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N° 1310

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 86, alinéa 8, du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur la mise en application de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant
la
lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Guy GEOFFROY et Christophe CARESCHE

Députés.

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INTRODUCTION 5

I. L’INSTAURATION DES PEINES MINIMALES : QUEL BILAN 16 MOIS APRÈS ? 9

A. LA LOI A INSTAURÉ DES PEINES MINIMALES EN CAS DE RÉCIDIVE DE CRIMES OU DE DÉLITS GRAVES 9

1. Des quantums fixés au tiers de la peine encourue hors récidive 9

2. Un régime graduel de dérogations possibles à l’application des peines minimales 10

B. UNE PREMIÈRE ÉVALUATION DE L’APPLICATION DES PEINES MINIMALES 11

1. Mesure statistique : un taux moyen d’application des peines minimales proche de 50 % 11

a) Un dispositif informatique dédié à la collecte de statistiques sur l’application de la loi 11

b) Les condamnations prononcées en récidive légale 12

c) Un taux d’application moyen des peines minimales proche de 50 % mais qui cache d’importantes disparités selon les ressorts 13

d) Les modalités d’exécution de la peine font une large place au sursis 14

e) L’application des peines minimales aux mineurs de plus de 13 ans 15

f) Aucune évaluation de l’application de l’avertissement facultatif prévu par l’article 3 de la loi 16

2. Évaluation des pratiques : les observations relevées sur le terrain offrent une vision contrastée de l’application de la loi 17

a) La consigne faite aux parquets de relever systématiquement l’état de récidive légale lorsqu’il est constitué 17

b) Les justifications apportées par les juridictions de jugement pour déroger à l’application des peines minimales 18

c) L’application des peines minimales aux mineurs 21

C. QUELS SONT LES EFFETS DE LA LOI SUR LA RÉCIDIVE ET SUR LA POPULATION CARCÉRALE ? 23

1. La difficile évaluation des effets de la loi sur la récidive 23

2. La difficile quantification des effets de la loi sur la population carcérale 24

a) La part de l’augmentation de la population carcérale due à la loi du 10 août 2007 est difficilement quantifiable du fait de l’existence d’autres facteurs 24

b) La question de l’articulation de la loi du 10 août 2007 avec la future loi pénitentiaire a été posée 27

c) Tentative d’analyse prospective : quels sont les effets possibles de la « bombe à retardement » que constitue le prononcé massif de SME de longue durée ? 27

II. QUEL BILAN POUR LA NOUVELLE ADAPTATION DU RÉGIME DE L’ATTÉNUATION DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MINEURS ? 29

A. MALGRÉ LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR… 29

B. … IL APPARAÎT QUE L’EXCUSE DE MINORITÉ EST TRÈS RAREMENT ÉCARTÉE PAR LES JURIDICTIONS 30

C. QUELLE ARTICULATION AVEC LES PEINES MINIMALES ? 31

III. QUEL RENFORCEMENT DU SUIVI MÉDICAL DES CONDAMNÉS ? 32

A. LA LOI A RENFORCÉ ET SYSTEMATISÉ LES SOINS EN DÉTENTION ET À LA SORTIE 32

1. L’extension du champ d’application et systématisation de l’injonction de soins 32

2. Le renforcement de l’incitation au suivi médical en détention 32

a) Suppression des réductions supplémentaires de peine en cas de refus de soins 33

b) Absence de libération conditionnelle en cas de refus de soins 33

B. LE DÉCRET D’APPLICATION DU 16 NOVEMBRE 2007 A CORRIGÉ CERTAINS EFFETS PERVERS DE LA LOI 34

C. LA DIFFICILE ÉVALUATION DE L’APPLICATION DE CE DISPOSITIF FAUTE D’UN RECUL SUFFISANT 35

1. Évaluation de l’effectivité de l’incitation à se soigner 35

a) En détention 35

b) À la libération 37

2. Le difficile recrutement de médecins coordonnateurs 37

3. La question du passage de relais des soins au moment de la libération 39

CONCLUSION 40

EXAMEN EN COMMISSION 43

PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 57

DÉPLACEMENT EFFECTUÉ PAR LES RAPPORTEURS 59

ANNEXE : SYNTHÈSE DES DONNÉES STATISTIQUES RELATIVES À L’APPLICATION DES PEINES MINIMALES AU 1ER DÉCEMBRE 2008 60

MESDAMES, MESSIEURS,

La lutte contre la récidive constitue une des priorités de la politique pénale du Gouvernement. C’est pourquoi, conformément aux engagements du Président de la République, a été déposé dès les tout premiers jours de la législature un projet de loi relatif à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Ce projet, déposé sur le bureau du Sénat le 13 juin 2007 et qui comportait initialement cinq articles s’est vu adjoindre le 27 juin, par voie de lettre rectificative, cinq articles relatifs au suivi médical et judiciaire des personnes condamnées pour certaines infractions. Le texte a été adopté par le Sénat le 5 juillet puis par l’Assemblée nationale le 18. L’urgence ayant été déclarée, le projet a fait l’objet d’une commission mixte paritaire dont les conclusions ont été approuvées, le 26 juillet, par les deux assemblées.

Dans sa décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007, le Conseil constitutionnel a validé l’ensemble des dispositions du texte, tout en apportant une précision incidente s’agissant de la conciliation des peines minimales avec les cas d’altération du discernement (1).

La loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs comporte trois séries de dispositions destinées à lutter contre la récidive :

—  l’instauration de peines minimales d’emprisonnement applicables aux majeurs comme aux mineurs de plus de treize ans récidivistes de crimes ou de délits punis de plus de trois ans d’emprisonnement ;

—  l’élargissement des conditions dans lesquelles les juges peuvent décider de ne pas faire bénéficier les mineurs de plus de seize ans de l’atténuation de la responsabilité pénale prévue par l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante ;

—  la généralisation et la systématisation de l’injonction de soins pour prévenir la récidive.

Le législateur a prévu une entrée en vigueur différenciée de ces différentes dispositions :

—  Les dispositions relatives aux peines minimales et aux nouvelles modalités d’application de l’excuse de minorité sont devenues immédiatement applicables à tous les faits commis après la publication de la loi, conformément aux règles relatives à l’application de la loi pénale dans le temps, telles qu’interprétées tant par la Cour de cassation que par la Cour européenne des Droits de l’Homme (cf. Achour contre France, 26 mars 2006).

Il est important de noter qu’en matière de récidive, la loi applicable est celle en vigueur lorsqu’est commis le second terme de la récidive. Le fait que le premier terme soit antérieur à la nouvelle loi est sans importance, dans la mesure où la décision déjà prononcée n’est pas remise en cause, mais où de nouveaux faits sont jugés pour lesquels on prend en considération le passé pénal de leur auteur, au regard de la loi alors en vigueur. Comme l’a jugé la Cour de cassation, à l’occasion de l’application dans le temps des règles du nouveau code pénal sur la récidive, plus sévères que les anciennes, l’aggravation de la peine résultant de la récidive est la conséquence de la deuxième infraction, qu’il dépend de la personne de ne pas commettre (Crim. 27 mars 1996).

—  En revanche, une distinction a été opérée au sein des dispositions relatives à l’injonction de soins : les dispositions généralisant l’injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire et du sursis avec mise à l’épreuve ne sont entrées en vigueur qu’au 1er mars 2008, tandis que toutes les autres dispositions relatives à l’injonction de soin étaient applicables dès la publication de la loi. Cette entrée en vigueur modulée devait permettre au Gouvernement de mettre en œuvre progressivement les moyens humains et financiers destinés à développer l’organisation effective des injonctions de soins, notamment par le recrutement de nouveaux médecins coordonnateurs.

Très vite après la promulgation de la loi, le Gouvernement a publié la circulaire n° 2007-10 du 13 août 2007 présentant les dispositions de la loi. Il a par la suite publié le décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007 renforçant le recours aux aménagements de peine et la lutte contre la récidive, qui a fait l’objet d’une circulaire de présentation en date du 20 novembre 2007.

Le présent rapport, présenté en application de l’article 86, alinéa 8, du Règlement vise d’une part à étudier ces textes qui ont été pris en application de la loi et d’autre part, s’éloignant quelque peu de la lettre de notre Règlement, à procéder à une première évaluation des dispositifs mis en place par la loi.

Dans cette perspective, votre rapporteur et votre co-rapporteur ont procédé à de nombreuses auditions qui se sont révélées particulièrement utiles. Ils se sont également déplacés au tribunal de grande instance de Paris à la rencontre de magistrats qui appliquent au quotidien cette loi. Ils ont été reçus par M. Jacques Degrandi, Président du tribunal et M. Jean-Claude Marin, procureur de la République près ce tribunal, mais aussi par un grand nombre de vice-présidents et de vice-procureurs en charge tant du service pénal général que des mineurs ou de l’application des peines(2). Ils souhaitent vivement remercier l’ensemble des magistrats rencontrés lors de cette matinée de travail pour leur grande disponibilité et le dialogue nourri qui a pu s’instaurer.

À l’issue de ces auditions et loin de tout débat partisan, vos rapporteurs ont souhaité dresser un bilan objectif de l’application de la loi, analysant la validité du dispositif mis en place par elle et cherchant à apprécier les effets qu’elle a pu ou pourrait induire.

Ils ont tenté de répondre à quatre questions principales :

—  le dispositif mis en place ménage-t-il la liberté des juges d’individualiser les peines en fonction des circonstances de l’espèce ?

—  les peines minimales ont-elles atteint leur cible, c’est-à-dire le noyau dur de récidivistes installés dans la délinquance (majeurs comme mineurs) ?

—  les peines minimales ont-elle atteint leur objectif dissuasif : les statiques de la récidive permettent-elles de démontrer une réduction de celle-ci ?

—  les peines minimales ont-elles les effets pervers annoncés par certains au moment du vote de la loi, notamment sur la population carcérale ?

*

* *

Rappel : définition de la récidive légale

Les actes visés par la loi sont ceux commis en état de « récidive légale », notion qui répond à une définition très précise et ne se confond ni avec la réitération, ni avec le concours d’infraction.

Il y a « récidive légale » lorsque, après avoir subi une première condamnation pénale (3) définitive (4), toujours existante (5) et prononcée par un tribunal français ou une juridiction pénale d’un État membre de l’Union européenne (6), qui constitue le « premier terme » de la récidive, le délinquant commet une nouvelle infraction – « second terme » de la récidive – qui répond à un certain nombre de critères. Le second terme est ainsi constitué par une nouvelle infraction, qui peut être distincte de l’infraction ayant donné lieu à la première condamnation (en cas de récidive « générale ») ou identique ou assimilée par la loi à celle-ci (en cas de récidive « spéciale ») et avoir été commise dans un délai déterminé après la première condamnation (en cas de récidive « temporaire ») ou bien sans considération de délai (en cas de récidive « perpétuelle »), ces différents cas étant précisés dans le tableau ci-après :

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES CAS DE RÉCIDIVE APPLICABLES
AUX PERSONNES PHYSIQUES

Nature de la
première infraction

(1er terme)

Nature de la
nouvelle infraction

(2e terme)

Délai de commission de la nouvelle infraction  (7)

Aggravation de peine encourue

Article du code pénal

Catégorie de récidive

Crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

Crime passible de 20 ou 30 ans de réclusion

Pas de délai

Réclusion criminelle à perpétuité

132-8

Récidive générale et perpétuelle

Crime passible de 15 ans de réclusion

30 ans de réclusion

Délit passible de 10 ans d’emprisonnement

10 ans

Doublement de l’emprisonnement et de l’amende encourue

132-9,
al. 1er

Récidive générale et temporaire

Délit passible d’un emprisonnement inférieur à 10 ans et supérieur à 1 an

5 ans

132-9,
al. 2

Délit puni d’un emprisonnement inférieur
à 10 ans

Délit identique

5 ans

132-10 (8)

Récidive spéciale et temporaire

Délit assimilé

Contravention de
la 5e classe

Contravention identique si le règlement prévoit la récidive

1 an

Maximum de l’amende porté à 3 000 €

132-11

Récidive spéciale, temporaire et expresse

I. L’INSTAURATION DES PEINES MINIMALES : QUEL BILAN 16 MOIS APRÈS ?

A. LA LOI A INSTAURÉ DES PEINES MINIMALES EN CAS DE RÉCIDIVE DE CRIMES OU DE DÉLITS GRAVES

La loi a fixé des quantums de peines minimales applicables en cas de récidive légale et précisé les conditions dans lesquelles la juridiction peut ne pas en faire application.

1. Des quantums fixés au tiers de la peine encourue hors récidive

Les articles 1er et 2 de la loi ont inséré deux nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 dans le code pénal, qui instaurent des peines minimales d’emprisonnement applicables dès la première récidive pour l’ensemble des crimes, ainsi que pour les délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, excluant donc les petits délits.

Le quantum des peines minimales est fixé à environ un tiers de la peine privative de liberté encourue hors récidive, soit environ un sixième de la peine encourue en état de récidive légale :

PEINES MINIMALES EN MATIÈRE CRIMINELLE

CRIMES

Peine encourue pour une première infraction

Peine encourue en cas de récidive légale

Peine minimale en cas de récidive

(article 132-18-1 nouveau du code pénal)

NB : peine minimale applicable dès la 1ère infraction

(article 132-18 du code pénal)

Exemples d’infractions

Réclusion ou
détention à perpétuité

Réclusion ou détention à perpétuité

15 ans

2 ans

Assassinat

30 ans de réclusion
ou de détention

Réclusion ou détention à perpétuité

10 ans

1 an

- Meurtre

- Trafic international de stupéfiants en bande organisée

20 ans de réclusion ou de détention

Réclusion ou détention à perpétuité

7 ans

1 an

- Torture sur mineur de quinze ans

- Organisation de groupement terroriste

15 ans de réclusion ou de détention

30 ans de réclusion
ou de détention

5 ans

1 an

Viol

PEINES MINIMALES EN MATIÈRE DÉLICTUELLE

DÉLITS

Peine encourue pour une première infraction

Peine encourue en cas de récidive légale

Peine minimale en cas de récidive

(article 132-19-1 nouveau du code pénal)

Exemples d’infractions

10 ans d’emprisonnement

20 ans
de réclusion

4 ans

- Vol avec violence, en réunion et dans un transport collectif

- Trafic de stupéfiants

7 ans d’emprisonnement

14 ans
de réclusion

3 ans

Vol avec violence et en réunion

5 ans d’emprisonnement

10 ans d’emprisonnement

2 ans

- Vol avec violence légère

- Cession illicite de stupéfiants en vue de la consommation personnelle

3 ans d’emprisonnement

6 ans d’emprisonnement

1 an

Vol simple

Ces peines minimales sont applicables aux majeurs, ainsi qu’aux mineurs récidivistes de plus de 13 ans (9), la loi précisant expressément que les mesures éducatives qui ont pu être antérieurement prononcées ne peuvent constituer le premier terme de la récidive.

Rappelons également que l’application aux mineurs des peines minimales doit être conciliée avec le principe de l’excuse de minorité : le quantum des peines minimales applicables aux mineurs est ainsi divisé par deux par rapport à celui des majeurs, sauf si, pour les mineurs de plus de 16 ans, la juridiction décide de ne pas appliquer l’excuse de minorité. Dès lors, si la juridiction décide à la fois d’appliquer les peines minimales et de déroger au principe de l’excuse de minorité, un mineur de plus de 16 ans en état de récidive légale pourra se voir appliquer les mêmes peines qu’un majeur (cf. infra).

2. Un régime graduel de dérogations possibles à l’application des peines minimales

Les deux premiers articles de la loi ont également précisé les modalités de dérogation aux peines minimales : la juridiction de jugement – cour d’assises en matière criminelle, tribunal correctionnel en matière délictuelle – peut, dans tous les cas, déroger à l’application des peines minimales – par décision motivée pour le tribunal correctionnel – et prononcer une peine inférieure à la peine minimale, en fonction de critères définis selon un régime graduel :

—  Lorsque les faits sont commis en état de première récidive légale (deux infractions), si les circonstances de l’infraction, la personnalité de son auteur ou ses garanties d’insertion ou de réinsertion le justifient, la juridiction peut, tant pour les crimes que pour les délits, prononcer une peine privative de liberté pour une durée inférieure au seuil minimal, et, en matière délictuelle, une peine autre que l’emprisonnement, telle l’amende ou le travail d’intérêt général.

—  Lorsque les faits sont commis une nouvelle fois en état de récidive légale, (trois infractions – au moins – répondant aux critères de la récidive légale, c’est-à-dire lorsque le premier terme de la deuxième récidive correspond au second terme d’une récidive antérieure), le juge ne peut atténuer la répression pénale par rapport aux seuils fixés pour les crimes et pour certains délits particulièrement graves –violences volontaires, délits commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle, délit puni de 10 ans d’emprisonnement –, que si l’auteur des faits présente « des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » (régime dit de la « récidive aggravée »). En revanche, pour les autres délits, jugés moins graves, la juridiction peut soit prononcer une peine d’emprisonnement inférieure au seuil minimal, soit une peine autre que l’emprisonnement, en motivant spécialement sa décision selon les mêmes critères qu’en première récidive.

Sans même déroger à l’application des peines minimales, la juridiction de jugement peut assortir la peine, en tout ou partie, d’un sursis (sursis simple ou assorti d’une mise à l’épreuve ou de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général-TIG). Rappelons que si les dispositions de la loi de décembre 2005 sur la récidive ont pour effet d’interdire le bénéfice d’un troisième sursis avec mise à l’épreuve total, le juge conserve néanmoins, par l’octroi d’un sursis partiel, la possibilité de réduire, dans une très large proportion, la partie ferme de l’emprisonnement prononcé.

B. UNE PREMIÈRE ÉVALUATION DE L’APPLICATION DES PEINES MINIMALES

1. Mesure statistique : un taux moyen d’application des peines minimales proche de 50 %

a) Un dispositif informatique dédié à la collecte de statistiques sur l’application de la loi

Par dépêche en date du 8 octobre 2007 a été mis en place par la Chancellerie un dispositif de collecte statistique informatisé relatif au suivi judiciaire des condamnations prononcées en vertu de la nouvelle loi, dans le but de bénéficier d’une vision « en temps réel » de son application.

Dans le cadre de ce dispositif, il revient aux parquets de renseigner, sous format électronique, un tableau spécifique pour toute personne condamnée en récidive criminelle ou délictuelle à l’encontre de laquelle une peine d’emprisonnement minimale peut être prononcée. Dans un premier temps, les juridictions ont dû inventorier l’ensemble des personnes condamnées depuis la date d’entrée en vigueur de la loi, ce qui a nécessité un effort conséquent pour des greffes souvent surchargés. Désormais, les informations sont intégrées au fur et à mesure des décisions rendues.

C’est sur la base des données fournies par ce dispositif que le ministère de la Justice a transmis à vos rapporteurs un certain nombre de données statistiques dont on trouvera un résumé en annexe et qu’ils ont souhaité analyser.

b) Les condamnations prononcées en récidive légale

Entre la publication de la loi et le 1er décembre 2008 ont été recensées dans notre pays 18 358 condamnations en récidive légale entrant dans le champ d’application de la loi et prononcées par les tribunaux de grande instance, tandis que 1 371 condamnations analogues ont été prononcées par les cours d’appel.

Il ne s’agit à ce jour que de condamnations délictuelles. De fait, l’application de la loi est conditionnée au fait que le crime constitutif du second terme de la récidive ait été commis postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi. En matière criminelle, une phase d’instruction étant obligatoire, il est tout à fait logique qu’il n’ait pas encore été fait application de la loi lors de la condamnation d’un criminel récidiviste.

L’analyse de la répartition de ces condamnations selon la nature des infractions fait ressortir que :

—  58,8 % des condamnations en récidive recensées correspondent à des atteintes aux biens ;

—  15,7 % correspondent à des violences à personne, autres que sur conjoint ;

—  11,8 % sont des infractions à la législation sur les stupéfiants ;

—  5,8 % portent sur des violences sur conjoint ;

—  0,5 % portent sur des violences sexuelles.

Votre rapporteur et votre co-rapporteur ont interrogé les services de la Chancellerie sur la mesure des cas de « récidive aggravée ». Il apparaît qu’en l’état actuel du dispositif, les cas de nouvelle récidive ne soient pas isolés en tant que tels dans l’ensemble des cas de récidive légale, ce qui exclut – vos rapporteurs le déplorent – toute analyse statistique du phénomène.

Il a cependant été indiqué à vos rapporteurs que la notion de nouvelle récidive devrait prochainement figurer dans les codes appliqués aux infractions (NATINF) et à leurs circonstances aggravantes pour l’exercice des poursuites et l’enregistrement au casier judiciaire. Dès lors que cette donnée sera intégrée dans le système de référence national, les juridictions, puis le casier judiciaire, pourront distinguer la première récidive de l’état de nouvelle récidive légale. Toutefois, les statistiques de condamnations de l’année 2009 portant sur l’état de nouvelle récidive ne seront disponibles qu’à compter du mois de septembre 2010.

c) Un taux d’application moyen des peines minimales proche de 50 % mais qui cache d’importantes disparités selon les ressorts

■ Selon les chiffres transmis par la Chancellerie, au 1er décembre 2008, sur les 18 358 jugements des tribunaux correctionnels portant sur des délits commis en état de récidive légale, 9 001 condamnations ont fait application des peines minimales d’emprisonnement, soit un taux d’application de 49%. Ce taux était de 49,8 % au 1er septembre dernier.

Dans les cours d’appel, 887 condamnations en récidive légale ont conduit au prononcé d’une peine au moins égale à la peine minimale d’emprisonnement, soit un taux d’application de 64,7%.

Vos rapporteurs regrettent cependant qu’il ne soit pas possible de distinguer selon que le quantum de la peine prononcée correspond strictement au quantum de la peine minimale ou lui est supérieur. Le système informatique mis en place par la Chancellerie ne distinguant pas selon le quantum de peine prononcé, il est seulement possible de distinguer les cas où la peine minimale a été écartée de ceux où elle ne l’a pas été.

La ventilation de la part des condamnations dans lesquelles a été prononcée une peine minimale en fonction de la peine encourue est édifiante : cette part est d’autant plus importante que la peine encourue est faible, comme le montre le tableau ci-après.

Tableau des condamnations en récidive et des peines minimales prononcées par les juridictions de première instance en fonction de la peine encourue

Peine encourue pour une première infraction

Peine minimale en cas de récidive

Part des condamnations ayant prononcé une peine minimale

10 ans d’emprisonnement

4 ans

43,7%

7 ans d’emprisonnement

3 ans

46,5%

5 ans d’emprisonnement

2 ans

49,0%

3 ans d’emprisonnement

1 an

57,7%

■ En outre, il a été constaté que les infractions donnant lieu au prononcé d’une peine minimale sont principalement les vols et atteintes aux biens, qui représentent 55% des peines minimales prononcées.

Votre co-rapporteur estime que cette donnée est importante. Le dispositif des peines minimales avait été conçu pour lutter contre la récidive d’actes graves, notablement de violences faites aux personnes. On constate qu’il concerne principalement les « petites » infractions et qu’il n’est pas ciblé sur les actes les plus insupportables pour la société. Outre que cette situation ne correspond pas à l’intention initiale des auteurs de la loi, elle induit un décalage entre l’importance des peines plancher et les infractions constatées qui est à l’origine des difficultés d’application de la loi par les magistrats.

Votre rapporteur note cependant que dans le cas des violences faites aux personnes, le taux d’application des peines minimales est plus important : il est de 67,5% pour les violences sur conjoint et 61,6% pour les violences sexuelles.

■ Vos rapporteurs ont souhaité savoir s’il existait des écarts entre les ressorts des différentes cours d’appel s’agissant du taux d’application des peines minimales. Il apparaît que ce taux varie très sensiblement d’une cour d’appel à l’autre, ainsi que le montre le tableau qui figure en annexe. Ainsi, si le taux moyen d’application des peines minimales est de 49 %, il cache des disparités importantes selon les ressorts : il est de 34,4 % dans le ressort de la cour d’appel de Paris alors qu’il est de 65,6% à Douai, 65,4% à Angers, 68,2 % à Rouen et même 72,5 % à Bourges.

Votre rapporteur, s’il comprend que les réalités de la délinquance ne sont pas les mêmes sur tout le territoire et justifient sans doute certains écarts, s’inquiète néanmoins de si grandes disparités qui laissent planer le risque d’une application différente de la loi pénale sur l’ensemble du territoire de la République, situation qui ne serait pas acceptable.

Votre co-rapporteur note que, contrairement aux intentions du législateur, le dispositif des peines plancher ne favorise pas une harmonisation du prononcé des peines sur le territoire. Il juge cependant que ces chiffres sont à prendre avec prudence du fait non seulement de la faiblesse du nombre de condamnations prononcées dans certains ressorts mais aussi d’un possible défaut de comptabilisation. Ainsi l’application de la loi au tribunal de Paris montre à l’évidence que certaines condamnations concernant des récidivistes ne sont pas comptabilisées comme telles.

d) Les modalités d’exécution de la peine font une large place au sursis

Votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité savoir combien de peines minimales prononcées ont été assorties d’un sursis, total ou partiel.

Il ressort des éléments transmis en réponse par la Chancellerie que :

—  38,7 % des peines minimales prononcées sont des peines entièrement fermes ;

—  53,9 % d’entre elles sont des peines mixtes, assorties d’un sursis partiel assorti soit d’une mise à l’épreuve (SME), soit d’une obligation d’effectuer un TIG ;

—  2,5 % sont des peines mixtes assorties d’un sursis simple ;

—  3,6 % sont des peines entièrement assorties d’un SME ou d’un sursis-TIG ;

—  0,5% sont des peines entièrement assorties d’un sursis simple.

De ces chiffres, vos rapporteurs tirent plusieurs enseignements.

Ces chiffres montrent tout d’abord que l’immense majorité des peines minimales prononcées se sont traduites par le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme de la personne condamnée, que ce soit pour la totalité ou pour partie de la peine. À cet égard, vos rapporteurs regrettent cependant qu’il n’ait pas été possible de répondre à leurs interrogations s’agissant de la part des peines prononcées dont la partie ferme est inférieure ou égale à un an et qui ont fait l’objet d’une mesure d’aménagement ab initio (semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique…), aucun élément statistique n’étant à ce jour disponible. Cette donnée aurait pourtant permis de connaître la part des emprisonnements réellement effectués…

Ces chiffres montrent aussi que les magistrats ont eu pleinement recours à leurs facultés préservées par la loi de moduler le quantum de peine ferme prononcé, y compris lorsqu’ils décident d’appliquer la peine minimale.

e) L’application des peines minimales aux mineurs de plus de 13 ans

Selon les éléments transmis par la Chancellerie, les mineurs de plus de 13 ans ne représentent que 1,7 % de l’ensemble des personnes condamnées en état de récidive légale depuis l’entrée en vigueur de la loi, 360 décisions de condamnation en récidive légale les concernant en première instance (10).

Les mesures éducatives sanctionnant une infraction ne pouvant pas constituer le premier terme d’une récidive, ce n’est que sur une période de cinq ans, entre l’âge de 13 et 18 ans que les mineurs peuvent être par deux fois condamnés pour des faits de même nature et donc se voir appliquer la circonstance de récidive légale. Le prononcé fréquent par les juridictions pour mineurs de condamnations multiples pour des faits distincts exclut que l’état de récidive légale puisse juridiquement être relevé dans ces cas, ce qui explique largement le faible nombre de condamnations de mineurs en récidive légale.

Sur les 360 décisions, 155 n’ont pas dérogé à la peine minimale d’emprisonnement encourue, soit un taux d’application des peines minimales d’emprisonnement pour les mineurs de 43,1 % – alors qu’il était de 46,8 % au 1er septembre 2008.

En outre, douze mineurs ont été condamnés en appel pour des faits commis en récidive et pour lesquels la peine minimale était applicable. Trois d’entre eux ont été condamnés à une peine au moins égale à la peine minimale, dont un à une peine d’emprisonnement ferme.

f) Aucune évaluation de l’application de l’avertissement facultatif prévu par l’article 3 de la loi

L’article 3 de la loi prévoit que le président de la juridiction avertit le condamné, lors du prononcé de la peine, des conséquences qu’entraînerait pour lui une condamnation pour une nouvelle infraction commise en état de récidive légale. Cet avertissement personnalisé doit avoir un effet dissuasif sur la commission de nouvelles infractions.

Cet article est issu d’un amendement sénatorial dont la rédaction a évolué au cours de la navette parlementaire, l’Assemblée nationale ayant jugé préférable de rendre l’avertissement facultatif : dans certaines hypothèses, la juridiction pourrait estimer cette information inopportune, notamment lorsque les circonstances rendent extrêmement peu probable une éventuelle récidive ou, à l’inverse, lorsqu’est jugée une personne ayant commis de très nombreuses infractions que de multiples avertissements n’ont pas suffi à décourager. De plus, un avertissement systématique aurait pu laisser croire que si une personne à l’encontre de laquelle est retenu l’état de récidive légale n’a pas été informée, lors de son jugement pour la première infraction commise, de la peine qu’elle encourrait en cas de récidive, il en résulterait une nullité de procédure, ce qui n’était pas la volonté du législateur.

Aucun bilan statistique n’est disponible sur le bilan de l’application de cet article 3. Seule une étude de terrain permettrait de connaître la pratique des juridictions indépendamment des mentions portées au jugement. La circulaire du 13 août 2007 rappelle en effet que « la loi n’exige pas que cette information, si elle a été donnée au condamné, soit mentionnée dans le jugement », condition qui serait nécessaire pour procéder à un relevé statistique.

Votre rapporteur estime que cette disposition de la loi ne doit pas être minorée : elle souligne la logique préventive de la loi. Il espère que l’avertissement entrera vite dans les habitudes des juridictions de jugement, à des fins pédagogiques pour les condamnés.

2. Évaluation des pratiques : les observations relevées sur le terrain offrent une vision contrastée de l’application de la loi

a) La consigne faite aux parquets de relever systématiquement l’état de récidive légale lorsqu’il est constitué

La circulaire du 13 août 2007 précitée précise qu’« il va de soi que pour permettre l’application des nouvelles dispositions, il appartient aux magistrats du parquet de relever de façon systématique l’état de récidive légale dans leurs poursuites, lorsqu’elle est constituée ». Par dépêche en date du 24 septembre 2008, il a été rappelé aux parquets qu’ils doivent veiller à une bonne application de la loi du 10 août 2007 en relevant systématiquement l’état de récidive légale dans leurs poursuites lorsqu’il est constitué et en interjetant appel quand l’application de la peine minimale a été écartée pour des motifs jugés non pertinents.

Cette même circulaire précise qu’il appartient également au ministère public, lorsque l’état de récidive légale est relevé, d’ordonner des enquêtes sociales rapides, « non seulement lorsqu’elles sont obligatoires en application de l’article 41 du code de procédure pénale (11), mais aussi toutes les fois que les éléments du dossier d’enquête seront insuffisants pour permettre d’apprécier les garanties présentées par un récidiviste ».

Devant les polémiques suscitées par ces circulaires, votre rapporteur rappelle qu’il revient au garde des Sceaux de faire appliquer la loi pénale et qu’il était donc dans son rôle en donnant consigne aux parquets de relever l’état de récidive légale dès lors qu’il est constitué. Il note cependant, ainsi que l’a rappelé lors de son audition M. Jean-Marie Huet, directeur des Affaires criminelles et des grâces, que le ministère public conserve sa liberté de parole à l’audience : il peut donc tout à fait requérir la non-application de la peine minimale s’il estime que les garanties exigées par la loi sont avérées.

Il a été indiqué à vos rapporteurs que les parquets relèvent systématiquement l’état de récidive légale lorsque cela leur est possible, c’est-à-dire notamment si les fiches du casier judiciaire sont à jour au moment du jugement. En la matière, il faut souligner qu’un effort important a été réalisé : les délais moyens d’enregistrement par les services du casier judiciaire sont désormais inférieurs à deux semaines. Reste encore cependant la question des délais de frappe et d’enregistrement des jugements prononcés par les greffes – encore trop souvent surchargés – des tribunaux…

On constate par ailleurs un accroissement des appels interjetés par le parquet. Au 1er décembre 2008, 863 appels des parquets ont été recensés dans des affaires où l’état de récidive légale du prévenu avait été relevé, soit un taux d’appel de 9,2 %, proche du double du taux moyen constaté en matière correctionnelle. Ce taux atteint même 11,7% pour les mineurs. Ce phénomène, relevé dans le rapport de politique pénale établi par la Direction des affaires criminelles et des grâces pour 2007 (12), contrebalance ainsi la tendance générale à la réduction des appels correctionnels.

S’agissant de la caractérisation de l’état de récidive légale, il convient d’éclaircir une question qui a été soulevée lors des auditions menées par vos rapporteurs s’agissant des sursis avec mise à l’épreuve réputés non avenus. Vos rapporteurs souhaitent rappeler que depuis le 7 mars 2008, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la réhabilitation issues de la loi du 5 mars 2007, les condamnations avec sursis réputées non avenues peuvent servir de premier terme de la récidive.

En effet, en application du dernier alinéa de l’article 133-13 du code pénal, ces décisions, qui bénéficiaient jusqu’ici d’un régime d’effacement autonome, prévu par l’article 769 du code de procédure pénale (aujourd’hui abrogé), sont désormais soumises aux règles de la réhabilitation.

Dès lors, toute condamnation réhabilitée postérieurement au 7 mars 2008 peut désormais être prise en compte pour l’application des règles de la récidive légale, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 133-16 du code pénal, dont le dernier alinéa dispose : « la réhabilitation n’interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l’application des règles sur la récidive légale ».

b) Les justifications apportées par les juridictions de jugement pour déroger à l’application des peines minimales

Vos rapporteurs ont souhaité connaître les motivations les plus souvent retenues par les magistrats du siège pour écarter l’application des peines minimales, s’interrogeant subsidiairement sur la nature des peines prononcées dans ces cas.

Il apparaît que les critères les plus couramment retenus par les juridictions pour écarter la peine minimale en cas de première récidive concernent les circonstances de l’infraction, notamment la faiblesse du préjudice en matière de vol, la faible quantité saisie en matière de stupéfiants ou le rôle accessoire du récidiviste dans l’affaire. Le critère de la faiblesse du préjudice serait retenu dans environ 80 % des cas selon les évaluations transmises par la Chancellerie.

Les autres critères retenus par les juridictions pour écarter l’application de la peine minimale ne peuvent véritablement faire l’objet d’un classement selon leur fréquence. Il s’agit :

—  des garanties d’insertion ou de réinsertion (essentiellement le travail ou une formation professionnelle) et l’abandon de toute activité délictueuse depuis plusieurs années ;

—  de la préservation de la stabilité familiale et de la nécessité d’assurer la prise en charge des enfants ;

—  de la mise en œuvre d’une démarche de soins par le prévenu ;

—  de la personnalité de l’auteur et plus particulièrement d’éventuels troubles de la personnalité ou des troubles liés à une toxicomanie.

Lors de son audition, Mme Emmanuelle Perreux, Présidente du Syndicat de la Magistrature, a justifié les dérogations aux peines plancher, dénonçant le décalage existant bien souvent entre la gravité du dernier acte commis et la peine minimale encourue, qui plus est le plus souvent pour des atteintes aux biens (pour lesquelles le taux de récidive est le plus élevé). Une telle situation conduit les magistrats à « tirer » les critères de la loi pour ne pas appliquer la peine minimale. Elle a d’ailleurs indiqué que son syndicat avait adressé aux magistrats une « contre circulaire » les appelant à « appliquer complètement la loi », tout autant la peine minimale que toutes les possibilités qu’elle offre de ne pas en faire application.

Votre rapporteur estime quant à lui que la peine minimale vient sanctionner un parcours délinquant puisque l’état de récidive légale est avéré. Lire la peine minimale au seul prisme du dernier acte de délinquance est donc un dévoiement de la volonté du législateur qui a souhaité sanctionner plus durement les récidivistes, sans pour autant, bien évidemment, que cette sanction soit automatique.

Vos rapporteurs ont souhaité illustrer par des cas concrets les statistiques générales qui leur avaient été transmises et rencontrer des magistrats du tribunal de grande instance de Paris qui ont ou ont eu à appliquer la loi du 10 août 2007. Ils les ont notamment interrogés sur les motivations apportées pour déroger aux peines minimales.

Les magistrats ont indiqué que le taux d’application des peines minimales au TGI de Paris est de 33% des cas de récidive légale, soit un taux sensiblement inférieur à la moyenne nationale, qui tient sans doute en partie aux particularités de la délinquance parisienne.

Parmi les 67 % de cas où la peine minimale n’a pas été appliquée, seuls 18 % ont été motivés au regard des critères posés par la loi, les 49 % restant semblant ne pas avoir été motivés du tout, ce qui a beaucoup étonné vos rapporteurs. S’ils comprennent les contraintes de temps qui pèsent sur les magistrats, s’ils connaissent les situations difficiles dans lesquelles sont rendus de nombreux jugements, dans l’urgence et parfois nuitamment, ils s’interrogent cependant ces pratiques qui consistent à ne motiver une décision que si celle-ci est frappée d’appel.

M. Jacques Degrandi, Président du tribunal a souligné que, dans les cas où la peine minimale n’est pas appliquée, les condamnations comportent à 92 % une peine d’emprisonnement ferme, signe selon lui que l’application de peines inférieures aux peines minimales n’est pas le reflet d’une démarche idéologique mais bien plutôt du fait que les magistrats, heurtés par des peines minimales jugées disproportionnées par rapport au dernier fait commis, préfèrent prononcer une peine inférieure, tout en prononçant une peine ferme, du moins partiellement. Il a d’ailleurs relevé que seulement 30 % des peines minimales prononcées sont des peines entièrement fermes, les autres faisant une large part aux SME, souvent de longue durée.

M. Jean-Claude Marin, procureur de la République, a indiqué que le parquet faisait assez peu appel de ces décisions dès lors que la condamnation prononcée semblait « rétributive des faits commis ». Il a déclaré que le ministère public évaluait dans chaque cas l’opportunité de faire appel au risque de voir la peine minorée, qui plus est à l’issue d’un délai pouvant aller pour la cour d’appel de Paris jusqu’à trois ans si le prévenu comparait libre.

Une récente étude menée par le ministère de la Justice portant sur les condamnations en récidive prononcées au 4ème trimestre 2007 par les tribunaux correctionnels pour les infractions entrant dans le champ d’application de la loi vient d’ailleurs corroborer les chiffres donnés à Paris.

Il ressort de cette étude portant sur les 2 174 condamnations en récidive enregistrées que la peine minimale a été prononcée dans 50% des cas. On constate que même en l’absence d’une peine minimale, le taux d’emprisonnement est élevé (95%). Ainsi, 82 % des condamnations à une peine d’emprisonnement inférieure à la peine minimale comportent un emprisonnement ferme ou un sursis partiel, contre 89 % quand l’emprisonnement est supérieur ou égal à la peine minimale. C’est principalement le quantum moyen d’emprisonnement qui différencie les peines minimales d’emprisonnement des peines inférieures aux peines minimales : 23 mois pour les premières contre 8 mois pour les autres, l’écart s’agissant du quantum moyen ferme étant plus réduit (13 mois dans le premier cas, contre 6 mois dans le second), ce qui illustre bien le recours important au sursis (cf. tableau en annexe).

Les magistrats entendus ont expliqué à vos rapporteurs être placés devant une alternative lorsqu’ils estiment la peine minimale disproportionnée : soit prononcer une peine ferme inférieure au plancher, soit prononcer une « peine faciale », correspondant au quantum de la peine plancher, mais constituée très majoritairement d’un SME, et laissant donc entier le problème d’éventuelles révocations en cascade de ces sursis pendant le délai d’épreuve.

Un autre élément a été porté à la connaissance de vos rapporteurs : il semble qu’en pratique, la peine plancher est quasiment toujours appliquée lorsque le prévenu ne comparaît pas à l’audience. Ainsi en a-t-il été le cas d’une femme condamnée en récidive légale à une peine minimale de 4 ans pour détention d’une petite quantité de drogue, peine qui aurait très vraisemblablement été réduite si elle avait été présente.

Ces échanges ont été particulièrement troublants pour votre rapporteur qui a mesuré l’écart existant entre la conception qu’il se fait de la loi et son application sur le terrain. Ne sachant faire la part entre les contraintes qui pèsent sur les magistrats et d’éventuelles stratégies délibérées de contournement de la loi, il souhaite faire part de sa grande préoccupation à l’égard des conditions dans lesquelles la loi est appliquée. Il est inquiet de voir que selon les juridictions, la conception que les magistrats semblent se faire des dérogations prévues par la loi soit à géométrie variable, expliquant sans doute très largement les écarts constatés dans le taux d’application des peines minimales selon les ressorts.

Votre co-rapporteur a été marqué par les propos unanimes regrettant les difficultés et les contraintes que représente l’application de cette loi. Les peines plancher ne paraissent pas adaptées à la plupart des situations auxquelles sont confrontés les magistrats. Soit ils peuvent déroger à la peine qu’ils jugent excessive, soit ils ne peuvent pas et ils appliquent le plus souvent la peine plancher assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve pour atténuer la peine. Ils peuvent également être amenés à prononcer une peine plus faible sans la motiver, pratique, certes contestable, mais qui témoigne pour votre co-rapporteur de leur malaise dans l’application de la loi. Ce malaise est d’ailleurs plus important encore concernant les mineurs : « nous sommes en vraie difficulté pour appliquer la loi et en éviter les effets » a déclaré une magistrate.

c) L’application des peines minimales aux mineurs

Les peines minimales sont applicables aux mineurs de 13 ans, sous réserve des spécificités que justifie leur minorité, ainsi que le précise la circulaire du 13 août précitée :

—  le quantum des peines minimales est divisé par deux par rapport à celui applicable aux majeurs, en application de l’excuse de minorité (sauf décision d’écarter cette dernière pour les mineurs de plus de 16 ans) ;

—  les mesures et sanctions éducatives ne sont pas prises en compte pour la récidive ;

—  l’appréciation des « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » doit tenir compte de la minorité de l’auteur des faits, la circulaire fournissant des exemples (13.

En outre, le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision précitée du 9 août 2007 que « le législateur n’a pas entendu écarter les dispositions des articles 2 et 20 de l’ordonnance du 2 février 1945 en vertu desquelles la juridiction compétente à l’égard d’un mineur prononce une mesure de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation et peut cependant appliquer une sanction pénale si elle l’estime nécessaire ; qu’il s’ensuit que les peines minimales prévues aux articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal ne s’appliqueront que dans ce dernier cas ». Dès lors, si en récidive aggravée la loi prévoit que la peine ne peut être autre que l’emprisonnement, cette disposition doit être appliquée aux mineurs au regard des principes posés par l’ordonnance de 1945 qui font primer l’éducatif sur la peine. Les dispositions des articles 132-18-1 et 132-19-1 ne doivent ainsi trouver à s’appliquer que dans la mesure où la juridiction compétente aura décidé de prononcer une condamnation pénale plutôt qu’une mesure de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation.

Le professeur André Varinard, président de la commission – dont votre rapporteur fut membre – chargée de formuler des propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante a été entendu par vos rapporteurs avant même la remise de ce rapport, intervenue le 3 décembre dernier (14). Vos rapporteurs ont en effet jugé particulièrement utile de croiser le bilan de la mise en œuvre de la loi d’août 2007 dont ils sont chargés avec les premières réflexions prospectives menées par la commission.

Le professeur André Varinard, tout en estimant que l’emprisonnement des mineurs devait constituer l’ultime recours de la réponse pénale à leurs faits de délinquance, a vu trois justifications à l’application des peines minimales aux mineurs :

—  une justification criminologique : il s’agit par cette loi de s’attaquer plus fermement au noyau dur des « jeunes endurcis dans la délinquance », ces 5 % de mineurs qui commettent 50 % des faits de délinquance les plus graves ;

—  une justification pédagogique : à tout acte de délinquance doit répondre une sanction proportionnée, inscrite dans une progressivité de la réponse, sauf à continuer de voir des mineurs s’enorgueillir d’une succession d’infractions impunies ;

—  une justification victimologique : la victime doit être prise en compte pour laquelle la minorité de l’auteur ne saurait faire la moindre différence dans sa souffrance.

Il apparaît cependant que les tribunaux pour enfants ont moins recours que les tribunaux correctionnels aux peines plancher (43,1 % contre 49 %) dans les cas, sensiblement plus rares, où la récidive légale peut être relevée. Les magistrats de la jeunesse rencontrés au TGI de Paris ont exposé à vos rapporteurs leurs réticences à appliquer à des mineurs des peines minimales dont le quantum leur apparaît disproportionné par rapport au dernier fait commis.

M. Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la Justice a rappelé lors de son audition que la détention ne constitue que l’un des moyens de la réponse pénale au sein de la large palette que le législateur a mis à disposition des magistrats de la jeunesse. Les quelque 155 peines plancher prononcées à l’encontre de mineurs en 16 mois sont à rapprocher des chiffres de la délinquance des mineurs en 2007 : 213 000 mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie, 160 000 présentés au procureur de la République (soit 75% des mineurs auteurs présumés d’infraction), dont 81 000 ont fait l’objet de procédures alternatives aux poursuites et 79 000 ont été présentés devant une juridiction pour mineurs. Parmi ces derniers, environ 69 000 ont fait l’objet d’une décision de suivi en milieu ouvert, 4 500 d’une décision de placement hors de leur famille, 2 000 ont été placés en CER ou CEF et 3 500 ont été placés en détention.

M. Cabourdin a présenté à vos rapporteurs les résultats d’une enquête intitulée « Aspects de l’ordonnance du 2 février 1945 vue par 331 mineurs », réalisée par l’inspection des services de la PJJ en avril 2008 et qui met en lumière la perception qu’ont les mineurs délinquants du fonctionnement de la justice pénale. Le principal enseignement qu’en tirent vos rapporteurs est que les mineurs sont très sensibles à la cohérence et à l’adaptation du niveau de la sanction à la gravité de l’acte commis et ne comprennent pas toujours les mesures qui sont prononcées à leur égard (admonestation ou placement à l’extérieur). L’étude révèle aussi la perte de repères temporels de nombreux mineurs qui n’ont souvent plus, au moment où ils sont jugés, de souvenir précis des infractions commises, d’où la nécessité absolue d’apporter une réponse rapide, proportionnée, et donc clairement comprise.

C’est d’ailleurs ce qu’ont unanimement rappelé les personnes entendues par vos rapporteurs, Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, et M. Daniel Pical, représentant de l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille estimant qu’une justice rapide et bien comprise constitue une des clés de la lutte contre la récidive des mineurs. Le professeur Varinard a, quant à lui, rappelé les principes énoncés par Beccaria dans Des délits et des peines : « certitude » de la peine et « promptitude » de la sanction.

C. QUELS SONT LES EFFETS DE LA LOI SUR LA RÉCIDIVE ET SUR LA POPULATION CARCÉRALE ?

1. La difficile évaluation des effets de la loi sur la récidive

Comme l’a rappelé lors de son audition M. Christophe Régnard, Président de l’Union syndicale des magistrats, l’objectif du législateur d’août 2007 était de réduire la récidive et c’est donc en observant l’évolution des statistiques de la récidive qu’il sera possible d’évaluer l’efficacité de la loi.

Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour procéder à une telle évaluation.

Tout au plus vos rapporteurs disposent-ils des premiers résultats d’une étude lancée dernièrement sur les condamnations définitives inscrites au casier judiciaire national en comparant le quatrième trimestre 2006 et le quatrième trimestre 2007 afin de mesurer plus précisément l’impact de la loi du 10 août 2007 sur la récidive. Les résultats de cette étude font apparaître que, au cours du quatrième trimestre 2007, 2 174 condamnations en récidive pour des infractions visées par la loi du 10 août 2007 ont été prononcées par les tribunaux correctionnels, contre 2 234 au 4ème trimestre 2006, soit une réduction de 2,75 %.

Lors de son audition, M. Jean-Marie Huet a confirmé à vos rapporteurs qu’il était aujourd’hui impossible de quantifier les effets de la loi sur la récidive. Il a cependant indiqué que services de police et de gendarmerie constatent une diminution de la réitération, justifiant cette situation par un double impact de la loi :

—  un impact répressif : pendant leur temps d’incarcération, dont on sait qu’il est en moyenne plus élevé avec les peines minimales, les personnes condamnées ne peuvent commettre de nouvelle infraction ;

—  un impact dissuasif : sans doute l’effet le plus important car le plus large et qui se combine aux efforts menés sur le terrain par les acteurs de la prévention de la délinquance, au travers des contrats locaux de prévention de la délinquance (CLSPD).

Vos rapporteurs jugent primordial que soit poursuivie l’étude précitée portant sur les condamnations en récidive pour que le Gouvernement puisse informer le Parlement des évolutions ultérieures et que ce dernier puisse procéder à une réelle évaluation des effets de la loi.

2. La difficile quantification des effets de la loi sur la population carcérale

a) La part de l’augmentation de la population carcérale due à la loi du 10 août 2007 est difficilement quantifiable du fait de l’existence d’autres facteurs

M. Pierre-Victor Tournier, chercheur au CNRS, a tenté de mesurer l’impact des peines plancher sur la population carcérale. Au moment du vote de la loi, il avait présenté trois scenarii  possible : l’un sans impact sur la population carcérale, le deuxième déflationniste et le dernier inflationniste, selon l’effet relatif des dimensions dissuasive et répressive de la loi.

A posteriori, il a analysé les tendances de l’évolution de la population carcérale. Constatant une augmentation de 10 000 détenus au cours des cinq années qui ont précédé le vote de la loi, il en a déduit une tendance moyenne d’accroissement de 2 000 détenus par an. Il a rapproché ce chiffre de l’évolution constatée sur un an entre octobre 2007 et octobre 2008, qui est de +3 500 détenus, en déduisant une inflexion de tendance due notamment aux peines minimales.

Votre rapporteur juge qu’on surestime trop souvent l’effet des peines minimales sur cet accroissement de la population carcérale, car il existe d’autres facteurs explicatifs, comme l’ont rappelé tant M. Pierre-Victor Tournier que M. Claude d’Harcourt, directeur de l’Administration pénitentiaire.

Si ce dernier a déclaré ne disposer d’aucune évaluation de l’impact de la loi d’août 2007 sur la population carcérale, il a rappelé que d’autres phénomènes expliquent son accroissement, telle la suppression des décrets annuels de grâce collective du 14 juillet et des lois d’amnistie de début de législature. En dehors de toute considération de principe, il a noté que ces événements permettaient une « respiration » de la détention et réduisait les tensions subies par les personnels.

Toutes choses égales par ailleurs, l’abandon des grâces collectives a pour effet d’augmenter la durée moyenne de détention effectuée, en réduisant l’érosion des peines. Plus la détention est longue et plus un condamné pouvait bénéficier des effets des grâces collectives. Selon les éléments statistiques fournis par le ministère de la Justice, l’effet du décret de grâce de juillet 2006 s’est traduit par une réduction de l’ordre de 2 500 détenus.

Dans une étude contenue dans son ouvrage relatif à la loi pénitentiaire, contexte et enjeux, publié en janvier dernier, le professeur Tournier a essayé de modéliser l’impact de la suppression des grâces collectives sur la population détenue. Il a évalué que selon les hypothèses retenues, l’effet serait une hausse à terme (sans que ce terme puisse être défini) de 5 700 à 7 500 détenus.

En tout état de cause, les courbes de la population détenue reproduites ci-après font nettement apparaître un accroissement tendanciel de celle-ci depuis octobre 2006, soit avant la publication de la présente loi.

Source : Direction de l’administration pénitentiaire

Une analyse plus fine des chiffres transmis par la DAP permet de montrer un très net accroissement sur un an du « stock » de détenus condamnés à des peines inférieures à trois ans, le point de départ de cette hausse étant là encore daté d’octobre 2006 : les condamnés à une peine supérieure à un et inférieure à trois ans sont passés de 8 300 à cette date à 12 700 en juillet 2008. Ceux condamnés à une peine de moins d’un an sont quant à eux passés de 12 800 à 19 000 sur la même période.

En revanche, en termes de flux, on note une relative stabilité du nombre des entrées en détention des condamnés pour plus d’un an et moins de 3 ans, tandis que les entrées sont en nette progression pour les condamnés à moins de 6 mois, ce qui tend à signifier que pour les premiers, c’est le quantum des peines prononcé qui augmente et que pour les seconds, c’est le nombre de condamnations. En termes de contentieux, on a mesuré que depuis octobre 2006, le nombre de condamnés auteurs de violences volontaires a progressé rapidement : près de 3 800 condamnés de plus entre cette date et juillet 2008.

L’étude précitée comparant les peines prononcées en récidive légale au 4ème trimestre 2007 à celles prononcées un an auparavant peut également être éclairante : il ressort de cette étude que si le nombre de peines privatives de liberté prononcées est très proche d’une année sur l’autre (1 935 peines d’emprisonnement ferme ou en partie ferme en 2006 contre 1 883 en 2007), l’écart est bien plus élevé s’agissant des quantums de peines prononcées : le quantum moyen global passe de 7,2 mois en 2006 à 15,9 mois en 2007 et le quantum moyen de la partie ferme de 6,1 mois en 2006 à 10,1 mois en 2007.

 

4è trimestre 2007

4è trimestre 2006

 

Peine inférieure à la minimale

Peine égale ou supérieure à la minimale

Total

Peine inférieure à la minimale

Peine égale ou supérieure à la minimale

Total

Nombre

1 086

1 088

2 174

2 088

146

2 234

Taux

50,0 %

50,0 %

100%

93,5 %

6,5 %

100%

Taux de peines d’emprisonnement

94,8 %

100,0 %

97,4 %

95,8 %

100,0 %

96,1 %

Part des condamnations à emprisonnement comprenant une partie ferme

82,1 %

95,3 %

88,9 %

89,5 %

99,3 %

90,2 %

Quantum moyen (mois)

8,0

23,3

15,9

6,1

22,0

7,2

Quantum ferme moyen (mois)

6,2

13,2

10,1

5,3

16,7

6,1

Nombre de peines privatives de liberté fermes ou en partie fermes

846

1 037

1 883

1 790

145

1 935

Nombre de mois de peines privatives de liberté fermes ou en partie fermes

5 208

13 716

18 924

9 418

2 424

11 842

Source : ministère de la justice

Si on traduit ces chiffres en nombre de mois d’emprisonnement ferme prononcés sur un trimestre, il y en avait 11 842 en 2006 et 18 924 au 4ème trimestre 2007 (cf. tableau supra). Projetés sur un an, ces chiffres laissent apparaître une augmentation de 28 328 mois d’emprisonnement prononcés. En 2006, les chiffres du casier judiciaire indiquent que 1 135 769 mois d’emprisonnement ferme avaient été prononcés.

Dans ces conditions, et sous les réserves méthodologiques liées à une étude de cette nature, l’impact de la loi du 10 août 2007 pourrait être évalué à une augmentation de la population carcérale de 2,5%. Ces chiffres méritent cependant d’être confirmés par des études ultérieures.

b) La question de l’articulation de la loi du 10 août 2007 avec la future loi pénitentiaire a été posée

Le projet de loi pénitentiaire, actuellement en instance de première lecture par le Sénat, prévoit d’élargir la possibilité d’aménager les peines ab initio aux peines inférieures ou égales à deux ans ferme, contre un an aujourd’hui.

Certaines des personnes entendues par vos rapporteurs ont dénoncé le manque de cohérence entre ce projet de loi et la loi du 10 août 2007, y voyant des messages contradictoires adressés aux récidivistes. Maître Mortelette, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, a ainsi dénoncé le risque d’une « entrée en détention par la grande porte du TGI et une sortie rapide par la petite porte de l’aménagement des peines ».

De la même manière, les représentants de l’Union syndicale des magistrats ont relevé la situation paradoxale dans laquelle se trouvera après le vote de cette loi un magistrat qui devra prononcer une peine minimale de deux ans, peine qui sera aménageable ab initio alors même qu’il pourrait estimer qu’une peine plus courte mais effectivement purgée en détention aurait été une meilleure réponse aux actes commis. Une telle situation aura un effet très négatif sur la compréhension de la sanction par les condamnés, alors même que cette compréhension est un élément fondamental de la prévention de la récidive.

c) Tentative d’analyse prospective : quels sont les effets possibles de la « bombe à retardement » que constitue le prononcé massif de SME de longue durée ?

Il a été indiqué qu’une part importante des peines minimales prononcées sont assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve : cette pratique permet en effet aux magistrats, tout en appliquant la peine minimale, de prononcer une incarcération ferme plus courte et de dissuader la personne de toute velléité de récidive, sauf à faire « tomber » son sursis pendant le délai de mise à l’épreuve. Le recours au SME est d’ailleurs tout à fait privilégié dans la « contre circulaire » du Syndicat de la Magistrature, dans laquelle on peut lire « le SME partiel est possible et même vivement recommandé compte tenu de l’état des prisons françaises et de l’efficacité des mesures d’accompagnement dans la lutte contre la récidive ».

Ainsi, il n’est pas rare de voir une peine minimale prononcée de 4 ans se décomposer en 6 mois ferme assortis d’un SME de 42 mois, avec un délai d’épreuve qui va de 12 mois à 5 ans (en application de l’article 132-42 du code pénal).

Le recours massif à ces SME de durées inédites a été qualifié de « bombe à retardement » par Mme Martine Lebrun, présidente de l’ANJAP, rejoignant ainsi M. Claude d’Harcourt qui qualifie la situation de « bulle » prête à éclater.

Si au cours du délai d’épreuve le condamné méconnaît une de ses obligations (en ne se présentant pas à un rendez-vous avec le juge ou en étant arrêté pour conduite en état d’ivresse, par exemple), son SME peut être révoqué par le JAP, partiellement (trois mois, par exemple) ou en totalité, étant noté que l’article 132-49 du code pénal dispose que la révocation partielle d’un SME ne peut être ordonnée qu’une seule fois.

Dès lors, des manquements mineurs peuvent conduire à révoquer un sursis et donc à incarcérer la personne pour une période relativement longue, alors même qu’elle pouvait être sur la voie de sa réinsertion. Sur le plan de la pédagogie de la peine, la sanction serait difficilement compréhensible.

Sur un plan plus global, on peut craindre que des révocations en cascade de SME n’entraînent à terme un nouvel accroissement de la population carcérale. Mme Martine Lebrun a souligné que cette situation serait d’autant plus préjudiciable qu’elle réduirait encore les capacités des JAP et des SPIP à assurer un réel suivi des récidivistes en détention.

Au total, l’effet de cette multiplication des SME sur la population carcérale dépendra de deux facteurs principaux :

—  l’effet dissuasif de la mise à l’épreuve sur la commission de nouvelles infractions ou de manquements aux obligations ;

—  la réalisation effective des révocations par les JAP en cas de manquements par le condamné : il semble que certains JAP rencontrés soient prêts à ne « pas voir » de tels manquements pour éviter toute révocation totale impliquant une longue réincarcération…

II. QUEL BILAN POUR LA NOUVELLE ADAPTATION DU RÉGIME DE L’ATTÉNUATION DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MINEURS ?

A. MALGRÉ LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR…

Les articles 20-2 et 20-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante posent le principe dit de l’« excuse de minorité » qui emporte réduction automatique des sanctions – peines et amendes – encourues par les mineurs à la moitié des sanctions prévues pour les majeurs. L’article 20-2 prévoit cependant que la juridiction de jugement – tribunal pour enfants en matière délictuelle et cour d’assises des mineurs en matière criminelle – peut exceptionnellement écarter l’application de l’excuse de minorité pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans « compte tenu des circonstances de l’espèce et la personnalité du mineur ».

● La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance avait procédé à un premier élargissement de ces possibilités de dérogation, précisant que l’excuse de minorité peut être écartée pour les mineurs de plus de 16 ans « soit compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale ». Cette loi avait ainsi :

—  supprimé le caractère exceptionnel de l’hypothèse de dérogation qui existait déjà ;

—  et créé une seconde hypothèse : celle d’un mineur ayant commis, en état de récidive légale, un crime ou un délit constituant une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, comme des violences, un viol ou une agression sexuelle. La loi a par ailleurs prévu que dans un tel cas, la possibilité pour la juridiction des mineurs d’écarter l’excuse de minorité n’a pas à être spécialement motivée par le tribunal pour enfants, la simple constatation qu’il s’agit d’une atteinte à la personne et qu’il y a récidive constituant une raison suffisante pour ne pas retenir cette excuse.

Dans le prolongement de cette loi, l’article 5 de la loi du 10 août 2007 a :

—  étendu le champ des délits permettant d’écarter l’application de l’excuse de minorité, lorsqu’ils sont commis en état de récidive légale, aux délits commis avec la circonstance aggravante de violences ;

—  et inversé le principe pour les mineurs multirécidivistes : l’atténuation de la peine est exclue pour les mineurs de plus de 16 ans se trouvant une nouvelle fois en état de récidive légale pour des infractions graves – crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, délit de violences volontaires, délit d’agressions sexuelles, délit commis avec circonstance aggravante de violences –, sauf si la juridiction en décide autrement. Lorsque la décision de ne pas faire application de l’excuse de minorité est prise par le tribunal pour enfants, cette décision doit être spécialement motivée. Lorsqu’elle est prise par la Cour d’assises des mineurs, elle résulte de la réponse à une question spécifique posée aux jurés sur l’applicabilité ou non de l’atténuation de la responsabilité.

Le tableau ci-après décrit les différents cas possibles de dérogation au principe de l’excuse minorité :

CONDITIONS DE DÉROGATION AU PRINCIPE DE L’ATTÉNUATION
DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE POUR LES MINEURS DE 16 à 18 ANS

 

Infraction simple

1ère récidive légale

Nouvelle récidive légale

Toutes infractions

« Lorsque les circonstances de l’espèce et la personnalité du mineur le justifient » : Dérogation possible par la Cour d’assises des mineurs ou, par décision spécialement motivée, par le tribunal pour enfants.

Crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique

Pas de dérogation spécifiquement prévue

Dérogation possible par la cour d’assises des mineurs (question spécifique)

Dérogation de principe, sauf si la cour d’assises des mineurs en décide autrement

Délit de violences volontaires, délit d’agressions sexuelles, délit commis avec circonstance aggravante de violences

Pas de dérogation spécifiquement prévue

Dérogation possible par le tribunal pour enfants sans qu’il soit besoin d’une décision spécialement motivée

Dérogation de principe, sauf décision spécialement motivée par le tribunal pour enfants

B. … IL APPARAÎT QUE L’EXCUSE DE MINORITÉ EST TRÈS RAREMENT ÉCARTÉE PAR LES JURIDICTIONS

Il n’existe à ce jour pas d’éléments statistiques permettant de quantifier les dossiers dans lesquels est écartée l’excuse de minorité – de plein droit ou sur décision du tribunal. Vos rapporteurs regrettent que de tels indicateurs ne puissent être mis à la disposition du législateur pour lui permettre d’évaluer l’application de la loi qu’il a votée.

Tout au plus a-t-il été donné à vos rapporteurs quelques exemples qui laissent à penser que les tribunaux pour enfants n’usent généralement pas de la faculté d’écarter l’excuse de minorité et retiennent souvent des éléments liés à la personnalité de l’auteur pour la rétablir lorsqu’elle est exclue de plein droit.

A été cité le cas d’un mineur âgé de 17 ans, multiréitérant, qui était poursuivi en récidive pour vol aggravé. Le tribunal pour enfants se trouvait dans un cas où il pouvait écarter l’excuse de minorité. Le mineur a été condamné à la peine de 5 mois d’emprisonnement et l’excuse de minorité a été conservée.

Lors de leur déplacement au tribunal de grande instance de Paris, il a même été expliqué à vos rapporteurs que l’excuse de minorité était systématiquement retenue par le tribunal pour enfants. Votre rapporteur regrette cette prise de position systématique a priori.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs, la Chancellerie devrait prochainement conduire une étude spécifique sur l’application de la loi du 10 août aux mineurs et notamment sur la question de l’application de l’excuse de minorité. Vos rapporteurs espèrent que cette étude pourra être menée au plus vite et seront très attentifs aux résultats qui en sortiront.

C. QUELLE ARTICULATION AVEC LES PEINES MINIMALES ?

Si les principes de l’excuse de minorité et des peines plancher ne sont pas liés, l’excuse de minorité pouvant être écartée sans que soit appliquée une peine minimale et une peine minimale pouvant être prononcée sans priver le mineur du bénéfice de l’excuse de minorité, étant alors précisé que la peine plancher encourue est diminuée de moitié, il apparaît important d’analyser dans les faits comment s’articulent les deux dispositifs.

La Chancellerie a présenté à vos rapporteurs l’exemple d’un mineur âgé de 17 ans, poursuivi pour des faits de recel de vols avec dégradations commis le 21 novembre 2007, et qui se trouvait en état de récidive légale pour avoir été condamné le 27 septembre 2006 pour des faits similaires. Dans cette situation, le tribunal avait l’opportunité d’écarter le bénéfice de l’excuse de minorité, mais aussi de prononcer une peine minimale d’un an : la peine encourue pour ces faits par un majeur étant de 5 ans, la peine plancher pour un majeur était de 2 ans et donc la peine plancher encourue par ce mineur était d’un an.

Le tribunal a déclaré le mineur coupable des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à une peine de 24 mois d’emprisonnement dont 22 mois avec sursis et mise à l’épreuve assortie d’une obligation de travailler. Sans avoir écarté l’excuse de minorité, le tribunal l’a donc condamné à une peine d’un quantum supérieur à la peine minimale encourue.

Autre exemple : un mineur de seize ans a été jugé le 6 mai 2008 par un tribunal pour enfants selon la procédure de présentation immédiate, pour des faits de violences aggravées par trois circonstances et commises en état de récidive légale ; il lui était en effet reproché d’avoir violenté sa concubine enceinte en faisant usage d’une arme par destination. Le premier terme de la récidive était constitué par une condamnation du tribunal pour enfants en date du 21 novembre 2007 pour des faits assimilés de vol avec violences. Dans cette situation, le tribunal avait l’opportunité d’écarter le bénéfice de l’excuse de minorité, mais aussi de prononcer une peine minimale.

L’intéressé a finalement été condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement dont dix mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve durant deux années, avec maintien en détention. Le tribunal pour enfants a dans ce cas retenu l’excuse de minorité au regard de la personnalité du prévenu, ce qui a eu pour effet de diviser par deux la peine plancher encourue, celle-ci passant de trois années à dix-huit mois d’emprisonnement.

III. QUEL RENFORCEMENT DU SUIVI MÉDICAL DES CONDAMNÉS ?

Le troisième volet de la loi renforce la prise en charge médicale des condamnés pour les infractions les plus graves par deux moyens :

—  la systématisation de l’injonction de soins à la sortie de détention pour les auteurs des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, dès lors qu’une expertise conclut qu’un traitement est possible ;

—  l’incitation à accepter des soins en détention.

A. LA LOI A RENFORCÉ ET SYSTEMATISÉ LES SOINS EN DÉTENTION ET À LA SORTIE

L’enjeu est d’importance : il s’agit de mettre à profit la période passée en détention pour assurer des soins adaptés aux personnes condamnées et de prolonger le suivi de ces soins après la sortie. À la prise en charge judiciaire s’ajoute ainsi une prise en charge médico-psychologique qui doit favoriser la réinsertion de la personne et ainsi mieux prévenir la récidive.

1. L’extension du champ d’application et systématisation de l’injonction de soins

La loi du 10 août 2007 a étendu le champ d’application de l’injonction de soins et l’a rendue systématique dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire (article 7), d’un sursis avec mise à l’épreuve (article 8), d’une surveillance judiciaire (article 9) et d’une libération conditionnelle (article 11), cette généralisation étant soumise à deux réserves :

—  dans tous les cas, les personnes condamnées ne pourront être soumises à une injonction de soins que s’il est établi, après une expertise médicale, qu’elles sont susceptibles de faire l’objet d’un traitement ;

—  et, par ailleurs, la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines a toujours la possibilité de ne pas prescrire cette injonction, alors même que l’expertise y a conclu favorablement.

2. Le renforcement de l’incitation au suivi médical en détention

Jusqu’au vote de la loi, des traitements pouvaient être prodigués en détention, sur une base volontaire – hormis le cas de l’hospitalisation d’office pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Si le refus de soins n’était pas punissable, il pouvait cependant conduire à limiter les réductions de peines supplémentaires au titre de l’article 721-1 du code de procédure pénale au motif que le détenu ne manifeste pas « des efforts sérieux de réinsertion sociale ».

La loi a fortement incité les détenus à accepter des soins durant leur incarcération en sanctionnant dans certains cas le refus de soins par l’absence de réductions supplémentaires de peine ou de libération conditionnelle.

a) Suppression des réductions supplémentaires de peine en cas de refus de soins

Le régime des réductions de peine comprend, outre le « crédit de réduction de peine », calculé sur la durée de la condamnation prononcée (article 721 du code de procédure pénale) (15), la possibilité d’octroi d’une « réduction supplémentaire de la peine », qui peut être accordée aux condamnés qui manifestent des « efforts sérieux de réadaptation sociale ». Ces efforts peuvent notamment se concrétiser par une « thérapie destinée à limiter les risques de récidive ».

L’article 10 de la loi prévoit que désormais en principe aucune réduction supplémentaire de peine ne peut être accordée à une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qui refuse de suivre le traitement proposé pendant son incarcération.

À l’initiative du Sénat, la loi a cependant prévu que le JAP, conservant un pouvoir d’appréciation de chaque cas, peut décider que la réduction supplémentaire de peine n’est pas supprimée malgré l’absence de suivi du traitement proposé.

b) Absence de libération conditionnelle en cas de refus de soins

L’article 11 de la loi subordonne la libération conditionnelle d’une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à l’acceptation d’un traitement pendant son incarcération et à l’engagement de le poursuivre après sa libération.

L’article 729 du code pénal précise que la libération conditionnelle tend à la « réinsertion des condamnés » et à la « prévention de la récidive ». Il prévoit que les personnes condamnées à une peine privative de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle si elles manifestent « des efforts sérieux de réadaptation sociale », notamment lorsqu’elles justifient « de la nécessité de subir un traitement ». Ces dispositions se trouvent donc renforcées par la loi.

B. LE DÉCRET D’APPLICATION DU 16 NOVEMBRE 2007 A CORRIGÉ CERTAINS EFFETS PERVERS DE LA LOI

La loi du 10 août 2007 a fait l’objet d’un décret d’application : il s’agit du décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007 renforçant le recours aux aménagements de peine et la lutte contre la récidive, qui a lui-même fait l’objet d’une circulaire de présentation du 20 novembre 2007.

Ce décret a tout d’abord consacré l’existence des conférences régionales semestrielles sur l’aménagement des peines (nouvel article D. 48-5-1 du code de procédure pénale) qui a pour objet de dresser le bilan des aménagements intervenus dans le ressort de la cour d’appel, recenser les moyens disponibles en la matière, améliorer les échanges d’informations entre les différents acteurs et définir des actions pour renforcer les aménagements de peine et les alternatives à la détention.

Le décret a aussi complété les dispositions sur la surveillance judiciaire des condamnés dangereux afin d’éviter toute rupture dans le suivi de ces condamnés, entre leur libération et leur prise en charge par le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) :

—  en prévoyant la transmission, avant la libération du condamné, d’une copie du dossier au juge du ressort dans lequel le condamné aura sa résidence ;

—  en exigeant, si une injonction de soins a été prononcée, la désignation, avant la libération du condamné, du médecin coordonnateur et, sauf impossibilité, du médecin traitant ;

—  en prévoyant de façon systématique la convocation du condamné libéré par le juge de l’application des peines dans un délai de moins de huit jours à compter de sa libération ;

—  en exigeant que la décision qui prononce une surveillance judiciaire fixe un lieu de résidence pour le condamné.

Ce décret a en outre procédé à des adaptations réglementaires rendues nécessaires par la loi du 10 août  2007.

L’article 11 de la loi a étendu l’obligation d’expertise psychiatrique préalable à toute remise en liberté anticipée (libération conditionnelle, semi-liberté, placement à l’extérieur, réduction de peines entraînant la libération immédiate du condamné) et à toute permission de sortie des détenus, jusqu’ici imposée uniquement pour les personnes condamnées pour les infractions les plus graves, visées à l’article 706-47 du code de procédure pénale (meurtre ou assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, agression ou atteintes sexuelles ou proxénétisme à l’égard d’un mineur, prostitution de mineur), à l’ensemble des détenus condamnés pour des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru. Il s’agit, notamment, des crimes d’atteintes volontaires à la vie, des crimes de tortures et d’actes de barbarie, des violences conjugales, des violences sur mineurs par un ascendant, des viols et agressions sexuelles, exhibition sexuelle, corruption de mineurs, destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes.

Il en est résulté dans les premiers mois d’application de la loi un blocage du système des sorties anticipées et de nombreux refus de permissions de sortie, du fait des délais d’expertise.

Le décret a donc assoupli le dispositif prévu par la loi. C’est ce qu’a expliqué à vos rapporteurs M. Claude d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, qui a jugé que ce décret a corrigé les effets pervers que la loi a eus sur les aménagements de peine.

L’article D. 49-23 du code de procédure pénale introduit par ce décret précise que, par dérogation à la lettre de l’article 712-21, « le juge ou le tribunal de l’application des peines peut toutefois, avec l’accord du procureur de la République, dire, par ordonnance ou jugement motivé, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique préalablement à une décision d’aménagement de la peine, dès lors que figure au dossier du condamné une expertise datant de moins de deux ans, y compris si celle-ci a été réalisée avant la condamnation. »

Par ailleurs, et sauf cas de condamnation pour des infractions très graves, mentionnées à l’article 706-47, « le juge de l’application des peines peut également, avec l’accord du procureur de la République, ordonner par ordonnance motivée une permission de sortir sans expertise préalable ; il en est de même pour les autres décisions d’aménagement de la peine, par ordonnance ou jugement spécialement motivé faisant état de la non-nécessité d’une expertise au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

Pourtant selon Mme Martine Lebrun, présidente de l’ANJAP, il apparaît qu’en pratique la grande majorité des parquets refusent de renoncer à l’expertise préalable, dans le but de prévenir toute mise en cause ultérieure en cas de récidive du condamné ainsi libéré. Elle a jugé le dispositif mis en place par la loi « contreproductif pour l’intérêt de la société », car il accroît chez les détenus le sentiment d’injustice et renforce leur révolte.

C. LA DIFFICILE ÉVALUATION DE L’APPLICATION DE CE DISPOSITIF FAUTE D’UN RECUL SUFFISANT

1. Évaluation de l’effectivité de l’incitation à se soigner

a) En détention

Votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité évaluer l’impact de l’entrée en vigueur de la loi sur le suivi des soins en détention et analyser si la démarche incitative de la loi avait porté ses fruits. Ils ont donc interrogé les services de la Chancellerie sur le point de savoir si on avait pu évaluer le nombre de détenus éligibles à l’injonction de soins mais qui l’ont refusé, induisant soit la suppression des réductions supplémentaires de peine, soit l’absence de libération conditionnelle et, à l’inverse, si tous les condamnés « éligibles » (concernés par le dispositif et ayant fait l’objet d’une expertise positive) et volontaires avaient pu bénéficier d’un traitement dès le 1er mars 2008.

Malheureusement, aucune donnée tant sur le refus de soins que sur le refus de libération conditionnelle en raison d’un refus de soins n’est aujourd’hui disponible. Vos rapporteurs déplorent ce manque d’éléments pourtant indispensables pour évaluer l’application de la loi.

Pour autant, il ressort d’une enquête menée par la DAP courant septembre 2008 sur trois établissements pour peines significatifs (centres de détention de Caen et Mauzac, maison centrale de Saint-Maur) qui ont un fort taux de délinquants sexuels, que 6% des condamnés à une injonction de soins ont refusé d’être suivis ; aucun d’entre eux n’a bénéficié de réductions supplémentaires de peine ni d’une libération conditionnelle.

S’agissant des condamnés ayant accepté les soins (soit 94 % des condamnés à une injonction de soins), il ressort de cette enquête que 47 % ont bénéficié des réductions de peine supplémentaires en totalité, 48 % ont bénéficié partiellement de ces réductions de peine et 5 % n’ont pas obtenu de réductions de peine supplémentaires. Par ailleurs, 1 % des condamnés ayant accepté les soins se sont vus octroyer une libération conditionnelle, tandis que cette mesure a été refusée à 2 % d’entre eux. 

La généralisation des soins doit permettre de mieux prendre en charge les détenus qui doivent faire l’objet de soins psychiatriques et ce le plus tôt possible, mais aussi de mieux les préparer à la sortie et d’assurer un meilleur suivi à leur sortie de détention. Vos rapporteurs regrettent cependant que l’offre de soins en détention demeure insuffisante, malgré les efforts importants réalisés ces dernières années.

Ils rappellent les capacités réduites des services médico-psychologiques régionaux (SMPR), qui n’existent que dans 26 établissements pénitentiaires, et qui ne peuvent accueillir tous les détenus nécessitant une hospitalisation complète, mais aussi les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d’office en l’absence de garde statique par les forces de l’ordre. Le nombre des psychiatres intervenant en établissements pénitentiaires demeure insuffisant, non sans lien avec l’évolution des méthodes en psychiatrie qui a consacré les services ouverts au détriment des services fermés.

La prochaine ouverture des premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) devrait améliorer notablement la situation : l’an prochain doit ouvrir à Lyon la première unité de soixante places spécifiquement consacrée à la prise en charge des délinquants pédophiles dans le cadre de mesures prises pour lutter contre ce type de récidive.

b) À la libération

Votre rapporteur et votre co-rapporteur regrettent qu’il ne soit pas possible, en l’état actuel des outils statistiques, de préciser le nombre de détenus qui ont été libérés depuis le 1er mars 2008 avec une injonction de soins.

L’Info Centre Appi qui permet d’extraire des données statistiques en matière d’application des peines ne comporte en effet pas d’indication relative à l’injonction de soins. Par ailleurs le casier judiciaire ne porte pas mention des mesures d’injonction de soins et ne permet pas davantage d’avoir des indications statistiques. Il a cependant été indiqué à vos rapporteurs que la nouvelle version de Appi devrait contenir des données statistiques relatives à l’injonction de soins dès l’an prochain.

L’absence d’éléments objectifs permettant de quantifier le recours aux injonctions de soins ne permet à l’évidence pas d’effectuer le nécessaire suivi des personnes qui en bénéficient et donc d’évaluer l’efficacité de ces mesures.

C’est pourquoi votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité entendre le docteur Roland Coutanceau qui dirige la consultation extérieure à la prison qui reçoit le plus grand nombre de personnes placées sous obligation ou injonction de soins. Ce praticien plaide pour le développement de ces structures de consultations spécialisées qui fonctionnent en réseaux avec l’ensemble du dispositif de soins. Jugeant nécessaire une certaine expérience pour apporter les bonnes réponses, il a estimé que tous les psychiatres ne peuvent assurer de telles consultations très spécifiques et jugé préférable de confier cette mission à un nombre limité de praticiens expressément formés.

Le docteur Coutanceau a par ailleurs relevé une faille dans le dispositif de l’injonction de soins : rappelons que celle-ci peut être prononcée par le magistrat à la condition que l’expert ait émis un avis favorable. Or nombre d’experts estiment que certains condamnés ne sont pas éligibles aux soins, soit parce qu’ils nient les faits, soit parce qu’ils refusent tout contrôle, si bien que l’on aboutit à une situation totalement paradoxale qui exclut l’injonction de soins pour certains condamnés particulièrement dangereux. Pour lui, la, logique de « toute médicalisation » atteint ses limites ; il préconise plutôt une « obligation de suivi » qui combinerait des éléments de soins (dispensés par des médecins, par des psychiatres) avec des éléments éducatifs (dispensés par les SPIP).

2. Le difficile recrutement de médecins coordonnateurs

Les dispositions de la loi sont entrées en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi, à l’exception des dispositions relatives aux condamnations emportant une injonction de soins, dont l’entrée en vigueur a été reportée au 1er mars 2008, notamment pour permettre le recrutement de nouveaux médecins coordonnateurs. Vos rapporteurs ont donc souhaité savoir où en était le processus de recrutement.

Selon une étude menée par l’association pour la recherche et le traitement des auteurs d’agressions sexuelles (ARTAAS), il y avait en France 147 médecins coordonnateurs en juin 2006. Ils étaient 211 au 1er décembre 2008, selon les éléments transmis à vos rapporteurs, bien loin donc des 450 annoncés lors du vote de la loi…

À Paris, il n’y a que 14 médecins inscrits sur la liste des médecins coordonnateurs compétents, étant noté que certain d’entre eux sont également compétents dans les ressorts d’autres juridictions en banlieue. Ce nombre insuffisant contraint les JAP à procéder à un tri, pour réserver aux cas les plus délicats l’intervention d’un médecin coordonnateur, en plus du médecin traitant.

À ce jour encore 14 départements métropolitains et 3 départements d’outre-mer n’ont pas de médecin coordonnateur.

Des mesures ont pourtant été prises pour assurer un recrutement plus large de médecins coordonnateurs.

Tout d’abord, l’arrêté du 24 janvier 2008 pris pour l’application des articles R. 3711-8 et R. 3711-11 du code de la santé publique relatif aux médecins coordonnateurs a d’une part revalorisé l’indemnité annuelle qui leur est versée, fixée à 700 € par personne suivie à compter du 1er mars 2008 (soit une augmentation de 164 %) et d’autre part porté de 15 à 20 le nombre de personnes condamnées pouvant être suivies au cours d’une année par un même médecin coordonnateur.

Le ministère de la santé a en outre publié une circulaire (16) du 18 juin 2008 relative à l’évolution du dispositif de l’injonction de soins, à la rémunération des médecins coordonnateurs et aux cotisations sociales applicables à cette indemnité. Cette circulaire adressée aux DRASS et aux DDASS présente les dispositions de la loi nouvelle qui généralisent l’injonction de soins et rappelle, outre l’augmentation de la rémunération des médecins coordonnateurs, le statut de ces médecins au regard des cotisations sociales.

Le docteur Roland Coutanceau estime que le montant des rémunérations des vacations des médecins coordonnateurs n’était qu’un faux problème : l’augmenter n’était pas la bonne solution pour en recruter un plus grand nombre, tout au plus augmentera-t-on selon lui les frais de justice. D’autant que la fixation d’un plafond de 20 personnes qu’un même médecin coordonnateur peut suivre, soit 60 consultations sur l’année, est un inutile facteur de rigidité du système, qui freine les vocations. Il estime que le rôle du médecin coordonnateur est crucial au début de la prise en charge mais qu’une fois le lien établi entre la personne suivie et son médecin traitant, son rôle se réduit à un suivi plus limité.

3. La question du passage de relais des soins au moment de la libération

Votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité savoir comment s’effectuait le passage de relais entre les différents médecins chargés des soins en détention puis à la libération de la personne. Le médecin coordonnateur et/ou le praticien appelés à suivre la personne après sa libération ont-ils des contacts avec elle avant sa sortie ? avec le médecin chargé des soins en détention ?

Il apparaît que des dispositions réglementaires ont été prises pour préparer la sortie des condamnés placés sous surveillance judiciaire, notamment lorsqu’elle est assortie d’une injonction de soins.

L’article D. 147-40-1 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007 prévoit que : « Si la surveillance judiciaire comporte une injonction de soins, ce juge désigne, avant la libération du condamné, le médecin coordonnateur afin que le choix du médecin traitant puisse, sauf impossibilité, intervenir avant cette libération, en application des dispositions des articles R. 3711-8 et R. 3711-12 à R. 3711-17 du code de la santé publique. Pour ce faire, le condamné peut bénéficier de permissions de sortir ou d’autorisations de sortie sous escorte, afin de rencontrer le médecin coordonnateur et son médecin traitant. »

L’article D. 147-40-2 dispose quant à lui que « la personne placée sous surveillance judiciaire doit être convoquée par le juge de l’application des peines du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elle doit résider, dans un délai maximal de huit jours à compter de sa libération. Cette convocation lui est notifiée contre émargement, avant sa libération, par le chef d’établissement pénitentiaire. »

En revanche, peu d’éléments ont pu être transmis à vos rapporteurs s’agissant de la continuité des soins et du passage de relais au moment de la libération. Il a été indiqué à vos rapporteurs que le rapport annuel d’activité des services de soins en milieu pénitentiaire qui sera rendu à partir de 2009 par le ministère chargé de la santé devrait comporter des éléments sur la continuité des soins à la sortie du milieu carcéral. Vos rapporteurs seront attentifs aux conclusions du premier rapport.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs, le ministère de la Justice va diligenter une étude d’ensemble sur la mise en œuvre de l’injonction de soins, afin de mieux connaître les pratiques des juridictions de jugement en cette matière, d’évaluer l’impact de la loi, d’apprécier les conditions d’exécution de ces injonctions ainsi que leurs suites.

CONCLUSION

À l’issue des auditions et du déplacement auxquels ils ont pu procéder, votre rapporteur et votre co-rapporteur jugent qu’il est encore trop tôt pour établir avec certitude le bilan de la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Ce manque de recul a d’ailleurs été souligné par la grande majorité des personnes entendues. Ces auditions montrent aussi que la polémique sur le bien-fondé de la loi n’est pas éteinte.

Au total, vos rapporteurs retirent de leur travail deux analyses différentes de l’application de la loi.

Bien que les interrogations et les oppositions de principe n’aient pas disparu, votre rapporteur estime que la loi a fait la preuve de la validité du dispositif mis en place, qui laisse une réelle marge d’appréciation aux magistrats, comme le montre un taux d’application moyen de la peine minimale stabilisé autour de 50 %.

La loi conserve ainsi toutes les facultés pour le juge d’individualiser les peines :

—  il peut prononcer la peine minimale, une peine supérieure à la peine minimale ou une peine inférieure, s’il estime que les circonstances de l’infraction ou la personnalité de l’auteur le justifient ;

—  il peut assortir la peine prononcée de sursis, total ou partiel ;

—  il peut prononcer l’aménagement ab initio des peines inférieures à un an d’emprisonnement (bientôt deux ans avec l’adoption prochaine de la loi pénitentiaire).

Les magistrats ne sont en aucun cas des « machines à distribuer des peines », ce qu’ils ont souvent craint au moment du vote de la loi. Ce n’était pas le souhait du législateur, qui a seulement voulu adresser un message de grande fermeté à l’égard des récidivistes dans le but de les dissuader de repasser à l’acte. Votre rapporteur rappelle d’ailleurs que, dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel avait jugé les dispositions de la loi conformes aux principes de nécessité et d’individualisation des peines. (17)

Un des objectifs de la loi était de donner un cadre plus ferme et cohérent pour la répression de la récidive dans le but de renforcer le caractère dissuasif de la peine tout en permettant aux magistrats d’individualiser la peine au regard des circonstances de l’espèce. Il apparaît à votre rapporteur que ce souci d’homogénéisation de la réponse pénale n’est pas réalisé en pratique, ce qui pourrait poser de graves difficultés.

L’impact de la loi sur la récidive demeure difficile à évaluer du fait du manque de recul. Votre rapporteur souhaite que l’effet dissuasif l’emporte, notamment auprès des mineurs, l’objectif ultime de cette loi étant qu’elle n’ait pas à être appliquée.

L’impact de la loi sur l’évolution de la population carcérale, si souvent dénoncé, est difficilement quantifiable, tant il est difficile de faire la part de l’augmentation de la population carcérale due à cette loi de celle due à d’autres facteurs, telle la disparition des décrets de grâce collective et lois d’amnistie.

Pour votre co-rapporteur ce premier examen d’application confirme les préventions exprimées lors de l’adoption de la loi.

Le faible taux d’application des peines plancher traduit l’inadaptation de ce dispositif au regard de ses objectifs. En effet, les peines plancher entièrement fermes ne sont prononcées que dans moins de 20% des cas de récidive légale, signe que ces peines ne sont pas considérées comme pertinentes par ceux chargés de les appliquer. C’est d’ailleurs ce qui a été indiqué à vos rapporteurs lors de leur déplacement au TGI de Paris, où les magistrats ont estimé que : « le quantum n’est pas adapté. Les peines plancher sont trop importantes ». Le Président Jacques Degrandi, a d’ailleurs jugé que « le système antérieur avec les circonstances atténuantes était plus adapté ».

Si les magistrats conservent leur faculté d’individualisation de la peine, ils l’exercent désormais dans des conditions beaucoup plus contraintes. En témoigne le recours massif au sursis avec mise à l’épreuve qui dénature totalement cette mesure et fait peser sur le système carcéral un risque d’embolie. Les magistrats ont conscience de cette difficulté, mais ne voient pas d’autres moyens d’atténuer des peines qu’ils considèrent comme inadaptées. Il ne faudrait cependant pas en tirer la conclusion d’une pratique « laxiste » de la sanction par la justice. Dans la quasi-totalité des cas, même lorsqu’ils décident d’écarter l’application de la peine minimale, les magistrats prononcent des peines fermes à l’encontre des récidivistes.

La justice des mineurs ne s’est pas saisie de cette loi comme en témoigne son très faible taux d’application ou même son inapplication à Paris.

Si les conséquences de la loi sur le système carcéral sont limitées c’est en raison d’une application très restrictive de cette loi par les magistrats. Nul doute qu’une pratique plus ferme aurait des répercussions beaucoup plus importantes sur l’augmentation de la population pénale que le système carcéral serait incapable de supporter compte tenu de son engorgement.

En définitive, votre co-rapporteur estime que les difficultés d’application de la loi devraient conduire le législateur à s’interroger sur son utilité et sa pertinence.

■ D’une manière générale, vos rapporteurs se sont demandé si le niveau fixé par la loi des peines minimales est adapté, ce qui pose la question sous-jacente de la pertinence du niveau des peines encourues pour chaque infraction. Certains magistrats entendus ont estimé que certaines peines sont trop élevées. Sans doute notre échelle des peines mérite-t-elle d’être revue. La Commission récemment mise en place par le garde des Sceaux et chargée de faire des propositions en vue d’une refonte du code pénal et du code de procédure pénale aura assurément à se pencher sur cette question.

Vos rapporteurs invitent par ailleurs le ministère de la justice à se doter d’instruments de suivi statistique plus performants et plus précis, permettant un réel pilotage de la politique pénale à l’égard des récidivistes et une réelle évaluation de cette politique par le Parlement. Sauf à disposer des quantums moyens de peine prononcés, permettant notamment de distinguer au sein des peines qui font application des peines minimales celles qui appliquent stricto sensu ce quantum et celles qui vont au-delà, le contrôle du Parlement sur les effets de la loi du 10 août 2007 ne pourra être qu’incomplet.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 9 décembre 2008, la Commission a procédé à l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice et examiné, en application de l’article 86, alinéa 8 du Règlement, le rapport sur la mise en application de la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, je suis d’autant plus heureux de vous accueillir au sein de notre Commission qu’il s’agit aujourd’hui de dresser un premier bilan du premier texte que vous avez présenté à notre assemblée, emblématique de la nouvelle politique pénale voulue par le Président de la République : la loi tendant à lutter contre la récidive par l’instauration des peines plancher, par la création de nouvelles dérogations à l’excuse de minorité et par le renforcement de l’injonction de soins. Ce texte fait l’objet d’un projet de rapport d’information, conformément à l’article 86, alinéa 8, de notre Règlement, qui va nous être présenté par M. Guy Geoffroy, en tant que rapporteur, et M. Christophe Caresche, en qualité de co-rapporteur. Vous pourrez ensuite, madame la garde des Sceaux, répondre à leurs questions et à celles des députés qui souhaitent vous interroger.

Nous attendons en effet avec impatience que vous nous apportiez de premiers éléments d’information sur les conditions d’application de la loi, sur ses premiers effets sur la délinquance et sur l’évolution de la population carcérale.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce travail, dont l’accomplissement, en parfaite coopération, si ce n’est toujours en parfait accord, avec Christophe Caresche, m’a apporté une grande satisfaction, prouve l’utilité de la méthode que nous avons retenue depuis le début de la législature pour suivre l’application des lois.

Nous avons consacré notre rapport d’information aux trois dispositions qui avaient été les plus vivement débattues au moment de l’examen du projet de loi : l’instauration, conformément à l’engagement du Président de la République, de peines minimales d’emprisonnement applicables aux majeurs et aux mineurs de plus de treize ans récidivistes de crimes et de délits punissables de plus de trois ans d’emprisonnement – cette disposition était, et reste, la plus commentée – ; l’élargissement des conditions dans lesquelles les juges peuvent écarter l’excuse de minorité prévue par l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante ; enfin, la généralisation et la systématisation de l’injonction de soins, dont la mise en œuvre a été repoussée de quelques mois.

Je veux préciser au préalable que les chiffres dont nous faisons état dans notre rapport doivent être envisagés avec prudence, car il est encore trop tôt pour mesurer l’impact exact de la loi.

Le grand reproche adressé au dispositif des peines plancher était qu’il entraînerait l’automaticité du prononcé de peines minimales. Or, sur plus de 18 000 condamnations en récidive légale recensées depuis la publication de la loi, 9 000 peines plancher ont été prononcées : cela signifie que les juges ont dérogé à l’application de peines minimales dans la moitié des cas, préférant recourir à la palette des peines disponibles, du prononcé de peines au quantum inférieur, mais souvent fermes, de peines assorties d’un sursis, simple ou avec mise à l’épreuve, jusqu’à des peines plus lourdes que les peines plancher, dans des proportions que nous ne pouvons pas, hélas ! connaître plus précisément. Nous avons également été frappés par la variation considérable du taux d’application des peines minimales selon les ressorts des cours d’appel – 34,4 % à Paris, 72,5 % à Bourges.

Les effets de l’instauration de peines minimales sur la récidive sont difficiles à évaluer, principalement par manque de recul. Si nous comparons le quatrième trimestre 2006 au quatrième trimestre 2007, le nombre de condamnations en récidive a baissé de 2,75 %, mais cette baisse doit encore être confirmée.

L’impact de l’instauration de peines plancher sur la population carcérale est difficilement quantifiable. Si l’augmentation de la population carcérale a commencé en 2006, on observe un très net accroissement du « stock » des détenus depuis un an. En tenant compte d’autres facteurs, notamment de la suppression des grâces collectives en 2007 et en 2008, on évalue l’impact de la loi du 10 août 2007 à une augmentation de 2,5 % de la population carcérale.

En dépit des nouvelles possibilités de déroger à l’excuse de minorité ouvertes par le texte, nous avons constaté que ce principe est très rarement écarté par les juges, quand il n’est pas maintenu de façon systématique au travers d’une motivation « type », en contradiction avec la volonté affichée par le législateur d’adresser un message fort aux mineurs multirécidivistes de plus de seize ans.

En ce qui concerne la systématisation de l’injonction de soins, les indicateurs manquent, le nombre de médecins coordonnateurs étant davantage un indicateur de moyens, et non de résultats.

Mes questions découleront de cette brève présentation.

Nous aimerions d’abord savoir dans quelle mesure nous pourrons, madame la ministre, mesurer l’impact dissuasif de cette loi : est-il prévu d’améliorer le suivi statistique du prononcé des condamnations en récidive ? Celui-ci nous est apparu d’autant moins satisfaisant que certains juges fondaient leur décision de ne pas appliquer les peines plancher sur l’impossibilité de distinguer les cas de nouvelles récidives.

Nous aimerions également vous entendre sur l’impact de la loi sur la population carcérale, et notamment sur le risque que constitue le recours massif au sursis avec mise à l’épreuve : certains magistrats que nous avons entendus y voient une véritable « bombe à retardement » risquant de provoquer à terme une inflation du nombre des détenus. Un tel risque pourrait même inciter certains à renoncer à révoquer des sursis avec mise à l’épreuve, alors même que le condamné méconnaîtrait ses obligations.

Nous nous interrogeons à ce propos sur l’articulation de la loi du 10 août 2007 avec la future loi pénitentiaire.

En ce qui concerne l’application de la loi aux mineurs, nous manquons des mesures statistiques qui nous permettraient de nous prononcer sur la pertinence du critère des « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion », qui peut justifier le maintien de l’excuse de minorité. Pourriez-vous indiquer aux parquets les moyens d’améliorer l’application de la loi dans ce domaine ?

Êtes-vous enfin en mesure de nous donner des informations plus précises sur le recrutement et l’évolution statutaire des médecins coordonnateurs ?

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Le texte dont nous évaluons aujourd’hui l’application a suscité des débats très vifs et une opposition très forte de mon groupe lors de son examen par l’Assemblée nationale. Cette évaluation se heurte au défaut d’informations statistiques : le problème n’est pas nouveau, le ministère de la justice ayant de grands progrès à faire pour connaître son fonctionnement. En outre, le dispositif de suivi statistique de l’application de la loi de 2007 mis en place par la Chancellerie ne prend pas encore en compte la nouvelle récidive.

En ce qui concerne l’application des peines plancher, il convient tout d’abord de relever que, dans 50 % des cas, les juges dérogent à cette application. Ces dérogations sont motivées le plus souvent par les circonstances de l’infraction ou la personnalité du prévenu. Dans plus de 90 % des cas cependant, la récidive est sanctionnée par une peine d’emprisonnement ferme. On peut certes se demander si la faiblesse de cette application n’est pas due également à un défaut de comptabilisation, certaines condamnations de récidivistes n’étant pas comptabilisées comme telles. De même, on ne peut que s’étonner de l’absence de motivation d’un grand nombre de ces dérogations. Cela pourrait en partie expliquer les grands écarts constatés dans l’application de la loi suivant les cours d’appel, 20 % des ressorts prononçant 30 % des peines plancher, en contradiction avec l’objectif d’harmonisation des peines sur le territoire national qui avait été avancé au moment de l’adoption de la loi.

Quand les juges ne dérogent pas à l’application des peines plancher, près de 40 % des peines qu’ils prononcent sont entièrement fermes, les plus de 60 % restants étant assortis d’un sursis, simple ou avec mise à l’épreuve, voire une peine alternative. Les peines plancher ne sont donc réellement prononcées que dans moins de 20 % des cas de récidive légale. C’est là, à mes yeux, le signe qu’elles sont inadaptées : selon les magistrats du tribunal de grande instance de Paris, le quantum des peines plancher est disproportionné par rapport aux faits commis. Les magistrats eux-mêmes reconnaissent qu’ils tentent de s’adapter à cette loi, soit en y dérogeant, soit en prononçant massivement des SME visant à atténuer la peine. Ces pratiques aboutissent à une dénaturation du SME et à un risque d’engorgement du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Certains ont parlé de « bombe à retardement », d’autres, comme M. d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, de « bulle » prête à éclater pour qualifier le risque d’explosion de la population carcérale.

Le dispositif des peines plancher n’est pas suffisamment sélectif puisqu’il sanctionne, à hauteur de 60 %, des atteintes aux biens, c’est-à-dire souvent des infractions insuffisamment graves pour motiver le prononcé de peines plancher. Le fait que la justice des mineurs ne se soit pas saisie de ce dispositif, comme en témoigne son très faible taux d’application aux mineurs, voire son inapplication à Paris, prouve également l’inadaptation de la loi.

Quant à l’augmentation de la population carcérale, il est difficile de mesurer précisément l’incidence de la suppression des grâces présidentielles. Cela dit, la répercussion de la loi reste limitée, ce que j’attribue à son application restrictive par des magistrats soucieux de ne pas prononcer de peines excessives.

Le bilan de cette loi est donc négatif, notamment pour les magistrats, qui exercent dans des conditions beaucoup plus contraintes leur faculté d’individualisation de la peine.

Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice. La façon dont vous avez présenté l’application de la loi de 2007 appelle quelques précisions.

En cas de récidive, un magistrat peut fonder sa décision sur ce texte, mais aussi sur d’autres dispositions pénales, en fonction des éléments constitutifs de l’infraction. Dans cette hypothèse, on ne saurait parler de « contournement » ou de « détournement » de la loi. Tout démontre au contraire qu’elle est parfaitement adaptée et bien appliquée.

Je rappelle que cette loi traduit un engagement fort du Président de la République et qu’elle répond à une véritable attente des Français. Alors même que les cas de récidive augmentaient, il n’existait pas, jusqu’en 2007, de cadre juridique permettant de lutter contre ce phénomène en tant que tel. Nous devions par ailleurs restaurer l’autorité de la justice en veillant à la bonne application des peines.

S’agissant des statistiques, on avait constaté une augmentation de la délinquance de 17,8 % entre 1997 et 2002 – et même de 50 % pour les atteintes aux personnes et de 16,8 % pour la délinquance des mineurs. Dans le même temps, le nombre des condamnations a baissé de 11 % pour l’ensemble des délits, et de 5 % pour ceux commis par les mineurs. Sans que l’outil statistique change, la délinquance générale a ensuite diminué de 9,4 % de 2002 à 2007 ; les actes de délinquance commis par les mineurs ont en revanche crû de 12,9 % au cours de la même période.

Dans ce contexte, le Président de la République a décidé de prendre ses responsabilités en renforçant la protection des Français et en augmentant les sanctions applicables aux délinquants. Les réformes que nous menons depuis dix-huit mois reposent sur deux principes complémentaires : une politique pénale dont la fermeté est clairement assumée, mais aussi une politique d’humanité, visant en particulier à la réinsertion des personnes détenues, laquelle est également un instrument de lutte contre la récidive.

Le principe de fermeté est au cœur de cette loi, qui systématise notamment l’injonction de soins pour les délinquants sexuels, mais c’est également le fondement d’autres textes, comme celui sur la rétention de sûreté. En attendant l’élaboration d’un nouveau code de la justice pénale des mineurs, j’ai donné pour instruction au parquet d’apporter une réponse pénale à chaque infraction commise par un mineur. On constate déjà une augmentation du taux de réponse pénale, ainsi qu’une diminution de ce type de délinquance dans le ressort de certaines cours d’appel.

D’autre part, nous avons décidé qu’il n’y aurait plus de régulation de la population carcérale par l’intermédiaire des grâces collectives, des lois d’amnistie et des réductions de peines automatiques. Sur ce dernier point, je rappelle qu’auparavant les détenus savaient, dès leur entrée en prison, à quelle réduction de peine ils pouvaient prétendre même en l’absence de tout effort ou de garanties sérieuses de réinsertion.

Nous avons par ailleurs engagé une rénovation du parc pénitentiaire – plus de 3 000 places ont déjà été construites à ce jour –, mais aussi décidé la création d’établissements pour mineurs et institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. En outre, vous débattrez bientôt de la future loi pénitentiaire, qui sera un texte fondateur.

Sans revenir sur le détail de la loi du 10 août 2007, je dirai que tout démontre qu’elle est largement appliquée par les magistrats en vue de lutter tant contre la récidive des majeurs que contre celle des mineurs, et cela bien que les juges conservent leur indépendance et qu’aucune peine automatique n’ait été instaurée. Lorsqu’un juge estime qu’une peine n’est pas adaptée, il reste en effet libre de ne pas la prononcer.

Alors que jusqu’à maintenant seule prévalait une règle générale de doublement des peines encourues en cas de récidive, les magistrats disposent désormais d’une base juridique très claire. En cas de vol simple, on risquait par exemple trois ans de prison, contre six en cas de récidive, mais le parquet ne savait pas systématiquement dans quel cas l’on se trouvait. Grâce à la nouvelle loi, ce n’est plus le cas.

Au 1er décembre 2008, les magistrats ont prononcé des peines plancher dans 50 % des 18 358 cas de récidive dont ils ont été saisis. Parmi les quelque 9 000 condamnations, le taux de peines de prison ferme s’élève à 37,4 %, et le taux d’appel du parquet à 9,2 %, soit près de deux fois plus que la moyenne en matière correctionnelle. Sur 360 mineurs jugés en état de récidive, 155 ont par ailleurs été condamnés à une peine plancher, ce qui correspond à un taux de 43,1 %.

La loi du 10 août 2007 me semble donc bien appliquée. M. Caresche semble regretter qu’elle ne le soit pas dans 100 % des cas, mais cela ne saurait être l’objectif d’un texte pénal…

M. Christophe Caresche. Je n’ai pas dit ça !

Mme la garde des Sceaux. …Pour ma part, je demeure attachée à la notion d’individualisation des peines et au pouvoir d’appréciation laissé aux juges, deux principes qui permettent de faire place à des considérations d’humanité et d’équité, et qui ne sont nullement remis en cause par ce texte, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé.

Contrairement à ce qu’affirme M. Caresche, la loi du 10 août permet de lutter contre tous les types de criminalité, qu’il s’agisse de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants ou de délinquance de proximité, qui affecte la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est aussi cela, le principe d’égalité devant la loi !

Parmi les peines plancher prononcées, 58,8% ont concerné des cas de vol et d’atteinte aux biens et 22 % des cas de violences. S'agissant de ces dernières, la peine minimale a été prononcée dans près de 70 % des cas de violences conjugales en récidive – ce qui est pour moi un motif particulier de satisfaction, car ce fléau était encore considéré, voilà cinq ans, comme un sujet mineur. Des peines plancher ont également été prononcées dans 62 % des cas de violences sexuelles et dans 61,6 % des cas de violences autres que sexuelles et autres que sur conjoints. Si cette loi permet de sauver ne serait-ce qu’une femme victime de violence conjugale, elle présente déjà une utilité à mes yeux.

J’ajoute que ses effets dissuasifs sont déjà bien établis. Tous le reconnaissent, tant les magistrats que les détenus eux-mêmes : chacun sait que, maintenant, l’on « risque gros » en cas de récidive. Au demeurant, on a constaté une baisse de 4,2 % de la délinquance générale en douze mois, et même de 6,8 % en ce qui concerne les atteintes aux biens. Pour la première fois depuis 1995, les atteintes aux personnes ont également décru de façon constante depuis mars 2008 – nous en sommes aujourd’hui à 1 % de baisse.

Le texte a également permis d’améliorer le dispositif d’injonction de soins, qui a été étendu à d’autres mesures que le suivi socio-judiciaire et qui a rendu automatique pour les délinquants sexuels : ces derniers ne peuvent plus bénéficier de libération conditionnelle ni de remise de peine s’ils refusent de se soigner.

S’agissant des médecins coordonnateurs, leur nombre est passé de 147 à 211 entre juin 2006 et octobre 2008. L’application des dispositions relatives à l’injonction de soins avait d’ailleurs été différée afin de permettre des recrutements supplémentaires. L’indemnité annuelle qui leur est versée a en outre été revalorisée de 164 % – elle s’élève à 700 euros depuis 1er janvier 2008 –, tandis que le nombre des personnes que peut suivre chaque médecin coordonnateur a été porté de 15 à 20. Ces efforts devraient très rapidement produire leurs fruits, notamment en ce qui concerne les délinquants sexuels.

Je précise également qu’il n’y a aucune incohérence entre la loi du 10 août 2007 et notre politique d’aménagement des peines. Un principe de fermeté doit certes s’appliquer à l’égard des récidivistes, car ils doivent être condamnés et leur peine doit être exécutée ; toutefois, l’aménagement des peines favorise non seulement la réinsertion des détenus, mais il permet également d’éviter la récidive. Le taux de récidive s’élève ainsi à 60 % en cas de sortie sèche de prison, tandis qu’il est réduit des deux tiers en cas d’aménagement des peines.

J’en viens à la question de la surpopulation carcérale, qui n’a rien de politique à mes yeux. Depuis 1985, le nombre de places n’a jamais été égal à celui des détenus, de sorte que tous les gardes des sceaux qui se sont succédé depuis Robert Badinter, toutes sensibilités confondues, ont dû s’efforcer de gérer le problème, notamment en construisant de nouvelles places de prison.

À cet égard, le plus important programme a été engagé en 1987 par Albin Chalandon, qui a fait construire 13 000 places supplémentaires. On a en revanche constaté une diminution de 4 % des places de 1997 à 2002. Je ne contesterai pas les fermetures qui ont alors été décidées, car nos prisons n’étaient pas dignes, mais il est regrettable qu’aucune mesure de compensation n’ait été prise. C’est la majorité actuelle qui a lancé un ambitieux programme de construction de 13 200 places, aujourd’hui en cours de réalisation. Je m’étonne que l’on se permette de déplorer la surpopulation actuelle alors que l’on n’a pas construit de places de prison quand c’était nécessaire.

Il est vrai que les bracelets électroniques ont fait leur apparition depuis quelques années, mais il nous reste à préserver la dignité des personnes qui continuent à être privées de leur liberté. C’est un devoir qui nous incombe à tous, que nous soyons de droite ou de gauche.

D’autre part, si j’ai mené une politique volontariste d’aménagement des peines depuis mon arrivée à la Chancellerie, c’est parce qu’une telle politique tend à favoriser la réinsertion des détenus et, ainsi, à éviter la récidive. Alors que seules 2 000 peines étaient annuellement aménagées de 2002 à 2007, en application de lois d’amnistie, des réductions automatiques de peines et des grâces collectives, il a été décidé de ne plus recourir à ce type de mesures et, pourtant, le nombre de peines aménagées a triplé en un an. Afin de parvenir à ce résultat, j’ai notamment pris un décret instituant des conférences régionales d’aménagement des peines, lesquelles ont fait la preuve de leur efficacité. Au demeurant, je précise que les mesures concernées sont des décisions prises par des magistrats du siège, et non des mesures administratives ou automatiques.

Il me semble que l’on peut déjà se montrer satisfait des résultats obtenus dans ce domaine, même si nous n’avons pas encore rempli tous nos objectifs. Je souhaite en effet que la surpopulation carcérale cesse d’ici à 2012, et que les personnes privées de leur liberté le soient désormais dans la dignité. Dans cette perspective, les mesures d’aménagements de peine devraient être facilitées par la future loi pénitentiaire, qui offrira des outils nouveaux aux juges de l’application des peines.

Pour ce qui est des bracelets électroniques, je rappelle que l’on en comptera 2 500 de plus en 2009 et que leur nombre total devrait être porté à 12 000 d’ici à 2012. Cela signifie 12 000 détenus en moins dans nos prisons, dont les capacités devraient alors atteindre 63 000 places.

S’agissant de la cohérence dans l’application de la loi du 10 août 2007 sur l’ensemble du territoire, vous savez que je veille au respect du principe d’égalité. Le taux de recours aux peines plancher peut certes varier dans des proportions notables selon les cours d’appel, puisqu’il est compris entre 34 et 70 % des condamnations prononcées ; toutefois, je rappelle que nous ne disposons pas encore d’indicateurs précis concernant la nature des condamnations prononcées et l’exécution des peines.

C’est pourquoi j’ai souhaité que nous disposions d’un nouvel instrument de mesure de la récidive dès le début de l’année 2009. Nous y travaillons déjà depuis quelques mois. Par une instruction en date du 24 septembre 2008, j’ai demandé que l’état de récidive soit systématiquement relevé. Pour le moment, force est de constater que le casier judiciaire n’est pas systématiquement à jour au moment des audiences et que les condamnations prononcées ne sont pas nécessairement réactualisées, surtout quand elles ne sont pas encore définitives.

Dans le ressort de la cour d’appel de Paris, il existe, c’est vrai, de grandes disparités. Des peines plancher sont prononcées dans 80 %, voire 90 % des cas à Fontainebleau, soit bien plus qu’au tribunal de grande instance de Paris. Cela étant, il faut avoir conscience que le relevé des condamnations est encore réalisé de façon manuelle dans ce dernier tribunal. Les formulaires n’étant pas toujours remplis lorsque les magistrats manquent de temps, les outils de mesure manquent de fiabilité : les taux actuellement observés sont très probablement en deçà de la réalité.

Au total, cette loi était non seulement attendue par nos concitoyens et par les magistrats eux-mêmes, mais elle a également fait la preuve de son utilité en quelques mois d’application seulement, notamment pour certaines formes de délinquance – je pense notamment aux atteintes aux personnes, et tout particulièrement aux violences conjugales. La loi du 10 août 2007 est un outil d’une grande efficacité.

M. Jacques Alain Bénisti. Les deux rapporteurs ne sont visiblement pas du même avis. Pour ma part, je suis plutôt d’accord avec Guy Geoffroy. Il me semble que la durée écoulée – seize mois – ne nous offre pas de recul suffisant, et je déplore que la loi soit appliquée différemment en Seine-et-Marne et à Paris. Un certain nombre de magistrats n’appliquent pas la loi, ce qui me semble particulièrement grave.

Je regrette également que l’on ne s’intéresse pas assez aux phénomènes de bande : quand un complice est blanchi ou qu’il n’est pas condamné alors qu’il a commis un délit, on observe un effet multiplicateur. Tous les acteurs de terrain le savent. Or les délinquants savent aujourd’hui que la récidive est davantage punie.

J’aimerais également que l’on pense davantage aux victimes – même si c’est un « gros mot » aux oreilles de certains d’entre nous. Il me semble bon que les victimes ne voient plus leur agresseur ressortir immédiatement libre.

D’autre part, je m’interroge sur les 9 000 décisions – sur un total de 18 000 – qui ne font pas application des peines plancher : vous avez indiqué, madame la garde des Sceaux, qu’une distinction s’opérait selon la nature des actes commis ; mais je m’étonne d’apprendre qu’un multirécidiviste puisse faire l’objet d’une mise à l’épreuve. Il existe, certes, une gradation des peines, mais une telle disposition ne devrait pas être appliquée à ce stade.

En dernier lieu, pouvez-vous nous expliquer quelles mesures adoptent les juges qui n’appliquent pas la loi du 10 août 2007 ? J’aimerais savoir de quelle façon ils s’efforcent, de leur côté, d’éviter la récidive.

M. Jean-Paul Garraud. Je suis totalement en désaccord avec l’idée selon laquelle les magistrats n’appliqueraient pas la loi. Ils n’appliquent certes pas la loi telle qu’elle a été caricaturée par l’opposition au cours des débats auxquels a donné lieu l’examen de la loi, mais ils appliquent toute la loi telle qu’elle a été votée par le Parlement.

Certains ont voulu faire croire que les peines plancher, étant automatiques, déboucheraient sur des incarcérations à tour de bras, ce qui aurait pour effet de remplir nos prisons. Or la loi du 10 août 2007 permet aux juges d’aller en deçà du plancher, ou bien au contraire au-delà, s’ils le souhaitent : les magistrats conservent en effet leur liberté d’appréciation, à condition de motiver leurs décisions, ce qui est le fondement même de la justice.

La caricature qui a été présentée de ce texte a donc été démentie par les faits et, contrairement à ce que j’ai entendu, on constate que les magistrats appliquent bien la loi, et cela sous réserve des corrections qu’il faudrait naturellement apporter aux statistiques actuelles, compte tenu de l’imprécision des instruments de mesure.

J’ajoute que le phénomène de surpopulation carcérale ne date nullement de l’adoption du texte. Il a en revanche été aggravé par la décision de ne plus recourir aux mesures de grâce collective, aux lois d’amnistie et aux réductions automatiques de peine. Une telle décision me paraît tout à fait justifiée. Toutefois, autant j’étais favorable à la fermeté pénale consacrée par la loi du 10 août 2007, autant il me semble nécessaire que la future loi pénitentiaire soit l’occasion de réfléchir aux aménagements de peine et aux alternatives à l’incarcération, qui sont également des instruments de lutte contre la récidive. Ce serait parfaitement cohérent.

M. Michel Hunault. Je veux à mon tour saluer le travail des deux rapporteurs : ce bilan de l’application de la loi, dix-huit mois après son vote, répond utilement aux critiques de l’opposition. Il prouve en effet, madame la garde des Sceaux, que votre politique pénale, conformément à vos vœux, concilie fermeté et humanité.

Pendant que l’opposition commente, la garde des Sceaux et la majorité agissent, comme le prouve, entre autres, l’instauration d’un Contrôleur général des prisons ou le projet de loi pénitentiaire.

En ce qui concerne les possibilités d’aménagement de peine, je souhaiterais qu’on aille un peu plus loin, car on sait qu’il y a dans les prisons des gens qui n’ont rien à y faire. Il faut donc que l’application de la loi de 2007 soit dissuasive pour les récidivistes, mais il importe également qu’il y ait des peines alternatives pour sanctionner les petits délits.

J’ajoute que la généralisation de l’injonction de soins suppose un accroissement des moyens matériels et humains consacrés à la réinsertion des détenus – c’est la meilleure prévention de la récidive.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Pouvez-vous nous indiquer, madame la garde des Sceaux, à quelle date le Sénat examinera le projet de loi pénitentiaire et quand notre collègue Jean-Pierre Garraud pourra exercer ses talents de rapporteur sur ce texte ?

Mme la garde des Sceaux. Le projet de loi pénitentiaire devrait être examiné par le Sénat au début de l’année 2009, fin janvier ou début février.

M. Bertrand Pancher. Même si l’on voit que la loi va dans le bon sens, il est très difficile d’évaluer très précisément ses résultats : il aurait fallu comparer deux « échantillons représentatifs » de récidivistes, avant et après son entrée en vigueur. L’importance de ces résultats sur le plan symbolique et du point de vue de la lisibilité de la loi rend nécessaires de véritables outils statistiques, d’autant que la grande variabilité d’application de loi selon les cours d’appel met à mal le principe d’égalité républicaine en matière de justice.

M. Jacques Valax. Vous avez prétendu, madame la garde des Sceaux, être très attachée à des principes tels que ceux de l’individualisation des peines ou du pouvoir d’appréciation et de l’indépendance des magistrats. Votre dépêche du 24 septembre 2008, par laquelle vous demandez aux magistrats du parquet d’interjeter appel quand l’application de la peine minimale a été écartée pour des motifs non pertinents, constitue pourtant une entorse fondamentale à ces principes.

M. Manuel Valls. Je veux à mon tour saluer l’utilité du travail de nos rapporteurs, qui devra être poursuivi.

En 2007, chers collègues de la majorité, vous avez fait croire à l’opinion qu’en votant cette loi vous régleriez automatiquement le problème de la récidive, ce message de grande fermeté envoyé aux récidivistes devant les dissuader de repasser à l’acte. Force est de constater aujourd’hui qu’on est loin du compte. Au bilan, « dépassionné », que vous avez dressé des années 1997-2002, madame Dati, j’opposerai la situation de ma circonscription, qui reste marquée par des phénomènes inquiétants de récidive et de violence des mineurs. Il n’y a pas de recette magique pour résoudre ces problèmes complexes !

Les deux rapporteurs ne sont pas loin de partager la même vision de cette loi, notamment en ce qui concerne son impact sur l’évolution de la population carcérale : le recours massif aux SME et le risque d’embolie qu’il fait peser sur le système carcéral sont un des problèmes les plus graves posés par l’application de ce texte. Il en va de même de l’échelle des peines, de l’inégalité dans l’application de la loi ou de la nécessité de disposer d’un outil statistique plus performant et plus précis.

M. le co-rapporteur. Le principe de l’individualisation des peines étant constitutionnel, il était de toute façon impossible de créer un dispositif de peines automatiques.

On ne peut pas dire non plus que la récidive reste impunie alors que les magistrats la frappent de peines d’emprisonnement ferme dans la quasi-totalité des cas. Le problème est que le quantum des peines plancher paraît exorbitant par rapport au dernier fait commis : un magistrat répugne à sanctionner de deux ans d’emprisonnement ferme le fait de détenir deux grammes de cannabis, sous prétexte que ce fait est commis en état de récidive légale.

M. le rapporteur. Ce rapport démontre la vacuité des deux accusations adressées à cette loi : celle d’instituer l’automaticité des peines, et celle de systématiser les peines de prison ferme, avec pour effet dans les deux cas de priver le juge de son pouvoir d’individualiser la peine.

Premièrement, en effet, les peines plancher ne se substituent pas au doublement de la peine encourue en cas de récidive, qui est de cinq à six fois supérieure au quantum des peines plancher. Deuxièmement, soit par principe, soit pour tenir compte des circonstances et de la personnalité du prévenu, les magistrats prononcent un nombre tout à fait limité de peines d’emprisonnement pur et simple dans le cadre de cette loi, préférant utiliser tout l’éventail des peines à leur disposition pour atténuer l’emprisonnement ferme par un sursis simple, un SME ou un sursis-TIG.

Démonstration est ainsi faite que ce procès en sorcellerie n’était pas fondé, et que les magistrats conservent toute leur indépendance et tout leur pouvoir d’appréciation.

Mme la garde des Sceaux. J’irai dans le même sens que M. Geoffroy. Alors que le trafic de stupéfiants est passible de dix ans d’emprisonnement, et de vingt ans s’il y a récidive, la peine plancher n’est que de quatre ans. La loi du 10 août 2007 n’aboutit donc nullement à des condamnations excessivement longues. De la même façon, le vol simple est puni de trois ans de prison, contre six ans en cas de récidive, tandis que la peine plancher est fixée à un an.

Loin d’instaurer une sur-pénalisation du droit, ce texte a donc établi un régime clair et adapté. Contrairement à ce que certains ont prétendu au cours des débats en 2007, nous n’avons aucunement augmenté les quantums de peines applicables aux récidivistes. Les peines plancher s’insèrent dans le cadre des condamnations qui étaient déjà encourues.

Il serait également erroné de penser, monsieur Bénisti, que les magistrats n’appliquent pas la loi. Ils le font, mais en exerçant leur pouvoir d’appréciation et en individualisant les peines en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

S’agissant des données statistiques, je rappelle qu’aucun texte ne reçoit une application uniforme sur l’ensemble du territoire. À Évry, par exemple, le taux de délinquance des mineurs atteint le double de la moyenne nationale. Si l’usage de l’arsenal pénal est bien différent dans ce bassin et dans le Cantal, cela ne signifie pas une inégalité devant la loi. Il faut simplement que les magistrats disposent de tous les outils nécessaires pour faire face à la délinquance constatée sur le plan local.

Un mot sur les 9 000 condamnations qui n’entrent pas dans la catégorie des peines plancher alors qu’elles sont prononcées contre des récidivistes : comme l’indiquait Christophe Caresche, il peut s’agir de peines fermes, de peines mixtes ou encore de sursis avec mise à l’épreuve et, pour ce qui est de cette dernière mesure, il ne s’agit nullement d’un moyen utilisé par les magistrats pour contourner la loi du 10 août 2007. Je rappelle en outre qu’on ne peut en bénéficier que deux fois, avant de s’exposer à la prison ferme, ultime sanction dans la gradation des peines.

Par ailleurs, le recours croissant au SME ne fait pas courir de risque particulier en matière de surpopulation carcérale – pas plus, en tout cas, que n’importe quel autre type de mesure conditionnelle. Le SME est même moins « risqué » que le sursis simple, car il n’est pas automatiquement révocable si le condamné ne satisfait pas à toutes ses obligations.

M. Christophe Caresche. C’est plutôt la durée des sursis avec mise à l’épreuve – jusqu’à trois ou quatre ans, qui est nouvelle.

Mme la garde des Sceaux. La loi du 10 août 2007 n’a pas modifié la durée maximale de la mise à l’épreuve, laquelle reste de cinq ans. La durée retenue par le juge dépend de la gravité des faits, qu’il apprécie librement.

J’ajoute que le SME présente une réelle utilité, car il permet un véritable contrôle judiciaire du condamné, à l’image de la libération conditionnelle, dont la proportion a également augmenté et qui présente, elle aussi, très peu de risques de récidive. C’est qu’il existe un très fort encadrement dans les deux cas : celui qui ne se rendra pas à un rendez-vous chez le médecin ou qui manquera de se présenter au commissariat en temps utile fera très rapidement l’objet d’une convocation judiciaire. Le magistrat pourra alors prendre connaissance des circonstances, quitte à redonner éventuellement une chance à l’intéressé.

S’agissant des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération, le bracelet électronique, qui a d’abord été introduit à titre expérimental pour ceux qui ont commis des infractions sexuelles graves, a connu un succès extraordinaire. En l’absence de garanties suffisantes de réinsertion – contrat de travail par intérim, ou encore bail d’habitation conclu sous un autre nom que celui du bénéficiaire –, le bracelet électronique permet en effet d’assurer un contrôle mobile des personnes. Le nombre des condamnés concernés a ainsi crû de 50 % en un an, en application d’un récent décret, sans que l’on constate une augmentation de la récidive.

Les injonctions de soins sont également un moyen de prévenir la récidive. À cet égard, la Chancellerie et le ministère de la santé ont fait preuve d’un grand volontarisme en augmentant le nombre des médecins coordonnateurs, en revalorisant le montant de leurs vacations, mais aussi en renforçant leur présence dans le milieu pénitentiaire et leur implication dans le suivi des décisions de justice.

Quant aux peines minimales, il est vrai qu’elles ne sont prononcées que dans 50 % des cas, mais leur instauration a permis de renforcer la lisibilité de la justice. Je répète que nous sommes en train d’améliorer les outils statistiques et que nous essayons de comprendre pourquoi certaines données ne sont pas transmises. Les rencontres organisées avec les procureurs généraux me permettent notamment de mieux prendre connaissance des difficultés auxquelles ils sont confrontés.

En réponse à M. Valax, je rappellerai que je suis effectivement très attachée au principe d’individualisation des peines et au pouvoir d’appréciation des juges. Il va de soi que je n’ai jamais donné d’instruction à un juge du siège. En outre, je m’abstiens d’adresser des instructions individuelles au parquet, même si j’y ai eu recours dans une récente affaire de demande d’annulation d’un mariage, car il y avait une menace de trouble à l’ordre public.

Comme tous les gardes des sceaux qui m’ont précédée, j’envoie en revanche des instructions générales de politique pénale aux procureurs généraux. Cela ne remet aucunement en cause l’indépendance des magistrats du siège, car les instructions concernent les seuls membres du parquet. J’ai demandé que ces derniers fassent appel quand la loi du 10 août 2007 n’est pas appliquée – ce qui n’est en rien une novation et ne porte aucunement atteinte au pouvoir d’appréciation des juges du siège.

Je souhaite que des peines plancher soient requises en cas de récidive, et qu’il y ait appel si elles ne sont pas prononcées. Il reste que les parquetiers décident de l’opportunité de leur action. Quand une condamnation à des travaux d’intérêt général est prononcée alors que le parquet avait demandé trois ans de prison, on peut estimer nécessaire d’interjeter appel ; par contre, en cas de condamnation à deux ans et demi de prison, ce n’est sans doute pas aussi opportun.

Contrairement à ce que M. Valls prétend, j’ajoute que la loi sur la récidive n’avait nullement l’intention de tout régler. Permettez-moi de rappeler que l’on avait constaté une forte augmentation de la délinquance entre 1997 et 2002 et, dans le même temps, une baisse des condamnations. La loi du 10 août 2007 a permis de faire reculer la délinquance et la récidive, notamment en ce qui concerne les atteintes aux personnes, dont le nombre augmentait depuis 1995.

Je précise par ailleurs que, si ce texte est répressif et dissuasif, c’est par définition, comme tout texte pénal adopté par une majorité ou par une autre.

Nous n’avons jamais souhaité de remise en cause du principe d’individualisation des peines. Et je m’étonne que vous déploriez le taux actuel d’application des peines plancher – pour 50 % des condamnations – au motif que les juges prononcent souvent des peines de prison ferme d’une durée inférieure au plancher légal.

M. le co-rapporteur. Les rapports d’information sur la mise en application des lois adoptent la perspective de leurs auteurs. Votre objectif était d’appliquer des peines plancher. Or on voit bien qu’elles ne sont pas adaptées.

Mme la garde des Sceaux. Si le magistrat peut prononcer une peine ferme en deçà du plancher, c’est qu’il dispose d’un pouvoir d’appréciation. Si les peines plancher étaient prononcées dans 100 % des cas, il s’agirait de peines automatiques, ce que nous n’avons pas souhaité. La finesse de la loi de 2007 réside précisément dans l’instauration de peines plancher, le principe d’individualisation des peines et le pouvoir d’appréciation des magistrats continuant d’être respectés.

Un dernier mot sur l’affaire d’usage de cannabis qui a été évoquée tout à l’heure : en la matière, la peine encourue pour une première infraction est d’un an, et de deux ans en cas de récidive. Ce type d’infraction n’entre pas dans le cadre de la loi du 10 août 2007, car il n’existe de peine plancher que pour les infractions punies d’au moins trois ans de prison. Par conséquent, le cas cité entre vraisemblablement dans le cadre d’un trafic de drogue, et non dans celui du simple usage de substances illicites.

Après le départ de la ministre, la Commission a autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

■ Ministère de la Justice

—  M. Jean-Marie HUET, directeur des Affaires criminelles et des grâces

—  M. Philippe-Pierre CABOURDIN, directeur de la Protection judiciaire de la justice, accompagné de M. Damien MULLIEZ, sous-directeur des missions de protection judiciaire et d’éducation à la DPJJ

—  M. Claude d’HARCOURT, directeur de l’Administration pénitentiaire

■ Magistrats

Union syndicale de la magistrature

—  M. Christophe REGNARD, président

—  M. Laurent BEDOUET, secrétaire général

Syndicat de la magistrature

—  Mme Emmanuelle PERREUX, présidente

—  M. David de PAS, secrétaire général adjoint

Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille

—  M. Daniel PICAL, membre du Comité directeur

Association Nationale des Juges de l’Application des Peines

—  Mme Martine LEBRUN, présidente

—  M. Ludovic FOSSEY, secrétaire général

■ Avocats

—  Me Jean-François MORTELETTE, ancien bâtonnier de Blois, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers

—  Me Vincent NIDRE, avocat au Barreau de Paris

■ Personnalités qualifiées

—  Professeur André VARINARD, président de la Commission chargée de formuler des propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945
relative à l’enfance délinquante.

—  Mme Dominique VERSINI, défenseure des enfants

—  Docteur Roland COUTANCEAU, président de la Ligue française pour la santé mentale

—  M. Pierre-Victor TOURNIER, directeur de recherche au CNRS

DÉPLACEMENT EFFECTUÉ PAR LES RAPPORTEURS

Le 3 décembre 2008, MM. Guy Geoffroy et Christophe Caresche se sont rendus au tribunal de grande instance de Paris pour rencontrer des magistrats, tant du Siège que du Parquet, pour recueillir leur opinion sur les premiers mois de l’application de la présente loi.

Magistrats rencontrés lors de cette réunion :

—  M. Jacques DEGRANDI, Président

—  M. Jean-Claude MARIN, procureur de la République près le tribunal

—  M. Bruno LAROCHE, Premier vice-président chargé du service pénal

—  M. Bernard AUGONNET, vice-président

—  M. René GROUMAN, vice-président chargé de l’instruction, ancien président de la 23è chambre

—  Mme Françoise Van SCHENDEL, vice-président chargé de l’application des peines

—  Mme Catherine BARÈS, vice-président chargé de l’application des peines

—  Mme Sylvie VAUZELLE, vice-président chargé des enfants

—  Mme LEFÈBVRE, vice-président chargé des enfants

—  Mme Dominique PLANQUELLE, Procureur adjoint

—  Mme Naïma RUDLOFF, vice-procureur, section P12 (traitement en temps réel)

—  M. François SOTTET, vice-procureur, section des mineurs

—  Mme Françoise CHAPONNEAUX, vice-procureur, section de l’application des peines

ANNEXE : SYNTHÈSE DES DONNÉES STATISTIQUES RELATIVES À L’APPLICATION DES PEINES MINIMALES AU 1ER DÉCEMBRE 2008

Au 1er décembre 2008, 19 729 condamnations en récidive légale (qui regroupent des condamnations définitives et des condamnations ayant fait l’objet d’un appel) entrant dans le champ d’application de la loi ont été recensées devant les tribunaux de grande instance et devant les cours d’appel. À ce jour, il ne s’agit que de condamnations délictuelles.

En première instance, sur les 18 358 jugements des tribunaux correctionnels portant sur des délits commis en état de récidive légale, 9 001 condamnations ont fait application des peines minimales d’emprisonnement, soit un taux d’application de 49%.

Dans les cours d’appel, les 1 371 condamnations en récidive légale ont conduit au prononcé dans 887 cas d’une peine au moins égale à la peine minimale d’emprisonnement, soit un taux d’application de 64,7%.

Sur les 360 décisions de condamnations en récidive rendues à l’égard de mineurs en première instance, 155 n’ont pas dérogé à la peine minimale d’emprisonnement encourue, soit un taux d’application des peines minimales d’emprisonnement pour les mineurs de 43,1%.

Les mineurs représentent 1,7% des condamnations à une peine minimale.

Tableau des condamnations en récidive et des peines minimales prononcées par les juridictions de première instance en fonction de la peine encourue

Peine encourue pour une première infraction

Peine minimale en cas de récidive

Part des condamnations ayant prononcé une peine minimale

10 ans d’emprisonnement

4 ans

43,7%

7 ans d’emprisonnement

3 ans

46,5%

5 ans d’emprisonnement

2 ans

49,0%

3 ans d’emprisonnement

1 an

57,7%

Sur l’ensemble des peines minimales prononcées :

—  38,7% sont des peines entièrement fermes ;

—  53,9% sont des peines mixtes comportant une partie ferme et assorties d’une mise à l’épreuve ou d’un TIG ;

—  2,5% sont des peines mixtes assorties d’un sursis simple ;

—  3,6% sont des peines entièrement assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve ou de sursis-TIG ;

—  0,5% sont des peines de sursis simple.

Étude portant que les condamnations en récidive prononcées au 4ème trimestre 2007 par les tribunaux correctionnels pour les infractions entrant dans le champ d’application de la loi

 

Peine inférieure à la minimale

Peine égale ou supérieure à la minimale

Total

Nombre

1 086

1 088

2 174

Taux

50,0 %

50,0 %

100 %

Taux de peines d’emprisonnement

94,8 %

100,0 %

97,4 %

Part des condamnations à emprisonnement comprenant un quantum ferme

82,1 %

95,3 %

88,9 %

Quantum moyen de l’emprisonnement (mois)

8,0

23,3

15,9

Quantum ferme moyen (mois)

6,2

13,2

10,1

Tableau des condamnations en récidive et des peines minimales prononcées par les juridictions de première instance, ventilées par cour d’appel

Cour d’appel

Nombre de condam-

nations en récidive légale

Nombre de peines minimales prononcées

Taux de peines minimales au 1er dec. 2008

Pour mémoire

Taux de peines minimales au 1er sept. 2008

Taux de peines minimales fermes

Taux d’appel du parquet en cas de condamnation à une peine inférieure à la peine minimale

Cour d’Appel d’Agen

198

119

60,1 %

51,3 %

34,5 %

7,6 %

Cour d’Appel d’Aix-en-Provence

704

344

48,9 %

51,9 %

53,5 %

6,7 %

Cour d’Appel d’Amiens

791

487

61,6 %

60,5 %

31,2 %

4,6 %

Cour d’Appel d’Angers

537

351

65,4 %

59,9 %

29,1 %

5,4 %

Cour d’Appel de Basse-Terre

270

135

50,0 %

45,3 %

43,7 %

22,2 %

Cour d’Appel de Bastia

17

11

64,7 %

72,7 %

54,5 %

0 %

Cour d’Appel de Besançon

178

68

38,2 %

50,5 %

45,6 %

12,7 %

Cour d’Appel de Bordeaux

837

349

41,7 %

44,1 %

41,0 %

3,9 %

Cour d’Appel de Bourges

102

74

72,5 %

71,8 %

54,1 %

0 %

Cour d’Appel de Caen

463

248

53,6 %

52,6 %

39,5 %

11,2 %

Cour d’Appel de Chambéry

214

128

59,8 %

52,1 %

26,6 %

18,6 %

Cour d’Appel de Colmar

899

330

36,7 %

36,2 %

53,3 %

5,3 %

Cour d’Appel de Dijon

324

161

49,7 %

53,4 %

36,6 %

16 %

Cour d’Appel de Douai

1 591

1 044

65,6 %

66,1 %

30,0 %

4,9 %

Cour d’Appel de Fort-de-France

281

198

70,5 %

69,6 %

72,2 %

8,4 %

Cour d’Appel de Grenoble

355

185

52,1 %

48,4 %

33,0 %

9,4 %

Cour d’Appel de Limoges

242

125

51,7 %

53,6 %

44,8 %

7,7 %

Cour d’Appel de Lyon

696

330

47,4 %

47,1 %

36,7 %

19,4 %

Cour d’Appel de Metz

179

85

47,5 %

59,3 %

51,8 %

1,1 %

Cour d’Appel de Montpellier

721

348

48,3 %

47,3 %

42,5 %

8,8 %

Cour d’Appel de Nancy

361

168

46,5 %

47,2 %

38,7 %

10,4 %

Cour d’Appel de Nîmes

331

186

56,2 %

61,8%

46,2 %

19,3 %

Cour d’Appel de Nouméa

41

29

70,7 %

nd

34,5 %

0 %

Cour d’Appel de Papeete

26

15

57,7 %

nd

46,7 %

9,1 %

Cour d’Appel de Paris

3 793

1 305

34,4 %

35,1 %

25,3 %

9,6 %

Cour d’Appel de Pau

303

114

37,6 %

33,1 %

49,1 %

10,1 %

Cour d’Appel de Poitiers

396

211

53,3 %

54,8 %

37,9 %

3,8 %

Cour d’Appel de Reims

289

169

58,5 %

54,7 %

24,9 %

3,3 %

Cour d’Appel de Rennes

710

351

49,4 %

51,7 %

37,9 %

19,8 %

Cour d’Appel de Riom

363

187

51,5 %

52,8 %

25,7 %

10,2 %

Cour d’Appel de Rouen

431

294

68,2 %

67,6 %

43,2 %

17,5 %

Cour d’Appel de Saint-Denis-de-La Réunion

118

55

46,6 %

65,5 %

52,7 %

6,3 %

Cour d’Appel de Toulouse

439

186

42,4 %

45,5 %

39,2 %

5,9 %

Cour d’Appel de Versailles

888

450

50,7 %

56,4 %

44,9 %

3,9 %

Cour d’Appel d’Orléans

237

137

57,8 %

55,7 %

45,3 %

16,0 %

Tribunal Supérieur d’Appel de Mamoudzou

29

23

79,3 %

nd

17,4 %

0 %

Tribunal Supérieur d’Appel de Saint-Pierre-et-Miquelon

4

1

25,0 %

nd

100 %

66,7 %

Ensemble

18 358

9 001

49,0 %

49,8 %

(37,4 %)

9,2 %

1 () En cas de récidive aggravée, le Conseil constitutionnel a estimé que la condition des « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion », était difficilement accessible aux personnes atteintes de troubles psychiques de nature à altérer leur discernement. Dans le silence de la loi, il a donc précisé, incidemment, que la juridiction pourrait utiliser l’article 122-1 du code pénal pour fixer une peine inférieure aux planchers à l’encontre d’une personne dont le discernement a été altéré et qu’il reviendrait au juge de motiver ainsi son jugement ou à la cour d’assises de constater cette altération de facultés.

Aucune affaire n’a à ce jour été relevée où les peines minimales auraient pu être écartées à l’égard de personnes souffrant d’une altération de leurs facultés mentales.

2 () On trouvera en annexes la liste des personnes entendues par les rapporteurs, ainsi que la liste des personnes rencontrées par eux au tribunal de grande instance de Paris.

3 () Hors sanctions fiscales, administratives ou disciplinaires ou mesures éducatives pour les mineurs

4 () C’est-à-dire insusceptible de voies de recours.

5 () N’ayant donc pas été réhabilitée, amnistiée ou déclarée non avenue si elle était frappée de sursis

6 () En application de l’article 132-16-6 du code pénal.

7 () Calculé à compter de l’expiration ou de la prescription de la peine prononcée pour la première infraction.

8 () Voir aussi les articles 132-16, 132-16-1, 132-16-2 et 321-5 du code pénal pour la définition des délits considérés comme identiques ou assimilés au regard de la récidive.

9 () En l’état actuel du droit, seuls les mineurs âgés de plus de 13 ans encourent une peine, les mineurs de moins de 10 ans ne pouvant faire l’objet que de mesures éducatives et les 10-13 ans de mesures et de sanctions éducatives.

10 () Ce chiffre est à rapprocher des quelque 3 500 incarcérations annuelles de mineurs, au titre de la détention provisoire ou de l’exécution d’une peine.

11 () En cas de réquisition de détention provisoire dans 3 hypothèses : pour un majeur de moins de 21 ans poursuivi pour des faits punis de 5 ans d’emprisonnement, en procédure de comparution immédiate et en procédure de CPRC.

12 () Rapport de politique pénale pour 2007, page 21 : « L’application de la loi du 10 août 2007 conduit dans certaines cours d’appel à un accroissement de la charge de la chambre des appels correctionnels car l’application d’une peine-plancher en première instance conduit souvent le condamné à exercer cette voie de recours ; inversement, la non-application de la peine-plancher en première instance conduit le ministère public à interjeter appel de la décision ».

13 () Malgré la précision ainsi apportée par la circulaire précitée, nombreuses ont été les personnes entendues par vos rapporteurs qui ont jugé ce critère inadapté aux mineurs, dont «  l’insertion » et plus encore la « réinsertion » sont difficiles à caractériser, plaidant pour que d’autres critères soient apportés par la loi.

14 () « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs », rapport remis par la Commission présidée par M. André Varinard le 3 décembre 2008.

15 () Le crédit de réduction de peine est calculé sur la durée de la condamnation prononcée, à hauteur de 3 mois pour la première année, de 2 mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de la peine inférieure à une année pleine, de 7 jours par mois. Le crédit de réduction de peine -réduit pour les condamnés en état de récidive légale- peut être retiré, « en cas de mauvaise conduite en détention », par le juge de l’application des peines à hauteur de 3 mois maximum par an et de 7 jours par mois.

16 () n°DGS/MC4/2008/213.

17 () —  sur le principe de nécessité des peines : s’agissant de la première récidive, il a constaté que les dispositions déférées laissent au juge la possibilité de prononcer, au regard des circonstances de l’espèce, une peine inférieure au seuil fixé, de sorte qu’elles ne portent pas atteinte au principe de nécessité des peines. S’agissant des faits commis en état de nouvelle récidive, il a relevé que le dispositif ne s’applique qu’à des faits très graves : le seul fait qu’une infraction grave soit commise pour la troisième fois constitue à ses yeux une circonstance objective de particulière gravité justifiant un régime plus strict.

—  sur le principe de l’individualisation des peines : le Conseil a jugé que lorsque les faits sont commis en première récidive, la juridiction peut prendre en considération la personnalité de l’auteur de l’infraction et ses garanties d’insertion ou de réinsertion, qui relèvent des critères posés par l’article 132-24 du code pénal relatif aux modes de personnalisation des peines. En cas de nouvelle récidive, le Conseil a jugé que le caractère restrictif des conditions de dérogation est justifié par la finalité de la loi d’assurer la répression effective d’infractions particulièrement graves et de lutter contre la récidive.


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