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N° 1295

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2008.

RAPPORT D'ACTIVITÉ

DÉPOSÉ

en application de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1)

Juillet 2007 – Novembre 2008

PAR Mme Marie-Jo Zimmermann

Députée.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mmes Danielle Bousquet, Claude Greff, Geneviève Levy, Bérengère Poletti, vice-présidentes ; Mme Martine Billard, M. Olivier Jardé, secrétaires ; Mmes Huguette Bello, Marie-Odile Bouillé, Chantal Bourragué, Valérie Boyer, Martine Carrillon-Couvreur, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, Marie-Françoise Clergeau, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Marie-Christine Dalloz, Claude Darciaux, Odette Duriez, M. Guy Geoffroy, Mmes Arlette Grosskost, Françoise Guégot, M. Guénhaël Huet, Mme Marguerite Lamour, M. Bruno Le Roux, Mmes Gabrielle Louis-Carabin, Jeanny Marc, Martine Martinel, Henriette Martinez, M. Philippe Nauche, Mmes Josette Pons, Catherine Quéré, MM. Jacques Remiller, Daniel Spagnou, Mme Catherine Vautrin, M. Philippe Vitel.

PREMIÈRE PARTIE : L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS S’APPREND DÈS L’ÉCOLE 9

I. MALGRÉ LEUR RÉUSSITE SCOLAIRE LES FILLES SONT TOUJOURS ABSENTES DE CERTAINES ORIENTATIONS 12

A. DES CHOIX D’ORIENTATION FORTEMENT DIFFÉRENCIÉS ENTRE LES GARÇONS ET LES FILLES 12

1. La présence croissante des filles dans les terminales scientifiques 12

a) Le choix du baccalauréat S, filière d’excellence 12

b) Les objectifs fixés dans la loi de finances 14

c) La réforme du lycée : une occasion à saisir 14

2. Ne se traduit pas dans leurs choix d’orientation après le baccalauréat 14

a) Les filières et le niveau d’étude dans l’enseignement supérieur 15

b) L’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles 16

c) Les écoles d’ingénieur : de lents progrès 17

B. DES FILIÈRES PROFESSIONNELLES FORTEMENT MASCULINES OU FÉMININES 18

1. L’enseignement professionnel : des différences de filières 19

2. L’apprentissage : toujours trop peu féminin 19

II. CE QUI ABOUTIT À UNE CONSIDÉRABLE SÉGRÉGATION PROFESSIONNELLE 21

A. UNE SÉGRÉGATION PROFESSIONNELLE PERSISTANTE 21

1. D’un métier à l’autre 21

a) La concentration des femmes dans un petit nombre de familles professionnelles 21

b) Les métiers scientifiques et techniques : lever les blocages 23

2. Entre les catégories d’emplois 24

a) Les limites de l’accès des femmes aux postes de responsabilité 24

b) Une illustration : l’enseignement supérieur et la recherche 25

B. LA FORCE DES STÉRÉOTYPES DE SEXE ET LE RÔLE DE L’ÉDUCATION NATIONALE 27

1. La part du système éducatif et celle du marché du travail dans la ségrégation professionnelle 27

2. La lutte contre les stéréotypes : un enjeu européen 28

a) Le pacte européen de mars 2006 28

b) Les priorités de la feuille de route de la Commission européenne 28

3. Le rôle de l’éducation nationale 29

a) Lutter contre la reproduction des stéréotypes de sexe 29

b) Agir sur les choix d’orientation 31

III. L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS : UN OBJECTIF AFFICHÉ SANS ÊTRE PRIORITAIRE 34

A. UN OBJECTIF RÉGULIÈREMENT RÉITÉRÉ 34

1. Un objectif qui a été inscrit dans les textes 34

2. L’engagement d’une démarche contractualisée 35

B. LA POLITIQUE D’ÉDUCATION À L’ÉGALITÉ : UNE DYNAMIQUE QUI S’EST ESSOUFLÉE 36

1. Le système éducatif : un rôle moteur à jouer 36

a) Des fonctions qui sont restées longtemps non pourvues au ministère de l’Éducation nationale 36

b) La situation précaire des missions à l’égalité dans les universités 37

2. La relance de la politique d’égalité filles-garçons 37

C. LA MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION DE 2006 38

1. Les déclinaisons régionales de la convention de 2006 38

a) Le bilan des déclinaisons régionales au 1er octobre 2008 39

b) Les réunions inter-académiques initiées par la nouvelle présidente du comité de pilotage 40

2. Fédérer et pérenniser les actions menées localement 40

3. Encourager l’accès des filles aux carrières scientifiques 41

a) L’information sur les carrières scientifiques et techniques 41

b) Les prix encourageant l’orientation des filles vers les carrières scientifiques et techniques 42

c) Encourager l’accès des jeunes filles aux classes préparatoires aux grandes écoles 42

4. Des actions à reprendre : les statistiques sexuées 43

D. LES ENJEUX DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES 43

IV. LA FORMATION DES PERSONNELS DE L’ÉDUCATION NATIONALE À L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS 45

A. LE BILAN DES ACTIONS DE FORMATION À L’ÉGALITÉ DANS LES IUFM 46

1. Des formations à l’égalité filles-garçons qui ne sont ni systématiques, ni généralisées 53

2. Des difficultés ont été soulevées à l’intégration de cet objectif dans le cursus de formation 53

3. Inscrire l’éducation à l’égalité dans la formation des enseignants 54

a) En formation initiale 54

b) En formation continue 55

c) En impliquant les établissements d’enseignement 56

B. LA RECHERCHE ET L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE DES FEMMES ET DU GENRE 56

1. La recherche sur l’histoire des femmes et du genre est encore peu développée en France 56

2. La transmission des savoirs 57

V. LA PLACE DES FEMMES DANS LES PROGRAMMES ET LES MANUELS SCOLAIRES 59

1. La thématique de la place des hommes et des femmes 59

a) L’égalité hommes-femmes a été intégrée dans les programmes de la voie professionnelle 59

b) La nouvelle conception des programmes du primaire a abouti à la disparition de références concrètes à la question de l’égalité homme-femme 60

c) Et reste allusive dans les programmes du collège 61

d) Les programmes de la nouvelle seconde 63

2. Bannir les stéréotypes de sexe des manuels scolaires 64

a) La place des femmes dans les manuels scolaires 64

b) L’étude de la HALDE sur les stéréotypes dans les manuels scolaires 65

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 67

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 71

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 75

ANNEXE 183

DEUXIÈME PARTIE : L’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION DE JUILLET 2007 À NOVEMBRE 2008 189

I. LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES ET DE CONTRÔLE DE LA DÉLÉGATION 191

A. L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 191

1. Le suivi des lois sur l’égalité professionnelle et les recommandations de la Délégation 191

a) La persistance des écarts salariaux entre les hommes et les femmes 191

b) Le bilan décevant des accords collectifs relatifs à l’égalité professionnelle 192

c) Les recommandations de la Délégation 194

2. La conférence tripartite du 26 novembre 2007 195

3. De nouveaux indicateurs pour comparer la situation des femmes et des hommes dans l’entreprise 196

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 198

B. L’ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AU MANDAT DE CONSEILLER GÉNÉRAL 199

1. L’examen de la proposition de loi 199

2. Le bilan des cantonales 2008 en termes de parité 199

C. LES FEMMES ET LEUR RETRAITE 200

D. LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 JUILLET 2008 201

E. LE SUIVI DE LA LOI SUR L’IVG ET LA CONTRACEPTION 201

II – L’ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION 202

A. RENCONTRES INTERNATIONALES 202

1. Rencontre avec le commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, M. Vladimir Spidla 202

2. Colloque organisé avec la Délégation française de l’Assemblée parlementaire du conseil de l’Europe sur les violences faites aux femmes au sein du couple 202

3. Réunion des commissions parlementaires chargées des droits des femmes des pays de l’Union Européenne 203

4. Participation à la réunion du Forum Parlementaire Européen sur la population et le développement 204

B. AFGHANISTAN : LA PLACE DES FEMMES 204

C. RÉCEPTION DE PARLEMENTAIRES HAITIENNES 205

III –  PREMIÈRES RENCONTRES INTERPARLEMENTAIRES SUR L’ÉGALITÉ ET LA DIVERSITÉ 205

Mesdames, Messieurs,

Conformément aux missions que lui a confié la loi du 12 juillet 1999, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes présente son rapport d’activité pour la période de juillet 2007 à novembre 2008.

En première partie de ce rapport figure l’étude que la Délégation a menée sur l’égalité des filles et des garçons dans le système éducatif.

La deuxième partie retrace les travaux de la Délégation au cours de cette période, notamment ceux portant sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

De juillet 2007 à novembre 2008, la Délégation a également adopté un rapport sur l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général (Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure, n° 597), un rapport sur les femmes et leur retraite (Mme Claude Greff, rapporteure, n° 1028) et un rapport sur l’application de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception (Mme Bérengère Poletti, rapporteure, n° 1206).

PREMIÈRE PARTIE :

L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS S’APPREND DÈS L’ÉCOLE

Le bilan persistant des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes conduit à s’interroger sur les raisons pour lesquelles les filles qui réussissent mieux que les garçons dans le système scolaire ne s’intègrent pas dans les mêmes conditions que les hommes dans le marché du travail et pourquoi la progression continue de l’emploi des femmes depuis les années soixante ne s’est pas effectuée par un accès à tous les postes et à tous les métiers.

Non seulement les femmes se cantonnent trop souvent à des emplois moins valorisés et moins bien rémunérés que ceux des hommes, mais elles sont pratiquement absentes de certaines filières professionnelles, surtout des professions technologiques et scientifiques.

Cette situation résulte de la conjonction de facteurs liés au marché du travail, aux conditions d’emploi, au déroulement des carrières, à la difficulté de mener de front une activité professionnelle et les impératifs de la vie familiale… mais elle résulte aussi de la façon dont les jeunes femmes envisagent leur place dans la société et du rôle que celle-ci leur assigne.

Ceci constitue un enjeu particulièrement important pour les jeunes filles issues de l’immigration qui connaissent, à des niveaux de qualification équivalents, de réelles difficultés d’insertion dans le monde du travail et pour lesquelles la réussite scolaire et professionnelle est souvent la condition de leur émancipation.

Dès lors, le problème doit être traité très en amont, dès l’école et même dès les petites classes, pour pouvoir engager une évolution de fond de la vision des métiers et du rôle de chacun sans laquelle, l’expérience le montre, les législations restent de peu d’effet.

L’égalité des élèves étant au fondement de la mission du système éducatif, elle est une évidence qui perpétue finalement une situation inégalitaire qui se traduit ensuite sur le marché du travail. L’éducation nationale a cherché à faire de l’égalité entre les filles et les garçons un objectif à poursuivre, mais force est de constater que cet objectif passe toujours après les autres impératifs que l’école doit traiter.

Au moment, où les difficultés économiques s’accumulent et au moment où des réformes importantes du système éducatif sont entreprises, donner toute leur chance aux filles en leur donnant une égale ambition professionnelle, doit être véritablement une priorité.


I. MALGRÉ LEUR RÉUSSITE SCOLAIRE LES FILLES SONT TOUJOURS ABSENTES DE CERTAINES ORIENTATIONS

Ce paradoxe a la vie dure : la plus grande réussite scolaire des filles ne se traduit pas ensuite par des choix et des déroulements de carrière équivalents à ceux des hommes. Pourtant, les filles poursuivent leurs études plus longtemps que les garçons et les réussissent mieux.

Au primaire, elles redoublent moins quel que soit leur milieu social d’origine. Ensuite, elles sont plus nombreuses que les garçons à passer un baccalauréat général et y obtiennent de meilleurs résultats, y compris dans les matières scientifiques, contrairement aux idées reçues : en 2006, 70 % des filles contre 59 % des garçons de la génération concernée ont eu leur baccalauréat et plus souvent que les garçons avec une mention bien ou très bien.

Finalement, les filles achèvent leur scolarité plus diplômées que les garçons : 25 % des femmes de 25 à 34 ans ont un diplôme supérieur à bac + 2 contre 19 % des garçons du même âge (Enquête emploi de l’INSEE, 2006).

Ce constat n’est pas propre à la France, on le retrouve pratiquement à l’identique dans les autres pays européens : les femmes réalisent de meilleurs parcours scolaires, particulièrement dans les pays les plus en retard en matière d’éducation où elles ont rattrapé puis dépassé les hommes (1).

A. DES CHOIX D’ORIENTATION FORTEMENT DIFFÉRENCIÉS ENTRE LES GARÇONS ET LES FILLES

1. La présence croissante des filles dans les terminales scientifiques

Les filles passent plus que les garçons un baccalauréat général (on compte plus de 58 % de filles parmi les élèves ayant obtenu le baccalauréat général en 2007), de plus en plus un baccalauréat scientifique, auquel elles réussissent mieux que les garçons : (90,5 % des candidates obtiennent ce diplôme contre 88 % des candidats).

a) Le choix du baccalauréat S, filière d’excellence

Les jeunes filles représentent la presque totalité des élèves inscrits dans les filières littéraires de l’enseignement général (80 %) et sont très majoritaires en sciences économiques et sociales (63 %).

En réalité, si l´on regarde les orientations pour une année donnée, comme le montre le tableau ci-joint pour 2006, la première orientation des filles se fait vers le baccalauréat scientifique : 27 % des filles d’une classe d’âge a fait ce choix, alors que seulement 17 % d’entre elles se sont orientées vers les classes littéraires.

Ceci provient de la très faible orientation des garçons vers les filières littéraires. Ce point a été souligné par Nicole Mosconi devant la Délégation : ce sont surtout les orientations des garçons qui sont déséquilibrées. Ces derniers préparent majoritairement le baccalauréat scientifique (39,5 %), peu le baccalauréat ES (17,2 %) et très peu le baccalauréat L (5,3 %).

Selon Nicole Mosconi : « C’est un problème qu’aussi peu de garçons préparent un baccalauréat littéraire. On constate un désinvestissement des garçons de certains secteurs d’activité, ce qui a pour effet que les hommes seront de moins en moins présents dans les métiers de l’éducation, ce qui n’est pas sans conséquences. »

RÉSULTATS DU BACCALAURÉAT 2007

 

Présentés

Admis

 

Total

Dont filles

% filles

Total

Dont filles

% filles

Séries générales

321 233

186 121

57,9

281 733

164870

58,5

Littéraires

59 025

47 432

80,4

49 843

40 246

80,7

Sciences économiques et sociales

102 227

64 673

63,3

90 354

57 644

63,8

Scientifiques

159 981

74 016

46,3

141 536

66 980

47,3

Séries technologiques

173 545

87 368

50,3

137 605

69 443

50,5

Sciences et technologies industrielles

42 153

3 702

8,8

34 197

3 164

9,3

Sciences et technologies de laboratoire

7 913

4 547

57,5

6 853

3 972

58

Sciences et technologies tertiaires

87 194

50 866

58,3

68 519

40 356

58,9

Sciences médico-sociales

25 446

20 088

94,7

19 730

18 738

95

Depp, note d’information, juin 2008

Les jeunes filles en revanche, opèrent des choix plus équilibrés et croissants vers les filières scientifiques notamment vers le baccalauréat S, même si ce mouvement reste lent : elles représentent désormais 47,3 % des bacheliers de la série S en 2007. Cependant, cette série étant souvent choisie parce qu’il s’agit de la filière d’excellence, comme le soulignent les associations de femmes scientifiques entendues par la Délégation, cette orientation ne va pas nécessairement se traduire dans les choix qu’elles opéreront pour la suite de leurs études.

b) Les objectifs fixés dans la loi de finances

Si à la rentrée 2007, les jeunes filles représentaient 46,4 % des élèves en terminale S, au total elles ne représentent que 39 % du total des classes de terminale scientifiques et technologiques.

En effet, la répartition entre les différentes séries de terminales scientifiques (S : scientifique, STL : sciences et technologie de laboratoire et STI sciences et technologies industrielles) est très inégale selon les sexes.

Si l’on s’approche de la parité en S et si celle-ci est dépassée en STL, la part des filles est résiduelle (9 %) en STI.

Parmi les indicateurs mis en place par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2000, il a été fixé comme objectif d’atteindre une proportion de filles en classe terminale des filières scientifique et technique (S et STI) de 45 %, d’ici à 2010.

Cet objectif est apparu peu réaliste aux membres de la Délégation à l’horizon de deux ans, compte tenu des évolutions antérieures (+ 3 % de filles en S entre 1996 et 2006) et du fait que les orientations pour les deux années qui viennent sont pour partie déjà engagées.

c) La réforme du lycée : une occasion à saisir

Le Ministre de l’Éducation nationale a lancé un projet de réforme de lycée qui commence par la « semestrialisation » de la classe de seconde qui devrait être applicable dès la prochaine rentrée.

Cette division de l’année en deux semestres devrait permettre, selon le Ministre, une plus grande souplesse à même de faciliter les ajustements en cours d’année : « Le fait de pouvoir se réorienter au milieu de l’année de seconde, grâce à la semestrialisation, ouvre un plus grand éventail de choix. Jusqu’à présent, les filles optent presque systématiquement pour la seconde langue vivante, assez rarement pour des enseignements à caractère technologique. »

De façon plus générale, la Délégation considère que la réforme du lycée doit être l’occasion d’intégrer pleinement la diversité des choix de cursus des jeunes filles dans les éléments à prendre en compte pour leur orientation.

2. Ne se traduit pas dans leurs choix d’orientation après le baccalauréat

Le fait que de plus en plus de filles réussissent un baccalauréat scientifique ne se traduit pas dans les orientations qu’elles choisissent après celui-ci.

Le nombre croissant de filles titulaires d’un baccalauréat S dissimule le fait qu’elles optent moins souvent que les garçons pour les filières les plus sélectives comme les classes préparatoires aux grandes écoles (10 % des filles contre 13 % des garçons) ou les Instituts universitaires technologiques, IUT, (8 % contre 12 %). Elles choisissent plutôt des études longues à l’université et se tournent encore moins que les garçons vers les filières scientifiques.

Ceci apparaît très clairement dans les choix des filières ou des écoles de l’enseignement supérieur pour lesquels les différences constatées dans l’enseignement secondaire se confirment, voire s’amplifient.

a) Les filières et le niveau d’étude dans l’enseignement supérieur

Les femmes représentent 56,7 % des étudiants en université, formation qu’elles choisissent plus souvent que les garçons après le baccalauréat. Mais pour autant, elles n’y investissent pas toutes les filières et de nombreuses formations de l’enseignement supérieur sont peu mixtes.

Les jeunes filles sont très majoritaires en lettres (+ de 70 %), très présentes en droit, sciences humaines et dans les formations de santé. On les retrouve à part égale en sciences économique et gestion. Elles sont, au contraire très peu présentes dans les filières scientifiques (un quart des effectifs) sauf quand il s’agit des sciences de la vie et de la nature.

Répartition des étudiants en université par sexe, cursus et discipline en 2006-2007

Disciplines

Licence

Master

Doctorat

Ensemble

Effectifs

femmes

Effectifs

femmes

Effectifs

femmes

Effectifs

femmes

Droit et sciences politiques

105 774

65,5

63 842

66,0

8 749

48,2

178 365

64,8

Science économique, gestion

73 364

50,9

56 575

52,3

4 789

42,9

134 728

51,2

AES

33 883

59,5

7 845

58 ?5

--

--

41 368

59,3

Lettres, sciences du langage

71 869

73,0

25 173

75,3

7 287

65,1

104 149

73,0

Langues

88 063

75,0

17 914

78,0

2 852

66,1

108 829

75,2

Sciences humaines et sociales

149 956

69,7

67 080

67,3

15 824

52,0

232 500

67,8

Pluri-lettres-Langues-Sciences humaines

2 541

71,4

2 996

73,1

39

51,13

5 576

72,2

Sciences fondamentales et

Application

83 604

28,5

66 180

25,8

15 593

27,5

165 377

27,3

Sciences de la nature et de la vie

41 120

60,7

19 961

56,4

10 239

50,7

71 320

58,00

Sciences et techniques des

activités physiques et sportives

29 509

31,17

6 608

31,9

524

35,1

36 641

31,7

Pluri-sciences

19 941

40,9

1 113

43,4

129

31,0

21 183

41,0

Médecine-odontologie

53 545

65,6

98 926

57,1

1 611

50,7

154 082

59,9

Pharmacie

11 655

64,9

19 033

68,3

602

56,3

31 290

66,8

IUT

113 769

38,7

--

--

--

--

113 769

38,7

Total France métropolitaine et DOM

878 053

57,4

452 886

56,7

63 238

46,9

1 399177

56,7

Pourcentage par cursus

62,7

32,4

4,9

100,0

Les étudiants, Repères et références statistiques - édition 2007

En 2006, la répartition hommes/femmes par discipline a peu varié par rapport aux années précédentes, sauf en médecine-odontologie, formation qui s’est encore plus féminisée, la proportion de femmes passant à 59,9 %.

Les femmes restent majoritaires, en particulier en langues (75,2 %), lettres-langues-sciences humaines (72,2 %) et en lettres sciences du langage-arts (73 %). En revanche, elles sont toujours minoritaires en sciences fondamentales et applications (27,3 %) et en sciences et techniques des activités sportives (31,7 %).

D’autre part, si elles sont majoritaires en cursus de licence (57,4 %) et en cursus de master (56,7 %), elles ne sont plus que 46,9 % en doctorat. Compte tenu de leur meilleure réussite scolaire, ce pourcentage en troisième cycle est anormalement faible : les étudiantes arrêtent plus souvent leurs études que les étudiants avant le niveau du master.

b) L’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles

Malgré leur meilleure réussite scolaire, les jeunes filles ne représentent encore que 42 % des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles (elles étaient 35 % en 1990). Finalement les filles se tournent plus vers l’université que vers des formations sélectives comme les classes préparatoires ou les IUT.

De surcroît, ce pourcentage dissimule de fortes disparités selon les filières choisies. La surreprésentation des filles (ou l’absence des garçons) est manifeste dans les classes préparatoires littéraires : elles représentent pratiquement 76 % des étudiants de ces filières.

Les filières économiques et commerciales, par contre, comptent désormais 55 % d’étudiantes. Il faut souligner cette évolution positive car ces formations sont une voie d’accès aux postes de responsabilité dans l’entreprise.

En revanche les étudiantes constituent moins de 30 % des effectifs des classes préparatoires scientifiques alors que celles-ci regroupent les effectifs les plus nombreux. Ce pourcentage était de 23 % en 1990 ce qui traduit une très lente évolution.

Ce chiffre masque, en outre, d’autres disparités similaires à celles que l’on constate dans les universités : les filles sont très majoritaires (70 %) dans les classes préparant aux écoles d’agronomie mais ne sont que marginalement présentes (10 %) dans les sections physique-technologie/sciences de l’ingénieur.

Effectif des classes supérieures, par niveau et par sexe

(année scolaire 2006-2007)

 

Filles

Garçons

% de filles

Total

Classes préparatoires aux grandes écoles

31 979

44 181

42,0

76 160

Préparations scientifiques

14 102

33 670

29,5

47 772

Préparations économiques

9 332

7 760

54,6

17 092

Préparations littéraires

8 545

2 751

75,6

11 296

Section de techniciens supérieurs

114 276

114 053

50,0

228 329

Total général

146 255

158 234

48,0

304 489

DGESCO : Filles et garçons à l’École, sur le chemin de l’égalité, 2008

c) Les écoles d’ingénieur : de lents progrès

Les étudiantes sont faiblement représentées dans les écoles d’ingénieur. Leur place y est toutefois en progression, de façon lente mais continue.

On compte désormais 25 % de femmes parmi les diplômés alors qu’elles ne représentaient que 15 % des effectifs en 1985.

Cette part reste néanmoins très variable selon le type d’école, l’École nationale supérieure d’arts et métiers, l’ENSAM restant la moins féminisée (11 % de filles en 2004).

L’évolution de l’École Polytechnique Féminine est révélatrice de cet état de fait. Créée en 1925, c’est une des premières grandes écoles à former des femmes aux métiers d’ingénieur. Depuis que cette école est devenue mixte, en 1994, et s’appelle désormais simplement EPF, la part des étudiantes s’est réduite pour ne plus représenter qu’aujourd’hui que 33 % de ses effectifs…

Évolution du nombre de diplômés des écoles d’ingénieurs de 1985 à 2005
(France métropolitaine + DOM)

 

1985

1990

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Écoles universitaires (1)

3 551

5 044

7 847

8 395

8 881

9 571

9 888

9 864

10 266

10 373

% femmes

   

26,5

25,6

25,7

28,0

25,7

27,4

27,7

27,7

Écoles indépendantes des universités

3 314

3 891

5 262

5 098

5 237

5 467

5 156

5 346

5 383

5 316

% femmes

   

17,6

17,0

17,6

19,2

18,6

18,9

19,6

21,1

Total public Éducation nationale

6 865

8 935

13 109

13 493

14 118

15 038

15 044

15 210

15 649

15 689

% femmes

15,1

18,3

23,0

22,4

22,7

24,8

23,3

24,4

24,9

25,5

Écoles publiques autres ministères

3 250

3 624

4 333

4 553

4 621

4 749

4 800

4 824

4 815

5 107

% femmes

16,9

20,2

24,4

28,4

27,6

27,3

29,00

30,1

29,0

30,9

Écoles privées

2 888

3 521

5 626

5 612

5 885

6 236

6 311

6 403

6 353

6 842

% femmes

16,0

17,9

19,8

19,3

19,5

19,1

19,1

21,3

21,00

21,00

Total

13 003

16 080

23 068

23 658

24 624

26 023

26 155

26 437

26 817

27 638

% femmes

15,7

18,7

22,5

22,8

22,8

23,9

23,3

24,7

24,7

25,4

(1)  Les universités de technologie ont été classées parmi les écoles universitaires

B. DES FILIÈRES PROFESSIONNELLES FORTEMENT MASCULINES OU FÉMININES

Les choix de filières sont très étroitement dépendants de la vision des métiers mais aussi des stéréotypes qui s’y attachent comme l’a exposée Françoise Vouillot, maître de conférences à l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle, à la Délégation : « Il ne faut pas perdre de vue qu’un jeune, quand il s’oriente vers une filière, va opérer une projection de lui-même en tant que femme ou en tant qu’homme. Un projet scolaire et professionnel est toujours une projection d’une image de soi et une affirmation identitaire… Un adolescent va être d’abord préoccupé par les mutations qu’il est en train de traverser, dans un contexte où les normes d’hétérosexualité sont encore très présentes. 36 % des garçons de troisième sont orientés vers des CAP ou des BEP (et 27 % des filles) avec les conséquences très lourdes qu’implique cette orientation compte tenu des rigidités du système et du manque de passerelle entre les formations. Dans ces métiers, le marquage du genre est très prégnant : ce sont des métiers fortement sexués. À ce moment de l’adolescence, il est tellement important pour le jeune de s’identifier comme fille ou garçon qu’il va instrumentaliser son choix d’orientation en vue d’affirmer son identité. Ceci explique la résistance pour un garçon par exemple à se projeter dans un métier féminin. »

1. L’enseignement professionnel : des différences de filières

Dans les formations professionnelles courtes, les filles (8 filles sur 10) se concentrent dans quatre spécialités qui relèvent toutes de l’économie de service : le commerce, le secrétariat, la comptabilité et le secteur sanitaire et social. Elles sont, en revanche, quasiment absentes des sections industrielles et globalement du secteur de la production.

Cette situation a été illustrée par Claudine Roger, ancien inspecteur d’Académie, qui a évoqué le cas « d’un lycée professionnel et technologique, dit masculin, à Beauvais, proposant toutes sortes de formations – informatique, mécanique, robotique, automobile – jusqu’au BTS et qui a lancé une campagne d’orientation pour attirer les filles. Elles ne sont actuellement que 5 %, si bien que les garçons, eux-mêmes, considèrent que ce n’est pas bon pour eux et souhaitent qu’il y ait davantage de filles. Dans le lycée commercial de la même ville, les taux sont inversés : il y a 95 % de filles et 5 % de garçons. »

Ce constat met en évidence la persistance des préjugés et des stéréotypes dans la société et sans doute aussi dans l’école. Et, comme le souligne le ministère de l’Éducation nationale, l’insertion professionnelle des filles pâtit ensuite de l’étroitesse de ces choix de départ.

2. L’apprentissage : toujours trop peu féminin

L’accès des filles à l’apprentissage pose deux problèmes.

Premièrement, malgré les perspectives d’insertion professionnelle qu’elle offre, les filles s’engagent peu dans la voie de l’apprentissage.

La convention de 2006 pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif (2) demande que : « soit défini, au niveau local, en lien avec les régions, les objectifs de progression de la part des filles dans les filières de l’apprentissage ».

En conclusion de la conférence tripartite de novembre 2007 sur l’égalité professionnelle, il avait été souhaité qu’en matière d’apprentissage, les contrats d’objectifs et de moyens qui sont signés entre l’État, les régions, et éventuellement les branches, comportent des objectifs de féminisation.

Une circulaire de la Direction générale de l’emploi du 7 avril 2008 demande aux préfets de région et aux services déconcentrés que les avenants signés à ces contrats comportent des actions relatives à la promotion de l’apprentissage au féminin.

Deuxièmement, le phénomène de choix différenciés des filières s’accentue encore en apprentissage : la moitié des filles poursuivant cette filière se regroupent dans deux spécialités : « commerce, vente » et « coiffure, esthétique et autres soins » alors que la même proportion de garçons se répartit dans cinq spécialités.

Compte tenu de la faible évolution de l’orientation des filles vers l’apprentissage, une évaluation précise des contrats d’objectifs et de moyens signés entre l’État et les régions sur la question de leur accès à l’apprentissage et des résultats obtenus est indispensable.

II. CE QUI ABOUTIT À UNE CONSIDÉRABLE SÉGRÉGATION PROFESSIONNELLE

Comme pour le constat de la réussite scolaire des filles, le phénomène de ségrégation professionnelle qui affecte l’emploi féminin avec des particularités, qui sont propres à chaque pays, est un trait commun aux pays membres de l’Union européenne.

A. UNE SÉGRÉGATION PROFESSIONNELLE PERSISTANTE

1. D’un métier à l’autre

a) La concentration des femmes dans un petit nombre de familles professionnelles

Onze des quatre-vingt-six familles professionnelles regroupent près de la moitié des emplois occupés par les femmes.

Famille professionnelle

% de la population féminine occupée

% de la population masculine occupée

Part des femmes en %

Agents d’entretien

6,8

2,3

72,1

Enseignants

6,2

2,9

64,9

Vendeurs

5,8

1,6

75,8

Employés administratifs de la fonction publique (catégorie C)

5,0

1,6

72, 9

Secrétaires

4,2

0,1

97,9

Aides-soignants

3,9

0,3

92,5

Employés administratifs d’entreprise

3,7

0,9

78,9

Infirmiers, sages-femmes

3,7

0,4

88,9

Aides à domicile et aides ménagères

3,7

0,1

98,0

Professionnels de l’action sociale, culturelle et sportive

3,4

1,5

66,9

Assistants maternels

3,4

0,0

99,4

Autres familles professionnelles

50,2

88,4

33,0

Ensemble des 86 familles professionnelles

100,0

100,0

46,5

Source : INSEE, enquête Emploi de 2006, calculs DARES.

Ce constat, parce qu’il est extrêmement clair est toujours mis en avant dès lors que l’on parle de ségrégation professionnelle. Il y a des métiers de femmes, vers lesquels les hommes ne veulent pas aller et des métiers d’hommes vers lesquels les jeunes filles ne se tournent pas, bien qu’ils soient plus valorisés et rémunérateurs.

En sens inverse, les professions où les effectifs masculins et féminins s’équilibrent à peu près (autour de 50 %) représentent moins de 2 % de l’emploi total. Trois groupes professionnels y dominent : les formateurs et éducateurs ; les patrons d’hôtel, café, restaurants ; les professionnels du droit.

Ces données doivent être replacées dans le contexte des quarante dernières années qui est celui d’un considérable développement de l’emploi féminin. En effet, l’accroissement de l’activité des femmes s’est traduit par des avancées notables dans certaines professions où elles étaient minoritaires comme les professions libérales, la fonction publique, les cadres administratifs et commerciaux..., mais il a aussi renforcé la féminisation de certaines professions déjà largement investies par les femmes, comme les emplois administratifs dans les entreprises et les services aux particuliers.

En d’autres termes, l’entrée massive des femmes dans le marché du travail s’est accompagnée d’une ségrégation professionnelle considérable et n’a pas enrayé le mécanisme traditionnel de concentration des emplois féminins, voire l’a accentué.

Certes des évolutions ont eu lieu, car si la concentration et la ségrégation des emplois sont stables depuis 20 ans (entre 1982 et 2002), sa répartition s’est en même temps modifiée en fonction des évolutions économiques. En conséquence, la féminisation des métiers techniques est en progression et les emplois des jeunes filles entrant aujourd’hui sur le marché du travail sont plus diversifiés que ceux de leurs aînées.

La présence des femmes a augmenté là où elle était très faible et ceci est d’autant plus vrai que les qualifications sont élevées (3). En effet, la ségrégation est la plus forte pour les CAP et les BEP alors que pour les diplômés ayant au moins une licence, il suffirait que 15 % d’entre eux changent de branche professionnelle pour obtenir une répartition équilibrée des sexes.

En revanche, l’informatique est une des professions à la plus forte ségrégation entre les plus diplômées : comme cela a été souligné lors des auditions devant la Délégation, c’est un secteur dont les femmes ont progressivement disparu. Une analyse approfondie des raisons de cette évolution doit être lancée dans le cadre de l’application de la convention sur l’égalité filles-garçons dans le système éducatif. La Délégation considère que la réalisation d’une telle étude est effectivement indispensable.

Finalement, comme le soulignent les auteurs de l’étude précitée, les changements dans la répartition des métiers « en touchant surtout la main-d’œuvre féminine, contribuent à créer une polarisation entre d’une part des emplois peu qualifiés, souvent partiels, parfois précaires, qui restent surtout féminisés, et, d’autre part, des professions plus qualifiées où la mixité devient nettement plus fréquente ».

En effet, l’enjeu est bien celui-ci : c’est moins la ségrégation professionnelle qui est en cause en elle-même, même si elle renvoie à une répartition des rôles traditionnellement féminins et masculins qu’il conviendrait de faire évoluer, que ses conséquences en termes de qualité des emplois féminins. C’est bien à une véritable division du monde du travail que ce phénomène aboutit.

b) Les métiers scientifiques et techniques : lever les blocages

Les orientations vers les sciences et la technologie après le baccalauréat, sont en baisse (même si le nombre global d’étudiants dans ces matières reste stable en raison d’un accès croissant aux études supérieures).

Ce phénomène concerne les filles comme les garçons, mais cette « désaffection » est encore plus marquée pour les filles qui sont, comme on l’a vu, proportionnellement moins nombreuses dans ces filières.

Une fois encore, cette situation n’est pas propre à la France. Comme le constat de la meilleure réussite scolaire des filles, celui de leur place minoritaire au sein des diplômés de mathématiques, de sciences et de technologie peut également se faire au niveau européen : en 2005, seulement 31 % des diplômés de l’enseignement supérieur dans les disciplines scientifiques étaient des femmes et cette part n’évolue pas depuis 2000.

Dans les autres pays européens, comme en France, les femmes sont majoritaires en sciences de la vie (61 %) et minoritaires en sciences de l’ingénieur (19 %). Tout particulièrement, alors que le développement de la branche informatique s’est fait avec les femmes, leur place y est en forte régression depuis les années quatre-vingt.

D’où l’objectif européen arrêté au Conseil européen de Barcelone en 2002  (4) : l’augmentation d’au moins 15 % des flux vers les études scientifiques et technologiques et la réduction du déséquilibre hommes-femmes dans ce domaine. En effet, la meilleure orientation des filles vers ces filières constitue donc un élément clef pour tenter de redresser cette évolution.

Interrogé sur le désintérêt des étudiants pour les métiers scientifiques, le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos a précisé à la Délégation, les raisons qui pouvaient expliquer ce phénomène  (5):

« Premièrement, la science semble être plus loin de nous – et donc plus loin de la culture scolaire – qu’elle ne l’était naguère. Il est plus difficile, pour un jeune enfant, de se projeter dans les métiers de l’astrophysique ou de l’informatique aujourd’hui que ce n’était le cas pour la médecine, par exemple, autrefois.

Deuxièmement, nous avons sans doute trop insisté auprès des jeunes publics sur les dangers de la science et sur les conséquences du progrès scientifique. La grande sensibilité des enseignants aux sujets environnementaux peut contribuer à accroître la défiance vis-à-vis des effets de la science.

Troisièmement, 45 % des élèves de terminale sont en ES, où l’on ne forme pas spécifiquement des scientifiques. »

Il a également souligné qu’à l’horizon de 2030 la France manquerait d’ingénieurs.

Les leviers d’action qui ont été développés devant la Délégation s’articulent autour de trois axes.

D’abord, faire évoluer l’image de la science. Non seulement la science est souvent perçue comme trop abstraite et éloignée des préoccupations quotidiennes, mais de surcroît le scientifique est vu généralement comme un homme. Ces stéréotypes renforcent la difficulté des filles à se projeter dans un métier scientifique, à l’exception de ceux liés aux sciences de la vie ou à la médecine où elles sont présentes en grand nombre.

Ensuite, cette représentation du métier se combinant avec des « stéréotypes de compétence », agir sur ce qui fait que les filles ont moins confiance dans leur capacité que les garçons particulièrement lorsqu’il s’agit de compétences scientifiques ou techniques (ce que l’on appelle « l’effet Pygmalion » : les enfants réussissent mieux dans les domaines qui paraissent le plus approprié à leur statut, leur genre et où on attend d’eux qu’ils réussissent effectivement) (6).

Enfin, le fait que les études scientifiques supposent des cursus longs et difficiles constitue également un frein.

Il est donc indispensable de développer une véritable stratégie d’orientation des filles vers les filières scientifiques en valorisant et en aidant les jeunes filles qui ont envie de faire ces choix, ce qui constituerait un moyen de pallier la désaffection des étudiants pour ces filières.

2. Entre les catégories d’emplois

a) Les limites de l’accès des femmes aux postes de responsabilité

Une fois dans l’emploi, les évolutions de carrière ne vont pas s’effectuer de façon identique entre les hommes et les femmes, ces dernières accédant moins souvent que les hommes à des postes de responsabilité ou de direction.

Comme l’ont souligné les récents travaux du Conseil économique et social, « le modèle culturel qui ferme l’accès du pouvoir aux femmes n’est pas près de se fissurer » car même dans les entreprises les plus importantes, qui présentent donc un caractère d’exemplarité, les femmes ne passent pas significativement le « plafond de verre » qui bloque leur progression.

10 % de femmes seulement siègent dans les conseils d’administration des sociétés du CAC 40. Les femmes chefs d’entreprise sont encore rares, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une entreprise individuelle. L’enquête emploi de 2002 montre qu’il n’y a que 13 % de femmes chefs d’entreprise de sociétés de plus de dix salariés, pourcentage sans grande évolution depuis une dizaine d’année.

Les emplois féminins sont le plus souvent des emplois peu qualifiés, de courte durée avec des horaires atypiques (7). Si parmi les cadres, la part des femmes s’est fortement accrue, elles n’occupent encore que le tiers des postes d’encadrement des entreprises du secteur privé et semi-public (37 %) et cette part reste très inégale selon les professions. Cette situation est d’autant plus paradoxale que la part des femmes dans les filières supérieures est égale voire supérieure à celle des hommes et que l’on observe un nombre croissant de femmes dans les rangs intermédiaires de la hiérarchie professionnelle.

Même dans la fonction publique d’État, malgré un régime statutaire qui garantit aux fonctionnaires des deux sexes une égalité de traitement, la carrière des femmes reste très en retrait par rapport à celle de leurs homologues masculins : elles n’y occupent que 16 % des emplois supérieurs.

b) Une illustration : l’enseignement supérieur et la recherche

• Alors qu’il y a plus d’étudiantes que d’étudiants, la féminisation ne progresse que très lentement parmi le corps enseignant (de 5 % en dix ans) et plus on monte dans la hiérarchie des emplois et plus la place des femmes s’amenuise.

Les femmes représentent près du tiers (32 %) du corps des enseignants chercheurs de l’enseignement supérieur et des chercheurs de la recherche publique, mais il n’y a que 22 % des directeurs de recherche qui sont des femmes, 40 % des maîtres de conférence et seulement 17 % des professeurs d’université.

Selon Mme Armelle Le Bras-Chopard, chargée de mission à l’égalité des chances femmes-hommes dans l’enseignement supérieur, le premier facteur de blocage en matière de recrutement se situe déjà dans la composition du Conseil national des Universités. « Dans chaque section le nombre de femmes est inférieur à ce qu’elles représentent dans leur discipline, et les femmes sont peu présentes à la tête des sections : 10 présidentes de section en 2006 pour 71 sections… ». À la suite des élections et des nominations intervenues en 2007, la place des femmes a progressé ; elles représentent désormais 41 % des membres.

• De même, le bilan qui peut être dressé de la place des femmes au CNRS montre la persistance de certains blocages.

Premièrement, la proportion de femmes recrutées au CNRS décroît depuis trois ans alors qu’elle avait régulièrement augmenté depuis 1994. Parallèlement, l’écart augmente entre la proportion de candidats femmes et le nombre de femmes finalement retenu parmi les lauréats.

Deuxièmement, la proportion de femme diminue fortement au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des emplois.

La répartition hiérarchique fait apparaître de larges différences du taux de féminisation selon les corps et grades. Plus les métiers sont qualifiés, moins les femmes sont représentées : elles n’occupent, tous métiers confondus, que 35 % des emplois de catégorie A.

Taux de féminisation au CNRS

Pour les chercheurs (Chargés de Recherche 1 et 2), le taux de féminisation est de :

– 33,5 % parmi les CR2 (niveau de recrutement de la plupart des chercheurs) ;

– 38,1 % pour les CR1.

Il n’est plus que de :

– 26 % pour les Directeurs de Recherche de 2ème classe ;

– 13,4 % pour les Directeurs de Recherche de 1ère classe ;

– 12,7 % pour les Directeur de Recherche de Classe Exceptionnelle (DRCE).

Ceci signifie qu’il n’y a que 15 femmes seulement Directrices de recherche de classe exceptionnelle (DRCE) pour 114 hommes. Autrement dit, 28 % des femmes chercheurs, sont directrices de recherche, alors que presque la moitié des hommes chercheurs sont directeurs de recherche.

Enfin, sur les 1 340 laboratoires que compte le CNRS, seulement 187 sont dirigés par une femme, soit 14 % des laboratoires. Cette proportion varie selon les disciplines de 6,5 % en mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur à 21 % pour les sciences de l’homme et de la société, mais on constate que la structure de recherche est plus souvent confiée à un homme, quelle que soit la proportion de femmes parmi les chercheurs de la discipline.

Ce constat dans l’enseignement supérieur, a conduit à la constitution, en 2006, d’un Comité pour l’égalité professionnelle entre les femmes les hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Par ailleurs, l’université Claude Bernard (Lyon I), pour mettre en œuvre dans son domaine de compétence la convention de 2006 pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif, a adopté une charte pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Parmi les engagements retenus dans cette charte figure le respect de la représentation proportionnelle des femmes et des hommes dans toutes les instances de l’université et l’objectif de tendre vers la parité. Le président de l’université Lionel Collet, s’est vu confier la mission d’élaborer une charte nationale qui pourrait être soumise à la Conférence des présidents d’Université.

La Délégation considère que la démarche contractuelle entamée dans les universités, pour une valorisation de la place des femmes doit être généralisée avec l’appui des chargées de missions pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

B. LA FORCE DES STÉRÉOTYPES DE SEXE ET LE RÔLE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

Des facteurs multiples sont à l’œuvre pour construire des visions différentes des métiers et plus largement du rôle des femmes et des hommes dans la société. Le poids des familles, celui du milieu d’origine, les aspirations à une vie équilibrée, se conjuguent aux facteurs plus directement en prise avec le monde éducatif.

1. La part du système éducatif et celle du marché du travail dans la ségrégation professionnelle

Une récente étude de l’INSEE (8) sur la ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes, a cherché à en cerner les causes. Elle fait apparaître que pour les jeunes récemment sortis du système scolaire, 60 % du phénomène de la ségrégation professionnelle peut être attribué aux effets de la ségrégation scolaire.

La ségrégation des filières de formation entre les filles et les garçons se traduit donc bien, ensuite, en termes de ségrégation professionnelle. Cet effet est d’autant plus préoccupant qu’il n’est pas le seul facteur explicatif. Aux conséquences des orientations scolaires différenciées s’ajoutent, en effet, des facteurs propres au marché du travail qui aboutissent à renforcer le phénomène.

Dans une première étape, filles et garçons suivent des formations initiales diverses, ce qui engendre une répartition différente selon les professions. Puis, dans une seconde étape, sur le marché du travail, la répartition est influencée par d’autres mécanismes indépendants de la qualification scolaire acquise : représentation des métiers, rejet de certaines conditions de travail, autocensure dans l’accès à certaines fonctions, contraintes familiales et géographiques…

En sens inverse, les évolutions modestes vers plus de mixité professionnelle, particulièrement au sein des générations les plus récentes, seraient plus dues à l’évolution des comportements sur le marché du travail qu’à un changement des pratiques au sein du système éducatif.

Ce constat montre qu’un effort déterminé de l’éducation nationale, porté par une forte volonté politique est incontournable si l’on veut pouvoir accompagner les évolutions lorsqu’elles se dessinent sur le marché du travail.

2. La lutte contre les stéréotypes : un enjeu européen

Le cinquième rapport de la Commission européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2008 insiste une nouvelle fois sur la nécessité, pour réaliser une égalité effective des hommes et des femmes, d’accorder une attention particulière à la lutte contre les stéréotypes dans l’éducation, l’emploi et les médias et ce dès le plus jeune âge.

« Les stéréotypes constituent des barrières à la réalisation des choix individuels tant des hommes que des femmes. Ils contribuent à la persistance des inégalités en influant sur les choix des filières d’éducation, de formation ou d’emploi, sur la participation aux tâches domestiques et familiales et sur la représentation aux postes décisionnels. Ils peuvent également affecter la valorisation du travail de chacun. »

« La lutte contre les stéréotypes liés au genre doit commencer dès le plus jeune âge et devrait promouvoir les modèles de comportement qui valorisent les choix individuels des filières d’éducation et soutiennent l’égalité entre les femmes et les hommes, y compris dans la répartition des tâches domestiques et familiales. »

a) Le pacte européen de mars 2006

Le Pacte européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, adopté lors du Conseil européen de mars 2006, encourage les États membres et l’Union européenne à lutter « contre une conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme, en particulier lorsqu’elle est liée à une ségrégation entre les sexes sur le marché de l’emploi et dans le domaine de l’éducation ».

b) Les priorités de la feuille de route de la Commission européenne

L’élimination des stéréotypes liés au genre est logiquement l’une des six priorités de la feuille de route pour l’égalité entre les hommes et les femmes adoptée par la Commission pour la période 2006-2010.

C’est ainsi que la Commission s’est engagée à soutenir :

– les actions visant à éliminer des stéréotypes liés au genre dans l’enseignement, la culture et sur le marché du travail en promouvant l’intégration de la dimension de genre et des actions spécifiques dans le Fonds Social Européen, les programmes de Technologie de l’information et de la Communication (TIC) et dans les programmes d’éducation et de culture de l’Union européenne, y compris la stratégie d’éducation et de formation tout au long de la vie et le futur programme intégré d’éducation et de formation tout au long de la vie ;

– les campagnes de sensibilisation et d’échange de bonnes pratiques dans les écoles et les entreprises sur les rôles non stéréotypés et à développer le dialogue avec les médias afin d’encourager une représentation non stéréotypée des femmes et des hommes.

Lors de la réunion de la CCEC qui regroupe les organes parlementaires en charge des questions d’égalité hommes-femmes dans les Parlements des États membres de l’Union européenne, à Paris le 3 juillet dernier, les parlementaires se sont engagés à apporter leur soutien à la mise en œuvre des objectifs de la feuille de route.

3. Le rôle de l’éducation nationale

a) Lutter contre la reproduction des stéréotypes de sexe

La construction des représentations stéréotypées selon le sexe ainsi que le rôle que joue le système scolaire, même implicitement, dans leur élaboration ou leur perpétuation est un phénomène maintenant largement connu et analysé.

Les études américaines, ensuite entreprises en France, ont mis en avant le jeu des interactions élèves-professeurs en classe, particulièrement dans les disciplines faisant l’objet d’une division sexuée marquée, consciente ou non, comme les mathématiques ou les sciences en général. Dans ces matières, les filles vont être considérées comme moins intéressées ou moins compétentes. Le stéréotype selon lequel les filles sont plutôt littéraires et les garçons scientifiques serait ainsi entretenu par les enseignants qui ont tendance à surnoter les filles les plus douées en français et les garçons les plus doués en sciences.

Ces attitudes se traduisent finalement dans la perception que les élèves ont d’eux-mêmes :

– quand ils se jugent très bons en français, seul un garçon sur 10 va en L ; quand elles se jugent très bonnes en français, 3 filles sur 10 vont en L

– quand ils se jugent très bons en mathématiques 8 garçons sur 10 vont en S ; quand elles se jugent très bonnes en mathématiques seulement 6 filles sur 10 vont en S (9).

Filles et garçons générant des attentes qui ne sont pas les mêmes font finalement l’objet d’une appréciation différente de leurs capacités : « Des études montrent que les professeurs ont souvent tendance à penser que les garçons réussissent parce qu’ils sont doués et parce qu’ils ont des capacités et pourraient encore faire mieux s’ils travaillaient plus. Les filles par contre réussissent par leur travail, sans qu’on leur accorde, a priori, de dons. En tout cas, on n’explique pas leur réussite scolaire par leurs capacités et on ne leur accorde pas de capacités au-delà de leurs performances réelles. L’étude des appréciations portées sur les livrets scolaires fait ressortir une tendance : « Peut mieux faire » s’adresse plutôt aux garçons. » (10)

La mixité dans l’éducation, à laquelle la Délégation réitère son attachement, car ce principe est à la base de l’égalité fille-garçon, est le moteur qui a permis aux filles d’intégrer l’ensemble des formations scolaires et professionnelles et leur a ouvert des opportunités d’accès aux métiers équivalents à celles des garçons. Elle ne s’est cependant pas accompagnée d’une véritable réflexion sur sa mise en œuvre.

« Si l’on revoit la question de manière historique, la mixité n’a été rendue obligatoire qu’en 1975. Comme il fallait une école primaire par commune, les petites communes ont, souvent dès la IIIe République, pratiqué la mixité par nécessité et non par réflexion. Quand elle a été imposée, elle n’a pas suscité non plus de débat. On n’a fait prendre conscience, ni aux enseignants, ni aux inspecteurs, ni aux chefs d’établissement qu’il allait y avoir une donnée supplémentaire et qu’il faudrait en tirer les conséquences et mettre au point des pratiques nouvelles. » (11)

Les stéréotypes de sexe subsistent même inconsciemment chez les enseignants ; ils sont évidemment aussi fortement présents chez les élèves autour de la question centrale des représentations du masculin et du féminin à l’adolescence.

Toute action efficace suppose donc, en premier lieu, la prise de conscience du corps enseignant et des personnels de l’éducation nationale de cette réalité.

Or, comme l’a souligné Claudine Roger, ancienne inspectrice d’académie :

« La perception de l’enjeu de l’égalité par le corps enseignant, dans le primaire, est à peu près inexistante. En maternelle, les enfants ne font pas de différences entre eux mais, dans les cours de récréation, on voit déjà les petites filles et les petits garçons jouer séparément. Les enseignantes – puisqu’elles sont 95 % des femmes – ne se posent pas de questions et projettent, sans s’en rendre compte, les images de ce qu’elles ont vécu. »

Cette prise de conscience doit reposer sur une formation des enseignants aux enjeux de l’égalité filles-garçons et l’intégration de cette thématique dans les objectifs pédagogiques et les enseignements dispensés dès le plus jeune âge.

En effet, une fois que les orientations sont engagées, il est trop tard.

b) Agir sur les choix d’orientation

Les choix d’orientation professionnelle des filles et des garçons reflètent largement la représentation des rôles sociaux attachés à chaque sexe et la représentation sexuée que l’on peut avoir des métiers. Comme l’a souligné Françoise Vouillot devant la Délégation : « L’orientation est sexuée car les métiers sont sexués ». Le poids des familles est évidemment très important aussi dans les choix opérés, il peut même parfois se révéler un véritable obstacle.

Le rôle de l’Éducation nationale n’en est donc que plus important pour donner sa chance à chacun et aux filles comme aux garçons car ce sont ces inégalités d’orientation, bien plus que les inégalités de réussite qui modèlent les inégalités de carrière entre les sexes comme entre les groupes sociaux (12).

Cet enjeu se pose avec une force particulière pour les jeunes filles issues de l’immigration comme l’ont souligné les travaux précédents de la Délégation. Semblant de moins en moins croire à une ascension sociale par l’école, en raison des difficultés d’insertion dans le monde du travail qu’elles rencontrent, celles-ci s’autolimitent en choisissant de s’orienter vers des filières moins ambitieuses, mais où elles risquent moins d’échouer (13).

La diversification des choix d’orientation effectués par les filles est un des axes majeurs de la convention interministérielle de 2006 qui fixe comme objectifs de :

– veiller à inclure une dimension sexuée dans l’information délivrée sur les métiers et les filières de formation (notamment en mettant en place des outils de sensibilisation auprès des acteurs et des actrices de l’orientation afin de faire évoluer leurs représentations socioculturelles des divers métiers) ;

– promouvoir auprès des filles, les filières et les métiers des domaines scientifiques et technologiques porteurs d’emplois.

• Les premiers concernés, mais pas les seuls, compte tenu du rôle joué par les professeurs principaux dans l’orientation, sont ici les conseillers d’orientation qui doivent être sensibilisés et formés à cette question.

Cet enjeu n’est pas forcément perçu comme le souligne Françoise Vouillot : « L’INATOP forme des conseillers d’orientation-psychologues. Il est facile de constater que ceux-ci sont généralement peu sensibles aux questions d’égalité hommes-femmes. Par exemple, lors des congrès de l’Assemblée nationale des conseillers d’orientation-psychologues, ce thème n’est jamais abordé et il a fallu mettre en place au CNAM un module obligatoire pour en traiter. »

La Délégation insiste donc sur la nécessité, conformément aux objectifs de la convention, de développer cette approche dans la formation des conseillers d’orientation en insistant sur le poids des représentations des métiers et sur les moyens de les faire évoluer.

• Par ailleurs, la procédure d’orientation vient d’être revue.

La circulaire du 11 juillet 2008 (14)qui met en place le parcours de découverte des métiers et des formations, insiste sur le fait que cette approche de l’orientation doit contribuer à l’égalité des chances, non seulement entre milieux sociaux d’origine mais aussi entre jeunes gens et jeunes filles. Ce parcours, à poursuivre de la cinquième à la terminale, doit permettre d’appréhender des métiers différents « en dehors de tout préjugé sexiste ».

Pour contrecarrer la tendance aux orientations stéréotypées, le ministère incite les filles qui choisissent au collège l’option découverte professionnelle à se diriger vers des domaines que, spontanément, elles ne choisiraient pas. Le Ministre de l’Éducation nationale a précisé que, dès cette année, des banques de stages sont proposées dans trois académies et que la formule sera généralisée à la rentrée de 2009 afin de promouvoir la diversification.

La Délégation considère que les banques de stage doivent effectivement être généralisées, tout en menant une action active auprès des élèves pour faire découvrir aux jeunes filles des opportunités vers lesquelles elles ne se seraient pas spontanément tournées.

• Enfin, la contractualisation avec les branches professionnelles permet aussi d’agir en faveur de la mixité dans les orientations vers les métiers.

C’est un des engagements de la convention de 2006 pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif : « Renforcer la prise en compte de l’égalité entre les sexes dans les conventions de coopération avec les branches professionnelles, conformément à l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 sur la mixité et l’égalité professionnelle. »

Sous l’impulsion du service du droit des femmes et de l’égalité, des accords de partenariat ont été conclus avec des branches professionnelles, notamment :

– avec la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, en janvier 2007 pour encourager et développer l’accès des femmes aux métiers du bâtiment ;

– avec l’Agefos PME pour le développement de l’égalité professionnelle dans les PME et les TPE ;

– avec des entreprises de travail intérimaire pour promouvoir la mixité des emplois auprès des entreprises clientes.

Trente-cinq conventions existent aujourd’hui entre les branches professionnelles et l’Éducation nationale. Le Ministre de l’Éducation nationale a précisé à la Délégation qu’à chaque fois l’égalité d’accès des filles et des garçons à tous les métiers est mentionnée (15).

Au-delà de l’élargissement des choix professionnels des jeunes par une meilleure connaissance des métiers, l’ouverture des milieux professionnels à l’égard desquels les filles et les employeurs ont des préjugés, par des accords qui impliquent les entreprises, est un outil qui doit être généralisé.

III. L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS : UN OBJECTIF AFFICHÉ SANS ÊTRE PRIORITAIRE

A. UN OBJECTIF RÉGULIÈREMENT RÉITÉRÉ

1. Un objectif qui a été inscrit dans les textes

La contribution à l’égalité des femmes et des hommes est une des missions qui ont été confiées par la loi à l’Éducation nationale :

– Article L. 121-1 du code de l’éducation (article 5 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École du 23 avril 2005) : « Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur… contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation… Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu’à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte… »

– Article L. 123-2 du code de l’éducation (article 2 de la loi du 25 janvier 1984) : Le service public de l’enseignement supérieur contribue à « la réduction des inégalités sociales ou culturelles et à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en assurant à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche ».

Elle est déclinée dans les circulaires de rentrée :

– la circulaire de rentrée 2007 préconisait la tenue de statistiques sexuées par les établissements scolaires et demandait que soit menée auprès des élèves une information sur l’orientation professionnelle en écartant tout stéréotype lié aux genres pour donner une égale ambition scolaire aux filles et aux garçons ;

– la circulaire de rentrée 2008 fait figurer cet objectif parmi les dix priorités retenues, mais de façon moins spécifique au sein du chapitre Lutter contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l’homophobie : « L’École doit offrir à tous les enfants des chances égales et une intégration réussie dans la société. Sa mission est donc aussi de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, de permettre une prise de conscience des discriminations, de faire disparaître les préjugés, de changer les mentalités et les pratiques. Au sein des établissements, une importance particulière devra être accordée aux actions visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne : violences racistes et antisémites, violences envers les filles, violences à caractère sexuel, notamment l’homophobie. Par tous les moyens, prévention et sanction, la lutte contre la violence dans et autour des établissements demeure une priorité absolue. »

Dans le Socle commun des connaissances et des compétences attendues des élèves, défini par le décret du 11 juillet 2006 et sur lequel la mise en œuvre de la formation initiale des enseignants s’appuie, figurent le respect des autres, (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) et le respect de l’autre sexe.

La référence à l’égalité filles-garçons n’y étant toutefois explicitement pas présente, la Délégation considère qu’elle devrait y figurer.

2. L’engagement d’une démarche contractualisée

Le 1er mars 2004, avait été signé par toutes les organisations syndicales et professionnelles représentatives un accord national interprofessionnel sur la mixité et l’égalité professionnelle. Les signataires se sont engagés à favoriser l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les recrutements et à développer la mixité dans les stages en entreprise et dans les dispositifs de formation en alternance.

Du côté des intervenants publics, une coordination des actions et un engagement sur des objectifs ont été concrétisés sous la forme d’une convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif.

Une première convention, conclue entre le service du droit des femmes et l’éducation nationale, avait été signée en 1984. Elle a été suivie d’une deuxième convention, en 1989. Ces deux textes avaient pour objectif principal d’agir sur la diversification de l’orientation scolaire et professionnelle des jeunes filles.

Avec la convention du 25 février 2000, engageant cinq ministères et modifiée par un avenant en 2002 pour y inclure les ministères de la culture, de l’équipement et de la justice, une démarche interministérielle a pris le relais.

Ce texte a retenu une approche plus globale de la question de l’égalité dans le système éducatif et a reconnu l’égalité des sexes comme faisant officiellement partie des priorités éducatives. Le préambule de la convention le précisait : « Il s’agit… pour le système éducatif de définir une politique globale d’égalité des chances entre les sexes en direction de tous ses acteurs, du préélémentaire à l’enseignement supérieur, de la formation initiale à la formation tout au long de la vie. »

La Convention a été renouvelée le 29 juin 2006 (cf.Annexe).

Elle engage huit ministères : les ministères en charge de l’emploi, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la justice, des transports, de l’agriculture, de la culture, de la parité.

Dans la continuité de l’action engagée en 2000, elle s’articule autour de trois axes :

– l’amélioration de l’orientation scolaire de filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l’emploi ;

– l’éducation des jeunes à l’égalité des sexes (et non au simple respect mutuel comme en 2000) ;

– l’intégration de l’égalité dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et des actrices du système éducatif.

B. LA POLITIQUE D’ÉDUCATION À L’ÉGALITÉ : UNE DYNAMIQUE QUI S’EST ESSOUFLÉE

Les personnes auditionnées par la Délégation ont généralement souligné que la convention interministérielle de 2006 contenait tout ce qui est nécessaire à la mise en place des actions destinées à promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons.

1. Le système éducatif : un rôle moteur à jouer

a) Des fonctions qui sont restées longtemps non pourvues au ministère de l’Éducation nationale

La présidence du comité de pilotage de la convention pour l’égalité (COPIL) est restée vacante de mars 2005 à mars 2008, date à laquelle Mme Marie-Jeanne Philippe, rectrice de l’Académie de Besançon a été nommée à cette fonction.

Le comité est un lieu d’information des actions des partenaires dans le but de développer leur complémentarité mais aussi un lieu d’impulsion d’actions communes par la rencontre régulière des réseaux déconcentrés et par la création de groupes de travail.

La vice-présidence en est assurée par le chef du service du droit des femmes et de l’égalité, mais l’absence d’une présidence a pesé lourd sur le pilotage de la convention, le comité de pilotage n’ayant pu se réunir pendant toute cette période.

De même, le poste de chargée de mission à l’égalité au sein de l’éducation nationale est resté longtemps vacant.

Certes, comme l’a souligné Mme Marie-Jeanne Philippe, pendant cette période les ministères ont continué à travailler sur ces questions chacun pour leur part. Il n’empêche que cette situation a nécessairement eu des conséquences en termes de visibilité des actions et d’engagement dans cette politique.

b) La situation précaire des missions à l’égalité dans les universités

Les Missions égalité entre les femmes et les hommes dans les universités ont pour mission de veiller à l’égalité entre les hommes et les femmes dans le traitement et le déroulement des carrières au sein du personnel de l’université. Il leur revient aussi de développer des actions de promotion de l’égalité des chances des filles et des garçons dans leurs études et dans leur orientation professionnelle, ainsi que de promouvoir les études scientifiques et technologiques auprès des lycéens et particulièrement des lycéennes.

Ces missions ont été généralement mises en place, avec l’aide de financements du Fonds social européen à hauteur de 45 % des dépenses engagées par les universités. Ce programme s’est en fait arrêté en 2006.

Avec la suppression des financements européens, la pérennité des missions n’a pas été assurée. Certaines universités les ont maintenus, sans qu’il ait été possible à la Délégation d’en connaître le nombre exact. D’autres universités ont mis fin aux mises à disposition de locaux, aux budgets ou aux décharges de services qui leur permettaient de fonctionner.

De façon générale, ces missions organisées en réseau par la chargée de mission à l’égalité des chances femmes-hommes dans l’enseignement supérieur, mènent un travail de sensibilisation à l’égalité homme-femme autour d’actions dans l’enseignement secondaire, l’organisation de colloques ou d’expositions pour lutter contre les stéréotypes, la mise en place de lieux d’écoute contre le harcèlement sexuel… L’université de Paris 7 a érigé la mission égalité en Observatoire de l’égalité mais quand elles existent, ces missions sont généralement dotées de peu de moyens.

Le rôle et la légitimité des missions à l’égalité dans les universités apparaissent étroitement liés à la place qui leur est faite dans chaque université et à l’engagement personnel des responsables sur cette question. Seule une volonté claire de les voir fonctionner et de s’appuyer sur ces chargées de mission serait à même de garantir leur pérennité et l’efficacité de leur action.

2. La relance de la politique d’égalité filles-garçons

La nomination d’une présidente du comité de pilotage de la convention de 2006 a relancé le fonctionnement de celui-ci. Le comité a tenu trois réunions depuis mars 2008 et a défini plusieurs priorités :

– la production de données statistiques,

– l’identification des verrous,

– l’amélioration et diversification des choix d’orientation,

– la formation et l’information sur les violences à caractère sexiste,

– la formation à l’égalité des sexes dans les organismes de formation initiale des enseignants,

– la valorisation des concours comme moyen de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons.

La Délégation se félicite de la relance de la coordination interministérielle et de l’impulsion ainsi donnée à la mise en œuvre de la convention de 2006.

Seule une volonté politique forte d’agir dans le sens d’une promotion déterminée de l’égalité homme-femme permettra que cet objectif ne passe pas toujours après des impératifs considérés comme plus urgents ou importants.

C. LA MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION DE 2006

1. Les déclinaisons régionales de la convention de 2006

La convention pour l’égalité entre les filles et les garçons pour la période 2000-2006 avait été déclinée localement par 16 académies, dont une outre-mer.

Au 1er octobre 2008, seules 7 académies sur 29 ont effectivement signé une convention couvrant la période actuelle. Il s’agit des académies de Caen, de la Guadeloupe, de Montpellier, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse.

Selon les informations qui ont été fournies à la Délégation par le ministère de l’Éducation nationale, depuis la signature de la convention de 2006, plus des deux tiers des académies se sont engagés dans la réécriture de la déclinaison régionale de leur convention précédente ou dans la rédaction d’une nouvelle.

a) Le bilan des déclinaisons régionales au 1er octobre 2008

Académie

Déclinaisons régionales de la Convention interministérielle

Aix-Marseille

Convention régionale en cours d’élaboration.

Amiens

Convention régionale signée pour 2000-2006.

Besançon

Convention signée pour 2004-2006 (Recteur, Préfet, DREF).

La signature de la nouvelle convention n’a pas encore été arrêtée. La définition du contenu et des signataires est en cours.

Bordeaux

Convention régionale rédigée au printemps 2008 : elle doit être signée à l’automne.

Caen

Convention régionale signée en 2007, pour 5 ans, entre le Recteur et le Préfet de Basse-Normandie, le Président de la région, le Directeur régional de l’Équipement, le Directeur régional des affaires sanitaires et sociales, l’ONISEP, l’IUFM, le CNRS…

Clermont-Ferrand

Pas de réponse

Corse

Convention régionale en cours de préparation.

Créteil

Convention régionale en cours de réalisation par la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’Égalité en Ile-de-France (DRDFE) ; devant être signée en partenariat avec les trois rectorats d’Ile-de-France et la DRDFE

Dijon

Groupe de travail animé par le SAIO chargé depuis le mois de janvier 2008 de préparer la convention régionale

Grenoble

Comité de pilotage pour la région Rhône-Alpes réunissant les académies de Grenoble et de Lyon en cours d’élaboration.

Guadeloupe

Convention régionale signée en juillet 2008 pour trois ans. Les signataires sont notamment le Recteur, le Préfet, le Président du Conseil général, le Directeur de l’IUFM, le Directeur de l’Agriculture et de la Forêt.

Guyane

--

Lille

Pas de réponse

Limoges

Convention régionale signée en 2000 par 36 signataires

Lyon

Convention 2001-2006 non formalisée ; mais partenariat actif avec l’Éducation nationale, les services de l’État en région, les partenaires sociaux et le conseil régional. Pas de déclinaison académique particulière pour Grenoble.

Un comité de pilotage réunissant les académies de Grenoble et de Lyon est en train d’être élaboré.

Martinique

Pas de réponse

Montpellier

Convention régionale signée en 2000 par le Préfet et le Recteur.

Deuxième convention élargie à dix services régionaux signée en 2005. À ce jour un avenant est prévu.

Nancy-Metz

Convention régionale 2008-2012 élaborée mais n’est pas encore signée ; les signataires sont le Recteur, le Préfet, la DRAF, des représentants de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie de Lorraine, le MEDEF et Nancy-Université II.

Nantes

Convention régionale en cours d’élaboration. Il est indiqué que le Recteur souhaite que les actions inscrites dans la convention régionale soient en cohérence avec le projet académique dont la construction est prévue au cours de cette année 2008-2009.

Nice

Pas de réponse

Orléans-Tours

Déclinaison régionale 2008-2011 de la convention en cours d’élaboration ; les signataires sont le Recteur, le Préfet, l’Union régionale des CIDFF, la Chambre régionale de Commerce et d’Industrie, la Chambre régionale de l’Agriculture de la région Centre, et la Chambre régionale des Métiers et de l’Artisanat.

Paris

Convention régionale en cours de réalisation par la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’Égalité en Île de France (DRDFE) ; devant être signée en partenariat avec les trois rectorats d’Ile de France et la DRDFE.

Poitiers

Convention régionale 2004-2006 signée par le Recteur, le Préfet, la Présidente de la Région et le Directeur régional de l’agriculture et de la forêt. Un bilan et des fiches-actions ont été élaborés en 2007.

Reims

Aucune convention régionale n’a été signée, un réseau interinstitutionnel a été créé.

Rennes

Convention régionale signée en 2005 par le Recteur, le Préfet, et le DRAF. Actualisation prévue en 2009.

Rouen

Convention régionale signée pour 2007-2011 entre le Préfet, le Recteur, le Président du Conseil régional et une vingtaine de structures ; un comité de pilotage annuel est prévu.

Strasbourg

Convention régionale signée pour 2007-2011

Toulouse

Convention régionale signée pour 2008-2013

Versailles

Convention régionale en cours de réalisation par la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’Égalité en Ile-de-France (DRDFE) ; devant être signée en partenariat avec les trois rectorats d’Ile-de-France et la DRDFE.


b) Les réunions inter-académiques initiées par la nouvelle présidente du comité de pilotage

La présidente du COPIL a précisé à la Délégation qu’elle entendait organiser son action autour de réunions inter-académiques dès le début de l’année 2009. Ces réunions réunissant les réseaux des ministères et les délégués aux droits des femmes, permettront de décliner en actions ces thèmes prioritaires en fixant un échéancier. L'objectif visé est que chacun fasse siennes ces propositions d'action.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé qu’elle se fixait l’objectif de convaincre les partenaires locaux de mettre en œuvre les orientations nationales d'ici douze à dix-huit mois.

La question de l'égalité entre les hommes et les femmes étant peu abordée spontanément par les médias, qui ne la considèrent pas comme un thème majeur, toutes les occasions d'en faire parler doivent être saisies et la Délégation souhaiterait que ces réunions inter-académiques soient médiatisées.

2. Fédérer et pérenniser les actions menées localement

Il ressort des premiers bilans d’application de la convention qui ont été dressés par le service aux droits des femmes, le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche que, localement, ceux qui ont en charge la question de l’égalité filles-garçons se sont employés, avec leurs moyens, à travailler à cet objectif.

Ces actions s’appuient sur les rectorats et le réseau des chargés de mission académiques. Le bilan qui a été dressé de la convention de 2000 montre que les chargées de mission se sont implantées dans toutes les académies, en liaison le plus souvent avec les services d’information et d’orientation.

En 2004, un tiers des académies a également mis en place des correspondants pour l’égalité dans les établissements scolaires. Relais d’information, ces correspondants ont la charge d’impulser des initiatives dans leur établissement et bénéficient périodiquement de journées formation.

Ces actions mettent aussi en jeu les déléguées aux droits des femmes, les services déconcentrés des ministères, les associations partenaires, les collectivités locales, les chambres consulaires, les syndicats professionnels, les missions locales les entreprises… que ce soit par la création de prix, l’organisation de colloques, l’élaboration et la diffusion d’outils pédagogiques comme « 50 activités pour l’égalité filles-garçons » (16), la participation à la fête de la science, l’organisation de journées d’informations sur les métiers, l’organisation d’expositions ou de concours à destination des élèves…

Ces initiatives de proximité sont fortement dépendantes de ceux qui les portent et leur pérennité n’est pas toujours assurée d’une année sur l’autre. C’est en cela que le rôle du comité de pilotage est précieux comme capacité d’impulsion et de coordination pour donner une véritable visibilité à ces objectifs.

3. Encourager l’accès des filles aux carrières scientifiques

La convention de 2006 comporte un chapitre relatif à la promotion auprès des filles, des filières et des métiers scientifiques et technologiques porteurs d’emplois, en fixant les objectifs suivants :

– développer des actions et des outils de communication (plaquettes, cédéroms, colloques, expositions, journées portes ouvertes...) à destination des filles, notamment dans le cadre de la Fête de la science ;

– renforcer l’information sur les aides encourageant l’orientation des filles vers ces filières et métiers, tel que le Prix de la vocation scientifique et technique ou le Prix Irène Joliot-Curie, et valoriser le parcours des lauréates ;

– mettre en place des actions de coopération avec le monde professionnel, sous forme notamment de stages, de tutorats, de journées portes ouvertes, afin de développer et valoriser la place et le rôle des femmes dans les secteurs scientifiques et techniques ;

– poursuivre le travail de promotion des filières et des métiers liés aux technologies de l’information et de la communication.

a) L’information sur les carrières scientifiques et techniques

Plusieurs opérations comme la Fête de la Science cherchent à mieux faire connaître les carrières scientifiques pour attirer un plus grand nombre de jeunes.

La Délégation considère que ces manifestations et les campagnes d’information existantes destinées à promouvoir les métiers scientifiques doivent servir à valoriser de façon forte et visible, la place des filles dans les carrières scientifiques et techniques.

Les associations de femmes scientifiques comme l’Association femmes et mathématiques, l’Association des femmes ingénieurs et l’Association femmes et sciences mènent activement en coopération avec l’Éducation nationale des opérations de sensibilisation et d’information en classe de troisième et auprès des lycéens, mais elles ne peuvent évidemment que développer un nombre limité d’interventions (ces associations rencontrent environ 3 000 élèves par an pour la région Île-de-France ce qui est très peu par rapport aux effectifs d’une classe d’âge).

Il est donc indispensable de développer et relayer les actions de sensibilisation des filles aux carrières scientifiques menées par les différents partenaires. Seuls 18 lycées ont participé à l’opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences dans les lycées à Paris » lancée par la mairie de Paris avec l’appui de ces associations en décembre 2007.

b) Les prix encourageant l’orientation des filles vers les carrières scientifiques et techniques

Des prix mettant en valeur des carrières exemplaires de femmes constituant des modèles de réussite et cherchant à diversifier les orientations des filles ont été institués par les pouvoirs publics avec l’aide de partenaires.

Le Prix Irène Joliot-Curie qui vise à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie distingue aussi depuis 2007 une femme engagée dans le « mentorat » auprès d’étudiantes. Le Prix de la vocation scientifique et technique de l’année est destiné à des élèves de terminale qui font le choix de s’orienter après le baccalauréat vers une filière scientifique ou technologique de l’enseignement supérieur. S’y ajoutent le prix « Excellencia » ou le prix l’Oréal Unesco ainsi que des prix décernés au niveau régional par les Déléguées régionales aux droits des femmes en partenariat avec les conseils régionaux.

La remise de ces prix, en faisant évoluer le regard sur les métiers, est un facteur de changement des mentalités à condition qu’ils aient un effet démultiplicateur suffisant.

c) Encourager l’accès des jeunes filles aux classes préparatoires aux grandes écoles

Aux déterminants qui guident les choix d’orientation des jeunes filles, vision des métiers, poids de l’entourage familial… s’ajoutent aussi des raisons plus matérielles liées à la question des internats.

Une majorité des internats de classe préparatoire restent, en effet, des internats de garçons, obligeant les jeunes filles à se tourner vers des solutions plus coûteuses de logement en ville et n’offrant pour certaines familles la même solution « sécurisante ». Les élèves « méritantes » à qui l’on veut donner une chance d’intégrer les grandes écoles en mettant en place des dispositifs spécifiques dans les établissements scolaires, en ont certainement particulièrement besoin pour avoir toutes les chances de réussir.

La Délégation considère qu’un effort important doit être fait dans le sens de l’ouverture d’internat de filles dans les lycées comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles, en mobilisant les régions qui ont compétence sur cette question.

4. Des actions à reprendre : les statistiques sexuées

Aux termes de la convention de 2006, les signataires s’engagent à accroître les données statistiques sur la répartition sexuée dans les différentes filières d’enseignement et de recherche et à en assurer une diffusion élargie.

Dans le cadre de la convention de 2000, une opération de collecte de données sexuées avait été lancée par université. Les données ainsi obtenues étaient relatives aux étudiants et à leur répartition dans les cycles, les filières et les disciplines, et aux enseignants et chercheurs et au personnel IATOS. Elles ont donné lieu à deux éditions, la deuxième couvrant la période 2002-2003.

Dans le cadre de la mission Égalité des chances de l’enseignement supérieur, des dossiers permettant une comparaison des résultats avaient ainsi été constitués, par université. Ce travail qui avait vocation à être remis à jour, affiné et étendu n’a pas été poursuivi de façon centralisée et ces dossiers ne sont donc plus disponibles dans une forme actualisée.

L’élaboration d’outil statistique a repris avec la publication, en novembre 2007 grâce au concours de la DEPP de « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Celui-ci retrace, de façon synthétique, la situation comparée des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur et au sein des personnels de l’enseignement supérieur.

La Délégation considère que l’outil que constituait la collation des résultats université par université devrait être repris.

D. LES ENJEUX DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES

Un des points important de la convention concerne la prévention et la lutte contre les violences sexistes, notamment par la promotion du respect mutuel entre les sexes, l’information sur les violences spécifiques subies par les filles issues de l’immigration, tels que les mariages forcés et les mutilations sexuelles, le renforcement de la lutte contre le harcèlement sexuel mais aussi le recensement des violences subies par les filles dans l’ensemble des établissements.

Le constat très préoccupant d’un durcissement des relations filles-garçons à l’école a été plusieurs fois formulé lors des auditions, et ce quels que soient les établissements, avec parfois des cas particulièrement difficiles dans le cas de situations violentes vécues par les jeunes filles dans les filières techniques de l’enseignement secondaire.

Ce n’est pas l’objet de ce rapport de procéder à une analyse des violences en milieu scolaire, mais il est vrai que l’échec scolaire et la violence à l’école, en particulier quand elle se manifeste entre filles et garçons, relèvent aussi pour partie, de la problématique de l’égalité fille-garçon. Comme l’a souligné Françoise Vouillot devant la Délégation : « De nombreuses questions devraient être analysées autrement pour faire jouer de nouveaux leviers, l’échec scolaire y compris. Par exemple, la violence des garçons défavorisés en milieu scolaire relève aussi pour partie de ces problématiques de l’égalité et de la construction de l’identité. »

La circulaire de rentrée 2008-2009 a réaffirmé la nécessité d’y accorder une attention prioritaire : « Au sein des établissements, une importance particulière devra être accordée aux actions visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne : violences racistes et antisémites, violences envers les filles, violences à caractère sexuel, notamment l’homophobie. Par tous les moyens, prévention et sanction, la lutte contre la violence dans et autour des établissements demeure une priorité absolue. »

IV. LA FORMATION DES PERSONNELS DE L’ÉDUCATION NATIONALE À L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS

« L’enseignement, la formation et la culture continuent à véhiculer des stéréotypes liés au genre. Les femmes et les hommes suivent souvent des parcours traditionnels de formation, qui placent les femmes dans les professions moins valorisées et moins rémunérées. L’action politique devrait donc avoir pour priorité de lutter contre des stéréotypes sexués dès le plus jeune âge, en organisant une formation de sensibilisation des enseignants et des étudiants, et en encourageant les jeunes femmes et hommes à s’orienter vers des études non traditionnelles. » (feuille de route 2006-2010 pour l’égalité entre les hommes et les femmes de commission européenne).

Faire évoluer le double constat de la réussite scolaire des filles et de la persistance des inégalités professionnelles, passe nécessairement par la sensibilisation puis la formation des enseignants aux questions d’égalité filles-garçons et par l’intégration de cette dimension dans les enseignements et la pédagogie.

Les conventions de 2000, puis de 2006 en ont fait un de leur axe d’action.

Convention de 2006 (extrait)

………………………………………………………………………………………

3 - Intégrer l’égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et actrices du système éducatif

Les différents objectifs de la présente convention impliquent une formation à l’égalité des membres du système éducatif, tout autant pour la mise en œuvre d’une éducation à l’égalité que pour une meilleure prise en compte de la mixité dans l’exercice quotidien de leur métier. Favoriser l’égalité entre les sexes doit ainsi constituer un objectif transversal de l’action éducative, aussi bien à titre individuel qu’à titre collectif dans le cadre des projets d’établissements. En ce sens, les parties s’engagent à :

3.1 Former l’ensemble des acteurs et actrices du système éducatif à l’égalité

– Réaliser un support adapté de formation à l’égalité, à destination des centres de formation des enseignants ;

– Développer la formation de formateurs à l’égalité ;

– Généraliser la formation à l’égalité des membres du système éducatif dans le cadre de leur formation initiale et continue.

Malgré ces ambitions, il est manifeste que l’éducation à l’égalité fille-garçon se heurte toujours à des résistances. Il subsiste des verrous qui freinent la réalisation des objectifs fixés par la convention.

Nicole Mosconi les analyse ainsi : « Le verrou principal vient de ce que l’administration de l’éducation nationale, dans sa majorité, résiste fortement. Il y règne l’idée selon laquelle la mixité suffit à l’égalité. On a longtemps vécu sur l’idée que la mixité était une sorte de déclinaison de la laïcité ; ce principe auquel la France tient tant implique que les enseignants fassent abstraction des particularités des élèves, le sexe en étant une parmi d’autres. Il n’y a dès lors pas lieu de penser que le système scolaire traite différemment les filles et les garçons. »

C’est au sein des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, les IUFM, qui préparent les candidats aux concours et forment les professeurs stagiaires, les professeurs des écoles, des collèges et des lycées ainsi que les conseillers principaux d’orientation, que cette question se devait d’être prise en compte.

Le processus d’intégration des IUFM à l’université, initié par la loi du 23 avril 2005, s’est progressivement effectué et va s’articuler aujourd’hui avec le projet de réforme de la formation et du recrutement des enseignants au niveau master.

La Délégation considère que cette réforme doit être l’occasion, en fonction des enseignements que l’on peut tirer de ce qui a été fait jusqu’ici dans les IUFM en termes d’éducation à l’égalité et pour appliquer la convention de 2006, d’intégrer pleinement cette dimension dans la formation des enseignants.

A. LE BILAN DES ACTIONS DE FORMATION À L’ÉGALITÉ DANS LES IUFM

Pour l’application de la convention interministérielle de 2000 pour l’égalité entre les filles et les garçons, l’IUFM de Lyon avait été choisi comme établissement pilote. Le plan de mise en place comprenait trois volets : le volet formation pour les futurs enseignants, le volet recherche et le volet documentation.

Le volet formation est inscrit depuis 2000, dans le plan de l’IUFM. Il prévoit une formation de six heures par an consistant dans une formation à la question de l’égalité et de la mixité qui insiste sur le fait que le professeur dans la classe n’a pas devant lui des personnes neutres mais des garçons et des filles.

Mme Zancarini, qui avait été chargée de mission nationale pour la mise en oeuvre de la convention dans les IUFM, a souligné que « bien que ce nombre d’heures puisse paraître dérisoire, il reste pourtant difficile de les insérer dans l’emploi du temps des professeurs stagiaires qui ont de nombreux sujets à traiter au cours de leur formation. » De fait, peu d’IUFM ont mis en place des modules spécifiques obligatoires.

Afin d’avoir une vue d’ensemble des actions de formation à l’égalité qui sont mises en place aux différents niveaux du cursus de formation des enseignants, un questionnaire sur ce sujet a été envoyé aux IUFM.

Un peu plus de la moitié d’entre eux y ont répondu. Les résultats synthétisés des réponses sont retracés dans le tableau ci-après.

 

Formations obligatoires

Formations facultatives

Information sur la convention

Aix Marseille

Non

Non

Non

Alsace

- PE2 : 6 heures depuis 2002 ; en 2007 intégré dans les compétences à acquérir

- PLC2 : au travers des formations transversales

- Formation de formateurs

 

Oui

Basse-Normandie

Intégré à la formation à l’orientation pour les PLC

Un module spécifique de la formation inter degrés (choisi chaque année par une quinzaine d’étudiants) et lors de conférences obligatoires sur le système éducatif

 

Bourgogne

Depuis 2004

- dans le cadre du module « évaluation »

- formation des CPE1 et dans une moindre mesure dans la formation générale des PLC

 

Oui pour les CPE1

Bretagne

- Quelques séances spécifiques pour les PE2 et PLC 2

- 2005-2007 : formation de formateurs de l’IUFM

   

Créteil

Pour les PE

Conférences ou débats depuis 2003

Pour les PLC

Conférences ou débats depuis 2003

(30 % des stagiaires)

Non

Franche-Comté

Une conférence générale adossée à la formation transversale

 

Oui dans le cadre du module : enseigner dans le système éducatif

Guadeloupe

Pas de formation spécifique ; abordé dans un cours sur les valeurs républicaines et l’école

 

Non

Guyane

Non

Non

Oui

Lorraine

- Sensibilisation dans le cadre des unités de formation

- Dans le cadre du séminaire « connaître le système éducatif »

- Le module « projet de l’élève » pour les CPE stagiaires aborde les différences d’orientation

- module optionnel pour les PLC animé par le chargé de mission du rectorat

- conférence sur l’égalité pour les formateurs

Non

Martinique

- PE2 : 4 heures depuis 2 ans (2 heures auparavant)

- PLC2, PLP2, CPE2 :

3 heures depuis 2 ans (2 heures auparavant)

- PE1, PLC1, PLP1, CPE1 : dans le cadre disciplinaire

 

Midi-Pyrénées *

     

Montpellier

Depuis 2004

Plus de modules optionnels spécifiques mais le choix de l’intégration dans les modules de pédagogie générale

Oui dans les modules de pédagogie générale

Nice

- PE2 : 3 heures depuis 2002

 

dans le cadre de la formation prévue pour les PE2

Nord-Pas-de-Calais

     

Centre Val de Loire académie Orléans Tour

 

Modules de 12 heures

Entre 2 et 7 % des stagiaires

Dans le cadre du module

Pacifique

Nouvelle-Calédonie : non

Polynésie française : information des PLC 2 et PLP2

Nouvelle Calédonie : non

non

oui

Pays de Loire

- PLC2 et CPE2 : dans le module transversal : formation générale professionnelle et dans le module « intégration des savoirs »

- initiatives ponctuelles de formation des formateurs

   

Poitou-Charentes

 

Depuis 2007 : module optionnel de 24 heures en deuxième année

Pas de candidats

Oui dans le cadre de l’enseignement « connaissance du monde éducatif »

* Les informations fournies par l’IUFM de Midi-Pyrénees sont les suivantes : Un affaiblissement progressif de la thématique qui aboutit au passage d’une formation spécifique à l’égalité fille garçon à un éparpillement des formations. En conséquence, les étudiants sont touchés de façon très inégale. La problématique est laissée à la discrétion des formateurs sans coordination. Exemples : 2 heures pour la préparation au concours de CPE ; sensibilisation tout au long de l’année de ceux préparant le CAPES de mathématique ; travail sur un dossier relatif à l’égalité pour des stagiaires en formation continue

CPE1

Étudiant inscrit en 1ère année d’IUFM pour préparer le concours de conseiller principal d’éducation

CPE2

Conseiller principal d’éducation stagiaire, inscrit en 2ème année d’IUFM

PE1

Étudiant inscrit en 1ère année d’IUFM pour préparer le concours de professeur des écoles

PE2

Professeur des écoles stagiaire, inscrit en 2ème année d’IUFM

PLC1

Étudiant inscrit en 1ère année d’IUFM pour préparer le CAPES ou le CAPET

PLC2

Professeur des lycées et collèges stagiaire, inscrit en 2ème année d’IUFM

PLP1

Étudiant inscrit en 1ère année d’IUFM pour préparer le CAPLP (Certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel)

PLP2

Professeur stagiaire de lycée professionnel, inscrit en 2ème année d’IUFM

1. Des formations à l’égalité filles-garçons qui ne sont ni systématiques, ni généralisées

Les informations recueillies auprès des IUFM ayant renseigné le questionnaire qui leur a été adressé font apparaître que :

– des actions relatives à l’égalité filles-garçons sont généralement menées par les IUFM, du moins parmi ceux ayant répondu ; peu d’IUFM déclarent ne pas du tout prendre en compte cette problématique ;

– elles ont été mises en place selon des modalités très diverses qui vont de la simple information, à l’organisation de conférences par des spécialistes de la question, à la sensibilisation ou au travail sur ce sujet lors des enseignements traitant des compétences disciplinaires, jusqu’à la mise en place de modules spécifiques facultatifs ou obligatoires qui peuvent, d’ailleurs, au sein de l’IUFM varier d’un site de formation à l’autre ;

– ces actions s’adressent rarement à l’ensemble des étudiants et des stagiaires mais sont plutôt mises en place en direction des élèves et stagiaires soit du primaire, soit du secondaire. Elles ne s’adressent donc pas à l’ensemble d’entre eux et sont donc, quand elles existent, loin d’être systématiques ;

– elles ne sont pas toujours inscrites dans le plan de formation pluriannuel.

Globalement, ces formations donnent l’image d’initiatives parcellisées, pas toujours continues d’une année sur l’autre, et dépendant beaucoup de l’engagement des acteurs sur ce sujet.

2. Des difficultés ont été soulevées à l’intégration de cet objectif dans le cursus de formation

Interrogés sur les difficultés rencontrées pour mettre en place des actions d’éducation à l’égalité, les directeurs d’IUFM ont souligné que lorsque les modules sont facultatifs, ils attirent peu, voire pas du tout, les stagiaires. Certaines formations proposées n’ont pas eu lieu faute de candidats alors que, par ailleurs, l’évaluation des motivations des stagiaires montre des attentes en matière de gestion de la mixité et de ses difficultés : violence verbale des garçons, propos sexistes, gestion des activités physique et sportive.

Les formateurs doivent eux-mêmes être formés à l’égalité fille-garçon et à la prise en compte de cette problématique par l’enseignant. Des IUFM ont développé des actions en ce sens. Or, les formateurs peuvent, comme cela a été souligné, manquer d’engagement sur cette question.

Surtout, plusieurs IUFM ont fait état de la difficulté d’inscrire ces actions dans l’emploi du temps contraint des élèves et des stagiaires.

Dans certains IUFM des temps de formation ont bien été dégagés. On peut citer à titre d’exemple l’IUFM de la Martinique.

IUFM de la Martinique

– Les PLP1 lettres-histoire, par les questions proposées en histoire, sont amenés depuis six ans à travailler de façon approfondie la question du genre. En effet, pendant 3 ans, l’un des thèmes fut : « Les femmes en France de 1848 à nos jours » ou « La Russie de Catherine II à nos jours ». En épistémologie et préparation de l’épreuve sur dossier, 3 heures sont consacrées à l’égalité filles-garçons à l’école.

– Les PLC1 histoire-géographie bénéficient d’une sensibilisation dans le cadre de la préparation de l’épreuve sur dossier où 3 heures sont consacrées à l’égalité filles-garçons à l’école.

– Les CPE1 bénéficient de 2 heures de formation obligatoire sur la question de l’égalité filles-garçons dans le cadre du module « l’histoire du système éducatif ».

3. Inscrire l’éducation à l’égalité dans la formation des enseignants

Le bilan de la convention pour l’égalité dressé en 2000 par le ministère de l’Éducation nationale dans la perspective de la conclusion de celle de 2006, l’avait exprimé très clairement : « Le passage à une formation obligatoire des enseignants dans le cadre des centres de formation (en premier lieu, les IUFM de l’éducation nationale) constitue un objectif primordial dans le cadre de la promotion de l’égalité dans le système éducatif, à atteindre dans le cadre de la convention 2006/2012 ». L’analyse de la pratique des IUFM montre que cet objectif n’a pas été pleinement atteint.

La réforme en cours qui confie aux universités la responsabilité de la formation initiale des enseignants, soulève de fortes interrogations sur la façon dont cette question sera prise en compte dans le cadre des masters.

a) En formation initiale

Le cahier des charges de la formation des maîtres en IUFM arrêté en décembre 2006, fixait aux universités intégrant un IUFM, les obligations à respecter dans l’élaboration de leurs plans de formation ; les formations proposées étant établies en fonction de ces orientations et des programmes des concours.

Dans ce cahier des charges figure, parmi les valeurs de la République que le maître doit connaître, l’égalité entre les hommes et les femmes et la nécessité de mettre en œuvre les valeurs de la mixité, qu’il s’agisse du respect mutuel ou de l’égalité entre tous les élèves.

La « mastérisation » de la formation des professeurs qui est en train d’être mise en place et le principe d’autonomie pédagogique des universités modifie profondément le cadre dans lequel cet impératif doit être pris en compte. En effet, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a fait du processus contractuel le principe unique d’organisation des rapports entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur.

Les réunions inter-académiques qui vont se tenir sous l’égide du COPIL, devraient être le moyen de mobiliser les responsables de l’élaboration des formations sur cette nécessité, comme l’a précisé Mme Marie-Jeanne Philippe, présidente du COPIL « À ces réunions seront présents les représentants des ministères concernés, les recteurs ainsi que les directeurs d'IUFM, auxquels nous rappellerons qu'ils doivent former les futurs enseignants sur ce sujet. Nous nous appuierons sur les exemples existants pour montrer ce qu'il est possible de faire

D’autre part, selon les précisions apportées par le Ministre de l’Éducation nationale à la Délégation, la connaissance du système éducatif en matière de lutte contre les discriminations sexistes fait partie du programme et sera évaluée lors de l’entretien professionnel avec le jury.

L’affirmation de l’éducation à l’égalité entre les filles et les garçons doit effectivement être une compétence évaluée si l’on veut qu’elle soit déclinée dans les formations mises en place par les universités.

Elle doit se traduire concrètement par la mise en place de formation sur le thème de l’égalité fille-garçon, au moyen de modules pédagogiques spécifiques, au sein de modules sur le système éducatif ou encore de façon transversale dans les enseignements, que ce soit dans le cadre des masters disciplinaires ou de masters dédiés selon le type d’organisation qui sera arrêtée dans chaque université.

Cela suppose qu’une orientation en ce sens soit donnée au niveau ministériel et que cet impératif figure dans les contrats quadriennaux d’objectifs et de gestion conclus entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur.

b) En formation continue

L’éducation à l’égalité fait aussi partie de la formation continue des enseignants. Les plans de formation sont arrêtés dans chaque Académie.

Comme pour la formation initiale, il est tout autant important que ces plans comprennent des formations sur les thèmes de l’égalité. Celles qui existent, en direction des enseignants ou des conseillers d’orientation, sont organisées à des degrés très divers et de façon très variable selon les Académies.

Les réunions inter-académiques devront contribuer à inscrire ces formations dans les plans.

Un des problèmes soulevé par les IUFM est celui-ci du peu de succès recueilli par des actions spécifiques sur le thème de l’égalité filles-garçons, qui finalement ne s’adresseraient qu’aux enseignants déjà sensibilisés à cette question, manquant ainsi une bonne part de leur cible.

Pour cette raison, certains d’entre eux ont choisi de mettre en place des actions éducatives à l’égalité dans le cadre des formations disciplinaires, développant ainsi une approche transversale de la question qui favorise son intégration dans les pratiques professionnelles et constitue un support à l’élaboration d’activités pédagogiques spécifiques sur l’égalité filles-garçons.

Il s’agit d’un objectif poursuivi par le ministère de l’agriculture qui cherche à systématiser une « approche genre » dans les modules proposés.

La Délégation insiste sur la nécessité de prévoir dans les plans académiques, des formations sur le thème de l’égalité pour pouvoir toucher également les personnels enseignants déjà en fonction.

c) En impliquant les établissements d’enseignement

Le plan national de formation pour les personnels d’encadrement de l’Éducation nationale propose des formations sur le thème de l’égalité homme-femme. C’est ainsi que l’année dernière un séminaire a été organisé sur ce sujet à L'École Supérieure de l'Éducation Nationale.

Le renouvellement de telles opérations est indispensable. Certes, elles s’inscrivent au milieu de tous les autres thèmes dont l’éducation nationale à traiter mais, comme cela a déjà été dit, l’égalité fille-garçon n’est pas une problématique isolée. Si la prise en compte des inégalités sociales et culturelles occulte les différences filles-garçons en réalité les deux facteurs s’entrecroisent.

D’autre part, c’est l’ensemble de la communauté éducative qui devrait être mobilisée. Avec l’appui des chargés de mission académiques à l’égalité des chances, les établissements d’enseignements devraient être incités à inscrire cette thématique dans les projets d’établissement.

B. LA RECHERCHE ET L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE DES FEMMES ET DU GENRE

Selon les termes de la convention de 2006, les signataires s’engagent à développer dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche les études et recherches sur le genre.

1. La recherche sur l’histoire des femmes et du genre est encore peu développée en France

Mme Annette Viewiorka, rapporteure du Conseil économique, social et environnemental sur la place des femmes dans l’histoire enseignée, le souligne : « On a souvent tendance à se défausser sur les enseignants, auxquels on demande d’enseigner l’histoire de la colonisation, l’histoire des femmes ou le génocide juif, alors qu’on ne les a pas formés sur ces sujets, et sans même se préoccuper au préalable de l’écriture de cette histoire. Les enseignants sont des vulgarisateurs : ils médiatisent, au bon sens du terme, une connaissance qu’ils ont trouvée ailleurs. La première condition est donc de s’assurer de la possibilité d’écrire cette histoire. »

C’est à partir des années soixante-dix que les études et la recherche sur l’histoire des femmes et du genre se sont développées en France ; elles le sont encore peu par rapport aux pays anglo-saxons.

Quatre universités françaises travaillent sur les questions de genre (Paris 7, Paris 8, Toulouse 2 – Le Mirail et Lyon 2), soit en ayant constitué des centres de recherche, soit en intégrant des thèmes d’enseignement et de recherche dans leur cursus, le plus souvent dans le cadre de diplômes de sociologie ou de science politique, parfois de philosophie ou de démographie.

Parallèlement, très peu de postes d’enseignants-chercheurs ont été créés sous la mention « genre ». Il n’y a pas de section au Conseil National des Universités qui y soit consacrée, ce qui n’incite pas à entreprendre une thèse dans ce domaine.

La Délégation demande que les cursus universitaires dans le domaine de l’histoire des femmes et du genre soient développés, en créant des postes fléchés d’histoire des femmes et du genre.

2. La transmission des savoirs

Se pose à la fois la question de l’élaboration des savoirs mais aussi celle de leur transmission.

Pour ce qui est de l’écriture de l’histoire des femmes, il a fallu lever les obstacles à la reconnaissance de la place des femmes dans l’histoire.

« Les premiers historiens ne parlent pas des femmes parce que ce qui est considéré comme important, c’est l’histoire publique, où les femmes ne sont pas… Les chroniqueurs du Moyen-Âge parlent davantage des femmes et celles-ci entrent en scène progressivement. Au XVIIIe, les historiens en parlent également davantage. Le grand historien du XIXe siècle […], Jules Michelet, parle des femmes. Cependant, on s’aperçoit qu’il a sur les hommes et les femmes les idées de son temps, c’est-à-dire qu’il y a des rôles sexuels à respecter : les hommes interviennent dans la vie publique et la politique, les femmes dans la sphère familiale et privée. … S’il existe des obstacles à la reconnaissance de la place des femmes dans l’histoire, c’est à cause de ces représentations qui président à la construction du récit historique. Quand les femmes ont voulu qu’il y ait une histoire des femmes, elles ont bien sûr étudié ce qu’elles faisaient dans la sphère privée – leur rôle de mère, leur travail – mais ont également parlé de leur intervention sur la scène publique, par exemple, leur rôle dans la résistance.»  (17)

L’histoire est d’abord une histoire politique dont les femmes sont absentes. Le développement de l’histoire économique et sociale a permis de les faire réapparaître. Cette histoire, en train de s’écrire doit aussi pouvoir être enseignée.

Or, les travaux sur l’histoire des femmes ne trouvent qu’une très faible traduction dans l’enseignement supérieur. « La quasi-totalité des étudiants d’histoire suivent un cursus dans lequel l’histoire des femmes ou l’histoire du genre n’est jamais évoquée. Ces étudiants deviendront pourtant, pour une partie d’entre eux, des enseignants » (18).

Mme Christine Bard, professeure des universités en histoire contemporaine, a précisé à la Délégation qu’elle imposait dans le cadre de son enseignement, un cours d’histoire contemporaine sur l’histoire des femmes et du genre, qui intéresse finalement aussi bien les garçons que les filles. Si ce cours avait été optionnel, il n’aurait sans doute été suivi que par des filles. Elle a ensuite fait valoir que : « les étudiants devraient être intéressés à la problématique du genre dès la première année, lequel peut du reste être abordé au travers de l’histoire de la famille, de la maternité, de la démographie, du travail et de la politique. L’idéal serait que, parallèlement à des cours spécifiques sur le genre, les professeurs non spécialistes intègrent cette histoire dans leur thématique, car il s’agit là d’une matière transversale. ».

Des évolutions ont eu lieu : l’histoire des femmes figure désormais parmi les questions mises au concours de l’enseignement en histoire-géographie. Cependant, les enseignements d’histoire font encore massivement référence aux figures masculines et toujours référence aux mêmes figures de femmes : Les personnages significatifs de la construction de l’État en France : Philippe Auguste, Philippe IV le Bel et Guillaume de Nogaret, Charles VII et Jeanne d’Arc…(Histoire, programmes de cinquième).

« Aujourd’hui, quand on parle des femmes dans les manuels – ce qui est encore assez rare – il s’agit toujours de femmes exceptionnelles et d’héroïnes : Jeanne Hachette, Jeanne d’Arc, les reines, comme Catherine de Médicis et Marie-Antoinette, les courtisanes comme Madame de Pompadour. Ou alors, elles sont évoquées en tant que groupe : tous les manuels parlent des fameux 5 et 6 octobre 1789 où les femmes de la Halle sont parties à Versailles chercher le roi, la reine et « le petit mitron » pour les ramener à Paris parce que la cherté du pain avait déclenché une révolte » (19).

Sur ce point encore, la question centrale se trouve être celle de la formation des enseignants et de l’évaluation des pratiques en classe.

V. LA PLACE DES FEMMES DANS LES PROGRAMMES ET LES MANUELS SCOLAIRES

Convention 2006 (extrait)

Les Parties s’engagent à :

2.1 Intégrer dans les enseignements dispensés, la thématique de la place des femmes et des hommes dans la société ;

– Développer la thématique de l’égalité entre les sexes dans les divers enseignements ;

– Valoriser le rôle des femmes dans les enseignements dispensés ;

– Inciter les professionnels de l’édition à renforcer la place des femmes dans les manuels scolaires et écarter tout stéréotype sexiste de ces supports pédagogiques ;

– Mettre en place des actions de sensibilisation aux stéréotypes sexistes véhiculés dans les médias ;

– Développer dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche les études et recherches sur le genre.

1. La thématique de la place des hommes et des femmes

Le socle commun des connaissances et des compétences arrêté en application de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, fixe les repères culturels et civiques qui constituent le contenu de l’enseignement obligatoire. Il définit les sept compétences que les élèves doivent maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire. Il fixe les objectifs qui fondent la rédaction des programmes.

Parmi les compétences sociales et civiques que tout élève doit acquérir et développer au cours de sa scolarité obligatoire, figurent le respect des autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) et le respect de l’autre sexe.

a) L’égalité hommes-femmes a été intégrée dans les programmes de la voie professionnelle

Les programmes des enseignements généraux de la voie professionnelle d’avril 2008 ont fait une place aux questions d’égalité hommes-femmes dans le cadre des enseignements d’histoire-géographie et d’éducation à la citoyenneté.

« Vivre en citoyen »  propose, en seconde professionnelle, trois thèmes au sein desquels les professeurs doivent choisir. Parmi ceux-ci, celui appelé « Égalité, différences, discriminations » offre lui-même trois sujets possibles :

– Un exemple d’exclusion : racisme, sexisme, exclusion des handicapés ;

– Les salaires hommes-femmes ;

– La discrimination positive.

En première professionnelle, le programme d’histoire propose parmi les cinq sujets d’étude obligatoire : « Les femmes dans la société française de la Belle Époque à nos jours », au sein duquel une situation suivante, au moins, doit être traitée :

– Louise Weiss et le vote des femmes dans l’entre-deux-guerres ;

– La scolarisation des filles ;

– Simone Veil et le débat sur l’IVG.

Cette approche est particulièrement importante, compte tenu de la très grande diversification de ces filières selon le sexe et de la difficulté des rapports filles-garçons en enseignement professionnel.

b) La nouvelle conception des programmes du primaire a abouti à la disparition de références concrètes à la question de l’égalité homme-femme

La réécriture et la simplification des programmes du primaire ont renforcé la place faite à l’instruction civique et à l’apprentissage des valeurs de la République et donc de l’égalité. Cependant, sur l’approche de cette question sous l’angle de l’égalité filles-garçons, les nouveaux programmes du primaire ne sont que rarement explicites.

La révision des programmes effectuée en 2007, pour la rentrée 2007/2008, avait déjà supprimé du programme d’histoire du cycle des approfondissements (CE2, CM1 et CM2), des références aux inégalités hommes-femmes qui figuraient dans les programmes de 2002.

Avaient disparu :

– la mention de la place des femmes parmi les objectifs assignés à l’enseignement de l’histoire : « Chaque époque a été marquée par quelques personnages majeurs, dans l’ordre politique, mais aussi littéraire, artistique ou scientifique. On n’oubliera pas, pour autant, le rôle des groupes plus anonymes ni celui des femmes, dont on soulignera la faible place dans la vie publique» ;

– le « point fort » relatif à l’inégalité entre l’homme et la femme exclue du vote et inférieure juridiquement qui constituait l’un des trois points forts à retenir dans la partie du programme relative au XIXe siècle. 

Les programmes de 2007 maintenaient cependant dans la présentation de l’histoire du XIXe que : « En France, la République s’installe durablement, consolide les libertés fondamentales et développe l’instruction, mais la femme reste dans une position d’infériorité par rapport à l’homme, comme partout en Europe. » Ils prévoyaient aussi explicitement, dans le programme d’éducation civique, que l’étude de la question de la citoyenneté suppose d’apprendre « que, même si la réalité n’est jamais entièrement conforme à l’idéal, celui-ci doit continuer à être affirmé pour guider les comportements et structurer l’action, à partir d’exemples historiques comme l’esclavage ou l’inégalité entre les hommes et les femmes ».

Ces points d’ancrage ont disparu lors de la refonte qui vient d’être opérée. Elle retient, il est vrai, une approche différente en matière d’enseignement de l’histoire et de conception du programme. Que ce soit pour la maternelle ou pour l’école primaire, les nouveaux programmes arrêtés le 29 avril 2008 ne présentent plus de références explicites relatifs à l’égalité homme-femme.

On peut, tout au plus relever que le programme d’instruction civique et morale du cycle des approfondissements précise que parmi les sujets plus particulièrement étudiés, figurent « les règles élémentaires d’organisation de la vie publique et de la démocratie », parmi lesquelles : « le refus des discriminations de toutes nature ».

Pourtant cette question reste une compétence devant être acquise à la fin du CM2. En effet, dans le cadre des compétences dites Compétences sociales et civiques, l’élève doit être capable de : « respecter les autres, et notamment appliquer les principes de l’égalité des filles et des garçons », conformément au socle commun de connaissances et de compétences.

c) Et reste allusive dans les programmes du collège

La question de l’égalité hommes-femmes n’est abordée véritablement de façon explicite qu’au travers de l’éducation civique.

Elle apparaît en classe de sixième à l’occasion de l’étude de la question plus large des inégalités face à l’éducation. On la retrouve, en fait une seule fois spécifiquement au collège, en classe de cinquième lors de l’étude du principe d’égalité.

ÉDUCATION CIVIQUE –

Classe de cinquième

I - DES ÊTRES HUMAINS, UNE SEULE HUMANITÉ

(environ 30 % du temps consacré à l’éducation civique)

CONNAISSANCES

DÉMARCHES

Thème 1 - Différents mais égaux, égalité de droit et discriminations.

Même s’il existe des différences entre les individus et une grande diversité culturelle entre les groupes humains, nous appartenons à la même humanité.

Assimiler les différences de cultures à des différences de nature conduit à la discrimination et au racisme.

Thème 2 - Les identités multiples de la personne.

L’identité légale permet d’identifier et de reconnaître la personne.

L’identité personnelle est riche d’autres aspects : familiaux, culturels, religieux, professionnels… Elle se construit par des choix.

L’étude d’un exemple de discrimination et de racisme appuyé sur un texte littéraire ou un fait d’actualité permet de les définir et de montrer leurs conséquences pour ceux qui en sont victimes.

On s’appuie sur des exemples de figures littéraires ou sur l’expérience et les représentations des élèves pour montrer que l’identité est à la fois singulière, multiple et partagée.

DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE

− Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (art. 1)

− Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (art. 2, 3)

− Loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 dite Loi Pléven (art. 1 à 3)

− Extraits de la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 relative à la dévolution du nom de famille

− Code Pénal (art. 225-1, 225-2)

− Code Civil (art. 60, 61)

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II - L’ÉGALITÉ, UNE VALEUR EN CONSTRUCTION

(environ 40 % du temps consacré à l’éducation civique)

CONNAISSANCES

DÉMARCHES

Thème 1 - L’égalité : un principe républicain

L’égalité est un principe fondamental de la République. Elle est le résultat de conquêtes historiques progressives et s’inscrit dans la loi.

Thème 2 - Responsabilité collective et individuelle dans la réduction des inégalités.

Les inégalités et les discriminations sont combattues par des actions qui engagent les citoyens individuellement et collectivement.

Les politiques visant à lutter contre les inégalités et les discriminations font l’objet de débats entre les citoyens, entre les mouvements politiques et sociaux.

L’étude est centrée sur le rôle de la redistribution dans la réduction des inégalités. La fonction de la fiscalité et de la protection sociale est explicitée à partir d’exemples : progressivité de l’impôt sur le revenu, principes de la sécurité sociale. Le principe de contribution est un aspect décisif de la responsabilité individuelle.

Le problème de l’égalité entre les femmes et les hommes aujourd’hui est pris en exemple. Les exemples d’un service public et d’une action associative complètent l’étude.

DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE

− Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (art. 1)

− Préambule de la Constitution de 1946 (alinéas 3, 10 et 11)

− Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (art. 1 et 7)

− Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 sur la parité politique

− Code civil (Art 311-21 -1 et 311- 23)

Elle ne figure pas dans le programme d’éducation civique de quatrième pas plus qu’en classe de troisième. Pour l’année de troisième, l’étude de la citoyenneté politique et notamment l’histoire de l’acquisition du droit de vote, ne mentionne pas de façon explicite l’acquisition du droit de vote par les femmes.

Cette question doit cependant être évoquée dans le programme d’histoire qui fait état de « la capacité à décrire les principales mesures prises à la Libération (dont le droit de vote des femmes) ».

Il s’agit de la seule référence à l’histoire des femmes que l’on peut relever dans les programmes d’histoire du collège avec la mention, pour les classes de quatrième, parmi dans les six sujets d’études proposés au choix de l’enseignant pour l’étude de la Révolution et de l’Empire, celui des « femmes dans la Révolution » et des « ouvriers et ouvrières ». Les élèves doivent être capables de raconter la vie ou des épisodes de la vie d’acteurs révolutionnaires hommes et femmes. Cette présence très « discrète » de la place des femmes dans les enseignements d’histoire pose la question plus générale de l’enseignement de cette discipline et de la transmission de l’histoire des femmes.

On peut aussi regretter qu’il n’y ait pas d’approche transversale de la question de l’égalité comme le préconise la convention de 2006 lorsqu’elle prévoit « qu’il faut développer la thématique de l’égalité des sexes dans les divers enseignements ».

La Délégation a attiré l’attention du Ministre de l’Éducation nationale avant que la consultation nationale sur les programmes du collège ne soit achevée, afin d’introduire l’obligation de traiter cette question en classe.

d) Les programmes de la nouvelle seconde

La réforme de la seconde, prélude à celle du lycée, va conduire à une révision des programmes.

L’éducation civique, juridique et sociale, en seconde est actuellement articulée autour de la notion de citoyenneté.

La rédaction des programmes scolaires n’est pas du ressort des parlementaires, ce qui a été clairement conclu par la mission d’information sur les questions mémorielles (20). Le Parlement ne doit pas prescrire les programmes mais « il est dans son rôle lorsqu’il décide, au titre de sa mission de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement, de se pencher sur l’enseignement de l’histoire à l’école ».

C’est à ce titre que la Délégation souhaite que l’histoire des femmes ait toute sa place dans les programmes d’histoire et que la question de la place des femmes soit intégrée de façon transversale dans les programmes. L’éducation des élèves aux questions d’égalité hommes-femmes est un impératif pour faire évoluer les représentations qui ensuite pénalisent les femmes dans leur vie professionnelle.

La Délégation recommande qu’au travers de l’éducation civique, juridique et sociale, ces questions continuent d’être traitées au cours des années de lycée.

2. Bannir les stéréotypes de sexe des manuels scolaires

C’est un objectif qui a maintenant plusieurs dizaines d’années. Sur ce sujet des évolutions ont eu lieu. Elles sont importantes car le manuel scolaire n’est pas un livre comme un autre. C’est un ouvrage de référence, ce qui lui confère une autorité et un rôle dans la formation des normes et des opinions des élèves.

a) La place des femmes dans les manuels scolaires

Dès le milieu des années soixante-dix, des études portant sur les manuels avaient relevé la présence de nombreux stéréotypes sur la place des femmes dans la société. Des recommandations avaient alors été adressées aux éditeurs et aux maîtres. Ces derniers « ont été invités à se montrer vigilants à l’égard des textes ou des documents qui pérenniseraient des stéréotypes dépassés » (Journal officiel du 18 juillet 1980).

En 1986, une « Commission nationale de relecture des livres scolaires » avait été créée avec pour mission d’étudier la manière dont les femmes ou les jeunes filles sont présentées ou représentées dans les livres scolaires et de remettre au Ministre des droits de la femme un rapport comportant des propositions pour y remédier (Article 2 de l’arrêté du 7 janvier 1986). Une note de service du 14 mars 1986 précisait « que l’absence de préjugé sexiste devait nécessairement figurer parmi les critères de choix » des ouvrages.

Dix ans plus tard, une mission d’évaluation de la représentation des deux sexes dans les outils pédagogiques avait été confiée à Simone Rignault et Philippe Richert (21). Ce rapport a montré que dans les rares cas où les femmes apparaissent, leur présence n’est ni soulignée, ni valorisée : leur place dans la société est réduite à leur rôle de mère et d’épouse. Dans le monde du travail, elles sont le plus souvent associées à des métiers traditionnellement féminins ou non valorisants, faisant l’impasse sur les changements intervenus.

Le Conseil économique, social et environnemental a estimé en 2004 (22)que les manuels d’histoire de 2000-2003 attestaient, pour certains d’entre eux, d’une évolution et du relatif souci de prendre en compte l’histoire des femmes, mais que le bilan était très inégal.

b) L’étude de la HALDE sur les stéréotypes dans les manuels scolaires

La HALDE vient de réaliser une enquête sur la place des discriminations et des stéréotypes dans les manuels scolaires qui fait apparaître, en ce qui concerne la place des hommes et des femmes, que les hommes sont toujours plus représentés que les femmes et que leur image est encore traitée différemment : « Concernant le genre, les manuels, toutes disciplines et tous niveaux confondus, sont très majoritairement ségrégationnistes dans la mesure où ils proposent une vision extrêmement sexuée des rôles et des espaces affectés à chacun de sexes ».

Pour illustrer le monde professionnel, 1 046 hommes sont présentés pour 341 femmes. Plus d’un homme sur quatre occupe une position supérieure ou représente la figure la plus prestigieuse d’un secteur d’activité. Les femmes sont globalement absentes de l’espace politique et intellectuel, alors qu’elles sont sur-représentées dans la sphère domestique.

Les photographies et les exemples choisis renforcent encore les stéréotypes de la division sexuée du travail et des activités, même les plus conventionnels : « François collectionne les petites voitures… Joséphine possède une importante collection de poupées… » alors que les contre-stéréotypes à même de faire positivement évoluer les représentations restent les grands absents, conclut la HALDE.

De l’enquête menée par la HALDE auprès des éditeurs, il ressort toutefois que la place donnée aux femmes fait plutôt partie des points de vigilance, ce qui témoigne d’une sensibilisation des maisons d’édition.

Il convient maintenant de tirer les conséquences de ce bilan tant auprès des éditeurs que dans le choix des manuels scolaires par les enseignants. Les éditeurs privés fournissent les manuels en se conformant aux programmes arrêtés nationalement, manuels dont le choix relève ensuite de l’enseignant.

Il y aurait, au minimum, une incitation à trouver, particulièrement pour les manuels d’histoire, comme l’a déjà formulé le Conseil économique, social et environnemental en 2004 en proposant d’inciter « les éditeurs à tenir compte, dans les manuels, de la manière dont l’histoire des femmes et du genre a changé l’interprétation de l’histoire ».

Interrogé sur la manière de faire évoluer cette situation, le Ministre de l’Éducation nationale a indiqué que « Même si ce sont les éditeurs et les auteurs qui sont concernés au premier chef, je renforcerai encore la circulaire très ferme que j’ai prise à la rentrée en matière de lutte contre les discriminations. C’est pour moi une conviction à la fois privée et publique. La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre l’homophobie et contre toutes les formes de discrimination doivent être toujours présentes à l’esprit des éducateurs. […] Puisque la HALDE a relevé certaines défaillances dans les manuels, nous serons encore plus explicites sur ces questions dans la circulaire de rentrée 2009, avec l’aide du comité de pilotage. » (23)

La réécriture des programmes va conduire à la publication de nouveaux manuels. Conformément à l’engagement du Ministre, celle-ci doit être l’occasion de prendre en compte l’enjeu de la lutte contre les discriminations, dont celles entre les hommes et les femmes, en offrant des supports pédagogiques dans lesquels les femmes apparaissent, à égalité avec les hommes, dans toutes les sphères sociales.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation s’est réunie le 19 novembre 2008 pour examiner les orientations du rapport d’activité sur le thème de l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je souhaiterais que nous discutions des grandes orientations du rapport que nous examinerons la semaine prochaine, après l’audition du Ministre de l’Éducation nationale qui aura lieu cet après-midi.

Que constate t-on ? D’abord que malgré leur meilleure réussite scolaire, les filles ne font pas les mêmes choix d’orientation que les garçons. À l’université, elles ne choisissent pas les mêmes spécialités et se tournent moins vers les cursus les plus sélectifs, les classes préparatoires et les écoles d’ingénieur en particulier. Leur moindre intérêt pour les métiers techniques et scientifique est particulièrement marqué.

Mme Catherine Coutelle : Claude Allègre souligne la désaffection générale, tant des garçons que des filles, pour l’ensemble des filières scientifiques et technologiques. On peut penser que cela s’explique, en partie, par la crainte qu’inspire la science aujourd’hui. Elle n’est plus vue, comme au siècle dernier, comme un facteur de progrès. S’y ajoute, sans doute, le fait qu’il s’agit d’études longues et contraignantes. Il serait intéressant d’avoir des précisions sur les facteurs expliquant cette situation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il faudra insister sur ce point. Il ne faut pas sous-estimer le frein que constitue encore la perspective d’études longues et le souci des jeunes gens, en particulier des jeunes filles, de se tourner vers des métiers leur permettant de concilier vie familiale et professionnelle.

M. Jean-Luc Pérat : La durée des études est un facteur majeur qui guide ces choix.

Mme Odette Duriez : Pour les jeunes filles poursuivant des études longues, c’est souvent à l’issue de celles-ci que se pose la question de la maternité. Ce calendrier peut freiner leur insertion professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ces choix ont des conséquences en termes de ségrégation professionnelle. Il faut parvenir à lever les blocages persistants qui empêchent une plus grande diversification professionnelle d’une part et des déroulements de carrière similaires à ceux des hommes. On voit bien, par exemple, dans l’enseignement supérieur que les évolutions sont très lentes. Il y a plus d’étudiantes que d’étudiants mais seulement 17 % des professeurs d’université sont des femmes!

L’Éducation nationale a un rôle majeur à jouer pour faire prendre en compte l’égalité entre les hommes et les femmes. L’expérience suédoise en matière d’éducation à l’égalité, dès le plus jeune âge est tout à fait intéressante. C’est pourquoi nous devons insister sur la nécessité de la formation des personnels de l’Éducation nationale à ces questions.

M. Jean-Luc Pérat : Il y a une « force de frappe » féminine dans l’Éducation nationale, il s’agit d’un métier à 70 % féminin, qui devrait permettre d’agir sur les choix d’orientation en collège et en lycée.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les femmes enseignantes ne sont pas plus que les hommes sensibilisées à cette question.

Mme Marie-Christine Dalloz : En primaire, il n’y a pratiquement que des femmes. Plus on monte dans le cursus scolaire et plus leur part diminue. D’autre part, il n’y a que 10 % des inscrit en IUFM qui entrent finalement dans l’éducation nationale. Ce système est destructeur car il est difficile, pour ceux qui ont échoué de reconstruire ensuite un projet professionnel. Les jeunes filles surtout vont plutôt se tourner vers la recherche d’un emploi immédiat qui ne correspond pas alors à leur qualification.

Mme Catherine Coutelle : Quand les concours de recrutement dans l’Éducation nationale n’étaient pas encore mixtes, les garçons les réussissaient à 90 %. Aujourd’hui, les filles réussissent mieux que les garçons. Le choix du rythme de vie qu’offre la profession d’enseignant compte pour beaucoup dans le choix que font les jeunes femmes de se tourner vers cette profession. Le problème de rupture dans le parcours de formation est d’autant plus important qu’en France il y a peu de possibilité de rebondir. Il faudrait mener une réflexion générale sur la réorientation. De même, au cours d’une carrière d’enseignant, une certaine usure apparaît. Elle est patente chez les quinquagénaires et inquiète les Inspecteurs pédagogiques. Il faudrait pouvoir développer les possibilités d’années sabbatiques pour exercer d’autres fonctions pendant quelques années au cours de sa carrière.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La réforme de la formation des enseignants doit être le moyen de mieux les former en prenant en compte les préoccupations pédagogiques, dont l’égalité homme-femmes.

Mme Catherine Coutelle : À ce propos, je suis totalement opposée à une formation reposant sur le compagnonnage. Celui-ci ne conduit qu’à la reproduction de l’existant, avec ses qualités mais aussi ses défauts. La réforme proposée consiste, de fait, à économiser une année de formation.

Mme Odette Duriez : La formation pédagogique est essentielle et ne doit pas être sacrifiée.

M. Jean-Luc Pérat : On a aussi besoin de tuteurs.

Mme Marie-Christine Dalloz : Je crois au tutorat. C’est un système qui fonctionne dans l’entreprise, mais le dispositif ne réussira qu’avec un choix adéquat des maîtres retenus et avec une mise à niveau continue des tuteurs.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les IUFM devait mettre en place une formation à l’égalité fille-garçon. L’enquête que nous avons menée montre que cela a été fait très inégalement. On peut craindre que cela soit encore moins le cas à l’université.

Mme Catherine Coutelle : Dans les autres pays européens, la formation des enseignants repose sur les universités. Il y a des Unités de formation et de recherche spécialisées dans lesquelles les étudiants suivent une formation universitaire pédagogique, à l’issue de laquelle ils obtiennent un certificat d’aptitude. Ils doivent ensuite trouver un emploi. C’est un système radicalement différent du notre.

Mme Marie-Christine Dalloz : Nous ne sommes pas prêts à une telle réforme en France. L’intégration des IUFM dans les universités et la mise en en place du tutorat devra être évaluée.

Parvenir à l’égalité des chances est un travail de longue haleine pour lequel il faut trouver des relais territoriaux et mobiliser tous les intervenants pour une complémentarité des approches.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C’est le travail entamé par Mme Marie-Jeanne Philippe, rectrice de l’Académie de Besançon qui a été nommée à la présidence du Comité de pilotage de la convention interministérielle de 2006 pour l’égalité des filles et des garçons dans le système éducatif.

M. Jean-Luc Pérat : Nommer des femmes à des postes de responsabilité est un moyen de faire avancer les choses. La formation est au cœur du problème et l’accompagnement par des maîtres de stage constitue un apport indispensable.

*

La Délégation s’est réunie le 2 décembre 2008 pour examiner les conclusions du rapport d’activité sur le thème de l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif.

La Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

La persistance des inégalités entre les hommes et les femmes dans leur vie professionnelle suppose l’affirmation d’une volonté politique forte d’agir dès l’école sur les stéréotypes de sexe et sur les obstacles qui freinent l’accès des femmes à des positions équivalentes à celles des hommes dans la société.

La Délégation, en conséquence formule des recommandations :

relatives à l’application de la convention interministérielle de 2006 sur l’égalité des filles et des garçons dans le système éducatif :

- Procéder à une évaluation de l’action de chacun des ministères partie à la convention, en fixant des objectifs chiffrés et un échéancier pour leur réalisation ;

- Inciter aux déclinaisons régionales de la convention interministérielle, en y associant les régions notamment au travers des contrats de plan État-région et suivre leur mise en place ;

- Mobiliser autour des réunions inter-académiques organisées par le comité de pilotage de la convention en faisant connaître les engagements des parties et les objectifs retenus ;

- Demander aux rectorats de veiller, avec l’appui des délégués académiques à l’égalité des chances, à ce que les projets d’établissements et les règlements intérieurs de ceux-ci incluent les questions d’égalité filles-garçons afin d’impliquer l’ensemble de la communauté éducative ;

- Faire connaître la convention auprès des enseignants et des personnels de l’éducation nationale.

- relatives à la formation initiale et continue des enseignants :

La réforme de la formation des enseignants doit être l’occasion d’intégrer l’éducation à l’égalité dans leur formation, dès la phase de pré-professionnalisation. La délégation recommande :

- De parvenir à la mise en place dans les universités de formations sur le thème de l’égalité fille-garçon, que ce soit au moyen de modules pédagogiques spécifiques, ou que cette question soit abordée au sein de modules sur le système éducatif ou encore de façon transversale dans les enseignements. Ces formations pourront avoir lieu dans le cadre des masters disciplinaires ou de masters dédiés selon le type d’organisation retenu par l’université ;

- De donner une orientation au niveau ministériel en ce sens et de faire figurer cet objectif dans les contrats quadriennaux d’objectifs et de gestion conclus entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur ;

- De développer la formation des formateurs sur les questions d’égalité filles-garçons et de genre ;

- D’encourager les cursus universitaires et la recherche sur l’histoire des femmes et du genre par la création de postes fléchés sur ces sujets ;

- D’intégrer l’éducation à l’égalité filles-garcons dans les plans académiques de formation. Pour plus d’efficacité, cette formation devrait figurer, de façon transversale, dans chacune des formations proposées par une approche de « genre » ;

- relatives à l’éducation à l’égalité :

- Mettre en place un véritable processus continu d’actions pédagogiques en faveur de l’égalité, dès le début de la scolarité, jusqu’à l’enseignement supérieur ;

- Faire apparaître explicitement l’égalité fille-garçon dans le socle commun de connaissances et de compétences ;

- Prendre en compte la place des femmes dans l’histoire et la problématique de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les programmes, en particulier dans les programmes de la nouvelle seconde qui vont être élaborés ;

- Éliminer les stéréotypes des manuels scolaires qui vont être publiés à la suite des nouveaux programmes du primaire et du collège, conformément aux recommandations de la HALDE en réaffirmant cet objectif auprès des éditeurs.

- relatives à la diversification des orientations

- Sensibiliser les Conseillers d’orientation à la question de la mixité professionnelle ;

- Généraliser la contractualisation avec les branches professionnelles pour promouvoir l’égalité d’accès des filles et des garçons à tous les métiers ;

- Veiller à l’intégration de la promotion de l’apprentissage auprès des jeunes filles dans les contrats d’objectifs et de moyens signés entre l’État et les régions et en évaluer les résultats ;

- relatives à l’accès des femmes aux métiers scientifiques et technologiques

- Développer une véritable stratégie d’orientation vers les métiers scientifiques et technologiques, en valorisant spécifiquement l’accès des femmes à ces carrières ;

- Multiplier et relayer les actions de sensibilisation des filles aux carrières scientifiques menées par les différents partenaires, notamment les associations de femmes scientifiques ;

- Encourager les candidatures féminines aux grandes écoles par la création de places d’internat de filles dans les lycées comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles, en mobilisant les régions qui ont compétence sur cette question.

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Personnalités entendues par la Délégation sur le thème de l’éducation

Pages

6 novembre 2007

Mme Françoise Vouillot, maître de conférences à l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP-CNAM)

77

20 novembre 2007

Mme Michèle Perrot, historienne, professeure émérite de l’Université Paris VII, Denis Diderot

83

27 novembre 2007

Mme Annette Wieviorka, directrice de recherche au CNRS

91

5 décembre 2007

Mme Michelle Zancarini-Fournel, professeure des universités en histoire contemporaine, chargée de recherche à l’IUFM de Lyon

97

11 décembre 2007

Mme Nicole Mosconi, agrégée de philosophie, docteure en sciences de l’éducation, professeure émérite à l’Université Paris X-Nanterre, membre du Centre de recherche Éducation et Formation

105

8 janvier 2008

Mme Christine Bard, professeure des universités en histoire contemporaine à l’Université d’Angers, responsable de l’axe « genre » du Centre d’histoire de Sciences Po (Paris) et présidente de l’association des Archives du féminisme

113

16 janvier 2008

Mme Tita Valade, présidente de l’AFFDU
– Association française des femmes diplômées d’université – et Mme Evelyne d’Anzac de Lamartinie, trésorière nationale et présidente du groupe de Paris

119

22 janvier 2008

Mmes Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, Catherine Laret-Bedel, chef du bureau de l’égalité professionnelle et Myriam Decornoy, chargée de mission

125

29 janvier 2008

Mme Claudine Roger, ancienne médiatrice de l’Académie de Reims, ancienne inspectrice d’académie

133

1er avril 2008

Mme le Recteur Joëlle Le Morzellec, chef de la mission pour la parité dans l’enseignement supérieur et la recherche

141

 

Mme Agnès Netter, directrice de la mission pour la place des femmes au CNRS

147

8 avril 2008

Mme Anne Rebeyrol, chargée de mission parité à la Direction générale de l’enseignement scolaire

153

15 avril 2008

Mme Armelle Le Bras-Chopard, chargée de mission à l’égalité des chances femmes-hommes dans l’enseignement supérieur

159

 

Mmes Véronique Chauveau, vice-présidente de l’Association femmes et mathématiques, Suzanne Mathieu, vice-présidente de l’Association des femmes ingénieurs, Claudine Hermann et Colette Guillopé, présidente d’honneur et présidente sortante de l’Association Femmes et Sciences

163

8 octobre 2008

Mme Marie-Jeanne Philippe, Rectrice de l’Académie de Besançon, Présidente du comité de pilotage de la convention interministérielle sur l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif.

171

19 novembre 2008

M. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale

177

Audition de Mme Françoise Vouillot, maître de conférences à l’Institut national
d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP-CNAM)

Réunion du 6 novembre 2007

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Vouillot d’avoir accepté d’être entendue par la Délégation après avoir précisé que chaque fois que l’on aborde la question de la place des femmes dans la société, on en revient aux problèmes d’éducation et d’orientation. On n’a pas assez insisté sur ce point lors du vote de la loi d’orientation sur l’avenir de l’école, en 2005, alors qu’il s’agit d’un préalable à toute évolution des mentalités.

C’est la raison pour laquelle la délégation a souhaité procéder à cette audition pour entendre une spécialiste des questions d’orientation, qui a également été chargée d’un certain nombre de missions et a participé à des comités de pilotage sur les questions d’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Françoise Vouillot a d’abord observé que la réflexion sur la division sexuée de l’orientation est une question politique car elle débouche finalement sur la répartition des femmes et des hommes dans la société. C’est, en outre, là, dans le monde politique que se trouvent les leviers pour agir.

L’INATOP forme des conseillers d’orientation-psychologues. Il est facile de constater que ceux-ci sont généralement peu sensibles aux questions d’égalité hommes-femmes. Par exemple, lors des congrès de l’Assemblée nationale des conseillers d’orientation-psychologues, ce thème n’est jamais abordé et il a fallu mettre en place au CNAM un module obligatoire pour en traiter.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité savoir comment s’expliquait cet état de fait.

Mme Françoise Vouillot a indiqué que la France, avec les États-Unis, avaient été pionniers sur les questions de l’orientation. Les premières expériences ont eu lieu dans les années 30, avec une optique progressiste : affecter la bonne personne au bon poste, dans un souci de rationalisation du travail et de productivité. Pour cela et afin de guider tant les recrutements que l’orientation, des instruments objectifs de mesure des goûts et des aptitudes ont été développés ; mais la problématique hommes-femmes n’a jamais surgi au sein de ces premières expériences.

Mme Claude Greff a observé que cela tenait peut-être à ce que le marché de l’emploi n’était pas aussi tendu qu’aujourd’hui.

Mme Françoise Vouillot a observé qu’effectivement les rapports se durcissent quand le marché du travail se resserre. Toutefois, dans ces années aussi, il y a eu des phases économiques difficiles. Par ailleurs, d’autres éléments entrent également en ligne de compte. Dans les années 50, dans les milieux ouvriers, une femme qui ne travaillait pas était un sujet de fierté pour sa famille car elle se rapprochait ainsi du modèle bourgeois.

Elle a ensuite ajouté, qu’elle venait d’assister à la soutenance d’une thèse sur la place des femmes dans l’enseignement qui faisait apparaître que le salaire des femmes, était encore perçu comme un salaire d’appoint.

Mme Catherine Quéré a souligné, qu’effectivement, il était toujours primordial que l’homme ait un bon salaire ; cela reste encore aujourd’hui moins important pour une femme.

Mme Françoise Vouillot a remarqué que ceci pourtant ne correspondait plus à la réalité économique : 90 % des familles monoparentales ont une femme à leur tête et dans bien des familles, deux salaires sont indispensables pour atteindre un niveau de vie correct.

Le décalage persiste entre la réalité sociale et économique et les représentations que l’on continue à en avoir. La France fait preuve de cécité à l’égard de l’inégalité des sexes dans la société. Ce schéma de pensée est d’ailleurs aussi véhiculé par un certain nombre de femmes.

En ce domaine, la loi est indispensable mais pas suffisante : on ne décrète pas l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans les pratiques d’orientation, ne sait pas instituer une culture d’égalité ce qui est vrai aussi pour les autres intervenants du domaine de l’emploi.

Mme Catherine Quéré a souhaité savoir si les conseillers d’orientation étaient plutôt des hommes ou des femmes.

Mme Françoise Vouillot a précisé que, comme pour les autres métiers de l’Éducation nationale, celui-ci avait changé de sexe. Aujourd’hui, ces filières n’attirent plus les hommes. En outre, des métiers comme conseiller d’orientation psychologue, requièrent une formation en psychologie, or, ces étudiants sont à 80 % des jeunes femmes en raison des stéréotypes persistants selon lesquels les femmes sont plus aptes à l’aide et à l’écoute. De surcroît, les hommes étudiants en psychologie ne se spécialisent pas dans les masters professionnels qui préparent à la psychologie clinique ou aux métiers de l’éducation.

À l’INETOP sur vingt-deux étudiants aujourd’hui, il n’y a que trois garçons. Sur les cent-vingt des années précédentes, il n’y en avait que cinq.

Il ne faut pas perdre de vue qu’un jeune, quand il s’oriente vers une filière, va opérer une projection de lui-même en tant que femme ou en tant qu’homme. Un projet scolaire et professionnel est toujours une projection d’une image de soi et une affirmation identitaire. Or, tout le monde sait que ce sont en fait les éducateurs qui font pression pour opérer des choix d’orientation. Un adolescent va être d’abord préoccupé par les mutations qu’il est en train de traverser, dans un contexte où les normes d’hétérosexualité sont encore très présentes. 36 % des garçons de troisième sont orientés vers des CAP ou des BEP (et 27 % des filles) avec les conséquences très lourdes qu’implique cette orientation compte tenu des rigidités du système et du manque de passerelle entre les formations. Et dans ces métiers, le marquage du genre est très prégnant : ce sont des métiers fortement sexués.

À ce moment de l’adolescence, il est tellement important pour le jeune de s’identifier comme fille ou garçon qu’il va instrumentaliser son choix d’orientation en vue d’affirmer son identité. Ceci explique la résistance pour un garçon par exemple à se projeter dans un métier féminin.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité savoir quel était le rôle de l’orientateur, des enseignants et des parents et l’influence qu’ils peuvent avoir.

Mme Françoise Vouillot a observé que les normes du masculin et du féminin sont encore très présentes dans la société comme le montre par exemple le concept développé aujourd’hui de « gender marketing ». Il s’agit de vendre les mêmes produits aux hommes et aux femmes mais en les adaptant à leur genre masculin ou féminin, en jouant sur la couleur ou sur la forme.

Faire évoluer ces stéréotypes suppose d’agir au niveau de la formation. Tant que l’on ne formera pas les personnels de l’Éducation nationale à la problématique de l’égalité, dans le cadre de leur formation initiale, on ne trouvera jamais que des individus engagés localement sur cet objectif, sans pouvoir parvenir à faire réellement évoluer les choses. Il faut s’adresser aux conseillers d’orientation, aux personnels administratifs, aux conseillers d’éducation mais aussi aux inspecteurs et aux chefs d’établissement. Tous devraient être formés obligatoirement et de façon conséquente sur ces sujets pour qu’ils réfléchissent à leur sexisme, sexisme développé généralement par simple passivité.

De nombreuses recherches ont montré que les enseignants ont des interactions plus importantes avec les garçons ou les filles selon les matières dont ils traitent. Or, les enseignants ne peuvent généralement imaginer qu’ils génèrent sans le vouloir des inégalités. Lorsque les conseillers d’orientation, par exemple, font des séances d’information collectives pour présenter les filières, ils s’adressent selon les cas soit aux garçons, soit aux filles. Dans ce contexte, il est impossible que les adolescents puissent s’affranchir d’une vision sexuée des professions. La difficulté est d’ailleurs particulièrement grande pour les garçons : s’engager dans une filière perçue comme féminine reste impensable, et même risqué, car ils ne sont plus considérés par leurs pairs comme des garçons. C’est un combat pour les filles mais également pour les garçons. Toute évolution devra donc nécessairement passer par l’obligation de voir cette question du côté des garçons et de ne pas se limiter à la question de l’orientation des filles vers des filières dites masculines.

On commence à sentir une évolution sémantique dans la convention interministérielle de 2006 sur l’égalité des chances et c’est un premier progrès. La vraie avancée aura lieu quand on s’inquiètera de l’absence totale de garçons dans certaines filières considérées comme féminines. Tant qu’il en sera ainsi et que l’on ne se préoccupera pas du fait que la division sexuée de l’orientation touche aussi les choix des garçons, on ne pourra que regretter l’impuissance programmée des politiques à produire du changement et a modifier la réalité de l’orientation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que dans nos stéréotypes la femme est plus dévolue aux tâches de soins que les hommes.

Mme Françoise Vouillot a observé qu’au sein de la famille subsistait un partage des tâches domestiques opéré au prétexte de la maternité. Françoise Héritier a dénoncé dans un ouvrage « Masculin-Féminin : dissoudre la hiérarchie » la double injustice faite aux femmes qui assument à 80 % les conséquences de la maternité et pour lesquelles s’ajoutent les discriminations qui en découlent dans le monde du travail.

Aujourd’hui, les choses s’aggravent de ce point de vue sans que les femmes en soient pleinement conscientes car cette situation au sein de la famille leur assure une reconnaissance dans un domaine qui est valorisé par la société.

Pour en revenir à l’Éducation nationale, la formation sur l’égalité hommes-femmes devrait y être obligatoire. La convention de 2000 préconisait la création dans les UIFM de modules de 12 heures consacrés à cette question qui n’ont jamais été mis en place de façon systématique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que la loi d’orientation et de programme sur l’école votée en 2005 aurait dû l’imposer.

Mme Martine Martinel a précisé que le module obligatoire de ce type qui avait été créé à l’IUFM de Toulouse était également l’un des plus décriés et désertés par les étudiants qui affirmaient vouloir travailler sur les savoirs et non sur les comportements.

Elle a ensuite précisé que les métiers de soins étaient certes peu investis par les garçons mais seulement en ce qui concerne les tâches et les salaires les plus modestes. Ce n’est pas le cas pour les fonctions d’encadrement dans le secteur de la santé.

Mme Françoise Vouillot s’est interrogée sur les personnes en mesure de procéder à ces formations visant à faire travailler les enseignants sur leurs propres perceptions. Il faut organiser la formation des formateurs en dégageant les moyens nécessaires et sensibiliser les directeurs d’IUFM à ces questions.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé les difficultés qui ont présidé à la mise en place des cours d’éducation sexuelles avec lequel on peut dresser une analogie. Toutes les inégalités hommes-femmes trouvent leur racine dans ces problèmes éducatifs. Tant qu’ils ne seront pas réglés, les textes seront inutiles. Or, des responsables politiques ne s’emparent pas de ce sujet. Personne n’est capable de le porter c’est-à-dire de permettre d’intervenir suffisamment en amont pour en éviter les conséquences.

Elle a ensuite souhaité savoir s’il n’y avait pas dans l’enseignement privé des expérimentations dont on pourrait s’inspirer.

Mme Françoise Vouillot a observé qu’il ne lui semblait pas que dans le monde politique il y est une majorité de personne pour qui cela constitue un sujet majeur.

Mme Catherine Quéré a souligné que les élus aussi devaient prendre conscience de la nécessité d’agir et de se saisir de ces problèmes et a remercié madame Françoise Vouillot de la prise de conscience qu’elle participait à opérer en venant devant la Délégation.

Mme Françoise Vouillot a indiqué que depuis quelques années, l’Académie de Créteil avait, dans le cadre de la formation in situ auprès des chefs d’établissement, mis en place un module de trois heures sur ces questions. Mais ces sujets sont difficiles à diffuser. On invoque toujours des questions plus graves comme celle de l’échec scolaire. Or, de nombreuses questions devraient être analysées autrement pour faire jouer de nouveaux leviers, l’échec scolaire y compris. Par exemple, la violence des garçons défavorisés en milieu scolaire relève aussi pour partie de ces problématiques de l’égalité et de la construction de l’identité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur la nécessité de rendre cette question visible et de lui donner un écho dans les média en ciblant précisément les journaux auxquels on s’adresse, car c’est un point fondamental pour comprendre pourquoi aujourd’hui on en est toujours au même point en matière d’égalité professionnelle.

En outre, le concept d’inégalité hommes-femmes est désormais trop souvent occulté par celui de la diversité qui sous-entend un regard sur les femmes en tant que minorité. Cela aussi relève de l’éducation.

Mme Catherine Quéré a remarqué qu’il ne fallait pas seulement prendre comme cibles les journaux féminins mais aussi opérer une prise de conscience des hommes.

Mme Françoise Vouillot a insisté sur le relais que constitue la presse quotidienne régionale. Cependant, les actions en faveur de l’égalité hommes-femmes ne pourront être efficaces que si elles sont d’abord regardées comme légitimes et on constate, quand on procède à des enseignements sur ces questions, que se produit une prise de conscience manifeste.

Mme Catherine Quéré s’est interrogée sur le caractère indispensable ou non d’un ministère du droit des femmes.

Mme Françoise Vouillot a précisé que tout dépendait de l’objectif poursuivi par ce ministère. Son existence est utile pour rendre la question des femmes visible, mais il doit aussi disposer des moyens nécessaires à son action, de façon à pouvoir peser sur les décisions et faire que les hommes se sentent concernés.

La France est un pays particulier, il ne faut pas l’oublier. C’est un pays où l’on n’emploie pas le terme de féminisme. Or, les situations n’évoluent pas comme le montrent les statistiques de l’INSEE sur la répartition du travail domestique au sein de la famille.

Il ne faut pas oublier enfin, que par le biais de l’école, on peut également agir sur les parents, lors des réunions d’orientation par exemple.

Mme Martine Martinel a rappelé que les pères ne représentent que 5 % des parents qui viennent aux réunions.

Mme Françoise Vouillot a relevé que dans la transmission des normes au sein de la famille, les pères avaient une influence très importante. Ils ont un rôle particulièrement puissant dans la construction de l’identité masculine des petits garçons.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Françoise Vouillot.

Audition de Mme Michelle Perrot, historienne, professeure
émérite à l’Université Paris VII, Denis Diderot

Réunion du 20  novembre 2007

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Marie-Jo Zimmermann, présidente, remercie Mme Michelle Perrot d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation qui reçoit avec un plaisir particulier une grande historienne.

La question qui nous occupe est la suivante : pourquoi les femmes doivent-elles encore se battre pour être reconnues ?

Auraient-elles une autre façon d’appréhender le pouvoir et les événements de la vie ? L’éducation ne serait-elle pas également à l’origine des difficultés qu’elles rencontrent pour exister dans la vie professionnelle et la sphère du pouvoir ?

Ces réflexions conduisent à s’interroger sur la place des femmes dans l’histoire enseignée et, plus largement, dans les programmes. Quels sont les obstacles à la reconnaissance de l’apport des femmes dans l’histoire ? Comment peut-on sensibiliser les enseignants et les parents à la question des femmes ?

Mme Michelle Perrot a précisé, pour se situer par rapport aux questions traitées par la Délégation, qu’elle a mené sa carrière de chercheuse et d’enseignante à l’université. Au début des années soixante-dix, des cours sur l’histoire des femmes y ont été mis en place. Le premier cours qu’elle a donné, en 1973 s’intitulait : Les femmes ont-elles une histoire ? On n’en était pas encore tellement sûr à l’époque ! Au même moment, Yvonne Knibiehler faisait également un cours sur l’histoire des femmes à Aix-en-Provence.

Les enseignements et les recherches sur le sujet se sont ensuite développés. Des premiers travaux de synthèse ont été réalisés, et l’ouvrage collectif : « Histoire des femmes en Occident » a été publié en 1991. La mention « en Occident » n’avait pas pour but de vanter ce modèle mais d’indiquer que les auteurs ne connaissaient que cette dimension de la question. Ils avaient eu soin de dire dans l’introduction qu’ils espéraient que les femmes des autres continents feraient un jour la même chose.

Tout en continuant ce travail de recherche et de vulgarisation, la préoccupation a été de faire entrer l’histoire des femmes dans l’enseignement secondaire.

Michelle Perrot a indiqué qu’elle a fait partie du conseil national des programmes qui a travaillé jusqu’en 2005, et, en son sein, a essayé de faire en sorte que l’on parle plus des femmes dans les programmes d’histoire. Le résultat a été limité en raison de la multiplicité des problèmes à régler. Cela étant, quand étaient examinées les statistiques de l’enseignement professionnel, on s’apercevait alors que l’orientation était très sexuée, avec des filles majoritairement en BTS de secrétariat alors qu’il n’y en avait aucune dans les milieux industriels.

Ségolène Royal, en tant que ministre déléguée à l’enseignement scolaire, avait demandé que le conseil fasse des propositions pour que les femmes soient davantage prises en compte dans les programmes.

Mme Michelle Perrot a ensuite indiqué que dans l’émission Les lundis de l’histoire qu’elle anime, avec d’autres, sur France Culture, elle essaie, le plus souvent possible, de prendre comme sujet l’histoire des femmes. En janvier, des émissions s’intéresseront à l’enseignement des filles au XIXe siècle et à la profession d’enseignante autour du livre de Marlaine Cacouault et aux images des femmes dans la photographie autour du livre de Yannick Ripa.

Les « Rendez-vous de l’histoire de Blois » sont un autre moyen de vulgarisation de ce sujet. Ils réunissent, depuis dix ans, au mois d’octobre, un public très large – entre 25 et 30 000 personnes – au sein duquel de nombreux professeurs d’histoire. Il y a trois ans, « Les femmes dans l’histoire » a été le thème de ce rendez-vous. L’an prochain, il portera sur les Européens. Il faudra qu’au moins une table ronde porte sur l’Europe et les femmes : qu’est-ce que l’Europe a apporté aux femmes ? Qu’est-ce que les femmes représentent dans l’Europe ?

Des bilans ont été réalisés sur les programmes du secondaire. Mme Denise Guillaume a publié, en 1999, une étude sur la place des femmes dans les manuels scolaires. Claude et Françoise Lelièvre sont également spécialisées sur ces questions et ont réalisé des travaux intéressants. Il y a environ quatre ans, Annette Wieviorka, a rédigé un rapport du Conseil économique et social sur la place des femmes dans l’histoire enseignée, qui est le meilleur bilan existant sur la question.

Parmi les IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, chargés de la formation didactique et pédagogique des professeurs, le plus actif sur ce sujet est à Lyon. Michelle Zancarini s’y emploie à étendre la référence aux femmes dans les programmes scolaires.

La première question posée porte sur la place et la vision des femmes dans l’histoire enseignée et, plus largement dans les programmes.

À l’heure actuelle, il subsiste un fossé très important entre la recherche qui s’est beaucoup développée et sa traduction dans l’enseignement. De façon générale, il a toujours été difficile de faire entrer des recherches universitaires un peu pointues dans l’enseignement du second degré.

Aujourd’hui, quand on parle des femmes dans les manuels – ce qui est encore assez rare – il s’agit toujours de femmes exceptionnelles et d’héroïnes : Jeanne Hachette, Jeanne d’Arc, les reines, comme Catherine de Médicis et Marie-Antoinette, les courtisanes comme Madame de Pompadour. Ou alors, elles sont évoquées en tant que groupe : tous les manuels parlent des fameux 5 et 6 octobre 1789 où les femmes de la Halle sont parties à Versailles chercher le roi, la reine et « le petit mitron » pour les ramener à Paris parce que la cherté du pain avait déclenché une révolte.

On note cependant des progrès. Il est maintenant question, dans les manuels, des femmes pendant la guerre de 1914-1918. De même, dans les épreuves du CAPES, de nombreuses questions portent sur l’histoire des femmes. On ne peut donc pas dire que rien ne change. Les choses évoluent lentement dans les programmes, un peu plus rapidement dans les classes où les jeunes professeurs sont soucieux de cette question.

La deuxième question posée est de savoir quels sont les obstacles à la reconnaissance de l’apport des femmes dans l’histoire ?

Mme Michelle Perrot a observé qu’il s’agit d’une immense question, qui a été au cœur de la réflexion des historiennes et qu’elle-même a abordée dans le livre : Les femmes ou les silences de l’histoire.

Pour tenter d’y répondre, il faut d’abord rappeler l’ambiguïté du mot « histoire ». Dans la langue française, il recouvre deux réalités qui sont distinctes en anglais : le mot « story » y signifie ce qui s’est passé et les traces qui en restent dans les sources, les archives et les monuments ; le mot « history » est le récit que les historiens et les historiennes en font.

Or, ce récit est un regard, qui change au cours du temps. On n’écrit plus l’histoire maintenant comme on l’écrivait il y a cent cinquante ans et on ne l’écrira pas de la même manière dans vingt ou trente ans parce que les questions que l’on se pose ne sont pas les mêmes et aussi parce que les méthodes évoluent. Le récit de l’histoire est un médiateur entre les questions du présent et ce qui s’est passé autrefois. Aujourd’hui, c’est l’histoire très contemporaine qui intéresse les chercheurs. Pourquoi la Seconde guerre mondiale ? Pourquoi le nazisme, la shoah ? Ces questions cruciales sont largement débattues et l’on s’aperçoit que la réponse se fait avec des documents différents tels la photographie, les images, les films.

L’histoire des femmes est née de la question posée par les femmes il y a une trentaine d’années sur leur place dans l’histoire. Puisqu’on ne parlait pas d’elles, elles ont décidé de le faire.

Reste la question de savoir pourquoi, alors que les femmes ont toujours existé, vécu, travaillé, aimé, fait des enfants et beaucoup d’autres choses, elles n’ont pas plus de place dans l’histoire que l’on écrit. La raison en est que, à partir du moment où l’histoire a existé comme récit – c’est-à-dire à partir des Grecs avec Hérodote et Thucydide qui ont commencé à réfléchir à ce qu’était le temps des hommes, en délaissant la mythologie des dieux –, il n’a été question que des choses publiques – les guerres, les règnes – et non de la vie privée et quotidienne, des lieux cachés et obscurs où étaient les femmes.

Pendant les travaux préparatoires à la publication de l’ouvrage collectif l’Histoire des femmes en Occident, la spécialiste d’histoire ancienne et notamment d’histoire grecque, Pauline Schmitt, a souligné ses difficultés à raconter l’histoire des femmes grecques. Elle n’avait presque pas de traces. Il a fallu faire appel à un historien qui travaillait sur les vases grecs pour y étudier la manière dont étaient représentées les femmes, notamment dans leur rapport avec les hommes.

Les premiers historiens ne parlent pas des femmes parce que ce qui est considéré comme important, c’est l’histoire publique, où les femmes ne sont pas. Autrement dit, le récit historique se construit sur le mode de la virilité. C’est un récit des faits et gestes des hommes.

Au fil du temps, les choses changent. Les chroniqueurs du Moyen-Âge parlent davantage des femmes et celles-ci entrent en scène progressivement. Au XVIIIe, les historiens en parlent également davantage. Le grand historien du XIXe siècle, dont la République française se revendiquera et qui a écrit une histoire de France et une histoire de la Révolution française, Jules Michelet, parle des femmes. Cependant, on s’aperçoit qu’il a sur les hommes et les femmes les idées de son temps, c’est-à-dire qu’il y a des rôles sexuels à respecter : les hommes interviennent dans la vie publique et la politique, les femmes dans la sphère familiale et privée. Par exemple, il trouve magnifiques les femmes des 5 et 6 octobre 1789 parce qu’elles agissent comme des mères et des ménagères et remplissent donc leur rôle, mais il déteste Catherine de Médicis parce qu’elle a voulu régner quand elle était régente. Michelet la rend d’ailleurs responsable de la Saint-Barthélémy !

S’il existe des obstacles à la reconnaissance de la place des femmes dans l’histoire, c’est à cause de ces représentations qui président à la construction du récit historique. Quand les femmes ont voulu qu’il y ait une histoire des femmes, elles ont bien sûr étudié ce qu’elles faisaient dans la sphère privée – leur rôle de mère, leur travail – mais ont également parlé de leur intervention sur la scène publique, par exemple, leur rôle dans la résistance.

La troisième question porte sur la façon de sensibiliser enseignants et parents à ces thématiques et les résistances rencontrées.

Premièrement, la sensibilisation à l’histoire des femmes va au-delà de l’enseignement de l’histoire. Elle doit commencer dès la petite enfance dans les rapports entre les garçons et les filles. La manière dont les enfants jouent dans la cour de récréation – sans renoncer, bien entendu, à être des garçons et des filles – est très importante. Il y a toute une culture enfantine et adolescente dans les écoles qui est essentielle pour la suite des événements.

Deuxièmement, les enseignements dans les IUFM sont très importants. Il faut qu’il y ait des enseignements sur l’histoire des femmes et que toutes les recherches actuelles sur le sujet passent à travers eux.

Troisièmement, le rôle des professeurs, est primordial. On s’aperçoit que les hommes se sentent quelquefois un peu culpabilisés, surtout dans la nouvelle génération, et se disent qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de parler des femmes. À l’inverse, certaines femmes ne veulent pas trop en parler de peur d’avoir l’air d’être trop féministes. Ces tendances ne sont pas générales mais montrent qu’on peut attendre beaucoup des jeunes hommes.

Cela étant, statistiquement, le rôle des professeurs femmes est très important. Celles qui ont une cinquantaine d’années aujourd’hui ont vécu le féminisme et peuvent donc témoigner de leur expérience. On ne sait pas ce qu’il en sera pour la génération qui vient. D’où l’importance d’interroger des personnes sur le terrain. Dans certains collèges et lycées, la transmission bute. Cela peut provenir du rapport entre garçons et filles. Si la mixité est globalement un bénéfice, elle pose parfois des problèmes quand les garçons et les filles vivent des situations d’identité sexuelle difficile. Dans un tel contexte, un professeur désireux de parler de l’histoire des femmes pourrait rencontrer des difficultés.

Mme Claude Darciaux s’est enquise de la position de Mme Perrot sur la mixité. Certains l’accusent d’être responsable des inégalités vis-à-vis des femmes dans l’orientation et leur choix d’études supérieures et présentent le retour à la non-mixité des classes comme un progrès.

En sa qualité d’enseignante de mathématiques, Mme Darciaux a effectué une recherche universitaire sur l’enseignement de cette matière. Le constat a été sévère : l’étude, réalisée sur un panel d’élèves allant de la troisième à la terminale, montrait que les enseignants, comme les enseignantes, privilégiaient les garçons à la fois dans l’enseignement, les interrogations, les corrections de copies et l’orientation.

Mme Michelle Perrot a affirmé son hostilité à un retour à la non-mixité. La non-mixité a pour conséquence la dévalorisation des femmes et du secteur qu’elles ont investi. Les femmes ont beaucoup gagné à la mixité car celle-ci a fait tomber des barrières. Toutes les écoles et tous les concours leur sont aujourd’hui accessibles. Le succès scolaire des filles n’a cessé de s’affirmer depuis vingt-cinq ou trente ans. Elles réussissent mieux dans le secondaire et il y a plus de bachelières que de bacheliers.

Mme Pascale Crozon fait remarquer qu’elles sont moins nombreuses dans les grandes écoles.

Mme Michelle Perrot a observé qu’il faudrait étudier les verrous et les blocages qui mènent à cette situation pour tenter de les lever. Mais il ne faut surtout pas revenir sur la mixité comme cela a été décidé dans certains endroits des États-Unis, car c’est un acquis et une dynamique formidables.

Que la mixité ne règle pas tous les problèmes, cela ne fait aucun doute, mais revenir en arrière serait très préjudiciable.

Mme Catherine Coutelle a remarqué que les élues locales se heurtent à des préjugés lorsqu’elles veulent donner des noms de femmes aux rues de leur commune. La ville de Rennes a demandé à un géographe, pour la journée de la femme, de dresser une cartographie des rues portant des noms de femmes : la carte était essentiellement blanche avec seulement quelques petites rues. La ville de Poitiers a demandé à l’université située sur son territoire de lui fournir des noms de femmes : elle n’en a pas trouvé.

Mme Michelle Perrot a indiqué qu’un ouvrage collectif a été publié sous le titre : « Paris, aux noms des femmes » sous la direction de Marc Guillaume, qui fournit un recensement complet des rues auxquelles a été attribué un nom de femmes à Paris. Il doit y avoir 6 % de rues qui portent de tels noms. Il a été demandé à des historiennes ou des romancières d’écrire une biographie de ces femmes, après être allées sur les lieux pour voir quel rapport il pouvait y avoir entre la rue et le nom donné. La rue Clémence Royer, traductrice de Darwin en français, enseignante à Genève, ne doit compter au plus que dix numéros et d’un seul côté !

Cela dit, étant donné que les femmes n’ont pris part à la vie publique que relativement récemment, on manque de références. En réalité cependant, il y a beaucoup plus de femmes scientifiques, musiciennes ou peintres que l’on ne croit. Il y a également des figures locales de femmes que l’on pourrait honorer de la sorte. De nombreuses rues portent des noms d’hommes célèbres qui ne sont pas si connus !

Mme Danielle Bousquet demande s’il existe des enseignements obligatoires sur l’histoire des femmes au sein des universités d’histoire et des IUFM.

Mme Michelle Perrot a répondu qu’il faudrait interroger Michelle Zancarini à ce sujet. Il y a, par ailleurs, des questions sur l’histoire des femmes, pour le concours du CAPES, plus que pour l’agrégation.

Mme Catherine Coutelle a interrogé Mme Perrot sur l’état de la recherche actuelle sur l’histoire des femmes. Y a-t-il aujourd’hui de nouvelles orientations ?

Mme Michelle Perrot a souligné que la recherche sur ce sujet est dynamique. Des professeurs ont des chaires d’histoire des femmes. D’autres privilégient l’histoire des femmes dans leur enseignement.

Cependant la problématique a changé. Depuis une dizaine d’années, se met en place une problématique du genre, le genre étant la différence des sexes construite par l’histoire et la culture. Elle a l’avantage de mieux mettre l’accent sur les rapports entre les hommes et les femmes et permet ainsi d’intéresser également les hommes. L’inconvénient est peut-être de laisser un peu de côté les femmes.

De fait, aucune histoire des femmes n’échappe au genre. Même si l’on étudie l’histoire d’un couvent – lieu de femmes par excellence –, on ne peut faire abstraction du fait qu’elles se mouvaient à l’intérieur de l’Église, qui était aux mains des hommes. Autrement dit, on ne peut pas, même dans une histoire portant strictement sur les femmes, éliminer le rapport masculin-féminin.

Les changements viennent beaucoup des États-Unis, qui ont été très dynamiques dans ce domaine. Dans toutes les universités américaines sans exception, il y a des women studies et des gender studies. On peut regretter que les études sur les femmes n’aient jamais reçu la reconnaissance qu’elles auraient dû avoir en France.

En fait les résistances sont plus fortes qu’on ne l’avait cru. Les femmes n’ont pas voulu faire des women studies à l’américaine, par crainte d’être confinées dans un secteur et ne plus être prises en considération. Ce que les historiennes veulent, c’est introduire l’histoire des femmes dans l’histoire en général.

Lors de la présentation à la radio de l’ouvrage collectif Histoire des femmes en Occident, le journaliste a observé qu’il aurait préféré que le livre ne soit écrit que par des femmes. Au contraire, il vaut mieux une histoire signée par un homme et des femmes. Le nom de Duby avait une puissance symbolique, en plus du fait qu’il était un féministe convaincu : il a consacré les dix dernières années de sa vie à l’histoire des femmes.

L’université n’a pas été juste avec le développement des recherches sur les femmes. Elle a toujours considéré et elle considère toujours aujourd’hui, que c’est un secteur un peu marginal. De ce point de vue, les batailles ne sont pas gagnées.

Mme Pascale Crozon a insisté sur la nécessité d’un vrai levier politique pour faire avancer la cause des femmes. Après avoir eu un ministère des droits de la femme avec Yvette Roudy, qui a beaucoup œuvré en faveur des femmes, et ensuite des secrétariats d’État, le fait qu’à l’heure actuelle, les femmes relèvent du même secrétariat d’État que les personnes âgées et les personnes handicapées pose un problème. Mme Crozon a été déléguée régionale aux droits des femmes pendant huit ans et a effectué beaucoup de formation auprès des enseignants. Une personne était même chargée de suivre l’orientation des filles en relation avec les chargées de mission départementales. Il y avait de vrais objectifs politiques. De la même manière, des formations de policiers étaient organisées sur le thème des violences. Si le Gouvernement ne donne pas des orientations précises, on ne pourra avancer que par petits pas. Or, les besoins sont grands quand on voit vers quelles voies sont orientées les filles. Alors que les nouvelles technologies demandent des secrétaires de niveau BTS, on les envoie encore vers des CAP et BEP qui ne leur offriront aucun débouché.

Mme Michelle Perrot a insisté sur l’efficacité des déléguées régionales qu’elle a pu apprécier quand elle-même était encore en activité.

Mme Catherine Coutelle a demandé comment se situe la recherche française sur l’histoire des femmes par rapport au reste de l’Europe.

Mme Michelle Perrot a répondu que la production de livres est abondante en France mais que l’enseignement universitaire est plus dynamique en Allemagne. Il est difficile de comparer les programmes du secondaire car l’histoire n’a pas la même place dans les différents pays.

En Italie, les études menées à l’université ont été également très dynamiques mais le système universitaire connaît de grandes difficultés aujourd’hui.

En résumé, la France se situe dans une bonne position pour la recherche et dans une position moyenne en ce qui concerne les enseignements universitaires.

Mme Pascale Crozon a souligné que l’Europe a été un acteur important en faveur de la parité, de l’égalité professionnelle et de la lutte contre les violences conjugales.

Mme Michelle Perrot a rappelé que c’est Éliane Vogel-Polski qui a mené les premières réflexions sur la parité et que celle-ci a été lancée à Strasbourg.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu’elle avait rencontré le commissaire européen chargé de l’égalité hommes/femmes afin que la question des femmes soit intégrée dans les réflexions qui seront menées lors de la présidence française de l’Europe. Elle va également évoquer cette question avec M. Xavier Bertrand, qui est très convaincu sur la question des femmes.

Elle regrette également que les questions des femmes ne fassent pas l’objet d’un secrétariat d’État spécifique. Les problèmes des personnes âgées et des personnes handicapées sont tellement lourds que ceux des femmes risquent d’être moins pris en compte.

Mme Odette Duriez a demandé s’il y a des échanges au niveau international sur les recherches menées sur l’histoire des femmes.

Mme Michelle Perrot a répondu par l’affirmative. Il y a des échanges universitaires, des colloques où les spécialistes des femmes se rencontrent. En 2008, sera fêté le centième anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir : des Allemandes viendront à Paris et des Françaises iront en Allemagne. Mais cela ne touche malheureusement qu’une dizaine de spécialistes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a exprimé le souhait que de telles manifestations soient largement médiatisées et remercie Mme Perrot d’être venue.

Audition de Mme Annette Wieviorka,
directrice de recherche au CNRS

Réunion du mardi 27 novembre 2007

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Annette Wieviorka d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation aux droits des femmes. Elle a ensuite souligné qu’une large part des difficultés rencontrées par les femmes tient à l’éducation qui est dispensée, de la maternelle à l’université. Mme Annette Wieviorka, historienne et directrice de recherche au CNRS, ayant été l’auteur d’une étude du Conseil économique et social, intitulée : « Quelle place pour les femmes dans l’histoire enseignée ? », la délégation a souhaité la recevoir pour évoquer, avec elle cette question.

Mme Annette Wieviorka a précisé que tout en étant l’auteur de cette étude, elle n’était pas une chercheuse spécialisée dans l’histoire des femmes, dans ce qu’on appelle aujourd’hui « le genre », c’est-à-dire la construction sexuée de l’histoire.

À ce propos, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, lui a demandé s’il n’était pas possible d’utiliser un autre terme que « genre », peu évocateur en français.

Mme Annette Wieviorka a observé que l’on n’avait pas trouvé réellement d’autre solution que la traduction du terme anglo-saxon « Gender », tiré lui-même des « Gender studies ».

Elle a ensuite indiqué que pour la réalisation de l’étude du CES, il avait été fait appel à ses compétences d’historienne, catégorie peu représentée au Conseil économique et social. Elle-même, sur ces questions, s’est fait le médiateur du travail effectué par ses collègues, Michelle Perrot et d’autres, comme Christine Barre et Michelle Zancarini-Fournel.

Il s’agissait d’apprécier la place et la représentation de la femme dans l’histoire enseignée, c’est-à-dire non pas dans l’histoire, mais dans ce que l’on enseigne de l’histoire. Le sujet est complexe parce que, ce que l’on a longtemps enseigné en histoire, se limitait à une histoire politique dont les femmes sont absentes. Par exemple, lors du procès de Nuremberg, tous les accusés sont des hommes, les procureurs et les juges sont des hommes, à part quelques sténographes et deux femmes témoins : la secrétaire de von Ribbentropp et Marie-Claude Vaillant-Couturier. De même dans l’histoire militaire, on ne rencontre jamais de femmes.

On ne trouve donc pas de femmes dans l’histoire enseignée, du moins jusqu’au Front populaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait valoir que, pendant la Première guerre mondiale, les femmes, pourtant, allaient à l’usine pendant que les hommes étaient au front.

Mme Annette Wieviorka a reconnu que l’écriture d’une autre histoire, économique et sociale, permettait d’y réintégrer les femmes. D’ailleurs, Michelle Perrot à l’origine est une chercheuse en histoire sociale. Reste que l’histoire politique a primé pendant très longtemps, et prime encore.

Les historiens et les historiennes de la Gender history ont pensé qu’introduire le genre en histoire, conduirait à une révolution historiographique. Or, celle-ci n’a pas eu lieu, et l’on a continué à faire de l’histoire comme auparavant.

La question est donc de savoir comment rendre visible la part des femmes dans l’histoire ? Pour faire l’histoire des femmes, il faut d’abord en trouver les sources. Or, dans les sources classiques, il n’y a pas de femmes. Il faut donc créer des endroits où les femmes puissent déposer leurs archives et ouvrir les moyens de les consulter en les distinguant des archives en général.

Des femmes se sont préoccupées de cette question et ont créé la bibliothèque Marguerite Durand, à Paris. Par ailleurs, Christine Barre a créé à Angers les archives du féminisme. C’est une entreprise assez ambitieuse. On y trouve, notamment, les archives de Cécile Brunschvicg, sous-secrétaire d’État au temps de Léon Blum et militante féministe du parti radical.

Une fois posée la question des sources et des archives, se pose une autre question : comment faire pour que cette histoire s’écrive, passe dans l’enseignement supérieur et soit enseignée aux professeurs du secondaire ?

On a souvent tendance à se défausser sur ces enseignants, auxquels on demande d’enseigner l’histoire de la colonisation, l’histoire des femmes ou le génocide juif, alors qu’on ne les a pas formés sur ces sujets, et sans même se préoccuper au préalable de l’écriture de cette histoire. Les enseignants sont des vulgarisateurs : ils médiatisent, au bon sens du terme, une connaissance qu’ils ont trouvée ailleurs. La première condition est donc de s’assurer de la possibilité d’écrire cette histoire.

Or, au niveau universitaire, il faut bien reconnaître que l’enseignement de l’histoire des femmes n’existe pratiquement pas. Certaines enseignantes sont regroupées dans une association, « Mnémosine », qui publie la revue Clio. Toutes ces collègues de l’enseignement supérieur enseignent, mais elles n’enseignent pas l’histoire des femmes.

Des travaux existent cependant, comme ceux de Fabrice Virgile, qui est un spécialiste du « genre », sur les femmes « tondues » à la libération. Avec François Rouquet et Danielle Wolmann, il est à l’origine de l’exposition qu’on peut voir aux Invalides, autour du thème : « Amour, sexe et guerre ». Cela montre que pour réintroduire les femmes dans l’histoire, il faut introduire de nouveaux objets d’histoire. Dans une histoire de la guerre uniquement militaire, il n’y a pas de femmes. Pour les faire apparaître, il faut faire, une histoire de l’arrière, de l’industrie en temps de guerre, ou une histoire du sentiment, de l’amour et du sexe.

Mme la Présidente a approuvé et Mme Catherine Coutelle en a conclu qu’il fallait changer de point de vue.

Mme Annette Wieviorka a fait remarquer que bien que se considérant comme féministe, depuis son adolescence, elle n’avait, que récemment, pris conscience de cette question liée à l’histoire et a reconnu ne pas avoir perçu les stéréotypes que l’on peut soi-même produire.

Quand on examine cette question, on se rend compte que la place des femmes dans l’histoire enseignée à l’école primaire, au collège et au lycée est extrêmement ténue. En dehors de très grands personnages, comme Jeanne d’Arc par exemple, on n’y trouve pratiquement pas de figures de femmes. En travaillant sur les manuels, on observe même un recul. Le livre « Mme Curie », écrit par sa fille, a été lu et relu par les générations précédentes, qui voyaient en elle un modèle. C’est moins le cas aujourd’hui. On voit néanmoins apparaître d’autres modèles de femmes dans l’histoire contemporaine. C’est le cas de Simone Veil, non seulement en tant que résistante, mais aussi comme femme politique.

À Mme Martine Martinel qui a avancé le nom de Lucie Aubrac, Mme Annette Wieviorka a répondu que celle-ci était connue comme résistante, mais qu’elle n’avait pas joué de rôle politique, même si elle avait assumé publiquement le fait qu’elle était une femme.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé les propositions adoptées par la Délégation aux droits des femmes du CES à l’issue de l’étude de Mme Annette Wieviorka :

—  améliorer la visibilité et la collecte des archives :

—  en incitant les associations féminines ou féministes à rassembler et à déposer leurs archives et les conservateurs à trier dans les fonds d’archives celles qui concernent spécifiquement les femmes ;

—  en favorisant la création de guides et d’inventaires et en informant les futurs enseignants en histoire dans le cadre des IUFM ;

—  prendre en compte l’histoire des femmes dans l’enseignement universitaire et la recherche ;

—  en favorisant l’intégration de l’histoire des femmes et du genre dans les différentes périodes historiques et en créant des postes fléchés d’histoire ou des femmes ou du genre ;

—  en familiarisant chaque étudiant d’histoire à cette problématique par le biais d’une unité d’enseignement et en l’intégrant dans les questions mises aux concours de l’enseignement en histoire géographie ;

—  en l’abordant dans les IUFM

—  accroître la présence de l’histoire des femmes dans l’enseignement primaire et secondaire ;

—  en veillant à ce que les programmes lui fassent une place plus large et en faisant procéder par l’inspection générale de l’histoire à un bilan des pratiques en classe ;

—  en incitant les éditeurs à tenir compte, dans les manuels, de la manière dont l’histoire des femmes et du genre a changé l’interprétation de l’histoire et en encourageant par des subventions l’élaboration d’outils facilitant cette prise en compte.

—  en créant un haut conseil chargé de la lecture des manuels scolaires, qui veillera, notamment, à ce que les manuels scolaires donnent une image plus équilibrée de la place respective des hommes et des femmes dans l’histoire ;

—  en distribuant dans les établissements scolaires, par l’intermédiaire du centre de documentation et d’information, des ouvrages permettant une meilleure introduction de l’histoire des femmes dans l’enseignement de l’histoire aux élèves et en incitant à la publication par le centre national et les centres régionaux de documentations pédagogiques ;

—  enfin, en consacrant, lors de la journée internationale de la femme, le 8 mars, un temps sur la nature de cette journée dans tous les lieux d’enseignement pour dresser le portrait historique d’une femme.

Mme Annette Wievorka a précisé que tous les groupes représentés au CES avaient approuvées ces propositions même si des discussions très vives ont eu lieu sur ce qu’était le féminisme. Il faut d’ailleurs préciser qu’il ne s’agissait que d’une « étude ». En effet, la Délégation aux droits des femmes du CES, ne peut établir de rapport ni émettre des avis qui seraient soumis à l’Assemblée plémière. Ce fut malgré tout la première étude à être imprimée, ce qui est important. L’étude, pourtant très intéressante, de Monique Mitrani et de Geneviève Couraud : A partir de la mixité à l’école, construire l’égalité", ne l’avait pas été.

Mme Catherine Coutelle s’est demandé si ces propositions avaient été suivies d’effet.

Mme Annette Wieviorka a répondu que non et que personne n’avait été dupe.

Il existe deux écoles, parmi ceux qui estiment qu’il faut parvenir à l’égalité entre hommes et femmes. Certains disent qu’il faut changer les mentalités et que ce sera long. Les autres disent qu’il faut prendre des mesures coercitives, comme la parité. On ne peut pas attendre que les mentalités changent toutes seules, il faut aussi regarder dans quels lieux on peut les faire évoluer. À partir du moment où l’on respecte la démocratie, on doit respecter aussi la vie privée et ne pas se mêler de ce qui se passe dans les familles. En revanche, l’école peut-être utilisée comme relais, s’il y a une vraie volonté politique. Sans cette volonté politique, c’est impossible.

Par ailleurs, on a trop souvent le sentiment, s’agissant des questions de femmes, que tout est déjà réglé, alors que si on y regarde de plus près, on constate aujourd’hui plutôt un recul qu’un progrès.

Mme Catherine Coutelle a avancé l’idée que peut-être les nouvelles générations voyaient le féminisme tel qu’il a été vécu, un peu vindicatif et excessif, et considéraient qu’il n’avait plus lieu d’être parce que le problème ne se posait plus.

Mme Annette Wieviorka a souligné l’importance de deux victoires, au-delà de l’égalité politique : la maîtrise par les femmes de leur fécondité et leur insertion dans le marché du travail. Aucune jeune fille aujourd’hui n’envisage de ne pas avoir de vie professionnelle.

Mme Catherine Coutelle a regretté qu’on soit cependant encore loin du compte en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Il y a peu de femmes aux postes de responsabilités et si les femmes sont majoritairement entrées dans le monde du travail, elles n’y occupent pas une place égale à celle des hommes. Il reste des combats à mener contre cette inégalité. Pour cela, il faut avoir conscience des problèmes et disposer d’un corpus de savoir. On ne peut pas demander aux enseignants d’enseigner tel ou tel sujet si on ne le leur fournit pas. Ce qui est vrai pour l’histoire des femmes l’est aussi pour l’histoire des sciences, qui est mal enseignée.

Plus généralement, on s’est surtout consacré à l’histoire politique, puis à l’histoire sociale et économique. Il faut fournir aux enseignants les contenus appropriés et ne pas les culpabiliser. C’est l’université qui peut faire bouger les choses. C’est donc là qu’il faut agir, pour passer de la recherche à l’histoire enseignée.

Mme Annette Wierviorka a soulevé la question des jurys de concours par rapport aux règles de parité. Aujourd’hui, si l’on recrute un ingénieur ATOSS ou un ingénieur de recherche, le jury est paritaire. Ce n’est pas le cas pour les concours de l’agrégation dans l’enseignement supérieur. Il faudrait se pencher sur cette exception.

Mme Catherine Coutelle a suggéré de faire voter un amendement pour y remédier.

Mme Annette Wieviorka a insisté sur le fait qu’en droit et en sciences économiques, les jurys d’agrégation sont masculins. Personne ne fait l’effort de les féminiser et l’on prétend, à tort, qu’il n’y aurait pas de vivier.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a évoqué le cas de la nomination d’un directeur au CNRS. Le ministre avait alors avancé que la cause était perdue d’avance, car il n’y avait pas de vivier de femmes susceptibles d’être nommées, ce qui n’était pas le cas.

Mme Annette Wieviorka lui a répondu que le vivier existait, mais que c’était une question d’hommes entre eux. Dans l’enseignement, la méritocratie républicaine joue jusqu’au lycée puis les concours sont anonymes. Même si, à l’oral, il peut y avoir du sexisme, on peut dire que les enseignants du secondaire sont recrutés selon leurs compétences. Dans l’enseignement supérieur et au CNRS, on ne peut plus parler de concours, mais de cooptation de fait.

Elle a par ailleurs précisé qu’elle préside une association appelée « Une cité pour les Archives nationales », dont l’objectif est d’inciter les pouvoirs publics à s’occuper davantage et mieux des archives. Ce projet va finalement voir le jour. Cette cité sera construite à Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis grâce à l’appui de certains élus. Le terrain a été choisi à côté de l’Université de Paris VIII et le projet « sanctuarisé » par le ministère de la culture, avec une femme directrice des Archives de France et une femme directrice des Archives nationales…

Audition de Mme Michelle Zancarini-Fournel, professeure des universités en histoire contemporaine, chargée de recherche à l’IUFM de Lyon

Réunion du 5 décembre 2007

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Zancarini-Fournel d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation et lui a demandé de présenter la mission qui lui a été confiée au sein de l’IUFM de Lyon.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a indiqué que l’IUFM de Lyon avait été choisi par la directrice de l’enseignement supérieur, Mme Demichel, comme établissement pilote pour l’application de la convention interministérielle de 2000 pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif. Elle-même a été chargée de mission nationale pour la mise en œuvre de la convention dans les IUFM.

Un plan de mise en œuvre de la convention, d’abord à Lyon puis dans d’autres IUFM a été mis en place. Il comprenait trois volets : le volet formation pour les futurs enseignants, le volet recherche et le volet documentation.

Mme Demichel a demandé à la sous-direction des bibliothèques de l’aider à créer un fonds documentaire spécialisé sur l’histoire des femmes et du genre en éducation. Ce fonds a été abondé, la première année, par la direction de l’enseignement supérieur et la sous-direction des bibliothèques puis a été, comme l’État y avait lui-même participé, éligible au Fonds Social Européen. Il comporte aujourd’hui 4 000 ouvrages et une trentaine d’abonnements de revues dans les diverses langues européennes dont certains ne se trouvent pas à la BNF. Il est intégré dans le système de documentation universitaire, le SUDOC, et pratique le prêt interbibliothèque.

Pour le volet recherche, il a été constitué un groupe mixte, à deux titres : d’une part, ce groupe est pluridisciplinaire, il réunit, en plus des historiens et des historiennes, des sociologues, des spécialistes des sciences de l’éducation et des psychologues ; d’autre part, il regroupe à la fois des femmes et des hommes. En effet, pour être crédible vis-à-vis des professeurs stagiaires et pour que le propos ne soit pas catalogué comme militant, il est important d’intervenir dans la mesure du possible en groupe mixte – un homme, une femme – et de se positionner en tant que professionnel, c’est-à-dire de montrer que la réflexion qui est proposée est celle que le professeur doit avoir face à ses élèves.

Le volet formation est inscrit depuis 2000, dans le plan de l’IUFM de Lyon. Il prévoit une formation de six heures par an. Bien que ce nombre d’heures puisse paraître dérisoire, il reste, chaque année, difficile à insérer dans l’emploi du temps des professeurs stagiaires qui ont de nombreux sujets à traiter au cours de leur formation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé si, pendant ces six heures, l’histoire des femmes est enseignée.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a précisé que cet enseignement est plus global. Il ne concerne pas seulement l’histoire des femmes mais consiste dans une formation à la question de l’égalité et de la mixité qui insiste sur le fait que le professeur dans la classe n’a pas devant lui des personnes neutres, mais des garçons et des filles.

Au début, cet enseignement sur l’égalité s’est heurté à l’incompréhension et même à certaines réactions hostiles. Aujourd’hui, ces questions paraissent plus évidentes et l’on note une évolution chez les jeunes enseignants. Cela vient peut-être, malheureusement, du fait que ce sont des questions qui se posent de façon cruciale dans les classes. Les professeurs non seulement doivent gérer des relations entre élèves qui sont de plus en plus sexualisées mais sont aussi directement interpellés par des élèves par rapport à leur sexe. Les élèves ont des codes qui représentent pour eux la féminité ou la masculinité et, si l’enseignant ou l’enseignante n’y correspond pas, cela crée des problèmes. Les jeunes enseignantes font très attention à leurs tenues. C’est un problème aujourd’hui dans certaines classes.

Mme Catherine Quéré a considéré que c’est un recul par rapport à l’égalité homme-femme.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a précisé qu’il s’agit d’attitudes de résistance – qui restent minoritaires – à une évolution des rôles des hommes et des femmes. De telles attitudes doivent, évidemment, être combattues mais c’est justement parce qu’il y a une transformation des rôles dans la société qu’apparaissent ces phénomènes.

Mme Catherine Quéré a remarqué que les jeunes filles font attention à ne pas être trop coquettes au collège. C’est un recul qui s’apparente, dans d’autres cas, au port du voile.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que l’interpellation de professeurs par rapport à leur sexe n’était pas que la marque d’une résistance.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a précisé que c’est parce que, dans l’ensemble de la société, il y a une transformation positive des rapports homme-femme qu’apparaissent des phénomènes de résistance à cette évolution. Par ailleurs, on observe une massification sexuelle dans la société qui induit des attitudes et un vocabulaire qui n’avaient pas cours dans les classes il y a vingt ans. Cela se répercute sur le comportement.

Pour en revenir à l’IUFM de Lyon, on y note une plus grande écoute de la part des professeurs stagiaires qu’au début du programme sur les questions d’égalité. Les débats sur la mixité et sur le port du voile à l’école ont fait de ces sujets des questions qui se posent au cours de la formation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a regretté la faiblesse du nombre d’heures et a demandé ce qui peut être fait en six heures par an.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a précisé que ces six heures représentent beaucoup. L’IUFM de Lyon est le seul à les avoir mises en place en les inscrivant dans le plan quadriennal, et l’on cherche continuellement à les réduire. Or, pour discuter des questions d’égalité et de mixité, il est préférable d’être en petits groupes. Cette année, pour des raisons d’économie, des conférences en amphithéâtre ont été programmées, suivis d’ateliers, de sorte que cela fait moins de six heures.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est étonnée qu’il n’y ait rien de fait dans les autres IUFM.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a expliqué qu’il existait en 2000 des formations généralisées au moins à l’IUFM de Toulouse et qu’après avoir été nommée chargée de mission nationale, elle a divisé la France en plusieurs régions, et est allée dans la plupart des IUFM pour sensibiliser les équipes à cette question.

Le problème est de trouver un relais sur place : des actions sont menées dans les IUFM quand il y a une personne ou une équipe qui les prennent en charge. C’est le cas des IUFM de Toulouse, de Strasbourg, de Nice, de Montpellier, de Caen, de Rouen. Des actions ont également été menées en Martinique.

Elle a précisé qu’elle n’a jamais pu être auditionnée par la Conférence des directeurs d’IUFM. À chaque fois, les rendez-vous ont été annulés. C’est dire s’il y a de fortes résistances.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a demandé si le fait de mettre davantage l’accent lors du vote de la loi d’orientation scolaire sur le thème de l’égalité entre les hommes et les femmes, dans les programmes comme dans l’orientation, aurait davantage fait évoluer l’enseignement donné dans les IUFM.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a répondu par l’affirmative. L’impulsion doit venir d’en haut, mais il faut que les instructions soient très précises car on ajoute sans arrêt des sujets sectoriels nouveaux à la formation des professeurs, qui ne dure que neuf mois, dans la deuxième année à l’IUFM. Le problème vient de ce que l’on considère les questions d’égalité et de mixité comme des questions sectorielles, à la manière du handicap, par exemple.

Mme Catherine Quéré a fait le parallèle avec le ministère actuel chargé de l’égalité hommes-femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a rappelé qu’au moment de l’examen des lois sur la parité, il avait fallu faire comprendre qu’il ne s’agissait pas d’établir des quotas en faveur d’une minorité mais de donner toute sa place à la moitié de l’humanité que constituent les femmes.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a fait remarquer qu’il est difficile de faire évoluer les mentalités et les institutions. Par exemple, il a fallu une bataille sans répit de plusieurs années, pour que tous les documents administratifs soient féminisés.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente s’est étonnée qu’il faille en passer par là.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a confirmé que cela passe aussi par là. Pendant la plus grande partie de sa carrière, elle a reçu des lettres qui lui étaient adressées au masculin par l’administration. Les professeurs font ensuite pareil avec leurs élèves. Ils ou elles n’emploient pas un adjectif féminin lorsqu’elles s’adressent à une fille. Pourtant, c’est là que commence le respect de la personne.

Cela peut paraître formel mais la langue en France a partie liée avec l’histoire de l’État. Pourquoi parle-t-on de discrimination positive : une discrimination ne peut pas être positive. Dans d’autres langues, on parle d’action positive. La langue traduit, en fait, le système politique de l’universalisme, mais avec un sens réducteur, en traitant les femmes comme un groupe spécifique. Or, elles ne sont pas un groupe spécifique.

Mme Catherine Quéré a fait remarquer que, sur les feuilles de sécurité sociale, figurent encore les mentions « M., Mme, Mlle ». Pourquoi une femme doit-elle dire si elle est mariée ou pas ?

Mme Michelle Zancarini-Fournel a observé que l’on peut supprimer la mention « Mlle » sur des papiers administratifs. Il existe une circulaire administrative sur laquelle on peut s’appuyer.

Cela étant, la sécurité sociale est la seule administration qui prenne en compte le nom patronymique – même si la formule peut faire sourire : « Nom de jeune fille » et pas le nom d’usage de la femme marié qui est utilisé depuis le milieu du XIXe siècle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a demandé en quoi consistait l’enseignement dispensé pendant les six heures annuelles consacrées à l’égalité hommes-femmes.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a précisé, pour ne pas rester sur une note trop pessimiste par rapport à la faiblesse du nombre d’heures consacrées à l’égalité et à la mixité, que son équipe et elle-même intervenaient également dans d’autres moments de la formation, par exemple, dans celles consacrées à l’histoire de la laïcité. Il est possible de parler en même temps de la mixité. De même, dans la formation consacrée à la psychologie de l’adolescent, on peut évoquer la distinction garçons-filles.

Il n’y a pas de schéma obligatoire à suivre pour les six heures de formation. Les questions de l’égalité et de la mixité sont posées par les enseignants en fonction de leurs spécificités : les historiens par rapport à l’histoire ; les psychologues par rapport aux stéréotypes de sexe ; les sociologues par rapport aux inégalités. Il y a seulement l’obligation de parler de la convention de 2006. En principe, tous les stagiaires sortent de l’IUFM en l’ayant étudiée. Le problème est qu’ils sont peut-être les seuls à la connaître quand ils arrivent dans leur établissement d’affectation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé s’il serait possible d’imposer à tous les IUFM de consacrer une ou deux heures à l’étude de la convention.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a répondu par la négative parce que les IUFM sont intégrés aux universités qui sont des établissements autonomes. La formation des professeurs stagiaires relève à la fois de l’IUFM et du rectorat au niveau duquel on peut par contre intervenir.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a demandé si l’on ne pourrait pas imaginer que le ministre impose qu’une partie des journées pédagogiques soit consacrée à l’étude de la convention sur l’égalité.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a indiqué que la première convention offrait la possibilité de monter des projets avec l’aide du FSE, y compris dans les établissements scolaires. Elle-même a contribué à en faire élaborer un dans un lycée technique afin de construire des toilettes et des vestiaires séparés pour les garçons et les filles. L’établissement, qui dispensait une formation industrielle considérée comme masculine, s’est saisi de la question et l’a ainsi traitée.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a fait remarquer que de tels aménagements dépendent normalement de la région et sont obligatoires lors des restructurations.

Mme Catherine Coutelle a signalé, à ce propos, que l’école de gendarmerie de Châtellerault est sur le point de fermer, l’une des raisons étant qu’elle va accueillir des filles et que les locaux sont trop obsolètes ou nécessitent trop de travaux pour aménager des sanitaires séparés. Dans les réseaux de transport, il a été également difficile de parvenir à ce qu’il y ait des toilettes séparées. L’embauche des femmes régresse aujourd’hui dans ce secteur.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a fait remarquer que tout progrès comporte des reculs et des avancées et a cité le cas de la restructuration d’un lycée de sa région où l’internat a été repeint en rose pour les filles et en bleu pour les garçons. Il a été suggéré à la conseillère principale d’éducation (CPE) du lycée, – la formation des CPE marche très bien – de proposer au chef d’établissement de faire venir Michel Pastoureau pour faire une conférence sur le symbolisme des couleurs mais cela n’a pu être réalisé.

Mme Catherine Coutelle a noté que, dans le catalogue de jouets de Noël envoyé au personnel de l’hôpital de Poitiers, la sélection des jouets est très sexuée : cartables, poupées pour les filles, jeux d’action et de guerre pour les garçons.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente en a conclu que la question de l’égalité n’a pas été assimilée, ni dans l’éducation nationale, ni dans la société en général.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a observé qu’il serait indispensable de former les chefs d’établissement de se former à la question de l’égalité. L’administration centrale de l’éducation nationale n’a pas donné suite à la proposition faite par la Directrice de l’enseignement supérieur d’intégrer cette dimension dans la formation des chefs d’établissements.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a demandé si des personnes interviennent en ce sens au ministère.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a précisé que sa mission correspondait à la convention de 2000 et s’était arrêtée avec la signature de la convention 2006. Il y avait alors deux chargées de mission : une pour les universités et les grandes écoles, qui était déchargée de cours, et une autre pour les IUFM.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a envisagé de demander à M. Xavier Darcos de prendre des mesures pour que la convention de 2006 soit connue dans les établissements scolaires et les universités. On peut imaginer d’obliger les chefs d’établissement, à chaque rentrée scolaire, à l’expliquer à leur équipe de professeurs.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a souligné qu’il y a deux échelons de l’éducation nationale pour lesquels on pourrait efficacement agir :

—  Le premier échelon est pédagogique : il s’agit des Inspecteurs généraux et des Inspecteurs Pédagogiques Régionaux. Il faudrait pouvoir intervenir dans la formation de ces derniers. Ce sont eux qui sont ensuite les animateurs des stages de formations dans les académies.

—  Le second échelon, administratif, est constitué des chefs d’établissement, qui devraient être informés sur la convention.

On peut demander au ministre d’imposer que la convention soit diffusée lors de chaque rentrée scolaire. Il serait bien que les objectifs de la convention soient rappelés, dans la circulaire de pré-rentrée adressée aux chefs d’établissement. Mais l’expérience montre qu’il faut quelqu’un sur place qui se saisisse du dossier et le défende de façon tenace, pour que des avancées concrètes se produisent. Par exemple, dans la circulaire de pré-rentrée de cette année, il était demandé de lire la lettre de Guy Môquet. Les chefs d’établissement ont interprété la circulaire avec leur sensibilité propre. Une circulaire ne suffira sans doute pas à imposer une mise en œuvre effective de sa convention.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait remarquer que la question de l’égalité est beaucoup plus médiatisée qu’elle ne l’était il y a une dizaine d’années. Cela étant, si l’on veut vraiment faire évoluer les mentalités, il faut prendre le problème à la base, et la base, c’est l’éducation.

Le cas de la lettre de Guy Môquet est un peu différent, car effectivement cette initiative laissait plus de place à la sensibilité de chacun. Comme l’a fait Michel Barnier, elle-même aurait lu la lettre et l’aurait complétée par d’autres. En matière d’égalité, il en va différemment.

Par ailleurs, Mme Zimmermann a exprimé son admiration pour le travail réalisé par l’IUFM de Lyon avec le peu de moyens alloués.

Mme Catherine Quéré a rendu hommage à toutes les femmes motivées qui, dans tous les domaines, font progresser l’idée d’égalité, et a fait remarquer que tout dépend toujours d’initiatives personnelles.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a rendu, pour sa part, hommage à la volonté et à la ténacité de la Directrice de l’enseignement supérieur, sans qui rien n’aurait été possible.

Le second élément sur lequel les parlementaires de la Délégation pourraient agir est celui des chaires fléchées à l’université. Il est quasi certain que lors des départs à la retraite des titulaires de chaires d’histoire des femmes, celles-ci seront affectées à une autre discipline. À Lyon, un poste de maître de conférences a été créé dans la même discipline, de sorte qu’il y a actuellement deux postes pour l’enseignement d’histoire des femmes.

Mme Catherine Coutelle a suggéré de promouvoir des thèses sur l’histoire des femmes avec des prix à la clé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a cité deux exemples d’organismes qui ont institué un prix : le Conseil Économique et Social de sa région, dirigé par un homme, qui fait un travail extraordinaire sur les femmes, et l’AFFDU – l’Association française des femmes diplômées d’université – qui décerne un prix pour toutes formes de promotion des femmes.

M. Michelle Zancarini-Fournel a insisté sur le fait que, si l’on crée un prix – ce qui est une bonne initiative car cela donne de la visibilité – il faut également se préoccuper des postes pour que les étudiants et étudiantes dans ces domaines puissent trouver des postes ni de chercheur ou d’enseignant.

On pourrait éventuellement puiser dans la « réserve ministérielle » ou s’inspirer du plan élaboré sur cinq ans, pour l’histoire et la philosophie des sciences, qui prévoit la création de deux ou trois postes par an. Pourquoi ne pas réfléchir à un plan du même type pour l’histoire des femmes et du genre ? La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pécresse ne semble pas opposée à ce que ces postes soient fléchés.

Cela étant, il faut rappeler qu’actuellement, il n’y a aucune création de postes dans l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, il faut insister sur une victoire qui vient d’être obtenue, après deux ans de lutte, à l’université de Lyon I : les femmes peuvent enfin y bénéficier de leur congé de maternité. Les professeurs étant tenues à un service annuel, jusqu’à présent, on leur demandait le plus souvent de faire leur nombre d’heures dans l’année sans déduction du temps spécifique correspondant à un congé de maternité. Elles peuvent maintenant bénéficier de l’application de la loi. Ceci montre, une nouvelle fois, qu’appliquer la loi n’est pas aussi simple qu’on le croit.

Mme Catherine Quéré est étonnée que la loi ne soit pas appliquée dans les universités.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a souligné que les universités sont des établissements autonomes gérés par les conseils d’administration et les présidents d’université et que cela est compliqué par l’annualisation du service. En fait, le problème des congés de maternité se posait peu auparavant car il n’y avait peu de jeunes femmes dans l’enseignement supérieur, les femmes n’accédant à ces postes que plus tard. Aujourd’hui, en particulier dans les disciplines scientifiques, elles passent leur thèse, cherchent un poste et puis ont des enfants.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a ensuite évoqué le cas d’un colloque sur les violences et les stéréotypes, organisé en partenariat avec le recteur d’académie afin de s’adresser aux chefs d’établissement. Celui-ci devait être présent et 450 chefs d’établissement sont venus. Mais la publication des actes de ce colloque n’a pu être faite car le rectorat voulait en garder seul la maîtrise.

Les conventions de 1984 et de 1989 portaient uniquement sur l’orientation. Celle de 2000 étant plus générale, elle a permis d’intervenir sur une série d’autres domaines.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a signalé qu’elle présente souvent dans les lycées des métiers atypiques pour les femmes. Il y a indéniablement des choses de faites dans le domaine de l’égalité et de la parité. Elles résultent autant des actions de terrain que de l’action publique et on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu d’avancées. Cette année, par exemple, il y a quasiment autant de filles que de garçons qui ont réussi le baccalauréat S. Ce n’était pas le cas il y a dix ans.

Mme Marie-Jo Zimmermann, président, est étonnée, dès lors, qu’il y ait si peu de filles en classe préparatoire.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a fait valoir que la section S est moins une section scientifique qu’une section de sélection, où l’on est sûr d’être dans une bonne classe. Après le baccalauréat, les filles se tournent moins que les garçons vers les disciplines scientifiques, en dehors de médecine, où elles sont majoritaires en première année. Mais, même là, il y a une recomposition des inégalités de genre dans les spécialités : dans certaines il n’y a que des garçons, comme la chirurgie, et dans d’autres surtout des filles.

Il y a 17 % de filles à Polytechnique. La première fille y est entrée en 1972. Il y a 25 % de filles dans les écoles d’ingénieurs, dans le meilleur des cas et elles sont très peu nombreuses en maths-physique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a cité l’exemple de l’ENSAM où il n’y a que 7 % de femmes.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a observé que c’est un des établissements où le bizutage a subsisté le plus longtemps et avec SUPELEC, l’établissement le moins féminisé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a indiqué que parmi les élèves de l’ENSAM à Metz, il y a, cette année, sept filles sur un total de 120 étudiants. Mais sont les filles qui prennent en charge l’organisation du gala.

Mme Michelle Zancarini-Fournel a fait remarquer que, pour rentrer à l’ENSAM, il fallait que ces filles aient eu du caractère et sans doute qu’elles aient reçu une éducation de type masculin ou qu’il y ait un exemple familial. On n’intègre pas une école aussi masculine que celle-ci sans une influence spécifique. Cela se voit également dans tous les parcours féminins atypiques amenant, par exemple, aux BEP industriels ou de métallurgie.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur la responsabilité des parlementaires par rapport aux lois qui ont été votées et à leur application puis a souligné la nécessité d’une intervention auprès des ministres en charge de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

Mme Catherine Coutelle a signalé que la convention 2006 a mis en place un comité national de pilotage interministériel, composé d’au moins deux représentants de chaque ministère signataire. La présidence en est assurée par un-e représentant-e du ministère en charge de l’Éducation nationale et la vice-présidence est confiée à la chef du Service des droits des femmes et de l’égalité. Il serait intéressant que la Délégation entende ces deux personnes, d’autant qu’il est également prévu un bilan de l’activité interministérielle de mi-parcours, avant la fin de l’année 2008.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu’effectivement la Délégation allait les recevoir.

Audition de Mme Nicole Mosconi, agrégée de philosophie,
docteure en sciences de l’éducation, professeure émérite à l’Université Paris X-Nanterre, membre du Centre de recherche Éducation et Formation

Réunion du 11 décembre 2007

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a remercié Mme Mosconi d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. Les inégalités hommes-femmes résultent pour partie d’un héritage où l’éducation joue un rôle important, non seulement dans le choix des orientations scolaires et professionnelles mais également dans la manière de se penser et de se construire en tant que filles ou garçons. Il importe donc de savoir quelle est l’analyse que l’on peut faire de cette situation.

Mme Nicole Mosconi a indiqué qu’elle avait dressé à partir des chiffres de 2005, un état de la place des filles dans les différentes filières de l’enseignement secondaire. Ces tableaux ont pour but de montrer que, contrairement à ce que l’on pense, les filles sont plus nombreuses à préparer le baccalauréat scientifique que le baccalauréat littéraire et même que le baccalauréat économique et social. Ils mettent également en évidence que les choix peu équilibrés sont plus le fait des garçons que des filles. En effet, ces dernières se répartissent de manière plus égale entre les différentes sections du baccalauréat général.

Quand on compare les chiffres correspondant des baccalauréats, y compris le baccalauréat professionnel divisé, pour simplifier, en deux rubriques : « Production » et « Services », on constate que les filles se trouvent majoritairement dans les sections du baccalauréat général (59 %) alors qu’elles ne représentent que 27 % des effectifs du baccalauréat technologique et 14 % du baccalauréat professionnel. Pour les garçons, il y a peu de différence pour le baccalauréat technologique, même si de forts écarts apparaissent selon les sections choisies en son sein, mais il y a près de dix points de différence entre le baccalauréat professionnel (23 %) et le baccalauréat général (48 %).

Les orientations différentes entre filles et garçons sont fortement liées au fait que les sections professionnelles sont beaucoup plus intéressantes pour les garçons que pour les filles. Avec un BEP ou un CAP de secrétariat, les filles ne trouvent plus de travail aujourd’hui tandis qu’avec un BEP, les garçons peuvent trouver un travail d’ouvrier professionnel intéressant permettant ensuite de passer technicien.

Finalement, les orientations des filles sont beaucoup plus équilibrées que celles des garçons. Ces derniers préparent majoritairement le baccalauréat scientifique (31 %), peu le baccalauréat ES (13 %) et très peu le baccalauréat L (4 %). C’est un problème qu’aussi peu de garçons préparent un baccalauréat littéraire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que ce diplôme n’ouvre malheureusement que peu de débouchés.

Mme Nicole Mosconi a observé qu’il mène nécessairement à des études supérieures. S’il y a peu de garçons en L, cela signifie qu’il y en a peu qui passeront un CAPES et une agrégation littéraires, et donc, qu’il y aura peu de professeurs hommes. Que les hommes refusent les fonctions d’éducation de la jeune génération est un problème.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré que la difficulté essentielle tient à la reconnaissance du métier d’enseignant.

Les anciens élèves des sections économiques et sociales ou scientifiques accèdent à des professions où un garçon peut se réaliser et gagner correctement sa vie.

Mme Nicole Mosconi a observé qu’il y a également un déséquilibre très fort concernant le baccalauréat technologique. Les garçons sont quasiment inexistants en sciences médico-sociales, largement majoritaires en sciences et techniques industrielles, avec un taux de 14 %, contre 1,12 % pour les filles, et présents en sciences et techniques tertiaires – 12 % contre 17 % pour les filles. Ils y étudient en particulier la comptabilité et le commerce.

En conclusion, ces tableaux montrent que l’orientation des garçons est moins équilibrée et plus ciblée sur des sections précises que celle des filles, qui est plus diversifiée.

Par ailleurs, s’ils mettent en évidence que les filles sont plus nombreuses à passer le baccalauréat S que le baccalauréat ES et L, cela ne retentit pas sur les orientations après le baccalauréat S qui sont différentes chez les filles et les garçons. La différence est très forte à niveau social égal et s’accentue encore chez les classes populaires. Les garçons intègrent davantage les classes préparatoires aux grandes écoles. Les filles font plus médecine que les garçons et quand elles font des sciences, elles vont à l’université.

Selon les études de la Direction de l’évaluation et de la prospective de l’Éducation nationale, on note une petite évolution puisqu’il y a à peu près 30 % de filles dans les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques. Dans les classes préparatoires littéraires et commerciales, le rapport est à peu près équilibré.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que la différence s’accentue encore dans les grandes écoles d’ingénieurs.

Mme Nicole Mosconi a précisé que l’on pouvait corréler le pourcentage des filles au prestige de l’école : plus elle est prestigieuse et moins le pourcentage de filles à l’intérieur de celle-ci est élevé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé si des statistiques ont été réalisées sur les majors. Alors qu’il n’y a que sept filles pour 120 garçons à l’ENSAM de Metz, les majors sont des filles.

Mme Nicole Mosconi rappelle également que lorsque Polytechnique a été ouvert aux filles, c’est une fille qui a été major.

Des études montrent que les professeurs ont souvent tendance à penser que les garçons réussissent parce qu’ils sont doués et parce qu’ils ont des capacités et pourraient encore faire mieux s’ils travaillaient plus. Les filles par contre réussissent par leur travail, sans qu’on leur accorde, a priori, de dons. En tout cas, on n’explique pas leur réussite scolaire par leurs capacités et on ne leur accorde pas de capacités au-delà de leurs performances réelles. L’étude des appréciations portées sur les livrets scolaires fait ressortir une tendance : « Peut mieux faire » s’adresse plutôt aux garçons.

Cela paraît un stéréotype de sexe très ancré même si tous les enseignants ne portent pas ce type de regard sur les élèves.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a reconnu avoir fonctionné ainsi quand elle enseignait, ce qui, avec le recul, lui donne mauvaise conscience.

Mme Nicole Mosconi a précisé qu’elle n’enseignait déjà plus dans le secondaire quand elle a découvert ces travaux.

Les premiers ont été réalisés en Angleterre et aux États-Unis. Le travail sur des observations de classe a été lancé en France parce que l’on avait des difficultés à admettre ce qui était écrit dans les articles anglais et américains. Les enseignants à qui l’on dit qu’ils ont deux tiers d’interaction avec les garçons dans les classes mixtes et un tiers avec les filles, le nient avec véhémence.

Aujourd’hui, les résultats obtenus en France corroborent les études anglo-saxonnes. L’analyse doit cependant être affinée. Il faut prendre en compte le sexe de l’élève, mais aussi son origine sociale et son niveau scolaire. Si l’on croise ces trois données, on constate que les professeurs ne traitent pas de la même façon les filles et les garçons.

Mme Mosconi a précisé que la méthode utilisée consistait à observer très finement le déroulement d’une leçon. Neuf chercheurs et chercheuses ont ainsi étudié pendant trois ans une heure de classe de mathématiques.

Une leçon se compose de trois moments : on rappelle d’abord les savoirs acquis lors de la séance précédente, on construit ensuite un savoir nouveau puis on fait des exercices d’application pour vérifier que l’ensemble de la classe a compris. Au moment où le savoir nouveau de la séance se construit, les enseignants ont tendance à interroger des garçons en position scolaire haute, c’est-à-dire les bons élèves. Inversement, pour rappeler des savoirs acquis un peu délicats, ils font appel aux filles parce qu’ils savent qu’elles sont fiables et qu’elles ne vont pas faire perdre du temps pour rappeler des choses supposées connues.

On a également observé, sur une classe de primaire, que l’enseignante interroge les filles à leur place mais fait venir les garçons au tableau. Ils ont alors une craie avec laquelle ils peuvent écrire au tableau. Quand l’enseignante sollicite une fille pour venir aider le garçon qui se trompe au tableau, elle n’a pas de craie pour écrire.

On a ainsi découvert le « pouvoir de la craie ». Avoir la craie, c’est normalement la prérogative du professeur dans la classe. Mais, quand les élèves sont sollicités pour écrire, la distribution de la craie est cruciale.

De même que les parents ne traitent pas de la même façon leurs fils et leurs filles, même s’ils disent le contraire, les enseignants, qui ne sont pas plus sexistes que les autres, mais ne le sont pas moins, ne traitent pas de la même façon leurs élèves garçons et leurs élèves filles. Mais cela s’exprime par des choses extrêmement fines qui passent aussi par du non verbal : intonations de la voix, gestuelle, distance par rapport aux élèves et, en particulier, par rapport aux élèves interrogés.

Un collègue belge a vérifié cette dernière caractéristique dans un colloque entre un enseignant du supérieur et sa doctorante. Selon l’attente que l’enseignant a du doctorant – soit qu’il pense qu’il va faire une très bonne thèse, soit qu’il s’attend à une mauvaise thèse –, la distance dans l’entretien est plus ou moins grande.

Cela se vérifie dans les classes. L’enseignant se rapproche de l’élève dont il attend beaucoup et s’éloigne de celui qui ne lui renvoie pas une bonne image de lui-même parce qu’il n’apprend pas bien. Les bons élèves sont d’ailleurs utilisés comme des auxiliaires didactiques dans la classe. Une enseignant demande à son meilleur élève de montrer au tableau comment il a fait l’exercice. Or, la consigne n’est pas claire et l’élève se trompe. L’enseignant est frustré et se rapproche de plus en plus de l’élève, et écrit même à sa place. Il y consacre du temps, ce que les enseignants appellent le « temps de latence », c’est-à-dire le temps laissé à un élève qui a donné une première réponse insatisfaisante pour qu’il puisse la corriger. Très souvent, quand une fille est interrogée et qu’elle se trompe, un garçon l’interrompt pour donner la bonne réponse. Les filles prennent rarement la parole sans y être invitées. Ce sont en général les garçons qui veulent se poser en dominants, parce qu’ils sont de bons élèves ou parce qu’ils veulent s’imposer par de l’indiscipline.

Les enseignants ont un double regard sur l’indiscipline. Ils l’acceptent plus volontiers de la part des garçons – elle est insupportable mais d’une certaine façon inévitable – et beaucoup moins de la part des filles. L’indiscipline est alors jugée beaucoup plus sévèrement. En effet, quand un garçon est indiscipliné, c’est dans sa nature tandis que, quand une fille est indisciplinée, l’enseignant s’en rend responsable. D’où les réactions souvent agressives de ce dernier vis-à-vis des filles indociles.

Il y a toute une série de stéréotypes qui font que les attentes et les conduites sont différentes selon le sexe de la personne qui est en face de soi. Cela vaut pour les élèves comme pour toutes les personnes et il est difficile d’avoir prise sur ces stéréotypes.

Tout cela est facteur chez les élèves de construction de leur identité sexuée. On apprend également à l’école mixte des positions sociales inégales.

Selon Baudelot et Establet dans « Allez les filles ! », c’est parce que les filles sont plus dociles que les garçons qu’elles s’intègrent mieux dans le cadre rigide de l’institution scolaire et y réussissent mieux. Cette interprétation de la réussite scolaire des filles n’est pas entièrement convaincante. En effet, tant que les filles allaient peu à l’école et avaient peu l’occasion d’y réussir, on expliquait déjà cela par leur soumission. Comment se fait-il que, maintenant qu’elles peuvent aller à l’école et qu’elles ont, grâce à la mixité, accès à tous les savoirs, on explique leur réussite par cette même docilité ? Il y a là un premier paradoxe. Il y a un autre paradoxe qui tient au fait que, constater une supériorité des filles dans un domaine, est tellement contre-intuitif que l’on a besoin de compenser cette supériorité par une explication qui les replace dans une certaine infériorité.

Il y a une explication positive de la meilleure réussite des filles : elle vient de ce qu’elles ont compris l’enjeu que représentent pour elles l’école et le fait d’avoir des diplômes. Elles savent que, sur le marché du travail, c’est plus difficile pour elles que pour les garçons.

Très probablement aussi l’éducation familiale qui est donnée aux filles facilite plus l’adaptation des filles à l’école que celle des garçons. À force de dire à ces derniers qu’ils doivent être indépendants et se défendre quand on les attaque, on façonne chez eux une identité sexuée masculine, voire virile, qui ne prédispose pas à accepter l’autorité à la fois de l’enseignant et du savoir.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé à Mme Mosconi comment elle voit les enjeux de la mixité.

Mme Nicole Mosconi a observé qu’elle a pris pleinement conscience de l’importance de la mixité en discutant avec des collègues espagnols pour qui la non-mixité était liée à la période de Franco et l’avènement de la mixité une réelle libération.

Les pays qui refusent aujourd’hui la mixité ne sont pas des pays de liberté et ne reconnaissent pas le principe d’égalité des hommes et des femmes. La mixité scolaire est un principe politique qui affirme l’accès de toutes et tous à tous les savoirs. C’est un principe de liberté et d’égalité, tel qu’il figure dans notre Constitution française, c’est en outre un principe moderne allant de pair avec la démocratie. Les sociétés dites traditionnelles imposent la séparation des hommes et des femmes en dehors du monde privé. Or, l’école est l’entrée dans le monde public. Les filles et les garçons, c’est-à-dire les futures femmes et les futurs hommes, doivent s’y retrouver ensemble.

L’Église catholique a beaucoup évolué à ce sujet en France. Une étudiante qui voulait faire sa thèse sur les établissements mixtes et non mixtes en France s’est adressée à l’enseignement privé catholique. Ayant été prise pour une mère d’élève, on lui a expliqué l’importance de la mixité pour l’éducation des enfants !

Sur un plan concret, la mixité est une condition nécessaire à l’égalité des sexes mais non suffisante. Les difficultés rencontrées dans certains établissements mixtes ne concernent pas uniquement les quartiers sensibles. Elles viennent du fait que la mixité a été introduite pour des raisons économiques, au moment où la scolarité a été prolongée jusqu’à seize ans sans avoir été véritablement pensée. Cela correspondait, bien sûr, à une évolution des mœurs et de la société, évolution qui rendait la mixité envisageable.

Après la création de l’enseignement secondaire de jeunes filles, à partir des années 1900, une réflexion a été menée sur la mixité, appelée « coéducation » à l’époque. Certains sont allés aux États-Unis et ont constaté que les établissements mixtes ne fonctionnaient pas si mal que cela. Ils ont finalement dit non à la mixité mais on sent que ces Républicains plus ou moins anticléricaux sont gênés car, en se déclarant défavorables à la mixité, ils défendent la même position que les catholiques américains. Ils expliquent ce paradoxe de la manière suivante : en Amérique, comme le protestantisme est prépondérant dans la société, il y a plus de liberté et de liens entre les hommes et les femmes que dans la société française, qui est à prépondérance catholique et où prime encore la séparation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remarqué qu’en effet les écoles protestantes ont été mixtes beaucoup plus tôt.

Mme Nicole Mosconi a souligné que ce qui manque encore aujourd’hui à la mixité, c’est d’être vraiment pensée d’un point de vue éducatif.

Les conventions interministérielles de 2000 et de 2006 pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif sont excellentes. Si elles étaient vraiment appliquées, ce serait parfait, mais elles ne le sont pas.

On peut formuler quelques hypothèses sur les verrous qui empêchent cette application.

Le verrou principal vient de ce que l’administration de l’éducation nationale, dans sa majorité, résiste fortement. Il y règne l’idée selon laquelle la mixité suffit à l’égalité.

On a longtemps vécu sur l’idée que la mixité était une sorte de déclinaison de la laïcité, ce principe auquel la France tient tant, laquelle implique que les enseignants fassent abstraction des particularités des élèves, le sexe en étant une parmi d’autres. Il n’y a dès lors pas lieu de penser que le système scolaire traite différemment les filles et les garçons.

Cette idéologie de la laïcité – positive quand il s’agit des croyances et des particularités personnelles – prévaut mais, en matière de mixité, il ne suffit pas de poser le principe, il faut ensuite qu’il soit réellement appliqué. Et c’est très difficile.

Les démonstrations exposées sur les différences des sexes peuvent également être faites sur les différences sociales : les enseignants ne traitent pas de la même façon les élèves selon leur origine sociale.

Une expérience a eu pour but de voir comment catégoriser les élèves sans, pour autant, les pénaliser. L’hypothèse de recherche était que, pour gérer une classe, il faut catégoriser les élèves de façon à savoir, par exemple, à quel moment l’enseignant doit interroger tel élève et pas tel autre. C’est ce que tout enseignant apprend peu à peu par l’expérience.

La classe était un cours moyen. L’enseignante fait un premier exercice et demande aux élèves qui croit avoir juste et qui croit s’être trompé. Un petit garçon n’a levé le doigt à aucune des deux questions. L’enseignante se tourne vers lui et lui dit : « Il est prudent, Ahmed ! ». C’est la seule interaction qu’elle a eue avec cet élève de toute la séance alors que les autres élèves étaient nommés plusieurs fois. L’équipe de recherche qui travaillait en aveugle avait fait des catégories un peu caricaturales de départ. Elle avait mis le petit Ahmed dans la catégorie des mauvais élèves. Or, il s’est révélé être le deuxième de la classe. Simplement, il portait un prénom arabe et avait un physique arabe. L’équipe de recherche n’était pas particulièrement raciste, et pourtant elle a complètement mésinterprété la remarque de l’enseignante qui était simplement une façon de dire que l’élève réfléchissait avant de parler. Peut-être aussi n’avait-il pas osé lever le doigt par timidité.

À la fin de la séance, l’enseignante interroge une petite fille qui est en grande difficulté et certainement d’un milieu modeste. On observe que, autant elle était près de ceux qu’elle interrogeait avant, autant elle se met à distance de cette petite fille et l’on voit qu’elle fait des efforts. On voit bien que cette élève l’agace. Dans l’équipe, une chercheuse a proposé l’idée que l’enseignante voyait en la petite fille une sorte de double négatif. Elle lui parle d’une manière plus condescendante et plus contrainte qu’aux autres.

On a également observé que les enseignants interrogent à la fin des séances les élèves en difficulté. Le résultat est qu’ils les pressent alors qu’il faudrait, au contraire, leur laisser du temps pour qu’ils puissent comprendre.

Les séances d’observation de séances d’apprentissage de la lecture donnent lieu aux mêmes remarques.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait remarquer que le propos de Mme Mosconi n’est pas rassurant.

Mme Nicole Mosconi a assuré qu’il est possible de sensibiliser les enseignants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que les enseignants doivent être sensibilisés à la fois à l’égalité et au savoir à transmettre.

Mme Nicole Mosconi a indiqué que c’est un argument qui lui est souvent opposé par les enseignants. Ils ont déjà tellement de choses à gérer qu’ils sont réticents à en ajouter une de plus. Mais pourquoi celle-ci serait-elle moins importante que les autres ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait remarquer que la transmission du savoir était une chose de plus en plus difficile.

Mme Nicole Mosconi a avancé que l’on peut voir aussi les choses dans l’autre sens : il y a plus de jeunes de milieu populaire qui accèdent à des niveaux d’enseignement auxquels ils n’accédaient pas avant.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a précisé que sa remarque portait sur l’imagination dont les enseignants doivent faire preuve aujourd’hui pour rivaliser avec les moyens modernes de communication.

Mme Nicole Mosconi a évoqué la thèse d’une collègue angliciste, formatrice en IUFM, qui a enseigné aux États-Unis, et mené son enquête à la fois en observant des classes américaines et des classes françaises. Aux États-Unis, l’égalité des sexes fait partie intégrante de la formation des enseignants, même de leur « professionnalité ». Quand cette collègue a répercuté ses observations de classe aux enseignants américains et leur a montré qu’ils n’étaient pas vraiment égalitaires – tout en l’étant plus que les enseignants français –, ils ont été extrêmement mal à l’aise. Pour eux, il s’agissait d’une remise en cause de leur professionnalité enseignante. Ils ont d’ailleurs demandé que ces observations ne soient pas répercutées au chef d’établissement.

Cela prouve qu’on peut faire plus que ce qui est fait en France.

Quand un enseignant a intégré dans sa formation professionnelle qu’il fallait traiter de la même façon tous les élèves sans faire de différences sociales, ni de différences entre les filles et les garçons, il a le souci de le faire. En France, malgré tous les efforts qui sont faits – et malgré le travail de Mme Zancarini-Fournel à l’IUFM de Lyon –, la majorité des enseignants n’ont pas été sensibilisés à cette exigence. Certains enseignants du secondaire réagissent même encore avec une grande agressivité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a envisagé d’intervenir auprès du ministère, bien qu’elle soit consciente que la démarche ne soit pas évidente, mais tant que l’égalité ne sera pas un enseignement obligatoire dans les IUFM, les choses n’avanceront pas.

Mme Nicole Mosconi a souligné qu’il y avait une résistance extrêmement forte de tous les responsables, ainsi que de beaucoup d’inspecteurs. L’argument opposé est qu’il y a déjà tellement de choses à apprendre aux professeurs stagiaires qu’il n’y a plus de place pour l’égalité.

Après la signature de la convention, des directeurs d’IUFM ont considéré qu’une conférence sur le sujet suffisait à l’application de la convention. Or il faut du temps pour assimiler ces questions. Une conférence n’est qu’une sensibilisation.

À La Réunion une session de quatre jours avec un groupe d’enseignants et de personnels d’orientation a été organisée. En effectuant des jeux de rôle et en inversant les personnages, les participants ont pu réfléchir sur la manière de se positionner dans son identité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est étonnée de la réticence des inspecteurs.

Mme Nicole Mosconi a précisé que, pour les inspecteurs, le savoir est épicène : il n’est ni masculin, ni féminin, même si on peut montrer par ailleurs que le savoir ayant été construit dans l’histoire par les hommes, des biais se sont produits.

Pour les inspecteurs, le savoir étant neutre, les questions de relations ne sont pas vraiment pertinentes dans l’école.

Par ailleurs, il y a beaucoup plus d’inspecteurs que d’inspectrices, même si un petit effort est fait dans le primaire pour augmenter la proportion des femmes parmi les inspecteurs des établissements du primaire. Mais il n’y a pas beaucoup de femmes parmi les inspecteurs pédagogiques régionaux (IPR) et encore moins parmi les inspecteurs généraux (IG).

Le texte de la convention est bon. Le problème est qu’elle n’est pas appliquée.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, remercie Mme Mosconi.

Audition de Mme Christine Bard, professeure des universités en histoire contemporaine à l’Université d’Angers,
responsable de l’axe « genre » du Centre d’histoire de Sciences Po ( Paris)
et présidente de l’association des Archives du féminisme



Réunion du 8 janvier 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Christine Bard, professeure des universités en histoire contemporaine à l’Université d’Angers, responsable de l’axe « genre » du Centre d’histoire de Sciences-Po (Paris) et présidente de l’association des Archives du féminisme.

Poursuivant ses travaux sur l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif, la délégation a souhaité aborder avec elle les questions suivantes : l’état de la recherche sur les questions d’égalité entre les filles et les garçons et sa diffusion vers le système éducatif dans son ensemble, le regard que le monde enseignant porte sur ce sujet et les éventuelles résistances, la manière dont il faudrait sensibiliser ou former les professeurs et les responsables éducatifs sur cette question.

Mme Christine Bard, après avoir remercié la délégation de l’avoir invitée, a souligné qu’elle était une ancienne élève de Mme Michelle Perrot, déjà auditionnée par la Délégation et appartenait à la troisième génération d’universitaires qui ont travaillé sur les questions de genre et sur l’histoire des femmes. Pourtant, si l’histoire des femmes s’enseigne ainsi à l’université depuis les années 70, elle manque encore de lisibilité.

Elle a ensuite précisé qu’elle a travaillé sur l’histoire du féminisme, mais également sur celle de l’antiféminisme, ainsi que sur le thème des femmes en politique.

À Sciences-Po, elle co-anime avec Mme Janine Mossuz-Lavau un séminaire sur les femmes et le pouvoir exécutif dans le monde, qui aborde aussi bien la question du temps présent que l’histoire des femmes. Ce cours a le mérite de répondre aux questions que se posent aujourd’hui les étudiants sur la vie politique et plus largement, sur les relations entre les hommes et les femmes. Encore faut-il, cependant, que les étudiants puissent accéder à de tels cours, qui devraient être obligatoires et non optionnels. Mme Christine Bard a ainsi précisé qu’elle imposait dans le cadre de son enseignement, un cours d’histoire contemporaine sur l’histoire des femmes et du genre, qui intéresse finalement aussi bien les garçons que les filles. Si ce cours avait été optionnel, il n’aurait sans doute été suivi que par des filles.

Au-delà du monde étudiant, les conférences sur l’histoire des femmes rencontrent toujours un grand succès, comme en ont témoigné la journée du livre d’histoire du Sénat qui portait il y a deux ans sur l’histoire des femmes, ou les rencontres d’histoire à Blois sur ce même thème.

Les associations sont également très actives sur ce sujet. Pour les cinquante ans du planning familial, elle a organisé, toujours avec Mme Janine Mossuz-Lavau, un colloque sur l’histoire et la mémoire du planning familial.

Il est évidemment positif que la recherche sorte des murs de l’université ou du CNRS pour aller à la rencontre d’acteurs sociaux de premier plan. Il faut donc se réjouir que le planning familial ait ainsi eu l’opportunité de mieux connaître son histoire, de la transmettre à des personnes plus jeunes et, plus globalement, à un large public, grâce à la médiatisation de cet événement.

Mme Christine Bard a par ailleurs créé un musée virtuel sur l’histoire des femmes et du genre, Muséa, et a exprimé le souhait de voir naître un véritable musée consacré à ce sujet.

Elle a ensuite abordé les points positifs que l’on pouvait relever.

Les progrès de la recherche depuis le milieu des années 70 doivent d’abord être soulignés. Les publications en français sur la femme et le genre se multiplient, signe d’un intérêt grandissant.

Il convient également de saluer le dynamisme d’associations comme « Mnemosyne » pour la promotion de l’histoire des femmes et du genre, les « Archives du féminisme », l’Association nationale des études féministes – ANEF – pour obtenir des postes fléchés à l’université, ou encore le Réseau interuniversitaire national sur le genre, le RING. Différentes générations se trouvent réunies autour d’un objectif commun : obtenir plus de reconnaissance, plus de lisibilité, plus de soutien financier et plus de postes à l’université.

Le soutien du féminisme d’État est un autre élément positif avec la création, sous la présidence de M. Giscard d’Estaing, d’un secrétariat d’État à la condition féminine, renforcé ensuite par l’action d’Yvette Roudy au ministère des droits des femmes. Grâce au service des droits des femmes, ce domaine de recherche reçoit un soutien permanent, même s’il demeure insuffisant, par le biais de subventions aux associations spécialisées, de colloques etc. Cette aide extérieure a joué un rôle fondamental.

L’intérêt du grand public est par ailleurs essentiel, au même titre que l’intérêt des médias, constant depuis le milieu des années 1990.

La synergie positive entre la parité et le développement de la recherche sur le genre doit également être souligné. Même s’il reste beaucoup à faire, le mouvement pour la parité a dynamisé la recherche sur le genre, tout en prenant lui-même appui sur les études des politologues relatives au fonctionnement de la discrimination dans les partis.

Il convient aussi de citer les nombreuses dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en faveur de l’égalité dans le domaine de l’éducation : convention de 2000 et de 2006, loi de 2005, sans parler des efforts réalisés dans la fonction publique ou encore au niveau du Conseil économique et social, comme en témoigne le rapport d’Anette Wieviorka sur l’enseignement de l’histoire.

Il ne parait pas utile de voter de nouvelle loi, les textes en vigueur étant largement suffisants, d’autant que les publications officielles sont nombreuses. Ainsi le ministère de l’Éducation nationale, sur son site, publie toutes les informations relatives à la volonté étatique de promouvoir l’égalité.

Surtout, l’établissement de statistiques sexuées facilement accessibles s’est révélé particulièrement utile pour démontrer la persistance d’inégalités ou d’orientations beaucoup trop sexuées.

Autre point positif, la France est l’un des premiers pays d’Europe en pourcentage de femmes à l’université et dans la recherche, y compris aux postes supérieurs, ce qui n’est pas sans lien avec le développement des études sur le genre puisque ce sont essentiellement les femmes qui s’y intéressent. La France compte ainsi presque deux fois plus de chercheuses et de professeures d’université qu’en Allemagne.

Mme Catherine Quéré a indiqué que cela pouvait s’expliquer par le fait plus général qu’en Allemagne le travail féminin n’est pas encouragé comme le montre le manque de crèche.

Mme Christine Bard, a précisé que, professeure d’histoire contemporaine, elle consacre entre 50 et 70% de ses cours à l’enseignement de l’histoire des femmes. Toutes les universités, cependant, n’accordent pas autant de temps à l’enseignement de cette question. La marge de manœuvre est de surcroît réduite lorsqu’il s’agit de préparer des élèves à des concours, CAPES ou agrégation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, l’a regretté, estimant que les personnes qui se destinaient à l’enseignement devraient être particulièrement sensibilisées à cette question.

Mme Christine Bard a précisé que les élèves devraient être intéressés à la problématique du genre dès la première année, lequel peut du reste être abordé au travers l’histoire de la famille, de la maternité, de la démographie, du travail et de la politique. L’idéal serait que, parallèlement à des cours spécifiques sur le genre, les professeurs non spécialistes intègrent cette histoire dans leur thématique, car il s’agit là d’une matière transversale.

À M. Guénhaël Huet qui lui demandait si elle était contrainte de respecter un programme, Mme Christine Bard a répondu qu’en dehors des années de préparation aux concours, les enseignants disposaient à l’université d’une certaine liberté dans l’élaboration de leur programme. En général, ils enseignent leur spécialité, mais elle a cité l’exemple de son collègue, également titulaire de la chaire d’histoire contemporaine, spécialiste de l’histoire des relations internationales, qui en est venu à enseigner également l’histoire des femmes. Elle a cependant regretté que les enseignants chercheurs n’exploitent pas davantage cette liberté.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est par ailleurs demandée s’il n’était pas trop réducteur d’enseigner l’histoire contemporaine par le biais de l’histoire du genre et s’est enquise du programme du cours d’histoire contemporaine en troisième année.

Mme Christine Bard a précisé que, au-delà du fait que les enseignants avaient le choix entre plusieurs thèmes, l’histoire des femmes en étant un parmi d’autres, l’enseignement de l’histoire du genre ne concernait que son service à l’université, soit six heures de cours par semaine.

Le cours sur l’image et l’histoire au XXe siècle, pour lequel nombre des thèmes choisis sont liés à l’histoire des femmes, a pour but de préparer les étudiants au cours obligatoire d’histoire contemporaine de quatrième année qui porte, quant à lui, sur l’histoire des femmes et du genre. Outre le fait que cette spécialité n’est ni moins ni plus pointue que d’autres, elle a le mérite d’enrichir la culture générale des élèves sur de nombreux sujets.

M. Guénhaël Huet s’est inquiété de ce que l’histoire du XXe siècle, si riche, ne soit ainsi abordée qu’au travers le prisme de l’histoire des femmes,

Mme Christine Bard l’a rassuré en lui précisant que le cours d’histoire des femmes ne représentait qu’un quinzième des cours suivis par les étudiants inscrits en histoire à l’université.

Elle a ensuite abordé les points négatifs.

Tout d’abord, la féminisation de pans entiers de l’enseignement et des études est souvent mal perçue, tout comme la meilleure réussite des filles. Le féminisme doit aujourd’hui réfléchir à la manière de changer l’attitude des garçons à l’égard de la culture et des études supérieures, ce qui est inédit. Historiquement, ce sont les filles qui sont parties à la conquête du savoir, mais, aujourd’hui, il faut motiver les garçons, et, surtout, faire mentir l’adage selon lequel une profession qui se féminiserait serait une profession qui se dévaloriserait.

Par ailleurs, au sein des universités, les nombreux efforts individuels et associatifs pour développer les problématiques liées au genre n’ont pas empêché que cette question reste perçue comme secondaire.

Il faut ensuite regretter que les études sur le genre et les femmes n’aient pas davantage de lisibilité culturelle, d’autant plus que les moyens mémoriels ne manquent pas – les commémorations, les panthéonisations, les noms de rue sont autant d’outils symboliques dont l’on ne se saisit pas assez pour marquer la présence des femmes dans notre passé local, national et mondial. Aujourd’hui, 5% seulement des noms de rue sont des noms de femme, et une seule femme est inhumée au Panthéon, Marie Curie, Mme Berthelot n’y étant qu’en tant qu’épouse.

M. Guénhaël Huet s’est inquiété de son avis sur la journée des femmes.

Mme Christine Bard s’est dite favorable au maintien de cette journée qui attire l’attention des médias, et a le mérite de relancer les débats, même si certaines femmes la jugent négative.

À la suite de Mme Catherine Quéré, Mme Christine Bard a également déploré que peu d’établissements scolaires portent le nom d’une femme.

Il faut réfléchir aux moyens de faire connaître les textes en faveur de l’égalité et de motiver les acteurs sur le terrain. Tout repose aujourd’hui sur le volontariat, le bénévolat et les passions individuelles, avec les limites que cela comporte. Les associations manquent ainsi cruellement de moyens financiers. Il conviendrait de consolider et d’institutionnaliser cet ensemble, d’où la proposition de créer un musée. Il existe déjà un musée virtuel, Muséa, sur l’histoire des femmes et du genre, édité par l’Université d’Angers, qui s’appuie essentiellement sur le financement du Conseil régional des pays de la Loire, puisque le musée n’a reçu qu’un temps le soutien du Fonds social européen. Ce musée virtuel qui publie des recherches universitaires accessibles à tous a été conçu en partie pour contourner le problème des manuels scolaires qui n’intègrent pas encore, ou insuffisamment, l’histoire du genre.

Grâce au FSE, Muséa a pu engager des salariés pendant deux ans, mais il ne fonctionne plus aujourd’hui qu’avec un budget minime alloué par la délégation régionale aux droits des femmes et le conseil régional des Pays de la Loire. Il est donc impossible de financer un webmaster qui aurait pu travailler à sa publicité. La Charte de l’égalité de 2004 a eu beau encourager la création d’un musée virtuel sur l’histoire des femmes et du genre, Muséa, n’a reçu que peu de soutiens financiers, alors même que ses besoins sont finalement modestes.

M. Guénhaël Huet a demandé si Mme Brard souhaitait transformer le musée virtuel en musée réel.

Mme Christine Bard a exprimé le souhait de conserver le musée virtuel, qui pourrait largement servir de laboratoire de réflexion à un musée réel, comme il en existe dans d’autres pays ; les États-Unis en comptent plusieurs, l’Allemagne deux, le Vietnam un, tout comme le Danemark. Il s’agirait d’un moyen de défense de l’histoire et de la mémoire des femmes qui pourrait s’avérer très intéressant, car le public est de plus en plus curieux des musées de société, comme en témoigne le succès du musée de l’immigration.

Cela étant, il vaut mieux un musée sur le genre, plutôt qu’un musée consacré exclusivement à l’histoire des femmes, qui risque de ne pas susciter l’intérêt des hommes, et de ne pas être assez politiquement correct pour obtenir des subventions.

M. Guénhaël Huet s’en est étonné, la thématique de l’histoire des femmes leur paraissant plus porteuse que celle du genre, trop abstraite.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui est du même avis, a, de surcroît, attiré l’attention de Mme Christine Bard sur la difficulté « à faire passer » la notion de genre.

Mme Christine Bard a alors expliqué qu’il s’agissait d’un terme consacré au niveau européen pour désigner la féminité, la masculinité, ce qui s’apprend : « On ne naît pas femme, on le devient », tout en reconnaissant que ce terme pouvait masquer la réalité sociale des femmes et qu’il convenait sans doute de vulgariser cette notion. C’est du reste pour cette raison que l’on continue, en France, de parler de l’histoire des femmes et du genre, pour tout de même témoigner de l’ouverture sur les problématiques développées aux États-Unis à la fin des années 80 sur la construction sociale du féminin et du masculin.

Parler d’« histoire des femmes » a le mérite d’être compréhensible pour tous, mais l’on risque d’essuyer le reproche de ne s’intéresser qu’aux femmes, alors que l’étude de l’histoire des femmes impose naturellement de se pencher sur celle des hommes, pour comparaison. L’on ne peut faire de l’histoire sans militer pour que l’histoire devienne mixte. L’idéal serait que l’histoire des femmes disparaisse et que toute l’histoire prenne en compte le genre.

M. Philippe Nauche, à son tour, a déclaré que le terme de « genre » lui paraissait très abstrait.

Mme Christine Bard a expliqué qu’elle préférait, dans son cours, employer celui de « différenciation sexuelle », plus clair, et s’adaptant à toutes les situations.

M. Guénhaël Huet a salué ce projet de musée consacré à l’histoire des femmes, d’autant plus riche que le sujet est inépuisable – les femmes dans la littérature, dans la politique, dans la résistance, dans les arts etc. –, d’où la nécessité de prévoir, parallèlement à une exposition permanente, des expositions temporaires, ce qui aura un coût.

Mme Christine Bard revenant sur le terme de « genre », a approuvé la nécessité de réfléchir à la vulgarisation de cette notion, sans pour autant devoir renoncer à un effort d’élaboration théorique.

Mme Catherine Quéré, a observé que le terme « genre » renvoie à un parallèle avec l’analyse grammaticale et le genre des noms duquel l’on peut s’inspirer.

Mme Christine Bard a rappelé que ce terme avait le mérite d’intégrer l’histoire de la masculinité. Comment classer, par exemple, le caractère masculin de l’héroïsme, ou la prostitution homosexuelle à Paris à la fin du XIXe siècle, dans une histoire des femmes ? L’histoire du genre permet au contraire de s’ouvrir vers les chercheurs qui s’intéressent à l’histoire de la masculinité, aujourd’hui en plein essor. Le terme « genre » rassemble, mais il faut effectivement l’expliquer.

Elle a ensuite indiqué qu’elle était l’auteur d’un ouvrage destiné à compléter les cours délivrés aux élèves de l’enseignement supérieur. L’étape suivante devrait être la rédaction d’un manuel sur la France au XXsiècle, qui intègrera ce type d’apports. L’idéal serait que les élèves en première année d’histoire, ou en sociologie, disposent d’un manuel sur la France au XXe siècle, intégrant les découvertes de la recherche, pour que les femmes ne soient pas oubliées.

L’attention de la Délégation aux droits des femmes doit également porter sur les archives.

Trop souvent, l’on oublie la question des bibliothèques et des archives, pourtant indispensables à une bonne recherche. La bibliothèque Marguerite Durand, bibliothèque municipale, spécialisée dans l’histoire des femmes et du féminisme en France. Or, elle n’a que très peu de moyens. La France a perdu des fonds d’archives très importants, soient qu’ils aient été rachetés à l’étranger, en particulier par des Américains, soit qu’ils aient été transférés à l’étranger faute de place pour les conserver. Ce fut le cas du fonds du conseil international des femmes qui a été transféré à Bruxelles. Un centre des archives du féminisme a été créé à Angers, en partie pour répondre à cette problématique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Christine Bard pour son intervention.

Audition de Mme Tita Valade, Présidente de l’AFFDU – Association française des femmes diplômées d’université – et Mme Evelyne d’Anzac de Lamartinie, trésorière nationale et Présidente du groupe de Paris

Réunion du 16 janvier 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Valade et Mme d’Anzac de Lamartinie d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. Elle leur a demandé de présenter les objectifs et les actions de l’AFFDU, de préciser l’analyse qu’elles faisaient de la place des femmes dans l’enseignement supérieur – sachant que les filles réussissent dans l’ensemble mieux leur scolarité que les garçons et qu’elles sont plus présentes que ceux-ci dans les études supérieures. Les filles sont maintenant aussi nombreuses que les garçons à être titulaires d’un baccalauréat S mais restent toujours absentes de certains métiers. Quelles sont les initiatives prises par leur association en ce sens ou pour lever les freins à l’accès des femmes aux postes de responsabilité ? Quelles sont enfin les actions à mener auprès des enseignants et, plus largement, des personnels de l’éducation nationale pour les sensibiliser aux questions de mixité et d’égalité des sexes.

Mme Tita Valade a indiqué que l’AFFDU a été fondée en 1920, à la suite de la première guerre mondiale. Des femmes, en particulier anglaises et américaines, ont souhaité que les femmes du monde entier se rassemblent autour d’un mot d’ordre : plus jamais ça ! L’AFFDU fait partie de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités, la FIFDU, présente dans 186 pays, et du Groupement européen des femmes diplômées des universités, la GEFDU, partenaire de l’Union européenne. Tous les membres de ces organisations œuvrent la main dans la main pour la paix. C’est leur spécificité par rapport aux autres associations féminines.

L’AFFDU, qui compte vingt et un groupes dans toute la France, est en liaison permanente avec les autres associations européennes et internationales. Une réunion par an a lieu au niveau européen et une réunion internationale tous les trois ans. Les thèmes actuels en sont  la protection des enfants, la lutte contre la violence faite aux femmes et le travail pour la paix.

L’AFFDU aide aussi les jeunes filles dans leurs études en distribuant des bourses à des doctorantes qui souhaitent finir leurs études à l’étranger.

L’AFFDU organise le concours des Olympes de la parole dans les établissements scolaires. Il a pour but de faire réfléchir les élèves sur l’égalité filles-garçons, femmes-hommes et d’aider à la prise de parole des filles en public. Pour 2008, les élèves doivent réfléchir sur le sujet suivant : Pensez-vous que tous les métiers sont accessibles à égalité aux filles et aux garçons ?

À travers ce concours, l’association cherche à agir sur la mentalité des enfants pour faire comprendre que l’égalité entre les filles et les garçons – et donc entre les femmes et les hommes – doit être considérée. Les enfants travaillent par groupes mixtes de sept ou huit sous la direction d’un professeur et présentent leur travail devant un jury local. Une finale nationale se tient à Paris, devant un jury dont font aussi partie une représentante du ministère de l’Éducation nationale et une représentante de l’Observatoire de la parité.

L’année dernière, un groupe d’enfants de Créteil a réalisé un montage montrant, au début, le père battant sa famille, en particulier ses filles et sa femme, à qui il interdisait même de s’asseoir à table. À la fin du film, il comprend que les filles et les femmes avaient autant de droits que les garçons et les hommes. Quand un groupe a fait cette démarche, elle retentit sur leur famille et leurs amis, leur classe et les autres classes de l’établissement, ainsi que sur les enseignants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé comment les établissements étaient contactés et s’il était facile de mobiliser les chefs d’établissement.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a expliqué que les Olympes de la parole faisant l’objet d’un accord avec le ministère de l’Éducation nationale, les recteurs d’académie reçoivent chaque année le sujet du concours qu’ils communiquent aux chefs d’établissement, pour diffusion aux enseignants. La présidente de chaque groupe régional de l’AFFDU, souvent aidée de la chargée de mission académique, va voir les établissements pour leur demander s’ils souhaitent participer. Généralement la présidente du groupe régional se fait aider par la chargée de mission académique car, sans elle, elle n’a pas le droit d’entrer dans les établissements. L’AFFDU n’agit jamais spontanément mais à la suite de l’intervention de la chargée de mission.

Mme Tita Valade a précisé que ce concours était maintenant connu. Cela étant, son lancement dans un établissement nécessite que le groupe régional soit dynamique et qu’il y ait un professeur qui veuille bien se charger du surcroît de travail que cela représente.

Grâce aux Olympes de la parole, l’AFFDU a obtenu le label « Tous différents, tous égaux ». Le groupe de Bordeaux ayant des relations étroites avec le groupe de Bilbao, l’association envisage des réunions avec plusieurs pays de façon à obtenir un label au niveau européen.

Sur la question des inégalités de carrière entre les hommes et les femmes, les études parviennent toujours aux mêmes résultats : les jeunes filles travaillent très bien dans l’enseignement secondaire et sont plus nombreuses que les garçons à entrer à l’université. Puis, au fur et à mesure que l’on monte dans les échelons, le plafond de verre freine leur progression. Cependant, maintenant beaucoup de femmes, avec des diplômes sérieux, parviennent cependant à faire une bonne carrière.

L’AFFDU organise aussi des colloques, comme celui de 2005, dont le thème était la mixité et, l’année dernière, la diversité culturelle.

Par ailleurs, l’association publie, tous les trois mois, une revue « Diplômées », qui donne une photographie de son action et regroupe des articles de fond. Pour des informations plus rapides, l’association édite un flash d’information mensuel intitulé « La Feuille AFFDU ».

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé s’il y avait toujours chez les jeunes femmes la même conscience des questions touchant à l’égalité.

Mme Tita Valade a répondu par la négative. Les jeunes filles et les jeunes femmes ne veulent plus s’engager parce qu’elles croient que tout est acquis. On doit avoir beaucoup de respect pour les femmes qui ont fait beaucoup pour la cause de celles-ci et il faut continuer.

L’AFFDU participe également au prix de la vocation scientifique et technique, qui est une création des Délégations régionales aux droits des femmes dans le but de distinguer les jeunes filles qui ont opté pour des carrières comme pilote de ligne, mécanicien sur les moteurs de Formule 1, dessinatrice en bâtiment ou technicien supérieur.

Les obstacles à l’accès des jeunes filles aux filières scientifiques sont multiples mais tiennent beaucoup aux mentalités. Il faudrait, aussi, éduquer les parents, les enseignants et, surtout les conseillers d’orientation qui, souvent, découragent certaines filles de s’orienter vers les filières scientifiques.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé à quel moment se créait la coupure entre les filles et les garçons.

Mme Tita Valade a le sentiment que c’est à la puberté. À ce moment-là, les filles et les garçons se séparent, s’envient et se méprisent. Les parents ont également tendance à valoriser les garçons.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a insisté sur le rôle important des conseillers d’orientation dans le choix des carrières et s’est inquiétée de la baisse de leur nombre. Elle a demandé s’il était possible de se faire entendre au niveau ministériel à ce sujet. Elle a également demandé si, au sein des IUFM, des efforts étaient réalisés pour préparer les enseignants à véritablement promouvoir l’égalité des chances entre filles et garçons.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu’il s’agissait précisément du thème traité par la délégation cette année. Après avoir travaillé sur l’égalité professionnelle, la parité, le temps partiel, les femmes de l’immigration, les retraites, la délégation s’est rendue compte qu’il fallait faire évoluer les mentalités et ceci dès l’enfance. C’est pourquoi il faut agir au niveau de la formation des maîtres. Un message doit être adressé à ce sujet au ministère de l’éducation nationale.

Mme Tita Valade a insisté sur le fait que les statistiques montrent que les filles sont souvent meilleures que les garçons jusqu’en Terminale et même à l’entrée à l’université. C’est donc lors de l’orientation à la fin des études secondaires que le basculement s’opère.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait valoir que le langage que l’enseignant emploie par rapport aux filles et aux garçons a souvent un contenu inégalitaire. Elle avoue que cette question n’a jamais été son souci quand elle a enseigné, personne ne l’ayant alertée sur cet aspect.

Mme Tita Valade a relevé une dégradation de la situation. Quand elle a voulu suivre des études scientifiques, personne ne l’en a dissuadé ; c’est aujourd’hui que l’on entend le discours selon lequel le fait d’être une femme ne permet pas de faire telles ou telles études. Peut-être aussi a-t-on moins le goût du travail et de l’effort. S’il y a moins de filles que de garçons qui s’engagent dans les études scientifiques, il y a aussi moins de garçons qu’auparavant.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a indiqué qu’une étude réalisée il y a deux ans sur Femmes et Sciences et Femmes et mathématiques montre, en effet, que la désaffection pour les sciences touche aussi les garçons.

Elle a, par ailleurs, exprimé son admiration pour les enseignants qui travaillent dans des établissements de SEGPA. L’exemple donné par les parents dans ces milieux difficiles est contre-éducatif.

Les difficultés sont doubles. Il y a une désaffection de l’effort du côté des garçons comme du côté des filles et un exemple parental qui n’est pas toujours porteur. On a l’impression que c’est à l’école de faire toute l’éducation des enfants.

Mme Tita Valade a rappelé que les prix de l’IREM, Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques et les bourses L’Oréal aident les femmes qui franchissent les barrières et les mettent en valeur. Cela étant, pour entrer dans une grande école, il faut vraiment qu’une fille soit remarquable, tant les années de classes préparatoires sont dures intellectuellement et physiquement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est inquiétée d’une certaine fragilité psychologique des jeunes. Ils ne sont plus préparés aux épreuves de compétition car ils sont accompagnés sur tout. Or, il faut bien comprendre la notion d’égalité des chances : une fois qu’on s’est assuré que celle-ci était effective, il faut avoir la possibilité de justifier un classement.

Mme Tita Valade a souligné que le rapport de la commission présidée par le recteur Hetzel, « université-emploi », mise en place pour réfléchir aux moyens de favoriser la sortie de l’université vers des emplois, met en évidence l’importance de l’orientation des étudiants et d’une sélection de ceux-ci à l’entrée de l’université.

Mme Tita Valade a poursuivi la présentation des actions de l’AFFDU.

L’association organise aussi tous les deux ans un salon du livre de femmes. Cette année, Valérie Pécresse est venue présenter son livre « Être une femme en politique ». L’association est apolitique et areligieuse. Il y a quelques années, c’est Yvette Roudy qui était venue présenter son livre.

Les jeunes filles qui bénéficient d’une bourse des vocations sont parrainées par des femmes ou des hommes qui sont dans le même métier. Mais il faut leur rappeler que toute femme qui a un métier travaille double, car elle fait également beaucoup à la maison.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que la mentalité des hommes n’ait pas évolué.

Mme Tita Valade a indiqué qu’il arrivait qu’un mari prenne ombrage du fait que sa femme accède à un grade supérieur au sien. Mais tout est une question de compréhension entre les époux.

Elle a ensuite regretté L’AFFDU ait du mal à recruter. En effet, les associations spécialisées comme Femmes et mathématiques, Femmes et Sciences, Femmes Ingénieurs, Femmes et carrières juridiques et Femmes juristes regroupent des diplômées de l’université sur des critères professionnels. La présidente de l’association française des femmes juristes, et l’AFFDU ont évoqué la possibilité de créer une fédération. Mais le montage juridique est difficile. On ne peut pas demander à toutes de payer la cotisation de l’AFFDU qui est assez élevée. Cela permettrait pourtant d’avoir encore plus de poids au sein de la FIFDU. Avec 675 adhérentes, l’AFFDU a, actuellement, quatre voix sur le plan mondial. Si elle rassemblait toutes les femmes universitaires, elle en aurait quinze.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remarqué qu’une telle attitude privilégiait le corporatisme par rapport à une démarche unitaire.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a précisé que, en plus des rassemblements entre universitaires, l’association propose des bourses aux jeunes filles. Le groupe de Paris qui a fait de gros efforts en ce sens depuis deux ans, peut distribuer entre 13 000 et 14 000 euros. L’association prend aussi comme « aspirantes » les jeunes filles qui n’ont pas pu avoir de bourses : elles ont un petit droit d’inscription à payer et elles sont invitées aux réunions. Elles sont au nombre de quarante-deux cette année.

Mme Tita Valade a rappelé que l’association a dû procéder à une mise en conformité comptable qui lui a compliqué la tâche. Devant la difficulté, certains groupes, qui n’étaient constitués que de cinq ou six membres, ont préféré cesser leur activité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a salué le rôle joué par Mme Valade, qui a réussi à instituer une présidence de consensus, et remercié les deux intervenantes.

Audition de Mmes Joëlle Voisin, chef du service des
droits des femmes et de l’égalité (SDFE) au ministère du travail,
des relations sociales et de la solidarité, Catherine Laret-Bedel, chef du bureau de l’égalité professionnelle et Myriam Decornoy, chargée de mission

Réunion du 22 janvier 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mmes Voisin, Laret-Bedel et Decornoy d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. Elle a souhaité des précisions sur le bilan de l’application de la convention de 2000 pour l’égalité des chances entre les filles et les garçons dans le système éducatif, les apports de la convention de 2006 et les difficultés d’application de celle-ci, dans l’attente de la nomination d’un président du comité de pilotage.

Mme Joëlle Voisin a d’abord rappelé que la formation initiale est essentielle pour l’égalité des chances, comme le ministre du travail, Xavier Bertrand, l’a rappelé lors de la conférence sur l’égalité professionnelle et salariale du 26 novembre dernier.

C’est dans cette perspective qu’une démarche interministérielle a été engagée à partir de 1984. Deux conventions bilatérales ont été signées, en 1984 et 1989, entre le ministère de l’éducation nationale et le service des droits des femmes pour favoriser la diversification des choix professionnels des jeunes filles. Puis une troisième convention a été signée le 25 février 2000 entre un nombre plus important de ministères et avec une approche plus large de la question. Au-delà de la diversification des choix d’orientation, deux axes supplémentaires ont été développés : l’éducation au respect mutuel entre les sexes, d’une part, la formation des acteurs du système éducatif et la promotion d’outils de sensibilisation, d’autre part. La convention de 2006 a approfondi ces axes sans en ajouter de nouveau.

Le bilan de la convention de 2000 a été positif.

Un comité de pilotage rassemblant les représentants des ministères signataires a été mis en place. Sa présidence a été confiée à un représentant de l’éducation nationale et la vice-présidence au chef du service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE). Il a un rôle essentiel d’impulsion et de renforcement de la cohérence et de la complémentarité des actions engagées.

Au niveau central, des rencontres régulières ont eu lieu en 2001, 2003 et 2004 entre les réseaux déconcentrés chargés des questions d’égalité des différents ministères afin de procéder à des échanges de bonnes pratiques. Il importe de réanimer ces réseaux.

Par ailleurs, des thèmes prioritaires ont donné lieu à la création de groupes de travail, comme celui sur les femmes et les sciences et technologies d’information et de communication qui a donné lieu à un colloque le 5 décembre 2005.

La convention a permis de disposer de statistiques sexuées en matière d’orientation. Les documents de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions
(ONISEP) intègrent maintenant systématiquement une mixité des portraits et des témoignages.

Le SDFE, quant à lui, réalise depuis 2001 la brochure « les Chiffres clefs de l’égalité entre les femmes et les hommes » qui analyse l’évolution de la marche vers l’égalité, en lien avec les actions prioritaires du Gouvernement.

Au niveau déconcentré, les déléguées régionales et les chargés de mission du SDFE et de l’Éducation nationale, se sont réunis afin de mettre en œuvre les orientations de la convention. C’est ainsi que seize régions, dont une outre-mer, ont décliné la convention en définissant des priorités adaptées à leur territoire. Les panoramas d’actions réalisés par le SDFE de 2003 à 2005 témoignent de l’engagement des acteurs locaux et de la richesse des actions mises en œuvre.

Une nouvelle convention a été signée le 29 juin 2006, entre huit ministères.

Elle s’articule autour de trois axes, dans la continuité du précédent texte : améliorer l’orientation scolaire et professionnelle pour une meilleure insertion des filles et des garçons dans l’emploi ; assurer auprès des jeunes une éducation à l’égalité entre les sexes ; intégrer l’égalité dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et actrices du système éducatif. Et, ce qui est nouveau, la convention de 2006 invite explicitement les acteurs locaux à décliner le texte au niveau déconcentré, ce qui est déjà fait dans certaines régions.

Le comité de pilotage de la nouvelle convention n’a pu encore se réunir, sa présidente ayant quitté ses fonctions. Il devrait à nouveau fonctionner prochainement, l’Éducation nationale ayant contacté les ministères pour leur demander d’en renouveler les membres.

Il convient de mener dès la maternelle et jusqu’à l’enseignement supérieur, des actions portant sur les trois axes de la convention.

Il s’agit d’abord de l’amélioration de l’orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l’emploi.

Comme tout le monde le sait, les filles connaissent une meilleure réussite scolaire que les garçons. En 2006, 83,7 % des filles ont eu leur baccalauréat contre 80,2 % des garçons, voies générales, technologiques et professionnelles confondues. Plus diplômées que les garçons (23,3 % des femmes de vingt-cinq à trente-quatre ans disposent d’un diplôme supérieur à Bac + 2, contre 18,6 % des hommes du même âge), les jeunes filles sont néanmoins, au moment de leur choix d’orientation, encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail et ce choix a des conséquences ultérieurement en termes d’inégalités professionnelles et salariales.

Malgré une présence non négligeable des filles en sections scientifiques de l’enseignement général, puisqu’elles étaient 45,4 % à s’être présentées au Baccalauréat S à la session 2006 et qu’elles représentent 56,7 % en 2006-2007 des étudiants d’université, elles ne sont que 27,3 % en sciences fondamentales et appliquées et seulement 26,8 % dans les écoles d’ingénieurs toutes formations confondues. Il faut cependant noter que ce taux a progressé en un an d’un point et demi. Ces progrès sont liés sans nul doute aux actions d’associations comme Femmes et mathématiques et Femmes et Sciences, qui essayent de valoriser les études scientifiques, et également à l’action de communication du SDFE.

Les filles sont encore sous-représentées dans les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques à la rentrée 2006-2007 : elles ne sont que 29,5 %. Dans les filières économiques et commerciales, on est proche de la parité avec 55 % d’étudiantes, tandis qu’elles sont largement majoritaires dans les classes préparatoires aux grandes écoles littéraires : 76,3 %. Si 65,1 % de femmes suivent un cursus de doctorat de lettres, seulement 27,5 % de femmes sont en cursus de doctorat de sciences.

Même si les explications en sont multiples, les choix d’orientation professionnelle des filles et des garçons sont encore le reflet des représentations des rôles sociaux traditionnels assignés à chacun des deux sexes.

Pour tenter d’y remédier, le ministère de l’Éducation nationale engage, dans la circulaire de rentrée 2007, les établissements scolaires à tenir à jour des statistiques sexuées, à mener auprès des élèves une information sur l’orientation professionnelle en écartant tout stéréotype lié au genre et à donner une égale ambition scolaire aux filles et aux garçons.

Ce ministère a pris toute la mesure de l’importance de l’élargissement des choix professionnels des filles en s’assignant, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, un objectif de progression de la proportion de filles en classe de Terminale des filières scientifiques et techniques de 20 %, à savoir passer de 37,5 % en 2004 à 45 % d’ici à 2010.

Pour progresser dans l’élargissement des choix professionnels des filles, des prix leur sont destinés qui cherchent à promouvoir leur orientation vers les sciences et les techniques, filières dans lesquelles elles sont minoritaires.

Organisé chaque année par le SDFE, le Prix de la vocation scientifique et technique des filles est destiné à des élèves de Terminale qui font le choix de s’orienter vers une filière scientifique ou technologique de l’enseignement supérieur comptant moins de 40 % de filles. Ce prix, créé en 1991, a été revalorisé en 2007, passant ainsi de 800 à 1 000 euros et le nombre de prix a été augmenté pour la session 2008, passant de 600 à 650.

Cette opération qui a pour but d’accélérer et de renforcer l’orientation des jeunes filles vers des secteurs professionnels porteurs de débouchés a des effets démultiplicateurs : d’une part, grâce à la mobilisation à l’échelon local de financements extérieurs, notamment des conseils régionaux, venant augmenter le montant et le nombre de prix alloués par l’État ; d’autre part, par l’organisation autour du prix, de séances d’information, en classe, sur l’orientation des jeunes filles. Son organisation donne lieu, par ailleurs, à un important partenariat avec les rectorats et les établissements scolaires et sa remise s’accompagne, en général, d’une forte médiatisation.

Une enquête menée en Auvergne sur le devenir des lauréates, montre, sur un taux de réponse de 81 %, que 94 % des jeunes filles ont réalisé leur projet professionnel initial.

Dans plusieurs régions, un annuaire des lauréates est réalisé et largement diffusé dans les lycées, afin de promouvoir, auprès des plus jeunes, les secteurs scientifiques et techniques par la valorisation de parcours exemplaires et pour amorcer la mise en place de réseaux. C’est ainsi qu’en Bretagne, est née en 2005, sous l’impulsion de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité, l’association Hypatia.

D’autres prix existent comme le prix Irène Joliot-Curie, créé en 2001 par le ministère de la recherche, qui est destiné à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie. Il met en lumière les carrières de femmes de sciences qui allient excellence et dynamisme. En décembre dernier, le prix comportait quatre catégories dotées chacune de 10 000 euros.

Le prix Excellencia a été initié par l’association Innov. Europe, sur une idée de l’École pour l’informatique et les techniques avancées – EPITA – et avec le soutien de Microsoft France. Les partenaires de cette initiative sont le ministère chargé des droits des femmes et de l’égalité, le ministère de la recherche, le CNRS et plusieurs associations. L’objectif est de promouvoir la réussite tant professionnelle que personnelle de femmes impliquées dans les nouvelles technologies, de valoriser ces métiers et les filières de formation qui leur correspondent et vers lesquelles encore trop peu de jeunes filles s’orientent.

Le ministère en charge de l’égalité a souhaité parrainer en 2005 une action de communication. Quarante films courts, « À parts égales » ont été diffusés sur une chaîne publique afin de promouvoir l’égalité et de combattre les préjugés liés au genre. Ils portent sur sept thèmes : l’orientation professionnelle, l’accès au marché du travail, la mixité dans l’entreprise, la création d’entreprise, l’articulation des temps de vie, le respect entre hommes et femmes, et la parité et les responsabilités. Ces petits films montrent des femmes normales et féminines dans l’exercice de métiers réputés masculins.

De nombreuses actions ont été menées par le réseau déconcentré du SDFE.

Le rectorat de Nantes et l’ONISEP, avec l’appui de la Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, a réalisé, en avril 2007, une mallette pédagogique « mixité égalité ». Cet outil est adressé à tous les établissements scolaires de l’académie, aux corps d’inspection et aux centres d’information et d’orientation.

En Bourgogne, un travail partenarial a été animé par la déléguée régionale pour la mise en place de quatre carrefours des carrières au féminin qui ont reçu entre 400 et 1 500 visiteurs dont un tiers de parents. Il faut s’en féliciter car ces derniers sont souvent, malgré eux, ceux qui perpétuent les stéréotypes de sexe.

Dans les Côtes-d’Armor, est né, il y a cinq ans, à partir du travail de la déléguée, le concept « 100 femmes 100 métiers ». Cette opération concerne maintenant toute la Bretagne et est renouvelée chaque année. Elle contribue fortement à faire évoluer les mentalités.

Enfin, la déléguée régionale de la région Franche Comté a été sollicitée par le Conseil régional pour apporter un appui technique à l’organisation d’une manifestation « Forum initial » favorisant l’information des jeunes sur les métiers et les échanges avec les professionnels qui a donné une place importante à la thématique « égalité professionnelle hommes/femmes ». Le bilan est positif puisqu’il y a eu 17 370 visiteurs et 2 463 professionnels se sont mobilisés.

L’éducation des jeunes à l’égalité entre les sexes constitue le deuxième axe de la convention.

Il faut agir en amont pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes sexistes. Les petits garçons et les petites filles doivent pouvoir intégrer très tôt le fait qu’ils ont les mêmes droits et les mêmes capacités. La circulaire de l’Éducation nationale du 30 novembre 2006 réaffirme donc la nécessité d’inscrire dans le cadre de la prévention de la violence les actions éducatives visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne, au rang desquelles figurent les violences sexuelles.

Les données statistiques sur les violences faites aux femmes démontrent à quel point les relations inégalitaires entre filles et garçons peuvent avoir des conséquences dramatiques. Ce phénomène social doit être fortement combattu, notamment par la mise en œuvre d’actions préventives.

C’est en ce sens qu’est menée actuellement, par la Délégation régionale du Limousin, une action expérimentale de sensibilisation à la prévention des violences sexistes. Cette initiative vise l’école maternelle et élémentaire et a pour objectif de promouvoir, par des jeux de rôles et des marionnettes, une éducation fondée sur le respect mutuel des enfants et la construction de rapports égalitaires entre filles et garçons. En Haute-Savoie, a été adapté le programme québécois « Les p’tits égaux », pour les 5/10 ans qui vise à amener les enfants à se sentir autorisés à adopter des conduites « dites non traditionnelles ». Afin de déconstruire les stéréotypes, en Bretagne, un travail de partenariat étroit est conduit par la déléguée régionale avec le rectorat, qui a permis de conduire de nombreuses interventions dans les établissements scolaires de la région.

Toutes ces initiatives doivent pouvoir maintenant être étendues à tout le territoire.

Le SDFE participe, par ailleurs, au comité de pilotage d’une étude initiée par la HALDE sur les stéréotypes dans les manuels scolaires avec un double objectif : le traitement de la question de l’égalité et des discriminations dans les manuels scolaires d’éducation civique et le repérage des stéréotypes dans les manuels scolaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté qu’en dépit des opérations menées et des financements qui y sont consacrés, la situation en soit toujours au même point et s’est interrogé sur l’impact concret d’actions qui peuvent apparaître comme dispersées.

Mme Joëlle Voisin a expliqué que la situation évoluait petit à petit. Toutes les actions locales ne représentent pas beaucoup d’argent. Ce sont peut-être des « micro mesures », mais elles répondent à la nécessité de travailler sur tous les plans en même temps. Il est essentiel de faire réfléchir les familles et de s’adresser aux enfants dès la maternelle mais il est non moins utile de faire réfléchir les jeunes filles qui, au lieu de se diriger vers les études scientifiques, dévient souvent vers la magistrature et la médecine, où il y a déjà trop de femmes.

Mme Claude Darciaux a observé également qu’il était difficile de croire que les mesures locales décrites par Mme Voisin puissent faire évoluer la situation. Ancienne enseignante de mathématiques, elle a mené des recherches sur l’égalité hommes/femmes et écrit un livre avec des collègues de l’université de Dijon dans les années 80 et aujourd’hui a l’impression que rien n’a changé. La mise en place d’actions de plus grande ampleur est indispensable.

Le problème majeur réside dans la formation des enseignants et des personnels de l’Éducation nationale, car ils n’ont pas conscience des différences qu’ils font entre les filles et les garçons dans leur manière de noter, d’interroger, de conduire un entretien d’orientation, ou encore de recevoir les parents d’élèves selon que leur enfant est une fille ou un garçon.

Mme Joëlle Voisin ayant précisé que le montant total des prix s’élevait à 650 000 euros, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté que cet argent ne soit pas investi dans des actions à destination des enseignants.

Mme Joëlle Voisin a souligné l’utilité de ces initiatives même si l’action en direction des enseignants était effectivement très importante.

Mme Pascale Crozon a remarqué que la situation avait évolué depuis les années 1970. Les femmes ne se heurtent plus aux mêmes difficultés. Cela étant, les changements de mentalité ne se font pas du jour au lendemain.

Mme Joëlle Voisin a présenté le troisième axe de la convention, c’est-à-dire, justement, l’intégration de l’égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et actrices du système éducatif.

La formation des enseignants est effectivement primordiale car ils contribuent, souvent de façon tout à fait inconsciente, à la reproduction des schémas sociaux, à travers le système de communication en classe comme dans l’évaluation des élèves. De nombreuses études montrent qu’en moyenne, les garçons sont interrogés plus souvent et plus longtemps par leurs professeurs que les filles et qu’ils prennent la parole de façon plus spontanée que celles-ci.

Les attentes différenciées du corps enseignant à l’égard des filles et des garçons pèseraient également sur leur évaluation. Le stéréotype selon lequel les filles sont plutôt littéraires et les garçons scientifiques est ainsi renforcé par les enseignants, hommes et femmes, qui ont tendance à surnoter les filles les plus douées en français et les garçons les plus doués en sciences.

Depuis 2001, certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ont mis en place un module de formation pour les futurs enseignants sur l’égalité des chances et la mixité dans le système éducatif. Selon une enquête de la Direction de l’enseignement secondaire de 2005, dix-huit IUFM – sur trente – ont introduit la question de l’égalité dans leur cursus, dont sept sous la forme de modules obligatoires.

Mme Pascale Crozon a indiqué qu’en 1981, lorsqu’un ministère des droits des femmes a été mis en place, une chargée de mission dans chaque académie intervenait, en lien avec la Délégation régionale aux droits des femmes, dans la formation des enseignants – comme dans celle des policiers pour lutter contre les violences faites aux femmes. Le problème vient du manque de continuité des mesures mises en place.

D’autre part, beaucoup de femmes choisissent le métier de professeur des écoles pour concilier vie familiale et vie professionnelle et reproduisent cette façon de raisonner. Il faudrait inciter les garçons à devenir professeurs des écoles.

Mme Joëlle Voisin a souligné l’importance de la continuité des actions engagées. Comme elles sont menées en partenariat, il suffit qu’un partenaire ne soit plus présent pour que les actions soient interrompues. Elle s’est ensuite félicitée que le Parlement ait reconduit le budget du SFDE.

Mme Claude Darciaux a demandé s’il y avait une étude sur les raisons pour lesquelles les filles ne choisissent pas les études supérieures scientifiques et techniques.

Mme Catherine Laret-Bedel a indiqué qu’une étude montrait une certaine autocensure de la part des jeunes filles à s’orienter vers les filières scientifiques et techniques du fait, d’une part, de la représentation des métiers dans ce secteur et, d’autre part, du poids des enseignants, des familles et de la société dans son ensemble.

Les expériences menées avec des professionnels de la métallurgie ou du bâtiment font penser qu’il faut un accompagnement individualisé, notamment dans les formations en alternance, parce qu’il y existe encore des difficultés dans l’accueil des jeunes filles au sein des entreprises. Des aménagements sont nécessaires pour leur ouvrir ces métiers traditionnellement masculins.

Mais le frein principal reste le fait que ces dernières ont du mal à se voir évoluer dans ces métiers et se demandent comment elles feront quand elles auront un enfant.

Mme Pascale Crozon a rappelé que les contrats de mixité servaient à l’aménagement des locaux et mériteraient d’être développés.

Mme Joëlle Voisin a indiqué que ces contrats sont passés de 44 à 100 entre 2006 et 2007 et devraient encore augmenter en 2008. Tant que les femmes ne seront que dans 10 familles de métiers sur 86, il n’y aura pas d’égalité salariale car elles seront dans les métiers les moins rémunérés et les moins valorisés. Il ressort de la dernière réunion avec les réseaux déconcentrés de déléguées aux droits des femmes que les métiers s’ouvrent de plus en plus aux femmes et que les entreprises jouent beaucoup plus le jeu. C’est devenu un enjeu économique majeur.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a précisé que ses craintes ne concernaient moins les entreprises mais l’éducation.

Mme Joëlle Voisin a cité l’exemple d’une femme polytechnicienne qui a préféré quitter Polytechnique pour l’ENA en raison des difficultés rencontrées dans l’entreprise en tant que jeune ingénieure. Il y a une sorte de loyauté familiale des jeunes hommes : un jeune homme polytechnicien qui a demandé à sa femme, qui a aussi fait des études supérieures, de rester à la maison pour lui permettre de poursuivre sa carrière a ensuite des réticences envers une collègue femme, pensant qu’il est déloyal vis-à-vis de son épouse. L’égalité professionnelle passe par la conciliation vie professionnelle-vie familiale et le partage des tâches. Tout ce qui sera fait pour permettre aux femmes de confier en toute sécurité leurs enfants aidera à ce qu’elles investissent certains métiers.

Mme Françoise Guégot a précisé qu’elle-même, diplômée d’une école d’ingénieurs à 22 ans, a eu tellement de difficultés à trouver un emploi dans cette profession qu’elle a dû se réorienter sur une autre profession, où elle a pu avoir une activité intense grâce au respect de son conjoint. Lors des entretiens d’embauche lui était toujours opposé que, jeune femme mariée, elle allait avoir dans les prochaines années des enfants.

Beaucoup de jeunes filles s’arrêtent de travailler, non par véritable choix mais parce qu’elles ont accepté que l’on fasse ce choix pour elles. Les femmes qui sont très majoritaires dans le corps enseignant reproduisent ce qu’elles ont vécu elles-mêmes. Elles ont choisi ce métier mais on les y a aussi poussées.

Le plus compliqué est de mettre fin à l’idée que la femme doit faire un choix. De nombreuses femmes démontrent qu’il est possible d’avoir une vie de couple et une vie familiale tout en réussissant une activité professionnelle. Elles doivent témoigner de leur expérience auprès des jeunes afin de leur montrer qu’il ne faut pas être surhumaine pour concilier ces trois vies.

Mme Joëlle Voisin a observé que les actions du SDFE pouvaient apparaître comme des petites mesures mais elles font boule de neige. C’est ainsi que progressivement on arrivera à faire évoluer les mentalités par un travail à long terme. Depuis quelques années cependant, la prise de conscience s’accélère.

Mme Pascale Crozon a déclaré partager l’avis de Mme Voisin et observé qu’une analyse du temps que mettent les élèves pour trouver un emploi après leurs études montre que la moyenne, pour les filles, est de neuf mois et, pour les garçons, de deux ou trois mois.

Il est impératif, par ailleurs, d’intégrer l’histoire des femmes dans les livres d’histoire scolaires et de montrer les apports du féminisme, en libérant ce mouvement des caricatures qui en sont faites.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est inquiétée de ce que la nouvelle génération n’a pas conscience des combats menés par leurs aînées.

Mme Joëlle Voisin a souhaité qu’un module obligatoire sur l’égalité hommes/femmes soit mis en place dans les IUFM. Ceux-ci dépendent maintenant du ministère de la recherche. Il faudra donc faire des démarches auprès de celui-ci. Il est déjà beaucoup demandé aux enseignants mais, s’ils ne sont pas sensibilisés à cette approche, les enfants ne pourront pas l’être.

Souvent, les enseignants ne sont pas à l’aise pour aborder ces questions et manquent d’outils. Pour contribuer au respect de l’autre et sensibiliser les enfants et les adolescents aux violences faites aux femmes, le SDFE envisage la création de supports audiovisuels ou graphiques qui seront utilisés non seulement au sein des établissements scolaires, mais également dans les quartiers et les PMI.

Mme Pascale Crozon a demandé si, dans le plan violence, il était prévu une formation pour les policiers.

Mme Joëlle Voisin a précisé que le plan violence prévoyait la poursuite de toutes les formations entreprises. Le premier plan 2005-2007 avait comme axe prioritaire la formation des policiers et des gendarmes à la lutte contre les violences conjugales. Le SDFE a demandé une évaluation de celui-ci aux trois inspections générales. Le plan violence 2008-2010 sera adapté en fonction de cette évaluation et il mettra plus l’accent sur la formation des professionnels de santé et des travailleurs sociaux. Ceux-ci sont souvent les premiers à être contactés par les femmes victimes de violences. S’ils ne sont pas sensibilisés à cette question, ils ne trouveront pas les mots qui pourront conduire ces femmes à dévoiler leur situation afin qu’elles puissent être aidées.

Mme Pascale Crozon a souligné que, si les femmes étaient plus présentes dans les livres scolaires, il y aurait une prise de conscience naturelle de la place de celles-ci dans la société.

Mme Joëlle Voisin a fait remarquer qu’il y avait là un travail à faire avec les éditeurs de manuels scolaires car ce sont eux qui choisissent les livres et les équipes d’auteurs.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mmes Voisin, Laret-Bedel et Decornoy.

Audition de Mme Claudine Roger, ancienne médiatrice de l’Académie de Reims, ancienne inspectrice d’académie

Réunion du 29 janvier 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Roger d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. Celle-ci souhaiterait connaître, compte tenu de son expérience, sa perception des enjeux de l’égalité entre les filles et les garçons, les moyens d’action qui pourraient sensibiliser le personnel éducatif et les formations que l’on devrait délivrer aux enseignants dans les IUFM sur ce sujet.

Mme Claudine Roger a indiqué qu’ayant quitté ses fonctions depuis 2000, elle s’est replongée dans les textes et dans ses actions passées. Elle a également contacté les personnes qu’elle connaissait.

On constate que, non seulement, la situation ne progresse pas, mais même qu’elle recule parfois. La convention interministérielle de 2006 est pourtant très complète. Elle dresse l’inventaire des actions possibles et propose des outils. Dans chaque académie, il y a des chargés de mission et il existe une véritable incitation verticale, le recteur intervenant fortement au moins une fois par an pour demander que la convention soit appliquée.

Par exemple, à l’IUFM de Reims, un principal de collège dispose d’une unité de temps – qui représente quinze heures – pendant laquelle il expose aux futurs enseignants de premier et de second degrés ce qui touche aux valeurs de la République : la citoyenneté, les problèmes de mixité et d’intégration et présente les textes à appliquer. Ce principal de collège a reconnu que sur ces quinze heures, il ne consacrait qu’environ deux heures aux problèmes d’égalité filles/garçons.

Depuis qu’il est assuré par les universités, l’enseignement dispensé dans les IUFM est peu satisfaisant car il consiste trop souvent à former des étudiants pour une discipline dans laquelle ils sont déjà spécialisés, même si on s’attache aussi à leur apprendre à faire passer leur enseignement.

De tout ceci, il résulte que la perception de l’enjeu de l’égalité par le corps enseignant, dans le primaire, est à peu près inexistante. En maternelle, les enfants ne font pas de différences entre eux mais, dans les cours de récréation, on voit déjà les petites filles et les petits garçons jouer séparément. Les enseignantes – puisqu’elles sont 95 % des femmes – ne se posent pas de questions et projettent, sans s’en rendre compte, les images de ce qu’elles ont vécu.

Mme Claudine Roger a ensuite expliqué que lorsqu’elle était directrice des services départementaux de l’Éducation nationale, elle avait toujours questionné les enseignants sur ce sujet, même si, quand une directrice des services aborde des questions pédagogiques, elle est regardée avec beaucoup de suspicion car ce n’est pas sa fonction.

Dans un IUFM, un enseignant lui a fait visionner un film qu’il venait de réaliser. Il avait filmé un groupe de filles et de garçons de classe maternelle avec une institutrice volontaire qui avait monté une expérience avec un petit moulin à eau. Les enfants devaient faire marcher le moulin sans avoir reçu d’explications préalables. Dans le film, un petit garçon est le premier à trouver le moyen de faire tourner le moulin, tandis que deux petites filles trempent leurs mains et se les essuient sans trouver la solution. Les deux ou trois autres enfants ne sont manifestement pas intéressés.

Les commentaires des enseignants qui ont regardé le film ont été les suivants : « Comment se fait-il que ce soit ce garçon qui ait trouvé le premier, et vite en plus, alors qu’il est nul en classe ? » ; « Il est étonnant que les deux petites filles n’aient pas trouvé, car ce sont les meilleures de la classe. C’est certainement parce que leurs mères leur ont dit de ne pas se salir les mains ! ».

L’auteur du film a demandé combien d’expériences manuelles du même type étaient organisés et ceux-ci ont indiqué qu’ils n’en proposaient jamais. On doit déplorer que, dans l’enseignement maternel et primaire, il n’y ait que très peu d’expériences à déduction scientifique. En maternelle, il n’y a que des jeux de lettres et de cubes. Au primaire, on n’a plus le temps, les locaux ne sont pas adaptés et on doit suivre les programmes.

On peut aussi se demander pourquoi, dans l’esprit des enseignants, les filles ne seraient naturellement pas bonnes dans les matières scientifiques. Les expériences menées sur l’évaluation des copies aux États-Unis puis en France montrent que, quand les copies ne sont pas anonymes, les garçons ont systématiquement de meilleures notes en maths et les filles en français, quel que soit l’enseignant et même si c’est une femme.

Cette constatation s’explique par le fait que l’on n’a jamais vraiment évoqué devant ces enseignants ce genre de problème. Ces travaux sont repris par certains d’entre eux mais ce n’est pas systématique. Quand on fait une remarque à un professeur dans la classe sur ces comportements auxquels il doit prêter attention, il trouve souvent la remarque artificielle et continue sa pratique.

Pourquoi les enseignants, hommes et femmes, ne se posent-ils pas de questions ? Probablement parce qu’il y a, en arrière-plan, l’idée que cela obligerait à opérer des distinctions. Ils appliquent le principe d’égalité républicaine et doivent sincèrement penser traiter les enfants de la même façon. Ils ne s’aperçoivent pas que s’insèrent dans leur pratique des différences, jusque dans leur manière d’interroger à l’oral. Pendant longtemps, les filles parlaient peu ; heureusement, cela a évolué et elles prennent maintenant toute leur place. Cette évolution est en corrélation avec le fait qu’elles ont, aujourd’hui, jusqu’au lycée de meilleurs résultats que les garçons. Le problème est qu’elles ne continuent pas ensuite dans les métiers scientifiques.

Quelles sont les difficultés rencontrées pour promouvoir l’égalité hommes/femmes ?

On peut faire de cette question une analyse que l’on retrouve notamment dans les conférences de l’AFAE, l’association française des administrateurs de l’éducation : les questions de mixité sexuelle sont dépassées par celles de mixité sociale.

Aux problèmes de relations filles/garçons au collège au moment de l’adolescence vient s’ajouter le souhait d’une non-mixité sociale. Il y a deux types de collèges, que l’on peut appeler, pour résumer, ceux de centre ville et ceux de ZEP, zone d’éducation prioritaire. Le problème social est devenu la préoccupation essentielle des enseignants, le milieu est devenu l’aspect dominant et, du coup, les problèmes de genre deviennent secondaires.

Les collèges en ZEP, que l’on appelle maintenant « collèges Réussite », sont un système très généreux au départ, mais qui a encore plus coupé les jeunes de ces quartiers du reste du pays. Les familles qui ne veulent pas mettre leurs enfants dans le collège de quartier, soit déménagent – pour un tiers – soit choisissent un établissement privé – ce qui est le cas d’une famille sur deux. Les professeurs ont pour souci essentiel d’amener ces enfants à un certain niveau de réussite. Leur demander de parler de la question de l’égalité, c’est ajouter une problématique supplémentaire, alors que c’est sans doute une des explications de l’échec scolaire, en particulier des garçons. Certains professeurs en sont même venus à dire qu’il faudrait que, dans ces zones, il n’y ait plus de classes mixtes. Toute une littérature prône, en effet, le retour aux classes séparées en mettant en avant le fait que l’enseignement serait plus facile. Or il faudrait en voir les résultats.

Un contre-exemple est fourni par l’enseignement professionnel et technologique au lycée. Un lycée professionnel et technologique, dit masculin, à Beauvais, proposant toutes sortes de formations – informatique, mécanique, robotique, automobile – jusqu’au BTS, a lancé une campagne d’orientation pour attirer les filles. Elles ne sont actuellement que 5 %, si bien que les garçons, eux-mêmes, considèrent que ce n’est pas bon pour eux et souhaitent qu’il y ait davantage de filles. Dans le lycée commercial de la même ville, les taux sont inversés : il y a 95 % de filles et 5 % de garçons.

Ces différences proviennent de l’image des métiers véhiculée par les familles et les enseignants. Le corps enseignant ne fait que révéler la société dans laquelle il vit.

D’autre part, les enfants de maternelle ne savent pas ce que signifie le mot « métier » ; on ne leur parle jamais de métier, on ne fait jamais référence au métier du père ou de la mère. Dans les classes de primaire ou de secondaire, les futurs enseignants répondent aux enseignants d’IUFM qu’ils ne peuvent pas en parler quand, dans leur classe, il y a de nombreux parents chômeurs. On pourrait faire venir, par exemple, un artisan, un boulanger ou organiser des visites pour que les enfants aient la notion de métier. Cela devrait être un projet transversal.

Au collège, on commence à leur parler d’orientation essentiellement en 3e – et, pour certains, dès la 4e – au cours des fameuses trois heures d’initiation à la vie professionnelle, qui ne datent que de trois ans. Un principal de collègue a estimé que cela donnait des résultats puisque les filles vont volontiers voir des métiers dits masculins et les garçons l’inverse. Cela étant, il n’a pas suffisamment de recul pour en évaluer les résultats.

Pour travailler sur les mentalités par rapport aux métiers, l’école ne doit pas être la seule à le faire. Mme Claudine Roger a expliqué qu’en Moselle, elle avait effectué un travail important avec les professionnels, c’est-à-dire les chambres de métier et les chambres de commerce. Or, les filles allaient toujours voir les métiers les plus proches d’elles, de même pour les garçons. Finalement, ce genre de manifestation s’est révélé peu efficace. En revanche, faire passer aux élèves une journée ou deux dans les entreprises et faire venir les représentants des métiers dans les classes avec un travail de fond était beaucoup plus profitable.

Se pose également le problème des conseillers d’orientation, qui sont depuis trop longtemps loin des métiers. Il faudrait que, tous les deux ou trois ans, ils passent un mois dans une entreprise, et que cela leur soit pris en compte dans leur carrière. Cela n’a pas pu être mis en place pour des raisons de moyens.

L’ensemble du personnel d’encadrement doit également être sensibilisé à l’ouverture des métiers aux femmes. Quand il y a une équipe à la tête d’un collège ou d’un lycée qui est convaincue de cette priorité, cela donne des résultats. Les lycées techniques et professionnels en sont conscients mais c’est, en fait, trop tard puisqu’ils se situent à la fin de l’orientation.

Il faudrait que la démarche soit démarrée à l’école maternelle et donc en convaincre les inspecteurs du premier degré. Or ces derniers n’ont aucune formation dans ce domaine. C’est petit à petit que certaines femmes inspectrices, sensibilisées par certaines associations, commencent à se poser des questions. Mais ces associations sont très peu nombreuses.

Enfin la sensibilisation des parents reste ce qu’il y a de plus difficile. D’une part, c’est très lent, d’autre part, c’est un effort à renouveler en permanence.

On retrouve tous les stéréotypes décrits précédemment chez les parents. Au collège, ils privilégient – surtout ceux des classes moyennes – les établissements bien tenus, c’est-à-dire où il n’y a pas de violence et où il y a encore des valeurs. C’est le refus de l’hétérogénéité. Des parents souhaiteraient qu’en 4e et 3e les classes ne soient plus mixtes. L’un des prétextes avancés est que les filles sont freinées parce que les garçons chahutent. Pour d’autres, si les garçons chahutent, c’est à cause des filles. De plus en plus d’enseignants pensent qu’il va falloir arriver à cette solution.

Si l’on revoit la question de manière historique, la mixité n’a été rendue obligatoire qu’en 1975. Comme il fallait une école primaire par commune, les petites communes ont, souvent dès la IIIe République, pratiqué la mixité par nécessité et non par réflexion. Quand elle a été imposée, elle n’a pas suscité non plus de débat. On n’a fait prendre conscience, ni aux enseignants, ni aux inspecteurs, ni aux chefs d’établissement qu’il y allait y avoir une donnée supplémentaire et qu’il faudrait en tirer les conséquences et mettre au point des pratiques nouvelles.

Un nouveau courant est apparu selon lequel les garçons se trouveraient pénalisés par le système actuel. Il est vrai que, parmi les 150 000 élèves qui sortent du système éducatif sans diplôme chaque année, il y a beaucoup plus de garçons que de filles, mais ceci ne résulte pas de la mixité. Le phénomène est bien plus complexe.

La Délégation devrait insister sur une forte prise de conscience en faveur de l’égalité professionnelle. Lors de la remise du prix scientifique décerné à des jeunes filles ayant un projet d’orientation vers un métier industriel ou technique, à la préfecture de Metz en 2000, Mme Bernadette Malgorn, alors préfet de région, avait fait venir les lauréates des dix dernières années. Parmi celles qui étaient venues, une seule travaillait dans l’industrie. Toutes les autres, ayant un emploi, étaient enseignantes et ceci pour des raisons liées à la nécessité de concilier vie familiale et professionnelle. Ce message selon lequel cette profession est adaptée aux exigences de la vie familiale se transmet de génération en génération et cet exemple montre que la conciliation entre les deux est encore la grande question.

Ce problème est particulièrement complexe et doit être pris très tôt. Il faut arriver à convaincre de son importance, non seulement les enseignants, mais également les corps de direction. Cela nécessite d’abord d’en être convaincu soi-même.

Mme Claudine Roger a, à ce propos, expliqué qu’elle avait voulu faire venir au Comité Économique et Social de Lorraine tous les jeunes qui avaient participé au concours des Olympes de la parole. Lors du débat, il était frappant de constater que les garçons prenaient la parole avec plus de virulence que les filles et ceux de seize et dix-sept ans avaient en tête le schéma décrit précédemment : il faut que les filles puissent élever les enfants et aient du temps pour gérer la maison. C’est le modèle qu’ils avaient dans leur famille et il paraît naturel. L’élément déterminant pour faire avancer la question de l’égalité est bien celui du rôle des mères.

Mme Catherine Coutelle a regretté que l’Union Chrétienne, institution ne dépendant que de Rome – c’est-à-dire sur laquelle l’évêque n’a aucune prise – ait décidé d’ouvrir cette année, dans sa circonscription de Poitiers, sans autorisation, parce que hors conventionnement, un collège privé réservé aux garçons. Il s’agit d’un retour en arrière considérable.

Les expérimentations scientifiques qui ont été évoquées faisaient partie de la pédagogie de l’éveil qui a été ensuite décriée, car considérée comme issue de mai 68. Cette pédagogie, exigeante, permettait de valoriser les élèves pourvus d’autres habiletés que les compétences auxquelles fait appel l’enseignement traditionnel. Elle mettait en jeu l’expérimentation et la déduction mais nécessitait que les maîtres y soient formés.

Mme Claudine Roger a indiqué qu’aucun texte ne l’a interdit.

Mme Catherine Coutelle a précisé que M. Bayrou, lorsqu’il était ministre de l’éducation, ne l’avait ni interdite ni prônée, et qu’ensuite, elle n’avait plus été en vogue, sans qu’effectivement un texte ne l’interdise explicitement.

Elle a ensuite rappelé que les IUFM, ont eu pour effet d’harmoniser non seulement la formation mais également les salaires : les professeurs des écoles sont maintenant rémunérés comme les professeurs certifiés. La formation est commune, avec une séparation pédagogique pour le primaire et le secondaire.

Le problème vient de ce que les universitaires qui interviennent dans les IUFM ont une formation très spécialisée. Cela a posé des problèmes pour former les professeurs, par exemple en grammaire. L’intégration complète des IUFM dans l’université cette année, coupera encore plus ces instituts des réalités du primaire et du secondaire. Cela étant, en Angleterre, au Danemark et en Espagne, les formations pédagogiques ont lieu depuis longtemps à l’université et cela fonctionne.

Mme Claudine Roger a souligné que, pour que les IUFM fonctionnent bien, il suffirait d’obliger les enseignants qui vont avoir en charge la formation, d’aller en classe, c’est-à-dire d’avoir en fait un mi-temps formation et un mi-temps terrain.

Mme Catherine Coutelle a déploré le recul actuel de l’égalité hommes/femmes. Une étude récente montre que le nombre d’enfants influe négativement sur la carrière des femmes. La révolution qu’a constituée le travail des femmes n’a pas été accompagnée socialement.

Un article de Jean Viard, directeur de recherches au CEVIPOF (Centre de Recherches Politiques de Sciences Po) montre qu’un retour à plus de travail se lit comme une mainmise du masculin sur le monde du travail. On devrait pouvoir bénéficier de temps modulable sur la durée de la vie. Quand une famille a des enfants en bas âge, on devrait laisser à la mère comme au père du temps libre, quitte à travailler plus ensuite quand les enfants sont élevés.

Puis elle a précisé qu’en tant qu’élue, elle avait négocié la loi de Robien dans une société de transport : certains chauffeurs voulaient travailler trois jours jusqu’à dix heures par jour si c’était possible, d’autres tous les matins, d’autres encore voulaient avoir des semaines courtes mais rapprochées, pour une même durée totale de travail. Ils voulaient des temps de travail modulés.

M. Ghénhaël Huet a observé que la loi de Robien permettait cette souplesse.

Mme Claudine Roger a fait remarquer que, le nombre de familles monoparentales augmentant, les femmes se retrouvent maintenant souvent chefs de famille. Lorsqu’elles préfèrent être au RMI pour pouvoir s’occuper des enfants, il en résulte une paupérisation dramatique.

L’absence de repère masculin est d’ailleurs une des causes de l’échec des garçons, ce qui est encore aggravé par le fait qu’il y a peu d’enseignants homme à l’école. Les enfants n’ont plus le cadre nécessaire dans lequel ils doivent s’opposer pour se construire.

Dans certaines familles, au contraire, le rôle des garçons est tellement affirmé qu’il arrive qu’ils insultent les professeurs femmes. Les filles qui voudraient s’en sortir se heurtent alors qui à leurs frères, qui à leur oncle, qui à leurs cousins.

M. Ghénhaël Huet a trouvé inquiétante cette demande en faveur d’un retour à la non-mixité.

Mme Claudine Roger a précisé qu’elle concerne les classes de 4e et de 3e, qui correspondent au début de l’adolescence. Certains ne demandent cette non-mixité que pour les cours de sciences : lorsqu’on met un garçon et une fille ensemble pour réaliser des expériences, le garçon fait l’expérience et la fille écrit ; d’où la conclusion qu’il faut les séparer.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé à Mme Roger si on notait une démobilisation des personnes qui avaient porté jusque-là la question de l’égalité.

Mme Claudine Roger a été étonnée, dans la ville où elle a posé la question, de ne trouver aucun de ses anciens collègues en mesure de lui citer une expérience de réflexion sur ce sujet.

Mme Catherine Coutelle a le sentiment que les jeunes générations sont moins sensibles à cet aspect.

Mme Claudine Roger a expliqué que les jeunes enseignantes sont généralement envoyées dans les classes difficiles où elles sont submergées par d’autres problèmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, considère néanmoins que les jeunes femmes considèrent que tout est acquis et qu’il n’y a plus à se battre.

M. Ghénhaël Huet a demandé à Mme Roger si en tant qu’ancienne inspectrice d’académie elle ne pensait pas que l’Éducation nationale était une machine trop lourde pour traiter un problème culturel aussi fin que celui de l’égalité hommes/femmes.

Mme Claudine Roger a répondu qu’elle ne serait pas aussi catégorique : quand elle était en fonction, elle a toujours pu mener des expériences sur l’égalité hommes/femmes. Elle a ensuite observé qu’au cours de sa carrière, une quarantaine de réformes avaient eu lieu. Elles n’étaient pas toutes d’importance égale, mais avaient toutes un point commun : parvenir à un enseignement de masse en essayant d’augmenter le nombre de bacheliers jusqu’à 80 % d’une classe d’âge.

Ce qu’il faut retenir c’est que l’on doit utiliser les méthodes qui permettent aux filles et aux garçons d’avancer dans la classe. À quoi peut bien servir de vouloir inventer des méthodes si les connaissances ne sont pas acquises par les élèves ? Mme Claudine Roger a indiqué que lorsqu’elle visitait un établissement et tenait ce discours aux enseignants – et elle faisait en sorte de visiter tous les établissements et de toujours rencontrer les enseignants –, ces derniers se sentaient libérés. Il s’agit de comprendre que l’évaluation consistera dans les résultats de leurs élèves, pas seulement leurs résultats scolaires mais aussi leur orientation, leur devenir et leurs projets. À partir du moment où un enseignement réussit, le bon inspecteur voit comment cela fonctionne, voit l’esprit de la classe, les résultats des élèves et ne dit rien. Là est le fond de l’enseignement.

Le système de l’Éducation nationale donne l’impression d’être lourd car la hiérarchie semble très pesante. Pourtant il ne l’est pas au niveau du terrain. Un enseignant qui aime son métier et veut que ses élèves avancent suit bien sûr les programmes – c’est sa contrainte avec les examens – mais, pour le reste, il emploie les méthodes qu’il peut.

Un inspecteur d’académie a une fonction de gestionnaire puisqu’il lui incombe d’ouvrir ou de fermer des classes, de créer des postes. Néanmoins il faut toujours qu’il y ait un projet en face, que les ouvertures ou les fermetures de postes soient motivées.

Mme Catherine Coutelle a souligné que la promotion de l’égalité hommes/femmes relève du comportement des personnes. Une convention interministérielle n’a pas le pouvoir, à elle seule, de modifier celui-ci.

Mme Claudine Roger a répondu qu’il ne faut pas attaquer ce problème seulement au sein du système éducatif. Un travail doit également être fait en direction des entreprises. Quand des filles sont orientées dans le secteur du bâtiment, par exemple, il y a rarement un vestiaire ou des toilettes pour femmes. Il faut un minimum d’aménagement.

M. Ghénhaël Huet a observé que de plus en plus de place est donnée aux spécialistes, aux experts, au point que les politiques ont parfois du mal à s’exprimer face à ces derniers ! L’enseignement dispensé dans les établissements scolaires est lui-même parcellisé. Il est dès lors difficile d’attaquer un problème d’ordre général, relevant des comportements comme la question de l’égalité hommes/femmes, qui demande un certain recul.

Mme Claudine Roger a considéré qu’il y a des points nodaux dans le système éducatif sur lesquels on peut agir : certains responsables ont une vue plus globale sur celui-ci et c’est eux qu’il faudrait mobiliser beaucoup plus sur la question de l’égalité.

Un inspecteur d’académie travaille en permanence avec le recteur, le préfet et le président du conseil général, ce qui limite parfois son action. Il a beaucoup moins de possibilités, par exemple, qu’un proviseur.

Mme Catherine Coutelle a ajouté que le métier d’enseignant est resté trop individualiste. Les enseignants sont peu enclins au travail d’équipe et se méfient du regard d’un autre adulte sur sa classe. Quand de jeunes enseignants rencontrent un problème dans une classe, ils n’en font jamais part – à moins de trouver un chef d’établissement compréhensif. Ils se disent que si les autres réussissant et si eux ont des problèmes, c’est qu’ils sont mauvais.

M. Ghénhaël Huet a fait remarquer que c’est une contrepartie négative de la liberté pédagogique.

Mme Claudine Roger a souligné qu’il n’est à aucun moment appris aux élèves à travailler en équipe, alors qu’au Canada, ils sont jugés là-dessus. Les TPE – travaux pratiques encadrés – étaient une bonne chose. Il faudrait toujours procéder à des évaluations avant de décider du sort d’une méthode.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Roger.

Audition de Mme le recteur Joëlle Le Morzellec,

Chef de la Mission pour la parité
dans l’enseignement supérieur et la recherche

Réunion du 1er avril 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente de la Délégation

Mme Joëlle le Morzellec a précisé qu’elle était statutairement rattachée directement au Directeur général de la recherche et de l’innovation, au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais qu’elle avait compétence sur l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. La Mission pour la parité s’appuie sur un réseau de « correspondants parité » présents dans les organismes de recherche publique ainsi que dans la majorité des universités. Le réseau universitaire est animé par Mme le Professeur Armelle Le Bras-Chopard, et le réseau de correspondants parité à l’intérieur des organismes de recherche par Mme Marie-Josèphe Robert-Lamar, maître de conférences. Deux autres personnes renforcent la Mission : l’une venant d’un organisme de recherche et l’autre étant une jeune femme maître de conférences en littérature anglaise, chargée de suivre plus particulièrement les questions européennes et internationales. Au total, la Mission comprend désormais cinq personnes, dont une secrétaire.

Mme Joëlle le Morzellec a ensuite mis en avant les différences d’orientation entre étudiants et étudiantes.

Le pourcentage de filles en Terminale S est de 46 % mais il chute à 32 % à l’université, en premier cycle de « sciences et structure de la matière », tandis qu’il atteint 60 % dans les filières touchant aux sciences de la vie et à la santé. Dans les classes préparatoires scientifiques, les filles ne sont que 28 % et seulement 23 % dans les écoles d’ingénieurs.

Pour la rentrée prochaine, le ministre de l’éducation nationale a donné comme directive aux proviseurs de faire passer en classes préparatoires systématiquement entre 5 et 15 % d’élèves de bon niveau, parmi lesquels il y aura nécessairement des filles. En effet, à la fin du deuxième trimestre de Terminale, les proviseurs peuvent, après le conseil de classe, suggérer aux élèves concernés et à leur famille d’entrer en classe préparatoire. C’est une démarche incitative à la fois en termes d’ascension sociale et pour la formation de nouveaux scientifiques. La France, comme tous les pays du monde, va connaître une pénurie de chercheurs et d’ingénieurs, avec le départ en retraite de la génération du baby boom. Or, on assiste à une désaffection généralisée à l’égard des sciences fondamentales – mathématiques, physique, chimie. En effet, les jeunes sont rebutés par l’idée de travailler enfermés dans un laboratoire pour – du moins en France – des rémunérations qui ne sont pas extraordinaires. Les femmes devraient donc logiquement accéder à un certain nombre de postes.

On pense généralement que, dans l’enseignement supérieur, les femmes sont nombreuses dans les filières littéraires. C’est le cas pour les maîtres de conférences mais pas pour les professeurs. Toutes disciplines confondues, il n’y a que 17 % de femmes professeurs. Dans la recherche, les femmes sont plus nombreuses – 32 % – dans le secteur public que dans le secteur privé : 20,5 %. Cela tient d’abord au fait que les hommes n’ont pas vraiment bien accueilli les femmes dans les réseaux de chercheurs. Leur façon de travailler, souvent tard le soir, entre en conflit avec la vie familiale. On retrouve d’ailleurs la même tendance dans la haute fonction publique. En outre, les femmes s’auto-censurent et ne postulent pas à certains postes. Enfin, on sait que la période entre trente et quarante ans, où se font les grands choix professionnels, est aussi celle de la maternité.

La Mission pour la parité a pour tâche d’examiner la place des femmes dans les domaines de la recherche et de l’enseignement supérieur et de proposer toutes mesures tendant à remédier aux déséquilibres constatés, notamment dans le déroulement des carrières et dans l’accès aux fonctions de responsabilité. Elle mène des actions pour inciter les jeunes filles à s’orienter vers les études et les carrières scientifiques et veille à ce que la question du genre soit prise en compte.

Un point de la situation des femmes dans l’enseignement supérieur a été publié en novembre 2007. Au cours des dix dernières années, le taux de féminisation a progressé lentement pour atteindre 17,9 % chez les professeurs et 40,4 % chez les maîtres de conférences, soit une augmentation de l’ordre de 5%. Ce taux est plus élevé en lettres et en pharmacie qu’en sciences, droit et médecine. Par ailleurs, chez les maîtres de conférences, dans la tranche d’âge 30-39 ans, les femmes sont devenues majoritaires en droit, en lettres et dans les disciplines de santé. On note aussi certains renversements de tendance. Lorsque l’informatique est née, beaucoup de femmes se sont lancées dans cette nouvelle discipline. Par la suite, parce qu’on ne leur a pas laissé une place suffisante, elles s’en sont retirées.

On parle souvent de stéréotypes quand on compare les comportements masculins et féminins : tout petit, l’enfant adopte des attitudes qui, sans qu’elles soient innées, se remarquent au sein de la famille et de l’école, et poussent les adultes à faire jouer les petits garçons avec des camions et les petites filles avec une dînette.

Mettant à profit son expérience de recteur en Martinique, Mme le Morzellec a observé qu’en métropole, la plupart des professeurs des écoles sont des femmes et que les hommes, considérant cette profession comme dévalorisée, ne s’y engagent plus. Dans les départements d’outre-mer, au contraire, ce métier permet d’être fonctionnaire. Les hommes se présentent donc encore beaucoup plus massivement au concours que les femmes et la plupart des directeurs d’école primaire sont des hommes. La fonction éducative, qui permet d’accéder au savoir et de monter dans la hiérarchie sociale, y fait encore l’objet de beaucoup de considération.

Lorsqu’un métier se féminise, il perd de son intérêt aux yeux des hommes, qui le délaissent. Aussi, féminiser les noms de métiers revient à les stigmatiser, alors que le neutre fonctionnel attache plus de valeur à la fonction qu’à la personne qui l’occupe.

En 2006, à la suite des nominations intervenues au CNRS qui ont attribué les postes de responsabilité uniquement à des hommes – Mme Zimmermann était d’ailleurs intervenue à cette occasion – le ministre François Goulard a créé un comité pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche, chargé de formuler des propositions.

Désormais, les contrats quadriennaux conclus entre l’État et les universités comportent un volet relatif à la politique de la parité menée par celles-ci. Au moment de la signature du contrat, un certain nombre d’objectifs avec des indicateurs doivent être affichés : l’université peut s’engager, par exemple, à recruter un certain nombre de femmes aux postes de maîtres de conférences ou professeurs et, inversement, à embaucher des hommes comme personnels administratifs – ces postes étant traditionnellement occupés par des femmes – afin de parvenir à une réelle égalité professionnelle au sein du monde universitaire. Cette obligation a fait l’objet d’une note du directeur de cabinet. Elle figure maintenant dans les contrats, en particulier ceux de la vague D sur lesquels le ministère travaille actuellement, les 84 universités françaises étant divisées en quatre vagues de contrats : A, B, C, D. Au bout des quatre ans de la durée du contrat, les universités seront évaluées sur la politique qu’elles auront ou non menée et sur les résultats obtenus. Leur budget en tiendra compte, c’est une avancée importante.

Désormais, la Direction générale de la recherche et de l’innovation, qui accorde des subventions aux colloques scientifiques, demande systématiquement aux organisateurs le nom des femmes présentes dans le comité d’organisation, dans le comité scientifique, et parmi les intervenants. La subvention accordée est modulée en fonction de ces trois critères. C’est un acquis important de la Mission. Le vivier des femmes scientifiques étant bien inférieur à celui des hommes dans certaines disciplines, il faut les « faire voir » et les aider à gravir les échelons.

La volonté de mettre en lumière des carrières exemplaires de femmes, qui allient excellence et dynamisme au quotidien, a conduit également à compléter les prix déjà existants.

Créé par le ministère de la recherche et des nouvelles technologies en 2001 et bénéficiant, depuis 2004, de l’appui de la Fondation d’entreprise EADS, le grand prix Irène Joliot-Curie est accordé chaque année. Le prix de « la femme scientifique de l’année » récompense une femme dont la carrière est déjà bien avancée et qui a produit de nombreuses publications. Le prix de « la jeune femme scientifique » met à l’honneur une jeune femme qui a soutenu sa thèse, commencé à publier et qui s’engage dans un créneau qui semble porteur où elle a déjà un certain rayonnement. Le « parcours femme entreprise » est décerné aux femmes qui ont fait une école d’ingénieur et ont pu monter leur société et créer des emplois. Ils ont été complétés par un quatrième prix appelé « mentorat », du mot latin désignant le tuteur. Il récompense une personne physique ou morale qui a accompagné des jeunes femmes, soit en début de carrière, soit pour passer des étapes et prendre des responsabilités. Il peut aller à un professeur d’université qui, au-delà du simple accompagnement de ses thésards, les aide à franchir des étapes et à entrer dans la vie professionnelle, ou bien à une association telle celle de femmes cadres de GDF qui aident les plus jeunes à franchir les échelons et qui a été récompensée en 2006.

L’année dernière, la Mission pour la parité a fait créer un nouveau prix appelé « Avenirs d’outre-mer », afin d’aider les jeunes filles qui en sont originaires et ont suivi des études scientifiques en métropole sur des thèmes compatibles avec un emploi dans leur région d’origine, à y retourner pour faire carrière. Ce prix est organisé en partenariat avec la Financière OCEOR, filiale de la Caisse d’Épargne. La lauréate 2007 est une jeune Réunionnaise, qui a intégré l’Institut de formation des ingénieurs forestiers et qui a un projet en relation avec le nouveau parc naturel de la Réunion qui vient d’être créé.

Les jeunes femmes récompensées par ces prix méritent d’être aidées. De fait, elles perçoivent 10 000 euros ; somme fractionnée, pour le Prix « Avenirs d’Outre-Mer » au long de la durée d’exécution du projet.

En 2007, Valérie Pécresse s’est fortement impliquée dans les élections et les nominations au Conseil national des universités et on y constate une nette progression des femmes par rapport à 2003. Elles représentent à présent 41,3 % des membres du CNU, tous collèges et disciplines confondus. Or, en dehors des juristes, des économistes, et des gestionnaires qui ont une agrégation d’enseignement supérieur, tous les autres postulants enseignants doivent passer une habilitation à diriger les recherches après leur doctorat et être qualifiés par le CNU pour pouvoir devenir professeur. La proportion de femmes dans le collège des professeurs est passée entre 2003 et 2007, de 25 % à 33 % et, parmi les maîtres de conférences, de 45 % à 49 %, toutes disciplines confondues.

Il ne s’agit évidemment pas de promouvoir des femmes qui n’en auraient pas la capacité : les actions menées visent à repérer et à promouvoir des femmes disposant de toutes les compétences requises.

Les jeunes filles représentent 60 % des étudiants dans les disciplines littéraires et le secteur de la santé ; mais elles sont beaucoup moins présentes en mathématiques, physique et chimie, informatique ainsi que dans certaines sciences de la communication. Pourquoi se dirigent-elles moins vers les mathématiques et les autres disciplines fondamentales ? Ces disciplines seraient-elles trop abstraites, comme la philosophie où il y a moins de femmes que dans d’autres sciences littéraires ? Nul ne le sait, mais on note une différence très forte avec les sciences expérimentales. Les femmes ont une attirance pour tout ce qui est plus tactile, expérimental, vivant et qui touche à la personne. Un mathématicien qui enseigne maintenant l’histoire des sciences à Paris VIII, Denis Guedj, a écrit un livre intitulé Les mathématiques expliquées à mes filles où il tente de comprendre les rapports qu’elles entretiennent avec cette discipline.

Concernant les filles, le mot « auto-censure » apparaît souvent. Parce qu’elles sont brillantes, elles vont en Terminale S comme les garçons et l’on s’étonne qu’elles ne poursuivent pas ensuite dans la voie scientifique. Il faut bien voir que, si la Terminale S donne des compétences en maths, physique, chimie et autres, elle est surtout une filière d’excellence permettant de postuler partout. Si elle est la voie à emprunter pour aller vers les grandes écoles scientifiques, de nombreux titulaires du baccalauréat S s’orientent ensuite vers d’autres voies : écoles de commerce, Science Po. C’est pour réagir à cela que le ministre de l’éducation nationale a voulu revitaliser la section littéraire du baccalauréat. Pendant longtemps, les études touchant à la psychologie avaient pour seuls débouchés des postes de psychologues cliniciens et de conseillers d’information et d’orientation dans l’Éducation nationale. Les services de ressources humaines des entreprises recherchent maintenant les compétences des psychologues pour les recrutements et les promotions. Une certaine prise en compte de la personne fait que les entreprises hésitent moins à recruter un jeune qui a fait des études littéraires à l’université. Le ministre a saisi une opportunité et permis une avancée importante.

Un point est sûr : les femmes sont peu sûres d’elles et sont trop modestes. Elles savent que, à cursus égal, il leur faudra fournir le double de preuves qu’un homme de leurs capacités à occuper tel ou tel poste et cela les dissuade de postuler.

C’est par la famille qu’il faut commencer pour espérer changer les mentalités. Certes, dans les milieux aisés, une jeune fille fera des études et sera orientée selon ses qualités propres. Mais, dans les milieux moins favorisés, les archétypes sur les métiers et la notion de hiérarchie semblent insurmontables. La croyance qu’une femme ne peut pas atteindre tel type de poste empêchera une fille de se lancer dans certains types d’études. Il est, en revanche, des professions, comme celle de médecin, qui sont une reconnaissance sociale pour des parents de situation moyenne ou défavorisée. En fait, un grand nombre de non-dits jouent encore au moment de l’orientation.

Recteur de l’académie de Rouen de 1993 à 1996, Mme le Morzellec se souvient de l’émoi qu’a suscité la demande d’une fille qui voulait obtenir un diplôme de carrosserie automobile. Des idées fausses persistent sur de nombreux métiers qui sont devenus beaucoup plus faciles grâce aux machines à commande numérique, par exemple. Une femme disposant des compétences techniques peut parfaitement les occuper. Au Havre comme à la Martinique, les classes professionnelles de charpentier de marine sont tout à fait accessibles aux filles. Les femmes ont leur place à tous les niveaux et dans tous les métiers, dès lors qu’on leur permet d’acquérir les qualifications professionnelles, universitaires ou scientifiques nécessaires.

Lors de la dernière Journée des femmes, il a été décidé de réactiver le comité créé par M. Goulard. Mme Valérie Pécresse lui a confié de nouvelles missions et lui a notamment demandé de travailler avec Lionel Collet, président de l’Université Claude Bernard Lyon 1. La Charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes de cette université permet aux femmes revenant de congé de maternité de n’effectuer que la moitié de leur service. C’est une avancée considérable. Le principe d’une réflexion pour la création d’une charte nationale, en lien avec la Conférence des présidents d’université, a été arrêté. Mme Valérie Pécresse a également demandé à Mme Marie-Laure Pileni, physicienne et chimiste et administrateur actuel de l’Institut universitaire de France, de constituer un comité pour la reconnaissance de la place de la femme dans l’enseignement supérieur et la recherche.

On peut se réjouir que l’éducation nationale ait chargé quelqu’un de travailler à ces questions d’égalité. Il s’agit de Mme Anne Rebeyrol avec laquelle un travail en lien étroit s’est établi : on ne peut en effet séparer enseignement secondaire et enseignement supérieur. Il est important que les Centres d’information et d’orientation donnent aux jeunes des informations sur les métiers où des postes seront disponibles au cours des prochaines années, afin de leur permettre d’orienter leurs études en conséquence.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté que la notion d’égalité des chances occulte souvent celle d’égalité entre les hommes et les femmes. En outre, il ne faut pas confondre diversité avec égalité, la notion de diversité englobant les hommes et des femmes. Il ne faut pas que l’égalité des chances chapeaute la parité. C’est une distinction difficile à faire comprendre.

Mme Joëlle le Morzellec a convenu que l’égalité des chances est vue aussi bien sous l’angle de la diversité que sous celui de parité. Mais tout dépend de la mission confiée et même de la politique rectorale : à Toulouse, par exemple, une personne s’occupe plus spécifiquement de l’égalité filles-garçons auprès du délégué égalité des chances.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité savoir quelles sont les actions qui peuvent être engagées à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne ?

Mme Joëlle le Morzellec a indiqué que l’on pourrait, retenir une candidate européenne dans l’une des catégories du prix Irène Joliot-Curie. Un prix a été décerné une année à une astronome italienne, qui était à la fois une scientifique remarquable et une femme épanouie. Dans le clip sur chacune des lauréates projeté lors de la remise du prix on les voit aussi bien dans leur milieu de travail que dans le cadre de milieu familial et celui de leur passe temps préféré. Cela forme un tout.

La Mission s’associera à la table ronde sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes organisée les 13 et 14 novembre par le Service des droits des femmes et de l’égalité avec lequel des actions en commun sont souvent organisées.

La Mission participera également à la réunion des femmes ingénieurs européennes du 14 au 18 juillet et en subventionnera une partie. Elle travaille beaucoup avec les différentes associations de femmes scientifiques, en particulier « Femmes et mathématiques », « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieurs » ; mais aussi avec beaucoup d’autres qui s’intéressent à la promotion des femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme le Morzellec.

Audition de Mme Agnès Netter,
directrice de la Mission pour la place des femmes au CNRS



Réunion du 1er avril 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Agnès Netter, directrice de la Mission pour la place des femmes au CNRS.

À la tête de cette mission depuis septembre 2007, Mme Agnès Netter a précisé qu’elle avait succédé à Geneviève Hatet-Najar qui a conduit la mission depuis son origine, accomplissant un travail considérable pour la faire reconnaître à l’extérieur. En interne, le constat est plus nuancé, car elle ne pouvait mener les deux combats de front. On était arrivé à un paradoxe : la mission a mené des actions très importantes de sensibilisation et de communication qui ont contribué à faire émerger la thématique et à faire prendre conscience de la question de l’égalité des femmes et des hommes mais au sein du CNRS, l’impact de son action a été plus faible : la question de la place des femmes a été insuffisamment prise en compte dans l’ensemble de la stratégie de l’Établissement.

De ce fait, l’objectif est aujourd’hui d’inscrire la thématique du genre dans tous les axes d’action de l’établissement et d’agir en partenariat avec les responsables fonctionnels.

Le CNRS dispose de données chiffrées et d’indicateurs qui lui permettent de connaître précisément la place des femmes dans l’établissement et d’analyser son évolution.

Fin décembre 2006, le CNRS comptaient un peu plus de 26 000 personnes, dont 42,7 % de femmes. Celles-ci représentaient 31,5 % des 11 641 chercheurs et 51,8 % des 14 437 ingénieurs et techniciens.

Mais l’examen attentif de la répartition hiérarchique révèle des taux de féminisation très variables selon les corps et les grades.

Parmi les chercheurs, les femmes représentent 33,5 % des chargés de recherche de 2ème classe, 38,1 % des chargés de recherche de 1ère classe, 26 % des directeurs de recherche de 2ème classe, 13,4 % des directeurs de recherche de 1ère classe et seulement 12,7 %, des directeurs de recherche de classe exceptionnelle – soit 16 femmes pour 110 hommes. Alors que 42,9 % des ingénieurs sont des femmes, elles représentent 66 % des techniciens. Plus les fonctions sont élevées et moins les femmes sont représentées.

De même, les femmes sont inégalement représentées selon les disciplines :

– 43,6 % de chercheuses en Sciences de l’homme et de la société,

– 39,3 % en Sciences de la vie,

– 31 % en chimie,

– 26,3 % en Sciences de l’univers,

– 19,2 % en Sciences pour l’ingénieur,

– 19,9 % en Sciences et technologies de l’information et de la communication,

– 17,8 % en physique,

– 16,9 % en mathématiques.

Les femmes représentent 38 % des ingénieurs et techniciens métiers en appui direct à la recherche, et 63 % dans les métiers qui assurent le fonctionnement de la recherche ou son administration.

Malgré les efforts consentis, les évolutions sont très lentes.

La proportion de femmes recrutées en tant que chercheures (CR2) au CNRS décroît depuis 2002 alors qu’elle avait régulièrement augmenté à partir de 1994. Parallèlement, l’écart augmente entre la proportion de femmes parmi les candidats et la proportion de femmes parmi les lauréats. L’avantage masculin au recrutement est de 1,26 en 2007, contre 1,02 en 1994.

Par ailleurs, en matière de plafond de verre (passage Chargé de recherche à Directeur de recherche), si la parité est presque atteinte en mathématiques, il est loin d’en aller de même dans les autres disciplines. Pour les promotions de chercheurs en tant que directeurs de recherche, l’avantage masculin est de 1,55, le même qu’en 1987. Il est de 1,8 en sciences et technologie de l’information.

S’agissant des postes de direction, le CNRS compte deux femmes et six hommes directeurs scientifiques, et douze femmes pour trente-et-un hommes directeurs scientifiques adjoints. Les femmes représentent 27 % des postes de direction – contre 12 % en 2006.

Ces statistiques montrent qu’il faut faire en sorte que l’ensemble des acteurs du CNRS, départements scientifiques et directions fonctionnelles, intègre la thématique de la parité et qu’elle leur devienne naturelle.

Quatre personnes travaillent aujourd’hui au sein de la Mission ; son rattachement à la direction générale lui donne plus de poids pour promouvoir des actions en faveur de la parité.

Des groupes de réflexion vont être chargés, à partir d’indicateurs et d’analyses fournies par la Mission, de réfléchir sur l’égalité professionnelle au CNRS à partir de thèmes déterminés d’avance, et de faire des propositions concrètes qui seront ensuite négociées selon les procédures de concertation existantes. Un calendrier très resserré a été proposé à la Direction générale. Il est surtout destiné à montrer la cohérence de la démarche. Lier cette action au contrat quadriennal de l’établissement pourrait être un objectif.

Il est cependant peu probable que l’on ira jusqu’à la mise en place de quotas, car le monde du CNRS est trop éclaté et trop complexe. En revanche, des indicatifs et des objectifs forts par discipline sont nécessaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la loi sur la parité avait permis, pour les villes de plus de 3500 habitants, de passer à 47 % de femmes dans les conseils municipaux en 2001.

Mme Agnès Netter a observé que jusqu’ici au CNRS malgré une forte volonté politique, et comme le montrent les statistiques présentées ci-dessus, peu de progrès ont été réalisés. Cette situation ne pourra s’améliorer sans une farouche détermination de la direction, mais une certaine stabilité est également nécessaire. Or, l’établissement a connu des crises, qui n’ont pas joué en faveur des femmes. Par ailleurs la proportion de femmes peut varier considérablement d’une discipline à l’autre et le rôle de la mission est justement de s’interroger sur la politique à conduire. Ainsi, les mathématiques comptent peu de femmes – 17 % environ. Le CNRS aura donc plus de mal à recruter des femmes dans cette matière car le vivier de recrutement est faible. En revanche, les sciences humaines et sociales comptent 43 % de femmes, mais l’on ne retrouve pas ce pourcentage en matière de promotion.

Depuis plusieurs années des formations sont menées pour faire prendre conscience de la problématique homme/ femme et sensibiliser les acteurs du CNRS au niveau régional. Une enquête conduite en lien avec la Direction des ressources humaines permettra de dresser un état des lieux des pratiques, qui servira de base à une unification et à une révision, si nécessaire, des procédures et à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques.

Un premier groupe se réunira dès l’automne sur le thème du recrutement – comment assurer une plus grande place aux femmes, sachant que le vivier de doctorantes et de post-doctorantes avoisine les 28 % ? Comment inciter les femmes à se présenter aux concours ? Une fois le groupe en possession d’indicateurs par rapport au « vivier » de femmes et ses propositions rendues, il pourrait être fait, après négociation avec les partenaires sociaux, une série de recommandations, dont la demande faite par la Direction Générale aux présidents de jury de concours de rédiger un rapport sexué sur le recrutement.

Ce groupe de travail devra également se pencher sur les affectations afin d’assurer une plus grande mixité dans les équipes.

Par cette démarche, il s’agit pour la communauté scientifique de se réapproprier cette thématique dans un monde de chercheurs qui reste encore essentiellement masculin.

Certes, le Gouvernement pourrait fixer des quotas en sciences, mais l’excellence requise au CNRS s’accommoderait mal d’une telle politique. Au regard de l’avantage masculin d’1/8, qui est de 1,55 pour les promotions de chargés de recherche en tant que directeurs de recherche, fixer des quotas est difficile si le potentiel n’existe pas. On sait par ailleurs que, quand les promotions sont moindres, les hommes passent en premier. Les possibilités ouvertes par la LOLF, en permettant aux organismes publics de décider du nombre de promotions devraient permettre de progresser sur cette question.

Au total, il apparaît que la prise de conscience en interne peut donner de meilleurs résultats qu’un passage en force.

Le comité national compte 31 % de femmes parmi les membres des sections, 21 % parmi les élus, 11 % parmi les nommés, et 7,5 % parmi les présidents de section. Le comité étant en phase de renouvellement, une lettre récapitulant les indicateurs 2005 du CNRS, mais également les indicateurs du ministère et les indicateurs européens, a été envoyée aux responsables des élections pour les sensibiliser et leur demander d’en tenir compte.

Le Comité scientifique compte un tiers de femmes.

Et hormis la présidente, aucune femme, nommée ou élue, ne siège au conseil d’administration.

Le bilan reste donc contrasté. Pourtant, dès 2001, le CNRS, conscient de l’évolution de la société, a mené des actions qui auraient pu aboutir à de meilleurs résultats s’il n’avait pas traversé des crises. En avril 2001, la directrice générale a créé et présidé un comité de pilotage « Disciplines, métiers, carrières et genre. La place des femmes au CNRS », chargé de promouvoir la place des femmes, de veiller à la cohérence des actions entreprises, de coordonner leurs conduites et d’en évaluer les résultats. En juillet 2001, une structure opérationnelle « la mission pour la place des femmes au CNRS a été créée ». En septembre 2001 le colloque « Femmes, Hommes et Sciences : agir pour l’égalité », organisé en partenariat avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, a permis de « rechercher les moyens de faire évoluer les comportements au quotidien, étudier les pratiques des institutions étrangères et recenser les actions visant à récupérer les talents perdus ». Enfin, en mars 2003, les ministres en charge de la parité et de la recherche ont signé avec la directrice générale du CNRS l’accord cadre de coopération sur la parité dans les sciences.

Les axes de travail ont été :

– le soutien aux laboratoires et aux équipes qui travaillaient sur le genre. Le CNRS a ainsi participé à la création de l’institut Émilie du Châtelet ;

– la réalisation d’études internes pour identifier les verrous bloquant la carrière des femmes. Une étude comparative a été lancée sur les actions menées aux États-Unis pour promouvoir l’accès des femmes au savoir et aux métiers scientifiques et techniques ;

– des actions de sensibilisation pour inciter les jeunes filles à s’engager dans les métiers scientifiques et pour lutter contre les stéréotypes : actions de valorisation de la place des femmes dans les sciences – publication d’ouvrages, participation à des expositions, production de DVD, participation à tous les prix qui ont été créés ;

– des actions de communication en direction des jeunes à travers des conférences dans les établissements scolaires autour de l’outil pédagogique « Physique de femmes ».

La Mission est reconnue dans les réseaux, aussi bien en France, sur le plan national comme régional, qu’en Europe.

En janvier 2008, la résolution a été prise de poursuivre la démarche visant à intégrer la dimension du genre dans tous les axes de développement de l’établissement et de suivre la mise en œuvre de cette politique.

La mission a aussi pour objectif de remplir un rôle de veille et d’analyse des données sexuées internes et externes à l’établissement. Il a été décidé de s’informer de l’état d’avancement des recherches sur le genre et mettre en lien les acteurs de ces recherches.

La Mission s’est positionnée au sein du réseau européen d’acteurs institutionnels ou associatifs oeuvrant sur la problématique « femmes et sciences ». En 2008, elle renforcera ses liens avec la Direction des Affaires européennes du CNRS afin que la thématique du genre soit prise en compte dans la politique européenne de l’établissement par l’élaboration d’un certain nombre de documents à l’usage tant des ingénieurs projets européens (IPE) afin de préciser les attentes de la Commission européenne en matière d’intégration du genre dans les projets de recherche et d’aider les laboratoires à rédiger leur proposition, que de l’administration, des unités et des chercheurs afin de les sensibiliser à cette problématique.

L’exposition « Physique de femmes » est devenue un vecteur de sensibilisation aux métiers scientifiques et de communication à l’usage de publics à l’étranger, notamment au Québec où la Mission a aussi mené un partenariat avec le Ministère de l’Éducation autour du concours « Chapeau les filles ! ». En 2008, le CNRS accueillera deux lauréates de ce concours en stage dans l’un de ses laboratoires.

Il est également prévu, en octobre 2008 et mars 2009, un partenariat avec les Alliances françaises, une tournée de l’exposition à Washington accompagnée de conférences au sein d’établissements scolaires américains et en direction du public des Alliances françaises. Parallèlement, un DVD à vocation pédagogique présentant sous forme d’interview la carrière de trois des physiciennes viendra renforcer la sensibilisation des jeunes aux métiers de la physique.

Mme Agnès Netter a conclu son propos par une note d’optimisme : au final, les gens se réapproprient plus facilement la problématique qu’elle ne l’aurait pensé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est montrée pour sa part sceptique, les multiples actions de sensibilisations précédemment menées n’ayant pas donné de résultats probants.

Mme Agnès Netter a insisté sur la nécessité de mener une politique, cohérente, qui traite de cette problématique depuis la maternelle. Les enseignants doivent être formés en ce sens. Les organismes de recherche doivent également y participer, par exemple en recevant des élèves en stage. Il faut lancer des actions qui s’inscrivent dans le temps et s’appuyer sur la législation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Agnès Netter.

Audition de Mme Anne Rebeyrol,
chargée de mission parité à la Direction générale de l’enseignement scolaire

Réunion du 8 avril 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Anne Rebeyrol, chargée de mission parité à la Direction générale de l’enseignement scolaire.

Mme Anne Rebeyrol a indiqué qu’après avoir été professeur d’histoire-géographie, puis formatrice associée en IUFM, elle a participé à mi-temps à la mission sur la laïcité au sein d’une cellule de prévention des dérives communautaristes. À la suite de la loi sur l’interdiction du port de signes religieux dans les écoles publiques, le nombre de conflits a sensiblement diminué et l’on peut aujourd’hui considérer qu’il n’y a plus de problème important dans les établissements.

Le directeur de l’enseignement scolaire lui a demandé, en septembre dernier, de prendre en charge la mission parité à la direction générale de l’enseignement scolaire, fonction qui n’était alors pas pourvue.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité savoir s’il était difficile d’exercer cette fonction et si son action était bien perçue au sein de l’éducation nationale.

Mme Anne Rebeyrol a répondu qu’il lui semblait qu’on appréciait qu’elle s’engage activement pour que soit relancée la convention interministérielle de 2006 pour la promotion de l’égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif. La nomination d’une nouvelle présidente du comité de pilotage de la convention vient d’intervenir. Il s’agit de Mme Marie-Jeanne Philippe, rectrice de l’Académie de Besançon. On adresse ainsi à l’éducation nationale un signal fort quant à la volonté de faire avancer les choses et de donner une nouvelle impulsion à la convention.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’étant félicitée de la nomination de Mme Philippe, dont elle connaît les grandes qualités et la détermination, Mme Anne Rebeyrol a souligné qu’il s’agit en outre d’une scientifique et que l’on peut donc s’attendre à ce qu’elle s’attaque résolument au problème de l’engagement des filles dans les carrières scientifiques.

Mme Anne Rebeyrol a indiqué qu’elle a, dans un premier temps, pris des contacts avec les chargées de missions académiques afin de réactiver le réseau et de mieux percevoir ce qui se passait dans les académies. Elle est également entrée en relation avec un certain nombre d’associations de femmes scientifiques et a souhaité réfléchir, avec les services des Droits des femmes et avec la Mission parité du ministère de l’enseignement supérieur, à des actions communes. La nomination de Mme Philippe permettra de définir les actions prioritaires qui seront engagées au titre de la convention de 2006.

Le bilan de la convention de 2000 montre que les chargées de mission se sont implantées dans toutes les académies, en liaison le plus souvent avec les services d’information et d’orientation. Les liens avec les entreprises ont par ailleurs été renforcés dans le cadre d’une convention cadre, afin de mener des actions pour lutter contre les discriminations liées au sexe, pour faciliter l’accès des jeunes filles aux métiers scientifiques et techniques et pour augmenter le nombre des garçons dans les métiers où ils sont peu présents. On dispose toutefois de peu de remontées quant à ce qui a effectivement été fait. Les chargées de mission école-entreprise qui ont été nommées en novembre 2007 se sont réunies pour la première fois il y a une semaine. On disposera ainsi d’un levier d’action et l’on saura plus précisément comment ont été déclinés ces accords.

À la suite de la convention de 2006, plus des deux tiers des académies se sont engagées dans la réécriture de la déclinaison régionale de la convention précédente ou dans la rédaction d’une nouvelle convention, comme celle qui vient d’être signée, à Toulouse, entre le recteur et le préfet. Elle prévoit un certain nombre d’actions concrètes destinées à avancer dans ce domaine.

La convention de 2006 implique, comme la précédente, huit ministères et mentionne les jeunes filles issues de l’immigration, en insistant sur la nécessité de renforcer la formation sur les violences et sur les mutilations.

Mme Pascale Crozon a souhaité qu’intervienne une meilleure coordination des intervenants en faveur de l’égalité, en soulignant l’importance d’y associer les régions.

Mme Catherine Coutelle a considéré que tout le monde devait œuvrer dans le même sens, y compris les associations. La convention engage huit ministères, mais c’est un peu comme si l’État se parlait à lui-même car les associations n’en sont pas signataires.

Mme Anne Rebeyrol a répondu qu’un très grand nombre d’actions correspondant aux grands axes de la convention étaient conduites avec les associations, en particulier afin d’améliorer l’orientation. On peut citer l’opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences dans les lycées » menée par les associations Femmes et sciences, Femmes et maths et Femmes ingénieurs. Même si la convention n’engage que des ministères, les actions menées sur le terrain le sont avec les collectivités territoriales et les associations. De fait, la collaboration est réelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, estimant que les chargées de mission académique devaient être les instruments de diffusion de la convention, a souhaité savoir si elles étaient assez visibles.

Mme Anne Rebeyrol a indiqué qu’une difficulté tenait peut-être au fait que ces chargées de mission n’exercent pas toujours cette fonction à plein-temps. Elles sont rattachées aux rectorats et circulent dans les établissements. À Toulouse, par exemple, la chargée de mission a rédigé un livret pédagogique à destination du primaire.

D’autre part, même si la volonté nationale est certaine, s’il existe un relais académique ainsi qu’une politique contractuelle entre les académies et les établissements, tout est largement fonction de la volonté des chefs d’établissement et des enseignants, qui doivent être sans cesse sensibilisés à cette thématique. Les chargés de missions académiques peuvent leur fournir des outils pédagogiques dont ils ont particulièrement besoin pour l’orientation des élèves.

Mme Pascale Crozon a considéré que la désignation de chargées de mission à plein-temps serait un gage de la bonne volonté des recteurs.

Il convient par ailleurs que le thème de l’égalité soit présent dans la formation des enseignants, en particulier dans le plan de formation continue. Quand on siège aux conseils d’administration des lycées, on n’entend jamais parler de ces chargées de mission. On a plutôt le sentiment que ce sont les délégations régionales aux droits des femmes qui agissent.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation avait interrogé les IUFM sur la façon dont ils traitaient cette question. Les réponses sont en train d’arriver.

Mme Anne Rebeyrol a précisé que les cahiers des charges des IUFM placent les questions de la diversité des élèves, du respect de l’autre et de l’égalité entre filles et garçons parmi les dix compétences que les professeurs doivent acquérir.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que l’on confonde trop souvent diversité et égalité entre les hommes et femmes.

Mme Anne Rebeyrol a ajouté que chaque IUFM décline le cahier des charges comme il l’entend : certains dispensent des formations à l’égalité tandis que d’autres ne le font pas. Si l’on trouve souvent des éléments sur l’égalité entre filles et garçons dans les formations transversales, il ne s’agit pas d’un module obligatoire, pas plus que la sensibilisation à laquelle on procède fréquemment dans les formations par discipline, notamment en histoire-géographie.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur la nécessité d’une éducation à l’égalité qui permettrait aux enseignants de mettre en œuvre cette pédagogie.

Mme Catherine Coutelle a considéré que l’on n’avançait pas beaucoup sur la prise en compte de l’égalité et sur la lutte contre les stéréotypes dans les manuels scolaires, et Mme Pascale Crozon a souligné qu’elle avait interrogé M. Xavier Darcos à l’occasion de la présentation des nouveaux programmes pour l’école primaire et qu’elle n’avait pas obtenu de réponse satisfaisante.

Mme Marie-Jo Zimmermann, préisdente, a pour sa part souhaité que la chargée de mission s’investisse particulièrement sur ce sujet-là.

Mme Anne Rebeyrol a observé qu’il s’agissait d’un sujet difficile dans la mesure où les manuels scolaires relèvent des éditeurs auxquels on ne saurait donner de directives contraignantes. Il est vrai toutefois qu’il existe des contacts entre le syndicat national de l’édition et les concepteurs des programmes et que les éditeurs ont intérêt à tenir compte des souhaits de la communauté éducative s’ils veulent que leurs manuels soient choisis. Il faut donc faire confiance à cette dernière pour s’efforcer de retenir des ouvrages qui répondent aux priorités. Il faudra mesurer l’efficacité du « label égalité » mis en place dans l’Académie de Toulouse dans le cadre de la convention.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est demandé si les journées pédagogiques de pré-rentrée ne pourraient permettre d’insister sur ce point.

Mme Catherine Coutelle a rappelé que les manuels devaient correspondre aux programmes, qui relèvent bien de la responsabilité du ministère.

Depuis que Michelle Perrot a publié Les femmes ou les silences de l’Histoire, on n’a guère avancé sur la formation et l’information aux questions d’égalité. Très souvent, les enseignants ne savent pas où trouver des éléments de référence.

Mme Anne Rebeyrol a répondu que l’on avançait quand même. On pourra le vérifier d’ici une quinzaine de jours, quand seront publiés les nouveaux programmes d’histoire-géographie-éducation civique au collège, ceux des classes technologiques STSS, et ceux de la voie professionnelle. Qui plus est, dans les programmes d’éducation civique juridique et sociale, des thèmes comme citoyenneté et intégration ou citoyenneté et participation politique donnent l’occasion de travailler sur les questions d’égalité. Le socle que les élèves doivent acquérir, le respect de l’autre sexe et le respect des autres. Dans les nouveaux programmes de l’école primaire, il est demandé aux élèves d’appliquer les principes d’égalité des filles et des garçons et de la dignité de la personne.

Mme Catherine Coutelle a jugé que cela supposait qu’on sensibilise les enseignants et qu’on les incite à faire ce travail.

Mme Anne Rebeyrol a remis à la Délégation la brochure Filles et garçons à l’école – sur le chemin de l’égalité qu’a publiée pour la seconde fois, en mars de cette année, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) de la direction générale de l’enseignement scolaire. Cette étude comporte un grand nombre de données sur lesquelles les déclinaisons de la convention par académie peuvent s’appuyer.

Soulignant une nouvelle fois la nécessité de sensibiliser les chefs d’établissement et les enseignants, Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann s’est demandé s’il ne serait pas utile que chaque chargée de mission académique se rende dans les établissements pour travailler concrètement sur ces questions avec la communauté éducative.

Mme Anne Rebeyrol a rappelé qu’il fallait concilier d’une part les injonctions nationales et académiques, d’autre part l’autonomie des établissements que l’on cherche actuellement à renforcer. Des incitations sont prévues, par exemple dans le cadre de la LOLF, qui pose comme indicateur de passer de 39 % de filles en terminale scientifique et technique aujourd’hui à 45 % en 2010. Pour autant, faute de sanction financière, on reste dans le cadre d’une sensibilisation.

Mme Catherine Coutelle a émis des réserves sur le calendrier fixé pour cet objectif, l’orientation des élèves qui seront en terminale en 2010 étant déjà largement engagée.

Elle a observé que les universités entraient en contact avec les lycéens plus difficilement que les classes préparatoires. Sans doute faudrait-il sensibiliser les proviseurs à l’intérêt des filières universitaires, afin que celles-ci ne soient pas un choix par défaut.

Mme Anne Rebeyrol a rappelé que le Plan banlieues prévoit que l’on propose à 5 % des élèves des lycées généraux et technologiques d’intégrer des classes préparatoires. Cela devrait donner un coup de pouce aux filles, qui sont meilleures élèves.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné l’importance de la tâche confiée à la mission pour l’égalité et a invité Mme Rebeyrol à ne pas se décourager face à son ampleur. Elle a aussi souhaité savoir ce que la Délégation pouvait faire pour soutenir son action.

Mme Anne Rebeyrol a répondu qu’il faudrait donner plus de visibilité médiatique à ce thème, améliorer la communication, sensibiliser les cadres de l’éducation nationale, renforcer les liens avec les entreprises car il est quand même paradoxal que les filles soient les meilleures élèves mais qu’elles s’insèrent moins bien dans le marché du travail. En outre, dès lors que l’on pousse les filles à aller vers certaines filières, il convient ensuite qu’elle puisse trouver des stages, puis des emplois, correspondant à leur formation. On a absolument besoin d’un réel partenariat entre école et entreprise.

Mme Pascale Crozon a souligné l’important effort accompli en la matière par les entreprises fortement utilisatrices de main-d’œuvre, en particulier dans le bâtiment, secteur qui a su évoluer bien plus vite que celui de la restauration sur les questions d’apprentissage, de salaires et de temps de travail.

Mme Anne Rebeyrol a salué l’accord passé entre cette branche et l’éducation nationale, qui a, par exemple, permis de lancer l’opération « Osez les métiers du bâtiment ! ».

Mme Catherine Coutelle a aussi relevé l’importance d’une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale, la France étant l’un des pays où les femmes quittent le plus leur emploi pour élever leurs enfants. Le temps partiel étant faiblement rémunéré, elles font souvent le choix financier de ne pas travailler au lieu de payer une garde d’enfants.

Il semble par ailleurs que les violences à l’encontre des jeunes filles en milieu scolaire ne régressent pas, ce qui traduit un recul de la position des filles dans la société. On est obligé dans certains quartiers de protéger les jeunes filles et d’organiser des « journée filles en jupe » pour leur permettre de s’habiller librement et pour qu’elle n’aient pas honte de la manière dont elles veulent vivre. Cette évolution est préoccupante.

Mme Anne Rebeyrol a rappelé que l’on avait dû renoncer à utiliser le logiciel SIGMA de remontée des violences en milieu scolaire après la publication pas Le Point d’un classement des lycées les plus violents. Le nouveau logiciel, CIVIS, prend en compte, à partir d’un échantillon représentatif d’établissements, les faits les plus graves, y compris les violences sexistes, racistes et antisémites. Mais on ne dispose pas encore de données significatives et il est difficile d’affirmer avec certitude que le nombre des actes violents augmente.

Mme Pascale Crozon a rapporté que, selon une inspectrice, les enfants sont de plus en plus violents, de plus en plus jeunes. Ils supportent mal les contraintes de la vie en classe et développent de tels comportements.

Mme Anne Rebeyrol a confirmé qu’on assiste à un glissement préoccupant de la violence, du collège vers l’école primaire.

Mme Catherine Coutelle ayant regretté que les IUFM ne forment pas à la gestion de la violence et qu’on laisse les jeunes enseignants démunis, Mme Anne Rebeyrol a rappelé que les enseignants en formation avaient comme premier souci d’apprendre à faire cours mais aussi à conduire leur classe. De fait, la formation générale et continue comporte toujours des modules de gestion des classes, que l’on retrouve dans les formations par discipline. Sans doute n’est-ce pas suffisant, mais cela existe bien !

Le ministre, Xavier Darcos a par ailleurs annoncé l’élaboration d’un « code de la paix scolaire » afin d’harmoniser les procédures existant dans les établissements. Une véritable réflexion est engagée au sein du ministère afin de stopper la violence à l’école.

L’orientation est également un domaine qui fait l’objet d’innovations au sein de l’éducation nationale, autour de l’idée d’engager dès la classe de cinquième une réflexion sur l’orientation des élèves qui sera poursuivie jusqu’à la terminale. L’implication de toute la communauté éducative dans ce mouvement suppose que les enseignants y soient formés.

L’option de découverte professionnelle, qui profite à 80 % des élèves de troisième, doit être généralisée. En terminale, le principe d’orientation active conduira à renforcer le lien entre lycées et universités, notamment grâce à des présentations de cursus et de débouchés professionnels. À l’avenir, le conseil de classe du second trimestre sera exclusivement consacré à l’orientation et chaque élève bénéficiera d’un entretien personnalisé. L’information dispensée aux parents et aux élèves sera également davantage personnalisée.

Toutes ces évolutions auront forcément des effets sur l’orientation sexuée, thème qui pourra être mis en avant dans la formation des enseignants comme lors des rencontres entre parents, professeurs et professionnels.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Anne Rebeyrol.

Audition de Mme Armelle Le Bras-Chopart, chargée de mission à l’égalité des chances femmes-hommes dans l’enseignement supérieur

Réunion du 15 avril 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que, dans l’enseignement supérieur, seulement 17 % des professeurs et 38 % des maîtres de conférence sont des femmes. Devant cet état de fait, il faut s’interroger sur les conséquences des modes de recrutement et de constitution des jurys, notamment sur la composition non paritaire des jurys de concours d’agrégation de l’enseignement supérieur en droit et en sciences économiques. Des précisions seraient également nécessaires sur les mesures applicables en matière de congé de maternité ou de délivrance par les universités de titres finançant la garde des enfants ?

D’autre part, la Délégation souhaiterait savoir si les statistiques sexuées des universités sont régulièrement tenues à jour, quelle est la répartition des étudiants filles et garçons en fonction des filières et comment les enseignements et la recherche sur l’histoire des femmes et le genre sont soutenus et promus ?

Mme Armelle Le Bras-Chopard a précisé que les jurys des concours d’agrégation de l’enseignement supérieur s’approchent de plus en plus de la parité, ne serait-ce que grâce à l’augmentation du vivier de femmes agrégées. Il reste cependant encore difficile de trouver des femmes candidates pour présider ces jurys, en particulier en droit public. Cela tient, notamment, à l’organisation même du concours, qui s’étend sur six mois durant lesquels le jury siège trois ou quatre jours par semaine, à Paris.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’étonnant de cette explication, Mme Armelle Le Bras-Chopard a précisé que cela correspond à la réalité des témoignages des agrégées de province mariées et chargées de famille.

M. Guénhaël Huet ayant observé que la présidence des jurys d’agrégation échoit généralement à des personnes d’une cinquantaine d’années, qui n’ont plus d’enfants à élever, Mme Armelle Le Bras-Chopard a indiqué que, au contraire, pour faire appel à celles-ci, le problème est encore plus aigu car elles appartiennent à des générations où les agrégées sont rares : il n’y avait que 9 % de femmes professeures d’université il y a vingt ans.

S’agissant du congé de maternité, Mme Armelle Le Bras-Chopard a indiqué que, aupararavant, faute de textes, la future mère pouvait effectuer l’ensemble de son nombre d’heures d’enseignement annuel en dehors de la durée d’absence légale précédent et suivant l’accouchement ; par exemple, avoir fait tout son service au premier semestre et accoucher au second. Désormais, le mombre d’heures est diminué au prorata du congé. Par exemple, pour 6 mois de congé, la moitié des heures d’enseignement seulement est à effectuer. Le planning doit être prévu en début d’année universitaire et avalisé par le Président de l’établissement. Si la grossesse est déclarée après la fixation du planning, le problème se résout au cas par cas.

La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) dresse des statistiques nationales sexuées par année. Chaque université a aussi été amenée à remplir un dossier d’une vingtaine de pages détaillant le taux des effectifs féminins en activité par discipline. Les résultats 2002-2003 ne sont plus disponibles sur le site du ministère. Le tableau exhaustif à l’échelle nationale présentait le mérite de permettre des comparaisons entre les quatre-vingt-huit universités. En attendant la réactualisation systématique de ces données annuelles, les chargées de mission mènent des enquêtes spécifiques dans leur université sur les doctorantes, sur la composition de chacun des trois conseils…Un travail peut aussi être accompli à partir du bilan social de chaque université.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé si chaque université était dotée d’une chargée de mission parité et si ce n’était justement pas leur rôle de tenir ces statistiques ?

Mme Armelle Le Bras-Chopard a répondu qu’il n’y a pas de chargées de mission dans toutes les universités, loin s’en faut. Pour leur mise en place deux options étaient possibles : imposer leur nomination dans chaque université – mais encore faut-il avoir suffisamment de candidats compétents et motivés – ou fonctionner sur la base du volontariat. C’est la deuxième option qui a été retenue, avec des incitations à partir des contrats quadriennaux et des conventions du FSE qui apportaient un financement européen à hauteur de 45 %. Ces conventions n’existent plus depuis 2006. Les remboursements par le FSE, n’ont pas été effectués intégralement et, à la suite de certains dysfonctionnements, le Fonds voulait même récupérer les sommes versées. Après leur suppression, quelques universités ont pérennisé la mission tandis que d’autres, faute de moyen, n’ont pas pris le relais.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est alors interrogée sur le rôle des chargés de mission. Si l’on veut obtenir des résultats, il faut identifier les missions et procéder à des évaluations.

Mme Armelle Le Bras-Chopard a précisé que les chargées de mission ont pour tâche d’affiner les statistiques et d’identifier les problèmes dans leur université, de travailler sur les filières d’orientation et de sensibiliser aux questions d’égalité filles/garçons, ceci, il est vrai, avec souvent très peu de moyens.

Des actions particulières sont menées. Par exemple, l’université de Lille a mis en place un lieu d’écoute sur le harcèlement sexuel comme le recommandait une circulaire de 2005 de la Direction de l’enseignement supérieur. Des professeures mènent des actions de sensibilisation dans l’enseignement secondaire. Les chargées de mission organisent des colloques dans leurs universités, par exemple pour lutter contre les stéréotypes. Elles organisent aussi des expositions et participent aux fêtes de la science. Le travail conduit à l’université de Dauphine a abouti à ce que la parité soit demandée pour les listes aux trois conseils…

Le fait que les femmes s’orientent moins vers les carrières scientifiques est un problème général qui se pose, non seulement en France, mais aussi dans le reste de l’Europe et du monde. Le travail de sensibilisation est essentiel pour susciter une prise de conscience et lutter contre les inégalités.

Cela peut sembler peu mais il faut avancer à petits pas, avec des moyens dérisoires.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que la question de l’égalité ne semble pas véritablement intégrée dans les actions et s’est inquiétée des résultats obtenus.

Mme Armelle Le Bras-Chopard a fait observer que les chargées de mission ne sont pas habilitées à modifier les règles des concours. Par ailleurs, il est, en réalité, difficile de définir un indicateur chiffré pour mesurer les progrès en matière d’égalité hommes-femmes. La seule certitude, c’est que le travail de sensibilisation porte ses fruits : plus personne ne ricane lorsque cette question est abordée et plus personne n’ose affirmer que l’égalité est acquise. Les mentalités ont changé et les universités prennent des initiatives.

Sur la question des chaires traitant du genre, il faut préciser que l’histoire et la sociologie ne sont pas seules concernées ; le droit et les sciences politiques aussi. Mais il n’existe pas de section du Conseil national des universités (CNU) qui soit consacrée au genre. Cela ne facilite pas la création d’une chaire car celle-ci doit se faire, dans un dpéartement donné, par un poste fléché sur le genre. La France souffre à cet égard d’un véritable handicap par rapport aux pays étrangers, qui disposent non seulement de chaires mais même de départements spécialisés. Cela pose des problèmes même pour les échanges d’étudiants Erasmus. De même, très peu de laboratoires travaillent spécifiquement sur le genre.

Mme Armelle Le Bras-Chopard a ensuite ajouté que le plafond de verre bloque également les carrières des personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service (IATOS) féminins : à l’université comme dans le secteur tertiaire, bien que les femmes soient largement majoritaires, les postes hiérarchiques sont surtout occupées par des hommes. En matière de gouvernance, c’est pareil : moins de dix femmes président des universités. Le conseil d’administration comme le conseil scientifique qui décide, entre autre, des promotions, sont généralement présidés par des hommes, tandis que le conseil de la vie étudiante est plus souvent présidé par des femmes.

M. Guénhaël Huet a exprimé la crainte les chargées de mission ne soient réduites à un rôle symbolique.

Mme Armelle Le Bras-Chopard a répondu que le rôle des chargées de mission n’est pas uniquement symbolique car il n’est pas inutile d’analyser une situation ni d’être disponible pour parler d’un sujet. L’évolution des dernières années est aussi à mettre au crédit de cette prise de conscience. Mme Armelle Le Bras-Chopard a indiqué qu’elle a été la première femme agrégée de sciences politiques et a attendu neuf ans avant qu’une seconde la rejoigne. Le retard qui caractérise cette discipline tend à se réduire. Il ne faudrait pas non plus décourager les chargées de mission parité.

Une étude relative au nombre d’enseignements et de recherches consacrés au genre dans les universités françaises, a été réalisée sur la base d’un questionnaire envoyé en 2001. Les chiffres ont forcément évolué mais pas les tendances comme le montre le rapport de l’ANEF, l’Association nationale des études féministes qui est consultable sur son site.

Les enquêtes comme celles sur le nombre de cours sur le genre, sur la répartition des sexes entre les disciplines, sur l’avancement dans la carrière… sont des préalables à l’identification des blocages. En matière de recrutement, les blocages se situent, d’abord, au niveau national dans la composition du CNU. Dans chaque section le nombre de femmes est inférieur à ce qu’elles représentent dans leur discipline, et les femmes sont peu présentes à la tête des sections: 10 présidentes de section en 2006 pour 71 sections… Les blocages existent ensuite au niveau de chaque université, dans la composition des Commissions de spécialités. Ces commission ont été supprimées par la nouvelle loi : le nouveau dispositif qui les remplace permettra-t-il une meilleure répartition entre les sexes ? Il faut rappeler que le vivier de femmes maîtres de conférences existe et qu’elles devraient être plus nombreuses à devenir professeures, ce qui est particulièrement notoire en biologie…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a tout de même déploré le peu de résultats obtenus.

Mme Armelle Le Bras-Chopard a remarqué que certaines réalités dépendent exclusivement de la réglementation. Les cours sur le genre sont très prisés, précisément parce qu’ils sont transversaux, mais celui qui veut créer un cours n’en a pas forcément la possibilité. Les chargées de mission sont surtout pour rôle de contribuer à la sensibilisation. Certains réflexes n’ont plus cours, grâce à de telles missions qui contribuent à faire évoluer la société.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Le Bras-Chopard.

Audition de Mmes Véronique Chauveau, vice-présidente de l’Association femmes et mathématiques, Suzanne Mathieu, vice-présidente de l’Association des femmes ingénieurs, Claudine Hermann et Colette Guillopé, présidente d’honneur et présidente sortante de l’Association Femmes et Sciences

Réunion du 15 avril 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que, malgré des résultats souvent excellents au baccalauréat, les filles ne s’orientent que trop peu vers les carrières scientifiques. Quelle analyse les trois associations auditionnées font-elles de ce phénomène ? Quelle est leur action pour tenter de l’inverser ?

Mme Véronique Chauveau a indiqué que les jeunes filles forment 46 % des effectifs de la filière S car c’est la filière d’excellence mais qu’il existe une différenciation au niveau des spécialités : les garçons choisissent majoritairement la physique et les jeunes filles majoritairement les sciences de la vie et de la terre.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la série S résulte de la fusion, en 1995, des séries C, D et E. Cette réforme a-t-elle été une bonne chose ?

Mme Véronique Chauveau a observé que l’objectif était de tenter de mettre fin à la suprématie de la série C. Cependant, nombreux sont ceux qui estiment que certains jeunes se seraient mieux trouvés dans l’ancienne série D que dans la filière S telle qu’elle existe actuellement. Sans qu’il soit question de revenir en arrière, il convient de réfléchir, dans le cadre d’une éventuelle réforme du lycée, aux effets pervers de la fusion : alors que cette matière continue à jouer un rôle de sélection, le nombre d’heures de mathématiques n’est plus suffisant, si bien que de nombreux élèves rencontrent des difficultés après une seconde générale qui les prépare mal à la filière scientifique. Ils doivent recourir à une aide extérieure, ce qui favorise les enfants de milieux aisés.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé comment les associations pouvaient peser sur l’action du ministère de l’éducation nationale.

Mme Véronique Chauveau a précisé que le collectif « ActionSciences » regroupe quatorze associations, parmi lesquelles Femmes et Sciences et femmes et mathématiques, mais aussi des sociétés savantes. Fort de ses cinq années d’existence, il a demandé à participer aux groupes de travail annoncés par le ministre pour réfléchir sur les filières au lycée.

Mme Colette Guillopé a regretté que les conclusions auxquelles les travaux d’« ActionSciences » ont abouti rencontrent si peu d’écho.

M. Guénhaël Huet a rappelé que la suprématie de la filière C n’était pas exempte d’ambiguïtés : de nombreux étudiants titulaires d’un baccalauréat C se sont ensuite tournés vers des études qui n’avaient rien à voir.

Mme Véronique Chauveau a estimé que la situation est encore pire aujourd’hui.

Selon Mme Claudine Hermann, les études très détaillées de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale sur le parcours des titulaires d’un baccalauréat scientifique montrent que ceux-ci s’orientent de moins en moins vers les filières scientifiques supérieures.

Mme Suzanne Mathieu a pris l’exemple d’un lycée où, sur trois classes de terminale S, seuls quatre élèves voulaient poursuivre dans la voie scientifique.

Mme Véronique Chauveau a ajouté que, si les filles sont plus nombreuses à obtenir le baccalauréat S et à décrocher des mentions, elles se dirigent ensuite plutôt vers la médecine, peu vers les écoles d’ingénieurs, deux fois moins que les garçons vers les classes préparatoires. Le poids de la société est ici considérable. Il faut dénoncer des thèses qui se réfèrent à une prétendue différence homme-femme pour expliquer les différences de choix d’orientation. Un article de Phosphore, disait aussi qu’en mathématiques, les garçons ont des éclairs de génie pour résoudre les problèmes alors qu’il faut tenir les filles par la main !

Mme Claudine Hermann s’est référée aux travaux de Françoise Vouillot : il est important, pour les adolescents, de se reconnaître dans un groupe de pairs, si bien que le choix des études scientifiques est difficile pour une fille, qui risque de se retrouver ainsi seule dans une classe. Les jeunes filles qui veulent faire ce type de choix ne sont pas assez soutenues.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est demandé pourquoi ce phénomène était moins accentué pour les générations précédentes.

Mme Colette Guillopé a insisté sur le fait que le lycée accueillait alors beaucoup moins d’élèves. En outre, les filles étaient en majorité dans des établissements non mixtes. Ce qui ne veut pas dire que nous souhaitons revenir à des classes non mixtes...

Mme Suzanne Mathieu a remarqué que la proportion de femmes ingénieurs n’est devenue significative – même si elle restait modeste – que vers 1964. Le problème prend aujourd’hui de l’acuité, parce que l’on a besoin que plus de jeunes filles se dirigent vers ces professions.

Mme Catherine Quéré s’est interrogée sur les raisons pour lesquelles les professeurs de classe préparatoire estiment que le niveau des bacheliers scientifiques a baissé.

Mme Véronique Chauveau a fait valoir que le nombre d’heures de mathématiques a été considérablement réduit.

M. Guénhaël Huet s’est demandé si, outre le poids de l’environnement social dans le choix des études scientifiques, il n’existait pas une forme d’autocensure de la part des filles.

Mme Véronique Chauveau a observé que pourtant beaucoup d’entre elles se dirigent vers les études de médecine, qui sont encore plus sélectives que les classes préparatoires. Comme l’explique bien Françoise Vouillot, c’est parce que la division du travail est sexuée que les métiers sont sexués et hiérarchisés et que l’orientation est sexuée. Après l’enseignement, c’est la médecine qui se dévalorise, et l’on y retrouve de plus en plus de femmes.

Mme Suzanne Mathieu a observé que la réaction la plus courante des jeunes filles, lorsqu’on les encourage à s’engager dans la filière S, est de dire : « Je ne suis pas assez bonne en mathématiques. »

M. Guénhaël Huet a estimé que le complexe devant les mathématiques, qui constituent le point dur de la sélection, touche aussi les garçons.

Mme Véronique Chauveau en a convenu mais a rappelé qu’à notes égales, les filles choisissent moins les filières sélectives.

Mme Claudine Hermann a souligné que l’action des associations auprès des élèves est forcément limitée. Une action d’envergure nationale est nécessaire, à commencer par la formation de tous les enseignants au genre dans les IUFM.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation a choisi ce thème de travail car le problème de départ est un problème d’éducation.

Se référant à son expérience de professeur de lettres classiques, Mme Martine Martinel a observé que les représentations des disciplines recoupent des représentations sociales. Il est fâcheux que les professeurs soient amenés à défendre leur matière comme s’il s’agissait d’un « domaine en péril ». Il faudrait éviter de donner l’image d’un certain corporatisme.

Par ailleurs, le problème de la baisse du niveau au sortir du lycée se pose également dans les classes préparatoires littéraires, où les programmes sont restés sensiblement les mêmes depuis trente ou quarante ans.

Mme Suzanne Mathieu a précisé que son association insiste beaucoup sur l’importance du français et des langues dans les études d’ingénieur.

Mme Véronique Chauveau a remarqué que l’on dit de l’enseignement des mathématiques aux filles aujourd’hui ce que l’on disait de celui du grec et du latin. « Une femme qui sait le grec, écrivait Kant, est si peu une femme qu’elle pourrait bien avoir une barbe. » La formation n’en reste pas moins un préalable indispensable. Or, c’est sur ce point que l’on n’arrive pas à faire évoluer le ministère de l’éducation nationale. On fait valoir qu’il n’y a pas place au sein des 240 heures de formation. À l’IUFM de Paris, les quelques heures annuelles consacrées aux relations entre filles et garçons sont optionnelles.

Mme Catherine Quéré a estimé que c’est l’enseignement tout entier qui devrait être vu à travers le prisme du genre, à commencer par les manuels.

Pour Mme Véronique Chauveau, l’immobilisme actuel repose sur l’illusion que les choses ont changé et continueront à évoluer naturellement.

Mme Colette Guillopé a remarqué qu’il a fallu passer par la loi pour imposer des évolutions dans les pratiques politiques. Il faudrait donc mettre en place des systèmes incitatifs très forts, comme les anciennes bourses d’IPES – institut de préparation aux enseignements du second degré.

Mme Véronique Chauveau a rapporté que les responsables rencontrés au ministère ont toujours répondu que l’idée était excellente mais trop onéreuse.

Mme Catherine Quéré s’est demandé si l’on n’assiste pas actuellement à un recul en matière d’égalité des sexes, comme si un mur se dressait entre les garçons et les filles.

Mme Véronique Chauveau a confirmé que, dans certains endroits, il existe beaucoup de tensions. Il faut malheureusement que les problèmes surgissent pour que les établissements se mettent à travailler sur la mixité. Pour le reste, le discours ambiant est que les filles réussissent mieux que les garçons, ce qui n’incite guère à prendre la question au sérieux. Quelle est, pourtant, la proportion de femmes à la tête des entreprises, dans le monde politique, etc. ?

Mme Suzanne Mathieu a ajouté que les associations n’étaient pas en mesure de mener une sensibilisation dans tous les établissements.

Mme Véronique Chauveau a pris l’exemple de l’opération « Ambassadrices pour les sciences à Paris », lancée en décembre par la mairie de Paris à laquelle seuls dix-huit lycées ont répondu.

Mme Catherine Quéré s’est demandé si des actions de ce type sont bien dans le rôle d’une municipalité.

Mmes Claudine Hermann, Suzanne Mathieu et Véronique Chauveau ont souligné la variété des initiatives, qui peuvent émaner des mairies, des rectorats, des chefs d’établissement, de professeurs. Beaucoup de communes et de communautés de communes organisent des forums des métiers, où les associations peuvent toucher un public plus large.

Cette disparité démontre, en creux, l’inaction du ministère de l’éducation nationale. La convention pour l’égalité homme-femme dans le système éducatif, signée en 2000, a été renouvelée le 29 juin 2006. Pourtant, personne au ministère n’était chargé de mettre en œuvre cette convention jusqu’en décembre 2007, date à laquelle une chargée de mission a été nommée. Elle a certes la possibilité de travailler, mais sans aucun moyen financier. Quant au pilotage de la convention, il a fallu attendre le 8 mars 2008 pour que soit nommée Mme Marie-Jeanne Philippe, rectrice de l’Académie de Besançon.

Mme Catherine Quéré a souhaité qu’un secrétaire d’État au genre soit placé auprès du ministre de l’éducation nationale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remarqué que cela ne semble pas une priorité du ministère.

Mme Martine Martinel a souligné que la refonte en cours des programmes peut être l’occasion de mettre en avant les questions relatives au genre.

Mme Véronique Chauveau a relaté que, lors d’un récent colloque sur l’égalité filles-garçons à l’école organisé à l’École supérieure de l’éducation nationale à l’intention des cadres du ministère, plusieurs intervenantes ont ironisé sur le fait que les mêmes colloques se tiennent régulièrement depuis trente ans sans que la situation change le moins du monde.

Le thème « femmes et sciences » est inscrit dans les thèmes des travaux personnels encadrés en classe de première. De même, les programmes d’éducation civique, juridique et sociale incluent la question de la place des femmes dans la société. Mais comme il s’agit de thèmes transversaux, ils sont laissés au libre choix des enseignants.

Mme Claudine Hermann a remarqué que le changement le plus significatif est peut-être le fait que les entreprises cherchent de plus en plus à embaucher des femmes et lancent des campagnes de promotion en direction des jeunes filles.

Selon Mme Suzanne Mathieu, cela s’explique par le manque actuel d’ingénieurs, mais aussi par le fait que des études ont démontré que les équipes mixtes sont plus performantes. Les entreprises savent bien que le client du xxie siècle ne sera pas seulement un homme.

Mme Claudine Hermann a soulevé la question des internats de filles pour les classes préparatoires, question qui est pendante depuis dix ans. Certains lycées parisiens ont profité de la réfection de leurs internats pour réserver des chambres aux filles. En province, en revanche, dans certaines villes aucun lycée n’offre cette possibilité.

Mme Véronique Chauveau a rapporté que les dernières places d’internat pour filles à Toulouse ont été fermées. Il ne reste plus que la solution du logement chez l’habitant ou dans un couvent.

Mme Martine Martinel a observé qu’effectivement le lycée Pierre de Fermat donne priorité aux garçons et que cela ne suscite guère de protestations. Pas un article de presse n’a abordé ce problème. Les enseignants de classe préparatoire n’ont pas l’air non plus de s’en émouvoir. Pourtant, être obligé de prendre un logement en ville est très coûteux pour les familles.

Mme Catherine Quéré a souligné la responsabilité des politiques à cet égard. Les présidents de région ont compétence pour les lycées : pourquoi ne pas mener une enquête auprès d’eux pour vérifier qu’ils sont attentifs à la question des internats de filles ?

Par ailleurs, Mme Véronique Chauveau a fait état du souhait des associations de participer au comité de pilotage de la convention pour l’égalité entre les filles et les garçons.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est proposée pour relayer cette demande. La question de l’égalité professionnelle est primordiale. La lutte contre les violences faites aux femmes est systématiquement mise en avant, mais la première façon de respecter une femme est de lui permettre d’exister en lui offrant une situation qui garantisse son indépendance.

Mme Martine Martinel a convenu que la victimisation est beaucoup plus facile que l’action. On s’apitoie, on se donne bonne conscience, mais rien n’avance. Au contraire, l’école apprend à parler, à exister, à gagner l’estime de soi, ce qui est fondamental.

Mme Claudine Hermann a évoqué la place des femmes dans l’enseignement supérieur. Si l’on prolonge les courbes retraçant le pourcentage de femmes en poste dans les facultés scientifiques de 1981 à aujourd’hui, la parité s’établira dans à peu près cent cinquante ans ! C’est dans les facultés scientifiques que la situation est la pire. Il y a lieu de se soucier de l’évolution du CNRS, où l’on s’apprête à embaucher des personnes sur des postes précaires pendant plusieurs années avant de les accepter comme fonctionnaires. Qu’en sera-t-il pour les jeunes femmes qui souhaitent avoir des enfants ? Si, dans d’autres pays européens, la mentalité qui veut que l’on choisisse entre fonder une famille et avoir un métier est fortement ancrée, il n’y a aucune raison que la France s’aligne sur cette position ! Il faudra donc être très attentif aux nouveaux textes réformant la recherche et l’enseignement supérieur.

Le précédent projet de loi sur la recherche ne comportait rien sur la place des femmes. Les associations, après avoir rencontré le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, François Goulard, et effectué un lobbying intense pendant presque deux mois ont réussi à obtenir deux amendements gouvernementaux tendant à assurer une représentation équilibrée dans les comités et prévoyant la remise d’un rapport annuel sur l’état de l’égalité professionnelle dans la recherche – ce que tous les ministères devraient faire, au demeurant.

M. Goulard a mis en place un comité pour l’égalité professionnelle mais Mme Pécresse ne l’a réuni que le 8 mars 2008. La question des congés de maternité dans l’enseignement supérieur, notamment pendant les bourses de thèses, reste entourée d’un grand flou. Mme Valérie Pécresse pour sa part chargé M. Lionel Collet, président de l’université de Lyon I, de mener une réflexion au sein de la Conférence des présidents d’université pour que la charte pour l’égalité, que son établissement a adoptée, soit étendue à d’autres universités.

Mme Claudine Hermann a souligné que les missions parité du ministère de la recherche et du CNRS ont financièrement soutenu les associations ici représentées. Dans certaines universités et certaines régions, on assiste à des avancées sur la question de l’égalité hommes-femmes dans les études ou les professions, généralement du fait de l’action de quelques personnes efficaces.

Mme Colette Guillopé a regretté l’absence de pilotage politique.

Pour Mme Claudine Hermann, la perte d’intérêt pour ces sujets se constate également dans les instances européennes, alors qu’une série d’initiatives intéressantes avaient été lancées dans les années 1998-1999.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est alarmée de l’absence d’implication des jeunes générations.

Mme Suzanne Mathieu a remarqué qu’il existe des exceptions, comme l’association « Grandes écoles au féminin ».

Mme Véronique Chauveau a déploré pour sa part que la commission Pochard, censée réfléchir à l’avenir du métier d’enseignant, métier tellement féminisé, ait été composée en majorité d’hommes. Elle a ensuite évoqué l’action des associations contre une publicité à caractère sexiste diffusée sur le site du conseil général des Yvelines. Le président du conseil général, M. Bédier, et Mme Valérie Pécresse ont répondu tout deux par une fin de non-recevoir.

Mme Colette Guillopé a souligné la puissance des médias dans la construction et la diffusion des stéréotypes sexués, et ce dès la petite enfance.

Mme Véronique Chauveau a rappelé que statistiques sexuées publiées à l’occasion des vingt ans de l’Association femmes et mathématiques mettent en évidence une dégradation en mathématiques et une situation catastrophique pour l’informatique, alors que beaucoup de femmes suivaient cette filière il y a vingt ans.

Mme Suzanne Mathieu a cité les résultats d’une enquête menée par une sociologue de l’École nationale supérieure d’arts et métiers pour savoir pourquoi les filles ne se tournent pas vers les études informatiques. Il en ressort qu’elles imaginent les informaticiens comme des hackers et qu’elles redoutent l’absence de contacts et de communication dans cette discipline, ce qui est évidemment une image erronée.

Mme Colette Guillopé a précisé que la proportion d’enfants issus de milieux modestes dans les classes préparatoires a également beaucoup diminué. Les sciences ne sont plus un facteur d’ascension sociale, alors qu’elles offraient des possibilités de réussite à des élèves n’ayant pas forcément, du fait de leur milieu social, une culture générale très étendue.

Mme Claudine Hermann a déploré l’absence d’une vision générale des flux d’étudiants, de l’entrée dans le système à la sortie. En Allemagne, par exemple, les signaux en provenance de l’industrie ont une influence sur les inscriptions.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié les intervenantes et a indiqué qu’elle allait intervenir auprès de M. Xavier Darcos pour le saisir des nombreux sujets d’inquiétude que cette audition a permis de mieux cerner.

Audition de Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l’Académie de Besançon, présidente du Comité de pilotage de la convention pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif

Réunion du 8 octobre 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a précisé que la Délégation avait souhaité entendre Mme Philippe après sa nomination à la présidence du comité de pilotage de la convention de 2006 sur l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif, fonction qui était restée vacante de mars 2005 à mars 2008.

Mme Marie-Jeanne Philippe a souligné qu’elle était ravie d’assumer, à la demande de M. Darcos, la présidence de ce Comité de pilotage, qui comprend deux représentants des huit ministères signataires de la convention ainsi que la responsable du service des droits des femmes et de l’égalité. Le Comité était en sommeil depuis quelque temps, mais dans l’intervalle chaque ministère avait, dans son champ d’intervention, continué d’œuvrer à l’application de la convention. Il fallait donc commencer par inventorier ces actions, puis définir des axes prioritaires.

C’est ce qu’a fait le Comité au cours de ses deux premières réunions. Six thèmes ont été retenus : statistiques, études, observatoires; verrous qui font que les métiers n’évoluent pas ; orientation des actions, relations avec les entreprises et orientation active ; violences ; formation des enseignants ; information, documents, prix.

J’ai demandé aux représentants des huit ministères concernés de faire des propositions d’actions assorties d’un échéancier sur trois ans, en indiquant les obstacles éventuels à leur application. Le Comité se réunira le 29 octobre pour en débattre. Une vision commune étant ainsi définie, la coordination assurée par le comité de pilotage permettra ensuite le partage des informations puis des bonnes pratiques.

J’organiserai, en février et mars 2009, des réunions interacadémiques réunissant les réseaux des ministères et les délégués aux droits des femmes, pour décliner en actions ces thèmes prioritaires en fixant un échéancier. L’objectif visé est que chacun fasse siennes ces propositions d’action et les décline. À cette fin, je souhaite que dans chaque académie des conventions régionales soient signées et que d’ici douze à dix-huit mois nous ayons réussi à convaincre les partenaires locaux de mettre en œuvre les orientations nationales.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souhaité des précisions sur les modules sur l’égalité entre les hommes et les femmes mis en place dans les IUFM pour la formation initiale des enseignants.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé que ces modules existent dans certains IUFM mais ils sont plus ou moins suivis selon les académies. Celle de Lyon est particulièrement active dans ce domaine et l’académie de Besançon va créer un module de ce type. Nous comptons saisir l’occasion de la réforme de la formation des maîtres pour demander aux universités d’inclure des modules spécifiques en phase de pré-professionnalisation.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné le principe d’autonomie des universités.

Mme Marie-Jeanne Philippe a observé qu’elle espérait parvenir à ses fins en prenant « son bâton de pèlerin ». C’est pourquoi la voie des réunions inter-académiques est privilégiée car elle sera plus efficace que la seule incitation théorique à bien faire. À ces réunions seront présents les représentants des ministères concernés, les recteurs ainsi que les directeurs d’IUFM, auxquels nous rappellerons qu’ils doivent former les futurs enseignants sur ce sujet. Nous nous appuierons sur les exemples existants pour montrer ce qu’il est possible de faire. Selon moi, c’est en allant sur le terrain que l’on fera bouger les choses.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé s’il était prévu de médiatiser ces réunions.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé qu’elle souhaitait surtout appeler l’attention sur ces initiatives à l’occasion de la Journée des femmes. La prochaine réunion du Comité de pilotage vise notamment à définir ce que nous voulons mettre en valeur le 8 mars dans chaque académie. Appeler l’attention des médias sur les réunions inter-académiques, c’est-à-dire avant que les orientations nationales ne soient déclinées localement, risquerait d’avoir peu d’impact.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a observé qu’un communiqué de presse et une photo dans la presse locale, lors de chaque réunion, montreraient l’existence de ces actions. La question de l’égalité entre les hommes et les femmes n’étant jamais abordée spontanément par les médias, qui ne la considèrent pas comme un thème majeur, toutes les occasions d’en faire parler doivent être saisies.

Mme Marie-Jeanne Philippe a partagé le constat selon lequel la médiatisation est nécessaire. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons retenu l’attribution de prix au nombre de nos axes d’action : décerner une récompense et le faire savoir, c’est l’occasion de mettre l’accent sur un parcours et d’encourager à le suivre. Et même si nous n’en sommes qu’à la définition d’une méthode, rien ne nous empêche effectivement de donner de la visibilité aux réunions inter-académiques.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a observé que tant que l’égalité des sexes ne sera pas considérée comme une évidence dès le plus jeune âge, les lois qui s’y rapportent ne seront appliquées correctement, les jeunes filles elles-mêmes ne revendiquant pas l’égalité.

Mme Marie-Jeanne Philippe a souligné la disparité des cursus. Les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons, elles sont plus nombreuses qu’eux à obtenir un baccalauréat général, et on note désormais un bon équilibre entre filles et garçons en terminale S. Malgré cela, les filles privilégient trop souvent les filières courtes, car elles ont moins confiance que les garçons en leur capacité de réussite.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué que la réforme de la formation des enseignants devait être l’occasion d’inclure un module spécifique obligatoire sur ce thème. Ainsi la prise de conscience se ferait-elle chez les enseignants eux-mêmes et l’on parviendra à faire évoluer les mentalités pour en finir avec des stéréotypes qui ont un impact négatif sur toute la vie professionnelle des femmes.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé que les plans académiques de formation devraient, en principe, permettre d’assurer cette formation dans le cadre de la formation continue mais les modules sur la parité, proposés sur le mode du volontariat, attirent peu, car les enseignants sont généralement persuadés de se comporter en classe de manière rigoureusement neutre. Ce n’est pas aussi simple, comme je l’ai constaté dans une classe d’école maternelle : l’enseignante n’avait pas vu d’anomalie à ce que tous les garçonnets se soient dirigés vers l’atelier « train électrique » et toutes les fillettes vers l’atelier « cuisine », laissant ainsi perdurer une répartition codifiée des rôles. Si l’on veut faire disparaître ces réflexes conditionnés, il faut rendre systématique la réflexion sur l’égalité des sexes dans la formation initiale des enseignants lors de la pré-professionnalisation et reprendre ce thème en formation continue.

Il faudrait inciter les universités à le faire en faisant de ce point un des critères d’évaluation lors des concours de recrutement. On pourrait par ailleurs prendre exemple sur le ministère de l’agriculture qui, dans chaque stage organisé sous son égide, met l’accent de façon transversale sur la parité, que l’on parle de l’orientation ou de l’enseignement des sciences. Il faut en finir avec les idées fausses sur l’incapacité supposée des filles à suivre avec succès des enseignements scientifiques. Ces idées reçues conditionnent les jeunes filles elles-mêmes, comme le montre une étude menée par M. Huguet et le laboratoire de psychologie cognitive de l’Université d’Aix-Marseille. Ces expériences montrent que les garçons réussissent mieux que les filles les épreuves mathématiques en situation de compétition, alors que, s’il n’y a pas d’enjeu, filles et garçons obtiennent des résultats similaires. Si l’on parvient à "déconditionner" les filles, elles réussissent aussi bien que les garçons. Il reste à en persuader l’ensemble des enseignants.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a insisté sur l’enseignement et l’évaluation de l’éducation civique qui est un support naturel de l’enseignement de l’égalité des sexes.

Mme Marie-Jeanne Philippe a observé qu’il est aussi du devoir des enseignants, en leur qualité d’adulte référent, de s’intéresser de près à l’orientation de leurs élèves, enjeu fondamental pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Il n’est pas admissible que 5 % des élèves sortent du système éducatif sans qualification et sans que l’on sache rien de ce que sera leur parcours par la suite. Puisque l’on donne plus d’autonomie aux établissements du second degré, mettons ces questions en exergue dans leurs contrats d’objectif.

D’autre part, il nous serait très utile de disposer de statistiques "sexuées", notamment sur les violences, c’est un des thèmes prioritaires retenus par le Comité de pilotage. Il faudra aussi faire évoluer la formation professionnelle et, dès le collège, garçons et filles doivent se répartir de manière équilibrée dans les ateliers de découverte professionnelle. On y vient, mais ce n’est pas encore naturel. On doit donner les mêmes outils aux filles et aux garçons. Recteurs, proviseurs, contrats d’objectif : ce sont là autant de leviers à actionner pour mettre la parité en œuvre.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué que s’il s’agit du discours qui sera tenu lors des réunions inter-académiques, il fallait qu’il soit médiatisé !

Mme Marie-Jeanne Philippe a observé qu’il serait peut-être préférable que les académies s’approprient ces idées et se chargent ensuite de faire connaître elles-mêmes aux médias les initiatives qu’elles prennent pour les appliquer.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné qu’il était important que la presse prenne conscience dès maintenant de notre volonté de faire évoluer la situation. Cela donnera un espoir aux femmes qui travaillent et qui peinent à avoir la place qui devrait être la leur dans les entreprises qui les emploient.

Mme Marie-Jeanne Philippe a dressé le constat d’une certaine frilosité de certains employeurs. On ne peut, non plus, ignorer le poids des conventions sociales qui sont intériorisées. Si les jeunes filles choisissent de présenter le concours de professeur des écoles plutôt que de tenter le Capes ou l’agrégation, c’est en partie parce que les professeurs des écoles demeurent dans l’académie qui les a recrutés alors que la réussite au Capes ou à l’agrégation implique d’accepter la mobilité. Il en résulte que les IUFM sont très féminisées. À cela s’ajoute une sorte de réflexe conditionné qui pousse à admettre qu’un jeune homme peut prendre des risques professionnels tandis que la jeune femme assurera le quotidien, ayant pour cela choisi une carrière plus sédentaire, dans la fonction publique si possible. Ce manque d’ambition est gênant. Il faut parvenir à modifier la perception des métiers par les jeunes filles, mais cela prendra du temps.

Les thèmes d’actions prioritaires que nous avons retenus devraient nous permettre de progresser. Outre que les statistiques sont à préciser dans chaque ministère concerné, nous souhaitons déterminer quels verrous faire sauter. Nous solliciterons donc des sociologues pour mieux comprendre pourquoi les jeunes filles choisissent telles études plutôt que telles autres, pourquoi elles arrêtent plus souvent que les garçons leurs études à la licence sans aller jusqu’à la maîtrise alors que leurs résultats sont meilleurs que ceux des garçons… Tous les critères seront étudiés.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué que la validation des acquis de l’expérience, qui profite à 70 % à des femmes, paraissait prometteuse, mais y parvenir tient véritablement du parcours du combattant. Le dispositif n’est donc pas utilisé autant qu’il pourrait l’être.

Mme Marie-Jeanne Philippe a remarqué que la validation pré-bac ou BTS est devenue plus systématique. Des progrès sont certainement possibles, mais le processus est complexe car la validation doit être faite sérieusement.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé s’il était envisageable que des associations de femmes scientifiques participent aux travaux du Comité de pilotage comme elles le demandent.

Mme Marie-Jeanne Philippe a répondu que conformément aux dispositions de la convention, le Comité de pilotage est composé des seuls représentants des ministères signataires. En revanche, lors des réunions inter-académiques, tous les réseaux seront sollicités. Si les choses ont peu progressé au cours des trois dernières années, c’est que chaque ministère agissait seul. La réactivation du Comité de pilotage permettra l’échange de bonnes pratiques et leur diffusion – comme celle, par exemple, de "la technique du paravent" adoptée par le ministère de la culture et qui a porté ses fruits partout en Europe. C’est elle qui a permis, en masquant les musiciens auditionnés derrière un paravent, que les orchestres recrutent enfin des femmes…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné que beaucoup est fait mais de manière éparse ; il s’agit souvent de "micro-actions" peu visibles, fruit d’initiatives individuelles qui ne sont pas reprises au niveau national. Il en résulte une regrettable déperdition d’énergie.

Mme Marie-Jeanne Philippe a indiqué que c’est la raison pour laquelle nous avons retenu l’information au nombre de nos priorités stratégiques. Le recensement de toutes les initiatives engagées et l’échange d’informations qui en résultera permettront de s’assurer que chaque ministère en est au même point, et en mesure de décliner activement les sept orientations nationales, car nous ne saurions en rester aux déclarations d’intentions.

L’égalité entre les hommes et les femmes dans le système éducatif est, pour M. Xavier Darcos, une véritable préoccupation. Elle l’est aussi pour Mme Valérie Pécresse, qui a évoqué le sujet plusieurs fois et donné des directives précises à ses services. Il peut y avoir là un levier permettant que les jeunes filles poursuivent leurs études plus avant, et qu’elles soient plus nombreuses à choisir l’enseignement supérieur scientifique.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a remercié Mme Philippe pour sa détermination et sa volonté d’avancer.

Audition de M. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale


Réunion du 19 novembre 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d’avoir accepté l’invitation de la Délégation aux droits des femmes.

La Délégation a consacré une grande part de ses travaux récents à la question de l’égalité des filles et des garçons dans le système éducatif. Comment promouvoir la sensibilisation à l’égalité entre les hommes et les femmes dans les programmes ? Comment intégrer ce thème dans la formation des enseignants ? Même si cette problématique peut apparaître comme secondaire à ces derniers, elle est bien réelle et elle est reçue comme telle par la société et par le Gouvernement, qui essaie, dans la mesure du possible, de légiférer.

Je suis heureuse d’accueillir à vos côtés Mme Marie-Jeanne Philippe, rectrice de l’Académie de Besançon, qui a été nommée en mars dernier à la présidence du comité de pilotage de la convention de 2006 sur l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif.

M. Xavier Darcos : Il va de soi que l’égalité entre les hommes et les femmes est une préoccupation du ministère de l’éducation nationale, ne serait-ce qu’en raison de l’extrême féminisation du corps enseignant. Les femmes qui enseignent ont une forte conscience des questions relatives à l’égalité entre les sexes et elles s’attachent à combattre toute forme de sexisme et de discrimination.

À l’occasion de la journée internationale de la femme, en mars dernier, nous avons installé le comité de pilotage de la convention de 2006, qui est présidé par Mme Marie-Jeanne Philippe. Simultanément, nous avons diffusé une brochure intitulée « Filles et garçons à l’école sur le chemin de l’égalité », où nous décrivons de façon chiffrée les disparités entre filles et garçons en matière de réussite scolaire, d’orientation, mais aussi de perception de soi-même au sein du système éducatif.

Le comité de pilotage s’est réuni trois fois et les premières réunions inter-académiques ont été lancées. Le comité a défini plusieurs axes de réflexion : production de données statistiques, identification des verrous, amélioration et diversification des choix d’orientation, formation et information sur les violences à caractère sexiste, formation à l’égalité des sexes dans les organismes de formation initiale des enseignants, valorisation des concours comme moyen de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons – sachant toutefois que l’éducation nationale recrute presque 80 % de femmes dans le premier degré !

Cette question est sensible. En effet, alors que dans le second degré, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons, paradoxalement, on ne les retrouve pas dans les filières d’excellence à l’exception des filières littéraires. En mathématiques supérieures et en mathématiques spéciales, elles sont très minoritaires alors qu’elles sont au moins aussi nombreuses que les garçons à obtenir le baccalauréat S.

Il faut donc promouvoir l’orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques et technologiques. C’est d’ailleurs une des préoccupations que l’Académie des sciences a exprimées à l’occasion des journées de la Fête de la science.

Les choix discriminants se manifestent au moment des paliers d’orientation. Dans l’enseignement professionnel, les jeunes filles se limitent toujours à des secteurs qui leur sont « propres », comme le CAP petite enfance. Plus généralement, elles choisissent davantage les formations courtes, elles privilégient les options générales par rapport aux options technologiques et elles sont plus nombreuses à se diriger vers les sections ES et L que vers les sections S ou STI. Il y a là une forme d’autocensure sans rapport avec leurs compétences scolaires.

Pour contrecarrer cette tendance, le ministère incite les filles qui choisissent au collège l’option « découverte professionnelle » à se diriger vers des domaines que, spontanément, elles ne choisiraient pas. Nous proposons dès cette année des banques de stages dans trois académies (et la formule sera généralisée à la rentrée de 2009) afin de promouvoir la diversification.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela a-t-il un caractère obligatoire ou incitatif ?

M. le ministre : Dès lors que l’on considère, par exemple, qu’une classe doit découvrir le monde du BTP, les filles sont incluses. En d’autres termes, il s’agit de prévenir l’évitement d’options professionnelles possibles. De même, nous nous efforçons de mettre en valeur des exemples atypiques : le garçon infirmier ou professeur d’école maternelle, la fille pilote de chasse, etc. Au demeurant, c’est d’ores et déjà une réalité. Dans les lycées professionnels, on rencontre des jeunes filles qui ont opté pour des filières où on ne les attendait pas : tailleur de pierres, par exemple.

Nous espérons aussi que les internats d’excellence favoriseront l’ambition des jeunes filles issues des milieux les plus défavorisés – notamment celles issues de l’immigration maghrébine, qui généralement travaillent très bien mais sont souvent confrontées à une censure masculine oppressante.

L’orientation vers le supérieur doit mieux s’équilibrer entre les différentes filières. Enfin, la mesure destinée à ouvrir l’accès des classes préparatoires à 5 % des élèves méritants de chaque lycée doit jouer à plein en faveur des filles.

La réforme du lycée devrait renforcer les dispositifs que j’ai décrits. Le fait de pouvoir se réorienter au milieu de l’année de seconde, grâce à la semestrialisation, ouvre un plus grand éventail de choix. Jusqu’à présent, les filles optent presque systématiquement pour la seconde langue vivante, assez rarement pour des enseignements à caractère technologique. En outre, les trois heures d’accompagnement personnalisé permettront de lutter contre les représentations sexuées, dans le prolongement de ce que comportent déjà les programmes en matière d’éducation civique, juridique et sociale.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) nous ayant alerté sur ce sujet, je m’arrêterai sur la question des programmes et des manuels scolaires. Le socle commun de connaissances et de compétences comprend une série de thématiques relatives au respect des sexes, au refus des préjugés, à la lutte contre les stéréotypes. Dans les nouveaux programmes du primaire, l’éducation civique et morale traite du respect de l’intégrité des personnes, de la lutte contre les discriminations, de la notion d’égalité – donc de l’égalité sexuelle. Pouvoir appliquer les principes de l’égalité filles-garçons est une des compétences attendues et évaluées en fin de CM2.

Au collège, la question de l’égalité des hommes et des femmes fait évidemment partie des programmes d’éducation civique. Les programmes d’histoire évoquent également l’histoire des droits de la femme, de l’acquisition des droits politiques et du droit de vote, etc. C’est un sujet qui n’est jamais totalement absent des enseignements. Un groupe d’experts travaille actuellement à l’élaboration de programmes adaptés à la nouvelle seconde. Mettre en exergue la place des femmes dans l’histoire fait partie de la commande.

L’étude de la HALDE ayant dénoncé la persistance de stéréotypes dans les manuels, j’ai directement abordé la question avec M. Louis Schweitzer. J’ai fait valoir que, bien souvent, les manuels ne font que refléter les tendances sociales. Les professeurs qui les rédigent n’ont certainement aucune intention de faire œuvre de discrimination à l’égard des femmes. Au surplus, les maisons d’édition sont indépendantes. Il faut donc rechercher la responsabilité plus dans la société que dans les livres, qui n’en sont en l’occurrence qu’un reflet.

Même si ce sont les éditeurs et les auteurs qui sont concernés au premier chef, je renforcerai encore la circulaire très ferme que j’ai prise à la rentrée en matière de lutte contre les discriminations. C’est pour moi une conviction à la fois privée et publique. La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre l’homophobie et contre toutes les formes de discrimination doivent être toujours présentes à l’esprit des éducateurs. Les mauvais comportements sont prompts à revenir. Le ministère diffuse dans les lycées et collèges des films qu’il a réalisés sur ces sujets. Puisque la HALDE a relevé certaines défaillances dans les manuels, nous serons encore plus explicites sur ces questions dans la circulaire de rentrée 2009, avec l’aide du comité de pilotage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Quelle est l’action menée au niveau de la formation des maîtres ? Les inégalités que l’on constate dans la vie quotidienne et dans le monde professionnel proviennent pour une part d’une défaillance dans la formation des enseignants. On parle beaucoup d’égalité des chances et de la diversité mais, mêler ces questions comporte le risque de s’exposer à un manque de rigueur dans le traitement de la question spécifique de l’égalité hommes-femmes.

M. le ministre : Les universités et les IUFM organisent les formations en référence aux programmes. Le cahier des charges de la formation des maîtres, réalisé en 2006, précise que favoriser l’égalité entre les sexes fait partie des vocations de l’enseignant : « Le maître met en valeur les valeurs de la mixité, qu’il s’agisse du respect mutuel ou de l’égalité entre tous les élèves. » La connaissance du système éducatif en matière de lutte contre les discriminations sexistes fait partie du programme et sera évaluée lors de l’entretien professionnel avec le jury. Nous avons également intégré cette notion dans la formation continue.

Lors des réunions inter-académiques qui vont se tenir sous l’égide de Mme Philippe, les responsables de l’élaboration des plans de formation seront associés.

Mme Catherine Coutelle : Ce matin, lors de son audition par la commission des affaires économiques, M. Claude Allègre a indiqué qu’il avait constaté une désaffection pour les études scientifiques dans l’ensemble des pays européens. Globalement, les jeunes – et pas seulement les filles – ne vont pas vers les sciences. Quelle est votre analyse de ce phénomène ?

En matière d’orientation, l’égalité hommes-femmes ne fait guère de progrès. Qu’il s’agisse des salaires, des responsabilités, des métiers, on a beaucoup de mal à desserrer les freins qui existent. Un véritable département ministériel consacré aux droits des femmes serait nécessaire. Ce n’est pas seulement une question de symbole, même si Mme Valérie Létard fait valoir que la réflexion menée est transversale.

Beaucoup de choses sont à modifier dans l’orientation des jeunes filles. La méconnaissance des filières et le poids de la famille demeurent. Comment modifier ces stéréotypes ? Les manuels comme les livres pour enfants véhiculent l’image de la mère au foyer et du père au travail. Or, par le biais des programmes, le ministère de l’éducation nationale est prescripteur et les éditeurs sont très sensibles aux orientations qu’il leur donne.

Enfin, on peut regretter que la recherche en matière d’histoire des femmes soit encore peu développée en France. Lorsque, à une certaine période, on a voulu recentrer les programmes sur cette histoire, les enseignants se sont trouvés démunis tant les documents et les références faisaient défaut.

M. le ministre : La désaffection dont souffrent les carrières scientifiques est en effet un phénomène général. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer.

Premièrement, la science semble être plus loin de nous – et donc plus loin de la culture scolaire – qu’elle ne l’était naguère. Il est plus difficile, pour un jeune enfant, de se projeter dans les métiers de l’astrophysique, de l’informatique ou de la médecine.

Deuxièmement, nous avons sans doute trop insisté auprès des jeunes publics sur les dangers de la science et sur les conséquences des progrès scientifiques sur l’environnement, les comportements, etc. La grande sensibilité des enseignants aux sujets environnementaux peut contribuer à accroître la défiance vis-à-vis des effets de la science.

Troisièmement, 45 % des élèves de terminale sont en ES, où l’on ne forme pas spécifiquement des scientifiques. Lorsque j’ai commencé ma carrière de professeur de khâgne, mes élèves étaient en grande majorité issus de terminales littéraires ; à la fin, dans ma classe du lycée Louis-le-Grand, les quatre-cinquièmes des élèves venaient de S. Il y a là un phénomène de fond qui nuit à la formation scientifique et à son utilité, et qui est à moyen terme un signe de déclin. À quoi cela sert-il de s’inscrire dans le processus de Lisbonne, qui mise sur l’intelligence, si nous n’arrivons à remplir les amphis qu’avec des formations générales ? Les think tanks étrangers observent d’ailleurs que la pénurie d’ingénieurs à l’horizon 2030 pourrait marquer le déclin de la France. C’est un problème dont il faut se saisir dès à présent.

À titre personnel, je serais assez d’accord avec vous pour considérer que lui consacrer un département ministériel à part entière, donnerait une plus grande visibilité à l’action en faveur des femmes. Il faut de temps en temps donner des coups de boutoir. Lorsque j’étais sénateur, j’ai voté en faveur de la parité : on ne peut attendre simplement que les choses arrivent. Dans le même ordre d’idées, j’ai pris des mesures fermes contre l’homophobie.

M. Jean-Luc Pérat : Les intentions de formation que manifeste le ministère s’adressent seulement aux futurs enseignants. Je suis convaincu que le destin des élèves se joue au collège et au lycée. Il serait à cet égard intéressant que les professeurs principaux bénéficient d’une formation complémentaire pour accompagner et orienter les jeunes filles. Les centres d’orientation et d’information (CIO) ont aussi leur rôle à jouer.

La délégation considère par ailleurs qu’il faut mettre en valeur les femmes nommées à des postes clés. C’est un moyen de donner de l’ambition à des jeunes filles qui sont parfois cantonnées dans certains circuits de formation.

Il serait enfin souhaitable de prolonger au-delà du collège le dispositif de découverte des métiers.

M. le ministre : Je suis d’accord avec ces propositions. Il serait opportun d’encourager plus encore la formation des professeurs principaux

Cela dit, le travail d’orientation ne suffira pas si l’on ne change pas aussi les enseignements. Naguère, par exemple, l’enseignement d’histoire consacré au Moyen Âge portait principalement sur le seigneur, les chevaliers, les vassaux, etc. Aujourd'hui, les programmes intègrent l’approche de l’univers féodal à travers la vie quotidienne des hommes et des femmes, la répartition des tâches, tout en insistant sur les figures historiques et littéraires de femmes. Il en va de même pour l’étude de la Révolution et de l’Empire, où nous mettons en valeur des personnalités comme celle d’Olympe de Gouges. Ce changement de regard facilitera la tâche du professeur principal ou du conseiller d’orientation.

L’autre voie est bien entendu l’ouverture de milieux professionnels au sujet lesquels les filles ont fréquemment des préjugés, ainsi qu’une meilleure connaissance des lycées professionnels, qui offrent généralement un environnement et des formations de grande qualité.

Nous avons passé des conventions avec de nombreuses entreprises et organisations professionnelles (PSA, Accor, l’association « Jeunesse et entreprise » d’Yvon Gattaz, le MEDEF, la CGPME dans le cadre de l’opération « 100 000 entrepreneurs », etc.). À chaque fois, l’égalité d’accès des filles et des garçons à tous les métiers est mentionnée. L’ONISEP diffuse des brochures à ce sujet.

Je ne sais si mon ministère fait assez en la matière, mais je considère qu’il fait beaucoup !

Mme Catherine Coutelle : Je regrette que seules sept académies sur vingt-neuf aient signé la convention interministérielle.

M. le ministre : Les autres suivront…

Mme Catherine Coutelle : Par ailleurs, j’ai entendu parler de « compagnonnage » à propos de la réforme de la formation des maîtres.

M. le ministre : Il s’agit de la première année.

Mme Catherine Coutelle : Mais, si j’ai bien compris, les jeunes instituteurs auront la responsabilité d’une classe dès la seconde année, sous la supervision d’un tuteur, alors qu’actuellement cette seconde année est consacrée à une formation professionnelle mi-théorique mi-pratique au sein des centres pédagogiques régionaux (CPR).Or, tout dépend du tuteur ! Je crains que ne s’instaure une forme de reproduction : le tuteur n’apprendra au jeune enseignant que ce qu’il sait faire.

M. le ministre : Il y aura plusieurs tuteurs.

Mme Catherine Coutelle : Toujours est-il qu’il est nécessaire d’ajouter à ce dispositif une recherche pédagogique qui encourage la nouveauté. Cela suppose que les tuteurs soient recrutés autrement que sur la base du volontariat – ou parce que personne d’autre ne veut accomplir cette tâche, ce qui est malheureusement fréquent.

M. le ministre : Il faut faire confiance à notre encadrement pédagogique, qui est très dynamique et très engagé dans la recherche. Du reste, la dernière partie de la formation initiale, en master 2, comprendra à la fois des stages pratiques et une réflexion théorique sur la pédagogie. La formation est loin de se résumer au tutorat et les tuteurs eux-mêmes seront formés comme cela existe déjà.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Monsieur le ministre, je vous remercie.

ANNEXE

Convention pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes,
dans le système éducatif

29 juin 2006

Le ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement,
Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Le ministère de la justice,
Le ministère des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer,
Le ministère de l’agriculture et de la pêche,
Le ministère de la culture et de la communication,
Le ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité,
Le ministère délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche

Aujourd’hui, les femmes poursuivent des scolarités jusqu’au plus haut niveau de formation ; elles représentent près de la moitié de la population active et accèdent à des métiers et à des niveaux hiérarchiques longtemps réservés aux hommes.

Toutefois, force est de constater la persistance de difficultés rencontrées par les femmes dans leur trajectoire professionnelle ; elles sont plus souvent que les hommes confrontées au chômage, aux emplois précaires, au temps partiel contraint, et souvent moins bien rémunérées. En outre, l’emploi des femmes se caractérise par une concentration dans le secteur tertiaire, ainsi que par une large sous-représentation aux postes de direction.

Ces disparités s’expliquent notamment par des différences sexuées dans les profils de formation initiale, marqués par une sous-représentation des jeunes filles dans les filières scientifiques et technologiques porteuses d’emplois.

En 1984 et 1989, des conventions bilatérales ont été signées entre les ministères chargés de l’éducation nationale et des droits des femmes visant essentiellement à favoriser la diversification des choix professionnels des jeunes filles.

Une démarche interministérielle plus ambitieuse a ensuite été entreprise dans le cadre de la convention du 25 février 2000, afin de travailler également à la modification des stéréotypes de sexe qui influent sur les choix d’orientation et à la promotion d’une éducation fondée sur le respect mutuel.

La convention interministérielle de 2000, qui vient aujourd’hui à terme, a permis d’encadrer et de pérenniser l’action menée en faveur de l’égalité entre les sexes dans le système édu catif. Ainsi, la structuration des groupes interministériels locaux qui s’en est suivie, a conduit à la mise en place de nombreuses actions, dont les réunions nationales d’échanges de pratiques ont démontré la richesse et l’originalité. Les progrès accomplis, avec, à titre exemple, une augmentation de 9 points de la part des femmes parmi les diplômés d’écoles d’ingénieurs entre 1985 et 2003, passant de 15,7 % à 24,7 %, témoignent de la nécessité de poursuivre ces efforts.

Par la présente convention, les parties signataires s’engagent à renforcer l’action interministérielle pour la promotion de l’égalité entre les sexes dans le système éducatif.

Réaffirmant les principes de mixité et d’égalité entre les sexes comme fondateurs du système éducatif, conformément à l’article L. 121-1 du code de l’éducation tel que modifié par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 ;

Réaffirmant également la volonté d’une action menée dès les classes de maternelle jusque dans celles de l’enseignement supérieur et de la recherche, engageant l’ensemble des acteurs et actrices du système éducatif ;

Réaffirmant, en outre, la nécessité de combiner la mise en œuvre d’une approche intégrée de l’égalité, se traduisant par la prise en compte de la dimension sexuée dans l’ensemble de la démarche éducative, avec la mise en place de mesures spécifiques en direction des filles ;

Les Parties conviennent ce qui suit :

1 - Améliorer l’orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l’emploi

Les filles réussissent mieux que les garçons sur le plan scolaire, en termes de durée moyenne des études, de niveau moyen de diplômes, de taux de réussite aux examens. Malgré cela, elles demeurent encore peu présentes dans les filières les plus prestigieuses et les plus porteuses d’emplois. Dans l’enseignement supérieur, les filles sont ainsi sur-représentées dans les filières littéraires, les filières professionnelles des services, les IUFM et les écoles paramédicales et sociales. Les garçons le sont dans les filières scientifiques et industrielles, notamment dans les IUT et les écoles d’ingénieurs.

Ainsi, il s’agit de permettre aux filles et aux garçons de sortir de tout déterminisme sexué de l’orientation, pour laquelle les aspirations et les compétences doivent prévaloir. Cet objectif implique un travail en direction des jeunes, élèves et étudiants, mais également des parents et de l’ensemble de la communauté éducative, ainsi qu’avec les branches professionnelles, afin que l’information délivrée sur les filières de formation et les métiers encourage filles et garçons à suivre de nouveaux parcours.

En ce sens, les Parties s’engagent à :

1.1 Renforcer la visibilité des parcours d’études des filles et des garçons et de leur insertion professionnelle

- Accroître les données statistiques sur la répartition sexuée dans les différentes filières d’enseignement et de recherche et en assurer une diffusion élargie ;

- Collecter et diffuser les données relatives à l’insertion professionnelle des filles et des garçons par établissement et par diplôme ;

- Mener des enquêtes qualitatives permettant d’identifier les leviers et les obstacles concernant la diversification des choix d’orientation des filles et des garçons ;

- Intégrer dans les rapports annuels des établissements d’enseignement et de recherche, une analyse de l’orientation comparée des filles et des garçons identifiant les mesures mises en œuvre pour assurer, le cas échéant, un rééquilibrage.

1.2 Veiller à inclure une dimension sexuée dans l’information délivrée sur les métiers et les filières de formation

- Intégrer la problématique de l’égalité entre les sexes dans les documents d’aide à l’orientation, notamment ceux produits par l’ONISEP, et au sein du portail gouvernemental de l’orientation ;

- Veiller à écarter tout stéréotype lié au sexe dans les brochures de présentation des établissements d’enseignement et de recherche relevant du champ de compétence des Parties signataires ;

- Développer l’usage de la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres ;

- Mettre en place des outils de sensibilisation auprès des acteurs et actrices de l’orientation afin de faire évoluer leurs représentations socioculturelles des divers métiers ;

- Renforcer la prise en compte de l’égalité entre les sexes dans les conventions de coopération avec les branches professionnelles, conformément à l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 sur la mixité et l’égalité professionnelle.

1.3 Promouvoir auprès des filles, les filières et les métiers des domaines scientifiques et technologiques porteurs d’emplois

- Développer des actions et des outils de communication (plaquettes, cédéroms, colloques, expositions, journées portes ouvertes...) à destination des filles, notamment dans le cadre de la Fête de la science ;

- Renforcer l’information sur les aides encourageant l’orientation des filles vers ces filières et métiers, tel que le Prix de la vocation scientifique et technique ou le Prix Irène Joliot-Curie, et valoriser le parcours des lauréates ;

- Mettre en place des actions de coopération avec le monde professionnel, sous forme notamment de stages, de tutorats, de journées portes ouvertes, afin de développer et valoriser la place et le rôle des femmes dans les secteurs scientifiques et techniques ;

- Poursuivre le travail de promotion des filières et des métiers liés aux technologies de l’information et de la communication ;

- Définir au niveau local, en lien avec les régions, les objectifs de progression de la part des filles dans les filières de l’apprentissage ainsi que les mesures associées.

2 - Assurer auprès des jeunes une éducation à l’égalité entre les sexes

L’action menée en matière d’orientation ne peut porter ses fruits que si d’autres leviers sont activés en amont. Développer la réflexion des jeunes, tout au long de leur scolarité, sur la place des femmes et des hommes dans la société, constitue une condition essentielle pour amener, filles et garçons, à élargir leurs horizons professionnels.

Au-delà, cette réflexion vise à transmettre une culture de l’égalité à celles et ceux qui construiront la société de demain. Il s’agit de promouvoir dans le cadre du système éducatif, l’égalité entre les sexes, et ainsi de faire évoluer la société dans son ensemble. Cet apprentissage de l’égalité, basé sur le respect de l’autre sexe, implique notamment la mise en œuvre d’actions de prévention des comportements et violences sexistes.

En ce sens, les Parties s’engagent à :

2.1 Intégrer dans les enseignements dispensés, la thématique de la place des femmes et des hommes dans la société

- Développer la thématique de l’égalité entre les sexes dans les divers enseignements ;

- Valoriser le rôle des femmes dans les enseignements dispensés ;

- Inciter les professionnels de l’édition à renforcer la place des femmes dans les manuels scolaires et écarter tout stéréotype sexiste de ces supports pédagogiques ;

- Mettre en place des actions de sensibilisation aux stéréotypes sexistes véhiculés dans les médias ;

- Développer dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche les études et recherches sur le genre.

2.2 Prévenir et combattre les violences sexistes

- Développer le recensement des violences subies par les filles dans l’ensemble des établissements ;

- Inscrire dans les règlements intérieurs des établissements, l’interdiction de tout comportement sexiste ;

- Développer, dès le plus jeune âge, des outils de promotion du respect mutuel entre les sexes ;

- Généraliser les séances d’éducation à la sexualité, en développant, parallèlement à l’information sur la connaissance du corps humain et sur la contraception, notamment d’urgence, la question du respect mutuel entre les sexes et la prévention des violences à caractère sexiste ou sexuel ;

- Assurer une information sur les violences spécifiques subies par les filles issues de l’immigration, tels que les mariages forcés et les mutilations sexuelles ;

- Renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel ;

- Lutter contre toute forme de bizutage ritualisé ou permanent à caractère sexiste ou sexuel.

3 - Intégrer l’égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et actrices du système éducatif

Les différents objectifs de la présente convention impliquent une formation à l’égalité des membres du système éducatif, tout autant pour la mise en œuvre d’une éducation à l’égalité que pour une meilleure prise en compte de la mixité dans l’exercice quotidien de leur métier.

Favoriser l’égalité entre les sexes doit ainsi constituer un objectif transversal de l’action éducative, aussi bien à titre individuel qu’à titre collectif dans le cadre des projets d’établissements.

En ce sens, les Parties s’engagent à :

3.1 Former l’ensemble des acteurs et actrices du système éducatif à l’égalité
- Réaliser un support adapté de formation à l’égalité, à destination des centres de formation des enseignants ;

- Développer la formation de formateurs à l’égalité ;

- Généraliser la formation à l’égalité des membres du système éducatif dans le cadre de leur formation initiale et continue ;

- Diffuser auprès des acteurs et actrices des guides d’accompagnement pédagogique axés sur l’égalité et la prévention des violences.

3.2 Intégrer l’égalité entre les filles et les garçons dans les projets des établissements d’enseignement

- Prendre en compte la dimension sexuée dans les projets académiques, les projets d’établissements d’enseignement secondaire et supérieur et de recherche, ainsi que les contrats quadriennaux des établissements universitaires ; introduire en ce sens des objectifs dans les domaines tels que la vie scolaire et étudiante, l’orientation, la santé, la citoyenneté ou des droits de la personne ;

- Nommer au sein des établissements d’enseignement, des correspondant(e)s égalité en charge de la coordination des actions en matière d’égalité entre les sexes dans leur établissement respectif ;

- Favoriser la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les différents conseils d’établissement et dans les structures de représentation lycéenne ou étudiante ;

- Promouvoir le label égalité, créé par le ministère en charge de la Parité, auprès des établissements d’enseignement et de recherche afin d’encourager et de valoriser leur démarche de promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la gestion du personnel.

4 - Mise en œuvre de la convention

La mise en œuvre de cette convention est assurée par un Comité national de pilotage interministériel. Le comité est composé d’au moins deux représentants de chaque ministère signataire. La présidence est assurée par un(e) représentant(e) du ministère en charge de l’éducation nationale et la vice-présidence est confiée à la chef du service des droits des femmes et de l’égalité.

Le comité national s’appuie localement sur des groupes interministériels composés notamment des représentant(e)s du réseau des chargé(e)s de missions académiques à l’égalité entre les filles et les garçons, du réseau des chargé(e)s de mission universitaires et du réseau parité dans les organismes de recherche du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, du réseau des droits des femmes et de l’égalité (délégations régionales et missions départementales) du ministère chargé de la parité, du réseau des correspondant(e)s égalité du ministère chargé de l’agriculture, et des ministères en charge de l’emploi, de la justice, de l’équipement et de la culture.

Les groupes interministériels sont invités à décliner localement la présente convention de façon à formaliser les relations entre les partenaires, à se donner des objectifs prioritaires au regard de la situation locale et à procéder à une évaluation régulière des actions menées.

Au niveau national et régional, des fonds structurels européens peuvent être mobilisés pour financer les actions engagées pour la promotion de l’égalité dans le système éducatif.

Enfin, une évaluation de l’action de chaque ministère ainsi qu’un bilan de l’activité interministérielle seront établis à mi-parcours, soit avant la fin de l’année 2008.

5 - Durée de la convention

La présente convention est signée pour une durée de cinq années et pourra être prorogée par voie d’avenant.

DEUXIÈME PARTIE :

L’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION DE JUILLET 2007 À NOVEMBRE 2008

I. LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES ET DE CONTRÔLE DE LA DÉLÉGATION

En plus du thème de travail annuel retenu par pour la période 2007- 2008, la Délégation a examiné plusieurs sujets en liaison avec la procédure législative ou l’actualité.

A. L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

1. Le suivi des lois sur l’égalité professionnelle et les recommandations de la Délégation

Dans la perspective de la tenue, sous l’égide du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, à l’automne 2007, d’une conférence tripartite sur l’égalité professionnelle, la Délégation a souhaité faire le point de cette question dès le mois de juillet 2007.

Ont été entendus (liste des personnes auditionnées en annexe) :

– les principaux représentants des partenaires sociaux ;

– des représentants de la Fédération des entreprises de propreté, des services à la personne et des particuliers employeurs ;

– Mme Dominique Méda du centre d’études pour l’emploi.

a) La persistance des écarts salariaux entre les hommes et les femmes

À l’issue de ses travaux, la Délégation a constaté que malgré un arsenal législatif qui fournit des outils nécessaires à la poursuite de l’objectif d’égalité professionnelle entre les hommes et femmes, les inégalités professionnelles et salariales ne se réduisent pas.

En 2006, la rémunération brute totale des femmes est en moyenne inférieure de 27 % à celle des hommes24. Entre les seuls salariés à temps complet, cet écart est encore de 15,5 %. Il résulte pour partie des effets de structure inhérents à la répartition différenciée des hommes et des femmes dans l’emploi : les femmes sont moins souvent cadres que les hommes, elles occupent moins souvent des postes qualifiés ou avec des responsabilité d’encadrement, elles ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d’activité. Cependant ces différences n’expliquent qu’un peu plus du tiers de l’écart salarial entre les hommes et les femmes.

Surtout, la récente étude de la DARES montre que l’écart salarial entre les hommes et les femmes se situe pratiquement au même niveau qu’il y a quatre ans ; il aurait même légèrement augmenté par rapport à 2002, où il était évalué à 15 %. Aucune amélioration notable n’est donc constatée.

Rémunérations moyennes et écart salarial entre les hommes
et les femmes en 2006

 

Moyenne (en euros)

Écart en %

 

Hommes

Femmes

 

Ensemble des salariés

Rémunération brute

30 475

22 277

26,9

Rémunération brute - salariés à temps complet

31 401

25 371

19,2

Salariés dont la durée du travail n'est pas décomptée en heures

Rémunération brute

58 417

47 605

19,0

Salariés dont la durée du travail est décomptée en heures

Rémunération brute

27 573

21 222

23,0

Salaire horaire brut

16,4

13,9

15,5

Salaire horaire brut de base

13,6

11,8

13,4

Champ : salariés des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur concurrentiel.

Lecture : en 2006, la rémunération annuelle brute des hommes s’élève à 30 475 euros en moyenne, celle des femmes (22 277 euros) lui est inférieure de 26,9 %. Pour les salariés dont le temps de travail est décompté en heures, l’écart de rémunération s’établit à 23,0 % et l’écart de salaire horaire à 15,5 %.

La Délégation a dressé le constat que les partenaires sociaux ne sont pas encore pleinement saisi d’un enjeu qui, trop souvent, n’est pas regardé comme prioritaire, comme le montre le très faible nombre d’accords collectifs portant sur ce sujet.

b) Le bilan décevant des accords collectifs relatifs à l’égalité professionnelle

Le nombre d’accords collectifs consacrés à l’égalité professionnelle et salariale ou abordant cette question reste très réduit.

Même si ce nombre s’est accru en 2007 (l’année suivant le vote de la loi sur l’égalité professionnelle), il reste cependant marginal : sur 19 900 accords, 800 répondent à cet objectif, soit environ 4 %.

Le constat est le même pour les accords de branche : 36 traitent de l’égalité professionnelle sur 1 137 accords (4 %).

Il faut remarquer qu’un certain nombre d’accords de branche viennent d’être récemment conclus.

La convention collective nationale de l’assainissement et de la maintenance a été complétée par un accord sur l’égalité professionnelle. Dans ce secteur ou l’écart salarial entre les femmes et les hommes cadre a été évalué à 18,7 %, un diagnostic a été confié à l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications.

Dans l’industrie textile, secteur qui emploie environ 86 000 salariés dont 48 % sont des femmes, le premier accord sur ce thème a été conclu le 15 avril 2008.

Les bureaux d’études techniques et les sociétés de conseil, après avoir constaté d’importants écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et une proportion de femmes en baisse dans certains métiers a conclu, le 24 avril 2008 un accord relatif à l’égalité professionnelle.

Le 29 avril 2008, un accord a été également conclu sur la mixité et l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes de la fabrication de l’ameublement. Il prévoit, entre autres mesures, que les formations en dehors du temps de travail ou qui nécessitent un éloignement prolongé du foyer peuvent donner lieu à une prise en charge totale ou partielle par l’employeur du coût de la garde des enfants en dehors des horaires habituels.

Le 12 juin 2008, la branche de la grande distribution a conclu un accord sur l’égalité hommes-femmes qui prévoit d’accroître la place des femmes dans les postes d’encadrement ainsi que la prise en compte de la parentalité dans le cadre professionnel, en particulier celle des obligations familiales dans la gestion de la mobilité géographique. De même, la prise des congés doit, dans la mesure du possible, intervenir pour les parents pendant les vacances scolaires. En parallèle des négociations ont été menées sur la question du temps partiel dans ce secteur. L’accord prévoit un passage du temps minimum hebdomadaire de 22  à 25 heures. L’employeur doit aussi accepter d’aménager les horaires d’un salarié à temps partiel par demi-journée si celui-ci a trouvé un deuxième emploi. Le temps partiel touche plus de 60 % des caissiers et caissières.

Enfin, un accord sur l’égalité professionnelle et la mixité des emplois a été signé le 4 juillet dans le commerce et la réparation de matériel agricole et de BTP. Faisant le constat que les femmes n’occupaient que 20 % des emplois et étaient rarement cadres, la branche s’est engagée à retenir, à compétence égale, une priorité d’embauche pour les femmes tant au niveau du recrutement externe que de la mobilité interne.

c) Les recommandations de la Délégation

Au vu de ce constat, la Délégation s’est félicité de la tenue de la Conférence tripartite sur l’égalité professionnelle et salariale, le 26 novembre 2007.

En vue de cette Conférence, elle a adopté les recommandations suivantes qui ont été adressées au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité :

1. L’objectif principal doit être l’application effective des lois existantes dont le socle est constitué par la loi de 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, telle que modifiée en 2006. Il n’est pas souhaitable d’adopter une nouvelle législation d’ensemble sur l’égalité professionnelle qui ne ferait que retarder encore la réalisation de l’égalité homme/femme dans le monde du travail.

2. Par contre, une forte action d’information et de mobilisation sur les règles applicables en matière d’égalité professionnelle devrait être menée auprès des chefs d’entreprise, des syndicats de salariés et des organisations professionnelles en dégageant les financements nécessaires pour y procéder. A cet effet, et en appui aux PME, le réseau des chambres de commerce devrait être mobilisé et l’objectif d’égalité professionnelle réaffirmé au sein des missions des Délégations régionales et départementales aux droits des femmes.

3. Les indicateurs pertinents sur lesquels repose l’élaboration du rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation, sont un outil essentiel d’appréciation de la situation existante dans l’entreprise. Ces indicateurs, éventuellement précisés pour faciliter leur mise en œuvre, doivent rester le socle de la mesure de cette situation. Par ailleurs, le rapport de situation comparée devrait systématiquement contenir des éléments d’analyse et non seulement des données brutes.

4. L’obligation de suppression de l’écart de rémunération instauré par la loi de 2006 doit être conçu par les partenaires sociaux comme une mesure d’équité sociale corrigeant une situation inégalitaire persistante et non comme un « bonus » attribué aux femmes dans l’entreprise qui viendrait amputer les augmentations salariales des hommes. La circulaire d’application pourrait apporter des éléments d’aide à la négociation sur ce point.

5. Il conviendrait de renforcer et de mieux faire connaître les incitations à agir vers la recherche de l’égalité au travers des crédits du FSE, des contrats pour l’égalité professionnelle et la mixité des emplois, du crédit d’impôt famille pour que ces dispositifs soient mieux mobilisés.

6. Une sanction pénale en cas de manquement à l’obligation de négociation sur l’égalité professionnelle au niveau des branches devrait être prévue, à l’image de ce qui existe pour les négociations en matière de formation professionnelle.

7. Il est nécessaire de parvenir à une véritable effectivité des sanctions existantes en cas de non respect de l’obligation de négociation par l’employeur, notamment en mobilisant plus fortement l’inspection du travail sur ces objectifs.

8. Plus généralement, il faut agir sur l’évolution des mentalités et le développement des aides à la famille, la maternité restant un point de rupture dans le déroulement de la carrière des femmes, par la recherche d’une meilleure articulation des temps de vie et l’organisation de services sur les territoires.

9. Le travail à temps partiel doit faire partie intégrante de la réflexion sur l’égalité professionnelle en prenant particulièrement en compte les temps partiels portant sur un petit nombre d’heures et les problèmes posés par seuils d’ouverture des droits aux assurances maladie, maternité, invalidité ou accidents du travail. Par ailleurs, une meilleure information devrait être diffusée sur ses conséquences du temps partiel en termes de déroulement de la carrière et de retraite. Enfin, les partenaires sociaux devraient être fortement incités à inclure dans les conventions collectives de branches une clause d’application systématique de la possibilité ouverte par la loi du 21 août 2003 permettant aux salariés à temps partiel de surcotiser pour leur retraite.

10. Les conférences sur la fonction publique, et notamment celle sur les parcours professionnels devraient être l’occasion d’une avancée sensible vers l’égalité homme/femme dans la fonction publique. Les femmes y sont, en effet, encore majoritairement absentes des emplois de direction. Une action exemplaire et visible de l’État en ce sens serait un signal fort pour tendre vers l’égalité professionnelle dans tous les secteurs d’activité.

2. La conférence tripartite du 26 novembre 2007

Le 26 novembre 2007, s’est tenue la Conférence tripartite sur l’égalité professionnelle et salariale à laquelle la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a été invitée à participer avec celle du Sénat.

En conclusion de ses travaux la Conférence a arrêté les mesures suivantes :

– toutes les entreprises de plus de 50 salariés, qui doivent produire un rapport de situation comparée, devront avoir mis en place, d’ici au 31 décembre 2009 et sur la base de ce rapport, un plan de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Ce plan comportera des mesures de rattrapage salarial, soit dans le cadre d’un accord collectif soit, à défaut, de façon unilatérale.

– En l’absence de plan de rattrapage  des sanctions financières payables dès le début de l’année 2010 seront mises en place.

Chaque entreprise devra donc, à la date du 31 décembre 2009, avoir transmis à sa direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) son plan de résorption des écarts, élaboré sur la base du rapport de situation comparée, lui-même accompagné de l’avis motivé du comité d’entreprise. Si elle ne satisfait pas à ces obligations, elle se verra infliger une sanction financière, qui pourrait, par exemple, être exprimée en pourcentage de la masse salariale.

La mise en place de ces sanctions financières à caractère dissuasif suppose l’adoption de mesures législatives. Le dépôt d’un projet de loi créant ces sanctions n’a pas eu lieu à ce jour.

3. De nouveaux indicateurs pour comparer la situation des femmes et des hommes dans l’entreprise

Le décret n° 2008-838 du 22 août 2008 a modifié les indicateurs servant à l’élaboration du rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes (RSC).

L’élaboration de ce rapport, avait été décidée par la loi du 9 mai 2001 sur l’égalité professionnelle. Il doit être déposé auprès de l’inspection du travail et sert de base aux discussions sur l’égalité salariale et professionnelle dans l’entreprise (article L. 2323-57 du code du travail).

Afin de relancer les négociations sur cette question, il a été décidé lors de la conférence tripartite du 26 novembre que les indicateurs en seraient revus, dans le but de faciliter l’élaboration du RSC et d’améliorer le diagnostic.

Le RSC doit désormais préciser par sexe :

– l’âge moyen et la répartition hommes-femmes par catégorie professionnelle et « non plus selon les niveaux d’emploi » définis par les grilles classification définies par les conventions collectives ;

– la durée du travail et le temps partiel en distinguant les durées de travail ;

– les promotions ;

– l’ancienneté moyenne par catégorie professionnelle et au sein de celle-ci ;

– l’éventail des rémunérations et la moyenne par catégorie professionnelle ainsi que le nombre de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations.

Des outils d’accompagnement ont été élaborés :

– un guide de réalisation du rapport de situation comparée ;

– deux modèles types de rapport, l’un destiné aux entreprises d’au moins 300 salariés, l’autre aux entreprises inférieures à ce seuil.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Personnalités entendues par la Délégation sur le suivi
des lois relatives à l’égalité professionnelle

–  Mme Pascale Coton, présidente de la commission hommes-femmes de la CFTC, Evelyne Isinger, secrétaire adjointe et Nolwen Teffaha, technicienne sur les problèmes d’inégalité hommes/femmes ;

–  Mme Laurence Laigo, secrétaire nationale chargée de l’égalité professionnelle ;

–  M. Alain Lecanu, secrétaire national et Mme Marie-Line Brugidou, déléguée nationale du pôle emploi-formation de la CFE-CGC ;

–  MM. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, Jean-François Veysset, vice-président en charge des affaires sociales, Georges Tissié, directeur des affaires sociales et Mme Geneviève Roy, membre de la commission sociale ;

–  M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales du Medef et Mme Catherine Martin, directrice adjointe ;

–  Mme Odile Lallemand, vice-présidente de la Fédération nationale des services à la personne ;

–  Mme Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération nationale des particuliers-employeurs (FEPEM) ;

–  Mme Carole Sintes, directrice générale de la Fédération des entreprises de propreté et services associés « FEP » et M. Bertrand Castagné, président de la commission sociale ;

–  Mmes Ghyslaine Richard et Christine Guinand, représentantes de la CGT ;

–  Mmes Marie-Alice Medeuf-Andrieux, secrétaire confédérale de la CGT-FO, chargée du dossier de l’égalité professionnelle avec Mmes Valérie Chartier et Martine Robert, assistantes confédérales ;

–  Mme Dominique Méda du Centre d’études pour l’emploi ;

–  Mme Élise Moison, déléguée générale de l’Association Force femmes.

B. L’ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AU MANDAT DE CONSEILLER GÉNÉRAL

1. L’examen de la proposition de loi

La Délégation a examiné, le 15 janvier 2008, la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann, facilitant l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.

Cette proposition de loi a complété le code électoral pour permettre de faire jouer pleinement le « ticket paritaire » prévu par la loi du 21 janvier 2007 et favoriser ainsi la féminisation des conseils généraux. En effet, ces assemblées restent celles qui sont le plus fermé aux femmes. Après le renouvellement de 2004, les conseils généraux ne comptaient que 10,4 % de femmes (411 sur un total de 3 966 élus).

La Délégation a approuvé cette initiative et son vote rapide afin que la réforme soit applicable au prochain renouvellement des conseillers généraux.

2. Le bilan des cantonales 2008 en termes de parité

La loi du 21 janvier 2007 a introduit l’obligation pour chaque candidat de se présenter avec un suppléant de sexe opposé. Cette disposition n’a que faiblement profité aux femmes puisque 79 % des candidats investis comme titulaires ont été des hommes.

Finalement, la part des femmes au sein des conseils généraux n’a que faiblement progressé, passant de 10,9 % en 2004 à 13 % après ces dernières élections.

% de conseillères générales depuis 1947

Date de l'élection

Total

Femmes

% de femmes

20 et 27 avril 1958*

1 512

11

0,7

4 et 11 mars 1961*

1 504

16

1,1

8 et 15 mars 1964*

1 562

17

1,1

21 septembre et 1er octobre 1967*

1 710

10

0,6

8 et 15 mars 1970*

1 609

21

1,2

23 et 30 septembre 1973*

1 926

38

2,0

7 et 14 mars 1976*

1 801

41

2,3

18 et 25 mars 1979*

1 776

76

4,3

14 et 21 mars 1982*

1 945

74

3,8

10 et 17 mars 1985*

1 954

82

4,2

25 septembre et 2 octobre 1988*

1 936

80

4,1

22 et 29 mars 1992*

1 945

108

5,6

20 et 27 mars 1994*

1 922

104

5,4

15 et 22 mars 1998

2 045

175

8,6

10 et 18 mars 2001

1 932

189

9,8

15 et 22 mars 2004

2 034

222

10,9

9 et 16 mars 2008

2 020

264

13,1

* : France métropolitaine

Source : ministère de l’intérieur ; Observatoire de la parité, avril 2008

Il existe cependant des différences régionales. La Région parisienne se situe nettement au-dessus de la moyenne, alors que 18 conseils généraux comptent moins de 5 % de femmes, voire aucune pour 3 d’entre eux : Ariège, Haute-Corse, Tarn-et-Garonne.

C. LES FEMMES ET LEUR RETRAITE

Au moment de l’ouverture du deuxième rendez-vous sur les retraites, en mai 2008, la Délégation a examiné les problèmes spécifiques se posant aux femmes : niveaux de pension inférieurs à ceux des hommes, grande disparité des retraites versées, faiblesse des droits directs, part importante dans les pensions des avantages familiaux et conjugaux. (Rapport d’information de Mme Claude Greff, 4 juillet 2008, n° 1028).

Des recommandations ont été formulées visant à corriger les effets les plus pénalisants pour les femmes des spécificités de leurs carrières professionnelles ainsi que des modalités de calcul des pensions, avec une attention particulière portée aux conséquences du temps partiel.

Contact a également été pris avec le Conseil d’orientation des retraites qui travaille sur la question des avantages familiaux et conjugaux. Ces travaux doivent s’achever en décembre 2008. La question des retraites des femmes sera alors reprise dans la perspective du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

D. LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 JUILLET 2008

Les dispositions de la loi du 23 mars 2006 qui étaient relatives à l’accès des femmes aux conseils d’administration des entreprises ainsi qu’à divers organes représentatifs avaient été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif que la portée de l’article 3 de la Constitution qui dispose que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, était limité à ces mandats.

Or, si les femmes ont investi massivement le monde du travail, elles restent sous représentées dans les postes hiérarchiquement les plus élevés. Ainsi 30 % seulement des chefs d’entreprise sont des femmes et il n’y a que 10 % de femmes dans les conseils d’administration du CAC 40.

Le projet de réforme constitutionnelle a donc été l’occasion d’inscrire expressément dans l’article 1er de la Constitution la possibilité de favoriser, par la loi, « l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales » afin de pouvoir garantir leur place dans les processus de décision économiques et sociaux.

Cette modification est un préalable indispensable à l’adoption par le législateur de dispositions visant à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans le milieu professionnel où les discriminations selon le sexe sont toujours flagrantes.

La Délégation va faire de ce sujet son prochain thème de travail.

E. LE SUIVI DE LA LOI SUR L’IVG ET LA CONTRACEPTION

En septembre 2004, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait confié à la Délégation aux droits des femmes le soin d’effectuer le suivi de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG et à la contraception, afin qu’elle puisse assurer l’information régulière des parlementaires sur ce sujet.

Un groupe de travail présidé par Mme Bérangère Poletti a repris cette mission de suivi pour l’année en cours. (Rapport d’information de Mme Bérangère Poletti, 22 octobre 2008, n° 1206).

Ce suivi prend en compte les dispositions nouvelles intervenues depuis cette date, et évalue les effets des évolutions qui ont eu lieu en matière d’information sur la contraception, de diversification des méthodes contraceptives et de prise en charge des IVG.

En effet, si les modes de recours à l’IVG ont été facilités par la loi du 4 juillet 2002 et par le développement de la technique médicamenteuse, les restructurations hospitalières et les évolutions des équipes requièrent une vigilance particulière sur les garanties d’accès à l’IVG pour les périodes à venir.

II – L’ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION

A. RENCONTRES INTERNATIONALES

1. Rencontre avec le commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, M. Vladimir Spidla

Le 7 novembre 2007, la Présidente de la Délégation a rencontré M. Vladimir Spidla, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances.

Cette rencontre a permis de débattre des initiatives prises par la commission européenne en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la perspective des actions pouvant être menées lors de la présidence française de l’Union européenne.

2. Colloque organisé avec la Délégation française de l’Assemblée parlementaire du conseil de l’Europe sur les violences faites aux femmes au sein du couple

Le 15 mai 2008 un colloque sur les violences domestiques faites aux femmes s’est tenu à l’Assemblée nationale. Ce colloque a été organisé en liaison avec la Délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et présidé par M. Jean-Claude Mignon ; Mme Marie-Jo Zimmermann, et Mme Gisèle Gautier, Présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, présidant les deux tables rondes.

Il a été l’occasion de faire le point, en présence de Mme Valérie Létard, Secrétaire d’État chargée de la Solidarité, de Mme Rama Yade, Secrétaire d’État aux droits de l’homme, de M. José Mendes Bota, premier Vice-Président de la Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes de l’APCE et de Mme Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe et avec des personnes impliquées dans la prise en charge et la répression des violences domestiques, du dispositif de prise en charge et de lutte contre les violences domestiques ainsi que de la mise en œuvre de la campagne du Conseil de l’Europe sur cette question.

3. Réunion des commissions parlementaires chargées des droits des femmes des pays de l’Union Européenne

La Conférence des Commissions parlementaires pour l’Égalité des Chances des femmes et des hommes de l’Union européenne (CCEC) constitue un réseau de coopération entre les commissions ou les délégations chargées du suivi de la politique en faveur de l’égalité des chances des femmes et des hommes dans les parlements nationaux des États membres de l’Union européenne et du Parlement européen.

Chaque automne, cette conférence se réunit dans le pays présidant l’Union Européenne à cette date. Elle s’est donc tenue à Paris, à l’Assemblée nationale et au Sénat, les 2 et 3 juillet 2008, réunissant une centaine de participants provenant de vingt-deux pays membres ainsi que du Parlement Européen et du Conseil de l’Europe.

Elle a permis de faire le point des avancées mais aussi des difficultés rencontrées par les pays européens en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et d’accès aux responsabilités de ces dernières.

Elle s’est conclue par la demande adressée aux Délégations de s’engager à apporter leur soutien à la mise en œuvre des six priorités de la feuille de route de la commission 2006-2010 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dans leurs pays respectifs. Ces actions seront évaluées lors de la prochaine réunion de la CCEC.

Domaines d’action prioritaires fixés par la feuille de route de la commission pour l’égalité entre les femmes et les hommes :

– une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes ;

– la conciliation de la vie privée et professionnelle ;

– une représentation égale dans la prise de décision ;

– l’éradication de toute forme de violence fondée sur le genre ;

– l’élimination des stéréotypes de genre ;

– la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de développement.

4. Participation à la réunion du Forum Parlementaire Européen sur la population et le développement

La Délégation aux droits des femmes est membre depuis 2001, du Forum parlementaire européen sur la population et le développement. Le Forum constitue un réseau parlementaire régional, regroupant vingt-cinq intergroupes parlementaires travaillant sur les questions de santé, de droits sexuels et reproductifs et d’égalité des sexes.

La Délégation a été représentée à la Conférence qui s’est tenue à Bruxelles, le 20 octobre 2008, sur le thème « Santé et développement : les décideurs politiques s’engagent pour le futur » par Mme Danielle Bousquet, vice-présidente de la Délégation.

Mme Bousquet a été élue membre du comité exécutif du forum.

B. AFGHANISTAN : LA PLACE DES FEMMES

Au moment de la réunion à Paris de la Conférence des pays donateurs pour le développement et la reconstruction de l’Afghanistan, la Délégation a entendu une communication de Mme Geneviève Lévy, députée, vice-présidente de la Délégation et présidente du groupe d’amitié France-Afghanistan.

Cette intervention a été l’occasion d’aborder les moyens d’apporter le soutien aux femmes afghanes et en particuliers aux femmes élues au Parlement, dans la continuité de ce qui avait été commencé sous la législature précédente.

Une deuxième réunion sur ce sujet a eu lieu avec M. Reza Deghati, président de l’ONG Aïna pour l’éducation des enfants et des femmes afghanes et la formation aux métiers de l’information.

C. RÉCEPTION DE PARLEMENTAIRES HAITIENNES

Le 20 novembre 2007, la présidente et des membres de la Délégation ont rencontré une Délégation de parlementaires haïtiennes composée de :

– Mme Edmonde Beauzile, vice-présidente du Sénat ;

– Mme Céméphise Gilles, sénatrice, présidente de la commission des affaires sociales et des droits des femmes ;

– Mme Gérandale Telusma, députée, secrétaire et rapporteur de la commission de protection des droits de l’enfant ;

– Mme Marie-Jossie Etienne, députée, présidente de la commission des affaires sociales et des droits des femmes.

Celles-ci ont assisté à une réunion de la Délégation puis ont évoqué la situation des femmes en Haïti.

III – PREMIÈRES RENCONTRES INTERPARLEMENTAIRES SUR L’ÉGALITÉ ET LA DIVERSITÉ

Le 17 juin 2008, les premières rencontres parlementaires pour l’égalité homme-femme et le respect de la diversité ont été organisées et présidées conjointement par Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Louis Schweitzer, Président de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

Les débats sur l’égalité des chances des femmes et des hommes au travail ont été organisés autour de deux tables rondes : l’une consacrée à l’égalité salariale, la seconde à l’embauche des femmes et à leur accès aux responsabilités.

Le constat a été dressé par Mme Zimmermann que malgré la législation existante pour lutter contre les discriminations en donnant à ceux qui en sont victimes les moyens de faire reconnaître leurs droits, et malgré l’affirmation plusieurs fois répétée par la loi de l’égalité entre les hommes et les femmes, la situation n’évolue que très lentement, voire pas du tout.

C’est pourquoi la reconnaissance constitutionnelle de l’égal accès des femmes et des hommes est un élément qui devrait permettre d’avancer concrètement comme cela a été le cas, en politique, avec les lois sur la parité. Ceci doit être mené de front avec un travail, en matière d’éducation, de formation des enseignants aux thématiques de l’égalité et de la non-discrimination afin de faire évoluer les mentalités et de faire admettre la diversité de notre société.

M. Louis Schweitzer a, notamment, précisé que La HALDE avait réalisé, des tests de recrutement hommes-femmes qui n’avaient pas mis en évidence d’inégalité au détriment des femmes ; ce qui permet à des secteurs comme le BTP d’affirmer qu’il ne fait preuve d’aucune discrimination vis-à-vis des femmes. Les premières années de vie professionnelle se déroulent souvent de manière satisfaisante également.

Par contre, lorsqu’il devient question d’octroyer des promotions, les premiers préjugés interviennent et lutter contre les préjugés liés à l’engagement dans l’entreprise implique une action concrète, car ils renvoient à une troisième inégalité : celle de la répartition des rôles dans l’entreprise.

Il a ensuite évoqué les conséquences de la maternité : dans une situation dans laquelle les femmes ont en moyenne deux enfants, la maternité entraîne en moyenne trente-deux semaines de rupture dans la vie professionnelle. Lorsque l’enfant est malade, la prise en charge de cette situation revient souvent à la femme et cet écart de charge, qui est institutionnalisé, crée l’inégalité.

Il a enfin rappelé le principe clair inscrit dans la loi : à travail égal, salaire égal pour constater qu’aujourd'hui, cet objectif n’est pas atteint.

1 () Note d’information DEPP : « La réussite scolaire des femmes et des hommes en Europe », février 2008.

2 () Cf. annexe.

3 () Les femmes et les métiers : vingt ans d’évolutions contrastées ; Données sociales, 2006.

4 () Les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation et de formation » Programme de travail pour les dix ans à venir, mars 2002.

5 () Audition de M. le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos.

6 () Pourquoi les filles sont l’avenir de la science, Florence Robine. Inspectrice Générale de l’Éducation nationale, groupe des sciences physiques et chimiques fondamentales appliquées ; eduscol.education.fr.

7 () INSEE, L’emploi en France depuis 30 ans. L’emploi, nouveaux enjeux, édition 2008.

8 () Données sociales 2006, mixité des professions et démocratisation scolaire.

9 () Filles et garçons à l’école sur le chemin de l’égalité. DEPP 2008.

10 () Audition de Mme Nicole Mosconi.

11 () Audition de Mme Claudine Roger.

12 () Marie Duru-Bellat, 2004, sociologue, spécialiste de l’éducation.

13 () Rapport d’activité de la Délégation aux droits des femmes, Agir pour les femmes de l’immigration, n°2714.

14 () Circulaire 2008-092 du 11 juillet 2008, DESCO orientation parcours de découverte des métiers et de formation.

15 () Audition de M. le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos.

16 () Édité par le CRDP de Midi-Pyrénées en janvier 2008.

17 () Audition de Mme Michelle Perrot.

18 () Rapport CES.

19 () Audition de Mme Michèle Perrot.

20 () Rapport d’information au nom de la mission d’information sur les questions mémorielles, présidée par Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, 18 novembre 2008, n° 1262.

21 () La représentation des hommes et des femmes dans les livres scolaires" (La Documentation Française, 1997).

22 () Quelle place pour les femmes dans l’histoire enseignée ?, étude présentée par Mme Annette Wieviorka, 2004.

23 () Audition de M. leMinistre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos.

24 DARES, premières synthèses, octobre 2008-n°44.5. Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes en 2006 : des disparités persistantes.


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