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N° 1502

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mars 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 86, alinéa 8, du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

sur la mise en application de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs,

et présenté

PAR MM. Jacques KOSSOWSKI et Maxime BONO,

Députés.

——

SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DU RAPPORT 5

INTRODUCTION 9

I.— LA LOI N° 2007-1224 DU 21 AOÛT 2007 SUR LE DIALOGUE SOCIAL ET LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS TERRESTRES RÉGULIERS DE VOYAGEURS 11

II.— LA MISE EN œUVRE DE LA LOI 13

A.— UNE APPLICATION GLOBALEMENT SATISFAISANTE DE LA LOI DE 2007 13

1. Les mesures indispensables à l'application de la loi, contractuelles et normative, ont été prises 13

2. L’impact positif de la loi sur le dialogue social et la conflictualité 20

a) À la RATP 20

b) À la SNCF 21

c) Dans les régions 24

3. L’impact positif de la loi sur le service assuré aux usagers 24

a) L’information des usagers 24

b) Les services assurés aux usagers en cas de grève 24

c) Le remboursement des usagers en cas d’inexécution du plan de transport adapté ou du plan d’information des usagers 26

B.— LES LIMITES DE LA LOI DU 21 AOÛT 2007 26

1. La loi du 21 août 2007 n’instaurait pas un service minimum stricto sensu, qui suppose l’usage du droit de réquisition 27

2. La loi n’avait pas pour objet de réglementer les grèves illégales : la question du droit de retrait 30

3. La loi du 21 août 2007 n’avait pas vocation à régler les questions liées à la nécessité d’investissements supplémentaires 31

4. Les détournements de la loi contraires à son esprit 32

a) Les grèves de courte durée 33

b) Les grèves tournantes 35

c) Le fait de se déclarer gréviste pour renoncer ensuite à faire grève peut aussi, dans certains cas, s’analyser comme un détournement de la loi 35

d) Le fait de pouvoir entrer après son début dans la grève ne facilite pas non plus la prévisibilité, mais paraît difficilement contestable 35

e) Les dépôts de préavis successifs 36

III.— L’AMÉLIORATION DU SERVICE OFFERT AUX USAGERS DES TRANSPORTS TERRESTRE NE PASSE PAS DANS L’IMMÉDIAT PAR PLUS DE LOI 37

A.— LÉGIFÉRER DANS L’URGENCE CONSTITUERAIT UNE TRIPLE ERREUR 37

1. Une erreur de méthode 37

2. Une erreur de diagnostic 37

3. Une erreur politique 39

B.— LE STATU QUO N’EST PAS POUR AUTANT SOUHAITABLE 40

EXAMEN EN COMMISSION 45

I.— PRÉSENTATION DU RAPPORT 45

II.— AUDITION DE M. DOMINIQUE BUSSEREAU, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DES TRANSPORTS 57

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 69

ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE SUR LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES DÉPARTEMENTS 73

PRINCIPALES OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS
DU RAPPORT

L’application de la loi du 21 août 2007 est globalement satisfaisante. Les mesures d’application indispensables ont été prises et la loi a eu un impact généralement reconnu comme positif sur le dialogue social et la conflictualité. Elle a renforcé les acquis des accords précédemment conclus entre les partenaires sociaux au sein de la SNCF et de la RATP. La loi a de même eu un impact positif sur le service assuré aux usagers, tant en termes d’information que de circulation des trains. Pour ne citer que deux chiffres, le nombre de journées perdues à la SNCF pour fait de grève en 2008 est le plus bas depuis 4 ans et, à la RATP, le nombre de jours de grève par agent en 2008 était de 0,18. Et, point important qui n’allait pas de soi en 2007, la loi a été respectée. Pour ne prendre qu’un exemple, à la RATP, en 2008, sur 3051 agents tenus de faire part de leur intention de faire grève, seuls 63 n’ont pas respecté la loi.

Ce bilan général ne doit cependant pas conduire à sous-estimer les différences entre territoires, entre entreprises et entre collectivités publiques. Par exemple, les départements, en charge des transports interurbains et scolaires, rencontrent, en moyenne, peu de difficultés en matière de continuité du service public. Il en va très différemment dans certains régions ou entreprises de transport urbain, ainsi Nice ou Marseille.

Ce bilan positif ne signifie évidemment pas que tout aille bien, comme le montrent les événements de la gare Saint-Lazare. Certaines limites de la loi sont inhérentes aux choix opérés en 2007. En cas de grève massivement suivie, aucun service ne peut être assuré. La loi n’instaurait pas de service minimum stricto sensu, lequel suppose l’usage du droit de réquisition, qui constitue une option ni praticable ni souhaitable.

La loi n’avait pas non plus pour objet de réglementer les grèves illégales. C’est toute la question du droit de retrait lorsqu’il sert de « fondement » à une grève émotionnelle de protestation face à une agression de conducteur. La loi n’avait pas non plus pour ambition de régler les questions liées à des insuffisances d’investissements dans les transports. Aujourd’hui, nombre de retards sont dus à la vétusté des infrastructures et aux insuffisances du matériel roulant.

Se pose ensuite la question des détournements de la loi contraires à son esprit. Il s’agit notamment des grèves de courte durée, dites de 59 minutes, qui rendent difficiles la prévisibilité du trafic lorsqu’il y a alternance de grèves d’une journée et de grèves de courte durée, ou du fait de se déclarer gréviste pour renoncer ensuite à faire grève, ce qui conduit l’entreprise de transports à annoncer un volume de trafic inférieur à ce qu’il sera en réalité. Le fait de pouvoir entrer après son début dans une grève ne facilite pas non plus la prévisibilité, même si cette pratique parait difficilement contestable. Se pose enfin la question du dépôt de préavis successifs.

Il est tentant de prétendre répondre à ces difficultés en légiférant immédiatement. Ce serait pourtant une erreur. En premier lieu, une erreur de méthode. Modifier une loi qui a été acceptée par tous les acteurs du transport terrestre de voyageurs un an et demi après sa promulgation risquerait d’en remettre en cause tous les acquis, sans aucun gain. Les solutions durables sur le long terme supposent qu’elles soient acceptées socialement. Ce serait ensuite une erreur de diagnostic, car le cœur du problème est lié aux difficultés et aux insuffisances du dialogue social dans une période où des efforts importants sont demandés à tous et où des incertitudes et des inquiétudes affectent le moral des salariés. Une partie du problème réside également dans la lourdeur de certaines structures et dans la difficulté corrélative d’avoir une réponse proche du terrain. Il est frappant de voir le peu de grèves connues dans les transports scolaires qui sont souvent effectués par de petites entreprises. Ce serait enfin une erreur politique. Le dialogue social, clé de beaucoup de problèmes, doit être encouragé par la loi. Celle-ci ne peut l’imposer. Et ces changements se feraient contre l’avis des syndicats et ne feraient qu’enrayer une tendance à la baisse de la conflictualité.

En admettant même que certaines mesures parfois préconisées soient conformes aux exigences de notre ordre constitutionnel, il n’est pas utile d’entrer dans une démarche conflictuelle qui se révélerait de plus infructueuse. Ainsi, il est évident que la réquisition ne fonctionnerait pas aujourd’hui, comme ce fut déjà le cas en 1963, à une époque pourtant plus favorable à des mesures d’autorité.

Aussi vos rapporteurs estiment-ils inutile, et même néfaste, de modifier dans l’immédiat la loi.

Ils souhaitent, première proposition, la création d’un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres, doté de tous les pouvoirs d’investigation nécessaires et appelé à faire un bilan de l’état du dialogue social en France. Tiers aux entreprises, il pourrait par exemple procéder à un examen impartial de la situation dans une entreprise, et ne serait en aucune manière obligé de répondre aux sollicitations, ce qui préviendrait son instrumentalisation dans un conflit. Tout en s’en distinguant, cette proposition s’inspire de l’une des idées émises par la commission Mandelkern. Cet organisme n’aurait, au moins dans un premier temps, qu’une durée temporaire.

La seconde proposition est de renforcer le dialogue social sur la sécurité. C’est le meilleur moyen d’éviter les grèves émotionnelles. Il est notamment essentiel que soit diffusée en temps réel l’information exacte à tous les agents concernés afin d’éviter que la rumeur ne tienne lieu d’information. Il faut ensuite assurer la prise en charge la plus efficace possible des agents victimes d’une agression et préparer autant que possible les conducteurs à des situations tendues. Il est, de même, souhaitable d’accentuer le rôle du CHSCT, tout en développant les négociations et les accords collectifs au niveau de chaque entreprise sur ce sujet. S’il faut négocier sur la sécurité, il ne serait en revanche pas souhaitable d’engager des discussions qui reviendraient de facto, de manière explicite ou implicite, à légitimer le recours au droit de retrait en-dehors des cas prévus par le code du travail.

La troisième proposition est de renforcer le dialogue entre les entreprises de transports et les usagers.

La quatrième proposition consiste à engager des négociations collectives dans toutes les entreprises relevant du champ de la loi, en vue de faire en sorte que lorsque le service du matin a été assuré, celui du soir le soit.

De même, une cinquième proposition consiste à inviter les partenaires sociaux à interdire par voie conventionnelle tout nouveau préavis, quel qu’en soit le motif ou l’origine, avant l’expiration des négociations engagées sur le premier.

La sixième proposition est de poursuivre activement la politique de décentralisation et de déconcentration du pouvoir à la SNCF, de manière à rapprocher le management du terrain.

La septième proposition est de développer, en accord avec tous les acteurs, des indicateurs permettant de mesurer l’application de la loi sur le long terme.

Enfin, huitième proposition, ils jugent opportun d’assurer un suivi de son application, et de revenir devant la commission des affaires économiques avant la fin de l’année prochaine afin de faire un bilan de la mise en œuvre de leurs préconisations et de l’évolution de la situation sociale dans les transports terrestres de voyageurs.

Mesdames, Messieurs,

La loi du 21 août 2007 a eu pour ambition de concilier deux principes de valeur constitutionnelle, le droit de grève et la continuité du service public, avec la volonté d’améliorer la situation des usagers en cas de grève, notamment grâce à une meilleure prévisibilité et à la mise en place d'un service de dessertes prioritaires en fonction des effectifs disponibles ; pour y parvenir la loi s’efforce de développer le dialogue social au sein des entreprises de transport. Le Législateur a ainsi privilégié la voie conventionnelle en faisant prévaloir les résultats de la négociation collective sur le décret. La loi ne porte aucune atteinte au droit de grève, qu'elle aménage simplement ; la preuve en est qu'en cas de grève suivie par l'essentiel du personnel d'une entreprise, aucun service ne pourrait être assuré. Le Législateur avait en particulier exclu toute idée de service minimum stricto sensu, qui aurait impliqué le recours à la réquisition. La journée de grève nationale du 29 janvier 2009 a montré que cette voie modérée fonctionnait dans la plupart des cas.

Quel est alors le but de cette mission d'information ? En premier lieu, cette démarche d'évaluation de la loi s'inscrit pleinement dans la logique de son article 11, qui prévoit que le gouvernement adressera au Parlement un rapport d'évaluation sur l’application de ce texte avant le 1er octobre 2008. Un tel rapport n'a de sens que si le Parlement porte ensuite un jugement sur le point de savoir si la loi a atteint ses objectifs. Conformément à l'article 86 alinéa 8 du règlement de l'Assemblée nationale, le rapporteur est celui de la commission spéciale qui a examiné le projet devenu loi. S'y adjoint un rapporteur représentant l'opposition afin de garantir l’impartialité de l'examen de l'application de la loi, gage de la crédibilité des préconisations de la mission.

En second lieu, les graves incidents de la gare Saint-Lazare rendaient indispensable cette évaluation dans les meilleurs délais, la question étant de savoir s’il convient ou non de modifier la loi pour éviter la répétition de tels événements.

La mission s’est efforcée de procéder à l’audition de nombreux acteurs de cette question afin de recueillir leur sentiment. Pour autant, la mission n’a pas souhaité se limiter au seul cas de la SNCF, ce qui constituerait une vision par trop réductrice de l’application de la loi, même si à l’évidence il s’agit d’un aspect essentiel. Sur ces bases, le présent rapport rappellera tout d’abord le contenu de cette loi avant de se prononcer sur son application pour conclure par des propositions

I.— LA LOI N° 2007-1224 DU 21 AOÛT 2007 SUR LE DIALOGUE SOCIAL ET LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS TERRESTRES RÉGULIERS DE VOYAGEURS

La loi s'applique aux services publics de transport régulier de personnes à vocation non touristique. Sont donc exclus les transports maritimes et aériens ainsi que les transports touristiques. Dans les entreprises ainsi visées, l'employeur et les organisations syndicales représentatives devaient engager des négociations en vue de la signature avant le 1er janvier 2008 d'un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits. Parallèlement, des négociations devaient être engagées en vue de la signature avant le 1er janvier 2008 d'un accord de branche visant la prévention des conflits. Celui-ci a vocation à s'appliquer en l'absence d'accord-cadre. En l'absence de quelque accord que ce soit, un décret devait être pris.

Ces accords et, à défaut le décret, doivent organiser la négociation sur des bases que l'on peut résumer ainsi : à la suite de la notification d'un préavis de grève, l'employeur doit réunir les organisations syndicales dans un délai maximal de trois jours, la négociation qui s'ensuit ne pouvant excéder 8 jours francs à compter de la notification. Cette négociation fait l'objet d'une formalisation (relevé de conclusions, information des salariés, …). La RATP et la SNCF qui avaient conclu des accords d'inspiration similaire devaient les mettre en conformité avec la loi d'ici le 1er janvier 2008. Avec le souci d'éviter les préavis successifs vidant la loi de son contenu, il était prévu qu'un nouveau préavis ne pouvait être déposé par la même organisation pour les mêmes motifs qu'à l'issue du préavis en cours.

Dans l’hypothèse d'un échec de la négociation qui fait suite au préavis et en vue d'assurer aux usagers le meilleur service compatible avec le volume de salariés disponibles, la loi prévoyait les principales dispositions suivantes :

– définition par l'autorité organisatrice des transports (AOT) des dessertes prioritaires en cas de perturbations avec des niveaux de services différents en fonction de l'ampleur de la perturbation. L'entreprise définit alors sur ces bases un plan de transport adapté (PTA) et un plan d'information des usagers (PIU) soumis à l'approbation des AOT. En cas de carence de l'AOT pour arrêter les priorités de desserte ou pour valider les plans, il appartient au préfet de se substituer aux AOT ;

– négociation en vue de l'adoption d’ici le 1er janvier 2008 d'un accord de prévisibilité applicable en cas de perturbation prévisible : il s'agit de recenser l'ensemble des salariés indispensables à l'exécution « de chacun des niveaux de service prévus dans le PTA ». À défaut d’accord-cadre, l’employeur définit un plan de prévisibilité. En cas de grève et sous peine de sanctions disciplinaires, le salarié concerné doit informer son entreprise 48 heures avant son intention d'y participer ;

– en cas de perturbation prévisible, l'entreprise a l’obligation d’informer les usagers au moins 24 heures à l'avance sur le service qui devrait être assuré ;

– en cas de défaut d'exécution dans la mise en œuvre du PTA ou du plan d'information des usagers, l'AOT impose à l'entreprise de transports, lorsqu'elle en est directement responsable, « un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans ». La charge de ce remboursement ne peut être supportée directement par l'AOT.

Au terme de ce bref rappel du contenu de la loi, il apparaît clairement que le contrôle de l’application de la loi peut faire l’objet de deux approches.

La première est de savoir si ses dispositions ont été respectées et si son application a eu un impact positif ou négatif et s’il y a lieu d’amender la loi pour en permettre une meilleure application. La seconde approche, complémentaire de la première à notre sens, consiste à s’interroger sur l’opportunité de revenir sur les choix de 2007 et, par exemple, de « durcir » la loi pour mettre fin à certaines dérives.

Dans les deux hypothèses, il y a lieu de s’interroger sur le point de savoir si l’intervention du Législateur s’impose ou s’il n’y aurait pas lieu, au moins dans un premier temps, d’essayer d’atteindre le résultat recherché par un approfondissement du dialogue social.

II.— LA MISE EN œUVRE DE LA LOI

Globalement, l'application de la loi est une réussite si on la mesure à l'aune de ses objectifs initiaux. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait plus aucun problème en cas de perturbation du trafic ; ceux-ci sont néanmoins loin d'être tous liés à l'application de la loi de 2007 et n'appellent pas nécessairement une réponse de nature législative.

A.— UNE APPLICATION GLOBALEMENT SATISFAISANTE DE LA LOI DE 2007

Cette application peut se mesurer à plusieurs niveaux. Il convient en premier lieu de vérifier que les mesures d’application prévues par la loi ont été prises et qu’elles sont conformes à son esprit. Dans une seconde étape, il y a lieu d’essayer de mesurer l’impact de la loi, en particulier sur le dialogue social et le service assuré aux usagers.

1. Les mesures indispensables à l'application de la loi, contractuelles et normative, ont été prises

Si les mesures indispensables à l’application de la loi ont été prises, cela ne signifie pas que tous les accords qui auraient pu être conclus l’aient été.

Le rapport du gouvernement remis au Parlement indique qu’ainsi peu d'accords-cadres ont été négociés dans les 200 entreprises du secteur, 10 % d'entre elles ayant moins de 50 salariés « sont donc dépourvues de délégués syndicaux qui ne peuvent négocier un accord-cadre ». En revanche deux accords de prévention des conflits ont été négociés à la SNCF et à la RATP, qui avaient déjà conclu des accords de ce type avant la promulgation de la loi.

La loi a permis de généraliser et d’amplifier les avancées réalisées par les partenaires sociaux. Comme le soulignait le rapport de la commission spéciale (1) sur le projet devenu loi du 21 août 2007, « les procédures d’ « alarme sociale » ont actuellement leur limite : n’étant pas obligatoires, les partenaires sociaux n’y ont pas systématiquement recours. Ainsi à la RATP dans la période la plus récente, 70 % des préavis de grève n’ont pas été précédés d’une « alarme sociale » et, à la SNCF, 84 % des préavis ne font pas suite à une « démarche de concertation immédiate ». […] L’intérêt du présent projet de loi est précisément de renforcer ces procédures, tout en les étendant en raison de leur intérêt, à l’ensemble des entreprises de transport public. » 

S'agissant de la SNCF, deux avenants ont été signés pour mettre en conformité le protocole de 2004 avec la loi. Le premier protocole fixe notamment les modalités de mise en œuvre d'une « démarche de concertation immédiate » (DCI) pendant 8 jours à compter de la demande. Un accord de prévisibilité a été également intégré à l’accord sur l’amélioration de dialogue social et la prévention des conflits mis en conformité avec la loi par les avenants du 13 décembre 2007 et du 21 décembre 2008.

Un accord de branche a été conclu le 13 décembre 2007 dans les transports urbains entre l'Union des Transports publics (UTP) représentant les employeurs dans ce secteur, et les syndicats. Outre un renforcement du dialogue social, l'accord précise les modalités de mise en œuvre de la continuité du service. On relèvera qu'il crée un observatoire paritaire de la négociation collective et du dialogue social et un fonds de financement du paritarisme de branche. Géré par une association type loi de 1901, ce fonds vise à permettre d’assurer un dialogue social et des négociations de branche de qualité.

En revanche, un accord de branche n'a pu être conclu dans les transports interurbains, étant rappelé que 90 % des entreprises concernées ont un effectif inférieur à 50 salariés. C'est donc le décret n° 2008-82 du 24 janvier 2008 qui trouve alors à s'appliquer. Néanmoins, comme le rappelle le rapport du gouvernement sur l’application de cette loi, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie et du temps de travail va permettre, à compter du 31 décembre 2009, aux entreprises dépourvues de délégué syndical, de négocier avec les élus du personnel ou, à défaut, un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative.

L'État est l'AOT en ce qui concerne les services nationaux de voyageurs exploités par la SNCF : un accord avec l’entreprise est intervenu le 3 janvier 2008. Son contenu est décrit dans l’encadré ci-après.

Contenu des plans de transport adaptés relatifs aux services nationaux exploités par la SNCF

Les plans de transport adaptés relatifs aux services nationaux de voyageurs sont définis par ligne et comprennent en général trois niveaux de service S1, S2 et S3, S1 désignant le niveau minimal de service, au sens de la loi, et S3, le niveau le plus élevé inférieur au niveau de service nominal.

Le niveau S1 est établi selon les principes suivants :

• Il privilégie le maintien de la possibilité de déplacements domicile travail et domicile études aux heures de pointe du matin et du soir. Les relations de moins de 2 heures 30 sont ainsi privilégiées, les relations par trains Corail de moins de 4 heures faisant l'objet, dans la mesure du possible, d'une attention particulière ;

• Il permet d'assurer la meilleure couverture possible du territoire national, en respectant un principe de neutralité et d'égalité entre les territoires. Afin de garantir le droit au transport affirmé par l'article 2 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, notamment pour des motifs d'ordre privé, le niveau S1 permet, dans la mesure du possible, de réaliser a minima un aller-retour sur une liaison donnée au cours d'une même journée ;

• Il permet d'assurer la combinatoire la meilleure possible entre les services des différents plans de transports mis en œuvre pour les services nationaux mais également pour les services régionaux.

Le niveau S1 représente ainsi, globalement, entre 35 % et 40 % des trains assurés dans le cadre des services nominaux nationaux de transport de voyageurs, avec dans toute la mesure du possible, au moins un train sur trois par ligne.

Les services S2 et S3 correspondent à un renforcement du niveau de service S1. Ils respectent les mêmes principes que ceux prévalant à la définition du niveau S1, avec un niveau de service assuré supérieur.

Le niveau S2 assure une meilleure couverture des besoins essentiels de la population en privilégiant les relations dont les temps de parcours sont inférieurs à 3 heures, les relations par trains Corails de moins de 5 heures faisant l'objet d'une attention particulière.

En ce qui concerne les TGV, le niveau S2 représente, globalement, entre 55 % et 60 % des trains assurés dans le cadre des services nominaux avec, en général, au moins un train sur deux par ligne et le niveau S3, entre 75 % et 80 % de ces mêmes trains.

S'agissant des trains Corail (trains Grandes Lignes et Corail Intercités), compte tenu du nombre plus réduit de fréquences de ces services par rapport aux TGV, un seul niveau S2 intermédiaire entre S1 et le niveau de service nominal est défini, représentant globalement entre 60 % et 70 % de ce dernier avec, en moyenne, au moins deux trains sur trois par ligne.

Le niveau de service applicable est déterminé, pour une liaison donnée, par l’entreprise, en fonction des ressources disponibles, notamment en termes d'effectifs, et des dispositions et des dispositions de l’accord ou du plan de prévisibilité prévus à l'article 5 de la loi du 21 août 2007.

En cas de perturbation prévisible, l'entreprise doit s'attacher, dans la mesure du possible, à assurer le niveau minimal sur chaque ligne avant de meure en place le niveau supérieur sur une quelconque d’entre elles. De même, en cas de perturbation locale, l'entreprise s’efforce de cantonner les effets de celle-ci en évitant qu’ils se traduisent par une extension de la dégradation du niveau de service à d’autres lignes.

Par ailleurs, l'État a demandé à l'entreprise de s'assurer de la cohérence de l’articulation entre les plans de transport des services nationaux de voyageurs et ceux des services régionaux, de manière à assurer la complémentarité la plus grande possible entre les niveaux de services de ces différents plans, en termes de possibilités de desserte et de correspondances.

• Contenu des plans d'information des usagers

Le plan d'information des usagers précise les modalités pratiques de diffusion des informations avant et pendant la perturbation. Il prévoit des modalités d’actualisation de ces informations au début, et tout au long de celle-ci.

Ainsi, la SNCF doit alerter le plus tôt possible, par l'intermédiaire des principaux médias (presse écrite, radio, télévision), les voyageurs, d'un risque de perturbation, afin de les rendre attentifs aux informations précises qui seront communiquées ultérieurement.

En cas de grève ou de perturbation prévisible confirmées, la SNCF affiche, dans chacune des gares des lignes concernées, hors points d'arrêts non gérés, l’ensemble des services assurés au départ de celle-ci le jour de la perturbation et ce, au plus tard vingt-quatre heures avant le début de celle-ci. Un numéro vert est mis gratuitement à la disposition des usagers, afin de leur permettre de connaître les services assurés et leurs horaires.

Ces dispositions ne sont pas exclusives d'autres modes de diffusion des informations unies dans les médias (presse écrite, radio, télévision), dans les gares par voie sonore ou visuelle.

Source : Rapport du gouvernement au Parlement sur l’application de la loi du 21 août 2007

Le plan de transport adapté de la RATP repose sur les principes suivants :

– chacun des sous-réseaux doit bénéficier du même niveau de service aux heures de pointe, elles-mêmes définies dans le contrat avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ;

– le niveau de service doit être égal à au moins 50% du service normal aux heures de pointe quand le service prévisible est supérieur ou égal à 75%.

Le plan d’information des usagers prévoit un affichage dans les stations et gares, des annonces vocales et des renseignements donnés par des agents d’accueil, un numéro vert et des informations à distance via internet, les téléphones portables et les médias.

Le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), AOT, a approuvé les plans de transport élaborés par la RATP et la SNCF pour l’Île-de-France. En dehors de l’Île-de-France, les régions sont les AOT. Elles doivent intégrer dans la convention qu’elles passent avec la SNCF pour l’exploitation des services régionaux de voyageurs des dispositions concernant les PTA et les plans d’information des usagers. En octobre 2008, sur 21 régions (2), 7 avaient signé un avenant ou avaient intégré les plans dans leur convention sans intervention de la préfecture. 10 n’avaient pas validé les plans et les préfets de région s’étaient substitués à elles pour l’approbation. La Lorraine avait estimé que la convention préexistante suffisait. Deux avaient validé par courrier les plans de la SNCF (Rhône-Alpes et Corse) et une, le Limousin, était en cours de validation à cette date.

Il a été indiqué à vos rapporteurs que l’élaboration d’un plan de transport adapté une fois pour toute pouvait se révéler difficile dès lors qu’existait un trafic très fort de TER cadencés. En effet en cas de grève, à l’échelle d’une région, beaucoup dépend de la localisation des personnels disponibles.

Le courrier reproduit ci-après explicite les raisons de la région Centre de ne pas s’impliquer dans l’application de la loi du 21 août 2007.

En dehors de la SNCF, l’enquête de l’UTP de décembre 2008 a montré que la moitié des réseaux interrogés dispose d’un PTA approuvé par l’AOT et que dans 35 % des cas ce plan est en cours d’approbation. Dans 69 % des réseaux qui ont répondu à l’enquête de l’UTP, des dessertes prioritaires ont été définies par les AOT.

L’élaboration des plans d’information des usages (PIU) est en cours ; elle est moins avancée que celle des PTA. 46 % des nouveaux interrogés ont un plan d’information des usagers (PIU) approuvé par leur AOT et dans 21 % des cas, ce PIU est en cours d’approbation. Sur la prévisibilité, seulement 56 % des entreprises se sont engagées dans un processus de négociation. L’UTP explique ce chiffre assez faible par l’absence d’un PTA ou, plus marginalement, de représentation syndicale.

Dans les entreprises ayant engagé des négociations, 10 % sont aujourd’hui couvertes par un accord collectif local sur la prévisibilité du service. Près d’un tiers des réseaux sont en cours de négociation. Dans 15 réseaux (13,6 %), les négociations ont échoué. L’UTP indique que « la procédure de négociation préalable au dépôt d’un préavis est utilisée dans 80 % des cas ». Autrement dit, la loi n’est pas appliquée dans 20 % des cas. La structure des entreprises explique ce retard. Il conviendra cependant de veiller à ce qu’il soit comblé.

« S’agissant des départements, le bilan est plus contrasté », comme l’indique le rapport du gouvernement au Parlement; en effet, les départements, qui ont notamment en charge les transports scolaires, éprouveraient de grandes difficultés à appliquer la loi compte tenu du nombre important d’entreprises avec lesquelles ils ont à traiter. En octobre 2008, seuls 14 départements avaient adopté un PTA et un PIU.

L’Assemblée des départements de France (ADF), que vos Rapporteurs remercient, a bien voulu leur communiquer un bilan précis et actualisé de cette loi, qui figure en annexe 1 du présent rapport. La lettre ci-jointe de son vice-président résume bien les spécificités de leur situation face à la loi du 21 août 2007.

Plus généralement, ne serait-il pas utile que les AOT encouragent dans les conventions qu’elles passent avec les entreprises de transport le dialogue social d’une part, et, d’autre part, sanctionnent, par des pénalités, le non respect de la loi ?

2. L’impact positif de la loi sur le dialogue social et la conflictualité

a) À la RATP

Le volume d’alarmes sociales a augmenté de 43 % (avec 453 déclenchements) par rapport à la moyenne des 5 dernières assises. 59 préavis ont été déposés, soit sensiblement moins que les 5 dernières années, ce qui indique que ce dispositif a bel et bien permis d’éviter des grèves. Le niveau de conflictualité a été en 2008 le plus faible depuis 2002, avec 0,18  j/an. 50 des 54 préavis concernaient des agents tenus de se déclarer. Sur les 3 051 grévistes concernés par cette obligation, 63 n’ont pas respecté la loi. Ils ont fait l’objet d’avertissements ou de sanctions disciplinaires. La réaffectation des personnels, c’est-à-dire, par exemple, l’affectation d’un conducteur de métro à une autre ligne que celle sur laquelle il travaille habituellement, s’est bien passée. Les 59 préavis ont correspondu à 30 mouvements de grève, dont 5 ont nécessité le déclenchement du plan de transport et d’information voyageurs dans la mesure où la prévision de service était inférieure à 75 % du service normal.

Le tableau ci-après récapitule l’évolution du nombre de préavis de grève, du nombre de jours de grève et du service offert en période de grève à la RATP de 2003 à 2008 :

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de préavis

182

182

177

173

367

59

Jour de grève

56 207

6 090

21 573

19 002

98 677

8 038

Jour de grève par agent

1,32

0,14

0,50

0,44

2,29

0,18

Niveau de service offert

Métro

72 %

91 %

85 %

86 %

54 %

97 %

RER

72 %

100 %

86 %

95 %

39 %

73 %

Bus

77 %

92 %

90 %

91 %

63 %

97 %

Source : RATP

b) À la SNCF

Tous les préavis doivent désormais être précédés d’une demande de concertation immédiate (DCI). Il y a eu à peu près 3 fois plus de DCI en 2008 qu’en 2007, 2 537 contre 895. Le nombre de préavis est de 593, contre 703 en 2007. La SNCF souligne que c’est le chiffre le plus bas enregistré depuis 20 ans. Le nombre de grèves et le taux de grèves par rapport aux dépôts de préavis augmentent. Pour la première fois plus des trois quarts des préavis se sont transformés en grève, ce qui est logique puisque le dépôt du préavis marque l’échec de la DCI.

L’analyse ci-après, fournie par la SNCF, est très éclairante des évolutions constatées.

Il est important, au préalable, de souligner que 70 % des grèves n’ont pas occasionné de perturbations pour les usagers.

« Le nombre de Journées Perdues (JP) par les grèves locales a peu évolué d’une année sur l’autre et le nombre de journées perdues globalement est inférieur aux résultats des trois dernières années :

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de JP locales

36532

31326

23841

10964

23212

21272

25507

29739

29931

Nombres de JP nationales

48562

129621

13398

384312

71368

217690

103706

393568

93235

Nombre de JP totales

85094

160947

37239

395276

94580

238962

129213

423307

123166

Le nombre de Journées perdues dans les conflits locaux est par contre le plus fort depuis 2001. Alors que jusqu’au mois de novembre nous étions sur une tendance plutôt faible, la conflictualité locale a connu une détérioration importante au mois de décembre. Ainsi, le mois de décembre a connu la conflictualité la plus forte depuis le mois de décembre 1995 (grève nationale). Cette conflictualité a touché tous les types d’établissements, mais est principalement causée par le changement de service à la traction  (3) (....). La conflictualité 2008 peut donc être caractérisée par un nombre de conflits nationaux plus important que d’habitude mais moins suivi et une conflictualité locale qui était très faible durant les 11 premiers mois de l’année mais qui s’est fortement développée au mois de décembre avec notamment de nombreuses grèves pour le changement de service. » L’inversion de tendance constatée au dernier trimestre est due à d’une part aux conflits nationaux sur le fret et sur le RH 0077 (4) et au changement de service de l’hiver 2008 qui a été le plus conflictuel depuis 1995. Ce contexte a forcément pesé sur la conflictualité de 2008.

Les conflits nationaux (10) ont été plus nombreux en 2008 qu’en 2007 (4 dont 2 sur les retraites) mais ils ont été moins suivis, d’ailleurs le nombre de JP nationales est le plus bas depuis 4 ans. »

c) Dans les régions

Le rapport remis au Parlement par le gouvernement indique ne pas disposer encore d’éléments d’information sur ce point. Les auditions de la mission font apparaître une faible conflictualité moyenne, qui dissimule cependant des conflits locaux très durs, comme par exemple celui de Nice avec la SNCF, mais également dans des réseaux purement locaux comme celui de Marseille.

3. L’impact positif de la loi sur le service assuré aux usagers

Par définition, et vos rapporteurs y reviendront, cette évaluation ne vaut que pour les grèves s’inscrivant dans le champ de la loi ! Les grèves surprises illégales ne peuvent par construction donner lieu à une information préalable des usagers.

a) L’information des usagers

Les interlocuteurs de la mission ont, dans leur quasi-totalité, reconnu que la loi avait significativement amélioré l’information des usagers. Si l’on prend l’exemple de la SNCF, sur 2008, plus de 437 000 appels ont été reçus au numéro vert national sur les 17 jours d’ouverture, soit en moyenne près de 26 000 appels par jour; quant aux numéros régionaux, ils ont reçu plus de 27 500 appels pendant les trois jours d’ouverture dans les régions, soit une moyenne de 9 200 appels par jour.

b) Les services assurés aux usagers en cas de grève

Comme il a été souligné ci-dessus, la conflictualité a plutôt baissé en moyenne et le service assuré aux usagers, même en cas de grève nationale, amélioré par la loi. Le bilan de la journée de grève du 29 janvier 2009 est à cet égard intéressant. Si l’on prend l’exemple de la SNCF, on constate que 50% du service normal, contre 45% prévus, a été assuré en Île-de-France, 50% du service TER contre 40% prévus et 60% des TGV. Il mérite également d’être relevé qu’en ce qui concerne les déclarations individuelles de faire grève, les écarts entre les intentions et la réalité se sont avérés beaucoup plus faibles que lors des grèves du deuxième semestre 2008.

Le tableau ci-dessous fait le point sur le service offert aux usagers sur les grandes lignes en distinguant les TGV des Corails.

SUIVI APPLICATION NIVEAUX D’URGENCE TGV/CORAIL DEPUIS LA MISE EN PLACE DU SERVICE MINIMUM À L’OCCASION DU SA 2008

Date mouvement social

Conditions d’application pour TGV

Conditions d’application pour CORAIL

Commentaires

13 décembre 2007

TGV

- Intersecteurs et Province Province S2

- Radiales S3

- sauf Est et Altantique = Service Normal.

Application du S2

Aucune circulation Corail de nuit en trafic domestique pour les nuits encadrantes.

12 mars 2008

TGV

- Radiales et Province Province S3

- Intersecteurs S3

Corail service normal avec aucune circulation Internationale sur l’axe Vintimille Nice.

Aucune circulation Corail de nuit en trafic domestique pour les nuits encadrantes.

22 mai 2008

TGV S2 (dont IS et PP)

- Intersecteurs et Province Province S2

- Radiales :

• Nord, Est et Atlantique S3

• Sud Est S2

Application du S1

Aucune circulation Corail de nuit en trafic domestique pour les nuits encadrantes.

7 octobre 2008

TGV service normal avec 4 circulations adaptées (+ prise en charge clients)

Service normal avec quelques adaptations sur les axes :

• Vintimille Nice

• Clermont Béziers

• Clermont Marseille

• PALITO

• Montpellier Port Bou

Adaptation du Corail Lunéa avec suppression ou limitation de certaines dessertes pour les nuits encadrantes.

6 novembre 2008

TGV service normal avec S3 sur Sud Est, S2 sur Atlantique, S2 IS et S3 PP

Service normal avec application du S2 sur axes suivants :

• PALITO

• Paris Clermont (+ adaptations)

• Transversale Sud

• Strasbourg Lyon

• Metz Lyon

+ adaptations sur axe Vintimille Nice

Aucune circulation Corail de nuit en trafic domestique pour les nuits encadrantes.

29 janvier 2009

Radiales :

• Est service normal

• Nord S3

• Sud Est S2

• Atlantique S2

IS et PP :

Aucune circulation.

Application du S1 avec adaptations sur les axes suivants :

• Paris Clermont
(+ 1 aller retour)

• Axe Bruxelles Zurich SN

• Transversale Sud S1 adapté

Aucune circulation, aussi bien domestique qu’internationale, pour le périmètre CORAIL de nuit et ceci pour les nuits encadrantes.

c) Le remboursement des usagers en cas d’inexécution du plan de transport adapté ou du plan d’information des usagers

Ce dispositif a été correctement mis en œuvre; la RATP devrait même l’étendre à des cas où les usagers ont été victimes de retards significatifs, à cause par exemple d’un rail cassé, sur une ligne de RER, sans que l’entreprise en soit responsable. La difficulté pour l’entreprise est qu’il n’y ait pas « d’effet d’aubaine » et que seuls usagers réellement lésés reçoivent une compensation.

Cette démarche de la RATP prouve que rien n’interdit au transporteur d’aller au-delà de ce qui lui est imposé par la loi. La région Franche-Comté nous indique cependant que les usagers ne bénéficient plus d’un dédommagement du transporteur sur l’achat de son prochain abonnement dans les cas de situation fortement dégradée ne rentrant pas dans le champ de la loi, « comme c’était le cas avant l’application de cette loi ». Il nous semble que si un tel système fonctionnait de manière satisfaisante avant l’entrée en vigueur de la loi du 21 août 2007, rien n’interdirait de le réintroduire par voie conventionnelle.

Avant l’intervention de la loi, en vertu d’accord conclus en 2005 entre d’une part la RATP et la SNCF, et le STIF d’autre part, seule l’AOT bénéficiait d’une indemnisation lorsque l’entreprise ne faisait pas face à ses obligations, même si sur une base volontaire, des prorogations de validité de titre de transport avaient pu avoir lieu. Ainsi, les abonnés ont eu une réduction de 50 % sur la carte orange en janvier ou en février 1996 à la suite de la grève de décembre 1995.

En vue de mieux appréhender le coût d’un tel mécanisme, il est intéressant de relever que sur la période 2003-2008, à la RATP, seul le mouvement de grève du 14 au 22 novembre 2007 a donné lieu à une indemnisation des voyageurs.Ne concernant que les voyageurs abonnés, elle a représenté un coût de 19,96 millions d’euros HT pour la RATP (dont 0,5 million d’euros de frais de gestion).

Pour autant, cette disposition, sous réserve d’investigations plus approfondies, ne semble pas susciter l’enthousiasme des usagers, qui tendent à la considérer comme une maigre compensation face aux situations parfois très difficiles auxquelles ils doivent faire face.

B.— LES LIMITES DE LA LOI DU 21 AOÛT 2007

La loi ne peut atteindre les objectifs qu’elle ne s’assignait pas. Ainsi elle ne produirait aucun effet bénéfique en cas de grève suivie par une écrasante majorité du personnel car elle n’a pas pour but d’instaurer un service minimum stricto sensu fonctionnant sur l’impraticable droit de réquisition. Elle ne règle pas non plus par définition les situations illégales et n’a pas non plus pour ambition de régler les enjeux liés à la nécessité d’investissements supplémentaires dans les transports. Les entretiens auxquels vos rapporteurs ont procédé ont bien mis en lumière que des actions menées par certains agents, formellement conformes à la lettre de la loi, étaient contraires à l’esprit de la loi.

1. La loi du 21 août 2007 n’instaurait pas un service minimum stricto sensu, qui suppose l’usage du droit de réquisition

Un service minimum fixerait a priori le contenu du service à assurer en cas de grève. S’il n’y avait pas assez de personnels non grévistes pour l’assurer, il appartiendrait alors à l’État de les réquisitionner. Cette voie n’apparaît ni praticable, ni souhaitable.

Elle n’apparaît tout d’abord guère réaliste. En 1963, dans un contexte politique et social plus favorable à des mesures d’autorité qu’aujourd’hui, le Général de Gaulle a utilisé ce droit contre les mineurs (Décret n° 63-208 du 27 février 1963 autorisant la réquisition de personnels dans les houillères de bassin). Ce fut un échec. Le personnel des houillères a refusé de se plier à la réquisition. La grève gagna alors d’autres branches du secteur public, au nom de la défense du droit de grève. A la demande du Gouvernement, la direction des Charbonnages de France entama des négociations, qui aboutirent à donner satisfaction aux revendications salariales des mineurs et à leur donner en outre une quatrième semaine de congés payés.

Les visas du décret étaient révélateurs :

– loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation en temps de guerre ;

– ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense ;

Si la mesure de réquisition n’est pas acceptée, elle suppose alors le recours à la force. Elle implique ensuite la prise de sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement contre ceux qui n’auraient pas appliqué la loi, et ce sans préjudice d’éventuelles poursuites pénales ! Enfin, il convient de remplacer immédiatement les personnels qui auraient été révoqués ou licenciés.

Tout cela est évidemment d’un réalisme incertain. De plus, il n’apparaît pas souhaitable à vos Rapporteurs de prendre le risque de créer un climat de tension extrême alors que le dialogue social apparaît plus que jamais nécessaire dans un contexte de grave crise économique. Le temps n’est plus où le Conseil d’État jugeait que ne constituait pas un détournement de pouvoir le rappel de cheminots pour une période militaire alors que son objet était de briser une grève (CE 18 juillet 1913 Syndicat national des chemins de fer de France et des colonies).

Pour mémoire, cette question étant à l’évidence plus de nature politique que juridique, l’état du droit est le suivant :

Le Conseil constitutionnel (décision 79-105 du 25 juillet 1979) a déclaré non conforme à la Constitution une loi qui permettait aux présidents de société de télévision de réquisitionner les grévistes « pour assurer le service normal ». Il a en revanche (décision 80-117 DC du 22 juillet 1980) validé une loi sanctionnant les atteintes intentionnelles à la sûreté des installations nucléaires, estimant qu’il n’était ainsi apporté « à l’exercice éventuel du droit de grève que les restrictions nécessaires à la sauvegarde des objets d’intérêt général qu’il vise ». En 1987 (décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987) le Conseil a considéré qu’il appartenait au Législateur d’apporter au droit de grève les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public, « que ces limitations peuvent aller jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ».

2. La loi n’avait pas pour objet de réglementer les grèves illégales : la question du droit de retrait

Par définition, les mouvements sociaux déclenchés en contravention avec les règles sortent du champ de la loi. Le droit positif dispose déjà de sanctions adaptées.

Les événements de la gare Saint-Lazare ont été un exemple typique d’utilisation juridiquement abusive du droit de retrait. En l’espèce, le 12 janvier à 19h40, un conducteur de la ligne A du RER a été victime d’une agression, que vos Rapporteurs condamnent avec fermeté, en gare de Maisons-Laffitte. C’est seulement le 13 janvier au matin, et après avoir amené les voyageurs à Paris, que nombre de roulants ont débrayé et paralysé le trafic bien au-delà de la seule ligne A concernée. Compte tenu de la situation tendue, la SNCF a décidé de procéder, phénomène rarissime, à l’évacuation de la gare, dont il est important de rappeler qu’elle accueille quelque 450 000 passagers par jour. Dans ce cas, il s’agit plutôt d’une grève « émotionnelle » illégale que d’un recours fondé au droit de retrait.

C’est en même temps un cas d’école démontrant la nécessité absolue d’une information en temps réel des salariés sur les agressions, afin que ne se répandent les rumeurs les plus fausses.

Cet événement illustre tous les risques liés au « pourrissement » d’un conflit puisqu’il avait débuté le 14 décembre 2008 au sujet de l’organisation du changement de service (organisation du travail et nombre de conducteurs).

Il est à noter que la détérioration de la situation à la gare Saint-Lazare a été aussi amplifiée par une forte rivalité entre les syndicats liée aux prochaines élections professionnelles prévues le 26 mars 2009.

De plus, il ressort des entretiens menés par vos rapporteurs l’absence à l’époque, du côté de la direction, d’un interlocuteur unique.

Le conflit a été résolu finalement par des concessions importantes venant de la SNCF, comme à Nice, après que les usagers aient beaucoup souffert. C’est l’exemple type en effet de ce qu’il ne faut pas rééditer en engageant une véritable négociation sociale dès le début du conflit.

Sur le plan juridique, l’article L. 413 1-1 du code du travail prévoit en effet que « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

La Chambre sociale de la Cour de Cassation en a donné une interprétation extensive puisqu’elle a jugé que « ne constitue pas une faute le refus du salarié d’effectuer une tâche à l’accomplissement de laquelle il ne peut être affecté dès lors que l’employeur n’a pas exécuté les obligations mises à sa charge pour assurer la protection de la santé au travail ». [Soc 18 décembre 2997]

Selon la Chambre sociale, l’obligation de sécurité est une obligation de résultat. Elle a même jugé que le respect de la procédure pour invoquer ce droit de retrait n’était pas impératif [Soc 10 mai 2001]

En d’autres termes, seul un durcissement considérable des conditions de recours de ce droit minimiserait le danger de voir la jurisprudence interpréter une réforme de manière excessivement restrictive. Un durcissement ne serait pas exempt d’effets pervers pour la sécurité des travailleurs dans les cas où il aurait vocation à être légitimement invoqué.

La solution ne paraît vraiment pas être du domaine de la loi et c’est en ce sens que vos rapporteurs vous feront des propositions.

3. La loi du 21 août 2007 n’avait pas vocation à régler les questions liées à la nécessité d’investissements supplémentaires

Il existe aujourd’hui un consensus pour faire des transports en Île-de-France une priorité. Le problème avait bien été perçu lors des travaux préparatoires au vote de la loi. Durant son audition par la commission spéciale, en 2007, Madame Anne-Marie IDRAC avait indiqué que « s’agissant des locomotives le chiffre des investissements est de 2 milliards par an. Ces investissements sont rendus possibles en raison de la productivité qui permet de dégager des résultats. Aujourd’hui l’âge moyen des locomotives est 35 ans; l’objectif est de le ramener à 5 ans en 2010. Des commandes ont déjà été passées, notamment pour le fret ».

Des progrès ont été accomplis et des projets importants sont à l’étude, tant l’entreprise, la Région et l’État ont conscience des retards pris dans ce domaine. Les investissements en terme de matériels et d’infrastructures doivent continuer à être développés grâce à d’importants financements. Lors de son audition, la CGT nous a ainsi indiqué qu’en janvier de cette année, sur la ligne B du RER, avaient été constatés 25 % de retards et d’annulations, ce chiffre étant de 33% pour la ligne D du RER. La situation va déjà connaître une amélioration grâce à l’arrivée du Francilien, futur train de banlieue. Celui-ci sera mis en service en décembre prochain et livré dans sa totalité plus tôt que prévu, c’est-à-dire au deuxième trimestre 2015. 40 rames, au lieu de 30 initialement prévues, seront livrées chaque année à la SNCF. Début 2006, le STIF avait voté plus de deux milliards d’euros de crédits pour moderniser son matériel roulant. Dans un contexte de rigueur budgétaire, la question du financement reste cependant difficile compte tenu de l’ampleur des retards accumulés depuis des décennies et donc du coût du rattrapage.

Un plan de 18 milliards d’euros a été élaboré par le STIF pour rattraper le retard pris en Île-de-France en matière d’infrastructures. L’une des grandes priorités des projets d’infrastructures de demain sera aussi d’assurer le transport de banlieue à banlieue.

4. Les détournements de la loi contraires à son esprit

Les principales difficultés recensées par la mission sont les grèves de courte durée, les déclarations de faire grève non suivies d’effet et la multiplication des préavis.

L’extrait ci-après d’un courrier du président de la région Alsace, M. Adrien Zeller, illustre bien certains détournements de la loi contraires à son esprit :

« D’une part, la très récente décision du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 4 février 2009, illustre très clairement les défaillances du dispositif législatif actuel par rapport aux grèves dites tournantes ou perlées et qui consistent, soit à interrompre le service pendant 59 minutes chaque jour, soit à organiser des rotations d’un jour à l’autre des agents participants au mouvement de grève. Or, ces pratiques sont particulièrement pénalisantes pour les voyageurs car elles entraînent pour la SNCF une impossibilité de prévoir clairement les moyens disponibles et donc d’organiser un niveau de service réduit, Elles sont donc en contradiction avec les objectifs de la loi.

D’autre part, les conditions actuelles d’application de l’obligation pour un agent de faire part 48 heures à l’avance de son intention de faire grève sont susceptibles d’avoir des effets pervers sur les conditions de prévisibilité effective du trafic. En effet, les pressions de certaines organisations syndicales concourent â ce que le nombre de déclarations d’intention de faire grève soit bien souvent nettement plus important que le nombre d’agents effectivement grévistes. Il n’existe en effet, à l’heure actuelle, aucune mesure permettant d’établir un lien entre la déclaration d’intention de faire grève et le fait de participer ou non au mouvement, le moment venu. De ce fait, les déclarations d’intention n’apportent aucune indication fiable permettant d’apprécier au plus juste les moyens effectivement disponibles le jour du conflit. La direction de la SNCF est, au contraire, bien souvent conduite à un excès de prudence et à établir ainsi des prévisions de trafic plus pessimistes que la réalité, et plus pessimistes qu’avant la mise en oeuvre de la loi. Lors du dernier mouvement national du jeudi 29 janvier 2009, l’entreprise a ainsi finalement mis en service plus de 10 % de trains supplémentaires, c’est-à-dire concrètement, 10 % de trains qui ne figuraient pas dans les plans de transport rendus publics et annoncés aux voyageurs Ce sont autant de trains qui, annoncés préalablement, auraient rendu les services plus attractifs aux usagers placés devant la nécessité du choix de leur mode de déplacement et auraient vu par ailleurs leur fréquentation optimisée. Cette dimension reste donc à parfaire pour atteindre pleinement les objectifs de la loi à savoir une prévisibilité du service améliorée, une information la plus juste et complète des voyageurs, enfin la mise en place d’un service minimum le plus ambitieux possible en fonction des moyens disponibles. »

a) Les grèves de courte durée

Parfois appelées grèves de 59 minutes, ces grèves existent depuis longtemps et pouvaient dans leur principe apparaître comme non contestable puisqu’elles minimisaient la gêne pour les usagers. C’est ainsi le cas lorsqu’elles sont le fait par exemple de personnels des guichets. Il en va parfois autrement lorsqu’elles concernent le personnel roulant et ont pour objectif de désorganiser au maximum le service au moindre coût pour les grévistes; cet objectif est atteint en alternant grèves de 59 minutes et grèves d’une journée tout en favorisant un décalage entre les déclarations d’intention de faire grève et le nombre réel de grévistes. Les grèves d’une durée inférieure à une heure ont un impact plus que proportionnel à la durée de la grève puisqu’elles peuvent désorganiser l’ensemble du service, en particulier pour les longues destinations. Par exemple si un conducteur prévu sur le train Paris-Bordeaux arrête de travailler 59 mn, la SNCF perd en réalité 4 heures car il faut passer au suivant dans le tableau de roulement. Si un employé peut rejoindre son guichet à la soixantième minute, il n’en est pas de même pour un conducteur avec sa motrice : soit le train a pu partir, soit il est resté à quai. En pratique, il semble que les effets d’une grève d’une durée de 59 mn puissent être palliés en avançant d’une heure les tableaux de roulement pour un mouvement de courte durée mais que cela devienne trop compliqué sur un mouvement de longue durée, dès lors qu’il y a alternance d’un jour à l’autre de grèves de courte durée et de grèves d’une journée.

De plus, le coût en est minimisé par le principe de proportionnalité de la retenue à la durée de la grève posé par l’article 10 de la loi du 21 août 2007, qui lui-même synthétisait une évolution complexe du droit sur ce sujet. L’effet négatif pour l’entreprise et les usagers est pourtant supérieur à une heure et correspond en pratique à une interruption d’une demie journée de travail, d’où l’idée parfois évoquée de pratiquer une retenue correspondant à une demie journée de salaire

Juridiquement, une telle mesure semble envisageable. Le Conseil constitutionnel avait en effet censuré le rétablissement pour l’ensemble du secteur public, en 1987, dans les termes suivants (décision n°87-230 du 28 juillet 2007): « Il appartient au législateur d’édicter les mesures qui lui paraissent à même, pour éviter le recours répété à des grèves de courte durée affectant anormalement le fonctionnement régulier des services publics, d’assurer une conciliation entre la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève est de nature à porter atteinte. ».

Les sages considéraient cependant que « par la généralité de son champ d’application qui ne prend en compte ni la nature des divers services concernés, ni l’incidence dommageable que peuvent revêtir pour la collectivité les cessations concertées du travail, pourrait, dans nombre de cas, porter une atteinte injustifiée à l’exercice du droit de grève qui est constitutionnellement garanti ; ». Il est donc raisonnable de penser que le rétablissement d’une sanction non proportionnelle à la durée de la grève, mais fonction de la nuisance réelle engendrée, sous réserve de la limiter à un secteur, les transports publics terrestres, et à un nombre limité de salariés, par exemple ceux concernés par l’obligation de déclaration individuelle, serait juridiquement possible. Pour les raisons développées dans la troisième partie de ce rapport, cela paraît en revanche inopportun.

LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL INTERDIT
DE RÉTABLIR DE MANIÈRE GÉNÉRALE LE TRENTIÈME INDIVISIBLE

À l’origine, la jurisprudence a considéré qu’il devait exister une stricte proportionnalité entre la durée de grève et les retenues sur les rémunérations des grévistes.

En 1961, l’article 4 de la loi de finances rectificative pour 1961 a instauré le régime du trentième indivisible pour l’État et ses établissements publics à caractère administratif.

Pour les agents des services publics ne relevant par du champ de cette disposition, la loi du 3 juillet 1963 a généralisé le trentième indivisible, codifié dans l’article L. 521-6 du code du travail.

Une loi du 19 octobre 1982 est revenue sur cette modification. On peut résumer son dispositif complexe en indiquant que seules les grèves supérieures à une demi-journée sans excéder une journée entraînaient une retenue d’un trentième.

En 1987, le législateur tenta de rétablir le dispositif antérieur à 1982. Il n’y parvint que partiellement en raison de la censure du Conseil constitutionnel.

Dans sa décision n° 87-230 du 28 juillet 1987, celui-ci a :

– validé la règle du trentième indivisible pour les personnels de l’État et de ses établissements publics administratifs (EPA) ;

– reconnu au législateur, pour les agents des services publics autres que les personnels de l’État et de ses EPA, le droit d’« éditer des mesures à même d’éviter le recours répété à des grèves de courte durée affectant anormalement le fonctionnement régulier des services publics, d’assurer une conciliation entre la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève est de nature à porter atteinte ».

Il a cependant jugé que le mécanisme adopté, « par la généralité de son champ d’application qui ne prend en compte ni la nature des divers services concernés, ni l’incidence dommageable que peuvent revêtir pour la collectivité les cessations concertées de travail, pourrait, dans nombre de cas, porter une atteinte injustifiée à l’exercice du droit de grève ».

L’article 10 de la loi du 21 août 2007 2007 dispose que la rémunération d’un salarié gréviste dans le secteur des transports terrestres est réduite « en fonction de la durée non travaillée ».

Dans le cas de la SNCF, la situation est rendue plus complexe par le fait que les personnels roulants perçoivent une prime lorsqu’ils conduisent dont, a t il été indiqué à la mission, le montant est égal à 40 % de leur traitement. Donc en pratique, si ce système est cumulé avec une durée de conduite un peu plus longue que d’habitude, le bilan a pu être positif dans certains cas pour les grévistes.

Les grèves de courte durée sont en revanche marginales à la SNCF. Les préavis de très courte durée (inférieures ou égales à 2 heures) représentent moins de 1 % des préavis par an en moyenne sur la période 2003-2008.

b) Les grèves tournantes

Elles peuvent être définies comme celles qui ont pour effet d’entraîner des cessations de travail par roulement dans les différents secteurs d’activité ou catégories de personnel d’une entreprise (5). Elles sont théoriquement prohibées lorsqu’elles ont pour but de désorganiser le service public.

c) Le fait de se déclarer gréviste pour renoncer ensuite à faire grève peut aussi, dans certains cas, s’analyser comme un détournement de la loi

Au-delà de l’aspect strictement juridique des choses, il serait difficile d’interdire à un gréviste déclaré de venir finalement travailler, même si lorsque cette faculté est utilisée pour rendre plus difficile la prévisibilité voulue par la loi. Cela pose incontestablement un problème, comme l’ont souligné diverses entreprises auditionnées par la mission. De fait cela reviendrait à faire du droit de grève un droit collectif.

Le GART, qui dénonce cette dérive, en a d’ailleurs tiré la conclusion le 10 février 2009 qu’ « il faut donc poursuivre l’effort commencé en 2007, de dialogue social et de concertation, pour que les différents acteurs puissent, même en cas de conflit, s’engager à assurer la continuité du service public. ».

d) Le fait de pouvoir entrer après son début dans la grève ne facilite pas non plus la prévisibilité, mais paraît difficilement contestable

Le Conseil d’état a jugé le 19 mai 2008, sur la requête de SUD-RATP, qu’il ressort des dispositions du II de l'article 5 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs que le salarié relevant des catégories d'agents indispensables à l'exécution de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté a l'obligation de déclarer son intention de participer à une grève au moins quarante-huit heures avant d'y participer lui-même, et non pas à l'échéance fixée par le préavis ou avant le commencement effectif de la grève. La rédaction adoptée par le Législateur a, selon le Conseil d’état, pour objet et pour effet, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, de permettre au salarié de rejoindre un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n'avait pas l'intention de participer ou auquel il aurait cessé de participer, dès lors qu'il en informe son employeur au plus tard quarante-huit heures à l'avance. Le Conseil a en effet estimé, (considérant 30 de sa décision sur la loi du 21 août 2007) « que l’aménagement ainsi apporté aux conditions d’exercice du droit de grève n’est pas disproportionné au regard de l’objectif poursuivi par le Législateur. ». Il semble donc probable qu’il en irait tout à fait différemment si la loi prohibait une rentrée « tardive » dans la grève.

Par suite, la haute juridiction administrative a jugé que les dispositions réglementaires du plan de prévisibilité de la RATP, faisant obligation aux agents de cette entreprise d'effectuer, en cas de grève, la déclaration préalable quarante-huit heures avant le début de la grève fixé par le préavis ou, pour les agents qui ne sont pas en service le premier jour de la grève, quarante-huit heures avant la date de reprise effective de leur service, ce qui a pour effet d'obliger les agents qui souhaitent participer au mouvement de grève à s'y joindre dès le début de ce mouvement ou, pour ceux qui ne sont pas en service au premier jour de la grève, dès leur première prise de service, méconnaissent la loi du 21 août 2007.

e) Les dépôts de préavis successifs

L’article 3 de la loi prévoit que « lorsqu’un préavis a été déposé (...) par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu’à l’issue du délai de préavis en cours ... ». Cette disposition n’apportait qu’une limitation réduite au droit de grève, car, comme le soulignait un commentaire (6), cette disposition « compte tenu du pluralisme syndical, sera aisément contournée par les acteurs sociaux ». Là également, il n’apparaît pas souhaitable de régler par la loi cette question car la seule solution efficace serait d’interdire à toute organisation syndicale, quel que soit le motif, de déposer un nouveau préavis avant l’expiration du premier. Cette question en l’état du paysage syndical français relève du dialogue social.

III.— L’AMÉLIORATION DU SERVICE OFFERT AUX USAGERS DES TRANSPORTS TERRESTRE NE PASSE PAS DANS L’IMMÉDIAT PAR PLUS DE LOI

Il est tentant de penser que légiférer dans l’urgence résoudrait les difficultés constatées. Ce serait en réalité une triple erreur, de méthode, de diagnostic et politique, au sens large du terme. Cela ne signifie évidemment pas qu’aucune modification de cette loi ne doit intervenir ; simplement, le moment n’est pas venu. Cela signifie encore moins qu’aucun changement n’est souhaitable !

A.— LÉGIFÉRER DANS L’URGENCE CONSTITUERAIT UNE TRIPLE ERREUR

1. Une erreur de méthode

La loi n’a qu’un peu plus de 18 mois d’existence. De l’aveu de la quasi-totalité de nos interlocuteurs, elle est aujourd’hui globalement acceptée, ce qui n’allait pas de soi au moment de sa promulgation.

Il faut lui laisser le temps de « vivre » ; les entretiens auxquels ont procédé vos rapporteurs montrent bien qu’elle a déjà eu un impact positif, même si elle ne résout pas tout. Il faut laisser le temps aux nouvelles règles posées par la loi de bien entrer dans les mœurs avant de songer à les modifier. Légiférer dans l’urgence n’est jamais une solution optimale, sauf nécessité avérée. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Il ne va en effet pas de soi que la solution aux problèmes rencontrés passe par la modification immédiate de la loi de 2007. Il ne va pas non plus de soi qu’il faille légiférer dans l’urgence pour régler des problèmes conjoncturels, dont il n’est pas certain qu’ils se reposent rapidement dans les mêmes termes. Les solutions durables sur le long terme supposent qu’elles soient acceptées socialement.

2. Une erreur de diagnostic

Il faut en effet légiférer immédiatement si l’on pense que cela résoudra les conflits. Il en va tout autrement si le fond du problème est lié au déficit du dialogue social dans un secteur, les transports terrestres, et à la difficulté de faire face aux changements.

La perception très forte dans les organisations syndicales de la SNCF que le dialogue social est complètement bloqué est symptomatique d’une situation de crise à laquelle il est urgent de remédier. Les causes principales du dialogue social parfois difficile tiennent tout d’abord au sentiment de perte de repères des salariés dans un contexte en pleine mutation. La peur devant l’avenir est importante. Le cas de la SNCF est à cet égard emblématique. L’entreprise doit pourtant se préparer de manière urgente à une inéluctable montée de la concurrence, dans le fret, mais également dans le trafic voyageurs.

De par son histoire, sa structure et sa couverture de l’ensemble du pays, la SNCF est une entreprise où le pouvoir est à la fois très concentré et, en même temps, complexe à saisir. On ne peut qu’encourager toute démarche tendant à déconcentrer l’autorité et à simplifier les structures, de sorte que les problèmes puissent se régler au plan local dans toute la mesure du possible. S’y ajoute une « culture d’entreprise » où l’affrontement est probablement plus valorisé que la négociation, ce qui rend évidemment difficiles les évolutions à un moment où la marge de manœuvre de la direction est très faible.

Il est également probable que le passage d’un système massif de recrutement de l’encadrement par un système de formation interne à un système de recrutement externe plus « classique » n’est pas sans créer de tension. Il est aussi certain que la déconcentration de pouvoir à l’intérieur de l’entreprise doit être poursuivie.

La pression est considérable sur les transports de proximité, avec une croissance très forte du trafic, ce dont on ne peut que se réjouir dans la perspective du Grenelle de l’environnement, mais qui ne va pas sans soulever de graves difficultés.

Dans les régions, des progrès considérables ont été accomplis et, quelque part, les TER sont victimes de leur succès.

Les grèves, quelle qu’en soit la forme, ne sont pas, et de loin, la cause première des perturbations du trafic.

Le Président de la RATP nous a ainsi indiqué que les grèves constituaient une cause « infime » d’interruption du trafic. La première cause tient aux suicides, environ 90 par an. Chaque suicide provoque en moyenne un arrêt de deux heures. La deuxième cause d’arrêt du trafic est due à des voyageurs tirant abusivement le signal d’alarme par pure malveillance ou pour justifier, par exemple, de l’absence à un examen que l’on ne veut pas passer. La troisième cause d’interruption est due aux malaises des usagers. Viennent ensuite les colis suspects : deux à trois fois par jour avec à chaque fois une interruption de deux heures. Viennent ensuite les problèmes d’infrastructures et de caténaires, puis les défaillances de matériels roulants. Viennent enfin les causes sociales.

IMPORTANCES RESPECTIVES DES DIFFÉRENTES CAUSES DE PERTE
DE PRODUCTION ANNUELLE EN 2008 À LA RATP

(en pourcentages arrondis du service normal)

 

Indisponibilité du personnel

Causes techniques

Incidents voyageurs

Causes sociales

Autres*

Total**

Métro

-0.9%

-1%

-1.1%

0%

1.6%

-1.4%

RERLA

-0.1%

-0,8%

-0.6%

-0.4%

-0.1%

-2%

RERLB

-0,1%

-0,5%

-0,4%

-0,8%

-1,6%

-3.3%

BUS TCSP

-0,5%

-0,1%

0%

0%

0%

-0,7%

BUS PDU Paris

-1,5%

-0,4%

0%

-0,1%

-1,1%

-3,1%

BUS PDU Banlieue

-1,1%

-0,2%

0%

0%

-0,2%

1,5%

BUS Paris

-1,5%

-0,2%

0%

-0,1%

-1,4%

-3,2%

BUS Banlieue

-0,9%

-0,2%

0%

0%

-0,1%

1,3%

BUS Noctilien

-0,1%

-0,1%

0%

0%

0,1%

-0,1%

* Autres causes de variation de la production (augmentation de l'offre, réduction de l'offre, ...)

** Pourcentage total de l'offre non réalisée par rapport a l'offre prévue

BUS TCSP : Tramway et site propre TVM

BUS PDU : Lignes retenues dans le Plan de Déplacement Urbain en cours de développement

Une analyse récente (7) des causes de retard sur le réseau Transilien montre que 45 % des causes sont externes (malveillance, accidents de personnes,…), 17 % sont dues aux infrastructures et 38 % internes, dont 14 % pour le matériel et 10 % pour les équipages. Dans ce contexte, les grèves, et en particulier celles qui ne respectent pas les obligations de préavis, contribuent à dégrader encore un climat déjà très lourd. En Île-de-France, mais pas seulement, les usagers sont exaspérés par les retards et les très mauvaises conditions de transport. Les relations avec les agents des entreprises concernées peuvent alors facilement dégénérer.

L’insécurité et les agressions de conducteurs constituent une des causes majeures de grèves surprises illégales. Là également, ces mouvements sont plus le symptôme de la maladie que la maladie elle-même. Vos rapporteurs feront donc des propositions en ce sens, qui leur paraissent plus de nature à résoudre les difficultés qu’une intervention du Législateur.

3. Une erreur politique

Le dialogue social, clé des solutions aux difficultés rencontrées, doit être encouragé par la loi. Il ne peut être forcé par celle-ci. Tout au contraire, les changements de règles trop fréquents ne peuvent qu’inciter les partenaires sociaux à l’expectative. Ces changements se feraient en outre contre l’avis des syndicats et ne feraient qu’enrayer une tendance à la baisse de la conflictualité.

Plus fondamentalement, il n’est pas possible, sans modifier radicalement la société française de changer la logique selon laquelle le droit de grève est un droit collectif exercé individuellement et non un droit individuel exercé collectivement. En d’autres termes, la France n’est pas l’Allemagne, étant entendu que l’on ne peut pas transformer par la loi le paysage syndical français et obliger les salariés à adhérer à un nombre réduit de syndicats, etc...En 2007, le Législateur avait déjà été aussi loin que possible en faisant du déclenchement du droit de grève un monopole syndical, même si son exercice demeure ensuite individuel.

B.— LE STATU QUO N’EST PAS POUR AUTANT SOUHAITABLE

Première proposition : création d’un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres. Il serait doté de tous les pouvoirs d’investigation nécessaires, serait appelé à faire un bilan de l’état du dialogue social en France. Tiers aux entreprises, il pourrait par exemple procéder à un examen impartial de la situation dans une entreprise comme la SNCF et faire toute recommandation qu’il jugera utile. Cet observatoire ne dépendrait pas de la bonne volonté des parties, à la différence de la médiation. Il ne serait en aucune manière obligé de répondre aux sollicitations, ce qui éviterait son instrumentalisation dans un conflit.

LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION MANDELKERN
SUR LA CRÉATION D’UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE

Cette autorité serait dotée d’un certain nombre de pouvoirs. Au vu des choix opérés par la loi du 21 août 2007, pourraient être cohérents avec celle-ci :

– médiation, injonction et décision pour garantir que le dialogue social préalable soit réel et sincère ;

– évaluation de l’efficacité des mesures prises pour améliorer la prévention des conflits et la prévisibilité du service.

Elle serait ainsi naturellement le lieu de recueil des expériences et des bonnes pratiques. Avec l’espoir que son succès la rende inutile, elle serait créée pour une durée de cinq ans, « le principe de son existence comme la révision de ses compétences devant être débattues à ce terme ».

En raison de ses pouvoirs, elle serait créée par la loi. L’autorité serait adossée au Conseil économique et social, tout en demeurant indépendante. Le collège composant l’organe décisionnel de l’autorité serait désigné par les trois grandes catégories de membres du Conseil économique et social (salariés, employeurs publics et privés, personnalités qualifiées). Ce collège élirait son président en son sein.

Cet « organisme » n’aurait, au moins dans un premier temps, qu’une durée temporaire. Son président pourrait être nommé par décret. Il serait entouré d’un collège composé de personnalités compétentes qu’il aurait choisies.

Une telle proposition peut susciter de compréhensibles interrogations de méfiance : ne s’agirait-il pas de permettre un choix discrétionnaire et, pour tout dire, arbitraire ?

Tel n’est pas l’objectif de vos rapporteurs, qui souhaitent que cette nomination fasse l’objet de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 révisé de la Constitution, à savoir une nomination soumise à un droit de veto des commissions permanentes compétentes des deux assemblées. L’approbation à l’unanimité par votre commission des affaires économiques de la nomination de M. Bruno Lasserre à la tête de l’Autorité de la concurrence, le 7 janvier dernier, prouve qu’il est possible de choisir des personnes incontestables et indépendantes, à qui serait laissé le soin ensuite de s’entourer des personnalités qualifiées de leur choix. La solution la plus simple serait de lui imposer un paritarisme employeurs/salariés, qui reproduirait à l’intérieur de cette enceinte les limites du dialogue constatées ailleurs. Cette nouvelle instance doit être indépendante de tous pour être efficace.



Deuxième proposition : Renforcer le dialogue social sur la sécurité.

Beaucoup de grèves illégales sont en fait des grèves émotionnelles liées à des questions de sécurité. L’extrait ci-après d’un tract de la CFDT illustre le tragique de certaines situations.

EXTRAIT D’UN TRACT DE LA CFDT REMIS À LA MISSION

Le blocage du réseau à la RTM (Transports urbains à Marseille), le 14 janvier dernier, suite à une agression grave sur un agent conducteur correspond à un coup de gueule des organisations syndicales et un ras le bol des salariés parce qu’ils ne sont pas entendus par leur direction. Pour mémoire, une agression avec arme à feu mis sur la tempe du conducteur avec lequel des individus peu scrupuleux ont joué à la « roulette russe » appuyant deux fois sur la détente. Comme ce n’était pas suffisant, ils l’ont frappé avec la crosse du revolver lui occasionnant des points de suture. Le tout pour s’emparer d’une caisse contenant à peine quelques centaines d’euros.

On se souvient pourtant il y a quelques années de réseaux de transports urbains fermés et de marches silencieuses organisées à la suite d’agressions ignobles (bus incendiés, usagers et agents blessés dont certains gravement), auxquelles se sont associés les élus politiques de droite comme de gauche, pour éviter la banalisation de tels actes.

Parmi les causes de ces arrêts de travail immédiats, la rumeur en est une non négligeable. Il est essentiel que l’information exacte soit diffusée en temps réel le plus vite possible à tous les agents concernés, afin d’éviter que la rumeur, amplifiée, ne tienne lieu d’information. Il faut ensuite assurer la prise en charge la plus efficace possible des agents victimes d’une agression. C’est le seul moyen de prévenir la réédition de ce qui s’est passé à la gare Saint-Lazare. Le communiqué ci-joint montre que des avancées ont lieu, mais il faut persévérer dans cette voie. Ainsi peut-il être opportun de s’inspirer des meilleures pratiques existantes. Préparer autant que possible les conducteurs à des situations tendues constitue aussi une piste intéressante.

Il est souhaitable d’accentuer le rôle du CHSCT et du CLS sur ces questions tout en développant les négociations et les accords collectifs au niveau de chaque entreprise sur ce sujet. Les AOT pourraient y inciter.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, lorsqu’il a rencontré vos rapporteurs, leur a fait part d’une suggestion de nature à renforcer les liens entre les personnels et les usagers. Il s’agirait de prévoir la possibilité pour les usagers de faire part de leur soutien et de leur émotion aux personnels victimes d’une agression sur un registre ou sur un site internet ouverts spécialement à cette occasion après chaque agression. L’entreprise pourrait ainsi susciter chez ses clients de l’empathie à l’égard des personnes agressées, qui recevront de cette manière le témoignage de leur solidarité.

Troisième proposition : Renforcer le dialogue avec les usagers.

Dès 2005, le Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) appelait ses adhérents « à mettre en place, sous son égide, des structures de concertation intégrant les voyageurs sur le modèle des comités de ligne... ». Il n’est pas certain que le modèle des comités de ligne en soit un. Il repose trop sur la bonne volonté des acteurs locaux. Vos Rapporteurs partagent en revanche le constat exprimé alors. À un moment où les usagers font par de leur vif mécontentement, pour ne pas parler parfois d’une violente rage, comme on a pu le voir à la gare Saint-Lazare, le dialogue est plus essentiel que jamais. Il serait bon que celui-ci s’engage entre le responsable, à créer, de chaque ligne et les associations d’usagers et qu’un bilan soit dressé chaque année de ses actions, propositions et constats de désaccord. Au niveau local au moins, il n’est pas indispensable de poser de conditions de représentativité si l’on veut que ce dialogue émerge. Une expérimentation de cette stratégie pourrait être menée pendant un an sur le réseau desservant la gare Saint-Lazare.

Quatrième proposition : Engager des négociations collectives dans toutes les entreprises relevant du champ de la loi en vue de faire en sorte que lorsque le service du matin a été assuré, celui du soir le soit. Dans la même logique de respect minimal des usagers, il n’est pas admissible que les usagers soient abandonnés au milieu du trajet. Les auditions menées par la mission ont tout à la fois montré qu’il s’agissait d’événements plutôt rares, mais aussi que de tels cas se sont malgré tout produits. Il ne devrait donc y avoir aucune peine à formaliser un accord prohibant des actes aussi inadmissibles que marginaux. Il pourrait être prévu que si cela arrivait, les victimes seraient alors indemnisées par l’entreprise et non plus seulement remboursées.

Cinquième proposition : Il serait souhaitable que, par la voie conventionnelle, soit interdit tout nouveau préavis, quel qu’en soit le motif ou l’origine, avant l’expiration des négociations engagées sur le premier.

Sixième proposition : Poursuivre activement la politique de décentralisation et de déconcentration du pouvoir à la SNCF, de manière à rapprocher le management du terrain.

Septième proposition : Développer, en accord avec les entreprises, leurs organisations (UTP, GART, …) et les organisations syndicales des indicateurs permettant de mesurer l’application de la loi sur le long terme.

Il pourrait, par exemple, s’agir ligne par ligne, réseau par réseau, de la comparaison entre le service assuré en temps normal et le service en cas de perturbation. De même, l’état du résultat des négociations collectives devrait faire l’objet d’un suivi très attentif.

Huitième proposition : ne pas modifier la loi dans l’immédiat, mais assurer un suivi de son application. Si la commission des affaires économiques en est d’accord, vos rapporteurs pourraient revenir devant elle avant la fin de l’année prochaine afin de faire un bilan de la mise en œuvre de leurs préconisations et de l’évolution de la situation sociale dans les transports terrestres de voyageurs.

EXAMEN EN COMMISSION

I.— PRÉSENTATION DU RAPPORT

Lors de sa réunion du mercredi 4 mars 2009, la commission a examiné le rapport sur l’application de la loi n°2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (M. Jacques Kossowski, rapporteur, et M. Maxime Bono, rapporteur-adjoint).

Avant de passer à l’examen du rapport sur l’application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs, le Président Patrick Ollier a tenu à souligner la diversité et la richesse des sujets traités par la commission des affaires économiques, estimant qu’il appartenait à chaque commissaire de se saisir des possibilités ouvertes par le vaste champ de compétence de la commission pour s’investir et obtenir des résultats concrets. La diplomatie économique est un domaine passionnant et les voyages réalisés par la commission dans ce cadre portent leurs fruits : ils ont ainsi permis l’obtention de 2 millions d’euros pour le Laos ou encore l’envoi de hauts fonctionnaires en Mongolie pour contribuer à la rédaction du code minier local.

Le développement des activités de contrôle de l’application de la loi, pour lequel la commission des affaires économiques a été pionnière en systématisant la mise en œuvre de rapports d’application six mois après la promulgation des textes et en confiant cette activité, par essence non partisane, à deux parlementaires, de la majorité et de l’opposition, constitue également un axe majeur d’intervention pour les députés de la commission. MM. Jacques Kossowski et Maxime Bono vont nous présenter les conclusions de leurs travaux sur le travail minimum garanti, sujet sur lequel la commission travaille depuis trois ans, mais qui s’est trouvé récemment mis en lumière par les événements de la gare Saint-Lazare.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Parfois improprement appelée loi sur le service minimum, la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs a été plutôt bien appliquée. Elle a été respectée par les salariés, ce qui, rappelez-vous, n’allait pas toujours de soi en 2007. Elle a contribué à accroître le dialogue social et à consolider les acquis de la négociation collective à la RATP et à la SNCF. Ce sont les expériences menées dans ces deux entreprises qui ont inspiré la commission Mandelkern, puis le législateur. Cette loi a également atteint un autre de ses objectifs qui était d’améliorer la prévisibilité du trafic en cas de grève, en rendant obligatoire une déclaration d’intention de faire grève 48 heures avant. Elle a aussi amélioré le service assuré aux usagers en cas de grève. Vous trouverez dans le rapport un certain nombre de statistiques à l’appui de ce constat. Le bilan de l’application de cette loi que nous avons réalisé montre bien qu’elle a su concilier deux principes d’essence contradictoire, d’une part le droit de grève et, d’autre part, la continuité du service public, ces deux principes étant de valeur constitutionnelle.

La loi n’a pas pour autant atteint les objectifs qu’elle ne s’assignait pas. Elle n’a tout d’abord pas créé, je le répète, de service minimum, lequel suppose l’usage du droit de réquisition, qui est une voie ni praticable ni justifiable. La loi n’avait pas non plus pour objet de réglementer les grèves illégales. Le droit positif permet, d’ores et déjà, en tant que de besoin, de sanctionner un usage abusif du droit de retrait, souvent abusivement invoqué, pour justifier des grèves émotionnelles à la suite, en particulier, d’agressions de conducteurs. En réalité, je le développerai tout à l’heure en présentant nos propositions, le principal remède à apporter à ces situations de crise consiste à traiter les problèmes de sécurité de la manière la plus efficace possible. La loi de 2007 n’avait pas non plus vocation à régler les questions liées à l’insuffisance d’investissements. Sans que ce soit le seul cas en France, il est clair que c’est une des causes des problèmes rencontrés sur le RER en Île-de-France.

Nous avons constaté des détournements de la loi contraires à son esprit sinon à sa lettre. La question la plus médiatique est celle des grèves de courte durée, souvent appelées dans la presse « grèves de 59 minutes ». Elles ont pour effet de désorganiser assez profondément le transport pour un coût très limité pour le gréviste. La seule solution juridiquement envisageable serait de rétablir une règle de non proportionnalité entre la durée de la grève et la sanction. Cette pénalité pourrait être égale à la demi-journée ou à la journée entière. C’est la règle du trentième indivisible appliquée dans la fonction publique d’État. Juridiquement, la jurisprudence du Conseil constitutionnelle permettrait probablement d’appliquer cette règle à des catégories précises de personnel, ainsi les conducteurs. Nous ne pensons pas que cela soit une bonne solution. En premier lieu, cela rendrait systématique les grèves de 24 heures. Or, en dehors des conducteurs, les grèves de courte durée, par exemple aux guichets, ne sont pas très pénalisantes pour l’usager.

Mais comme pour les autres détournements de la loi, notre position est une position de principe. Légiférer dans l’urgence et la précipitation parce que des événements inacceptables ont eu lieu gare Saint-Lazare ou à Nice constituerait une triple erreur. Une erreur de méthode tout d’abord. La loi n’a qu’un peu plus de dix-huit mois d’existence. Elle est aujourd’hui globalement acceptée. Il faut lui laisser le temps de vivre. Les solutions durables sur le long terme supposent qu’elle soit acceptée socialement.

Cela constituerait ensuite une erreur de diagnostic. Légiférer immédiatement est une bonne solution si l’on pense que l’on réduira ainsi les conflits. En l’espèce, outre que toute modification de cette loi conduirait probablement au résultat inverse, cela serait surtout méconnaître les causes du problème. Une des causes majeures des problèmes rencontrés tient à la complexité du dialogue social dans ce secteur et à la difficulté éprouvée par ses acteurs pour faire face au changement. Nous avons constaté un sentiment de perte de repères des salariés dans un contexte en pleine mutation. La peur de l’avenir, et de l’ouverture à la concurrence en particulier, est très forte. Il est tout aussi certain que, du fait de son caractère national, la SNCF constitue une très grosse structure, avec un pouvoir assez concentré, qui ne facilite pas toujours le dialogue au niveau adéquat. Il est aussi avéré que beaucoup d’entreprises éprouvent des difficultés à faire face aux attitudes et aux attentes de leurs jeunes salariés.

Ce serait enfin une erreur politique de légiférer dans la précipitation. Les changements de règles trop fréquents ne pourraient qu’inciter les partenaires sociaux à rester dans l’expectative.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. La loi dont nous examinons l’application n’a pas été votée par le groupe socialiste et les critiques que celui-ci avait émises à l’époque de l’examen du texte restent toujours valables. Le constat fait ici n’y change rien. Il convient néanmoins de souligner que la loi a été acceptée par les partenaires sociaux et par les salariés, comme en témoignent les chiffres de la RATP pour l’année 2008 : sur 3051 grévistes, seuls 63 n’ont pas déféré à l’obligation qui leur était faite par la loi de déclarer leur intention de faire grève. Le texte a également au un impact positif sur le dialogue social et la diminution de la conflictualité. Dans les transports, le nombre de journées perdues en raison de conflits sociaux est le plus bas depuis quatre ans. Enfin, il a également eu un effet bénéfique sur la prévisibilité des mouvements de grève et l’information des usagers des services de transport, et a permis de conforter les accords qui avaient été signés à la RATP dont il s’était d’ailleurs inspiré.

Toutefois, il ne faut pas se tromper de cible : les principales causes des désagréments subis par les voyageurs ne sont pas liées à la grève. Le sous-investissement dans l’entretien du réseau est le premier responsable. Aujourd’hui encore, une rupture de caténaire a entraîné d’importantes difficultés sur le réseau SNCF. Ce type de difficultés est en revanche inconnu au Japon, qui investit 2,5 fois plus que la France en la matière. Rappelons également que les causes de retard à la RATP sont dans l’ordre : les suicides, les signaux d’alarme tirés intempestivement, les malaises de voyageurs et les colis suspects. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le rôle des conflits sociaux qui surviennent hors du cadre légal de la grève, comme l’utilisation abusive du droit de retrait, qui doit être conditionné à un danger grave et imminent, et les grèves dites « émotionnelles » qui peuvent paraître légitimes dans leur contexte mais ne correspondant pas à la définition légale de la grève. Il appartient alors aux entreprises concernées de prendre leurs responsabilités. Concernant le rôle de l’Etat, j’estime que dans le cadre de la relance économique, les investissements dans les transports urbains et péri-urbains devraient être encouragés. En effet, même si ceux-ci n’ont pas d’impact immédiat, ils permettraient néanmoins de donner des perspectives à des bureaux d’études et de contribuer à ancrer sur le territoire national l’activité d’entreprises fournissant le matériel nécessaire à l’élaboration d’infrastructures de transports.

En conclusion, le principal intérêt de la loi réside dans le dialogue social qu’elle a permis de renouer. Il ne faut donc pas la modifier dans l’immédiat mais lui laisser le temps d’entrer pleinement en application.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Notre première proposition consiste à créer un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres. Il serait chargé de constater l’état du dialogue social dans les transports terrestres tout en procédant à un examen impartial de la situation dans telle ou telle entreprise qui connaîtrait une situation difficile. Nous nous inspirons de manière assez libre des travaux de la commission Mandelkern. Dans un premier temps, cet organisme n’aurait qu’une durée temporaire. Son président pourrait être nommé par décret et il serait entouré d’un collège composé de personnalités compétentes qu’il aurait choisies lui-même. Afin d’éviter que cet organisme ne soit instrumentalisé par tel ou tel parti, il ne serait en aucune manière obligé de répondre aux sollicitations. J’en profite pour dire un mot de la médiation qui ne nous paraît pas devoir être plus développée qu’elle ne l’est actuellement. Nos interlocuteurs ont bien souligné qu’utilisée de manière autre que ponctuelle, cette solution avait le grave inconvénient de déresponsabiliser les partenaires sociaux. Certains ont ajouté qu’il était aisé d’instrumentaliser un médiateur.

Notre deuxième proposition consiste à renforcer le dialogue social sur la sécurité. Beaucoup de grèves illégales sont en fait des grèves émotionnelles liées à des questions de sécurité. Or, la rumeur tient parfois lieu d’information et favorise les pires dérives. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit lors des événements du mois de janvier à la gare Saint-Lazare. Il est donc essentiel que l’information exacte soit diffusée le plus vite possible à tous les agents concernés afin que la rumeur ne soit amplifiée et ne tienne lieu d’information. Il faut ensuite assurer la prise en charge la plus efficace possible des agents victimes d’une agression. Il faut aussi préparer les conducteurs aux situations tendues auxquelles ils sont parfois confrontés. Il est enfin souhaitable d’accentuer le rôle du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et du CLS (comité local de sécurité) sur ces questions tout en développant les négociations et les accords collectifs au niveau de chaque entreprise sur le sujet. Lors de l’entretien que nous avons eu avec M. Dominique Bussereau, celui-ci nous a fait part d’une piste à laquelle il réfléchissait et qui nous a paru intéressante. Il s’agirait de prévoir la possibilité pour les usagers de faire part de leur soutien au personnel victime d’une agression, par exemple sur un site internet ouvert à cette fin ; l’entreprise pourrait ainsi susciter chez ses clients de l’empathie à l’égard des personnes agressées qui recevront de cette manière le témoignage de leur solidarité.

La troisième proposition consiste à renforcer le dialogue avec les usagers.

Nous proposons en quatrième lieu d’engager des négociations collectives dans toutes les entreprises relevant du champ de la loi afin de faire en sorte, même si cela est difficile, que lorsque le service du matin a été assuré, celui du soir le soit aussi.

Notre cinquième proposition consiste à souhaiter que par la voie conventionnelle soit interdit tout nouveau préavis, quel qu’en soit le motif ou l’origine avant l’expiration des négociations.

La sixième proposition est de poursuivre activement la politique de décentralisation et de déconcentration engagée à la SNCF. Les directeurs de ligne ou de réseau devraient ainsi être dotés de plus de pouvoirs en matière de négociation.

En septième lieu, il est impératif de définir des indicateurs permettant de suivre sur le long terme l’application de la loi. Il pourrait par exemple s’agir, ligne par ligne, réseau par réseau, de la comparaison entre le service assuré en temps normal et le service en cas de perturbation.

Enfin, c’est notre dernière proposition, nous souhaiterions revenir devant vous d’ici la fin de l’année prochaine afin de dresser un bilan de l’application de nos préconisations et de l’évolution du dialogue social et de la conflictualité en France. En effet, Maxime Bono et moi-même avons formulé un certain nombre de propositions dans ce rapport et sommes tombés d’accord sur la nécessité de ne pas toucher à la loi et ne pas avoir recours à la réquisition. Que le ministre nous suive ou pas, il nous paraît important de pouvoir continuer la réflexion ainsi engagée.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. Les auditions que nous avons conduites ont été très fertiles, précisément parce que nous avions annoncé nos intentions dès le début. Le dialogue aurait été tronqué si nous avions affiché l’objectif de modifier la loi.

M. le président Patrick Ollier. J’accepte bien volontiers votre huitième proposition. Votre binôme doit continuer à travailler, sa mission doit se poursuivre, et le lien avec les partenaires sociaux et les responsables des entreprises doit être maintenu. L’administrateur de la SNCF que je suis souscrit à votre constat de la nécessité d’une plus grande proximité et d’une régionalisation ; or ces évolutions se heurtent à d’énormes réticences, liées à une culture syndicale ancienne. Vous devez jouer le rôle de « médiateurs permanents » jusqu’à votre prochain rapport, car toutes les questions ne sont pas réglées. M. Yannick Paternotte est responsable du groupe de travail sur le fret ferroviaire, je vous encourage à vous rapprocher et à travailler de concert. Notre rôle est de pousser à ce que des solutions soient trouvées, et, s’agissant d’une entreprise publique, nous nous devons d’exercer nos responsabilités.

M. Michel Havard. Je me félicite de cette initiative du Président Ollier, qui nous permet de jouer pleinement notre rôle non seulement dans le vote de la loi, mais aussi dans son évaluation et son contrôle, en particulier s’agissant d’un sujet aussi sensible que le service garanti.

Le rapport qui nous est présenté met en évidence trois éléments positifs : le premier concerne l’acceptation de la loi par les salariés des entreprises de transport ; le second a trait au dialogue social, incontestablement favorisé par ses dispositions. Il s’agit là d’un facteur essentiel et d’un signe très encourageant. Troisième élément : l’amélioration de la prévisibilité du trafic pour les usagers. Le sentiment d’être « pris en otage » est ressenti moins fortement qu’auparavant ; la bonne application de la loi contribue à faire baisser les tensions sociales, sans mettre en cause le droit de grève.

S’agissant des propositions du rapport, je suis assez réservé sur la création d’un observatoire, et la mission que le Président Ollier propose d’assigner aux deux rapporteurs me parait de nature à assurer le nécessaire suivi de la conflictualité et du dialogue social.

Par ailleurs, le renforcement du dialogue social sur la sécurité constitue en effet une étape essentielle. Comment ces discussions peuvent-elles s’engager ?

Enfin, il me parait essentiel de donner du temps au temps. Laissons vivre ce texte, qui a déjà produit de nombreux effets positifs.

M. le président Patrick Ollier. Si les rapporteurs ne parviennent pas à obtenir du Gouvernement la création d’un tel observatoire dans un délai raisonnable, je pourrai transformer leur mission en comité de suivi, qui pourrait se réunir deux à trois fois par an, avec les partenaires sociaux, par exemple.

M. Daniel Paul. Nous avons longuement débattu de cette loi, certains s’y sont opposés, mais maintenant qu’elle est votée, il ne me parait pas outrancier de juger la manière dont elle s’applique.

Les rapporteurs l’ont fait en parvenant à conjuguer leurs différences pour aboutir à une vision cohérente.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le cœur du problème n’est pas lié aux grèves. Ainsi sur la ligne Le Havre/Paris, de nombreux retards sont encore recensés, mais sont moins liés aux conflits sociaux qu’aux aléas de trafic ou d’infrastructure. Ce sont ces incidents qu’il faut réduire.

En outre, je me trouvais dans le train lorsqu’est survenu le problème en gare Saint Lazare ; l’annonce de l’arrêt du train à Mantes n’a pas soulevé de protestation parmi les voyageurs, et permettre aux usagers de manifester leur solidarité me semble une très bonne idée. En revanche, la « balade » du train en petite couronne parisienne a exaspéré les voyageurs.

J’observe que les moyens nécessaires ne sont pas mis en œuvre. Les craintes des personnels sur l’ouverture du trafic à la concurrence, les évolutions métier et les incertitudes diverses sont légitimes, et ne trouvent pas de réponse.

Or, sans réponse, les agents auront le sentiment d’être agressés.

La sagesse commande de ne pas aller plus avant dans le renforcement de la loi, sous le coup de l’émotion, ce qui serait vécu par les agents comme une provocation.

S’agissant des suicides, peut être devrions nous nous inspirer d’exemples étrangers, car dans d’autres pays le trafic n’est pas arrêté comme il l’est en France.

Enfin, une question demeure : qu’une pause législative sur ce sujet soit préconisée, je m’en félicite. Il n’en reste pas moins que l’objectif qui sous-tendait cette loi, c’est-à-dire réglementer encore plus le droit de grève, demeure. Nous restons donc vigilants.

Une dernière observation : s’il y a moins de grévistes, les non grévistes concourront ainsi plus efficacement au transport des grévistes, assurant ainsi le succès des manifestations !

M. Philippe Meunier. Je souscris au constat qu’il convient de ne pas légiférer de nouveau sur la question du service garanti. Mais il faut tout de même appliquer la loi, en particulier pour ce qui concerne le « droit de retrait ». Celui-ci n’est légal qu’en cas de « motif raisonnable ». Créer un observatoire social, stimuler le dialogue sur la sécurité sont des objectifs légitimes, mais nous devons également veiller à la l’application de la loi et apprécier la légitimité des motifs des grèves.

En outre, la voie conventionnelle préconisée par les rapporteurs me semble la meilleure voie possible, même si la voie législative peut s’y substituer en cas d’échec.

M. Daniel Boisserie. Je tiens à féliciter à mon tour le président Ollier d’avoir pris cette initiative qui place notre commission à l’avant-garde du débat sur ces questions. Permettez-moi aussi de dire qu’après déjà deux mandats, je suis lassé d’entendre toujours parler de « majorité » et d’« opposition ». Il y a certes une majorité présidentielle et une opposition – laquelle ne s’oppose du reste pas systématiquement – mais lorsqu’il s’agit de faire avancer des dossiers essentiels, il est toujours bon que les différentes sensibilités travaillent ensemble. Merci par conséquent au président Ollier de nous permettre de travailler dans un climat apaisé et constructif…

M. le président Patrick Ollier. Puisse notre commission continuer d’être un îlot de sérénité dans l’Assemblée nationale !

M. Daniel Paul. N’exagérons rien !

M. Daniel Boisserie. Comme cela a été dit, nombre d’incidents sont liés au mauvais entretien du réseau et des matériels roulants, lui-même imputable à des années de sous investissement. Alors que le plan de relance va entrer en application, est-il prévu d’y remédier ? Il semble que RFF a relâché son effort et la situation n’est pas meilleure dans le transport aérien où certaines compagnies exploitent une flotte dont l’état est parfois inquiétant.

S’agissant de l’observatoire des relations sociales dans les transports terrestres, j’ai bondi en entendant que le président choisirait librement tout son entourage. Il ne faut pas retenir une approche aussi verticale ! Prenons garde aussi à ce que ce président n’en profite pas pour placer ses copains car pour que l’instance soit efficace, il faut que sa composition soit équilibrée.

Enfin, j’appelle l’attention sur le manque d’information sur les vols annulés dans les aéroports, même si cela ne relève pas directement du présent rapport.

Mme Françoise Branget. Il est vrai que les tensions sociales parmi les personnels reflètent aussi une inquiétude sur le devenir d’un service public en profonde mutation. A cet égard, comment les rapporteurs appréhendent-ils l’ouverture à la concurrence, tant pour le fret que pour le transport de voyageurs ? Comment faire en sorte que cette évolution inéluctable soit anticipée dans la sérénité ? Vous avez insisté à juste raison sur la dimension émotionnelle des problèmes et je serais heureuse de vous entendre à ce sujet.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Maxime Bono ne me démentira pas lorsque je dis que nous souhaitons que l’observatoire des relations sociales soit totalement indépendant. D’accord, Monsieur le président Ollier, pour le rencontrer très régulièrement mais il faut que nous restions à l’extérieur, ne serait-ce que pour ne pas lui donner un caractère trop politique.

S’agissant du choix du président, nous pourrions retenir la procédure qui a été suivie récemment pour désigner le président de l’Autorité de la concurrence. La commission pourrait émettre un vote, par lequel elle choisirait une personnalité reconnue et incontestable. Après, le président est libre de s’entourer comme il le veut.

J’estime que le député n’est plus dans son rôle s’il tend à s’immiscer dans les affaires internes des entreprises. Comme me l’a dit le président Ollier en me délivrant ma lettre de mission, nous avons vocation à nous comporter en juge d’instruction pour mettre au jour certaines réalités, pas à participer à la gestion quotidienne des entreprises. La qualité de notre intervention tient aussi à sa rareté. C’est pourquoi je préfère la formule d’un observatoire extérieur, dont le président serait nommé par décret après avis des parlementaires.

M. le président Patrick Ollier. Comprenez bien le sens de mes propos précédents : je n’ai jamais dit qu’il était préférable que notre commission se substitue à l’observatoire que vous proposez de créer. Je dis simplement que si le Gouvernement refuse de la mettre en place, nous avons les moyens de créer cette instance à partir de nos propres forces. Il ne faut pas que le Gouvernement imagine que nous allons renoncer à cette bonne idée si lui-même n’y donne pas suite.

S’agissant de la composition et du périmètre d’action de l’observatoire, je vous engage à être beaucoup plus précis. Il ne faut pas en rester au stade du principe de la création mais en détailler les prérogatives et la composition, de manière notamment à veiller qu’elle soit équilibrée, comme l’a demandé M. Boisserie.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. A l’instar de M. Kossowski, je considère qu’il est indispensable de créer cet observatoire car les législateurs que nous sommes sont trop parties prenantes dans ces questions pour l’animer en gardant le recul nécessaire.

Ce que nous avons voulu éviter en n’allant pas plus avant dans la description de ses prérogatives et de sa composition, c’est de susciter un système de cogestion classique entre les employeurs d’un côté et les syndicats de l’autre. Ce faisant, l’on tendrait à recréer des postures qui paralysent l’action. Notre idée, c’est de désigner un président incontestable et de lui laisser une certaine marge de manœuvre pour animer l’organe, dont l’indépendance doit être totale.

M. le président Patrick Ollier. Dans la mesure où notre commission est appelée à approuver vos conclusions, je vous demande de modifier ce point en vue de bien orienter l’action du Gouvernement. Il faut fixer le périmètre d’action de l’observatoire, exprimer notre attachement à son indépendance et à l’équilibre de sa composition et demander, comme vient de le faire Jacques Kossowski, que notre commission désigne son président par un vote à bulletin secret.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Nous en prenons bonne note. Pour être tout à fait transparents, nous ne savions pas trop qui mettre autour du président pour ne pas retomber dans les écueils qu’a évoqués Maxime Bono. Mais nous allons prendre le temps d’y retravailler, pour garantir en particulier l’indépendance de la structure.

S’agissant, Monsieur Daniel Paul, des infrastructures et des investissements attendus pour « votre » ligne (sourires), je vous renvoie aux propos qu’avait tenus en son temps Mme Idrac : le renouvellement des motrices coûte 2 milliards pas an ; l’âge moyen du parc doit être ramené de 35 à 5 ans avant 2010, de manière à limiter les incidents techniques. M. Pépy a confirmé que des commandes avaient été passées, notamment pour le fret, et que le programme de renouvellement se poursuivait.

Il faut persévérer dans l’effort d’entretien des réseaux. Pour ce qui concerne l’information dispensée aux voyageurs, nous avons constaté au cours de nos auditions que la situation à la RATP était relativement satisfaisante et que des efforts restaient à accomplir à la SNCF. Chacun est bien conscient du fait que l’information la plus complète possible de l’usager est une priorité.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. Le vote de la loi de 2007 a donné lieu à certaines formes de détournement du droit de retrait, avec les grèves de 59 minutes et l’alternance de grèves de 24 heures qui désorganisent le service au point de rendre impossible l’établissement de plannings à long terme. Seuls des accords internes aux entreprises permettront de surmonter cette difficulté et il en va de même de la diminution des préavis tournants.

S’agissant plus précisément des mouvements émotionnels, la loi n’autorise pas d’invoquer le droit de retrait, sauf en cas de péril grave et imminent. Tous nos interlocuteurs ont cependant insisté sur les difficultés qui s’attachent à la gestion de tels événements. Il appartient aux entreprises de prendre les décisions qu’elles estiment devoir prendre ; ainsi certaines décomptent les absences fondées sur une invocation abusive du droit de retrait comme illégales.

En droit positif, tous les leviers d’action existent d’ailleurs, mais pour qu’un management conserve sa crédibilité, il doit aussi savoir mesurer la dimension humaine des situations.

M. Philippe Meunier. La situation actuelle n’est pas normale !

M. Daniel Paul. Mais le « remède » serait pire que le mal !

M. Jacques Kossowski, rapporteur. M. Havard a parlé de service minimum garanti mais je rappelle que la loi dont nous sommes chargés de vérifier la bonne application porte sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs. La nuance est d’importance car tendre à garantir un service minimum commanderait de procéder à des réquisitions, ce que nous écartons de nos propositions. Je ne sache pas que les réquisitions de 1963 aient laissé un bon souvenir !

S’agissant de la mise en œuvre du plan de relance, je laisse au président Ollier le soin de préciser les montants.

M. le président Patrick Ollier. Patrick Devedjian a bien confirmé que 4 milliards seront dévolus aux investissements des grandes entreprises publiques, dont 800 millions sous la responsabilité de la SNCF, au titre notamment des réseaux. Quant aux motrices, 60 machines ont d’ores et déjà été commandées et je ne doute pas que la ligne de M. Paul – qui est aussi « celle » de Jacques Kossowski et de moi-même – en profitera aussi. C’est un effort gigantesque !

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Madame Branget, vous avez eu raison de soulever la question sensible de l’ouverture à la concurrence du fret et du transport de voyageurs. S’agissant du fret, on se souvient que le président Pépy a choisi de donner plus de temps à l’explication des évolutions programmées. On a aussi des exemples de cahiers des charges d’appels d’offres par lesquels les régions organisatrices de transports ont imposé des clauses sociales, pour exprimer clairement leur volonté de continuité du service et d’organisation d’un service minimum.

Mme Françoise Branget. Excusez-moi, mais entre service garanti et dialogue social, ce n’est pas qu’une question de terminologie : ce qui compte, c’est le service effectivement rendu à la population. L’information, c’est bien mais cela n’est pas suffisant. Ce à quoi nous devons veiller, c’est que la liberté de circuler de l’usager ne soit pas entravée.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. On l’a vu, les désagréments dont pâtissent les usagers sont liés à bien d’autres phénomènes que les seuls mouvements de grève.

Un mot sur la gestion des mouvements dits « émotionnels » pour dire que les situations sont très variables d’une région à l’autre. Nous avons eu connaissance de cas où le protocole d’accompagnement des agressions de personnels n’avait pas été remis à jour depuis 1998 ! Dans d’autres régions, il y a un effort d’adaptation permanent et les choses se passent mieux.

L’information de l’usager, c’est, Madame Branget, tout à fait essentiel ! Il faut s’en persuader. Au reste, il est fréquent que 50% du service soit assuré et le taux monte parfois à 70%. Mes chers collègues, je souhaite vous rendre attentifs au fait qu’il ne faut pas grossir le problème, même s’il est insupportable lorsqu’il survient. Des progrès sont toujours possibles et je rappelle notamment qu’en Rhône-Alpes, le principe d’assurer le service du soir lorsque celui de matin l’a été est déjà acquis.

M. le président Patrick Ollier. A ce stade du débat, je rappelle que nous avons travaillé sur ce sujet pendant trois ans et que nous sommes arrivés collectivement à la conclusion qu’un bon accord est préférable à une loi qui ne serait pas appliquée. Dans les entreprises dont nous parlons, une loi de contrainte serait la pire des solutions. Voyez l’exemple de l’Italie qui a cru bon de s’engager dans cette voie : envoie-t-on pour autant les carabiniers pour faire redémarrer les trains ? Il faut tenir compte de la culture des entreprises dont il s’agit avant de proposer des solutions toute faites.

Nos rapporteurs ont bien travaillé et j’approuve sans réserves leurs conclusions. J’ai entendu des voix parler de réquisition : ceux-là ne connaissent pas le dossier !

C’est par un travail patient et attentif aux réalités des entreprises que nous avons fait accepter l’accord sur l’alarme sociale – tout à fait inédit –, signé par la majorité des organisations syndicales. Si les mentalités ont évolué au point que l’on peut souvent assurer 50% du trafic sur l’ensemble des lignes, c’est parce que l’on a su tisser un lien à partir d’équilibres qui restent fragiles. Soyons très attentifs à ne pas couper ce lien.

En tant qu’administrateur de la SNCF, je mesure l’attachement des personnels au service public et à leur entreprise. C’est pourquoi il faut éviter toute approche manichéenne et s’attacher par contre à ne pas troubler une alchimie subtile patiemment élaborée. Tant que des usagers seront – selon la formule convenue – retenus en otages par des mouvements sociaux, nous nous remettrons au travail pour renouer les fils du dialogue et apaiser les tensions. Même si nous n’ignorons pas les évolutions du monde, c’est aussi à cette culture de service public issue de la Libération et de l’héritage gaullien que nous restons puissamment attachés.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. En effet, l’esprit de service public est toujours très présent dans les entreprises de ce secteur et les organisations syndicales s’attachent à le rendre vivant. Il nous est revenu de certaines auditions que les recrutements récents, parfois massifs, faisaient cependant émerger de nouvelles mentalités, dans lesquelles le sens du collectif est moins développé qu’auparavant. Cela n’est pas sans affecter les relations sociales au sein des entreprises.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Je tiens à préciser à Daniel Paul qu’il ne s’agit pas, dans notre esprit, de proposer une pause. Et il ne s’agit pas non plus, Madame Branget, de simples questions de vocabulaire. Nous ne devons pas laisser croire aux voyageurs qu’ils disposeront demain, grâce à cette loi, d’un service minimum garanti. L’objectif est bien d’enrichir le dialogue social pour agir en amont des conflits. Si le problème pouvait se régler facilement, cela serait déjà fait ! Lorsque nous l’avons auditionné, M. Jean-Paul Bailly – qui a plutôt bien réussi dans ses différents postes – nous a dit combien les personnels de ces entreprises étaient réceptifs à un discours fédérateur sur le service public, lequel fait partie intégrante de leur culture professionnelle. Ensuite, il revient aux dirigeants d’entreprise de faire passer le dialogue social. N’oublions pas qu’à Saint-Lazare, le conflit couvait depuis un mois avant qu’il n’éclate de manière aussi retentissante.

M. Philippe Meunier. Je considère pour ma part que le droit de retrait du salarié en cas de péril grave et imminent est une composante trop essentielle de notre droit du travail pour que l’on tolère que certains le dénaturent en toute impunité. Il convient de le faire respecter intégralement, au risque de le voir s’affaiblir.

M. le président Patrick Ollier. C’est ce que je dis aux partenaires sociaux, qui en sont d’accord à l’exception d’une seule organisation. Laisser certains instrumentaliser le droit de retrait risque de donner un jour au législateur la mauvaise idée de le supprimer ! Il est donc important de ne pas le galvauder.

Il me reste à remercier les rapporteurs pour leur travail sérieux et consensuel et à demander à la commission si elle autorise la publication de leur rapport d’information.

A l’unanimité des présents, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire autorise la publication du rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2007-1224 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs.



II.— AUDITION DE M. DOMINIQUE BUSSEREAU, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DES TRANSPORTS

Lors de sa réunion du mercredi 4 mars 2009, la commission a entendu M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des Transports, sur l’application de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes heureux de recevoir M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, pour évoquer avec lui le bilan de l'application de la loi du 21 août 2007, dont M. Jacques Kossowski fut le rapporteur, et qui visait à concilier deux exigences constitutionnelles, le droit de grève et la continuité du service public. Après les incidents survenus à la gare Saint-Lazare, j’ai souhaité que la Commission des affaires économiques établisse un rapport de contrôle de l’application de la loi. Elle est d’ailleurs la première commission de l’Assemblée à avoir pris ce type d’initiative, il y a deux ans déjà, prouvant ainsi qu’il était possible, sans modification constitutionnelle préalable, de contrôler l’exécution d’une loi.

Dans un souci de transparence, deux co-rapporteurs ont été nommés : M. Jacques Kossowski, en toute logique, et un représentant de l’opposition désigné par le groupe socialiste, M. Maxime Bono. Ce matin, à l’unanimité, la Commission a adopté leurs conclusions et autorisé la publication de leur rapport. Après leur avoir donné la parole pour présenter leurs propositions, je vous inviterai, Monsieur le ministre, à nous faire part de vos réactions.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. Je me limiterai à indiquer ce qu’ont été nos choix liminaires : M. Maxime Bono et moi-même avons décidé d’un commun accord que nous ne recommanderions ni une modification de la loi du 21 août 2007 ni le recours à la réquisition. Pour le reste, vous avez pris connaissance de nos propositions, monsieur le ministre, et nous attendons de savoir si elles vous agréent.

M. Maxime Bono, rapporteur adjoint. Je n’ai pas voté la loi du 21 août 2007. Cela étant, il s’agissait cette fois de déterminer comment elle est exécutée, et les auditions auxquelles nous avons procédé montre qu’elle est acceptée et correctement appliquée. Il nous est donc apparu que mieux valait, pour l’instant, s’abstenir de la modifier, tout en permettant son approfondissement. Nous avons formulé huit propositions à cet effet.

La première est la création d’un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres, doté de tous les pouvoirs d'investigation nécessaires et appelé à faire un bilan de l'état du dialogue social. Il pourrait procéder à un examen impartial de la situation dans une entreprise ; n’étant aucunement obligé de répondre aux sollicitations, il ne pourrait pas être instrumentalisé dans un conflit. On ne donnerait à cet organisme, au moins dans un premier temps, qu'une durée temporaire.

Notre deuxième proposition est de renforcer le dialogue social sur la sécurité. C'est le meilleur moyen d'éviter les grèves émotionnelles – parfois improprement appelées « droit de retrait ». Il faut assurer la prise en charge la plus efficace possible des agents victimes d'une agression et préparer autant que possible les conducteurs à des situations difficiles.

La troisième proposition est de renforcer le dialogue entre les entreprises de transports et les usagers.

La quatrième est d’engager des négociations collectives dans toutes les entreprises qui relèvent du champ de la loi, afin que, lorsque le service du matin a été assuré, celui du soir le soit aussi – ainsi les voyageurs partis travailler seront-ils assurés de pouvoir rentrer chez eux.

Notre cinquième proposition consiste à inviter les partenaires sociaux à interdire par voie conventionnelle tout nouveau préavis de grève avant l'expiration des négociations engagées sur le premier.

La sixième proposition est de poursuivre activement la politique de décentralisation et de déconcentration du pouvoir à la SNCF. La RATP a mis au point une procédure de traitement des conflits qui s’avère efficace et dont la SNCF pourrait s’inspirer pour éviter que des conflits locaux ne prennent parfois une dimension démesurée.

Notre septième proposition est de mettre au point des indicateurs permettant de mesurer l'application de la loi sur le long terme.

Enfin, la dernière proposition faite à la Commission est de nous autoriser à poursuivre notre travail de suivi, notamment quant aux suites données aux sept propositions qui précèdent.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. Sous la XIème législature déjà, une proposition de loi sur ce thème, déposée par les groupes RPR, UDF et Démocratie libérale, alors dans l’opposition, et signée par M. Nicolas Sarkozy, Mme Anne-Marie Idrac et moi-même, avait été discutée dans le cadre d’une « niche » parlementaire. M. Jean Le Garrec, qui présidait la Commission des affaires sociales, tout en s’exprimant contre le texte, avait reconnu qu’il faudrait bien, un jour, trouver une solution. Un commencement de réflexion s’amorçait donc.

Avant de répondre aux questions de vos rapporteurs, que je remercie d’être venus dialoguer avec moi à l’occasion de leur travail, je ferai un rapide bilan de l’application de la loi du 21 août 2007, dont l’ambition est de prévenir les conflits et d’organiser le service de transports terrestres en cas de grève, afin de concilier le principe de continuité des services publics et le droit de grève. Sa mise en oeuvre s'est traduite, pour les entreprises de transports publics urbains, par la signature le 27 septembre 2007 d'un accord de branche, et, à la RATP et à la SNCF, par la mise en conformité des accords préexistants sur la prévention des conflits.

Au terme d’une année d'application, on constate que la loi a atteint ses objectifs. La procédure de concertation préalable à tout préavis de grève a prouvé son efficacité. A Paris, à la RATP, trente préavis de grève ont été déposés au premier semestre 2008, soit quatre fois moins qu’au cours des cinq dernières années pendant la même période. En ce qui concerne les transports relevant de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), 80 % des entreprises appliquent cette procédure, laquelle a permis d'éviter un dépôt de préavis de grève dans 40% des cas. A la RATP, le nombre de préavis de grève est passé de 367 en 2007 à 59 en 2008 ; si l’on prend comme référence le nombre annuel moyen de préavis déposés entre 2003 et 2007, il a été divisé par trois.

La SNCF a rendu les « demandes de concertation immédiate » (DCI) obligatoires, ce qui a permis de désamorcer beaucoup de conflits et de faire baisser le nombre de préavis de grève de 30% par rapport au premier semestre 2007. Entre 2007 et 2008, le nombre de journées de grève a diminué de moitié. Cela étant, le dispositif ne permet pas d'éviter les conflits liés à des revendications nationales, tel celui qui a porté sur la réforme des retraites, la grève du 29 janvier dernier ou celle qui est annoncée pour le 19 mars.

Mais les grandes grèves nationales des cheminots ont montré l'efficacité du deuxième volet de la loi, qui a fixé les modalités d'organisation de la continuité des services en cas de conflit social. La déclaration individuelle d'intention, quarante-huit heures avant la grève, pour les conducteurs, les contrôleurs et les aiguilleurs, a permis d'établir les niveaux de service et les plans de transport, et de les faire connaître à l'avance à la clientèle. Lors des grèves du 22 mai 2008 et du 29 janvier 2009, la SNCF a assuré exactement le service annoncé.

A la SNCF toujours, au premier semestre 2008, un préavis de grève sur deux n'a pas entraîné de perturbations pour la clientèle. Sur les 248 préavis recensés, la moitié a abouti à la mise en œuvre du service prévisible. Et parmi les seize mouvements de grève qui ont affecté le réseau de la RATP au cours de la même période, quatre ont rendu nécessaire le déclenchement du « plan d'information voyageurs » ; dans les autres cas, le service a été assuré à 97% en moyenne.

Les clients des services publics de transport – terme que je préfère à celui d’ « usagers », car il s’agit bien de clients, qui payent leurs trajets, y compris comme contribuables – ont donc tout lieu d’être satisfaits des avancées importantes permises par cette loi. Il convient néanmoins de remédier aux difficultés qui subsistent, ce à quoi visent les propositions de vos rapporteurs.

La première est de créer un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres. L'idée est excellente, la seule question portant sur ses modalités d’application : ne serait-il pas préférable de créer un observatoire par branche d’activité plutôt qu’un observatoire global ? L'UTP a d'ailleurs installé, fin 2007, un observatoire paritaire de la négociation collective et du dialogue social.

Je suis tout à fait favorable à la deuxième proposition, le renforcement du dialogue social sur la sécurité. L'UTP a d’ailleurs conclu en 2007 un accord-cadre relatif à la sécurité des personnes et des biens. A la suite des événements de la gare Saint-Lazare, le 13 janvier dernier, la SNCF s'est aussi engagée dans cette voie. Le président Pepy a réuni les organisations syndicales et décidé avec elles une série de mesures, notamment la réunion immédiate du CHSCT en cas d’agression d’un agent. J’ai, de plus, insisté auprès de M. Pepy pour que, en cas d’incident, la communication entre les voyageurs et les agents soit améliorée. Je crois qu’il serait bon de permettre aux voyageurs qui le souhaitent de manifester leur solidarité avec l’agent concerné ; après le dépôt d’affichettes sur la ligne pour expliquer les circonstances de l’agression, il faudrait mettre à la disposition des clients un site internet, un numéro de téléphone ou un registre pour recueillir leurs messages de sympathie. J’invite les entreprises de transports à le faire, au moins à titre expérimental.

Les rapporteurs, de même que le ministre du travail, écartent toute modification législative des textes sur le droit de retrait. Je partage leur analyse. Il revient aux partenaires sociaux de négocier les mesures à prendre pour protéger les agents, réagir en cas d'agression de l'un d'eux et informer les voyageurs.

J’approuve également la troisième proposition, celle d'encourager le dialogue social avec les clients des transports collectifs. Hormis la Fédération nationale des usagers des transports, la France n’a pas de grandes associations de clients des transports collectifs. Nous devons renforcer leur poids, et il serait bon de généraliser le système des comités de ligne de la RATP ou des transports régionaux, où les voyageurs sont représentés.

Nous allons examiner les quatrième et cinquième propositions – visant à engager des négociations collectives pour garantir le service du soir lorsque le service du matin a été assuré et à interdire tout nouveau préavis avant l'expiration des négociations engagées sur le premier – afin de nous assurer qu'elles ne remettent pas en cause le droit de grève. J’observe qu’un amendement rédigé dans le même esprit, mais qui concerne les seuls transports aériens, a été déposé au Sénat par le groupe des Radicaux de gauche.

Vos rapporteurs proposent ensuite, très judicieusement, de poursuivre la politique de décentralisation et de déconcentration de la SNCF. Dans la lettre de mission qu’il a adressé à M. Guillaume Pepy, le Président de la République lui a demandé de moderniser les relations sociales au sein de l’entreprise ; il appartient au président de la SNCF de définir son organisation interne et territoriale, effectivement peu lisible. Il serait bon, par exemple, que les chefs de gare nouvellement nommés se présentent aux élus, comme le font les responsables de La Poste ou d’EDF, et que l’entreprise se dote de patrons de ligne connus de tous, comme il en existe à la RATP.

Enfin, il est proposé d'améliorer le suivi de l'application de la loi du 21 août 2007 sur le long terme, d’abord par la définition de nouveaux indicateurs, ce qui est une très bonne idée, et ensuite en rendant annuel le bilan d'application de la loi – proposition sur laquelle il revient au Parlement de se prononcer, mais que j’approuverais si j’étais parlementaire ! C'était d’ailleurs l'une des propositions de M. Hervé Mariton dans son récent rapport sur « les récents mouvements sociaux à la SNCF et l'impact du service minimum ». Conformément à l'article 11 de la loi du 21 août 2007, le premier bilan d'application a été remis au Parlement à la fin 2008, ainsi qu’un bilan portant sur les modes de transport qui ne sont pas traités dans la loi - la desserte de la Corse et des îles du Ponant par exemple.

Nous allons maintenant travailler sur ces propositions, dont je remercie votre Commission, et singulièrement vos rapporteurs.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le ministre, je vous remercie. Je rappelle que ce rapport a été adopté à l’unanimité des groupes et je suis heureux de constater que vous approuvez toutes les propositions qu’il contient. Il nous reste à savoir selon quel calendrier elles pourront être mises en œuvre.

J’invite à présent les représentants des groupes à s’exprimer.

M. Daniel Paul. Vous préférez, monsieur le ministre, parler de « clients » plutôt que d’« usagers ». Ce n’est pas mon cas : à mes yeux, le mot « usager » a un sens intéressant.

Le rapport que nous avons examiné ce matin a, c’est vrai, recueilli l’unanimité. Il ne pouvait en être autrement, puisqu’il dresse un bilan, confirmant au passage ce que j’avais dit, au nom du groupe GDR, lors de l’examen du texte : la loi du 21 août 2007 est un fusil à tirer dans les coins. On a prétendu vouloir régler les problèmes des usagers mais l’objectif réel était tout autre : il s’agissait d’enfoncer encore un coin dans le droit de grève, droit constitutionnel. Ce n’était pas facile, mais la majorité y est parvenue en opposant les usagers et les agents et en présentant ces derniers comme des « gréviculteurs », à l’origine de tous les dysfonctionnements constatés. Le rapport fait litière de ces allégations en montrant que les grèves ne sont qu’un élément « minime » - selon les termes mêmes du président de la RATP - de ces dysfonctionnements. C’est précisément ce que M. Bono et moi-même avions dit au cours des débats de l’été 2007.

Si l’on avait consacré à la rénovation des infrastructures et du matériel les mêmes efforts qu’à la mise au point de la loi du 21 août 2007, le taux de conflictualité aurait diminué dans les mêmes proportions. Si l’on améliorait le fonctionnement de la ligne 13 du métro parisien, il est évident qu’il y aurait moins de difficultés. De même, si on rénovait les voies ferrées, on ne serait pas contraint de faire circuler des TER neufs à 50 kilomètres à l’heure, et cela irait mieux sur ces lignes. Cela ne veut pas dire, bien entendu, qu’il ne resterait pas des motifs de conflits sociaux.

Je suis donc satisfait que ce rapport d’étape contribue à mettre en lumière la réalité des dysfonctionnements dans les réseaux de transports terrestres. La conflictualité existe, c’est vrai, mais elle s’explique aussi par l’évolution des entreprises publiques de transports et par ce qui les guette : des entreprises qui se pensaient pérennes se trouvent brutalement confrontées à une dure compétition. Les politiques publiques récentes ont aggravé les conditions de la mise en concurrence, ce qui contribue à la conflictualité. Tout ce qui pourra réduire les raisons qu’ont les agents de se mettre en grève sera bienvenu, si des solutions durables sont apportées aux problèmes soulevés.

J’illustrerai mon propos par un exemple. Le jour où la grève a éclaté à la gare Saint-Lazare à Paris, nous étions chez M. Pepy. En quelques heures d’une grève dure qui a semé la pagaille dans l’Ouest parisien, les agents ont obtenu ce qu’ils demandaient sans succès depuis un an, à savoir des moyens pour faire face aux dysfonctionnements. Il leur a, hélas, fallu en arriver à une action de ce type pour y parvenir – et ils ont même obtenu davantage. Certains mouvements naissent du refus des directions d’entendre que les difficultés sont réelles. Telle est la réalité sociale du pays, et si ce rapport permet d’en finir avec cette attitude, je serai le premier à m’en féliciter.

Vous avez dit, monsieur le ministre, ne pas souhaiter une nouvelle loi. J’en prends acte, mais je ne suis pas dupe. Je pense en effet que cette prudence s’explique par la crise et les difficultés que connaissent usagers et agents, auxquelles vous ne voulez pas ajouter. On sait, cependant, que certaines personnalités de la majorité souhaitent, elles, pousser les feux. Je souhaite donc que la raison l’emporte et que l’on fasse tout pour que les transports terrestres fonctionnent bien.

A ce propos, je vais devoir vous quitter dans quelques minutes pour prendre le train du Havre. Je souhaite que les problèmes de cette ligne soient réglés le plus vite possible.

M. Michel Havard. Je tiens, au nom du groupe UMP, à remercier les rapporteurs, ainsi que le président Patrick Ollier qui a anticipé les nouveaux pouvoirs du Parlement en matière de contrôle de l’application des lois. L’excellent rapport qui nous a été présenté met en lumière trois éléments.

Tout d’abord, le principe directeur de la loi est accepté par les salariés des entreprises de transports, ce qui a permis un renforcement du dialogue social. Le cadre qui a été créé permet de trouver des solutions aux situations difficiles et de favoriser l’amélioration des pratiques.

Ensuite, la continuité du service public, qui est le pendant du dialogue social, est mieux assurée, si bien que les usagers n’ont plus le sentiment d’être pris en otage, ce qui contribue à apaiser le climat social. En cas de grève, les gens peuvent désormais s’organiser. Les propositions formulées dans le rapport visent notamment à renforcer le dialogue au sein de l’entreprise et avec les usagers ; c’est une démarche très constructive.

Enfin, il n’est pas question de modifier la loi pour l’instant. Il faut en effet lui laisser le temps de continuer à produire ses effets, même si des améliorations sont bien entendu possibles. Il est sage de ne pas toucher au droit de retrait – dont le détournement dessert ceux qui en abusent, plus qu’il ne sert la cause qu’ils pensent défendre.

S’agissant de la création d’un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres et du suivi de la loi, qui font l’objet des première et dernière propositions de nos rapporteurs, nous laisserons le Gouvernement et le président Patrick Ollier trouver avec eux le cadre adéquat.

Mme Annick Lepetit. Le groupe socialiste s’associe aux félicitations adressées aux deux rapporteurs. Lors du débat sur cette loi, il l’avait combattue pour un ensemble de raisons. Sur le plan de la forme, nous avions déploré que le projet fasse l’objet d’une déclaration d’urgence, qu’il soit débattu très rapidement, à la fin du mois de juillet, et, ce qui n’était pas sans portée symbolique, que le ministre des transports de l’époque ne soit pas présent dans l’hémicycle. Sur le fond, nous avions souligné que ce texte n’ambitionnait pas de régler les problèmes liés au manque d’investissements dans les transports. Plus encore aujourd’hui, on constate que la plupart des retards ou autres problèmes subis par les usagers sont dus à la vétusté des infrastructures et aux insuffisances du matériel roulant. Cette urgence-là n’est toujours pas traitée, et j’ose encore espérer qu’elle fera bientôt l’objet d’un vrai débat. Quant aux conflits sociaux dans les transports, vous avez fait état de leur diminution, monsieur le ministre, mais à l’époque du vote de la loi on ne pouvait leur imputer qu’à peine 2 % des perturbations sur l’ensemble du territoire.

Quoi qu’il en soit, faisons maintenant en sorte d’améliorer l’application de cette loi. A cet égard, les huit propositions qui figurent dans le rapport sont intéressantes car elles tendent à faire progresser le dialogue social, le dialogue avec les usagers ainsi que le suivi de la loi, avec la mise en place d’indicateurs.

A propos de ce qui s’est passé gare Saint-Lazare, force est de reconnaître que l’augmentation des agressions envers les agents des transports est le reflet de ce qu’on constate dans l’ensemble de la société. En effet, si la délinquance générale est en baisse, les violences aux personnes sont en en forte hausse. En tout cas, il me paraît très utile d’améliorer le dialogue avec les usagers et de mieux les informer, notamment sur les causes des perturbations car ils imaginent parfois qu’il s’agit d’une grève alors que ce n’est pas le cas.

Parmi ces causes, il en est une qui est un peu taboue. Je veux parler des suicides, dont le nombre a fortement augmenté. Il faut non seulement se préoccuper des agents qui y sont confrontés, mais dire à nos concitoyens la vérité sur ce sujet.

M. le président Patrick Ollier. Les rapporteurs en ont longuement parlé ce matin.

Mme Annick Lepetit. Je les en remercie. Il est important d’apporter notre appui aux entreprises de transports sur ce sujet complexe.

Nous serons extrêmement vigilants quant à la mise en application de ces propositions, à laquelle nous souhaitons bien entendu participer, et nous sommes satisfaits que le ministre accepte l’idée de ne pas légiférer à nouveau mais plutôt d’améliorer le dialogue social.

M. le président Patrick Ollier. J’ai dit ce matin qu’en tant que président de la commission, j’acceptais bien volontiers la huitième proposition : les deux rapporteurs pourront d’ici à la fin de l’année dresser devant la Commission un nouveau bilan de la situation, et notamment de la mise en application de leurs propositions. Je leur ferai une lettre de mission en ce sens, et ainsi pourra se poursuivre un partenariat constructif – une coproduction – avec le Gouvernement.

M. le secrétaire d'État. Il doit être très clair que notre intention n’est pas de produire une nouvelle loi. Une bonne loi n’est pas celle que l’on modifie sans cesse, mais celle que l’on s’efforce de bien appliquer – et le travail de votre commission va nous y aider.

Comme M. Paul et Mme Lepetit l’ont fait remarquer, les dysfonctionnements peuvent avoir d’autres causes que les mouvements sociaux. En ce qui concerne le Transilien, les retards sont dus pour 45 % à des causes externes, notamment la malveillance et les suicides, pour 17 % – et c’est trop – aux infrastructures et pour 38 % à des causes internes, lesquelles peuvent consister en déficiences du matériel – ce qui n’est pas davantage acceptable – ou des personnels. En ce qui concerne le TER, nous poursuivons nos efforts dans le cadre des contrats de projets Etat-régions. L’Etat s’est en outre engagé dans certaines régions – Midi-Pyrénées, Limousin, Auvergne, Centre –, avec Réseau ferré de France, dans un processus de régénération du réseau secondaire, afin d’améliorer la qualité des lignes TER.

Quant à la continuité du service public évoquée par M. Havard, son absence a deux conséquences. D’une part, elle conduit une partie des clients à se tourner vers un autre mode de transport ; elle peut ainsi obliger un couple jeune à conserver deux voitures pour parer aux risques de perturbation des transports publics, et elle pénalise surtout les plus modestes. D’autre part, elle va à l’encontre des objectifs du Grenelle de l’environnement car le développement de l’usage des transports publics suppose que ceux-ci répondent aux impératifs de continuité, de sécurité ainsi que de confort susceptibles d’amener nos concitoyens à abandonner sans regret la voiture individuelle. Si, dans Paris intra muros, près de 60 % des ménages n’ont pas de voiture, c’est bien en raison de l’importance du réseau de transports en commun.

Concernant les événements de Saint-Lazare, le dialogue social aurait pu, en effet, s’engager plus tôt ; le Président de la République et moi-même l’avons dit au président Pepy. Mais il est aussi très choquant, alors que l’incident touchant un agent de conduite s’était produit un soir à 21 heures, que la réaction n’ait eu lieu que treize heures plus tard, le lendemain à 10 heures, car les personnes transportées le matin se sont ainsi retrouvées prises en otage. C’est en particulier le fait d’une organisation syndicale.

Monsieur Paul, je recevrai prochainement le président Le Vern et les élus de Haute-Normandie pour leur faire des propositions très précises sur la ligne du Havre – qui concernent également les clients de la Basse-Normandie –, en particulier au sujet de la bifurcation de Mantes.

Concernant la région parisienne, madame Lepetit, le Président de la République prendra prochainement des décisions relatives à la carte des infrastructures. Le Gouvernement devra également en prendre très vite, en liaison avec le STIF, notamment sur le prolongement de la ligne E de Saint-Lazare à la Défense ou à Mantes. Le dossier des transports sera sans doute, en Ile-de-France, le principal sujet des élections régionales ; il est donc important que les candidats des différentes listes connaissent préalablement les intentions de l’Etat.

Enfin, on constate malheureusement, en effet, une forte augmentation de ce qu’on appelle pudiquement les « incidents de personne ». Rien qu’hier, sur le réseau TGV à l’Ouest de Paris, il y a eu très probablement – l’enquête le confirmera – deux suicides. Il y en a quasiment un par jour sur le réseau de la RATP. La SNCF a réagi à cette triste évolution en sensibilisant ses personnels au problème. Il ne serait pas envisageable, en France, de s’inspirer de l’exemple du Japon ou du Canada, où les entreprises font payer à la famille du suicidé le coût entraîné par les retards, lequel peut atteindre plusieurs millions de dollars. En revanche, il faut faire en sorte que l’intervention de l’autorité judiciaire soit rapide. L’appel à un nouvel agent de conduite – le train ne pouvant pas repartir avec le même agent, traumatisé par ce qui s’est passé – et la nécessité de faire venir le procureur ou le substitut entraînent au minimum deux à trois heures d’interruption du service sur le réseau de la SNCF. L’interruption est évidemment moins longue sur celui de la RATP. Nous recherchons avec le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur les moyens d’améliorer la situation, dans le respect des familles.

M. Jacques Kossowski, rapporteur. En 2007, Mme Idrac nous avait dit que la SNCF allait investir deux milliards d’euros par an pour qu’en 2010, les motrices n’aient pas plus de cinq ans d’ancienneté. Cet investissement est-il toujours à l’ordre du jour ?

Dans le plan de relance, a-t-on prévu des crédits pour rénover les infrastructures et renouveler le matériel ?

M. le secrétaire d’État. Le plan de relance comporte plusieurs mesures qui concernent les transports publics, tant urbains que ferroviaires. Il s’agit, comme dans l’ensemble du plan, d’accélérer des opérations prêtes à être exécutées ; par nature, le plan de relance ne peut pas porter sur des investissements structurants, mais seulement sur ce qui peut se faire rapidement.

Quant aux matériels, la politique de la SNCF a toujours été de les garder longtemps, en les entretenant dans ses propres ateliers ; certains matériels étaient déjà en service il y a soixante ans et ne sont pas pour autant obsolètes, ayant été fortement rénovés. Au Japon au contraire, un matériel ferroviaire ne dure pas plus de dix ans. Sur le réseau TGV, le matériel le plus ancien date de la mise en service de la première ligne TGV, c’est-à-dire de 1981, et le processus de renouvellement conduit à prévoir l’achat de 200 rames – dans un avenir sans doute un peu moins rapproché du fait de la crise économique, laquelle conduit à une stagnation des trafics. En ce qui concerne le fret, un gros effort a été fait sur les matériels diesel. La rénovation des matériels a été plus lente en Ile-de-France, où les commandes de rames Transilien par la SNCF et la région se heurtent au planning de travail du constructeur Bombardier. Une accélération des livraisons serait nécessaire.

Le plan de relance a permis d’avancer les commandes d’automotrices du Transilien et de quelques rames TGV, mais l’industrie ferroviaire a déjà un cahier des charges énorme, du fait des commandes de tramways par de très nombreuses villes de France et d’Europe, des commandes en cours de la SNCF à Alstom pour le TGV et des besoins exprimés par un très grand nombre de pays à travers le monde, tels la Libye, l’Arabie saoudite, l’Inde ou la Chine. A la différence, donc, de l’industrie aéronautique, soumise à des à-coups, l’industrie ferroviaire française, européenne et mondiale a des perspectives assurées pour très longtemps – et qui, au-delà du matériel roulant, s’étendent aux caténaires, à la signalisation, ou encore à la « billetique ». Ainsi, l’usine Alstom située à côté de La Rochelle, que je connais bien, a un carnet de commandes de sept à huit ans ; et en Ile-de-France, le problème est la capacité de Bombardier à livrer les automotrices aussi vite qu’il le faudrait. Pour le moment donc, le secteur de la construction ferroviaire n’est pas affecté par la crise. Il pourrait cependant être affecté dans l’avenir par l’entrée des pays asiatiques sur le marché : les matériels ferroviaires japonais, coréens et chinois commencent à arriver en Europe.

M. François Brottes. Je voudrais revenir sur les accidents de personne et sur leurs conséquences parfois très préjudiciables pour les passagers, qui se trouvent en quelque sorte pris en otage pendant plusieurs heures. Lorsqu’en tant que maire j’ai été confronté, à deux reprises, à un suicide sur autoroute, du fait de la présence d’un péage à côté de ma commune, la chaussée a été dégagée pour éviter de bloquer la circulation. Peut-être pourrait-on faire de même en cas de suicide sur une voie ferrée, en faisant appel au maire – officier de police judiciaire – le plus proche, pour que le convoi puisse redémarrer, même à vitesse lente eu égard au traumatisme vécu par le chauffeur.

M. le secrétaire d’État. Sur autoroute, l’existence de plusieurs files permet d’en réserver une au traitement de l’accident et de maintenir le trafic sur les autres ; en outre, il y a toujours des gendarmes et des agents de maintenance à proximité. Sur une voie ferrée unique, il est beaucoup plus difficile d’intervenir. De plus, outre le problème du changement de chauffeur, peut se poser celui de la détérioration de la motrice ou des systèmes de sécurité – notamment dans les cas de suicide en moto ou en voiture sur un passage à niveau, qui représentent les deux tiers des accidents de passage à niveau. Enfin, le lieu où s’est produit l’accident peut être très difficile d’accès. Certes on peut essayer d’intervenir plus vite, mais la situation demeure plus difficile à gérer que sur le réseau routier.

M. le président Patrick Ollier. Merci pour la précision de vos réponses, monsieur le ministre. Et merci d’avoir accepté les propositions de nos rapporteurs. Nous vous transmettrons officiellement le rapport par un courrier qui partira dès demain matin, et nous chargerons MM. Kossowski et Bono de voir avec vous-même et votre cabinet le calendrier qui peut être établi pour la mise en œuvre des mesures proposées. J’aimerais que nous puissions le connaître assez rapidement, dans un souci de lisibilité.

ANNEXE 1: LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

FÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DES USAGERS DE TRANSPORTS (FNAUT)

– M. Régis BERGOUNHOU, secrétaire général

CGPME

– M. Jean-François ROUBAUD, président,

– M. Jean-François VEYSSET, vice-président affaires sociales,

– Mme Sandrine BOURGOGNE, adjointe au secrétaire général en charge du dossier Environnement et développement durable et des relations institutionnelles

VEOLIA TRANSPORT

– M. Cyrille DU PELOUX, directeur général ;

– M. Patrick HUON, directeur des ressources humaines ;

– M. Michel QUIDORT, directeur des relations extérieures Veolia Transport ;

– Mme Marie-Thérèse SUART-FIORAVANTE, directrice des relations institutionnelles Veolia Environnement

AUDITION COMMUNE

– M. Bruno GAZEAU, délégué général de l’UTP,

– M. Eric ASSELIN, directeur des ressources humaines, Kéolis,

– M. Jean-Pierre GOUTEYRON, secrétaire général, directeur des ressources humaines, Transdev,

– M. Patrick HUON, directeur des ressources humaines France, Véolia Transport,

– M. Arnaud RABIER, secrétaire général AGIR,

– M. David CRONENBERGER, directeur RTCR - AGIR.

FÉDÉRATION DES USAGERS DE TRANSPORTS ET DES SERVICES PUBLICS

– M. Jean-Claude DELARUE, secrétaire général

M. JEAN-EMMANUEL RAY, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ PARIS I

CFTC TRANSPORTS

– M. Jean-Philippe CATANZARO, secrétaire général

– MM. Bernard AUBIN et Roger DILLENSEGER, secrétaires fédéraux

SNCF

– M. Guy ELKOUN, directeur d’établissement Paris-Saint-Lazare

– M. Pascal ROZE, directeur du Management de la Région de Paris-Saint-Lazare

FGAAC - FÉDÉRATION GÉNÉRALE AUTONOME DES AGENTS DE CONDUITE

– M. Christophe DARD, secrétaire général,

– M. Jean-Michel NAMY, secrétaire général adjoint

ASSOCIATION D’USAGERS SUR LA PORTION PARIS– SAINT-LAZARE-LE MANTOIS

– Louis GOMEZ, président

SUD RAIL

– M. Olivier COTS, secrétaire national Sud RATP,

– M. Hervé BRIERE, en charge des urbains,

– M. Christophe ABADI,

– M. Alain CAMBI

COUR DE CASSATION

– Mme Evelyne COLLOMP, Présidente de la Chambre sociale

CONSEIL D’ÉTAT

– Mme Yannick MOREAU, Présidente de la section sociale,

– M. Patrick QUINQUETON, conseiller d’État

DRH –SNCF

– M. François NOGUÉ, directeur des ressources humaines

– M. Franck LECOURTOIS, directeur de cabinet de M. Nogué

– Mme Karine GROSSETETE, conseillère parlementaire

FGTE - TRANSPORT

– Pour la fédération : MM.  André MILAN et Olivier MOTTA,

– Pour l’Union fédérale des cheminots et des activités connexes : M. Edgar STEMER,

– Pour l’Union fédérale des transports urbains et des activités du déchets : M. Patrick MAILLIER,

– Pour le syndicat CFDT RATP : M. Serge FRUEHAUF

UPA

– M. Pierre BURBAN, Secrétaire Général,

– Mme Caroline DUC, Chargée des relations avec le Parlement

FNTV (FÉDÉRATION NATIONALE DES TRANSPORTS DE VOYAGEURS) :

– M. Michel SEYT, président,

– M. Bernard LAVOIX, président de la commission juridique,

– M. Marc WEUGUE, président de la commission sociale,

– M. Eric RITTER, secrétaire général

GROUPEMENT DES AUTORITÉS RÉGULATRICES DES TRANSPORTS (GART)

– M. Roland RIES, Président, Sénateur du Bas-Rhin,

– M. Laurent KESTEL, assistant parlementaire et

– M. Benjamin MARCUS, représentant du GART

SNCF

– M. Guillaume PÉPY, président

– M. Stéphane VOLANT, secrétaire général

– M. Loïc HISLAIRE, directeur délégué aux relations sociales

RATP

– M. Pierre MONGIN, président-directeur général,

– Mme Josette THÉOPHILE, directrice générale adjointe en charge de l’innovation sociale

– Emmanuel PITRON, directeur de cabinet

– Laurent MAZILLE, chef de cabinet

FÉDÉRATION DES TRANSPORTS CGT

– Mme Frédérique DUPONT secrétaire confédérale,

– M. Didier LE RESTE, secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots,

– M. Paul FOURIER, secrétaire général de la Fédération CGT des syndicats de transports,

– M. Daniel GENESTE, secrétaire général de l’Union Interfédérale des Transports CGT,

– M. Richard JAUBERT, secrétaire fédéral fédération CGT des syndicats de transports, responsable transports urbains.

M. Dominique BUSSEREAU, secrétaire d’Etat chargé des Transports, auprès du ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire

M. Louis GALLOIS, président du comité exécutif d’EADS

M. Jean-Paul BAILLY, président de La Poste

M. Bernard SOULAGE, vice-président de la région Rhône-Alpes

ANNEXE 2

QUESTIONNAIRE SUR LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES DÉPARTEMENTS

Département

Bilan

Entreprises assurant le transport urbain

La définition de dessertes prioritaires et de niveaux de services associés a-t-elle constitué un problème ?

continuité du service

Info des usagers avant et après la grève

Indemnisation des usagers

difficulté pour appliquer la loi

Signature accord de prévisibilité ?

Oui

Non

Oui

Non

Ain

Dans l’Ain, les mesures prévues n’ont pas été mises en place, faute de transporteurs en grève

C’est prévu, mais pas eu besoin de les mettre en œuvre

 

 

Des accords ont été conclus avec tous les transporteurs

 

 

pas de difficultés particulières dans la définition des différents niveaux de service pour les lignes régulières car elle a fait l’objet d’une concertation.

ALPES DE HAUTES PROVENCE

PTU et PIA en cours d’élaboration et intégration dans les marchés de transports scolaire en cours de dévolution

Oui la mise en œuvre est disparate selon la structuration des entreprises

 

 

 

Elle n’a que peu de pertinence à l’échelle d’un territoire à dominante rurale dans lequel le cadencement des services est très limité.
Pas de desserte prioritaire, à l’échelle du département mais en fonction des types de lignes (scolaire, structurant…).
Trois niveaux de service identifiés dont un niveau 0.

ARIEGE

 

 

 

 

 

 

 

il n'y a eu aucune incidence, pas de problème puisque  concerne des services essentiellement scolaires (pas de grève).

AUBE

Pas de grève dans les transports interurbains depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 août 2007.

En ce qui concerne le plan d’information des usagers, l’information est centralisée et disponible auprès du Service des Transports et sur le site Internet du Conseil Général.

Dans l’Aube, le Département assure la gratuité des transports scolaires via des marchés publics. Les lignes régulières sont gérées en délégation de service public par des entreprises qui perçoivent l’intégralité des recettes commerciales. Dans de telles conditions, la responsabilité de l’indemnisation des usagers en cas de grève revient aux entreprises de transport.

Aucune difficulté rencontrée par les entreprises prestataires dans l’application de cette loi

Les accords de prévisibilités sont en cours de négociation depuis plusieurs mois.

 

 

Le Conseil Général considère l’ensemble des lignes du réseau départemental comme prioritaire dans le sens où ces lignes contribuent à satisfaire des besoins essentiels de la population locale : accès aux établissements d’enseignement grâce aux transports scolaires et aux lignes régulières, accès aux zones d’emploi grâce aux lignes périurbaines. Seules des lignes de marché (moins de 5) sont exclues des dessertes prioritaires. Hormis ce dernier cas, les autres services (plus de 95% des transports) sont sur le même niveau de priorité.

AUDE

Un mouvement de grève depuis la Loi (Kéolis Aude ; durée 4 jours- fin janvier 2009).Le Conseil Général de l’Aude a opté pour la définition, en tant qu’Autorité Organisatrice, de dessertes prioritaires et de niveaux de service . Ce plan, applicable à toutes les formes de transport (lignes régulières et services spéciaux scolaires), est intégré au cahier des charges de la nouvelle délégation de service public, qui couvre les lignes régulières.Le dispositif a été respecté par le transporteur durant la grève (desserte prioritaire n°3 : regroupements pédagogiques intercommunaux disposant d’une garderie), mais a dû cesser avec le blocage des dépôts par les grévistes les deux derniers jours (cas de force majeure).

Le dispositif d’information prévu par le département (affichage du préavis 24h à l’avance, permanence téléphonique chez le transporteur, Numero Vert des transports scolaires du Conseil Général) a bien fonctionné. La limite du dispositif a cependant été atteinte avec l’occupation des locaux le dernier jour par les personnels grévistes, empêchant la mise à jour de la messagerie d’information du transporteur ; le Numéro Vert du Conseil général a continué à diffuser l’information

Le remboursement des titres non utilisés ou le prolongement de l’abonnement d’une durée égale à l’absence de service sont à l’étude et devraient être accordées par le transporteur (article 9 de la Loi).En revanche, il n’y aura pas de pénalité à l’encontre de notre co-contractant, le dispositif de dessertes prioritaires comme d’information ayant fonctionné à la lettre, sauf cas de force majeure le dernier jour.

 

 

 

 

la proposition du Conseil Général, basée sur le type de services et d’établissement scolaire à desservir et non sur une répartition géographique, a été adoptée en réunion par l’ensemble des entreprises de transport

BOUCHES DU RHONE

Le mouvement du 29 janvier dernier nous a permis de constater une continuité du service sur les lignes régulières à partir des niveaux de service définis :

l’information des usagers s’est correctement déroulée

pas de demande d’indemnisation, les billets unités ayant été vendus au besoin, pas de réclamation apparemment des abonnés

Pas de difficultés remontées

 

 

 

Pas particulièrement

CANTAL

Lors des récentes grèves il n'y a eu aucun problème particulier.

 

 

Le Conseil Général du Cantal n'a pas passé d'accord avec les transporteurs pour mettre en application la loi sur la continuité du service public étant donné que le réseau de transport interurbain est constitué à 95% de scolaires pour lesquels la desserte minimale correspond à un aller retour par jour soit la fréquence habituelle de la plupart des lignes.

 

 

CREUSE

Pas de grève à ce jour

Clause prévue au CCTP

aucun cas

Pas de difficultés particulières. Information du CG03 et AO2 prévue au CCTP

 

 

 

Tous les services sont sur le même niveau de priorité. Définition acceptée par les transporteurs et validée en commission permanente

EURE-ET-LOIR

 

Cependant, lors de la grève nationale du 29 janvier, qui a été suivie par un petit nombre de conducteurs du réseau interurbain Transbeauce, il est apparu que le volet relatif à l’information des voyageurs était très nécessaire

 

Les entreprises assurant le transport interurbain en Eure-et-Loir ne sont pas des PME (filiales des groupes nationaux).

 

Les accords de prévisibilité restent à signer

La définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service est bien évidemment compliquée car la loi du 21/8/07 a été conçue pour les transports urbains, comme bien d’autres lois. Les élus du CG 28 ont exclu de la démarche toutes les lignes scolaires (en circuits spéciaux ou sur lignes régulières), pour des raisons de sécurité (connaissance nécessaire des circuits et des élèves transportés par les conducteurs) et car il n’était pas question pour eux de choisir entre la desserte de tel ou tel établissementLa définition des dessertes prioritaires a porté exclusivement sur les lignes régulières offrant un fréquence suffisante pour assurer une offre commerciale.

 

GARD

     

Pas de difficultés particulières signalées

 

 

 

Les niveaux de services adoptés en commission permanente en avril 2008 n’ont pas présenté à ce jour de difficulté particulière. Ces niveaux ont été intégrés dans les marchés passés à l’été 2008.

JURA

Pas de grève dans les transports interurbains depuis 2007

 

 

 

 

 

 

A partir du moment où il était admis que pour les transports scolaires le service minimum était égal à zéro, sauf en période d’examens.

HAUTE-LOIRE

Aucune grève depuis que le CG 43 est autorité organisatrice

les transporteurs ont été associés préalablement à la validation par l’ assemblée départementale des dessertes prioritaires qui comprennent l’intégralité des services scolaires

LOZERE

Aujourd'hui, l'impact de la loi est neutre sur ce point, aucune situation de nature à engager cette procédure ne s'étant produite depuis sa mise en application

Lors du renouvellement des marchés de service de transports scolaires en juillet 2008, le Département a introduit une clause supplémentaire, qui sera étendue à l'ensemble des marchés à mesure de leur renouvellement : Le service des transports scolaires transmet les coordonnées des élèves, par service, aux transporteurs à chaque rentrée scolaire, En cas d'empêchement ou de retard significatif dans l'exécution du service, les transporteurs ont l'obligation de contacter au moins un élève par point d'arrêt,

Les services de transports sont quasi-exclusivement des Services à Titre Principal Scolaires, Les usagers, des élèves de primaire et de secondaire, bénéficient de ce service organisé par le Département qui en porte presque intégralement la charge financière, A titre d'exemple pour les services quotidiens des élèves demi-pensionnaires : gratuité pour les élèves du primaire, 111 € pour l'année 2008-2009 pour les élèves du secondaire, En conséquence, il n'est pas prévu d'indemnités pour les usagers en cas de manquement de service, En revanche, des pénalités sont prévues si le transporter a manqué à ses obligations,

Dans les nouveaux marchés de service de transport-dont les lignes régulières, à vocation scolaire- la référence à la loi du 27 août 2007 est mentionnée dans les obligations des transporteurs, A ce jour, les transporteurs n'ont pas fait état de difficultés dans l'application de la Loi,

Par ailleurs, il me semble que des accords de prévisibilité aient été signés, Interrogés sur cette question, les transporteurs TPRP affirment n'avoir connu aucun mouvement de grève ou autre revendication depuis plusieurs décennies,

 

Une desserte prioritaire revenant à privilégier un établissement scolaire ou un hameau ou un groupe d'élève par rapport à d'autres, il n'a pas été possible de la définir en tant que telle, toutes les dessertes devant être assurées, sans exception, Il en a été de même s'agissant des niveaux de services, Cela revient à établir une priorité de niveau 1 pour l'ensemble des services.

 

MAYENNE

Le département de la Mayenne n’a pas été concerné par des grèves dans les transports collectifs depuis l’entrée en vigueur de cette loi.

NIEVRE

Les transports interurbains et scolaires n’ont pas été concernés par les grèves depuis longtemps.

Les négociations ont été menées avec les entreprises courant 2008 et les associations de voyageurs.

 

un aller /retour journalier sur les lignes régulières , et les dessertes des lycées pour les transports scolaires.

PYRÉNEES ATLANTIQUES

Un texte d’avenant imposant aux entreprises un service minimum a été négocié.

Les entreprises craignent d’être bloquées dans un cadre très rigide

 

 

la définition des niveaux de service reste à faire. A l’exception des dispositions relatives à l’information des usagers, cette loi n’est vraiment pas conçue pour les services départementaux !

HAUTES PYRENNEES

Pas de grève dans le 65 depuis le vote de cette loi

 

 

 

Dialogue en cours avec le prestataire principale de la collectivité

 

Pour les transports scolaires : Impossibilité de définir des dessertes prioritaires ou des niveaux de services associés quand un seul aller retour par jour est assuré ou quand un transporteur n’assure qu’une seule desserte pour la collectivité.

 

HAUT-RHIN

La mise en œuvre du dispositif en cours n’est pas achevée. Par ailleurs, il convient de constater qu’il n’y a pas eu de grèves dans les transports publics départementaux depuis l’entrée en vigueur de la loi (dernières grève en 2002).

Le schéma des dessertes prioritaires et des niveaux de service, actuellement en cours de validation par la Commission permanente, a été élaboré en concertation avec l’Union des transporteurs et les principaux représentants de la profession. Les principes du Schéma ont donc été acceptés par la profession. Après validation du Schéma, chaque exploitant de ligne devra proposer un plan de continuité conforme à ce schéma (fiche horaire de service minimum et plan d’information des usagers). Il n’y a pas encore de retour d’expérience sur ce point.

 

Par ailleurs, le Département n’a pas exercé de contrôle sur la passation d’accords de prévisibilité. Cet accord est interne à l’entreprise et ne relève pas de la compétence de l’autorité organisatrice de transport. Conformément à la loi, c’est le représentant de l’Etat qui a pour mission de veiller à la passation des accords de prévisibilité

Un ordre de priorité et un niveau de service minimum ont été définis pour les lignes régulières en prenant en compte les besoins scolaires en heures de pointe et la plus ou moins grande facilité des usagers de s’organiser en covoiturage en cas de carence du service. Priorité a ainsi été donnée aux lignes structurantes et principales desservant les pôles urbains.Le principal problème concerne les transports spéciaux scolaires pour lesquels il a été impossible de définir un niveau de service minimum et qui ne peuvent fonctionner qu’en tout ou rien

 

RHONE

– Pas de grève à ce jour dans le cadre de l’application de la Loi.
Par contre, nous avons eu un mouvement d’arrêt de travail de la veille pour le lendemain

l’avenant conclu avec l’exploitant a permis à minima la mise en place d’un Plan d’Information à l’Usagers efficace

Dans le cadre de la non réalisation du plan de transport adapté, il est prévu une indemnisation des usagers (au prorata du coût de l’abonnement).

non

 

 

Oui, lorsque le niveau de desserte était faible. L’application de cette loi n’est pas adaptée au transport scolaire, quand celui fait l’objet d’un seul trajet aller/retour dans la journée.

 

SARTHE

Depuis la mise en œuvre de la loi du 21 août 2007, il n’y eu que deux jours de mouvement social qui ont nécessité le déclenchement du service minimum.Cela a touché uniquement le délégataire des transports interurbains, « groupe véolia ».Les autres transporteurs scolaires n’ont pas eu de préavis de grève de déposés.Les règles ont été respectées par les agents se déclarant grévistes et 48h avant, nous étions capable de connaître avec certitude les services non-faits.

Le délégataire a mis en ligne sur son site web, les services dégradés. Les élèves transportés sur les lignes régulières ont été prévenus par SMS sur leurs portables.

Aucune réclamation n’est parvenue pour réclamation de remboursement.

Les conditions de service minimum ont été validées dans la cadre des nouveaux marchés signés pour 7 ans.

 

Seule la société Véolia a négocié avec les organisations syndicales mais aucun accord n’a été signé.

 

Le département n’a pas déterminé de dessertes prioritaires. L’accent a surtout mis sur l’information voyageurs et élèves ce qui semble bien fonctionner.

YVELINES

Comme tous les départements d'Ile de France, les Yvelines ne sont pas autorité organisatrice de transports et n'assurent pas de compétence obligatoire dans ce domaine. Nous ne sommes donc pas concernés par ce questionnaire.

 

 

 

 

 

 

 

SOMME

Dans la pratique, les mouvements de grève sont anecdotiques quant à leur fréquence et leur durée.

Lors du mouvement de grève national du 29 janvier dernier, une information relative à des perturbations éventuelles du réseau a été mise sur le serveur vocal et le site internet du Conseil général, et le transporteur concerné a mis un encart dans la presse écrite locale. Les médias radio ont également relayé l’information.

 

Sans objet pour le moment

Pistes de réflexion envisagées :
- Au niveau des transports scolaires, aucune priorisation n’est envisagée, tous les niveaux d’enseignement s’équivalant.
- Au niveau des lignes régulières, la réflexion porte sur les lignes les plus fréquentées pour lesquelles une desserte matin et soir serait assurée selon le pourcentage de gréviste constaté dans l’entreprise.

VAR

Le titulaire est tenu d'assurer la continuité des services et des missions précisées dans les bons de commande quelles que soient les circonstances sauf cas de force majeure ou de grève de son personnel.En cas de grève de son personnel, le titulaire devra, conformément aux dispositions de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, assurer un service minimum dont les principes sont définis comme suit :services scolaires à destination des lycéens services scolaires en période d’examens pour chacune des lignes quotidiennes, services dont les départs sont compris dans les plages horaires 6h30-8h30 et 17h-18h30. Tout service minimum exécuté le matin (aller) doit être complété par un service l’après-midi (retour). Le service doit être conforme dans son intégralité à sa définition en condition normale de fonctionnement.

pas de suppression de service au cours de ces dernières grèves

Dans les faits nous n'avons à ce jour pas eu besoin d'appliquer ces mesures. .

 

 

Des établissements ont fait pression pour que nous supprimions les services afin d'éviter d'avoir des élèves. Ce que nous avons refusé.

 

HAUTE VIENNE

 

 

 

 

 

 

 

Le cg 87 a délibéré sur les dessertes prioritaires et les niveaux de service, en excluant des dispositions les difficultés liées à des phénomènes meteo, fussent-elles prévisibles. Les entreprises ont vraisemblablement mis en place leur PTA....Pas de problèmes concrets rencontrés.

Essonne

En Ile-de-France, les départements ne sont pas concernés par ces dispositions, la compétence en matière de transports relevant du Syndicat de Transports d'Ile-de-France (STIF)

HAUTS- DE- SEINE

A l’instar des autres départements de l’Ile de France, le Conseil général des Hauts-de-Seine n'est pas concerné pas ces dispositions.

Source : Assemblée des Départements de France

1 () Page 39 du rapport n° 107 – Juillet 2007 de M. Jacques Kossowski.

2 () En octobre 2008, les 7 régions ayant signé un avenant ou intégré le plan étaient l’Alsace, l’Aquitaine, la Bretagne, la Franche Comté, PACA, Rhône-Alpes et la Corse. Approbation par le Préfet de Région : Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Haute-Normandie, Languedoc Roussillon, Midi Pyrénées, Picardie, Poitou-Charentes.

3 () Il s’agit d’un enjeu fondamental car toute la vie personnelle des roulants est organisée en fonction de cela pour les six mois à venir.

4 () Réforme de la réglementation du travail à la SNCF.

5 () Yves Saint-Jours-DALLOZ 1998 page 168.

6 () Valérie Bernaud-Droit Social décembre 2007; page 1226

7 () Le Figaro – mardi 10 février 2009


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