuration sans prendre l’attache des industriels de la région. Il faut également convaincre les entreprises d’avoir des lobbyistes. Les parlementaires doivent avoir des informations précises sur l’expertise des entreprises et connaître les personnes susceptibles de les informer. Malheureusement, le lobbying est aussi parfois mal vu dans les entreprises et confondu avec la fonction commerciale. La mention de lobbyiste n’apparaît d’ailleurs jamais sur une carte de visite. Pourtant, le lobbying mériterait d’être valorisé.

La commission a autorisé la publication du rapport d’information.

ANNEXES

Une première à l’assemblée, salle Colbert,
participation de 350 lobbyistes !

Compte rendu de la réunion Parlement sur le lobbying, du 15 février 2007 :

Le président Patrick Ollier a souligné l’importance de ce colloque, et rappelé que la Commission des affaires économiques était en permanence confrontée à ces questions. Il a remercié M. Jean Paul Charié d’avoir pris cette initiative, alors que les choix de société qu’appellent les élections présidentielles et législatives recouvraient aussi une conception des relations entre le monde politique et celui des entreprises. Il fut lui-même à l’origine du changement de nom de la commission de la production et des échanges, désormais commission des affaires économiques, pour affirmer son champ de compétences à l’égard du monde de l’entreprise. La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique et celle du 2 août 2005 en faveur des PME sont symboles les plus frappants d’une préoccupation constante.

Le président Patrick Ollier a constaté que l’expression de lobbying est désormais consacrée, même si l’on peut regretter qu’aucun équivalent français consensuel n’existe. La réalité du lobbying doit être abordée de front. Des scandales retentissants (procès Abramoff aux États-Unis) et des polémiques récentes en France (présence de lobbyistes près de l’hémicycle lors des débats sur les droits d’auteur, plaintes d’élus verts contre l’invitation de parlementaires à la coupe du monde de football), et des ouvrages comme celui de M. Vincent Nouzille et de Mme Hélène Constanty dont le président Ollier a dénoncé le caractère trop partiel, appellent à une réflexion d’ensemble sur les pratiques de lobbying et le lien entre les univers politique et économique.

Distinguant deux enjeux, l’efficacité et la transparence, que les citoyens réclament avec force, il a estimé que c’est l’intérêt général qui devait servir de ligne directrice.

Il a rendu hommage à Jean-Paul Charié, et à son action en faveur des entreprises, notamment à celles du secteur des foires et salons, pour lesquelles s’est enclenchée une dynamique commune exemplaire.

Il ne peut y avoir de bonnes lois mal préparées, ce qui implique une concertation le plus en amont possible, ce à quoi la commission s’efforce, menant des échanges réguliers, chaleureux mais parfois difficiles, avec les entrepreneurs. C’est une nécessité, de nombreux élus n’étant plus en poste en entreprise, ou n’y ayant jamais travaillé. Les auditions de la CGPME et de son président M. Jean-François Roubaud, celle la veille de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, celles de MM. Noël Forgeard, Louis Gallois, Guy Dollé, Alexeï Mordachov et Lakshi Mittal ou Carlos Goshn témoignent de cette volonté, dont il est dommage que la presse ne lui accorde pas plus d’intérêt.

Le président Patrick Ollier a affirmé l’importance d’un code de déontologie, pour que les lobbyistes puissent accomplir leur mission la tête droite, et les acteurs politiques ne soient plus soupçonnés en permanence.

M. Jean-Paul Charié a ensuite présenté les enjeux de ces travaux pour la démocratie, les politiques et les lobbyistes. Voir le Relevé d’éléments, distribué.

Premier débat

M. Thierry Del Jésus, journaliste auteur du Top 100 du lobbying, a fait part de quelques observations sur les lobbyistes des entreprises du CAC 40 :

– le parcours professionnel de beaucoup de lobbyistes, souvent élus ou anciens élus, anciens des cabinets ministériels, membres actifs de partis politiques ou assistants parlementaires interdit de parler dans leur cas d’une méconnaissance du fonctionnement de la vie politique. D’autres viennent de leur filière professionnelle et ont une approche plus technicienne. Les autres tablent sur l’expertise et la communication ;

– la fonction de ces lobbyistes est difficilement identifiable dans les organigrammes de leurs entreprises ; la variété des dénominations sur la liste des participants à la présente réunion est révélatrice ;

– la discrétion augmente à mesure de la proximité avec la sphère politique et l’importance des enjeux ;

– les lobbyistes défendent des intérêts particuliers, c’est aux responsables politiques de défendre l’intérêt général.

M. Mickaël Jaïs, directeur général adjoint d’Augure France, fournisseur de logiciels et de sources d’informations pour les professionnels des relations institutionnelles a mis en avant quelques spécificités hexagonales, posant la question d’une « exception française » en matière de lobbying :

– une interaction très faible entre les fonctions de relations institutionnelles et de communication, par rapport à ce qui se pratique au Royaume-Uni ou en Espagne, ce qui a des implications, la communication des entreprises étant en France bien plus défensive qu’offensive ;

– un périmètre d’activité assez restreint, les élus locaux et la fonction publique déconcentrée, les universitaires et les ONG et associations ne figurant que peu souvent dans les carnets d’adresses des lobbyistes ;

– un usage embryonnaire des NTIC, et notamment de la veille en ligne et des ripostes, des sites dormants destinés à être activés en cas de crise, et les sites débats, alors que le recours à de tels outils est 5 à 6 fois plus important au Royaume-Uni, et 2 à 3 fois plus en Espagne.

Observations de la salle

M. Jean-François Roubaud (président de la CGPME) : ce sont les élus et les fédérations professionnelles représentatives qui portent l’intérêt général, pas les entreprises du CAC 40. Les projets menés de manière expéditive et sans consultation sont les plus dommageables pour les entreprises, et nécessitent un « lobbying négatif » pour en atténuer les conséquences. Au contraire, les rencontres hebdomadaires des représentants des PME avec les élus à Paris et à Bruxelles sont un exemple de bonnes pratiques. La transparence est l’un des grands enjeux et entreprises comme élus ne devraient rien avoir à cacher ; un annuaire recensant de manière précise les centres d’intérêt des parlementaires serait un outil précieux.

M. Daniel Paris (groupe ACCOR) : qu’est-ce que l’intérêt général ? Les intérêts divergents des producteurs et des consommateurs d’électricité, flagrants lors des débats sur la loi relative au secteur de l’énergie, ont montré qu’il était difficile de le définir.

M. Jean-Christophe Adler (président de l’AFCL) : Enfin, la représentation nationale se saisit des problèmes déontologiques posés aux lobbyistes comme aux élus, alors que l’AFCL a entamé cette démarche il y a plus de quinze ans. Les lobbyistes ne défendent pas l’intérêt général, ce qui est le rôle des élus, conformément à la tradition politique française depuis la Révolution de 1789 et l’abolition des corps intermédiaires. Le vrai débat est celui des modalités d’exercice du lobbying.

M. Alain Chastagnol (Lagardère Active) : alors que le lobbying à Bruxelles est facile et efficace, il n’en va pas de même en France. Hachette Filippachi Médias possède un code de déontologie, qui pourrait être facilement étendu.

M. Christophe Cevasco (Total) : nous représentons des intérêts catégoriels. Mais les ONG et les associations font aussi du lobbying, l’UFC Que choisir défend les intérêts d’une catégorie, les consommateurs comme la CGPME ceux des petites entreprises. L’une des difficultés d’action vient des contraintes très fortes du temps parlementaire et de la complexité des sujets qui devraient conduire à privilégier l’information en amont des parlementaires. Encore faut-il pouvoir identifier les parlementaires réellement intéressés par tel ou tel sujet. L’appartenance à un groupe d’études ne le permet pas, car on ne sait pas qui s’y implique vraiment.

M. Victor Demaria-Pesce (INSERM) : le lobbying a une dimension particulière pour les chercheurs, puisque la mise à disposition d’informations et de connaissances est un objectif spécifique de la recherche scientifique. Faire du lobbying fait partie des missions d’organismes publics.

Mme Odile Warin-Maillet (Lagardère interactive) : le travail préparatoire des rapporteurs peut leur permettre d’entendre toutes les parties intéressées. Le travail des rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a, à cet égard, été exemplaire.

Intervention de M. Jacques Marseille, professeur à l’université de Paris-I :

Le lobbying est très efficace en France comme l’illustrent deux exemples : il suffit d’installer des tentes au bord du canal Saint-Martin pour obtenir des pouvoirs publics un projet de loi et le déblocage de crédits supplémentaires qui seront inutiles, une nette majorité de sénateurs a rejeté un amendement tendant à supprimer la scandaleuse majoration des pensions des retraités de la fonction publique installés outre-mer qui coûte 250 millions d’euros par an.

Les mots ont leur importance. « Lobbying », mot anglais, comme « stock-option », renvoie spontanément au méchant marché et est donc péjoratif en France. Il faudrait définir un vocable français.

Le débat précédent opposant l’intérêt général et les intérêts particuliers illustre le caractère non libéral de notre culture politique, le libéralisme définissant l’intérêt général comme la somme des intérêts particuliers.

Notre système institutionnel ne favorise pas le lobbying auprès du Parlement ; le pouvoir législatif ayant peu de prérogatives, il est plus utile d’agir auprès de l’exécutif ou des institutions européennes.

On pourrait faire une histoire du lobbying à partir de l’histoire des niches fiscales dans notre pays, comme l’illustre, en dernier lieu, l’échec de la tentative de remettre en cause les dispositifs prévus par la loi Malraux.

Faute de relations avec les pouvoirs publics, les entrepreneurs français, qui les connaissent mal, ont développé une culture poujadiste.

Le problème de fond est que les grandes entreprises, qui ont les moyens de faire du lobbying, n’y ont plus guère d’intérêt, l’essentiel de leur activité se déroulant hors de France et que les petites, qui y auraient intérêt, n’en ont pas les moyens.

Mme Marie-Thérèse Suart, directeur des Relations institutionnelles de Veolia, secrétaire générale de l’Association pour les relations avec les pouvoirs publics (ARPP) : l’ARPP s’est préoccupée de la traduction française du mot « lobbyiste » et a fait travailler sur le sujet un linguiste dont les diverses propositions (persuadiste, corridoriste) n’ont pas convaincu.

M. Alain Chastagnol (Lagardère Active) : il conviendrait d’évoquer les groupes de conseil plutôt que les groupes de pression.

M. Jean-Christophe Adler (président de l’AFCL) : des esprits éminents, comme André Siegfried ou Michel Crozier, se sont penchés en vain sur la traduction du terme de lobby ; nous assumons le vocable anglais. Il y a, par ailleurs, une contradiction dans l’intervention de M. Jacques Marseille qui évoque à la fois le manque de pouvoirs du Parlement et sa capacité à bloquer des réformes fiscales.

M. Jean-Paul Charié : il ne faut pas confondre lobbying professionnel et influence de manifestations ou d’actions politiques sur les parlementaires.

Deuxième débat

Mme Perrette Rey, présidente du tribunal de commerce de Paris et de la Conférence générale des tribunaux de commerce, a rappelé le propos d’Alain selon lequel « une bonne loi est une loi qu’on ne fait pas mais qui pousse de la société comme les rejetons poussent des rosiers » et a souligné la nécessité d’une plus grande prise en compte des réalités du terrain et de l’impératif d’efficacité dans la production normative, qui est, par ailleurs, trop abondante.

Il faut améliorer les projets de loi à l’occasion de leur discussion par le Parlement comme cela est souvent le cas. L’exemple de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises l’illustre bien. Conçu au sein des bureaux de la chancellerie par des fonctionnaires ignorant tout des entreprises, le projet de loi initial négligeait les deux règles que doit impérativement respecter une procédure efficace d’intervention dans les difficultés d’une entreprise, la préservation de la confiance entre les partenaires et le maintien d’une certaine confidentialité. Grâce à l’action de lobbying conduite, le Parlement a modifié le texte et la procédure qu’il a réintroduite, reposant sur l’intervention d’un mandataire ad hoc, est aujourd’hui celle qui est utilisée dans 95 % des cas. L’utilité du lobbying est donc incontestable.

Il s’agit toutefois d’une activité qui suscite de la méfiance et il convient donc de prévenir toute accusation en garantissant une totale transparence des actions conduites. Tout le monde doit pouvoir faire entendre sa voix pour que les parlementaires, gardiens de l’intérêt général, puissent trancher en toute connaissance de cause. Il est clair que les plus petites entreprises n’ont pas les moyens de le faire.

M. Vincent Nouzille, journaliste, co-auteur de « députés sous influences », a noté que, lorsqu’il avait commencé à la préparation de son livre, de nombreux interlocuteurs estimaient qu’il n’y avait pas là un sujet digne d’intérêt et que le lobbying n’existait pas ou ne posait pas de problème.

Les esprits ont manifestement évolué comme en témoigne tant l’initiative de M. Jean-Paul Charié que celle de ses collègues Mme Arlette Grosskost et M. Patrick Beaudouin.

Les journalistes sont là pour lever des tabous et nourrir le débat public. Il reste une grande opacité en matière de lobbying malgré les invocations rituelles de la transparence. Il est ainsi surprenant que des députés aient ignoré que leurs assistants étaient rémunérés par d’autres en qualité de lobbyiste. Il est également surprenant qu’aucune publicité ne soit donnée à l’activité des groupes d’études. L’organisation des colloques, les modalités de délivrance des badges d’accès au Palais-Bourbon ou les invitations de parlementaires méritent également un intérêt particulier.

Observations de la salle

M. Sylvain de Mullenheim (DCN) : L’importance de la transposition du droit communautaire dérivé limite l’intérêt de l’action de lobbying auprès du Parlement français et devrait conduire à aligner les règles applicables en France sur celles prévues par les institutions européennes auprès desquelles l’activité de lobbying est très institutionnalisée.

Mme Nicole Grislain (France Télécom) : il est difficile de faire accepter dans les entreprises l’activité de lobbying. Le problème de fond est l’origine socio-professionnelle des députés : combien d’entre eux sont issus de la société civile et les conditions de reprise de leur activité professionnelle après leur mandat ne devraient-elles pas être modifiées ? Les propositions de M. Jean-Paul Charié s’agissant de la question des badges d’accès et de la création d’une salle dédiée aux contacts entre lobbyistes et députés sont pertinentes.

M. Jean-Paul Charié : la question du statut des députés n’entre pas dans le champ des travaux de la réunion. Indépendamment des expériences personnelles des élus, il convient de leur apporter toute l’information qui leur utile, en particulier pour leur permettre d’éviter d’adopter des dispositions produisant des effets contraires aux objectifs recherchés.

M. Vincent Nouzille : la transposition du droit communautaire laisse une grande marge de manœuvre aux Parlements nationaux et le lobbying peut être intense sur des projets de loi de transposition de directive, comme l’illustre, par exemple, la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information. S’agissant de l’origine socio-professionnelle des députés, il faut se garder des idées reçues, l’Assemblée nationale élue en 2002 ne compte qu’environ 150 anciens fonctionnaires et agents publics. 220 députés sont originaires du monde de l’entreprise.

M. Jean-Christophe Gallien (Porter Novelli) : le rôle du député en tant que lobbyiste de sa circonscription est très peu assumé en France alors qu’il l’est clairement dans les pays anglo-saxons.

M. Jean-Pierre Vigouroux (CEA) : la proposition d’une salle dédiée aux contacts entre lobbyistes et députés ne me convainc pas. L’information des parlementaires ne peut se faire à chaud mais doit être préalable.

M. Jean-Paul Charié : l’idée serait de permettre d’apporter aux députés qui le souhaitent un complément d’information pour apprécier des arguments nouveaux apparus en séance publique.

M. Jean-François Lecomte (Thomson) : une expérience de 30 ans dans le lobbying me conduit à proposer une définition de celui-ci. Le lobbying est l’attitude de celui qui veut s’intéresser à l’évolution d’un cadre réglementaire le concernant. Il doit donc avoir pour objet une réglementation en cours d’élaboration par les autorités légitimes pour l’édicter mais non une décision individuelle comme l’attribution d’un marché. Il doit avoir pour destinataire l’autorité publique en question et comme acteur, une personne privée intéressée à l’évolution de la norme envisagée. Enfin, le lobbying exclut toute forme de corruption. Il y a donc une totale confusion lorsque l’on évoque le lobbying du Premier ministre britannique dans le processus de sélection de la ville devant accueillir les Jeux Olympique de 2012 qui ne répond pas à ces critères.

Troisième débat

Mme Marie-José Ranno, présidente de l’ARPP, a estimé qu’un code de déontologie commun serait la marque de la professionnalisation du lobbying, de la reconnaissance de cette profession, et en permettrait un meilleur contrôle. Des codes très élaborés existent déjà dans d’autres pays, comme au Canada, la Commission européenne a formulé des propositions. La France elle-même compte des précurseurs : l’ARPP a établi sa charte il y a déjà une quinzaine d’années. Trois questions se posent : qui rédigera le code, quel sera son contenu, quel contrôle et quelles sanctions prévoir ? L’Assemblée nationale et le Sénat ne devraient-ils pas œuvrer de concert ? Comment associer les lobbies, et des personnalités extérieures, à ces travaux ?

Deux grands principes doivent orienter le code de déontologie : l’éthique et le professionnalisme. Deux règles doivent s’articuler : la transparence (identification des lobbyistes, exactitude des informations) et la confidentialité nécessaire à la stratégie des entreprises. S’y ajoutent une série d’autres règles, de non-cumul des fonctions, d’inscription sur un registre, etc ;

M. Jean-Christophe Adler, président de l’AFCL, a souligné l’intérêt de la démarche européenne : le Livre vert proposé par le commissaire Kallas pose la question de la meilleure manière de prendre l’avis des administrés européens, et des moyens de recueillir cet avis dans des conditions transparentes. Depuis 1991, la charte de l’AFCL vise quant à elle à affirmer l’existence de l’activité de lobbyiste, et à l’encadrer par des règles de déontologie. Elle reprend des règles qui existent pour la fonction publique, l’usage de données, préconise l’identification des lobbyistes auprès des bureaux des assemblées.

Il s’est déclaré défavorable à l’idée de prévoir une nouvelle loi pour officialiser un code de déontologie commun, alors que la réglementation en la matière est déjà importante. Des lois aussi anciennes que précises n’ont pas permis de prévenir les scandales aux États-Unis, et le commissaire canadien au lobbying n’est jamais saisi ; enfin, un encadrement trop rigide risquerait d’induire des comportements de contournement.

Il a estimé qu’en ce qui concerne le statut des assistants parlementaires, qui cumulent parfois plusieurs fonctions de manière problématique, ou les colloques parlementaires, il appartient à l’Assemblée nationale d’apporter des réponses.

L’AFCL et l’ARPP vont se rapprocher pour mener un travail en commun sur ce projet de code de déontologie.

Observations de la salle

Mme Marie-Laure Boulot, consultante : il faut intégrer à la réflexion le cas des lobbyistes défendant en France l’intérêt d’entreprises étrangères. Pourquoi ne pas réfléchir à une grande école européenne du lobbying ?

M. Thierry Del Jésus : quels moyens de contrôle et de sanction prévoir ? Faut-il mettre en place un organisme indépendant ?

M. Olivier Jay, rédacteur en chef d’Usine nouvelle a conclu les travaux en saluant l’objectif de rapprochement du monde politique et du monde économique.

Il a décrit un « triangle maléfique » : celui des sentiments (hypocrisie, naïveté), de la bureaucratie (besoin de loi, de charte), héritage d’une longue tradition bien symbolisée par Colbert, et du poids de l’argent.

Il a défini le lobbying comme la confrontation transparente des intérêts dans une société complexe, médiatisée et ouverte.

Résultats bruts des consultations individuelles

« Pour être efficaces, les politiques doivent être humbles. Dans un monde de plus en plus complexe, il est impossible de réussir une politique sans associer ceux qui la mettent en œuvre. Organisons et développons le lobbying au lieu de nous en méfier. »

Votre rapporteur a diffusé le 31 juillet 2007 son document de travail intitulé « Vers un Livre bleu du lobbying en France ». Ce document a été distribué aux députés de la Commission des Affaires économiques ainsi qu'à de nombreux représentants d'intérêts exerçant une action de lobbying auprès du Parlement.

Le but de cette étude est de recueillir et d'analyser les positions des lobbyistes sur le développement du lobbying parlementaire en général et sur les outils de développement proposés par votre rapporteur.

Afin de mener à bien cette consultation, un questionnaire synthétique recouvrant les propositions clés du document de travail a été élaboré.

Dans la première partie du questionnaire, les lobbyistes ont ainsi été interrogés sur les propositions suivantes, qui seront détaillées plus loin dans ce document:

1) le registre national des lobbyistes,

2) une salle réservée aux lobbyistes à l'AN,

3) les consultations préalables des lobbyistes,

4) l'annuaire des parlementaires par spécialisation et

5) la révision du dispositif d'organisation des colloques.

Dans la seconde partie du questionnaire, 5 questions ouvertes ont été élaborées afin de faire le point sur la situation actuelle du lobbying parlementaire et de mettre en exergue les attentes et suggestions des lobbyistes interrogés.

Pour cette étude, les réponses de 32 lobbyistes ont été analysées, dont 22 obtenues à l'issue d'entretiens. Les réponses ne sont utilisées que d'une manière globale et non individuelle.

La plupart des lobbyistes consultés ont accepté de répondre aux questions qui leur ont été adressées. Certains représentants d'intérêts que nous avons contactés ont toutefois préféré ne pas se prononcer individuellement et exprimer leur opinion via la position commune de l'Association des Représentants auprès des Pouvoirs Publics.

Définir le lobbying :

Avant d’aborder les outils de développement du lobbying, il paraît important de s’arrêter tout d'abord sur la définition de la notion de « lobbying », étant donné qu'un grand nombre de lobbyistes ont souhaité réagir à ce sujet.

Dans le document de travail, votre rapporteur propose de définir le lobbying de la façon suivante :

Le lobbying, émanation du secteur privé ou d’une catégorie particulière d’acteurs publics, aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Pour cela le lobbyiste fournit directement et spécifiquement au monde politique les informations et expertises dont il a besoin dans l’exercice de ses missions.

Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l’acteur politique.

Le lobbyiste n’est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques. Il est l’interface entre le monde politique et celui qu’il représente. Il est un partenaire du politique mais il ne se substitue pas à lui.

La majorité des interlocuteurs de votre rapporteur partage incontestablement cette vision et approuve que la fonction du lobbying est d'aider et d'informer les décideurs publics. De nombreux représentants d'intérêts souhaitent souligner tout particulièrement l'apport du lobbying pour améliorer le fonctionnement de la démocratie et pour aider le monde politique à « gérer la complexité » des sujets traités. Un interlocuteur demande même d' « insister sur le fait que le lobbying n'est pas de la communication d'entreprise ».

Observations et suggestions générales sur la définition du lobbying :

Certains lobbyistes considèrent comme réductrice la définition du lobbying comme action émanant uniquement « du secteur privé ou d’une catégorie particulière d’acteurs public ». Ils affirment, à l'instar de ce représentant d'un cabinet de lobbying, que « le lobbying se caractérise avant tout par des méthodes d'action et de dialogue. Il n'est pas nécessaire d'être lobbyiste pour faire du lobbying. »

Un lobbyiste illustre son point de vue en faisant référence au niveau européen: « A Bruxelles, la France ne représente qu'une voix parmi 27. L'État ne peut donc y incarner l'intérêt général. Étant donné qu'une grande partie de la législation émane du niveau européen, les fonctionnaires des administrations nationales sont contraints d'agir de facto comme lobbyistes à Bruxelles pour faire valoir leurs points de vue. »

Un autre lobbyiste explique que les parlementaires peuvent eux-mêmes être amenés à faire du lobbying: « Lorsqu'un lobbyiste agit par le biais d'une stratégie d'influence indirecte, son travail consiste à convaincre un député, pour que celui-ci relaye une certaine cause auprès de ses collègues. »

D'autres lobbyistes soulignent dans leur réponse la nécessité d'inclure le monde associatif dans le champ des entités exerçant du lobbying. « Ces acteurs, qui utilisent les mêmes méthodes de lobbying que les entreprises, doivent également être soumis aux mêmes droits et devoirs que celles-ci. » Ainsi, un lobbyiste propose de définir le lobbying comme « émanation du secteur privé ou associatif ou d'une catégorie particulière d'acteurs publics ».

Autre précision apportée par un interlocuteur: « L'outil principal du lobbying, qui le distingue [de la pratique] des relations publiques, c'est l'écrit de nature institutionnelle. La fonction du lobbyiste est d'apporter une proposition de solution à un enjeu politique. »

La dimension interne du lobbying :

Certains lobbyistes suggèrent d'insérer la dimension interne dans la définition du lobbying. Un interlocuteur explique cet aspect du métier de lobbyiste : « À l'intérieur de l'entité qu'il représente, le travail du lobbyiste consiste à expliquer les enjeux de la prise de décision publique et à faire comprendre le décalage entre exigences économiques et contraintes politiques. »

« Notre rôle est totalement transversal » rappelle un autre correspondant, qui explique qu'un lobbyiste est indubitablement amené à travailler avec un très grand nombre de services de l'entité qu'il représente.

Un représentant d'une fédération professionnelle insiste sur la confiance en interne, dont doit pouvoir bénéficier le lobbyiste : il faut que le lobbyiste soit en mesure de recevoir les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

D'où l'importance du positionnement en interne qui apparaît pour la majorité des personnes interrogées comme une question cruciale. À ce sujet, les lobbyistes sont unanimes: « Le lobbyiste salarié (entreprise ou fédération professionnelle) ne doit dépendre que du Président, du directeur général ou du secrétaire général et en aucun cas du directeur juridique, même s'il est amené à travailler beaucoup avec celui-ci. »

1) Le registre national des lobbyistes :

La proposition :

L’Assemblée nationale, ou le Parlement avec le Sénat, créerait et tiendrait à jour, sur site Internet, un registre des lobbyistes professionnels. En échange de l’inscription sur ce registre, les lobbyistes pourraient recevoir une accréditation leur permettant d’accéder aux locaux du Parlement.

Aperçu général :

Les lobbyistes accueillent très favorablement l'idée de créer un registre national des lobbyistes. Seuls 2 lobbyistes sur les 31 consultés émettent de fortes réserves quant à ce projet.

Les éléments évoqués le plus fréquemment en faveur du registre sont la transparence et l'accès équitable aux locaux du Parlement. Le registre est perçu par de nombreux représentants d'intérêts comme un outil nécessaire au contrôle et à la régulation de l'exercice du lobbying parlementaire. Nombreux sont ceux qui espèrent que le registre permettra de mettre un terme aux pratiques « opaques » et « discriminantes » d'obtention de badges d'accès à l'Assemblée.

Un des résultats escomptés par la création du registre est de « faciliter les contacts avec les parlementaires ». Un représentant d'une grande entreprise souligne que la valeur ajoutée du registre est aussi de permettre aux parlementaires de mieux appréhender « l’identité, la nature et le nombre des acteurs à consulter dans le cadre de l’exercice de leur mission. ».

Pour certains interlocuteurs, le registre incarne « une reconnaissance de la profession de lobbyiste ». Il pourrait même « apporter un statut valorisable en interne [dans l'entreprise], qui contribuerait à une meilleure reconnaissance de la fonction de  'chargé des relations avec le Parlement' ».

« Créer des statuts n'est pas utile. On ne se déclare pas lobbyiste » rétorque un des lobbyistes sceptiques. Un autre exprime sa crainte d'une inscription massive des lobbyistes sur le registre, ce qui donnerait lieu à une situation ingérable du point de vue du contrôle du lobbying dans les locaux du Parlement. Cette éventualité est contestée par un lobbyiste d'une grande entreprise, qui fait valoir que le Sénat n'a pas eu de problème avec un système d'accréditation de ce type.

Présence physique permanente au Parlement :

La mise en place du registre suscite indubitablement la question de l'importance de la présence physique permanente au Parlement. Sur ce point, les avis sont divisés, bien que personne ne conteste l'utilité de se rendre au moins ponctuellement dans les locaux du Parlement. Selon un cabinet de lobbying, l'importance de la présence physique sera « relative au rôle que joue le Parlement dans le système politique français. »

De nombreux autres lobbyistes considèrent que la présence physique permanente est dès à présent un élément indispensable. « Il est essentiel pour un lobbyiste d'être connu et reconnu », rappelle un représentant d'une fédération professionnelle et il ajoute: « Une partie du travail d'un lobbyiste est de rencontrer les députés dans les couloirs, souvent ' par hasard ' ».

20% des lobbyistes interrogés estiment toutefois que la présence physique n'a jusqu'ici pas constitué un aspect primordial de leur action de lobbying. Un représentant d'intérêts explique la méthode de son entreprise: « Nous utilisons avant tout la technologie des systèmes d’information comme Internet pour gérer nos contacts avec les parlementaires, tout en sollicitant des rencontres si nécessaire. »

Conditions d'inscription au registre :

Les lobbyistes ont ensuite été interrogés sur les conditions d'inscription au registre.

En premier lieu, il leur a été demandé si le lobbyiste doit selon eux déclarer sur le registre le nom des entités qu'il représente. La réponse est unanimement affirmative. Cette condition a été qualifiée d'« indispensable », d'« élément nécessaire à la transparence », voire d' « évidente ». «Nous n'avançons jamais cachés! », s'exclament d'ailleurs de nombreux lobbyistes.

Un lobbyiste tente toutefois de comprendre les motivations des réfractaires à cette règle : « Lorsque l’on cache l’identité des mandataires, c’est souvent pour faciliter l’obtention d’informations en amont de la prise de décision. » Et au même lobbyiste d'ajouter: « Il faut donc s'intéresser au problème de la mise à disposition de l’information. » Cette question sera évoquée ultérieurement.

La deuxième proposition suggérait que les lobbyistes soient tenus de déclarer sur le registre les domaines de compétence sur lesquels ils peuvent apporter de l'expertise. La grande majorité des lobbyistes interrogés se prononcent en faveur de cette mesure, dont l'avantage est de «  permettre aux députés d'identifier les lobbyistes compétents dans un certain domaine. »

Certains tiennent toutefois à préciser que la liste ne doit pas être jugée exhaustive, à l'instar de ce lobbyiste d'une grande entreprise: « les domaines et sujets sur lesquels le lobbyiste peut apporter une ' expertise ' sont évolutifs. ». Un autre lobbyiste insiste: « Un lobbyiste doit pouvoir s'exprimer également sur d'autres sujets qui concernent l'entité qu'il représente. » Les lobbyistes de cabinet pour leur part rappellent le caractère généraliste de leur travail.

Un seul lobbyiste se montre ouvertement critique: « Trop institutionnaliser les lobbyistes serait contreproductif : il faut faire attention à ne pas ériger des lobbyistes de cabinet comme experts de domaines dont ils n’ont pas de connaissance, de légitimité et de représentativité. »

En troisième lieu, nous avons demandé aux personnes interrogées si un lobbyiste inscrit sur le registre devait, selon elles, s'engager à répondre aux demandes « raisonnables » d’information et d’expertise formulées par les décideurs politiques. La plus grande partie des réponses indiquent qu'il s'agit là de la fonction même du lobbying, qui a pour but de fournir de l'information et de l'expertise aux élus. « Le lobbying, c'est communiquer pour expliquer » rappelle un de nos interlocuteurs.

Un des lobbyistes interrogés affirme même que « la qualité du service d'un lobbyiste se mesure précisément à sa réactivité, à sa capacité à apporter des réponses aux décideurs dans un délai raisonnable. » Un autre, en revanche, souhaite que les demandes d'information soient motivées et inscrites dans le cadre des travaux parlementaires, afin d'éviter les usages abusifs de cette disposition.

La dernière question concerne l'adhésion aux associations représentatives des lobbyistes professionnels : est-ce qu'un lobbyiste inscrit sur le registre doit impérativement être membre d'une de ces associations ? Cette question a incontestablement suscité une levée de bouclier de la part des lobbyistes, qui se sont, à une grande majorité, déclarés non-favorables à cette mesure.

Presque tous évoquent la faible représentativité de ces associations et soulignent la nécessité de laisser aux lobbyistes la liberté de choisir. Le coût élevé de l'adhésion est également un élément soulevé à de nombreuses reprises. Par extension, certains s'interrogent sur la justification d' « assurer ainsi des revenus à des associations dont les garanties de sérieux ne sont pas clairement préétablies. »

Un lobbyiste de fédération insiste: « Une interface supplémentaire n’est absolument pas nécessaire, elle ne ferait qu’éloigner davantage l’élu du professionnel. »

Certains lobbyistes interrogés considèrent néanmoins comme recommandable le fait d'être membre d'une de ces associations. « Cela permet de mieux connaître d'autres lobbyistes et d'adhérer à une éthique commune », souligne un de nos interlocuteurs.

Enfin, un lobbyiste propose une solution alternative, selon lui plus « transparente » et « légitime »: « Les personnes enregistrées sur le registre éliraient parmi leurs homologues un / des représentants. La participation à ce vote serait dans ce cas une des conditions d'inscription au registre. »

Questions des lobbyistes :

Certaines questions subsistent sur le fonctionnement du registre :

« Qui gère ce registre ? Comment est-on rayé du registre ? Pour quelles raisons ? »

« De nombreuses entreprises utilisent les services d’agences spécialisées dans le lobbying pour certaines actions. Dans ce cas : Comment procéder avec l’inscription sur le registre ? Qui inscrire comme représentant de l’entreprise mandataire ? »

« Si le registre est disponible sur Internet, y a-t-il un risque d'être submergé de sollicitations ? »

« Comment et par qui sont agréées les associations représentatives des lobbyistes professionnels, auxquelles l'adhésion est obligatoire pour s'inscrire au registre national ? »

2) Une salle réservée aux lobbyistes proche de l'hémicycle :

La proposition :

Une salle, un bureau pour les lobbyistes directement concernés par le débat en cours. Dans cette salle proche de la salle des séances, les parlementaires pourraient très facilement aller chercher les informations de dernière minute dont ils auraient besoin.

Le principe de transparence serait respecté puisque le lieu serait officiel et ouvert à tous les députés. Le principe du contradictoire serait également respecté puisque pourraient être présents tous les lobbyistes concernés quelles que soient leurs positions.

D'une manière générale, les lobbyistes considèrent le projet d'instaurer une salle des lobbyistes comme un développement positif et utile pour leur action de lobbying. « Cela faciliterait les échanges avec les députés et permettrait d'améliorer le cadre général du lobbying parlementaire » conclut un lobbyiste, qui résume ainsi une opinion largement répandue parmi ses homologues.

Un lobbyiste de fédération précise que l'avantage de cette salle serait de fournir une « aide en direct » aux députés pour défendre un dossier lors des débats en séance. Les députés sauraient ainsi où trouver les lobbyistes. Un autre interlocuteur estime que la salle constitue « un symbole de l’évolution de la culture politique et des mentalités », qui marque l'ouverture du Parlement à la société civile.

Les réserves et doutes exprimés concernent avant tout la régulation de l'utilisation de la salle: comment faire pour que « cela ne tourne pas en cacophonie peu informative pour le parlementaire », comme le formule un de nos interlocuteurs. Certains lobbyistes attendent de la salle des moyens de travail (un fax, Internet, etc.), d'autres soulignent formellement que la salle ne doit pas devenir un bureau.

Les lobbyistes réticents affirment que « cette salle n'est pas nécessaire si le lobbying est pratiqué dans la transparence » et considèrent que c'est un projet « impossible à gérer ». Un des lobbyistes sceptiques explique: « il n'est pas judicieux de trop introduire les lobbyistes dans les locaux de l'Assemblée qui ne peut se transformer en agora ». En revanche, il faudrait selon lui favoriser la réflexion en amont et y associer plus étroitement les acteurs concernés.

Certains lobbyistes craignent que la mauvaise image du lobbying ne suscite une vive opposition à la création de la salle. Ils redoutent un effet nuisible sur l'opinion publique et préconisent d'avancer en douceur.

3) Consultations préalables des lobbyistes par les rapporteurs :

La proposition :

Grâce au registre, les rapporteurs consulteraient les lobbyistes dont le domaine de compétence correspond au sujet de la loi. Ils devront aussi accepter de consulter tous les autres lobbyistes qui, dans un délai suffisant, font valoir un intérêt légitime à être entendus.

Aperçu général :

Les lobbyistes sont très majoritairement favorables à une systématisation, à une rationalisation et à un renforcement des consultations, tel que cela est proposé dans le document de travail. Un interlocuteur parvient à traduire dans sa réponse l'état d'esprit de l'ensemble des lobbyistes interrogés: « la multiplication des consultations des acteurs concernés par les décisions publiques est un signe encourageant de maturité de la démocratie ».

Les lobbyistes évoquent comme valeur ajoutée de la proposition de votre rapporteur notamment le fait de pouvoir disposer d'une meilleure visibilité de l'ensemble des acteurs concernés par une nouvelle mesure et de pouvoir être certain d'être auditionné sur les dossiers pertinents.

Certains précisent toutefois qu'ils sont relativement satisfaits de la façon dont les consultations sont menées à l'heure actuelle. Un interlocuteur se montre soucieux de ne pas trop limiter la marge de manœuvre du rapporteur et estime que l' « on ne peut pas présumer qu'un rapporteur ne cherche pas à consulter les acteurs concernés par un projet de loi. »

Un seul lobbyiste conteste la pertinence de la réflexion sur le sujet et soutient que « c'est au lobbyiste de faire de la veille parlementaire, d'être proactif et de déclencher la consultation ».

Certains correspondants rappellent que les lobbyistes interrogés doivent être compétents et représentatifs. « Il n’est pas utile que des rapporteurs soient obligés de consulter des lobbyistes de cabinet, qui ne détiennent pas l’expertise » affirme un de nos interlocuteurs. En outre, les personnes interrogées soulignent: les lobbyistes doivent faire preuve de professionnalisme et être conscients de « la difficulté de concilier impératifs techniques et contraintes politiques. »

Les lobbyistes interrogés se montrent principalement favorables à ce que les rapporteurs systématisent la collecte des positions « minoritaires » et les affichent plus visiblement dans leurs rapports. Les quelques lobbyistes défavorables font valoir que « le travail du rapporteur doit être le relais de son ultime conviction » et qu'il doit donc pouvoir agir sans contraintes.

Publication des positions :

En question complémentaire, nous avons demandé aux lobbyistes, s'ils étaient favorables à ce que les positions et arguments entendus soient publiés, par exemple sur Internet. Cette interrogation a suscité de vives réactions et des réponses très opposées de la part des lobbyistes interrogés.

15% des lobbyistes interrogés se sont déclarés très défavorables à cette disposition, qui selon eux « viderait le lobbying parlementaire de sa substance », « pourrait tuer le débat et entraver le dialogue de fond constructif », voire « ne paraît pas conforme au simple respect des libertés ». La conséquence pourrait être selon un de nos interlocuteurs « de privilégier le lobbying au niveau des ministères au détriment du lobbying parlementaire. »

Les protagonistes de cette mesure, qui restent largement majoritaires, se montrent pour leur part très enthousiastes quant à la publication des positions. Ils font valoir l'avantage apporté par une transparence accrue, qui contribuerait « à initier un vrai débat et un dialogue positif entre les divers acteurs concernés, ce qui permettrait aux parlementaires de mieux mesurer les enjeux et conséquences des décisions à prendre. »

Un autre lobbyiste propose d'aller plus loin et de compléter la publication des positions par « un système interactif par lequel le lobbyiste se voit ensuite interrogé par le/les députés concernés et apporte ses réponses en complément. »

La plupart des lobbyistes insistent toutefois sur la nécessité de tenir compte de la confidentialité de certaines informations. Un lobbyiste explique: « une entreprise doit pouvoir donner aux élus des informations qu’elle ne peut pas donner à la presse ».

Cependant, certains semblent s'interroger sur l'efficacité de laisser aux acteurs la liberté de définir les informations qui sont confidentielles: « le risque est que chaque information soit signalée comme confidentielle, notamment pour des motifs de concurrence qu'il sera impossible d'apprécier. »

Assister aux séances des commissions parlementaires :

Certaines personnes interrogées suggèrent que les lobbyistes soient autorisés à assister aux séances des commissions parlementaires, à l'instar du système du Parlement européen.  « Cela est justifié, parce que c'est souvent lors des Commissions que l'on constate les difficultés liées aux projets débattus » explique un de nos interlocuteurs. Il ajoute que si les lobbyistes étaient interrogés lors des débats des commissions parlementaires, « ceci permettrait une mise en évidence des éventuels points conflictuels dans le cadre d’un débat public et accessible à tous les parlementaires. »

Un autre correspondant considère qu'il s'agit là de l'aspect de développement le plus important du Livre bleu. Il se justifie: « Il s'agit d'un aspect essentiel du travail parlementaire, sur lequel les comptes rendus des séances ne donnent pas une image suffisamment précise. »

Cette position ne fait pas l'unanimité parmi les lobbyistes. « Le législateur doit pouvoir travailler sereinement au sein des commissions permanentes des assemblées et ces instances doivent donc siéger à huis clos » précise explicitement un lobbyiste d'une grande entreprise, dont l'avis est partagé par un de ses homologues.

4) L'annuaire des parlementaires par spécialisation :

La proposition :

Un registre tenu à jour des députés par domaines de compétence ou sujets, qui permettrait aux lobbyistes de contacter rapidement et d’aider mieux ceux qui au bon moment sont concentrés sur le sujet concerné.

La grande majorité des lobbyistes trouvent intéressante la proposition de concevoir un annuaire des parlementaires par thèmes. Un des lobbyistes interrogés constate: « Le lobbying, plus qu’une valorisation d’un carnet d’adresses, doit aussi être développé pour améliorer la connaissance des politiques par les entreprises. Cet annuaire faciliterait ceci. »

La plupart de ses homologues semblent partager cette idée, même si certains d'entre eux estiment déjà disposer d'une vision assez complète des spécialisations des parlementaires par « le suivi des activités parlementaires et des rapports publiés», par un examen du « découpage actuel par Commissions parlementaires » et en entretenant des « relations durables avec les parlementaires intéressés par notre domaine d'activité ».

Il n'en demeure pas moins que pour les lobbyistes favorables à cette mesure, le fait de pouvoir identifier, via l'annuaire, les députés spécialisés dans leur secteur d'activité, « ou qui souhaitent s’y intéresser », représente une vraie valeur ajoutée. Un de nos interlocuteurs ajoute qu'il faudrait également préciser aux lobbyistes « à quel moment on peut solliciter un député et quand est-ce que l'on ne peut pas. »

Les sceptiques redoutent que l'annuaire ne soit un outil trop lourd pour remplir pleinement son rôle: « Très honnêtement, nous pensons qu'il sera difficile de sonder les parlementaires sur leurs domaines de compétence. On n'arrivera jamais à obtenir un registre complet ». Un interlocuteur s'oppose à la création de l'annuaire, car il estime « c'est le boulot des lobbyistes d'identifier les bons interlocuteurs » et de se doter d'un carnet d'adresses. Son opinion reste toutefois isolée.

Un autre représentant d'intérêts, au contraire, insiste que l'essentiel pour un lobbyiste, « ce n'est pas de connaître les personnes, mais de connaître les sujets ». Pour lui, l'annuaire et les autres outils de développement sont un moyen de « recentrer l'attention sur le cœur du métier du lobbyiste », qui consiste à apporter de l'information et de l'expertise aux décideurs publics.

Pour optimiser l'usage de l'annuaire, un interlocuteur propose de concevoir un système, qui génèrerait automatiquement, par sujet, des fiches et des tableaux (MS Excel) contenant les informations pertinentes sur les députés. Autre demande exprimée par certains lobbyistes: « un annuaire des assistants parlementaires et leur ligne directe sur Internet pour pouvoir contacter plus rapidement ces personnes. »

5) La révision du dispositif d'organisation des colloques parlementaires :

Les propositions :

1.  Les colloques, réunions d’échanges entre les parlementaires et les acteurs sont à l’Assemblée indispensables. Il faut donc les développer et les encourager.

2.  L’organisation des colloques doit répondre à une charte et des règles d'organisation sur la prise de parole, le respect du contradictoire, la définition des objectifs, les inscriptions des participants, la publicité et les comptes rendus, la transparence et la visibilité, la nature et les conditions des informations et arguments mis en avant pendant les colloques.

3.  L’organisation des colloques peut être confiée aux entreprises extérieures après un appel d’offre groupé lancé par l’Assemblée.

Les critiques formulées contre les colloques :

Le dispositif actuel de financement et d'organisation des colloques suscite de vives critiques de la part de la grande majorité des lobbyistes. Il est fréquemment qualifié d' « insatisfaisant », d' « éthiquement discutable » ou de « scandaleux », et un interlocuteur va même jusqu'à utiliser le terme « racket ».

Les points problématiques soulevés par les lobbyistes sont les suivants:

« Ce qui n'est pas acceptable, c'est la pratique consistant à organiser, dans une enceinte parlementaire et sous divers patronages publics, une manifestation dans le cadre de laquelle une entreprise est obligée de payer (souvent très cher) un 'partenariat' pour pouvoir simplement s'exprimer. »

« Ces colloques sont très coûteux pour les entreprises et il n'est pas sûr qu'ils apportent grand chose pour le parlementaire. »

« Le droit d’entrée (et de s’exprimer) est d’un coût exorbitant et pour tout dire assez opaque. »

« Les entreprises se trouvent obligées de financer ces colloques pour pouvoir être présentes, pouvoir intervenir car il leur est difficile d'évaluer les conséquences d'une ' politique de la chaise vide '. Pour parler, il faut payer ! »

« Il s'agit moins de lobbying que d'actions purement commerciales. »

« L'organisation des colloques bénéficie avant tout aux entreprises qui les organisent et non aux intervenants des colloques. »

« Trop souvent les colloques ont lieu sous le patronage d'un parlementaire qui n'est pas présent lors de l'événement. »

« Trop de monologues, aucune réactivité. Trop de discours convenus. »

« Aucun programme prévisionnel des colloques ne semble exister. (Comment prévoir d’y participer !) »

Les avantages escomptés :

De nombreux lobbyistes approuvent toutefois l'organisation des colloques sur le principe et identifient des avantages :

Les colloques permettent aux entreprises de mieux comprendre le travail parlementaire: « Les colloques nous permettent de voir intervenir les parlementaires et de recueillir les réflexions exprimées. Ainsi, nous pouvons plus précisément identifier les parlementaires qui sont concentrés sur les dossiers qui nous sont importants ».

« Ils permettent d’appréhender l’air du temps sur certaines problématiques. »

« Ils permettent les échanges avec les parlementaires. »

Réguler l'organisation des colloques :

Un grand nombre de lobbyistes appellent de leurs voeux à encadrer l'organisation des colloques au Parlement par l'élaboration de règles claires et transparentes.

Ainsi, ils se positionnent majoritairement en faveur des propositions de votre rapporteur et approuvent que « ce soit l'Assemblée nationale qui pilote et qui détermine la ligne des colloques. ». Les lobbyistes interrogés suggèrent en outre de réguler l'utilisation des salles et salons du Parlement et de « mettre fin aux exclusivités réservées à certaines entreprises et aux "copinages" ».

Une piste fréquemment évoquée est de confier à un service de l'Assemblée la tâche de contrôler et de réguler l'organisation des colloques, ce qui impliquerait également la gestion des inscriptions et l'évaluation des résultats.

Une seconde piste proposée par un interlocuteur est de créer un site Internet sur lequel seraient affichées, pour chaque colloque, les informations suivantes: 1) le nom des parlementaires parrainant le colloque, 2) le nom des participants, 3) le coût de l'événement et 4) le nom de l'entreprise chargée de l'organisation de l'événement.

De nombreux lobbyistes réclament que les colloques soient gratuits pour les participants, « de façon à ce que la possibilité de s'exprimer ne soit pas liée à la contribution financière. » L'idée que l'Assemblée nationale finance les colloques et mette en place des appels d'offres groupés pour sélectionner l'entité organisatrice, séduit la majeure partie de nos interlocuteurs.

Certains d'entre eux précisent d'ailleurs que l'Assemblée devrait dans ce cas préciser clairement le contenu, les attentes et les objectifs du colloque. Les lobbyistes opposés aux appels d'offres groupés rappellent pour leur part que ces procédures « s’avèrent souvent longues et ont pour conséquence un résultat de mauvaise qualité ».

Enfin, signalons l'attitude très critique de certains de nos interlocuteurs, qui considèrent que les colloques ne doivent pas être encouragés et n'ont pas vocation à être organisés dans l'enceinte du Parlement. « Avec le même argent, on pourrait organiser des événements plus efficaces » estime en outre un lobbyiste sceptique.

Autres axes de développement du lobbying :

Améliorer la disponibilité des informations et faciliter la communication :

Une grande partie des lobbyistes interrogés met en exergue les difficultés d'obtention des documents parlementaires de l'Assemblée, « dont la totalité n'est pas mise sur Internet ou dans des délais très longs ».

Pour faciliter leur travail, ils souhaitent la mise en place, « par thématiques, de procédures d'alerte automatique / d'envoi des documents, auxquelles un lobbyiste pourrait s'abonner par une simple inscription. Le coût pourrait être facturé aux lobbyistes. »

Certains interlocuteurs expriment leur frustration quant à la difficulté à nouer un dialogue durable avec les députés. Les lobbyistes souhaitent pouvoir améliorer leur communication avec les députés, notamment en disposant de plus d'information sur leurs agendas.

Pour encourager les contacts et permettre aux députés et lobbyistes de faire connaissance, des lobbyistes interrogés proposent également d'organiser annuellement, dans les locaux de l'Assemblée, un forum ou une journée réservée aux rencontres entre lobbyistes et députés.

Un interlocuteur va plus loin et propose la création d'un site Internet d'interface et d'échanges entre lobbyistes et parlementaires. « Ce site faciliterait la communication et favoriserait la compréhension du lobbying. Des documents parlementaires pourraient être mis en ligne sur ce site, notamment les conclusions de colloques. »

Cette plateforme pourrait selon lui également faire office de site Internet du livre bleu du lobbying, ce qui permettrait de poursuivre le dialogue et de faire évoluer la réflexion sur le développement du lobbying en France.

Les chaînes parlementaires :

De nombreux lobbyistes le suggèrent: la Chaîne parlementaire et Public Sénat pourraient agir en tant que vecteurs du débat. Des journalistes pourraient y animer, sur diverses thématiques, des débats qui réuniraient parlementaires et lobbyistes représentant divers points de vue (contradictoires).

Le développement du lobbying local :

Tous les lobbyistes interrogés soulignent l'importance de la connaissance du terrain des députés. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui considèrent le renforcement du lobbying local comme une nécessité, qu'il convient d'encourager et de développer.

« Nous ne sommes pas assez sollicités par les parlementaires en circonscription » constate un des lobbyistes interrogés tout en souhaitant « une précision des éléments du lobbying bien compris en région ».

Un autre lobbyiste explique: « Il est important que les parlementaires se déplacent sur les sites des entreprises de leur circonscription et qu'ils entretiennent des contacts plus réguliers avec elles. En effet, pour comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les acteurs économiques, il faut avoir une connaissance des " produits " qu'ils proposent sur le marché national et mondial. Il faut confronter ces produits avec les produits concurrents ; et la représentation nationale doit en être informée. »

Les voyages d'études des députés :

Votre rapporteur évoque dans son document de travail les voyages d'études à l'étranger des députés :

Les députés sont encouragés à participer à des voyages d’études à l’étranger financés par des acteurs extérieurs afin de pouvoir mieux comprendre les performances des acteurs français hors de France. Chaque député peut accepter dans l’année le financement de trois voyages maximum à l’étranger.

Par respect du contradictoire ou de l’impartialité, chaque voyage doit inclure des députés de la majorité et de l’opposition et au moins un journaliste accrédité par l’Assemblée nationale. Chaque voyage doit faire l’objet d’informations publiées sur le réseau intranet de l’Assemblée nationale.

D'une manière générale, les lobbyistes approuvent la nécessité de fixer des règles dans le but d'accroître la transparence des voyages d'études à l'étranger.

Quelques lobbyistes émettent toutefois des réserves sur certains aspects des propositions de votre rapporteur en cette matière :

– sur une possible limite de 3 voyages financés par an : « Comment empêcher une entreprise de donner une mission de deux à trois jours à un député, de surcroît ancien ministre, dans un pays étranger : rencontrer en " off " des représentants du gouvernement qu’il connaît bien en raison de ses fonctions ministérielles passées ? Aucun contrôle ne me semble possible… »

– sur la participation de journalistes : « La participation obligatoire de journalistes à ces voyages serait une erreur. Les journalistes ne peuvent pas être neutres et cela mettrait les entreprises dans l’embarras (une entreprise peut donner aux élus des informations qu’elle ne peut pas donner à la presse). »

Certains de nos correspondants suggèrent de s'intéresser également aux voyages effectués en France. « Le problème est le même lorsque l'on convie des parlementaires sur le territoire français » affirme un de nos interlocuteurs. Un autre lobbyiste précise : « Il apparaît nécessaire de se prémunir des dérives et de définir un cadre à ces voyages, beaucoup plus fréquent que les déplacements à l’étranger. Qui paye les déjeuners, les soirées ? Il faut toutefois faire attention à ne pas tomber dans un degré de précision absurde, sur le modèle de celui existant aux États-Unis. »

Enfin, un de nos correspondants estime que « le point qui pose problème est le statut des collaborateurs (notamment des épouses) qui accompagnent l'élu. » Pour ce lobbyiste, il ne paraît pas acceptable que les frais de voyages de ces personnes soient à la charge de l'entreprise qui invite le député.

Des « journées de découverte de l'entreprise » pour les députés :

De nombreux lobbyistes interrogés appellent de leurs vœux un rapprochement entre la sphère politique et le monde économique. Dans ce but, certains suggèrent de s'inspirer « des stages d'immersions en entreprise » organisés par le Sénat et de mettre en place un système similaire à l'Assemblée.

Un de nos interlocuteurs préfère parler de journées de découvertes de l'entreprise, qui seraient destinées à des délégations de membres de commissions parlementaires. « Ces rencontres, qui se tiendraient sur les sites des entreprises, permettraient aux députés d'évoluer sur la compréhension d'un problème et de sortir des schémas pré-établis dans les médias, y compris en posant des questions critiques aux entreprises. »

Le développement des groupes d'études :

Un des lobbyistes interrogés suggère d'engager une réflexion sur la « redynamisation » et le « repositionnement » des groupes d'études de l'Assemblée nationale.

Cet interlocuteur constate tout d'abord: « Les groupes d'études ont actuellement une fonction aléatoire et leur fonctionnement est souvent opaque. Les objectifs sont définis d'une manière insuffisante. Dans certains cas, le manque de règles et/ou de moyens conduit à un non-respect du contradictoire, voire à la manipulation de certains membres par une argumentation fallacieuse ou à sens unique. »

La réflexion devrait selon lui porter sur le nombre, les moyens et les thématiques des groupes d'études. Il propose de s'inspirer du système du Parlement britannique où les groupes d'études parlementaires, par ailleurs publics et transparents, sont directement financés, en parts égales, par les entreprises. « Ces entreprises peuvent ensuite être invitées aux réunions des groupes de travail ou prendre en charge des réceptions, colloques ou opérations à l'attention des parlementaires. »

En complément, cet interlocuteur propose que les entreprises mettent à la disposition des groupes d'études des cadres experts des thématiques abordées pour assister les administrateurs ou les collaborateurs des députés sur des sujets techniques.

« Les voyages à l'étranger des députés pourraient également s'effectuer dans le cadre de ces groupes d'études. Les entreprises lanceraient des appels à candidature pour des voyages d'études, auxquels les députés du groupe d'études thématique concerné pourraient participer. Toutefois, ce ne serait pas à l'entreprise de choisir qui sont les députés auxquels le voyage est proposé.  »

Groupes d'intérêts auprès du Parlement européen

Règlement du Parlement européen – Édition de novembre 2007

ANNEXE IX : Dispositions d'application de l'article 9, paragraphe 4 - Groupes d'intérêts auprès du Parlement européen

Article 1 : Laissez-passer

1.    Les laissez-passer sont constitués d'une carte plastifiée comprenant une photographie d'identité du titulaire, son nom et prénoms, et le nom de l'entreprise, de l'organisation ou de la personne pour laquelle il travaille.

Le laissez-passer doit être porté par le titulaire, en permanence et de manière visible, dans tout local du Parlement. Le non-respect de cette obligation peut conduire au retrait du laissez-passer.

Les laissez-passer se distinguent, par leur forme et leur couleur, des cartes délivrées aux visiteurs occasionnels.

2.    Les laissez-passer ne sont renouvelés que si les titulaires ont satisfait aux obligations prévues à l'article 9, paragraphe 4, du règlement.

Toute contestation de la part d'un député quant à l'activité d'un représentant ou d'un groupe d'intérêts est renvoyée aux questeurs qui examinent le cas et peuvent statuer sur le maintien ou le retrait du laissez-passer.

3.    Les laissez-passer n'autorisent en aucun cas leurs titulaires à accéder aux réunions du Parlement ou de ses organes, autres que celles qui ont été déclarées publiques, et ne leur accordent, dans ce cas, aucune dérogation aux règles d'accès s'appliquant à tout autre citoyen de l'Union.

Article 2 : Assistants

1.    Au début de chaque législature, les questeurs fixent le nombre maximum d'assistants que chaque député peut accréditer.

Au moment de leur prise de fonctions, les assistants accrédités font une déclaration écrite énumérant leurs activités professionnelles ainsi que toute autre fonction ou activité rémunérée qu'ils exercent.

2.    Les assistants ont accès au Parlement dans les mêmes conditions que le personnel du secrétariat général ou des groupes politiques.

3.    Toute autre personne, y compris celles travaillant directement avec des députés, ne peut accéder au Parlement que dans les conditions prévues à l'article 9, paragraphe 4, du règlement.

Article 3  :  Code de conduite

1.    Dans le cadre de leurs relations avec le Parlement, les personnes figurant au registre prévu à l'article 9, paragraphe 4:

a)    doivent respecter les dispositions de l'article 9 du règlement et de la présente annexe,

b)    doivent déclarer aux députés, à leur personnel ou aux fonctionnaires de l'institution l'intérêt ou les intérêts qu'elles représentent,

c)    doivent s'abstenir de toute démarche en vue d'obtenir malhonnêtement des informations,

d)    ne peuvent se réclamer d'aucune relation officielle avec le Parlement dans quelque rapport que ce soit avec des tiers,

e)    ne peuvent distribuer, à des fins lucratives, à des tiers, des copies de documents obtenus auprès du Parlement,

f)    doivent se conformer strictement aux dispositions de l'annexe I, article 2, deuxième alinéa,

g)    doivent s'assurer que toute assistance fournie dans le cadre des dispositions de l'annexe I, article 2 est déclarée dans le registre prévu à cet effet,

h)    doivent se conformer, en cas de recrutement d'anciens fonctionnaires des institutions, aux dispositions du statut des fonctionnaires,

i)    doivent se conformer à toute règle arrêtée par le Parlement sur les droits et responsabilités des anciens députés,

j)    doivent, pour éviter d'éventuels conflits d'intérêts, obtenir l'accord préalable du ou des députés intéressés en ce qui concerne tout lien contractuel avec un assistant ou toute embauche d'un assistant et s'assurer ensuite que cela est déclaré dans le registre visé à l'article 9, paragraphe 4, du règlement.

2.    Tout manquement au présent code de conduite pourra entraîner le retrait du laissez-passer délivré aux personnes intéressées et, le cas échéant, à leur entreprise.

Charte de déontologie de l’Association pour les Relations avec les Pouvoirs Publics (ARPP)

L'exercice de la profession doit être fondé sur une déontologie qui respecte les fonctions de chacun, et doit s'établir dans la plus grande transparence : c'est là un gage de confiance.

Dans cet esprit, l'ARPP s'est dotée, depuis de nombreuses années, d'une charte de déontologie.

Chaque adhérent de l'ARPP s'engage, sous peine d'exclusion, à respecter les principes suivants, dans le cadre de la législation et des règlements en vigueur :

– ne pas être membre du Parlement français ou européen ;

– agir dans la plus grande transparence ;

– respecter les fonctions de chacun. 

Il s'engage également à :

– respecter la confidentialité des informations ;

– diffuser une information de qualité, sans exclusive politique, pour établir un dialogue constructif et durable ;

– répondre avec rigueur à toute demande d'information ;

– assurer le suivi des actions entreprises ;

– s'engager à mettre les pouvoirs publics en relation avec les interlocuteurs idoines au sein de l'entité qu'il représente.

Charte déontologique de l'Association Française des Conseils en Lobbying (AFCL)

 Article 1
Le conseil en lobbying ou lobbyiste conseille des entreprises, associations ou collectivités territoriales dans la défense de leurs droits et intérêts auprès d'organismes susceptibles de prendre des décisions les affectant, au moyen de la diffusion d'une information rigoureuse reflet de l'état des connaissances disponibles.

Exercice de la profession

 Article 2
La profession de conseil ou de chargé en lobbying et affaires publiques peut s'exercer soit à titre individuel, soit en tant que salarié au sein d'une entreprise ou d'une association.

 Article 3
Toute condamnation pénale ou civile pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes m
œurs interdit l'exercice de la profession.

 Article 4
L'exercice de la profession de conseil en lobbying est strictement incompatible avec : tout mandat politique électif national ou européen ; tout emploi salarié au sein d'un cabinet ministériel, des assemblées parlementaires ou dans la fonction publique nationale, communautaire ou internationale.

 Article 5
Le conseil en lobbying se conforme aux règles en vigueur en cas de recrutement d'anciens fonctionnaires des institutions nationales et internationales.

 Article 6
Le conseil en lobbying recommande la mise en
œuvre des moyens nécessaires à la réalisation des objectifs de ses clients et employeurs. Il y participe sur les points définis en commun avec ses clients et employeurs. Il est soumis à une obligation de moyens.

Relations avec les institutions

 Article 7
Dans les contacts qu'il noue avec les institutions nationales et internationales, le conseil en lobbying déclare son identité et les intérêts qu'il représente.

 Article 8
Le conseil en lobbying déclare l'identité de ses clients et employeurs auprès du Bureau de chaque assemblée parlementaire, nationale et européenne, dès lors que la demande lui en est faite.

 Article 9
Le conseil en lobbying respecte les règlements intérieurs des assemblées représentatives nationales, européennes et internationales.

 Article 10
Le conseil en lobbying respecte les règles en vigueur pour l'obtention et la diffusion de documents officiels et s'interdit notamment de les distribuer à des fins lucratives.

Prescriptions

 Article 11
En cas de conflit d'intérêt susceptible d'intervenir entre ses clients ou employeurs sur des objectifs similaires ou concurrents le conseil en lobbying s'oblige à les en informer.

 Article 12
En raison du caractère stratégique des dossiers, le conseil en lobbying est tenu à  une obligation de confidentialité.

 Article 13
Le conseil en lobbying alerte son client lorsque ses objectifs sont contraires aux bonnes pratiques professionnelles ou aux règlements et lois en vigueur.

 Article 14
Les entreprises, associations ou collectivités territoriales ayant recours au conseil en lobbying, s'assurent de lui remettre l'information la plus honnête et la plus rigoureuse disponible.

 Article 15
Tout membre de l'AFCL s'engage à respecter les principes énoncés dans cette charte dans chacune des missions qui lui est confiée. 

L’AFCL, commentaires de septembre 2006

1. Définition et utilité du lobbying :

Qu’est-ce que le lobbying ?

Le lobbying est l’expression identifiée des enjeux de décisions législatives ou réglementaires qui seront démocratiquement adoptées. Cela passe par une information des pouvoirs publics, mais aussi, plus largement, par l’information des médias, associations, experts, acteurs économiques, etc. qui participent au débat public.

« Lobby » n’est-il pas synonyme de « groupe de pression » ?

« Groupe d’intérêt » serait un synonyme plus approprié, car le lobbying a pour vocation d’expliquer, d’argumenter, de convaincre en transmettant la bonne information au bon interlocuteur, au bon moment. La pression, l’affrontement interviennent justement quand la concertation, le débat et la négociation ont échoué ou ont été négligés.

In fine, la décision appartient bien au politique, dépositaire de l’intérêt général, qui arbitre entre les différents intérêts en présence.

A quoi sert le lobbying ?

Le lobbying a pour objectif de défendre les droits et intérêts des entreprises, des associations ou des collectivités auprès d'organismes susceptibles de prendre des décisions les affectant. C’est un moyen essentiel du processus de décision démocratique, fondé sur le débat contradictoire puis l’arbitrage des décideurs publics.

Le lobbyiste, « intermédiateur » entre des mondes aux cultures et aux logiques différentes, doit transmettre une information fiable susceptible d’éclairer la décision. Sa connaissance des rouages de la décision publique en fait un conseil utile pour bâtir une stratégie et faire valoir ses positions.

Qui a recours au lobbying ?

Acteurs publics ou privés, grandes ou petites entreprises, associations professionnelles ou ONG, collectivités, institutions, tous les acteurs dont l’activité ou l’image peut être affectée par des décisions ou des débats publics ont recours au lobbying.

Quels sont les moyens utilisés par le lobbying ?

Le premier moyen du lobbying est la diffusion ciblée d’une information rigoureuse, reflet de l’état des connaissances disponibles.

Les outils mobilisés par le lobbying sont essentiellement ceux de la communication, adaptés aux besoins des personnes à informer : notes de synthèse pour les politiques, notes techniques pour les conseillers ou les fonctionnaires, dossiers et communiqués de presse, mais aussi rencontres, tables rondes, voyages d’information, sondages et études d’opinion…

2. Lobbying, démocratie, déontologie :

Le lobbying, qui fait passer les bénéfices particuliers avant l’intérêt général, est-il compatible avec la démocratie ?

Tocqueville, penseur de la démocratie s’il en est, écrivait dans la Démocratie en Amérique : « Une association politique, industrielle, commerciale ou même scientifique ou littéraire est un citoyen éclairé et puissant qu’on ne saurait plier à volonté ni opprimer dans l’ombre et qui, défendant ses droits particuliers contre les exigences du pouvoir sauve les libertés communes. »

C’est justement dans une démocratie, quand la décision publique est prise librement, dans le cadre d’un débat public, que l’information des décideurs est nécessaire. Le débat et l’équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs sont même des conditions de la démocratie.

Quelle est la position de l’AFCL sur les projets d’encadrement du lobbying au Parlement ?

L’AFCL souligne que le lobbying ne s’exerce pas dans un désert légal : la profession est déjà encadrée par un ensemble de règles qui concernent les unes les professionnels du conseil, les autres les relations avec les pouvoirs publics. Ces règles s’imposent tout naturellement. Au-delà, l’AFCL, qui réunit, depuis 1991, les principaux professionnels français du conseil en lobbying, soutient activement l’idée d’une organisation transparente du lobbying au Parlement. D’ailleurs, la modernisation des institutions passe par un renforcement du rôle du Parlement et justifie donc une organisation du lobbying auprès des parlementaires.

L’AFCL s’est dotée dès sa création - démarche inédite à l’époque en Europe - d’une charte déontologique exigeante qu’elle met à jour régulièrement. Elle vise à éviter tout mélange des genres en arrêtant des règles strictes et très concrètes, comme :

– l’incompatibilité entre fonction de lobbyiste et fonction élective nationale ou européenne ainsi qu’avec tout emploi salarié au sein d’un cabinet ministériel, des assemblées parlementaires ou dans la fonction publique (…) (article 4)

– l’obligation de déclarer les intérêts représentés dans toute démarche entreprise (article 7).

Est-il normal qu’un assistant parlementaire puisse être rémunéré par une entreprise ou une agence de lobbying ? Non. L’article 4 de la charte déontologique de l’AFCL proscrit fermement un tel mélange des genres. Cette question pose également celle du statut des assistants parlementaires, revendication récurrente de leurs organisations représentatives.

Est-il normal que des lobbies, des entreprises organisent des voyages pour les parlementaires ? Les voyages et les visites de sites, organisés dans la transparence, dans un objectif d’information et d’échange de points de vue, font partie des moyens qui peuvent être mis en œuvre par des lobbyistes. Cela passe par la mise à disposition préalable de programmes de travail précis et, en aval, de comptes rendus circonstanciés. À l’évidence, aucun voyage d’agrément n’entre dans cette catégorie.

Sur ce sujet comme sur celui de l’organisation de colloques, l’AFCL considère que c’est à l’Institution elle-même de fixer des règles du jeu qui contribuent à la légitime et nécessaire transparence du processus décisionnel. L’AFCL y est favorable dans son principe et l’appelle de ses vœux.

3. Le métier de lobbyiste :

Ce métier est-il reconnu en France ?

Le lobbying, comme l’origine du mot le montre, s’est développé plus tôt et plus fortement dans les démocraties anglo-saxonnes qu’en France où longtemps, la tradition fut au rapport de forces plus qu’à la concertation. Mais à la faveur de la construction européenne, qui dès l’origine s’est ouverte aux intérêts économiques et aux associations, de la décentralisation et de la modernisation des processus de décision, le lobbying s’est développé et professionnalisé en France depuis le début des années 1980. Depuis, il y conquiert ses lettres de noblesse : l’ENA, les Instituts d’Etudes Politiques, les écoles de commerce, les universités font figurer le lobbying à leurs programmes, et nombre d’étudiants souhaitent embrasser cette profession… Des émissions lui sont consacrées à la télévision, à la radio. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale projette de favoriser un exercice transparent et encadré du lobbying auprès des parlementaires, comme le souhaite l’AFCL depuis 15 ans.

En quoi la pratique du lobbying consiste-elle ?

Le lobbying s’appuie sur différentes disciplines : droit, économie, communication. Il suppose aussi une bonne connaissance des institutions et plus généralement des mécanismes à l’œuvre dans la décision publique.

Dans une action de lobbying, plusieurs éléments méritent d’être mis en évidence : la légitimité de la demande d’abord : que représente le demandeur, quels sont les arguments qu’il avance ? Son articulation avec l’intérêt général et sa cohérence avec les objectifs du législateur ; La capacité à intervenir le plus en amont possible de la décision et auprès des bons interlocuteurs ; La capacité à faire entendre ses arguments selon un calendrier cohérent avec celui de la décision.

Le lobbyiste : juriste ou communicant ?

La matière première est souvent juridique, mais il s’agit d’argumenter et de convaincre ; aussi la communication est-elle essentielle. Le lobbying fait toujours appel à des techniques et à des outils de communication, adaptés aux objectifs et aux personnes visés selon les cas.

1 () Selon une expression de Claire Boussagol dans : « Influencer la démocratie, démocratiser l’influence », 2004.

2 () Chiffres tirés du magazine : « Sciences Humaines », n°177, décembre 2006, pages 8 à 13.

3 () Chiffres tirés du rapport de Jacques Floch : « La présence et l’influence de la France dans les institutions européennes ».

4 () Communication de la Commission européenne intitulée « Un dialogue ouvert et structuré entre la Commission et les groupes d’intérêt », JOCE C63 du 5.3.93.

5 () « Livre vert sur l'initiative européenne en matière de transparence. » Disponible sur internet http://ec.europa.eu/commission_barroso/kallas/doc/com2006_0194_4_fr.pdf


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