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N° 1829

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) (1)

sur le financement des services départementaux
d’incendie et de secours (SDIS)

et prÉsentÉ

par MM. Georges GINESTA, Bernard DEROSIER et Thierry MARIANI

Députés

___

MM. Georges TRON et David HABIB

Présidents.

____

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Georges Tron, David Habib, Présidents ; M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances de l’économie générale et du Plan, M. Gilles Carrez, Rapporteur général ; MM. Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Richard Dell’Agnola, Yves Deniaud, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Laurent Hénart, Jean Launay, François de Rugy, Philippe Vigier.

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MEC 5

INTRODUCTION 11

I.– LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES COMPÉTENCES 15

A.– UNE GOUVERNANCE CARACTÉRISÉE PAR UNE COMPLEXITÉ ADMINISTRATIVE ET FINANCIÈRE ET UN ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES 15

B.– « COUPER LE CORDON OMBILICAL » DANS LES RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET LES SDIS 17

1.– La sécurité civile doit-elle encore faire partie des pouvoirs de police administrative dévolus au préfet et au maire ? 17

a) Les pouvoirs de police administrative dévolus au préfet et au maire en matière de sécurité civile sont devenus en grande partie virtuels 17

b) Schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) : clarifier les rôles 19

c) Mettre le Fonds d’aide à l’investissement des SDIS (FAI) au service de la mutualisation 22

2.– La direction de la Sécurité civile assure la réglementation en matière de sécurité civile alors que ce sont les collectivités qui en supportent le coût 23

a) L’inflation normative n’a pas épargné la sécurité civile 23

b) La conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), instaurée par la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, ne joue pas son rôle 25

c) Quelques illustrations récentes du fonctionnement de la CNSIS 26

C.– LE PRINCIPE « QUI PAIE COMMANDE » DOIT CONDUIRE À UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES SDIS DANS LES CONSEILS GÉNÉRAUX 28

1.– Mettre les conseils généraux en mesure de piloter réellement les SDIS, dont les dépenses sont en grande partie « auto-prescrites » 29

a) Le principe de dissociation des compétences opérationnelles et de gestion 29

b) Le directeur départemental joue un rôle central dans le SDIS 31

c) Les conseils généraux doivent disposer d’outils statistiques permettant de comparer les SDIS entre eux 32

2.– Mieux mutualiser les moyens des SDIS avec ceux des conseils généraux 34

3.– Engager réellement la mutualisation entre les SDIS 35

II.– LA BONNE COORDINATION ENTRE LES SDIS, LES SAMU ET LES AMBULANCIERS RESTE ENCORE À ÉTABLIR 37

A.– LA DÉFINITION LÉGISLATIVE DES MISSIONS DES SDIS DOIT ÊTRE ACTUALISÉE ET PRÉCISÉE 37

B.– LE RÉFÉRENTIEL COMMUN DE SECOURS À PERSONNE DEVRAIT RELEVER DE LA LOI 39

C.– LES INTERVENTIONS DES SDIS POUR CARENCE HOSPITALIÈRE NE DOIVENT PAS DEVENIR LA RÈGLE 42

D.– LES RECRUTEMENTS D’INFIRMIERS DE SAPEURS-POMPIERS ONT ÉTÉ PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉS AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 45

III.– LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DES SDIS EST LA CONDITION D’UN FINANCEMENT SOUTENABLE 47

A.– LE GEL DES CONTINGENTS COMMUNAUX NE DOIT PAS ABOUTIR À UN REPORT DE CHARGE SUR LES DÉPARTEMENTS 47

B.– LA « FISCALISATION » DES SDIS 48

C.– LA RECHERCHE D’AUTRES SOURCES DE FINANCEMENT 49

IV.– LES SAPEURS-POMPIERS : GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET FORMATION 52

A.– LES EFFECTIFS DE SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS ONT AUGMENTÉ DE 10 000 DEPUIS LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION DE 1996 52

B.– L’ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS SUR LA BASE DE GARDES DE 24 HEURES N’EST PLUS ADAPTÉE 53

C.– LA FILIÈRE DES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS EST TRÈS SPÉCIFIQUE AU REGARD DU RESTE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE 55

D.– LES DÉPENSES DE PERSONNEL CONSTITUENT LE PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSE DES SDIS 57

E.– TROUVER LE BON ÉQUILIBRE ENTRE LES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS ET VOLONTAIRES 59

F.– LA FORMATION DES SAPEURS-POMPIERS 60

1.– Le poids de la formation des sapeurs-pompiers 60

2.– L’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) : une école administrée par l’État et financée par les collectivités territoriales 62

3.– La multiplication des écoles de formation des SDIS 64

4.– Le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) peut fournir un apport appréciable à la formation des sapeurs-pompiers 64

EXAMEN EN COMMISSION 67

ANNEXES

I.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 75

II.– COMPTE RENDU DES AUDITIONS 77

III.– ÉLÉMENTS DE COMPARAISON SUR LA SÉCURITÉ CIVILE DANS QUELQUES PAYS EUROPÉENS (ALLEMAGNE, ROYAUME-UNI, ITALIE, SUÈDE) ET EN FRANCE 192

IV.– CONTRIBUTIONS REÇUES (organisations représentatives de sapeurs pompiers, chambre nationale des services d’ambulances, direction générale des Finances publiques (DGFiP) sur la fiscalisation des SDIS) 207

Liste des propositions de la MEC

A.– Sur la gouvernance des SDIS

Proposition n° 1 : Clarifier les compétences en matière de sécurité civile afin que l’État remplisse ses attributions dans :

– la définition du cadre institutionnel et la réglementation, en assurant le principe d’égalité des citoyens devant le service public ;

– la prévention, en incluant l’action de tous les ministères concernés ;

– l’intervention en complément des services départementaux, notamment avec les moyens aériens et le déminage ;

– la coordination opérationnelle en cas de crise d’ampleur zonale ou nationale.

Proposition n° 2 : S’interroger sur le maintien des services d’incendie et de secours dans le cadre des pouvoirs de police administrative générale dévolus au préfet et au maire, alors qu’en sont dépourvus les présidents de conseils généraux, qui financent majoritairement les SDIS.

Proposition n° 3 : Recentrer les pouvoirs du préfet en matière de sécurité civile. Réserver son action à la coordination des secours en cas de crise et pour la coordination de l’action des SDIS avec les autres services publics (gendarmerie, police, SAMU, CRS…).

Proposition n° 4 : Rendre les conseils généraux responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) et de leur règlement opérationnel, dans le cadre de règles nationales assurant une égalité des citoyens devant le service public.

Proposition n° 5 : Engager la réforme du Fonds d’aide à l’investissement des SDIS (FAI) pour réserver son action à l’investissement des SDIS aux établissements publics interdépartementaux d’incendie et de secours (EPIDIS) ou à toute autre forme de mutualisation entre les SDIS.

Proposition n° 6 : Procéder à un réexamen de l’ensemble des textes réglementaires adoptés par la direction de la Sécurité civile, afin d’en apprécier la nécessité au regard des besoins, des conditions de mise en œuvre par les SDIS et surtout de la charge financière qu’elles représentent pour les collectivités territoriales.

Proposition n° 7 : Inviter le Gouvernement à suivre en principe les avis de la conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) sur les projets législatifs ou réglementaires préparés par la direction de la Sécurité civile.

Proposition n° 8 : Demander à la direction de la Sécurité civile d’établir systématiquement des fiches d’impact sur tous les projets législatifs ou réglementaires qu’elle prépare, avec un délai suffisant pour en permettre une analyse par les collectivités territoriales.

Proposition n° 9 : Modifier la composition de la commission spécialisée chargée des questions relatives aux finances de la CNSIS, afin d’en faire un lieu de concertation entre les représentants de l’État, qui décident, et des collectivités territoriales, qui financent.

Proposition n° 10 : Confier aux présidents de conseils généraux une responsabilité pleine et entière sur leur SDIS, tant pour la gestion qu’en matière opérationnelle.

Proposition n° 11 : Renforcer l’autorité des conseils généraux sur les SDIS en généralisant la conclusion de conventions, sur la base d’un modèle harmonisé au niveau national.

Proposition n° 12 : Faire du directeur et du directeur adjoint de SDIS des emplois fonctionnels dont la nomination et la révocation dépendraient exclusivement du président du conseil d’administration du SDIS ;

Proposition n° 13 : Demander à la direction de la Sécurité civile de :

– développer et mettre à disposition des SDIS des référentiels et des outils statistiques et d’analyse, afin de permettre aux SDIS de se comparer entre eux sur tous les aspects opérationnels et de gestion ;

– définir un nouveau classement des SDIS en fonction non seulement de leur taille mais aussi de la typologie des risques auxquels ils sont plus particulièrement exposés ;

– alimenter de façon actualisée les différentes bases de données existant auprès des différentes instances européennes et internationales en matière de sécurité civile.

Proposition n° 14 : Favoriser toute forme de mutualisation entre les SDIS et les services du conseil général dans les fonctions support, comme la gestion immobilière, la gestion des ressources humaines, les achats, les systèmes d’information, les ateliers de réparation ou la gestion financière et comptable.

Proposition n° 15 : Lever les freins juridiques empêchant les départements d’épauler les SDIS dans leurs missions pour la conduite de travaux immobiliers.

Proposition n° 16 : Lever les freins juridiques faisant obstacle à la mise en réseau des compétences dont disposent les départements et les SDIS : faciliter les mises à disposition et la fourniture de prestations de services, ainsi que la création d’organismes de services communs de gestion.

Proposition n° 17 : Promouvoir toute forme de coopération entre SDIS permettant la mutualisation de certaines fonctions, comme les achats ou la formation.

B.– Sur les relations entre les SDIS, les SAMU et les ambulanciers privés

Proposition n° 18 : Définir précisément dans le code général des collectivités locales (CGCT) les missions des SDIS, qu’elles soient exclusives, partagées ou facultatives ;

Proposition n° 19 : Demander à la direction de la Sécurité civile d’établir des statistiques sur l’activité des SDIS qui soient en concordance avec les principales missions assignées aux SDIS par la loi.

Proposition n° 20 : Redéfinir précisément dans le cadre législatif du code général des collectivités territoriales (CGCT) le partage des missions de secours à personne et d’aide médicale d’urgence entre les SDIS et les SAMU.

Proposition n° 21 : Conclure dans chaque département une convention en matière de transport de malades associant le SAMU, le SDIS et les ambulanciers privés, afin d’assurer avec des coûts optimaux une couverture temporelle et géographique adéquate, une qualité de service équivalente et des délais d’intervention à définir ;

Proposition n° 22 : Assurer le remboursement au coût réel des activités de transport de malades effectuées par les SDIS en cas de carence des ambulanciers privés.

Proposition n° 23 : Opérer un recrutement des infirmiers du service de santé et de secours médical (SSSM) des SDIS strictement nécessaire aux actes médicaux qu’ils peuvent fournir dans le cadre de leurs compétences, en veillant à à éviter les doublons avec la couverture territoriale des SAMU.

C.– Sur le financement des SDIS

Proposition n° 24 : Assurer une maîtrise de l’évolution des dépenses des SDIS afin que, comme les communes, les contributions des départements n’augmentent pas au-delà de l’inflation, faute de quoi le report de charge induit sur les finances des départements ne serait pas soutenable.

Proposition n° 25 : Assurer une « fiscalisation » des dépenses des SDIS par la création d’une fiscalité additionnelle aux impôts locaux affectée aux SDIS, dont le produit viendrait, lors de sa création, en déduction des prélèvements des départements, des intercommunalités et des communes.

Proposition n° 26 : Effectuer une pause dans le recrutement des sapeurs-pompiers professionnels.

D.– Sur les sapeurs pompiers et la formation

Proposition n° 27 : Demander à la direction de la Sécurité civile d’effectuer un recensement des sapeurs-pompiers employés actuellement de façon interne par les entreprises.

Proposition n° 28 : S’interroger sur l’organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels et son adéquation aux besoins de l’activité opérationnelle. Envisager la possibilité d’une évolution du système actuellement majoritaire de gardes de 24 heures vers des régimes plus souples de 12, 10 ou 8 heures, correspondant mieux à la sollicitation opérationnelle tout au long de la journée et permettant une présence plus fréquente des sapeurs-pompiers professionnels sur leur lieu de travail.

Proposition n° 29 : Revoir dans ce cadre la planification des tâches des sapeurs-pompiers professionnels tout au long de la journée de travail, afin que l’évolution du régime de gardes engendre une réelle économie de ressources humaines.

Proposition n° 30 : Faire entrer, autant que possible, la gestion des ressources humaines et les rémunérations des personnels des SDIS dans le droit commun applicable aux fonctionnaires territoriaux, avec l’instruction des projets réglementaires par la direction Générale des collectivités territoriales (DGCL).

Proposition n° 31 : Définir des outils d’analyse communs permettant aux SDIS de définir les proportions optimales de sapeurs-pompiers volontaires et professionnels.

Proposition n° 32 : Encadrer le double statut de sapeur-pompier volontaire et professionnel.

Proposition n° 33 : Revoir les référentiels de formation, en favorisation la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle et le maintien des capacités au cours des pratiques opérationnelles.

Proposition n° 34 : Proportionner, pour les techniques spécialisées, les formations aux utilisations qui sont effectivement effectuées par les personnes formées dans le cadre de leur pratique opérationnelle.

Proposition n° 35 : Donner au conseil d’administration de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) une majorité des sièges aux représentants des collectivités territoriales, qui en assurent déjà le financement majoritaire.

Proposition n° 36 : Favoriser la collaboration entre l’ENSOSP et le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), notamment dans l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’établissement.

Proposition n° 37 : Favoriser la mutualisation des écoles départementales de formation des sapeurs-pompiers, notamment pour la construction des plateaux techniques.

Proposition n° 38 : Favoriser la collaboration entre les écoles départementales de sapeurs-pompiers et le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), notamment dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs plans de formation, afin de permettre un meilleur taux de retour des moyens financiers ainsi mis à disposition.

INTRODUCTION

À la suite du constat établi par le Rapporteur spécial Georges Ginesta sur la mission Sécurité civile (2) d’une dérive importante des dépenses des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), la commission des Finances a décidé, à l’automne 2008, de consacrer une Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) au financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

Trois Rapporteurs ont été désignés afin d’assurer l’équilibre des points de vue :

– le Rapporteur spécial de la commission des Finances pour la mission Sécurité civile M. Georges Ginesta, qui est de plus membre de la commission nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) ;

– M. Thierry Mariani, Rapporteur pour avis sur la Sécurité civile au nom de la commission des Lois, qui a également été le rapporteur de la commission des Lois sur la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ;

– et M. Bernard Derosier, membre de la commission des Lois, également membre de la CNSIS et président du conseil général du Nord, président du conseil d’administration du SDIS, le plus important de France.

Les députés chargés du présent rapport représentent à la fois les deux commissions les plus concernées et les deux groupes politiques les plus importants de l’Assemblée nationale, assurant ainsi le caractère consensuel qui prévaut dans les travaux de la MEC.

Il s’agit, dans l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), de veiller à ce que les SDIS, qui sont des établissements publics départementaux placés sous l’autorité des conseils généraux, définissent les conditions d’une dépense la plus efficace possible engagée pour la sécurité civile. Les Rapporteurs ne peuvent que se féliciter de la déclaration devant la MEC le 9 juin 2009, de Mme Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur : « notre volonté commune, surtout en période difficile, c’est que chaque euro qui nous est confié soit utilisé au mieux pour assurer un service public auquel les Français sont extrêmement attachés. » Il reste à examiner dans quelle mesure cet engagement est réellement mis en œuvre.

Les Rapporteurs rappellent leur attachement au service public rendu par les SDIS : historiquement la lutte contre l’incendie, puis le secours à personne, le traitement des accidents de la circulation ou l’action contre les nouvelles formes de risques (technologiques, industriel…). Tant les secours quotidiens apportés aux personnes et aux biens que les catastrophes naturelles ou industrielles, qui ont frappé notre pays ces dernières années, ont révélé, dans des conditions souvent dramatiques, l’utilité de cette mission aux yeux de nos concitoyens. Ceux-ci sont en droit d’attendre un haut niveau de protection contre l’ensemble de ces risques.

Les Rapporteurs expriment également avec force leur reconnaissance du rôle des sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, dans leurs tâches difficiles de protection de biens et de sauvetage des victimes, souvent au péril de leur vie. Il n’est aucunement dans leur intention de stigmatiser telle ou telle catégorie de personnel dans l’augmentation constatée des dépenses des SDIS. Cette augmentation a de multiples facteurs, comme il sera exposé plus loin.

La sécurité civile représente un budget de plus de 5,5 milliards d’euros en France. L’État supportera des dépenses à hauteur de 415 millions d’euros dans la loi de finances pour 2009 pour la mission Sécurité civile du ministère de l’Intérieur (418,4 millions d’euros en 2008). Il devrait dépenser près de 550,5 autres millions pour la sécurité civile dans les crédits des autres ministères. – en particulier Agriculture, Écologie et Santé – (523,7 millions d’euros en 2008). Plus de 4,2 milliards d’euros ont été dépensés par les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) selon les comptes de gestion pour 2007. À quoi il faut ajouter les dépenses de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (plus de 300 millions d’euros) et de la brigade des marins pompiers de Marseille (près de 100 millions d’euros).

La départementalisation découlant de la loi du 3 mai 1996 sur les services d’incendie et de secours, qui devait être le cadre de la mutualisation des moyens, a été un facteur d’accroissement considérable des coûts. Alors qu’elle devait s’effectuer de façon budgétairement neutre, leurs dépenses ont augmenté de 245,6 % entre 1996 et 2007 (11 ans). Depuis 2001, date de l’achèvement de la départementalisation des services d’incendie et de secours, leurs dépenses ont continué à augmenter de 45,8 %. En comparaison, le nombre d’interventions des SDIS a augmenté de seulement 8,4 % depuis 2001 (5 % depuis 1999).

Une grande confusion règne sur l’évolution des dépenses des SDIS pour la dernière période connue, entre 2007 et 2008, en raison de la rupture statistique due au passage des comptes administratifs aux comptes de gestion. Alors que l’augmentation des comptes de gestion a, dans un premier temps, été évaluée à 4 % dans la plaquette statistique des SDIS élaborée par la direction de la Sécurité civile (DSC) du ministère de l’Intérieur, elle a été réévaluée à seulement 2 % sur cette période, selon les informations communiquées au Rapporteur spécial Georges Ginesta lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.

En outre les budgets primitifs des SDIS pour 2008, votés par les conseils généraux, ont augmenté de 4 % en un an sur la même période(3).

Le système institutionnel actuel de gestion à trois, avec l’État, les sapeurs-pompiers et les représentants des élus locaux, n’est pas satisfaisant. Il a conduit aux dérives budgétaires constatées depuis la loi de départementalisation de 1996 et qui ont perduré après 2001.

Si aucune déficience grave de la gestion des crises ou de la délivrance des secours n’a été relevée - et on ne peut que s’en féliciter - peut-on dire que ce grand service public est piloté alors qu’il ne maîtrise pas ses coûts dans de telles proportions ? Nos concitoyens seraient en droit de nous demander des comptes collectivement – État, sapeurs-pompiers et élus locaux – pour une augmentation des dépenses des SDIS qui n’est pas justifiée par l’augmentation à due concurrence des risques ou des interventions et qui pourrait devenir incompatible avec leur capacité contributive.

La MEC a procédé à quatre matinées d’auditions sur : les acteurs locaux de la sécurité civile ; le pilotage national de la sécurité civile ; le financement des SDIS ; et les sapeurs-pompiers et la formation. Les comptes rendus de ces auditions sont publiés en annexe au présent rapport. La MEC a en outre reçu de nombreuses contributions écrites, dont elle publie une sélection en annexe, notamment celles des organisations représentatives de sapeurs-pompiers.

Le rapport étudiera successivement : la gouvernance des SDIS ; les relations entre les SDIS, les services d’aide médicale urgente (SAMU) et les ambulanciers privés ; les conditions d’un financement soutenable des SDIS ; la gestion des ressources humaines et la formation des sapeurs-pompiers et la formation.

I.– LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES COMPÉTENCES

A.– UNE GOUVERNANCE CARACTÉRISÉE PAR UNE COMPLEXITÉ ADMINISTRATIVE ET FINANCIÈRE ET UN ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES

Historiquement les services d’incendie et de secours ont été constitués sur la base de corps communaux, en application des lois des 16 et 24 août 1790 de l’Assemblée nationale constituante. La réglementation de l’État est également intervenue très tôt, avec notamment le règlement de 1815 sur les compagnies municipales de sapeurs-pompiers. L’organisation des corps communaux de sapeurs-pompiers a été harmonisée par l’État en 1875 et un règlement de 1953 fixe le statut des sapeurs-pompiers communaux.

La loi de 1996 a généralisé les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), sous le statut d’établissements publics départementaux, à partir des corps communaux de sapeurs-pompiers et d’établissements publics départementaux qui préexistaient dans certains départements.

Le rôle des associations de sécurité civile (Croix Rouge…) n’est pas négligeable dans notre pays. La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a prévu une procédure d’agrément et a encadré les modalités d’action des bénévoles. Ils jouent un rôle important dans les grands rassemblements de personnes.

Treize ans après la loi de 1996, le mode de gouvernance des SDIS doit à l’évidence être revu. Le rapport de mars 2008 de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration parle à juste titre d’une « complexité administrative et financière », d’un « enchevêtrement des compétences » et de « l’exigence d’outils de maîtrise de la dépense », et l’on ne peut que faire un lien entre ces constats. Le statu quo ne peut que conduire à l’imposition de charges nouvelles (personnel, matériel, investissement…). Il constitue une solution de confort tant pour l’État, qui réglemente et laisse les collectivités territoriales supporter le financement, que pour les sapeurs-pompiers, qui tirent parti de la multiplicité des décideurs et s’appuient sur leur popularité auprès de la population pour pousser à la dépense.

Coexistent dans le système actuel deux logiques a priori contradictoires d’une politique régalienne de sécurité civile (avec une gestion de crise coordonnée au niveau du ministre de l’Intérieur et des préfets, et des pouvoirs de police délégués au maire) et des moyens opérationnels gérés par les SDIS et financés par les conseils généraux. Les SDIS sont donc soumis à leur « double tutelle ».

Deux grandes options d’évolution du système de gouvernance s’offrent alors à nous : soit une prise en charge complète des SDIS par les conseils généraux, en allant au bout de la démarche de départementalisation, soit une reprise par l’État de la compétence (« couper le cordon ombilical » versus « retour de l’État »).

Si la première option ne réussit pas, on n’aurait d’autre choix que d’être d’accord avec la proposition de loi déposée le 18 décembre 2008 par notre collègue député Jean-François Mancel et tendant à « rétablir les compétences de l’État en matière d’incendie et de secours ».

Quel est encore le sens de l’article 1er de la loi du 13 août 2004 sur la modernisation de la sécurité civile qui dispose que : « l’État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national. Il en définit la doctrine et en coordonne les moyens » ?

Le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile (DSC), a déclaré lors de son audition devant la MEC qu’il avait compris que des élus ne veulent plus d’une situation où on leur demande seulement de « régler la facture ». Il a indiqué qu’il avait revu complètement le mode de fonctionnement de la DSC, afin d’établir un mécanisme de liaison permanent avec l’Assemblée des départements de France (ADF). Le directeur indiquait que l’État ne peut se résoudre à accepter la dérive des dépenses ; il lui faut être très attentif aux aspects budgétaires et discuter afin de trouver des gisements d’économies.

Pour sa part, Mme Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, auditionnée par la MEC le 9 juin dernier, a semblé très en retrait. Sur l’augmentation importante des dépenses d’incendie et de secours et des effectifs de sapeurs-pompiers professionnels, elle citait une étude récente menée auprès de douze pays européens pour conclure que nous nous situons aujourd’hui plutôt au bas de l’échelle des coûts, alors que nos besoins sont importants. La ministre estimait que le rythme de progression des dépenses se rapproche désormais de l’inflation, et devient plus raisonnable : « en somme, nous ne sommes pas les plus dépensiers et nous dépensons de moins en moins ».

Mme Alliot-Marie l’État rappelait que la loi confie à « l’État le devoir d’assurer le principe républicain de l’égalité des citoyens devant le service public, en vertu duquel tout citoyen, où qu’il soit sur le territoire national, et a fortiori s’il est en situation de détresse, est assuré de recevoir le même service. ». Le ministre justifiait par ce principe l’ensemble des compétences dévolues à l’État en matière de sécurité civile, et s’opposait à toute évolution éventuelle des responsabilités des conseils généraux en ce domaine.

Les Rapporteurs estiment qu’il faut envisager une clarification des compétences. Le rôle de l’État doit être réaffirmé dans la définition du cadre institutionnel et la réglementation, dans la prévention, dans les interventions en complément des services départementaux et dans la coordination opérationnelle en cas de crise d’ampleur zonale ou nationale. En contrepartie, les présidents de conseil généraux prendraient pleinement en charge les activités opérationnelles dans le cadre du département, comme il sera exposé plus loin.

Proposition n° 1 : Clarifier les compétences en matière de sécurité civile afin que l’État remplisse ses attributions dans :

– la définition du cadre institutionnel et la réglementation, en assurant le principe d’égalité des citoyens devant le service public ;

– la prévention, en incluant l’action de tous les ministères concernés ;

– l’intervention en complément des services départementaux, notamment avec les moyens aériens et le déminage ;

– la coordination opérationnelle en cas de crise d’ampleur zonale ou nationale.

B.– « COUPER LE CORDON OMBILICAL » DANS LES RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET LES SDIS

1.– La sécurité civile doit-elle encore faire partie des pouvoirs de police administrative dévolus au préfet et au maire ?

a) Les pouvoirs de police administrative dévolus au préfet et au maire en matière de sécurité civile sont devenus en grande partie virtuels

Chaque SDIS est administré par un conseil d’administration élu pour trois ans par les collectivités territoriales et composé majoritairement de représentants du conseil général. Son président est le président du conseil général ou son représentant (en général un vice-président du conseil général). Le préfet ou son représentant assiste de plein droit aux séances du conseil d’administration du SDIS.

L’article L. 1424-3 et 4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que : « les SDIS sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police ». « Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du SDIS ». On peut se demander s’il faut continuer à inclure la sécurité civile dans la compétence du maire et du préfet en matière de police, alors que les SDIS sont désormais financés majoritairement par les conseils généraux.

Les pouvoirs de police dévolus au maire sont éclatés en plusieurs polices spécialisées. Sans parler de la police judiciaire, la police administrative comprend la police générale de la tranquillité, de la salubrité et de la sécurité publiques. Elle comprend aussi les polices spéciales, à but très particulier, telles les polices des chemins de fer, maritime, aéronautique ou des spectacles.

Le rattachement historique de la sécurité civile aux pouvoirs de police administrative est largement vidé de tout contenu. En matière de police, les pouvoirs du maire sont devenus virtuels. Le fondement de ces pouvoirs est d’ailleurs pour le moins complexe, pour partie au nom de l’État et pour partie en fonction de pouvoirs propres, comme l’a rappelé à maintes reprises le juge administratif. Depuis la départementalisation, les maires ne sont en général plus prévenus en cas de sinistre. M. Jean-Paul Bacquet, maire de Coudes, représentant l’Association des maires de France (AMF), déclarait devant la MEC : « le maire exerce-t-il son pouvoir de police ? Souvent, quand il y a un litige dans sa commune, ou un incendie, le maire l’apprend le lendemain dans le journal. Et s’il se rend sur place parce qu’il a été prévenu, il risque d’être invité à quitter les lieux pour ne pas empêcher de travailler ceux qui savent ! Nous sommes prêts à assumer ce pouvoir de police, mais encore faut-il qu’on nous le reconnaisse. » Le paradoxe est que le département est le principal contributeur des SDIS, mais n’a pas de compétence en matière de police(4).

Les Rapporteurs estiment que le temps est venu de détacher des pouvoirs de police administrative la partie consacrée aux services d’incendie et de secours, tout au moins dans les départements où il n’existe plus de centre de première intervention (CPI) placés auprès des communes ou des intercommunalités. Il ne s’agit bien sûr pas de supprimer les pouvoirs de police du maire et du préfet, mais de les faire évoluer pour mieux correspondre à ce qui est réellement exercé.

Il est troublant que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), qui d’habitude met en avant le caractère spécifique de l’activité des SDIS, soit un ardent défenseur du rattachement de la sécurité civile à la police administrative générale… Serait-ce parce que la « double tutelle » engendrée par ce rattachement permettrait aux sapeurs-pompiers de jouer sur l’enchevêtrement des compétences, et donc d’affirmer leur rôle ?

Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié le 17 juin 2008 aurait pu être l’occasion de lever certaines incertitudes conceptuelles. Il n’a fait que les accentuer. Il y est fait référence, de manière désordonnée, aux notions de sécurité, sécurité nationale, sécurité extérieure, sécurité intérieure, sécurité civile, protection civile ou défense civile, sans que ces concepts soient définis avec précisions les uns par rapport aux autres. Si à l’évidence la notion de sécurité nationale englobe celles de sécurité intérieure et de sécurité civile, en revanche le doute persiste sur le positionnement de la sécurité civile par rapport à la sécurité intérieure. La mise en chantier d’un code de la sécurité intérieure peut nourrir des inquiétudes à cet égard. À la différence de la loi de 1996 sur la départementalisation des SDIS, qui a été intégrée dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), nombre de dispositions non codifiées de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 pourraient alors se retrouver, dans une logique de codification, dans ce futur code de la sécurité intérieure. Les Rapporteurs estiment que les dispositions relatives à la sécurité civile, s’agissant de dispositifs mis en œuvre au niveau des départements, ont toute leur place dans le CGCT.

Proposition n° 2 : S’interroger sur le maintien des services d’incendie et de secours dans de cadre des pouvoirs de police administrative générale dévolus au préfet et au maire, alors qu’en sont dépourvus les présidents de conseils généraux, qui financent majoritairement les SDIS.

b) Schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) : clarifier les rôles

Les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) sont élaborés par les directeurs départementaux sous l’autorité des préfets, alors que ce sont les conseils généraux qui en assument le financement. Ces schémas sont régis par l’article L. 1424-7 du CGCT : « Un SDACR dresse l’inventaire des risques de toute nature pour la sécurité des personnes et des biens auxquels doivent faire face les services d’incendie et de secours dans le département, et détermine les objectifs de couverture de ces risques par ceux-ci. Le SDACR est élaboré, sous l’autorité du préfet, par le SDIS. Après avis du conseil général, le représentant de l’État dans le département arrête le SDACR sur avis conforme du conseil d’administration du SDIS. »

Le SDACR, qui recense les risques, est complété dans chaque département par un règlement opérationnel, qui élabore le schéma d’organisation des secours dans le département et dicte la mise en œuvre opérationnelle.

L’article L. 1424-4 du CGCT dispose : « Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du SDIS. »

Il est à noter que, lors de l’examen de la loi de départementalisation des SDIS de 1996, qui a établi ce texte, plusieurs députés avaient demandé, en vain, de soumettre le règlement opérationnel à l’avis conforme du conseil d’administration du SDIS.

Le SDACR correspond à une double nécessité : fournir des règles d’analyse permettant d’évaluer l’adéquation des moyens de secours par rapport à la réalité des risques du département ; permettre de faire des choix d’acquisition de moyens et d’implantation des centres d’incendie et de secours grâce à des grilles d’évaluation nationales.

Malgré trois circulaires (5) et douze tomes d’annexes, l’État n’a jamais édicté de façon claire comment recenser les risques et analyser l’adéquation des moyens à ces risques. Ces circulaires datent d’avant la départementalisation des SDIS. Au demeurant, elles ne sont pas toujours suivies d’effet dans ses préconisations, aux dires des représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) lors de leur audition par la MEC. Ainsi les dispositions réglementaires du CGCT (art. R. 1424-39) relatives aux obligations des centres de secours datent de la gestion au niveau communal, à une époque où les incendies constituaient le cœur de métier. Elles sont maintenant un frein à l’allocation optimale des ressources dans le cadre de chaque SDACR.

Au fil des ans, le SDACR s’est transformé, d’un document technique normatif en un document d’orientation générale. Les délais d’intervention prévus sont, selon les cas, impératifs ou indicatifs, voire « approximatifs ». Le rapport de la mission conjointe de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des finances de mars 2008 appelait la DSC à revoir et compléter l’encadrement réglementaire des SDACR par un renforcement des éléments de définition des principaux documents et de leur révision. Or toutes les personnes auditionnées par la MEC ont insisté sur les conséquences financières des dispositions du SDACR : maillage territorial en centres de secours, effectifs de sapeurs-pompiers acquisitions de matériels… La Cour des comptes, dans son rapport public de 2005 issu du travail des chambres régionales des comptes, notait que le calcul des effectifs de sapeurs-pompiers nécessaires, tels qu’effectués dans les SDACR, était rarement motivé ou justifié.

Le colonel Philippe Berthelot, directeur du SDIS de Loire Atlantique, a confirmé lors de son audition devant la MEC les conséquences des SDACR en termes d’équipement et d’effectifs. Le colonel Richard Vignon, président de la FNSPF, a précisé que, plus que le temps passé en opération, c’est « le niveau de couverture des risques (délais d’intervention, maillage territorial) choisi par les autorités de tutelle (élus, préfet), en particulier dans le cadre du SDACR, qui est le principal déterminant des effectifs de sapeurs-pompiers. ».

C’est le directeur départemental du SDIS qui dispose de l’expertise pour préparer le SDACR. Le préfet évalue-il les conséquences financières du SDACR quand il le soumet au président du conseil général ? De nombreux élus dénoncent le biais systématique des SDACR qui ont tendance à couvrir très largement les risques. Le préfet est tenté d’alourdir le SDACR, pour ne pas être tenu pour responsable d’un risque qui ne serait pas couvert. Les présidents de conseils généraux, qui disposent d’un avis conforme, sont réticents à rejeter les propositions du directeur départemental du SDIS et du préfet, pour les mêmes raisons.

À l’opposé, les SDACR ont tendance à ne pas s’engager sur des obligations de résultat, avec la « judiciarisation » croissante de nos sociétés, et la peur de contentieux déclenchés par des victimes. La responsabilité des SDIS est en effet de plus engagée devant les tribunaux.

Le SDACR devrait permettre aux SDIS de s’adapter en permanence aux changements face à toute évolution des risques. Or la Cour des comptes dans son rapport public de 2005 indiquait que, pour les risques courants, la culture qui prédomine dans les SDIS est celle de la lutte contre le feu. Les SDACR ne lui paraissent pas avoir organisé le service en fonction de l’évolution représentée par la prédominance du secours à personne.

La justification du rôle du préfet dans la sécurité civile (SDACR et gestion des crises) mérite réflexion. Le préfet exerce-t-il réellement les pouvoirs qui lui sont ainsi confiés ou sont-ils de fait délégués au directeur du SDIS ? Le sénateur Éric Doligé a estimé, devant la MEC, que le rôle du préfet est en grande partie théorique, car, de fait, le préfet - et le maire - se déplacent rarement sur les sites d’opérations et délèguent en grande partie aux directeurs de SDIS les prérogatives qui sont les leurs en matière de prévention et gestion de crise.

Que dire des nombreux cas où les préfets font appel aux SDIS pour des opérations qui excèdent le cadre de leurs missions : mettre en place un dispositif préventif après autorisation d’une rave-party, faire nettoyer les plages polluées par les hydrocarbures, transporter vers des laboratoires spécialisés des échantillons de produits susceptibles de véhiculer l’anthrax, ou encore débarrasser une rivière de poissons morts ? L’enchevêtrement des compétences atteint son comble quand, aux dires du directeur de la Sécurité civile, les SDIS travaillent à 30 % pour l’État en matière de prévention des risques.

Au plan institutionnel, la liberté des collectivités territoriales s’est révélée très vite plus fictive que réelle, dès lors que la décision de création (ou de suppression) d’un corps de sapeurs-pompiers est subordonnée à une décision préfectorale, et que les dépenses d’incendie et de secours sont des dépenses obligatoires.

Le rôle des préfets est sans doute plus justifié dans l’élaboration et dans la mise en œuvre des plans de prévention des risques, dont le zonage gagne à être effectué par l’État, avec la collaboration des collectivités territoriales : plans particuliers d’intervention (PPI), plan ORSEC, plans rouges, plans de secours spécialisés…

Il faudra suivre avec attention la façon selon laquelle les préfets (de zone et de département) mettront en œuvre les pouvoirs accrus qui leur seront confiés en matière de sécurité civile dans le livre blanc de la défense et la sécurité nationale. Que seront les futures zones de défense et de sécurité et quelles seront les conséquences en matière de sécurité civile ? Assistera-t-on à un « retour de l’État » dans le dispositif de sécurité civile ?

LES POUVOIRS DU PRÉFET EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ CIVILE

Proposition n° 3 : Recentrer les pouvoirs du préfet en matière de sécurité civile. Réserver son action à la coordination des secours en cas de crise et pour la coordination de l’action des SDIS avec les autres services publics (gendarmerie, police, SAMU, CRS…).

Proposition n° 4 : Rendre les conseils généraux responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) et de leur règlement opérationnel, dans le cadre de règles nationales assurant une égalité des citoyens devant le service public.

c) Mettre le Fonds d’aide à l’investissement des SDIS (FAI) au service de la mutualisation

Créé en 2003 par l’article L. 1424-36 du CGCT, le Fonds d’aide à l’investissement des SDIS (FAI) est réparti entre les zones de défense. Il est distribué par les préfets de zone entre les SDIS concernés, en vue de l’acquisition d’équipements et matériels préconisés par la DSC et présentant un intérêt dans les différents domaines opérationnels. 

Les règles de dépense et de répartition du Fonds d’aide à l’investissement des SDIS (FAI) ne sont par satisfaisantes. De nombreux élus parlent à cet égard de « petits arrangements entre amis » … La réforme en cours de ce fonds doit permettre de passer d’un système de saupoudrage à une orientation de l’investissement structurant. L’État s’est-il privé d’un levier important en réduisant fortement la dotation de ce fonds au cours des dernières années (de 60 à 20 millions d’euros) ? Au contraire le processus de départementalisation poussé à son terme ne devrait-il pas aboutir à une disparition de ce fonds ?

M. Bernard Niquet, préfet de la zone de défense Est et de la région Lorraine, confirmait devant la MEC que le FAI aboutissait à un tel saupoudrage. Il citait le cas du subventionnement par l’État de l’acquisition de 70 à 80 véhicules de feu, mais qui ne peuvent être mobilisés dans d’autres zones pendant la période de feu (juillet août), faute de sapeurs-pompiers pour les armer.

Proposition n° 5 : Engager la réforme du Fonds d’aide à l’investissement des SDIS (FAI) pour réserver son action à l’investissement des SDIS aux établissements publics interdépartementaux d’incendie et de secours (EPIDIS) ou à toute autre forme de mutualisation entre les SDIS.

2.– La direction de la Sécurité civile assure la réglementation en matière de sécurité civile alors que ce sont les collectivités qui en supportent le coût

a) L’inflation normative n’a pas épargné la sécurité civile

Le rapport du Sénateur Alain Lambert sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales, élaboré en novembre 2007 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), dressait un constat sévère qui est particulièrement applicable à la sécurité civile : « inflation normative », « absence de recensement des textes réglementaires », « absence d’évaluation préalable en termes de coûts et de complexité ». Le rapport précisait que « les collectivités locales veulent être mieux associées aux processus de décision afin de faire valoir le point de vue du financeur et du responsable de la mise en œuvre. » Il appelait à un réexamen du « stock » normatif et à une association des collectivités aux processus de production réglementaire de l’État, de normalisation professionnelle - et même de décision communautaire.

Ce constat est très largement partagé par les élus en matière de sécurité civile. L’État assure la réglementation et en présente la note aux collectivités territoriales, que ce soit en gestion des ressources humaines (organisation du temps de travail, gestion des filières et des carrières, régimes indemnitaires, retraites), pour les réglementations techniques ou opérationnelles ou pour la négociation des normes européennes. L’exemple qui a frappé les esprits est le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels. Pris sans concertation préalable avec les élus, il impose la mise en œuvre de la réduction du temps de travail à une profession qui est organisée selon des principes très spécifiques, avec notamment un régime de gardes de 24 heures. Il a eu pour conséquence de réduire en moyenne de 130 à 90 le nombre annuel de gardes effectuées… Sans remettre en cause la réduction du temps de travail, qui a force légale dans notre pays, une plus grande concertation avec l’Association des maires de France (AMF) et l’Assemblée des départements de France (ADF) aurait sans doute abouti à définir des modalités de mise en œuvres plus adaptées.

Les exemples de réglementation relative à la sécurité civile ne font pas défaut :

– multiples réglementations sur les tenues, insignes ou équipements de protection des sapeurs-pompiers (ainsi les gants, faisant passer leur coût de 5 euros à environ 40 euros la paire) ;

– multiples réglementations sur les normes techniques des matériels. Ainsi un arrêté d’avril 2008 oblige les SDIS à recenser tous les poids lourds de plus de 7,5 tonnes mis en circulation entre 2000 et juillet 2008, pour une vérification des rétroviseurs d’angle et d’accostage. Il faut produire une attestation du constructeur indiquant que, soit le rétroviseur est conforme (forme pour l’angle de vision au sol), soit il est à changer. Le coût est estimé à environ 15 000 euros par SDIS ;

– adoption par la DSC de règlements d’instruction et de manœuvre, ainsi que de guides nationaux de référence (GNR) formalisant la doctrine et les techniques professionnelles (manœuvres en forêt, équipes en binômes, port d’appareil respiratoire) et détaillant – parfois à l’excès – les règles de formation ;

– création dans la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 de la prestation de fidélité et de reconnaissance (PFR) des sapeurs-pompiers volontaires, dont le coût annuel de 64 millions d’euros est actuellement supporté pour moitié par les SDIS et par l’État ;

– négociation et conclusion en 2008 du référentiel commun sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale d’urgence, sans association aucune des représentants des présidents de conseils généraux(6).

D’autres projets sont en cours d’examen, comme :

– la restructuration de la filière des sapeurs-pompiers professionnels, à la suite des « accords Jacob » (application du ratio « promu-promouvable », avancement, quotas opérationnels, temps de formation, adaptation de la filière à la réforme territoriale…). Un des SDIS a évalué le coût de ce projet dans son département à plus de 800 000 euros en 2009 ;

– la nouvelle bonification indiciaire (NBI) dans les zones urbaines sensibles (ZUS) ;

– la création d’un grade de général de sapeur-pompier, revendication récurrente des officiers…

Les organisations représentatives de sapeurs-pompiers ont, dans les documents transmis à la MEC à l’occasion de leur audition, exprimé d’autres revendications relatives au temps de travail (égalité d’une heure de garde et d’une heure travaillée) ou à l’aménagement des fins de carrière (l’âge de la retraite des sapeurs-pompiers professionnels est fixé à 55 ans).

La DSC a annoncé, lors de la CNSIS du 17 juin dernier, une heureuse initiative tendant à abroger les notes d’information techniques (NIT) relatives aux équipements de protection individuelle. Ces règles, qui ont vu un développement important, ne sont plus utiles dans la mesure où ces équipements sont déjà régis par des normes européennes. Elles seraient de plus contraires au principe de reconnaissance mutuelle garanti par le droit communautaire.

Proposition n° 6 : Procéder à un réexamen de l’ensemble des textes réglementaires adoptés par la direction de la Sécurité civile, afin d’en apprécier la nécessité au regard des besoins, des conditions de mise en œuvre par les SDIS et surtout de la charge financière qu’elles représentent pour les collectivités territoriales.

b) La conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), instaurée par la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, ne joue pas son rôle

La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 a institué une Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), composée de parlementaires, pour un quart au moins de représentants des sapeurs-pompiers, de représentants de l’État et, en majorité, de représentants des conseils d’administration des SDIS. La CNSIS s’est vue reconnaître par la loi le pouvoir de donner un avis sur tous les projets d’actes réglementaires et législatifs relatifs aux services d’incendie et de secours. Il est apparu au cours de l’examen parlementaire de la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 qu’un avis conforme pouvait présenter un risque de non conformité avec la Constitution. Présidée par un élu, le sénateur Éric Doligé, la CNSIS est réunie par la DSC plusieurs fois par an pour l’examen de projet de textes ou de communications.

Force est cependant de constater, avec un recul de cinq années, que le fonctionnement de la CNSIS n’est pas satisfaisant : avis purement consultatif, absence de fiche d’impact systématique sur les projets de réglementation, rôle de quasi-gestionnaire dévolu aux représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Certes le Gouvernement s’est engagé à ne pas passer outre à un avis défavorable de la CNSIS. Il n’a jamais été pris en défaut, mais la saisine de la CNSIS est trop tardive, alors que les négociations bilatérales menées par la DSC ont déjà abouti - sans les représentants des élus - avec les seules organisations représentatives de sapeurs-pompiers (voire seulement avec la FNSPF) ou dans les groupes techniques. La DSC organise ainsi fréquemment des séminaires avec les responsables formation des SDIS, avec les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, sans associer les présidents de conseil d’administration.

La CNSIS a constitué trois commissions spécialisées : l’une chargée des questions relatives aux personnels, à la doctrine d’emploi et à la formation ; la seconde chargée d’examiner les questions relatives aux finances ; enfin une troisième commission est chargée plus spécialement des questions relatives à la sécurité des sapeurs-pompiers. Ces commissions spécialisées sont appelées à préparer les délibérations de la Conférence plénière. Les Rapporteurs proposent que la commission spécialisée chargée d’examiner les questions relatives aux finances soit composée exclusivement de représentants de l’État et des collectivités territoriales.

Proposition n° 7 : Inviter le Gouvernement à suivre en principe les avis de la conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) sur les projets législatifs ou réglementaires préparés par la direction de la Sécurité civile.

Proposition n° 8 : Demander à la direction de la Sécurité civile d’établir systématiquement des fiches d’impact sur tous les projets législatifs ou réglementaires qu’elle prépare, avec un délai suffisant pour en permettre une analyse par les collectivités territoriales.

Proposition n° 9 : Modifier la composition de la commission spécialisée chargée des questions relatives aux finances de la CNSIS, afin d’en faire un lieu de concertation entre les représentants de l’État, qui décident, et des collectivités territoriales, qui financent.

c) Quelques illustrations récentes du fonctionnement de la CNSIS

● Référentiel commun de secours à personne et d’aide médicale d’urgence

Le cas du référentiel commun sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale d’urgence est l’exemple récent le plus emblématique du fonctionnement de la CNSIS. À la suite de la demande exprimée par la FNSPF en juin 2007 dans son manifeste « Sauver le secours à personne », le Président de la République a, dans son discours du 29 septembre 2007 au congrès de cette Fédération, demandé la mise en place d’un référentiel commun du secours à personne. Le ministre de l’Intérieur a ensuite procédé à la constitution d’un comité quadripartite chargé de préparer ce référentiel commun. Or ce comité quadripartite (SAMU, directeurs de SDIS, DSC et DHOS(7)) ne comprenait aucun représentant des présidents de conseil d’administration des SDIS. Ce référentiel commun a été signé le 25 juin 2008.

L’ADF a estimé que les conséquences financières du référentiel commun n’ont pas été traitées, avec notamment risque de transfert d’activité, et donc de charge, sur les SDIS. C’est pourquoi les représentants des présidents de conseils généraux ont refusé de donner leur avis sur l’arrêté ministériel validant le référentiel commun lors de la CNSIS tenue sur ce sujet en décembre 2008. La DSC a alors lancé une enquête auprès des SDIS pour connaître ces conséquences financières. Elle en a présenté les résultats – très partiels –, juste avant la réunion suivante de la conférence nationale en mars 2009, sans laisser aux conseils généraux la possibilité de les expertiser. Elle concluait que la mise en œuvre du référentiel n’entraînerait pas de transfert de charge pour les SDIS.

La CNSIS de mars 2009 a alors rendu un avis favorable sur ce référentiel, en demandant que l’arrêté fasse l’objet d’une évaluation par elle après deux années pleines de mise en œuvre. Après avis de la CCEN, l’arrêté du 24 avril 2009 mettant en œuvre ce référentiel commun ne soumet cette évaluation qu’à un simple comité quadripartite élargi aux représentants des conseils généraux, et non à la CNSIS proprement dite…

● Modification de plusieurs dispositions relatives aux sapeurs-pompiers volontaires

Un autre exemple est constitué par la modification de plusieurs dispositions relatives aux sapeurs-pompiers volontaires, avec notamment l’indexation des vacations sur le SMIC, la réévaluation et réversion de l’allocation de vétérance, l’élargissement de la plage horaire de nuit, le recul de l’âge de cessation d’activité et l’élargissement de la fourchette de valorisation des vacations-formation. Ces mesures avaient également été demandées par la FNSPF. La DSC a alors initié des consultations avec les élus. Elle a présenté une fiche d’impact évaluant le coût annuel à plus de 30 millions d’euros pour l’ensemble des SDIS, sans laisser le temps aux représentants des conseils généraux d’expertiser cette évaluation. Or le mécanisme d’indexation des vacations aura par exemple des conséquences sur la prestation de fidélité et de reconnaissance (PFR), qui ne sont pas évaluées par la DSC - sans engagement d’un alignement de la contribution de l’État à cette prestation.

Alors que la consultation avec les élus n’avait pas abouti, la DSC a décidé de convoquer la CNSIS le 17 juin 2009 sur ce sujet. Après un débat auquel a pris part M. Bernard Derosier, Rapporteur, certains élus ont fait part de leurs réticences à susciter une nouvelle augmentation des coûts des SDIS. Ils craignent un effet de contagion de certaines mesures relatives aux sapeurs-pompiers volontaires sur les professionnels. Suivant une position adoptée majoritairement dans le cadre de l’ADF, les élus ont alors accepté ces mesures relatives aux sapeurs-pompiers volontaires en échange de plusieurs engagements de la DSC tendant à : réduire le poids de la formation des sapeurs-pompiers, revoir les GNR pour supprimer les règles excédant les normes européennes et rechercher les modalités d’un dispositif de soutien spécifique aux SDIS qui s’ajouterait au FAI.

Les Rapporteurs s’étonnent que ces mesures aient pu être prises sans attendre la remise en septembre prochain du rapport de la commission « Ambition volontariat », mise en place par le ministère de l’Intérieur et présidée par M. Luc Ferry. Il y avait peut-être d’autres moyens moins coûteux pour susciter la vocation des volontaires, dont l’activité doit certes être rémunérée mais dont l’engagement est avant tout citoyen. Plusieurs des mesures décidées (indexation des vacations…) vont dans le sens de la convergence des vacations de sapeurs-pompiers volontaires et des salaires, alors que les vacations sont exonérées d’impôts et de cotisations sociales. Elles s’ajoutent au dispositif déjà en vigueur en matière de retraite, comme la PFR, fragilisant d’autant le fondement juridique de ces exonérations. Les Rapporteurs s’interrogent en outre sur la logique qu’il y a à permettre aux volontaires de continuer leur activité jusqu’à 65 ans, alors que les professionnels partent à la retraite à 55 ans, avec la possibilité d’un aménagement des fins de carrière dès 50 ans…

● L’examen au grade de lieutenant

On peut citer encore le problème du dernier examen permettant d’accéder au grade de lieutenant. Cet examen intervenu en 2007 a permis à 900 majors d’être reçus. Or les règles en matière de ratio « promus – promouvables » ne permettent que la nomination au grade de lieutenant de 200 majors. La DSC a alors annoncé, lors de la CNSIS du 17 juin 2007, qu’elle entendait adopter une circulaire permettant de procéder à des nominations hors quotas de majors de plus de 50 ans au grade de lieutenant. Elle précise que c’est une simple possibilité laissée à l’appréciation des conseils d’administration des SDIS.

Les Rapporteurs notent que la DSC laisse ainsi les présidents de conseils généraux isolés dans les départements, face aux pressions coordonnées au niveau national des organisations représentatives de sapeurs-pompiers…

C.– LE PRINCIPE « QUI PAIE COMMANDE » DOIT CONDUIRE À UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES SDIS DANS LES CONSEILS GÉNÉRAUX

Partant de ces constats, nombre d’élus sont amenés à demander l’application du principe « qui paie commande ». La séparation entre le prescripteur des dépenses et le payeur est source de dilution des responsabilités.

L’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités a également isolé les présidents de conseils d’administration de SDIS face aux pressions des organisations de sapeurs-pompiers. Il faut reconnaître que certains élus ne résistent pas. Comment pourrait-il en être autrement, alors que tout le système est fait pour les diviser, voir les mettre en concurrence, lorsque l’État leur permet de moduler la mise en œuvre de la réglementation du travail (régime de gardes, rémunérations, gestion des carrières), lorsque chaque SDIS veut une école de formation ou des équipements (centres de secours, matériel roulant…) similaires à ceux du SDIS voisin ?

M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales au ministère de l’Intérieur, déclarait devant la MEC : « il faudrait mettre en place des outils de gestion beaucoup plus performants et développer le benchmarking : en effet, les régimes indemnitaires, les matériels et les dépenses de fonctionnement varient beaucoup d’un endroit à l’autre, chaque conseil d’administration de SDIS se trouvant quelque peu isolé face aux demandes internes. »

Le ministre de l’Intérieur semblait méconnaître cette situation en répondant le 9 juin dernier devant la MEC aux Rapporteurs que le régime de garde des sapeurs-pompiers professionnels est de la compétence des conseils généraux, et que l’État n’avait pas à réglementer en la matière.

1.– Mettre les conseils généraux en mesure de piloter réellement les SDIS, dont les dépenses sont en grande partie « auto-prescrites »

Si le maire et le préfet exercent leur autorité sur les services d’incendie et de secours dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a transféré aux collectivités territoriales, depuis le 1er janvier 2006, la quasi-totalité du financement des moyens humains, matériels et immobiliers des SDIS. La mise en œuvre opérationnelle de ces moyens lui échappe totalement, notamment en matière d’organisation, de choix des matériels ou de gestion des carrières.

Le rapport de mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA) de mars 2008 concluait qu’il fallait sortir d’un « système trop "auto-prescripteur" » en matière de dépenses des SDIS.

a) Le principe de dissociation des compétences opérationnelles et de gestion

La loi a organisé le principe de dissociation des compétences opérationnelles et de gestion, avec un préfet et un maire qui décident de l’utilisation des moyens des SDIS en opération et un président de conseil général qui assure la gestion et le financement du service. Ce principe trouve son origine dans la volonté de mutualiser les moyens des services d’incendie et de secours au niveau des départements, sans pour autant procéder à une redistribution du pouvoir de police administrative générale normalement dévolu au préfet et au maire.

L’article L. 1424-30 du CGCT est à ce titre explicite : « Le président du conseil d’administration est chargé de l’administration du SDIS. À ce titre, il prépare et exécute les délibérations du conseil d’administration. Il passe les marchés au nom de l’établissement, reçoit en son nom les dons, legs et subventions. Il représente l’établissement en justice et en est l’ordonnateur. Il nomme les personnels du service d’incendie et de secours. »

Le colonel Richard Vignon déclarait, dans le document remis à la MEC lors de son audition, que : « le principe de la compétence partagée constitue un principe historique et juridique fondateur du modèle français de secours. »

Ce principe de dissociation des compétences opérationnelles et de gestion trouve sa limite dans la possibilité offerte au préfet d’interférer dans la gestion du SDIS en demandant, pour des raisons qui relèvent de la seule opportunité, une nouvelle délibération au conseil d’administration du SDIS. Inversement l’avis conforme que doit donner le conseil d’administration sur le SDACR offre au président du conseil général la possibilité d’influer sur les aspects opérationnels du service.

L’organisation collective de la sécurité de nos concitoyens en matière d’incendie et de secours est l’une des compétences pour laquelle il ne saurait être question de déroger au principe d’égalité de traitement pour tous. Ce principe est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. » Pourvu qu’elle soit encadrée dans des principes uniformes applicables sur tout le territoire, une prise de responsabilité des conseils généraux ne serait en rien contraire à ces principes de solidarité et d’égalité.

La logique de la départementalisation devrait aboutir à ce que les présidents de conseils généraux ou de conseil d’administration des SDIS deviennent pleinement responsables de la gestion et des aspects opérationnels pour les interventions de sécurité civile au sein de leurs départements respectifs. Il semble qu’il est temps de leur octroyer une compétence pleine et entière dans l’élaboration des SDACR. Les présidents de conseils généraux font valoir qu’ils exercent des responsabilités tout aussi sensibles dans d’autres domaines de l’action publique.

Proposition n° 10 : Confier aux présidents de conseils généraux une responsabilité pleine et entière sur leur SDIS, tant pour la gestion qu’en matière opérationnelle.

Le président du conseil général n’a actuellement pas tous les outils lui permettant de piloter et de contrôler son SDIS. Un exemple en est fourni par le taux d’exécution des dépenses des SDIS par rapport au budget primitif ; il est de seulement 63 % pour les investissements (82 % pour l’ensemble des crédits). Malgré le travail de qualité effectué par les directeurs départementaux, le budget des SDIS est souvent une « boite noire » pour le conseil général.

On retrouve une problématique identique dans les relations entre les ministères et les opérateurs de l’État (essentiellement les établissements publics administratifs ou industriels et commerciaux). La commission des Finances a déjà eu l’occasion d’appeler à un renforcement de la tutelle exercée par l’État sur ces 655 opérateurs, afin de définir les conditions d’un pilotage effectif par les ministères de rattachement. L’instrument pour ce faire est le contrat d’objectif et de moyens.

Proposition n° 11 : Renforcer l’autorité des conseils généraux sur les SDIS en généralisant la conclusion de conventions, sur la base d’un modèle harmonisé au niveau national.

b) Le directeur départemental joue un rôle central dans le SDIS

L’article 57 de la loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile dispose que :

« Le directeur départemental des services d’incendie et de secours est placé sous l’autorité du représentant de l’État dans le département et, dans le cadre de leur pouvoir de police, des maires, pour : la direction opérationnelle du corps départemental des sapeurs-pompiers ; la direction des actions de prévention relevant du SDIS ; le contrôle et la coordination de l’ensemble des corps communaux et intercommunaux ; la mise en œuvre opérationnelle de l’ensemble des moyens de secours et de lutte contre l’incendie.

Il est placé sous l’autorité du président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours pour la gestion administrative et financière de l’établissement. (…)

Pour l’exercice de ses missions de gestion administrative et financière, le directeur départemental peut être assisté d’un directeur administratif et financier nommé par le président du conseil d’administration.

Le représentant de l’État dans le département peut accorder une délégation de signature au directeur départemental (…). Le président du conseil d’administration peut accorder une délégation de signature au directeur départemental (…). »

Le directeur départemental de SDIS, de même que son adjoint, est au centre du principe de dissociation des compétences opérationnelles et de gestion. Il est le point de rencontre obligatoire entre les compétences du préfet (et du maire) et celles du président du conseil général.

La formation des officiers est assurée par un établissement public national, l’ENSOSP, placé sous la tutelle de la DSC. La nomination des directeurs départementaux est une décision conjointe du préfet et du président du conseil général, sur la base de listes d’aptitude. Leur régime disciplinaire fait intervenir des organes propres et une procédure associant à parité élus et représentants de l’État.

Reconnaissant l’importance du rôle des directeurs départementaux, le préfet Alain Perret déclarait devant la MEC : « on peut ainsi envisager la création d’un corps de sapeurs-pompiers d’État, qui intégrerait la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, le bataillon des marins-pompiers de Marseille et les officiers supérieurs de sapeurs-pompiers, avec un centre de gestion, l’objectif étant que le président d’un conseil d’administration de SDIS ait à tout moment la possibilité de demander la remise à disposition du directeur du SDIS auprès de ce centre ». Pour séduisante qu’elle soit, cette solution n’irait cependant pas dans le sens de la clarification des compétences entre l’État et les collectivités territoriales.

La FNSPF s’oppose à ce type d’évolution selon l’argument déjà évoqué qu’il faut conserver la « double tutelle ». Le syndicat CFDT-Interco estime au contraire que la situation sera clarifiée quand le directeur de SDIS réintégrera son rôle initial de conseiller technique du président du conseil d’administration du SDIS. Le syndicat CGT abonde dans le même sens en écrivant, dans sa déclaration remise à la MEC, que les présidents de conseils d’administration de SDIS doivent pouvoir « prendre le pouvoir » sur les directeurs départementaux et les associations de sapeurs-pompiers, qui pèsent trop lourd sur les décisions. Le représentant de la fédération Force ouvrière déclarait devant la MEC qu’elle regrettait « la "démission" des élus de nos conseils d’administration de SDIS par rapport à la hiérarchie des pompiers. Nous aimerions avoir pour interlocuteurs des élus qui assument leurs responsabilités. »

Les Rapporteurs estiment que le juste équilibre pourrait consister à ce que le directeur départemental devienne un emploi fonctionnel. Les présidents de conseil d’administration de SDIS reconnaissent l’importance et l’excellence du travail effectué par les directeurs départementaux. Ils sont souvent demandeur d’une relation plus étroite avec eux, en cohérence avec la logique de proximité qui préside à la gestion d’un service départemental. Le fait que les directeurs départementaux soient co-désignés par l’État et le président du conseil général entretient, auprès des directeurs départementaux, une certaine soumission aux consignes en provenance du préfet ou de la DSC. Leur carrière, tout au long de leurs affectations successives, est en grande partie conditionnée au maintien d’un lien fort avec les représentants de l’État.

Proposition n° 12 : Faire du directeur et du directeur adjoint de SDIS des emplois fonctionnels dont la nomination et la révocation dépendraient exclusivement du président du conseil d’administration du SDIS.

c) Les conseils généraux doivent disposer d’outils statistiques permettant de comparer les SDIS entre eux

Le rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration de mars 2008 (8) a noté une « limitation volontaire des références nationales » de la part de l’État, empêchant l’exercice de la tutelle, avec pour conséquence des dépenses des SDIS trop « auto-prescriptives ». Il préconise que l’État (la DSC) développe des outils statistiques et d’analyse, des références, pour permettre aux SDIS de se comparer entre eux. La DSC devrait ainsi développer une expertise sur l’adéquation, notamment dans les SDACR, entre des dépenses des SDIS et les risques réels.

L’article 129 de la loi de finances pour 2007, adopté à l’initiative du Rapporteur spécial Georges Ginesta, avait exprimé un souhait convergent : « Le document de politique transversale sur la sécurité civile (…) présente également un état détaillé des dépenses engagées par les collectivités territoriales au titre des services départementaux d’incendie et de secours. Il comporte en outre une vision d’ensemble de la stratégie définie, en matière de gestion par la performance, par les services d’incendie et de secours, sur la base d’indicateurs normalisés au niveau national. » Il s’agit de définir des indicateurs sur les SDIS, afin de développer une démarche de performance sur le modèle de celle prévalant dans la LOLF.

En application de l’article 129, la DSC a développé une batterie de vingt indicateurs nationaux sur les services d’incendie et de secours (INSIS). Ainsi dans le dernier projet de loi de finances, on constate une forte variabilité de ces indicateurs : nombre d’appels par poste opérateur, nombre d’habitants défendus par un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV), couverture forestière défendue par un camion citerne rural… L’indicateur relatif au délai d’intervention permet par exemple de mesurer l’adéquation des moyens mis en place dans le SDACR. Ces indicateurs sont maintenant très utilisés par les présidents de conseils d’administration de SDIS.

Les SDIS sont classés par la DSC en cinq catégories, avec des critères reposants ou corrélés à la taille du département. Or ce classement emporte des conséquences importantes en termes de nombre de sapeurs-pompiers et d’encadrement. Les Rapporteurs estiment qu’il faudrait définir des critères significatifs en termes d’exposition au risque (incendie, littoral, montagne, risque industriel…).

Les Rapporteurs soulignent également l’utilité de disposer d’éléments de comparaison européenne et internationale sur les services d’incendie et de secours. Des bases de données existent, elles gagneraient à être mieux actualisées et plus utilisées. Le cabinet Lamotte a tenté une exploitation de ces données dans un rapport remis en 2007 à la FNSPF. On peut citer le vademecum de la protection civile dans l’Union européenne, la base de données européenne « FEUCARE », l’organisation internationale de la protection civile, le comité technique international du feu, la fédération des associations d’officiers sapeurs-pompiers d’Europe, le centre de données mondiales de statistiques contre l’incendie, ou encore la stratégie des Nations-Unies pour la réduction des catastrophes. Ces bases de données ont l’avantage de recueillir des informations définies selon une méthodologie commune. Elles permettent en particulier d’effectuer une analyse économique des services d’incendie et de secours, en comparant leur coût de fonctionnement aux économies réalisées par leurs interventions dans la protection des biens et des personnes.

Proposition n° 13 : Demander à la direction de la Sécurité civile de :

– développer et mettre à disposition des SDIS des référentiels et des outils statistiques et d’analyse, afin de permettre aux SDIS de se comparer entre eux sur tous les aspects opérationnels et de gestion ;

– définir un nouveau classement des SDIS en fonction non seulement de leur taille mais aussi de la typologie des risques auxquels ils sont plus particulièrement exposés ;

– alimenter de façon actualisée les différentes bases de données existant auprès des différentes instances européennes et internationales en matière de sécurité civile.

2.– Mieux mutualiser les moyens des SDIS avec ceux des conseils généraux

Une plus grande intégration des SDIS dans les services départementaux semble l’évolution logique de la démarche de décentralisation entreprise en 1996. Il ne s’agit pas de demander la suppression des établissements publics, qui sont justifiés tant par l’autonomie de gestion dont ils disposent que par le maintien du lien avec les communes.

Les SDIS pourraient par contre mutualiser plus de fonctions avec les services du conseil général : ateliers de réparation, gestion immobilière, services comptables et financiers, achats, informatique, ressources humaines… De telles mutualisations sont d’ores et déjà juridiquement possibles, mais trop rarement mises en œuvre par les conseils généraux.

Certaines mutualisations rencontrent des freins juridiques dans les dispositions actuelles du CGCT. Une proposition de loi (n° 168) déposée le 24 janvier 2006 par notre collègue sénateur M. André Vantomme avait tenté de lever les principaux blocages législatifs à cette mutualisation. Elle prévoyait que le conseil général statue sur la construction, l’acquisition et la rénovation des bâtiments destinés à être mis à la disposition des SDIS, et que par ailleurs les services du conseil général puissent, par convention, être en tout ou en partie mis à disposition du SDIS pour l’exercice de ses missions de gestion administrative et financière dès lors que cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre d’une bonne organisation des services. Cette proposition de loi est restée sans suite.

LES MUTUALISATIONS

Proposition n° 14 : Favoriser toute forme de mutualisation entre les SDIS et les services du conseil général dans les fonctions support, comme la gestion immobilière, la gestion des ressources humaines, les achats, les systèmes d’information, les ateliers de réparation ou la gestion financière et comptable.

Proposition n° 15 : Lever les freins juridiques empêchant les départements d’épauler les SDIS dans leurs missions pour la conduite de travaux immobiliers.

Proposition n° 16 : Lever les freins juridiques faisant obstacle à la mise en réseau des compétences dont disposent les départements et les SDIS : faciliter les mises à disposition et la fourniture de prestations de services, ainsi que la création d’organismes de services communs de gestion.

3.– Engager réellement la mutualisation entre les SDIS

Au-delà du partenariat Haut-Rhin/Bas-Rhin et de l’établissement public pour la protection de la forêt méditerranéenne, les SDIS n’ont pas fait usage des possibilités de coopération interdépartementale et de mutualisation des moyens prévus par les articles 62 et 63 de la loi du 13 août 2004 sur la modernisation de la sécurité civile. Ces articles prévoyaient la possibilité de création d’établissements publics interdépartementaux d’incendie et de secours (EPIDIS).

Ces mutualisations entre SDIS s’avéreraient particulièrement utiles, par exemple, pour :

– l’acquisition, la location et la gestion d’équipements et matériels, ainsi que la constitution de groupement de commandes afin de grouper les achats ;

– la formation des sapeurs-pompiers, en liaison avec les organismes compétents en la matière ;

– la réalisation d’études et de recherche d’intérêt commun.

Entre 1996 et 2006, l’ensemble des SDIS de France ont procédé à une augmentation de 31 % du nombre de leurs matériels mobiles (véhicule de secours et d’assistance à victime, fourgon pompe tonne, camion citerne feu de forêt…). Sauf rares exceptions, les achats de matériel des SDIS ne font pas l’objet de mutualisation. Là où elle serait utile, l’harmonisation nationale des spécifications techniques des matériels et équipements est inexistante, empêchant des marchés groupés. Les normes en vigueur ne concernent que l’équipement de base, pas les options. Or celles-ci sont aussi nombreuses que pour une voiture de luxe…

On estime à au moins 20 % le surcoût facturé par les fournisseurs et induit par l’absence de marchés groupés. De fortes variations du coût moyen unitaire des matériels roulant sont constatées : véhicule de secours et d’assistance aux victimes de 51 600 à 78 000 euros ; fourgon-pompe tonne de 142 580 à 257 600 euros, camion-citerne rural de 149 467 à 203 235 euros…

La standardisation pose un problème de politique industrielle, car la passation de marchés groupés modifiera le paysage des fournisseurs, avec la fin des PME et deux ou trois groupes dominants, par forcément nationaux. Une attention particulière devra donc être apportée à cette filière industrielle.

L’intérêt d’un tel groupement des achats est évident pour les « petits » SDIS. Le colonel Philippe Berthelot, directeur du SDIS de Loire Atlantique, a indiqué devant la MEC qu’il s’est engagé avec succès dans des achats groupés via l’UGAP, qui dispose aujourd’hui des référents techniques compétents. Il indique que, du fait des quantités commandées, ce « gros » SDIS négocie déjà des tarifs intéressants. Les gains additionnels attendus d’une mutualisation plus poussée sont évalués à 5 %.

Tous les élus font état des difficultés rencontrées dans le montage des EPIDIS. Une entente entre les départements suppose une décision politique délicate. Les élus y ont souvent vu un échelon inutile. La formalisation de la structure la rend trop complexe, lourde et potentiellement coûteuse, puisqu’à l’instar de ce qui s’est passé pour les intercommunalités, les EPIDIS seraient construits non à partir de transferts de personnels en provenance des SDIS, mais par des recrutements supplémentaires.

Sans renoncer à la constitution d’EPIDIS, les Rapporteurs estiment que l’on pourrait favoriser des formes de coopération plus souples : conventions dans des domaines très différents de l’opération, de la formation ou des concours.

Proposition n° 17 : Promouvoir de autre forme de coopération entre SDIS, permettant la mutualisation de certaines fonctions, comme les achats ou la formation.

II.– LA BONNE COORDINATION ENTRE LES SDIS, LES SAMU ET LES AMBULANCIERS RESTE ENCORE À ÉTABLIR

L’activité traditionnelle de lutte contre les incendies - cœur de métier de sapeur-pompier – représente 8 % du nombre des interventions. Elle est maintenant devenue secondaire par rapport aux secours à victime et à l’aide à personnes, qui représentent 65 % du nombre des interventions. En pondérant les interventions par le temps passé et le nombre d’hommes, les incendies représentent 17 % de l’activité et les secours à victime et l’aide à personne 55 %(9).

Les interventions des sapeurs-pompiers en matière de secours à personne ont tendance à se multiplier, soit dans le cas des départs réflexes (« prompt secours »), soit à la demande des hôpitaux pour carence des ambulanciers privés. De « soldat du feu » le sapeur-pompier devient « généraliste de secours ».

A.– LA DÉFINITION LÉGISLATIVE DES MISSIONS DES SDIS DOIT ÊTRE ACTUALISÉE ET PRÉCISÉE

La définition des missions des SDIS résulte de plusieurs dispositions législatives.

L’article 1er de la loi de modernisation de la sécurité civile, non consolidée dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), dispose que : « La sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. Elle concourt à la protection générale des populations (…). »

L’article L. 1424-2 du CGCT dispose que : « Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours d’urgence.

Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l’environnement ; 4° Les secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. »

Certaines missions sont l’exclusivité des sapeurs-pompiers, notamment la prévention ou la protection et la lutte contre les incendies. D’autres sont partagées, ainsi avec les SAMU (délivrance des secours d’urgence), les hôpitaux (transport sanitaire), la gendarmerie ou les compagnies républicaines de sécurité (interventions en mer et en montagne), ou même les services internes de sécurité des entreprises présentant un risque industriel.

D’autres missions encore sont facultatives : services de représentation dans les établissements recevant du public, participation aux manifestations sportives, récréatives et culturelles, tournage de films, surveillance des baignades, ouverture de porte non motivée, destruction d’hyménoptères non dangereux, dégagement de personnes bloquées dans une cabine d’ascenseur, opérations effectuées en raison de la négligence d’un particulier, mise à disposition de matériels d’incendie et de secours à des personnes publiques ou privées (pompes, bâches, tuyaux…). Le rapport public de la Cour des comptes de 2005 indiquait que les interventions sur les compétences facultatives occupent une part croissante - sinon prépondérante - des SDIS ; les SDIS n’exercent leurs compétences exclusives que dans la limite d’une intervention sur dix.

Les SDIS n’interviennent normalement plus pour la destruction d’hyménoptères (essaims de guêpes…), la question se posant cependant pour l’intervention sur certains nids de frelon lorsque l’urgence est avérée. En effet, si ces interventions pouvaient se concevoir à une époque où les sapeurs-pompiers étaient pratiquement les seuls à disposer des tenues et matériel nécessaires, il n’en est plus de même aujourd’hui où de nombreuses entreprises offrent leurs services dans ce domaine. Il en est de même pour les interventions sur ascenseurs, qui sont maintenant largement prises en charge par les services de maintenance de ces matériels, selon les clauses prévues dans des contrats avec les copropriétés.

En application de l’article L. 1424-42 du CGCT, toutes ces interventions facultatives donnent lieur à rémunération : « Le service départemental d’incendie et de secours n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l’article L. 1424-2. S’il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l’exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d’administration. (…) » Ces dispositions sont appliquées de façon très variable dans les départements. Les conseils généraux pourraient utilement délibérer afin de fixer les conditions de la participation aux frais prévue par la loi.

Le colonel Richard Vignon, président de la FNSPF, déclarait dans un document remis à la MEC que l’augmentation des dépenses des SDIS était en partie expliquée par « la réalisation en nombre croissant, sur décision des conseils d’administration de SDIS ou de manière contrainte, de missions dépassant le cadre légal pour s’étendre à des prestations de service ou à caractère social visant à pallier, dans une logique d’aménagement du territoire et de proximité avec la population, et souvent sans compensation financière intégrale, les carences et le recentrage des acteurs publics ou privés normalement compétents. »

On ne peut que regretter la propension de certains de nos concitoyens à faire appel aux sapeurs-pompiers pour des interventions de toute sorte manifestement éloignées des missions définies par la loi. Une meilleure sensibilisation de nos concitoyens semble utile pour les informer sur les missions accomplies par les SDIS, qui relèvent toujours de l’urgence à l’occasion de l’occurrence d’un risque, d’un accident, d’un sinistre ou d’une catastrophe. Il ne s’agit évidemment pas de décourager les citoyens de faire appel aux sapeurs-pompiers, mais de compléter leur information sur ce que les SDIS sont appelés à faire – et à bien faire – dans le cadre de leurs missions. Ces services rendus ont un coût, dont nos concitoyens ne sont pas toujours conscients.

Les Rapporteurs regrettent que les rubriques statistiques établies par la DSC concernant l’activité des SDIS ne correspondent pas aux catégories définies dans le CGCT. Il est donc impossible d’évaluer la part des interventions sur compétences exclusives, partagées et facultatives.

LES MISSIONS DES SDIS

Proposition n° 18 : Définir précisément dans le code général des collectivités locales (CGCT) les missions des SDIS, qu’elles soient exclusives, partagées ou facultatives ;

Proposition n° 19 : Demander à la direction de la Sécurité civile d’établir des statistiques sur l’activité des SDIS qui soient en concordance avec les principales missions assignées aux SDIS par la loi.

B.– LE RÉFÉRENTIEL COMMUN DE SECOURS À PERSONNE DEVRAIT RELEVER DE LA LOI

Historiquement, les services médicaux d’urgence (SAMU) et les SDIS ont connu un développement parallèle, se livrant parfois à une concurrence regrettable. Les SDIS ont souvent vu les SAMU comme des concurrents. Les SAMU ne voient pas toujours d’un bon œil la multiplication des véhicules de secours et d’assistance à victime (VSAV) « rouges », qui ressemblent beaucoup dans leur aspect aux services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) « blancs ». Or les deux véhicules ne sont en rien comparables, les premiers disposant de matériels légers nécessaires aux premiers actes de secourisme, avec dans certains cas la présence d’un infirmier, les deuxièmes étant de véritables hôpitaux de campagne avec un personnel médical, en particulier un médecin.

Le référentiel commun sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente signé en juin 2008 prévoit en page 18 les conditions des « départs réflexes des moyens des SDIS avant régulation médicale ». Les situations de départ réflexe sont de trois natures : la détresse vitale identifiée à l’appel, les interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics et certaines circonstances de l’urgence. Le texte signé résulte principalement de la rédaction souhaitée par la FNSPF, qui ouvre très largement la capacité des SDIS à intervenir dans le secours à personne et l’aide médicale d’urgence. On lit par exemple que « lorsque l’urgence médicale n’est pas identifiée ou identifiable, mais suspectée par l’opérateur qui reçoit l’appel, un départ réflexe du SDIS est justifié ». La définition de l’urgence contenue dans l’annexe I du référentiel est soit subjective et livrée à l’appréciation du centre d’appel (« détresse respiratoire », « altération de la conscience »…), soit clairement médicale et relèverait de la compétence des SAMU (« accouchement imminent ou en cours », « tentative de suicide avec risque imminent »…).

L’application de ce référentiel commun entraînera donc un transfert de compétence des SAMU vers les SDIS, et donc une charge nouvelle à financer par les départements. Les représentants du syndicat Interco-CFDT ont estimé, dans le document remis à la MEC lors de leur audition, que le référentiel commun n’était que le résultat d’une tentative de la FNSPF, poussée par les services de santé et de secours médical (SSSM) des SDIS, de bousculer l’équilibre « blancs - rouges ». Ils estiment que ce texte ne résout en rien la situation, qu’il risque d’accroître considérablement les interventions de secours à personne non urgentes et qu’il ne peut qu’accentuer le développement des SSSM et leurs dérives à s’organiser en « SMUR rouge ».

L’application de ce référentiel commun entraînera des transferts de compétence vers les SDIS, et donc une charge nouvelle à financer par les départements. Il ouvre la voie à une multiplication des départs réflexes des sapeurs-pompiers quand ils sont appelés pour du simple transport de malades.

Nombre de départs réflexes relèvent de l’aide médicale d’urgence et ne devraient pas être considérés comme entrant dans les missions des SDIS. Elles devraient donc faire l’objet de facturation, au même titre que les interventions des sapeurs-pompiers pour carence ambulancière. La situation se complique quand ce sont les SAMU eux-mêmes qui sollicitent les sapeurs-pompiers pour compenser une absence de moyens hospitaliers dans le cadre des missions d’aide médicale urgente... La qualification des interventions prête alors à confusion et l’on ne sait plus s’il s’agit d’un départ réflexe « sollicité » ou d’une intervention pour carence ambulancière. M. Alexandre Pisas, président du conseil d’administration du SDIS du Gard, a proposé devant la MEC que le critère permettant de qualifier une intervention soit l’hospitalisation consécutive de la victime. Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) du ministère de la Santé, a contesté ce critère devant la MEC, en mesurant sans doute qu’il en résulterait une augmentation du nombre de remboursements.

À terme, si une information n’est pas diffusée auprès de nos concitoyens, les sapeurs-pompiers seront appelés pour toute affection médicale d’un niveau vital qui nécessite des soins d’urgence, afin d’éviter l’intermédiation du SAMU. Or le transport sanitaire ne fait pas partie des missions des SDIS telles que définies dans la loi, exception faite des cas d’urgence et des personnes en danger.

Le référentiel commun n’a donc pas clarifié les missions des SDIS et des SAMU. Ce référentiel commun peut-il fonctionner dans de bonnes conditions alors qu’il n’existe pas de convention SAMU/SDIS dans un quart des départements et que seulement 15 départements ont opté pour une plateforme d’appel commune 15/18 ? Les médecins urgentistes répondent que la création d’une telle plateforme commune aboutit, du fait de l’avantage des SDIS en termes de moyens financiers, à en prendre le contrôle, au détriment de la régulation médicale. On a l’impression qu’ils ont accepté le référentiel commun, et les transferts de compétence qui vont avec, pour préserver la coexistence des centres d’appel 15 et 18, afin de conserver la maîtrise des appels qui arrivent par le 15.

Les ambiguïtés du référentiel commun interviennent dans un contexte de difficulté de la permanence des soins dans notre pays. M. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l’Ariège, déclarait devant la MEC que « la situation est en train de s’aggraver. Dans mon département, le préfet a organisé une réunion pour nous expliquer qu’il fallait économiser 350 000 euros sur la permanence des soins. Dans ce but, plutôt que de faire déplacer les médecins chez les malades, on conduira les malades aux urgences. Le patient appellera le 112 ou notre numéro d’appel pour les personnes en difficulté, et s’il n’est pas possible de le soigner par téléphone, il sera transporté aux urgences. Or à deux ou trois heures du matin, les ambulanciers ne se déplacent pas ; ce seront donc les pompiers qui interviendront. »

M. Yves Rome, président du conseil général de l’Oise, déclarait devant la MEC que « les SDIS suppléent à la déficience du service public hospitalier ou de l’organisation territoriale des professions libérales, qui ne répondent plus au problème de l’urgence. Lorsque la difficulté sociale augmente sur les territoires, que les urgences sont saturées ou ne répondent plus, que les SAMU ne s’engagent pas, que les professions médicales désertent à partir de vingt heures, le SDIS devient le seul outil disponible. C’est certainement là une des causes principales de l’augmentation de la dépense ».

Mme Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, justifiait l’accroissement de l’activité des SDIS par le problème de l’accès aux soins dans notre pays : « en outre, le domaine du secours aux personnes prend une place de plus en plus grande, non seulement parce que nos concitoyens sont très attachés à ce service, mais aussi en raison de la désertification médicale, en particulier dans certaines zones rurales où les pompiers sont les seuls à pouvoir intervenir. (…) Si la part des secours aux personnes a augmenté, c’est en partie à cause d’une certaine désertification médicale. Le SAMU est basé dans la ville la plus proche, mais celle-ci peut être très éloignée ! Que faire lorsque plus aucun médecin n’accepte de s’installer dans une zone rurale ? C’est un des problèmes majeurs auxquels notre société aura à répondre dans les années qui viennent. »

Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la Santé, reconnaissait devant la MEC que : « les interventions des SDIS à domicile ne relèvent pas toutes de leurs missions, mais elles ne relèvent pas forcément non plus de l’aide médicale urgente. D’un commun accord, le ministère de la Santé et la direction de la Sécurité civile ont considéré qu’un très grand nombre d’interventions relevaient d’une zone grise. En font notamment partie les sorties destinées au relevage de personnes âgées qui ont fait une chute. »

Les Rapporteurs sont d’avis que les dispositions contenues dans le référentiel commun devraient relever de la loi, avec la réécriture de l’article L. 1424-2 du CGCT définissant les missions des SDIS en matière de secours à personne.

Proposition n° 20 : Redéfinir précisément dans le cadre législatif du code général des collectivités territoriales (CGCT) le partage des missions de secours à personne et d’aide médicale d’urgence entre les SDIS et les SAMU.

C.– LES INTERVENTIONS DES SDIS POUR CARENCE HOSPITALIÈRE NE DOIVENT PAS DEVENIR LA RÈGLE

On part d’une situation où existent des doublons et les redondances entre les SAMU et les SDIS. De nombreuses ambulances sont placées d’astreinte auprès des hôpitaux, restent en pratique inutilisées et sont rémunérées forfaitairement par les hôpitaux. À l’heure où deux tiers des interventions des sapeurs-pompiers portent sur le secours à la personne, des divergences d’interprétation sur les missions prises en charge existent entre les établissements de santé et les SDIS en particulier parce que ceux-ci ne disposent pas de financement correspondant.

L’article L. 1424-42 du CGCT prévoit que les interventions faites par les SDIS à la demande de la régulation médicale font l’objet d’une prise en charge financière par les établissements de santé, siège des SAMU : « Les interventions effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l’article L. 1424-2, font l’objet d’une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d’aide médicale d’urgence. Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le SDIS et l’hôpital siège du service d’aide médicale d’urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale. (…) »

Les SAMU font ainsi appel aux SDIS dans les cas de carences, hospitalière ou ambulancière. L’article L. 1424-42 du CGCT indique que ces interventions doivent rester exceptionnelles. Peut-on dire que le texte de cet article est respecté quand des conventions conclues entre un SDIS et un SAMU chargent les SDIS d’une mission de transport sanitaire en lieu et place des ambulances ? On a l’impression que la « carence » est organisée…

Les médecins régulateurs des SAMU font systématiquement appel aux sapeurs-pompiers pour le transport urgent de malades, comme l’a indiqué le docteur Marc Giroud, directeur du SAMU de Pontoise, lors de son audition par la MEC. Il est vrai que dans les cas de carence, c’est le prescripteur (l’hôpital) qui paie pour rembourser le SDIS ; dans le cas des ambulances, c’est le malade (remboursement par la sécurité sociale) qui paye. On aurait pu attendre des médecins régulateurs un niveau de responsabilité plus élevé, sachant que le coût pour la collectivité d’une intervention de sapeur-pompier est beaucoup plus important que pour un ambulancier. Si cette évolution allait à son terme, le choix du transporteur pourrait s’effectuer en dehors de l’intérêt des victimes, avec l’envoi systématique des sapeurs-pompiers qui, rappelons-le, ne sont pas médicalisés et n’ont pas vocation à l’être.

Un débat est intervenu lors de l’audition par la MEC de Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins. Cette dernière justifiait le choix effectué actuellement de rembourser les SDIS au coût marginal, en cas de carence. Les équipements et les sapeurs-pompiers étant déjà payés par leur SDIS, il conviendrait seulement de les défrayer pour ces déplacements supplémentaires. Notre collègue Charles de Courson, membre de la MEC, estimait au contraire qu’il fallait payer les SDIS au coût complet. En effet les SDIS justifient l’acquisition de véhicules de secours et l’augmentation des effectifs par ces tâches de transport sanitaire…

La Cour des comptes, dans son rapport public de 2005, indiquait que les conventions signées entre les SAMU et les SDIS, quand elles existent, prévoient des formules très diverses, les prestations étant selon les cas délivrées à titre gratuit ou donnant lieu à rémunération. Elle notait que les modalités de calcul de la prise en charge financière sont toujours inférieures au coût réel supporté par les SDIS. Ainsi dans le SDIS des Vosges, cette facturation ne représente que 51 % de la rémunération des sapeurs-pompiers mis à disposition. La Cour notait que dans les départements où n’existe par de convention, les prestations des SDIS sont le plus souvent gratuites. Comme le déclarait devant la MEC M. Robert Cabé, président du conseil d’administration du SDIS des Landes, on se sert des sapeurs-pompiers pour remplir des fonctions qui ne sont par les leurs et qui sont sous-rémunérées.

Pas plus que les présidents des conseils généraux, les ambulanciers privés n’ont été associés à la négociation du référentiel commun de secours à personne. Or le système hospitalier de transport sanitaire est fondé dans notre pays sur les ambulanciers privés, qui font partie intégrante de l’urgence pré-hospitalière. La Chambre nationale des services ambulanciers a fait savoir, par une contribution écrite à la MEC, que cette profession est attachée à la qualité des interventions, avec une culture de soin et un diplôme d’État d’ambulancier requérant une formation de 675 heures. Elle indique que le système de rémunération à l’acte, tel que prévu dans les textes réglementaires, permet aux ambulanciers privés de faire preuve de la disponibilité, de la fiabilité et de la traçabilité (géo-localisation) qu’on est en droit d’attendre d’eux.

La Chambre nationale indique que les dysfonctionnements évoqués ici ou là dans la disponibilité des ambulanciers privés se produisent dans les départements où n’existe pas de convention avec le SAMU. Seule une telle convention permet aux ambulanciers, qui vivent de leur activité, de jeter les bases d’une activité économique leur permettant d’investir et de recruter, et ainsi de s’engager sur un niveau élevé de prestation. Les ambulanciers privés appellent donc à la conclusion dans tous les départements de conventions tripartites avec les SAMU et les SDIS. Loin de revendiquer un monopole, ils reconnaissent le rôle complémentaire qu’ils peuvent remplir avec les SDIS, en matière de couverture du territoire. Il serait par exemple injustifiable de solliciter une ambulance postée dans le SAMU du centre ville, alors que le malade à transporter se trouve en face d’un centre d’incendie et de secours.

Parallèlement au référentiel commun de secours à personne et d’aide médicale d’urgence conclu entre les SAMU et les SDIS, un référentiel commun a été conclu le 9 avril dernier entre les SAMU et le transport sanitaire (ambulanciers privés)(10). La lecture de ce deuxième référentiel commun décrit en détail les obligations des ambulanciers privés, dans leurs tâches auprès des SAMU, avec un haut niveau d’exigences.

Les ambulanciers privés font également valoir que leurs coûts, supportés par la collectivité, sont nettement inférieurs à ceux des sapeurs-pompiers dans le transport sanitaire. Ils sont actuellement rémunérés sur la base d’un montant forfaitaire de 346 euros, afin de couvrir la mobilisation d’un véhicule avec deux ambulanciers pendant une période de 24 heures consécutives, de jour comme de nuit. Cette rémunération forfaitaire est majorée par une indemnité de 40 euros par intervention. En considérant le nombre moyen d’interventions réalisées sur une période de 12 heures, le coût moyen pour la collectivité d’un transport en ambulance est donc, selon eux, inférieur à 100 euros. Les ambulanciers privés indiquent que leur éviction du transport sanitaire, telle qu’elle se produit actuellement, se fait au détriment du service rendu à la victime.

Les SDIS, quant à eux, sont remboursés par les agences régionales de santé (ARH) à hauteur de 105 euros par intervention, alors que le « prix de revient » de l’heure d’intervention dans le cadre du secours à personne est estimé en 2008, par l’Assemblée des départements de France (ADF), entre 260 et 1 130 euros, selon les SDIS. L’intervention des sapeurs-pompiers est la plus coûteuse en raison de l’armement des véhicules (trois ou quatre sapeurs-pompiers, là où deux ambulanciers suffisent) et du coût salarial. L’argument présenté pour défendre ce sur-équipage touche à l’absurde : l’équipage appelé à procéder à un simple transport peut être, en raison de l’urgence, détourné de sa mission initiale au profit d’un accident de la route…

Les SDIS doivent en outre engager un nombre croissant de contentieux pour se faire rembourser par les ARH les prestations ainsi fournies en application de l’art. L. 1424-42 du CGCT. La directrice de l’Hospitalisation a estimé devant la MEC que le passif cumulé depuis 2003 s’élevait à 105,8 millions d’euros.

Le Sénateur Éric Doligé a été à l’initiative d’un amendement adopté, après avis favorable du Gouvernement, sur la loi portant réforme de l’hôpital (dite « Hôpital, santé, patients, territoires »). L’amendement introduit dans le code de la santé publique des dispositions analogues à celles figurant dans le CGCT pour s’assurer que les établissements de santé concernés disposeront des crédits suffisants pour honorer le règlement des conventions financières signées avec les SDIS.

LE TRANSPORT DE MALADES

Proposition n° 21 : Conclure dans chaque département une convention en matière de transport de malades associant le SAMU, le SDIS et les ambulanciers privés, afin d’assurer avec des coûts optimaux une couverture temporelle et géographique adéquate, une qualité de service équivalente et des délais d’intervention à définir ;

Proposition n° 22 : Assurer le remboursement au coût réel des activités de transport de malades effectuées par les SDIS en cas de carence des ambulanciers privés.

D.– LES RECRUTEMENTS D’INFIRMIERS DE SAPEURS-POMPIERS ONT ÉTÉ PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉS AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES

Un décret du 6 mai 1988 a créé dans chaque SDIS un service de santé et de secours médical (SSSM). Selon les dernières statistiques publiées par la DSC, les SSSM représentent, en 2007, 11 169 personnes, dont 5 808 médecins et 4 498 infirmiers.

On peut s’interroger sur le rôle des infirmiers de sapeurs-pompiers, dont les missions ont été reconnues par le référentiel commun de secours à personne (« soins d’urgence et prise en charge de la douleur »). Rappelons qu’il n’est pas dans les compétences des SDIS d’effectuer des missions de nature médicale. Les infirmiers des SDIS sont-ils amenés à effectuer des actes médicaux allant au-delà de leurs compétences ? Leur implantation dans les SDIS ne doublonne-t-elle pas avec la couverture du territoire des SAMU ? Leur recrutement, qui a été particulièrement important au cours des dernières années, n’aboutira-t-il pas à dégarnir les effectifs des services hospitaliers ? Le docteur Marc Giroud, directeur du SMU de Pontoise, a indiqué devant la MEC le problème induit de recrutement des infirmiers par les hôpitaux, sachant que les infirmiers des SDIS ont le statut de sapeur-pompier volontaire, et donc perçoivent des vacations exonérées d’impôt et de cotisations sociales.

Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) du ministère de la Santé, indiquait durant son audition du 2 avril 2009 : « je ne peux pas imaginer que de jeunes infirmiers puissent faire prévaloir leur mission de sapeur-pompier volontaire aux dépens de leurs obligations professionnelles. Il ne saurait y avoir effet d’éviction et nous souhaitons qu’une convention-cadre nationale fixe les conditions d’emploi de ces infirmiers sapeurs-pompiers volontaires au regard de leur employeur principal hospitalier. » Elle précisait qu’en cas de crise, les infirmiers ayant le double statut devaient faire prévaloir leur engagement à l’hôpital.

Le colonel Richard Vignon, président de la FNSPF, estimait pour sa part, dans le document remis à la MEC, que « la présence d’un infirmier sapeur-pompier permet d’éviter le déclenchement d’un SMUR ou d’un médecin de sapeur-pompier lorsque la situation opérationnelle ne le justifie pas, au bénéfice des finances publiques, tout comme elle permet d’assurer une réponse dégradée en cas d’absence de médecin disponible sur le terrain. Il s’agit là d’un atout certain en termes de couverture opérationnelle dans les territoires frappés par la chute de la démographie médicale. »

Les représentants de certains syndicats de sapeurs-pompiers auditionnés par la MEC ont estimé, au contraire, que les infirmiers sapeurs-pompiers étaient initialement chargés du soutien des médecins lors des visites médicales d’aptitude des sapeurs-pompiers. Pour eux les actes médicaux et paramédicaux sont avant tout à destination des sapeurs-pompiers eux-mêmes dans le cadre de la prévention des accidents du travail.

Proposition n° 23 : Opérer un recrutement des infirmiers du service de santé et de secours médical (SSSM) des SDIS strictement nécessaire aux actes médicaux qu’ils peuvent fournir dans le cadre de leurs compétences, en veillant à à éviter les doublons avec la couverture territoriale des SAMU.

III.– LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DES SDIS EST LA CONDITION D’UN FINANCEMENT SOUTENABLE

Le financement des SDIS repose essentiellement sur les départements (50 %) et les communes (42 %), les autres financeurs étant l’État (1 %) et les conventions particulières avec des bénéficiaires (3 %). La poursuite de l’augmentation des dépenses supposerait donc une augmentation de la pression fiscale locale, qui devient difficilement supportable. En moyenne nationale, il s’agit d’une dépense de 79 euros par habitant : entre 55 euros (Marne, Moselle, Haut-Rhin) et 136 euros (Gard), la Corse du sud atteignant 190 euros et la Haute-Corse 218 euros par habitant... Dans certains départements cette dépense représente un prélèvement qui peut être supérieur à celui de la taxe d’habitation pour une famille de quatre personnes.

L’enquête du cabinet Lamotte remis à l’ADF le 4 février dernier indique que les SDIS ont accumulé une dette s’élevant à 760 millions d’euros en 2007 représentant une annuité de remboursement en capital de 96 millions d’euros en 2008. Ces dettes ont été contractées principalement en raison des dépenses d’investissement immobilier. Elles engendreront une pression fiscale supplémentaire dans les années à venir.

A.– LE GEL DES CONTINGENTS COMMUNAUX NE DOIT PAS ABOUTIR À UN REPORT DE CHARGE SUR LES DÉPARTEMENTS

Dans le cadre de la départementalisation des services d’incendie et de secours, la contribution des communes devait progressivement se réduire, puis disparaître. M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales (DGCL) au ministère de l’Intérieur, a fait valoir devant la MEC les difficultés techniques liées à une éventuelle suppression des contingents communaux, en raison de la compensation qui devait être effectuée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Après plusieurs reports de la suppression des contributions des communes, les ministres de l’Intérieur et du Budget ont mandaté une mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA). Leur rapport conjoint précité rendu en mars 2008 a conclu à l’utilité du maintien d’un certain niveau de contributions communales, avec au besoin une évolution au-delà de l’inflation. Dans le même temps le rapport appelait à une meilleure maîtrise des dépenses des SDIS.

À la suite d’une décision de Mme le ministre de l’Intérieur au printemps 2008, l’article 116 de la loi de finances rectificatives pour 2008 a consacré le gel des contributions des communes au niveau existant (augmenté chaque année de l’inflation). Comme les budgets des SDIS augmentent plus vite que l’inflation, ce sont les départements qui supporteront le financement additionnel. Dans une étude remise à l’Assemblée des départements de France (ADF) en février 2009, le cabinet François Lamotte a calculé que la contribution des départements aux SDIS devrait évoluer dans les années à venir en moyenne de l’ordre de 4 % à 5 % au-dessus de l’inflation prévisible.

La dispersion importante observée dans le niveau des contributions communales au sein d’un même département et d’un département à l’autre provient essentiellement de raisons historiques.

Pour les Rapporteurs, la maîtrise des dépenses des SDIS est la condition d’un effort supportable pour les contribuables locaux.

Proposition n° 24 : Assurer une maîtrise de l’évolution des dépenses des SDIS afin que, comme les communes, les contributions des départements n’augmentent pas au-delà de l’inflation, faute de quoi le report de charge induit sur les finances des départements ne serait pas soutenable.

B.– LA « FISCALISATION » DES SDIS

Dans la situation décrite ci-dessus, de nombreux élus se prononcent pour une meilleure identification des ressources - et donc des dépenses - destinées aux SDIS. Il s’agit d’indiquer sur la feuille d’impôts locaux la contribution de chacun au financement de ces services.

Deux options se présentent alors, soit l’indication des dépenses des SDIS sur les feuilles d’impôts locaux (et de la contribution de chacun), soit la création d’une taxe spécifique (sur le modèle de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères - TOEM).

Une étude comparative effectuée par le cabinet François Lamotte en novembre 2007 indique que certains pays européens ont mis en place des taxes spécifiques que les collectivités territoriales perçoivent et dont elles redistribuent le produit aux services d’incendie et de secours : taxe locale au Royaume-Uni, taxe perçue par les Länder et redistribuée aux communes en Allemagne, taxe municipale créée par les lois de 2006 et 2007 au Portugal et destinée à financer localement les services de protection et de secours...

Un débat est intervenu au cours d’une audition de la MEC sur les difficultés techniques et l’efficacité de l’une ou l’autre mesure pour contribuer à maîtriser l’évolution des dépenses des SDIS.

M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des Finances publiques (DGFiP) au ministère du Budget, déclarait le 7 mai 2009 devant la MEC : « l’hypothèse d’une mention du coût du SDIS sur l’avis de taxe d’habitation, dans un objectif de responsabilisation des usagers, ne me semble pas opportune. Tout d’abord, il s’agirait d’une opération extrêmement complexe. Nous la réalisons bon gré mal gré pour la contribution au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, mais l’effectuer sur la France entière serait bien plus lourd, et les risques d’erreur s’en trouveraient accrus. Par ailleurs, les avis d’imposition étant déjà surchargés, il faut considérer qu’une mention supplémentaire en chasserait automatiquement une autre. »

La DGFiP précise que la création d’un impôt spécifique pour assurer le financement des SDIS porterait atteinte au principe d’universalité budgétaire, qui repose sur la non affectation d’une recette à une dépense. Le coût de gestion de la création de cette taxe, qui est supporté par l’État, serait non négligeable. La DGFiP indique qu’à la suite du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Édouard Balladur, le Gouvernement envisage de présenter dès cette année deux projets de loi, l’un sur le volet institutionnel, l’autre sur le volet financier (notamment la mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle et la modernisation des bases foncières). S’agissant de la simple mention du coût du SDIS sur les avis d’imposition, la DGFiP estime qu’il n’y a pas de difficulté de principe ; une telle mention aurait cependant pour conséquence d’écarter d’autres mentions de priorité plus faible, la place disponible étant limitée.

S’agissant de la possibilité de créer une taxe spécifique, M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales au ministère de l’Intérieur, déclarait devant la MEC : « s’agissant de la mise en place d’une fiscalité spécifique, de deux choses l’une : soit l’on crée un impôt supplémentaire, et il faut l’assumer ; soit les prélèvements obligatoires restent stables, et il s’agit d’opérer un simple transfert de ressources. Dans ce cas, le déficit de l’État est aggravé si le transfert porte sur un impôt dont il dispose actuellement. Je ne vois pas ce que l’on y gagnerait en lisibilité. En outre, en raison de la perspective d’une réforme en profondeur de la fiscalité locale consécutive à la suppression de la taxe professionnelle, il serait préférable d’attendre. »

Mme Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, a marqué son accord, lors de son audition par la MEC, « pour indiquer le coût de ce service sur la feuille d’impôt, comme cela se fait déjà pour l’enlèvement des ordures ménagères. Ce serait une façon de responsabiliser les Français, qui ont parfois tendance à considérer exclusivement leur droit à tel ou tel service sans en envisager le coût. »

Proposition n° 25 : Assurer une « fiscalisation » des dépenses des SDIS par la création d’une fiscalité additionnelle aux impôts locaux affectée aux SDIS, dont le produit viendrait, lors de sa création, en déduction des prélèvements des départements, des intercommunalités et des communes.

C.– LA RECHERCHE D’AUTRES SOURCES DE FINANCEMENT

L’article L. 1424-42 du CGCT prévoit en particulier deux cas de contribution extérieure au financement des SDIS « (…) Les interventions effectuées par les services d’incendie et de secours sur le réseau routier et autoroutier concédé font l’objet d’une prise en charge par les sociétés concessionnaires d’ouvrages routiers ou autoroutiers. Les conditions de cette prise en charge sont déterminées par une convention entre les services départementaux d’incendie et de secours et les sociétés concessionnaires d’ouvrages routiers et autoroutiers, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé des finances. Elle prévoit également les conditions de mise à disposition des services départementaux d’incendie et de secours de l’infrastructure routière ou autoroutière pour les interventions à effectuer en urgence dans le département. »

Le rapport conjoint des inspections de mars 2008 précité concluait également que l’on pourrait diversifier, le cas échéant, les partenaires et les recettes. Une réflexion conjointe ADF-AMF met en avant l’attente de recettes nouvelles, reportant une part au moins de la charge des dépenses supplémentaires sur des acteurs extérieurs : l’assurance maladie, les sociétés d’autoroute, les assurés (notamment contre l’incendie). Le travail sur les recettes nouvelles ne doit en aucun cas être assimilé à de la résignation sur la dépense et le rapport rappelait une nouvelle fois la nécessité d’effectuer des efforts de maîtrise de la dépense.

L’étude comparative précitée du cabinet François Lamotte de novembre 2007 montrait que dans la plupart des pays européens les assurances contribuent au financement des services d’incendie et de secours. Il s’agit généralement d’une contribution modeste, sauf au Portugal ou elle représente environ 25 % du financement des services de protection civile et de secours. En République tchèque les compagnies d’assurance sponsorisent les brigades municipales de volontaires. En Allemagne, les Länder imposent aux entreprises à risque de mettre en œuvre un service spécialisé de sapeurs-pompiers privés et donc à en financer l’équipement et le fonctionnement (31 000 pompiers dont 6 300 à temps plein).

● Concessionnaires d’autoroute

Les SDIS assurant la sécurité sur les autoroutes, il a semblé normal au législateur qu’une partie du droit de péage payé par les usagers puisse leur être versée. L’article L. 1424-42 du CGCT précité en a prévu le principe, avec la conclusion de convention pour en assurer les modalités d’application.

Ces conventions prévoient un coût différencié selon qu’il s’agit de secours à personne, de secours pour accidents de la circulation entre véhicules ou d’autres opérations. Les opérations complexes ou de longue durée sont facturées sur la base du coût horaire des moyens engagés et de la durée de l’intervention.

Chaque SDIS signe une convention avec les concessionnaires pour les autoroutes passant sur le département. La règle est le remboursement des interventions lorsque les sapeurs-pompiers interviennent le long de la bande roulante (c’est-à-dire à la suite d’accidents de la circulation). Il s’agit généralement d’un remboursement forfaitaire, sauf intervention de moyens importants (plan rouge par exemple). En revanche, sur les aires de service et d’autoroutes (il s’agit plutôt de secours à personne), les interventions sont gratuites - mais pas toujours…

M. Jean Mesqui, délégué général de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA), déclarait devant la MEC que les montants versés par les concessionnaires d’autoroutes aux SDIS s’élevaient à environ 7 millions d’euros par an (22,6 millions d’euros de 2006 à 2008). La mission conjointe des inspections note qu’il est difficile d’avoir une idée précise de l’activité concernée, l’information n’étant pas disponible dans les SDIS. Elle a constaté que selon les lieux, l’intervention gratuite est plus ou moins importante que l’activité rémunérée.

Il convient de mettre à l’étude une démarche « gagnant-gagnant » où serait assuré par les SDIS un meilleur secours en échange d’une participation accrue des sociétés d’autoroute au financement. La MEC estime qu’à ce stade, une proposition en ce sens serait prématurée.

● Les assurances

Le recours aux sociétés d’assurance pour financer les services d’incendie et de secours avait été introduit en 1898 par une loi de finances ayant prévu le versement par ces sociétés d’une taxe spéciale de 6 francs par million de capital assuré. Cette pratique a été confirmée en 1928 mais a été supprimée le 31 janvier 1941.

Or les SDIS, par leurs interventions, limitent l’extension des sinistres et, par conséquence, font faire des bénéfices aux assureurs. Les assurances bénéficient de l’efficacité des secours, notamment en cas d’incendie. Il serait alors logique qu’elles participent au financement les SDIS.

Une proposition de loi déposée en 1999 visait à instaurer une taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les conventions d’assurance au profit des SDIS(11). Cette proposition est restée sans suite. Les Rapporteurs estiment que la taxe spéciale sur les compagnies d’assurance (TSCA) pourrait effectivement voir son taux modulé pour permettre un financement affecté aux SDIS.

Un conflit oppose actuellement les sociétés d’autoroute et les compagnies d’assurance sur la possibilité éventuelle des premières de demander le remboursement des frais d’intervention des SDIS par les dernières.

La MEC estime, là encore, qu’il convient d’étudier les conditions d’une démarche « gagnant – gagnant », dans laquelle les assurances pourraient admettre de contribuer au financement des SDIS en échange d’un effort commun de prévention des risques et d’une amélioration des interventions (qualité, délais…). Mais elle ne s’estime pas en mesure, à ce stade, de formuler une proposition.

IV.– LES SAPEURS-POMPIERS : GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET FORMATION

La Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) rappelle son attachement à l’importance des fonctions remplies par les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, dans l’accomplissement du service public d’incendie et de secours. Ces dernières années, les sapeurs-pompiers se sont mobilisés à plusieurs reprises pour la défense de leurs conditions de travail. Il s’agit de l’expression normale du droit syndicat tel que reconnu dans les lois de la République.

La MEC déplore cependant que leur expression ait parfois pris la forme de manifestations violentes en tenue d’intervention. Ainsi, le directeur du SDIS du Var déclarait devant la MEC que son « SDIS était protégé par des CRS car les grévistes ont mis à plusieurs reprises le feu au SDIS. Il n’y a eu aucune interpellation, pas plus d’ailleurs que quand ils ont placé des fumigènes dans le tunnel de Toulon alors qu’il était ouvert à la circulation ou lorsqu’ils s’en sont pris avec violence à un commissaire de police à Saint-Raphaël ou à leurs habituels collègues de travail, gendarmes et CRS, à Paris en décembre 2006 ».

Le 21 novembre 2006, entre 6 000 et 10 000 sapeurs-pompiers, selon les sources, avaient défilé à Paris à l’appel de l’intersyndicale. De violents incidents avec les forces de l’ordre avaient émaillé le défilé, faisant quinze blessés parmi les forces de l’ordre. M. Jean-Paul Bacquet, maire de Coudes, représentant l’Association des maires de France (AMF), déclarait devant la MEC : « il y a deux ans, avant les élections de 2007, les sapeurs-pompiers avaient manifesté dans la rue en tenue et avaient frappé des policiers en tenue : double faute, mais aucune peine ! »

A.– LES EFFECTIFS DE SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS ONT AUGMENTÉ DE 10 000 DEPUIS LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION DE 1996

Les effectifs de sapeurs-pompiers professionnels ont augmenté de 25 % entre 1999 (28 924) et 2007 (38 236) alors que le nombre d’intervention n’a augmenté que de 5 % sur la même période (près de 4 millions). Le rythme d’augmentation du nombre de sapeurs-pompiers professionnel continue à augmenter fortement alors que l’effet de la réduction du temps de travail est terminé depuis 2004 (36 461).

La comparaison avec l’évolution des effectifs des collectivités territoriales, effectuée par les représentants de la FNSPF, auditionnés par la MEC, est biaisée par le fait que la période récente est caractérisée par les effets de la décentralisation de 2004.

La MEC demande une pause dans les recrutements de sapeurs-pompiers professionnels, tant que la clarification des missions et des compétences n’est pas effective.

Proposition n° 26 : Effectuer une pause dans le recrutement des sapeurs-pompiers professionnels.

Le cabinet Lamotte relevait dans une étude remise en novembre 2007 à la FNSPF que les sapeurs-pompiers d’entreprise ne sont pas recensés dans notre pays. Ils exercent pourtant une fonction importante sur les sites industriels particulièrement dangereux pour lesquels la réglementation les rend obligatoire. Ils contribuent à la protection civile en France, au même titre que les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ou les associations.

La DSC devrait procéder au recensement des sapeurs-pompiers d’entreprise en France, comme le font nombre d’autres pays en Europe.

Proposition n° 27 : Demander à la direction de la Sécurité civile d’effectuer un recensement des sapeurs-pompiers employés actuellement de façon interne par les entreprises.

B.– L’ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS SUR LA BASE DE GARDES DE 24 HEURES N’EST PLUS ADAPTÉE

Le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile, déclarait devant la MEC que les dernières statistiques disponibles montrent qu’en moyenne les sapeurs-pompiers professionnels effectuaient 89 gardes de 24 heures par an. Or les SDIS pratiquaient en moyenne 135 gardes par 24 heures avant le décret de 2001 (jusqu’à 170 par an dans certains SDIS). La DSC calcule qu’en 2007 63 % des SDIS pratiquaient des gardes de 24 heures, 26 % des gardes de 12 heures, 3 % des gardes de 10 heures, 4 % des gardes de 8 heures et 4 % d’autres systèmes de garde (gardes mixtes…). Le cabinet Lamotte a calculé que chaque sapeur-pompier professionnel effectue en moyenne 143 interventions par an (variation de 50 à 296 selon les SDIS). Notre collègue Charles de Courson, membre de la MEC, a précisé le 2 avril dernier que pour les sapeurs-pompiers de Reims, qui est le corps le plus important de la Marne, la moyenne est de 2 heures 17 de travail effectif par garde de 24 heures pour un homme du rang, environ 1 heure 50 pour un sous-officier et 1 heure 10 pour un officier.

Un sapeur-pompier professionnel peut-il valablement maintenir ses capacités professionnelles avec aussi peu de temps consacré aux interventions ? N’est-on pas allé trop loin dans la réduction du temps de travail avec seulement 89 gardes de 24 heures par an ? Ne pourrait-on pas évoluer vers des systèmes de garde plus en adéquation avec le volume d’activité des centres d’incendie et de secours (gardes des 8 heures, trois-huit…) sachant qu’entre 23 heures et 6 heures il y a très peu d’interventions ?

Les discussions en cours au niveau européen, concernant la directive sur le temps de travail risquent de remettre en cause les systèmes d’équivalence pour les gardes de 24 heures. La procédure de conciliation engagée entre le Conseil et le Parlement européen sur ce projet de directive sur le temps de travail a échoué en avril dernier. Le Parlement européen s’était opposé à l’accord politique dégagé au Conseil sur la possibilité d’offrir un régime dérogatoire (« opt-out ») à un État membre pour permettre une semaine de travail supérieure à 48 heures, et sur la possibilité de ne pas considérer une heure de temps de garde comme une heure de temps de travail effectif. Le débat n’est certainement pas clos car le renouvellement récent du Parlement européen verra certainement la reprise de ces discussions sur la base d’un nouveau texte… Il faut en outre noter qu’un récent jugement du tribunal administratif de Rennes, relatif à la rémunération en heures supplémentaires des heures passées en intervention hors de la période de temps de travail effectif (8H – 12H et 14H – 18H) pourrait, s’il était confirmé en appel et en cassation, remettre en cause le système de gardes de 24 heures.

L’organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnel sur la base de gardes de 24 heures n’est plus adaptée pour affecter de façon optimale les effectifs en place aux besoins d’intervention. Son inconvénient majeur est qu’il ne permet par de moduler les effectifs en fonction de la sollicitation jour/nuit. Les organisations de sapeurs-pompiers ont indiqué devant la MEC que la modulation avait ses limites dans la mesure où la plus grande partie des effectifs présents dans les centres de secours était due non pas aux sollicitations opérationnelles mais aux obligations de garde, pour être en mesure d’assurer une intervention dans des délais prédéfinis. Elles signalent, à juste titre, les conséquences sur la santé du régime de garde de 24 heures (travail de nuit).

Les sapeurs-pompiers et certains élus, auditionnés par la MEC ont estimé que l’abandon des gardes de 24 heures occasionnerait une augmentation des effectifs, et donc des dépenses. Les organisations représentatives de sapeurs-pompiers ont décrit, dans les documents qu’ils ont remis à la MEC, les éléments constitutifs de la journée de 24 heures d’un sapeur-pompier professionnel :

– 8 heures de travail effectif composées notamment d’interventions, de tâches de prévention, rassemblements, tenue des registres, entraînement physique, maintien des acquis professionnels, instruction, manœuvres, entretien des locaux et des matériels, tâches administratives et techniques, visites de secteurs ;

– les 16 heures restantes sont des heures de permanence.

Les sapeurs-pompiers professionnels disposent en général d’une chambre individuelle dans les centres de secours. La modification du régime de garde permettrait de libérer ces locaux pour d’autres tâches.

L’attachement traditionnel des sapeurs-pompiers professionnels au système de 89 gardes de 24 heures par an est-il cohérent avec le fait qu’un très grand nombre d’entre eux utilisent leurs jours de récupération pour effectuer des vacations en tant que sapeurs-pompiers volontaires, y compris dans leur SDIS de rattachement ? Or les sapeurs-pompiers professionnels touchant des vacations de sapeur-pompier volontaire bénéficient également de la prime de fidélité et de reconnaissance (PFR).

Les Rapporteurs estiment que l’on pourrait envisager une évolution vers des systèmes de garde plus en adéquation avec le volume d’activité des centres d’incendie et de secours (gardes de 12, 10 ou 8 heures, trois-huit…). Avec des gardes de 8 heures et une durée légale de 1 607 heures de travail par an, cela correspondrait à 200 jours ouvrés par an.

L’ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS

Proposition n° 28 : S’interroger sur l’organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels et son adéquation aux besoins de l’activité opérationnelle. Envisager la possibilité d’une évolution du système actuellement majoritaire de gardes de 24 heures vers des régimes plus souples de 12, 10 ou 8 heures, correspondant mieux à la sollicitation opérationnelle tout au long de la journée et permettant une présence plus fréquente des sapeurs-pompiers professionnels sur leur lieu de travail.

Proposition n° 29 : Revoir dans ce cadre la planification des tâches des sapeurs-pompiers professionnels tout au long de la journée de travail, afin que l’évolution du régime de gardes engendre une réelle économie de ressources humaines.

C.– LA FILIÈRE DES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS EST TRÈS SPÉCIFIQUE AU REGARD DU RESTE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

Les sapeurs-pompiers professionnels sont des fonctionnaires territoriaux. On peut dans ces conditions s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’organisation de leur filière est si spécifique par rapport aux autres corps de fonctionnaires territoriaux. Ainsi le concours de recrutement de sapeur-pompier professionnel connaît deux modalités : le concours normal et le concours réservé aux sapeurs pompiers volontaires. Le concours de lieutenant, qui est la seule autre voie d’accès externe, échappe complètement au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour être entièrement géré par la DSC, c’est-à-dire par l’État. Cela ne manque pas d’étonner s’agissant de fonctionnaires territoriaux…

Actuellement c’est la DSC, après consultation de la CNSIS, qui édicte la réglementation relative aux personnels des SDIS (organisation du temps de travail, gestion des filières, des carrières, des affectations, des rémunérations et des retraites des sapeurs-pompiers). Cette gestion des sapeurs-pompiers par la DSC s’effectue la plupart du temps par association étroite des organisations représentatives de sapeurs-pompiers, notamment la FNSPF. Les élus sont sollicités in fine au moment de la formalisation des textes réglementaires et, bien sûr, pour faire assumer le coût des mesures par les collectivités territoriales.

Quels sont les avantages d’une gestion de personnel des sapeurs-pompiers par la DSC, avec avis des élus pris auprès de la CNSIS, alors que celle des autres fonctionnaires territoriaux est assurée par la direction générale des Collectivités locales, en association avec le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) ? Le rôle de l’administration centrale, et singulièrement de la DSC, en matière de gestion des personnels (interventions sur l’ensemble de la filière, gestion des concours, négociations directes avec les organisations représentatives de sapeurs-pompiers) est sans équivalent dans le monde des collectivités territoriales.

Certaines organisations représentatives de sapeurs-pompiers ont revendiqué, dans leurs documents transmis à la MEC, la création d’un « titre V » de la fonction publique territoriale qui leur serait spécifiquement consacré, en compléments des quatre titres existant relatifs aux principes communs et aux fonctionnaires d’État, territoriaux et hospitaliers. D’autres au contraire ont demandé le rattachement de la filière sapeurs-pompiers au droit commun de la fonction publique territoriale.

Les Rapporteurs estiment que l’on devrait envisager que la filière sapeurs-pompiers se rapproche sensiblement du droit commun de la fonction publique territoriale. Les spécificités statutaires ne devraient être acceptées que pour tenir compte des réelles spécificités de ce métier. On éviterait ainsi les problèmes soulevés par le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile, devant la MEC : « s’agissant des régimes indemnitaires, c’est l’article 117 de la loi de 1984 qui a ouvert la voie à un mécanisme qui se révèle difficilement gérable en démultipliant les régimes spécifiques, alors même que le mouvement devrait tendre vers une certaine uniformisation. Avec une indemnité d’administration et de technicité (l’IAT) évoluant au gré de huit échelons, on aboutit nécessairement à une pratique incontrôlable. »

Le taux d’encadrement des sapeurs-pompiers professionnels est de 1 colonel ou lieutenant-colonel pour 70. Ce pourcentage est très supérieur à celui qui prévaut par exemple dans l’armée. Les organisations représentatives de sapeurs-pompiers ont toutes indiqué devant la MEC que l’encadrement des SDIS devait se rapporter à l’ensemble des sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires. Or, opérer ce calcul nécessiterait de comptabiliser les sapeurs-pompiers volontaires en équivalents temps plein (ETP), et de neutraliser les doubles statuts, qu’aucune statistique précise ne recense.

Le système de promotions étant dans une large mesure contrôlé par les intéressés eux-mêmes, il y aura en 2009 plus de lieutenants que de capitaines. La départementalisation a entraîné une centralisation à l’échelon départemental et la création de groupements, faisant apparaître un besoin en officiers. Il faudrait sans doute revoir les règles en la matière.

Les Rapporteurs sont d’avis de faire entrer, autant que possible, la gestion des ressources humaines des personnels des SDIS dans le droit commun applicable aux fonctionnaires territoriaux, avec l’instruction des projets réglementaires par la direction Générale des collectivités territoriales (DGCL). Les collectivités territoriales pourraient être consultées successivement par la conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), pour les personnels titulaires et non titulaires, et par le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), pour les personnels titulaires.

Proposition n° 30 : Faire entrer, autant que possible, la gestion des ressources humaines et les rémunérations des personnels des SDIS dans le droit commun applicable aux fonctionnaires territoriaux, avec l’instruction des projets réglementaires par la direction Générale des collectivités territoriales (DGCL).

D.– LES DÉPENSES DE PERSONNEL CONSTITUENT LE PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSE DES SDIS

La DSC calcule qu’en 2007 les dépenses de personnel des SDIS (2,68 milliards d’euros) représentent 64 % des dépenses totales des SDIS (4,2 milliards d’euros). C’est bien sûr le premier poste de dépense des SDIS. Ces dépenses de personnel ont augmenté de 3 % entre 2006 et 2007. Parmi les dépenses de personnel, les rémunérations s’élèvent à 1,96 milliard d’euros et ont enregistré une hausse de 4,7 % en 2007 ; sur ce total, 77,5 % reviennent aux sapeurs-pompiers professionnels et 21,9 % rétribuent les vacations des sapeurs-pompiers volontaires.

Sans vouloir porter de jugement, les Rapporteurs remarquent que la filière sapeur-pompier bénéficie de conditions de rémunération qui sont loin d’être désavantageuses.

L’INSEE (12) publie régulièrement deux séries statistiques relatives aux rémunérations de la filière sapeurs-pompiers, le « salaire net moyen » et la « rémunération moyenne des personnes en place » (RMPP). La seconde est la plus significative car la première est biaisée par l’effet de « noria » (entrées et sorties dans les services).

En 2006, l’évolution des salaires nets moyens des SDIS a été de 2,1 % en euros constants. C’est la filière locale qui a le plus augmenté après la catégorie « autres établissements publics locaux » (les autres filières locales sont celles des régions, départements, communes, établissements publics, autres regroupements…). L’augmentation moyenne de l’ensemble de la fonction publique territoriale (FPT) s’est élevée à 1,7 % en 2006. L’INSEE indique que « les salariés à temps complet de la FPT, soit environ 1,19 million d’agents en équivalent temps plein, ont perçu en 2006 un salaire mensuel net moyen de 1 669 euros. Suivant le type de collectivité, ce salaire moyen varie entre 1 454 euros pour les agents des centres communaux d’action sociale (CCAS) et 2 177 euros pour les salariés des services départementaux incendie. La filière incendie et secours est la plus rémunératrice. »

En 2006 toujours, l’évolution de la RMPP des SDIS a été de 2,9 %. C’est la filière locale qui a le plus augmenté. L’augmentation moyenne de l’ensemble de la FPT s’établit à 2,0 % en 2006. L’INSEE précise que « c’est dans les régions (+ 2,8 %) et les SDIS (+ 2,9 %) que la RMPP est la plus dynamique. (…) La filière est un autre déterminant de la RMPP. Si dans les deux principales filières (technique et administrative) les évolutions sont proches de la tendance générale (avec respectivement + 1,6 % et + 2,0 %), elles sont un peu moins favorables pour la filière sociale (+ 1,5 %) et la filière médico-sociale (+ 1 %) et plus dynamiques dans les filières incendie et secours (+ 3,0 %) et animation (+ 2,9 %). (…) Entre 2002 et 2006 ce sont les salaires des agents des régions et des SDIS qui ont le plus augmenté sur la période avec une hausse annuelle moyenne de + 1,9 % en euros constants (moyenne de 0,9 % pour l’ensemble de la FPT). »

En 2004 le salaire moyen annuel des SDIS était de 24 849 euros contre 26 534 euros pour les régions. L’INSEE calculait que « travailler dans un service d’incendie procure un avantage salarial de plus de 30 % par rapport au fait d’appartenir aux services communaux. Pour les régions, cet avantage est de 17,4 %, toujours par rapport aux communesToutes choses égales par ailleurs, le salaire dans les SDIS est 30,3 % plus élevé que celui d’un salarié de profession intermédiaire (salaire net annuel moyen). » Les SDIS sont le type de collectivité qui comporte la plus forte proportion de cat C, alors que sur cette période les personnels de catégorie A étaient majoritaires dans les régions. Les sapeurs-pompiers sont à 82,7 % de catégorie C, à 10,3 % de catégorie B et à 7 % de catégorie A. Ces statistiques de 2004 sont antérieures aux améliorations de carrière induites par les « accords Jacob ». L’INSEE précisait que le salaire moyen dans les SDIS était en 2004 au même niveau que dans la fonction publique d’État. Or les effectifs de la fonction publique d’État sont constitués à 52 % de catégorie A (essentiellement les professeurs).

L’INSEE calcule que si l’on regarde le salaire net annuel moyen par catégorie socioprofessionnelle (cadres, professions libérales, ouvriers et employés), les SDIS ont à chaque fois les niveaux les plus élevés parmi les collectivités (région, départements, communes et autres regroupements).

La structure des rémunérations complémentaires varie d’un SDIS à l’autre. Le régime indemnitaire peut constituer entre 20 et 50 % de la rémunération indiciaire. La latitude laissée par les textes réglementaires aboutit, sous la pression des revendications syndicales, à une harmonisation par le haut, sur des montants proches des maxima autorisés. En renonçant à la modulation des indemnités, les SDIS se privent d’un outil de gestion des ressources humaines.

E.– TROUVER LE BON ÉQUILIBRE ENTRE LES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS ET VOLONTAIRES

Les proportions respectives de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires sont très variables d’un département à l’autre. Historiquement, les sapeurs-pompiers volontaires sont plus utilisés dans les zones rurales et les sapeurs-pompiers professionnels dans les zones urbaines. Aucune personne auditionnée par la MEC n’a donné d’autre justification que le poids de l’histoire. Les Rapporteurs estiment qu’il faudrait concevoir des critères d’analyse permettant de définir une proportion optimale. La Cour des comptes, dans son rapport public de 2005, notait que, compte tenu de l’enjeu que constitue pour l’avenir le recrutement de sapeurs-pompiers professionnels, les SDIS auraient intérêt à se doter d’outils communs d’évaluation des besoins en personnel professionnels et volontaires.

Les Rapporteurs soutiennent bien évidemment l’effort de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, qui constitue un engagement citoyen caractéristique de la sécurité civile en France. Ils étudieront avec intérêt le rapport que remettra en septembre prochain la commission « Ambition volontariat » présidée par M. Luc Ferry.

Les statistiques précises manquent sur la proportion de sapeurs-pompiers professionnels effectuant également des vacations de sapeur-pompier volontaire. Le colonel Richard Vignon, président de la FNSPF, a estimé à 16 000 sur 38 000 sapeurs-pompiers professionnels le nombre de ces « doubles statuts ». Ces vacations sont effectuées tant dans les SDIS voisins que dans le propre site de rattachement des sapeurs-pompiers professionnels.

Les organisations représentatives de sapeurs-pompiers font valoir qu’exercer la fonction de sapeur-pompier volontaire est un droit reconnu à tout citoyen, et donc également aux sapeurs-pompiers professionnels. Elles notent également que la sollicitation de sapeurs-pompiers professionnels en tant que volontaires est souvent le fait de la direction du SDIS, en ce qu’elle offre une souplesse de gestion dans l’application de la réglementation de travail (durée, périodes de repos) et de la réglementation sociale (exonération de charges sociales).

Les représentants du syndicat Interco-CFDT, dans le document remis à la MEC lors de leur audition et annexé au présent rapport, ont indiqué qu’ils seraient favorables à une interdiction du double statut, ce qui permettrait de rémunérer les vacations effectuées par les sapeurs-pompiers professionnels en heures supplémentaires.

Comme tous les sapeurs-pompiers volontaires, les sapeurs-pompiers professionnels sont exonérés d’impôt sur le revenu quand ils exercent des vacations de volontaires. Ils peuvent également prétendre à faire valoir les droits à la prestation de fidélité et de reconnaissance (PFR), au même titre que tous les sapeurs-pompiers volontaires, s’ils ont cotisé au minimum 20 annuités. Cela peut constituer pour eux un complément substantiel de retraite. On peut s’interroger a contrario sur la proportion de sapeurs-pompiers volontaires qui ne jouissent pas du double statut et qui bénéficieront effectivement de la PFR, sachant que la durée moyenne d’engagement est de huit ans.

Il semble pour le moins contradictoire que les sapeurs-pompiers professionnels effectuent en moyenne 89 gardes de 24 heures par an et soient demandeur de vacations au titre de sapeur-pompier volontaire… Les Rapporteurs estiment qu’il faut encadrer les règles relatives au cumul des fonctions de sapeur-pompier professionnel et volontaire. C’est la moindre des préoccupations pour être cohérent avec les exigences de la réglementation, rappelées à maintes reprises par les organisations représentatives de sapeurs-pompiers, sur le repos de sécurité.

LES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES

Proposition n° 31 : Définir des outils d’analyse communs permettant aux SDIS de définir les proportions optimales de sapeurs-pompiers volontaires et professionnels.

Proposition n° 32 : Encadrer le double statut de sapeur-pompier volontaire et professionnel.

F.– LA FORMATION DES SAPEURS-POMPIERS

La formation des sapeurs-pompiers est assurée, pour les officiers, par l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP), située depuis peu à Aix en Provence, et par environ 80 écoles départementales pour tous les sapeurs-pompiers.

1.– Le poids de la formation des sapeurs-pompiers

En moyenne un SDIS consacre annuellement 1 million d’euros en crédits de formation.

Le cabinet Lamotte calcule qu’en moyenne nationale un sapeur-pompier, qu’il soit professionnel ou volontaire, consacre 35 heures de formation par an, soit l’équivalent d’une semaine de 8 heures par jours. Le régime indemnitaire (prime de spécialité) encourage à la formation de spécialité chez les sapeurs-pompiers. Plus de 85 % des formations sont réalisées en interne, dans le SDIS de rattachement. On peut se demander dans quelle mesure l’insuffisance de l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers pour maintenir leurs acquis (143 interventions sur 89 jours de garde par an) suscite une demande accrue de formation pour ne pas perdre en technicité. Dans une grande majorité de SDIS l’entraînement sportif est considéré comme de la formation. Indispensable pour maintenir un haut niveau de formation, la mise à disposition de véhicules pour la formation représente en outre une charge importante pour les SDIS.

Le coût total de la formation des sapeurs-pompiers professionnels est mal connu mais peut être estimé à environ 5 % de leur masse salariale, celle des sapeurs-pompiers volontaires à environ 8 % de leur masse salariale. La formation des collectivités territoriales représente, quant à elle, environ 3 % de leur masse salariale. Une part du financement de la formation des sapeurs-pompiers passe par les cotisations versées au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). M. Michel Pastor, directeur général du centre, déclarait devant la MEC que : « nous contribuons en effet à la formation des sapeurs-pompiers sous deux formes. La première(13) est constituée par la subvention que nous versons à l’ENSOSP : elle est consommée en totalité. La seconde est constituée par la sur-cotisation versée par les SDIS (0,97 % en 2009) ; la comptabilité permet de constater la présence d’un excédent, même s’il est en réduction ; autrement dit les crédits ne sont pas tous consommés. Cet excédent a été proche de 3,5 millions d’euros ces deux dernières années, dont 1,8 million d’euros en 2007 et 1,5 million d’euros en 2008. ». En 2008, la cotisation a permis d’accorder à l’ENSOSP un financement à hauteur de 6,4 millions d’euros, la sur-cotisation a permis d’octroyer un financement de 2,2 millions d’euros à l’ENSOSP et de 5,3 millions d’euros aux SDIS.

Une caractéristique du système français d’incendie et de secours est d’amener chaque sapeur-pompier, qu’il soit professionnel ou volontaire, à un haut niveau de formation dans tous les domaines afin qu’il puisse être un « généraliste » du secours. Les deux catégories de sapeurs-pompiers sont formées sur les mêmes disciplines, même si la durée de formation des sapeurs-pompiers volontaires (240 heures en trois ans) est moins longue que celle des professionnels (640 heures par an). Les sapeurs-pompiers volontaires ont de plus en plus de mal à dégager du temps pour suivre les formations exigées, ce qui constitue un frein au volontariat. On peut dès lors s’interroger sur la justification de certaines formations (plongée sous-marine…) par rapport à l’activité en intervention des élèves qui la suivent, le secours à victime et l’aide à personnes représentant, rappelons-le, 65 % du nombre d’interventions des SDIS.

Les Rapporteurs proposent de revisiter les référentiels de formation pour en alléger le poids, et de limiter certaines formations spécialisées aux sapeurs-pompiers qui utilisent réellement les capacités ainsi acquises.

LA FORMATION DES SAPEURS-POMPIERS

Proposition n° 33 : Revoir les référentiels de formation, en favorisation la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle et le maintien des capacités au cours des pratiques opérationnelles.

Proposition n° 34 : Proportionner, pour les techniques spécialisées, les formations aux utilisations qui sont effectivement effectuées par les personnes formées dans le cadre de leur pratique opérationnelle.

2.– L’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) : une école administrée par l’État et financée par les collectivités territoriales

L’ENSOSP est un établissement public national placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Son conseil d’administration est composé de huit représentants de l’État, de huit représentants des collectivités et de huit représentants de sapeurs-pompiers. Elle est présidée par un élu, président de conseil d’administration d’un SDIS. Les élus locaux sont donc minoritaires au sein du conseil d’administration, alors que l’État en assure un financement minoritaire et décroissant. Le budget de fonctionnement prévisionnel de l’ENSOSP en 2008 prévoyait :

– des ressources en provenance de l’État pour 4,3 millions d’euros ;

– des subventions des collectivités territoriales et du CNFPT pour 8,6 millions d’euros ;

– des ressources propres et autres (essentiellement contributions des SDIS) pour 10,4 millions d’euros.

La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 confère à l’ENSOSP le rôle d’« animation du réseau des écoles de sapeurs-pompiers ». Or le colonel Philippe Bodino, directeur de l’ENSOSP, reconnaissait devant la MEC qu’il reste à « définir ce qui est ainsi entendu. Nous avançons dans ces définitions. Cette mission est un axe stratégique important de notre projet d’établissement. » Cinq années après la loi de modernisation, cette école ne remplit donc pas le rôle qui lui est dévolu par la loi à l’égard du réseau des écoles départementales de sapeurs-pompiers.

Il ressort des auditions effectuées par la MEC sur la formation des sapeurs-pompiers, le 28 mai dernier, que la collaboration de l’ENSOSP et du CNFPT pourrait être utilement développée dans l’élaboration du projet d’établissement de l’école. Il est dommage que l’ENSOSP ne bénéficie pas, au même titre que les autres écoles de fonctionnaires locaux, des prestations de service fournies par le CNFPT. Là encore on constate une spécificité des services d’incendie et de secours dont on ne perçoit pas la justification.

● Le statut d’élève officier

Le décret d’application de la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 portant statut d’élève officier est le seul qui n’ait pas encore été adopté. La raison principale en est que les organisations représentatives de sapeurs-pompiers revendiquent pour les élèves internes le bénéfice des avantages en nature auxquels ils ont droit dans leur SDIS d’origine (logement et voiture de fonction notamment). Le directeur du CNFPT réagissait à ces demandes en indiquant devant la MEC que : « un directeur général d’une collectivité de moins de 40 000 habitants qui réussit le concours d’administrateur, ou un bibliothécaire qui réussit celui de conservateur du patrimoine conservent leur rémunération : une indemnité différentielle compense la différence éventuelle entre leur traitement précédent et celui qu’ils perçoivent pendant leur formation. En revanche, en accord avec l’État, nous n’avons jamais cédé sur les avantages en nature : nous ne compensons pas la perte d’un logement ou d’une voiture de fonction. (…) En accord avec la direction générale de l’Administration de la fonction publique (DGAFP), notre doctrine a été l’alignement, au centime près, sur les pratiques de l’État. Si la solution proposée était acceptée, elle ne se limiterait pas au monde des sapeurs-pompiers : elle nous confronterait immédiatement à des revendications que nous n’avons jusqu’ici pas satisfaites. »

Accéder à cette demande serait donc totalement dérogatoire par rapport aux règles appliquées aux autres écoles de fonctionnaires, tant nationales que locales. Cela conférerait aux élèves officiers internes de sapeurs-pompiers un niveau de rémunération des élèves officiers supérieur à celle d’un élève de l’INET ou de l’ENA…

Les organisations représentatives de sapeurs-pompiers proposent comme solution alternative que les élèves officiers internes soient payés par leur SDIS de rattachement pendant les 18 mois de leur formation (rémunération principale et avantages en nature). Cette éventualité n’est pas non plus acceptable, car elle créerait également un précédent pour les élèves internes des autres écoles de fonctionnaires, avec une augmentation des charges de même importance.

L’ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES OFFICIERS DE SAPEURS-POMPIERS (ENSOSP)

Proposition n° 35 : Donner au conseil d’administration de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) une majorité des sièges aux représentants des collectivités territoriales, qui en assurent déjà le financement majoritaire.

Proposition n° 36 : Favoriser la collaboration entre l’ENSOSP et le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), notamment dans l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’établissement.

3.– La multiplication des écoles de formation des SDIS

Comme nous l’avons vu, les écoles départementales de sapeurs-pompiers ne sont pas mutualisées entre les départements. La question se pose avec une particulière acuité pour les coûteux plateaux techniques. Les écoles de formation recouvrent en effet des réalités très différentes, soit de simples salles de cours banalisées, soit des installations techniques très sophistiquées. Le seul cas de mutualisation concerne les deux départements d’Alsace. Les locaux de formation des SDIS ne sont en général pas non plus mutualisés avec ceux des communes ou des départements. Quelque seize SDIS ont prévu d’ouvrir une nouvelle école de formation dans les dix prochaines années.

Certaines organisations représentatives de sapeurs-pompiers, faisant preuve d’un esprit louable de responsabilité, font valoir que la mutualisation des écoles de formation engendrerait des coûts de déplacement et d’hébergement. En outre elles font valoir que les sapeurs-pompiers volontaires auraient des difficultés à se déplacer en dehors de leur département pour suivre des formations. D’autres organisations représentatives de sapeurs-pompiers ne sont pas opposées à la création de centres de formation interdépartementaux.

Tous ces éléments sont bien sûr à prendre en considération. Ce n’est actuellement pas le cas, car on assiste à une surenchère des départements pour créer chacun sa propre école.

Propositions n° 37 : Favoriser la mutualisation des écoles départementales de formation des sapeurs-pompiers, notamment pour la construction des plateaux techniques.

4.– Le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) peut fournir un apport appréciable à la formation des sapeurs-pompiers

Plus de la moitié des SDIS n’ont pas élaboré de plan de formation, alors qu’ils ont été rendus obligatoires pour toutes les collectivités territoriales et établissements publics depuis la loi de 1984 sur la fonction publique territoriale.

Le CNFPT pourrait apporter une plus-value importante aux activités de formation des SDIS en développant les relations de travail entre ses délégations régionales et les SDIS. Il pourrait ainsi accompagner les SDIS dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs plans de formation, ou aider les SDIS à professionnaliser la fonction de responsable formation dans les SDIS.

Les SDIS font très peu appel aux ressources de formation disponibles auprès du CNFPT (management, gestion du changement, gestion financière, ressources humaines, filière sportive, sécurité…), au point de ne pas consommer l’intégralité des montants perçus par la cotisation et la sur-cotisation. Par exemple les directeurs de SDIS pourraient rejoindre certains cycles de formation dédiés à l’encadrement de l’INET ; cela compléterait le cursus essentiellement opérationnel qu’ils reçoivent par des modules en matière administrative ou financière. Les SDIS pourraient ainsi mutualiser certaines de leurs formations en synergie d’autres collectivités territoriales, dans le cadre de la régulation mise en place par les schémas régionaux du CNFPT. Faute de quoi les SDIS courent le risque d’utiliser éternellement les mêmes réseaux de formateurs, sans remettre en cause les contenus datés des formations, et ainsi se tenir à l’écart des évolutions pédagogiques.

Une autre spécificité du monde des sapeurs-pompiers est que les référentiels de formation et les concours de recrutement sont définis et gérés par la DSC. Or, pour les autres filières, c’est le CNFPT qui définit les concours de niveau A+ et les centres de gestion départementaux, les concours des autres catégories.

Proposition n° 38 : Favoriser la collaboration entre les écoles départementales de sapeurs-pompiers et le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), notamment dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs plans de formation, afin de permettre un meilleur taux de retour des moyens financiers ainsi mis à disposition.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 8 juillet 2009 à 16 heures, la commission des Finances a procédé à l’examen des conclusions du présent rapport.

M. Didier Migaud, Président. Le point de départ de cette mission se situe très précisément le 8 octobre dernier, lorsque la commission des Finances a examiné les crédits de la mission Sécurité civile pour 2009.

En entendant les critiques très vives exprimées par notre Rapporteur spécial, M. Georges Ginesta, à l’égard de l’augmentation mal contrôlée des dépenses des SDIS, la commission a considéré que ce sujet relèverait d’une évaluation dans le cadre de la MEC.

Afin d’assurer la diversité des points de vue, deux autres Rapporteurs se sont joints à M. Georges Ginesta :

– M. Thierry Mariani, Rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois sur la mission Sécurité civile, et qui a été le Rapporteur de la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 ;

– ainsi que M. Bernard Derosier, lui aussi membre de la commission des Lois et par ailleurs président du conseil général et du SDIS du Nord.

Messieurs les Rapporteurs, vous nous présentez aujourd’hui un rapport que je crois consensuel, comme c’est la vocation de la MEC, et qui comporte de nombreuses propositions destinées notamment à clarifier l’exercice des compétences, afin de permettre à l’État, aux départements et aux communes d’assumer réellement leurs responsabilités. Vos propositions illustrent la vocation de la MEC : alléger la charge du contribuable, aussi bien local que national.

Avant de vous donner la parole, j’apporte une précision sur vos travaux : à la différence des autres missions d’évaluation et de contrôle, vous n’avez pas été accompagnés par la Cour des comptes, dont le Premier Président m’a fait connaître que le suivi des SDIS relevait de la compétence des chambres régionales des comptes, ce qui ne permettait pas à la Cour de s’impliquer sur ce sujet. Peut-être la prochaine réforme des juridictions financières sera-t-elle l’occasion, pour l’avenir, de lever cette petite difficulté.

En tout état de cause, je n’ai pas le sentiment que vos travaux aient pâti de cette situation. Il est vrai que vous êtes tous trois de bons connaisseurs du sujet. Messieurs les Rapporteurs, vous avez la parole.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Ce rapport a été établi par trois députés qui ont travaillé en parfaite harmonie, nonobstant les divergences politiques qui peuvent exister par ailleurs. Nous avons abordé ce sujet avec la même volonté de proposer une organisation des SDIS qui permette une diminution de la dépense publique. Nous avons procédé à de nombreuses auditions, dont celle de Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, laquelle nous a apporté des réponses qui n’étaient pas totalement conformes à nos espérances. En effet, derrière l’approche du Gouvernement sur les SDIS, on devinait la présence et le poids de la direction de la Sécurité civile. Or une telle approche n’est, semble-t-il, pas suffisamment en phase avec la réalité politique et la responsabilité des élus, tant locaux que nationaux.

Je tiens à souligner l’importance et la qualité des travaux que nous avons menés et je formule le souhait que la commission des Finances fasse siennes ces propositions afin que s’engagent un certain nombre de modifications dans notre législation et dans notre réglementation. Notre rapport comprend 38 propositions, dont je laisse à Georges Ginesta le soin de vous les présenter.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il s’agit bien d’un rapport consensuel, effectué sous la présidence de MM. Georges Tron et David Habib, que je remercie.

Nous partions d’un constat qui est connu : globalement, le budget de la sécurité civile est supérieur à 5,5 milliards d’euros, dont 4,2 milliards d’euros sont à la charge des départements. Mais si la part de l’État est stable, les dépenses des SDIS ne cessent d’augmenter plus vite que leurs interventions.

À l’issue de nos travaux, nous avons constaté que le premier objectif était de clarifier la gouvernance des SDIS. Aujourd’hui, il y a ambiguïté : les préfets et les maires sont responsables de la sécurité civile, tandis que ce sont les conseils généraux qui assurent le financement des SDIS, le président du conseil général n’ayant aucune autorité en matière de police. Nous avons tiré de cette observation une conclusion relativement simple. Il faut parvenir à une prise en charge complète des SDIS par les conseils généraux, en allant au bout de la démarche de départementalisation, faute de quoi nous demanderions une reprise par l’État de sa compétence en la matière.

Treize ans après la loi de 1996, le mode de gouvernance des SDIS doit à l’évidence être revu. Le statu quo ne peut que conduire à l’imposition de charges nouvelles. Il constitue une solution de confort tant pour l’État, qui réglemente et laisse les collectivités locales supporter le financement, que pour les sapeurs-pompiers, qui tirent parti de la multiplicité des décideurs et s’appuient sur leur popularité auprès de la population pour pousser à la dépense. Je rappelle que les sapeurs-pompiers professionnels, qui étaient 28 000 il y a dix ans, sont aujourd’hui 38 000 – hors marins pompiers de Marseille et sapeurs-pompiers de Paris, et sans compter les quelque 200 000 volontaires.

Une telle augmentation des effectifs a conduit à une inflation budgétaire de 245 % alors que le nombre d’interventions de SDIS a augmenté de seulement 5 % depuis 1999. Or ces interventions concernent de moins en mois les incendies, particulièrement chronophages, et davantage les interventions à la personne, un champ où des doublons existent avec les SAMU ou les ambulanciers privés.

Notre première proposition est donc simple : il convient de clarifier les compétences de l’État quant au cadre institutionnel et réglementaire, à la prévention et aux moyens complémentaires des SDIS. Les sapeurs-pompiers professionnels doivent être intégrés dans le cadre départemental en permettant en outre au président du conseil général de nommer le directeur départemental du SDIS, lequel deviendrait alors un emploi fonctionnel placé auprès de celui-ci.

On peut par ailleurs s’interroger sur le maintien des services d’incendie et de secours dans le cadre des pouvoirs de police administrative générale dévolus au préfet et au maire. L’exercice de ce pouvoir par les maires est en effet devenu en grande partie virtuel.

Nous souhaitons également rendre les conseils généraux responsables des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) dans le cadre de règles nationales assurant une égalité des citoyens devant le service public. À l’heure actuelle, les SDACR sont élaborés par les directeurs départementaux et approuvés par les préfets après avis conforme des présidents de conseils généraux.

Nous proposons aussi de recenser et de procéder à un réexamen de l’ensemble des textes réglementaires adoptés par la direction de la Sécurité civile, à l’élaboration desquels les présidents de conseils généraux restent imparfaitement associés. Il convient d’appliquer le principe « qui paie commande », alors qu’actuellement on impose aux départements, à partir de textes réglementaires, un accroissement des dépenses.

La MEC relève par ailleurs que la bonne coordination entre les SDIS, les SAMU et les ambulanciers reste encore à établir. L’ambiguïté que recèle la notion de « prompt secours » amène les sapeurs-pompiers à intervenir le plus souvent et partant, à accroître la quantité de travail et à être demandeurs d’embauches et de matériels supplémentaires. Rappelons que le coût du matériel des sapeurs-pompiers présente des variations très importantes. Ainsi le prix d’un véhicule aménagé peut varier de 50 000 à 100 000 euros selon les départements, pour un équipement similaire, alors qu’une ambulance équipée de manière équivalente coûte moins de 50 000 euros. Il s’agit donc d’opérer des mutualisations de matériel.

Nous sommes également convaincus que la maîtrise des dépenses des SDIS est la condition d’un financement soutenable pour les contribuables. Aujourd’hui, en moyenne nationale, les SDIS représentent une dépense de 79 euros par habitant. Ce qui signifie que dans certains départements, cette dépense représente un prélèvement qui peut être supérieur à celui de la taxe d’habitation pour une famille de quatre personnes. Cette information gagnerait à être portée à la connaissance de nos concitoyens, ce qui écornerait peut-être l’image des sapeurs-pompiers. La proposition majeure que nous faisons est donc de fiscaliser la dépense des SDIS, soit par l’indication des dépenses sur les feuilles d’impôts locaux, soit par la création d’une taxe spécifique. Mme Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, y était favorable. Nous estimons qu’une telle réforme serait source d’économies importantes et permettrait en outre de soulager financièrement les conseils généraux.

L’accroissement des dépenses des SDIS s’explique aussi par le régime du temps de travail des sapeurs-pompiers. Avant la départementalisation, les sapeurs-pompiers professionnels effectuaient 135 jours de garde de 24 heures par an. Aujourd’hui, en moyenne, ils assurent 89 gardes de 24 heures par an et n’effectuent que 143 interventions par an. Cela signifie qu’il n’exercent leur métier qu’une fois et demie par jour de garde. Notre collègue Charles de Courson a précisé que pour les sapeurs-pompiers de Reims, qui est le corps le plus important de la Marne, la durée moyenne d’une intervention est de 2 heures 17, soit au total 3 heures 30 de travail par jour de garde.

Le problème est qu’une telle situation rend plus nécessaires les besoins de formation, car moins on fait son métier, plus il faut se former. On a alors assisté à une multiplication des écoles de sapeurs-pompiers, lesquelles sont actuellement plus de 80 et, par défaut de mutualisation, pèsent sur les budgets. Nous proposons donc de revoir le régime des jours de garde car cette organisation du temps de travail en gardes de 24 heures n’est plus adaptée au rythme des sollicitations tout au long de la journée, sachant qu’entre 23 heures et 6 heures il y a très peu d’interventions. On pourrait envisager un régime de gardes de 8 heures par jour. Avec 1 607 heures travaillées par an, on obtiendrait 200 jours de présence de 8 heures. Il ne serait alors plus nécessaire d’aménager des chambres à coucher dans les casernes. Il faudrait en outre calibrer la présence des sapeurs-pompiers en fonction de la fréquence des interventions, et non pas maintenir un nombre constant de sapeurs-pompiers tout au long de la journée. En tout état de cause, les sapeurs-pompiers, qui seraient présents 200 jours par an dans les casernes, effectueraient davantage leur métier et auraient sans doute moins besoin de formation, d’où une source supplémentaire d’économies.

D’autre part les discussions en cours au niveau européen pourraient nous amener à revoir le système de gardes de 24 heures en remettant en cause les principes d’équivalence entre le temps de garde et le temps de travail.

La MEC propose également de faire entrer, autant que possible, la gestion des ressources humaines et les rémunérations des personnels des SDIS dans le droit commun applicable aux fonctionnaires territoriaux. En outre, tout doublonne entre les structures de gestion du SDIS et du département ; là aussi, il y a des sources d’économies importantes.

Enfin, concernant la formation, rappelons qu’aujourd’hui les sapeurs-pompiers sont des généralistes. À titre d’exemple, tous apprennent la plongée sous-marine. On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle formation, en dehors des sapeurs-pompiers affectés à des départements marins. Il convient de faire mieux correspondre la formation du sapeur-pompier à son travail effectué au sein de son département.

Telles sont les propositions de la MEC : réduire le nombre d’écoles de formation via des mutualisations, faire en sorte de mieux intégrer les sapeurs-pompiers à la fonction publique territoriale et de mieux spécialiser leur formation. Ceci devrait amener à une réduction, du moins à une stabilisation des coûts.

M. le président Didier Migaud. Messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour la qualité de votre synthèse. Il ne s’agit certes pas d’écorner l’image des sapeurs-pompiers : on peut toujours citer tel ou tel exemple de comportement regrettable, mais il n’illustrera jamais celui de la majorité d’entre eux. La MEC avait pour objectif de clarifier les compétences et de rendre la gestion des SDIS plus transparente pour que le service public soit rendu au meilleur coût. Elle a formulé à cette fin des propositions utiles dont il nous appartiendra d’assurer le suivi et la promotion tant auprès de nos collègues que du Gouvernement.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je retiens surtout de nos travaux que la meilleure manière de modérer la dépense serait de garantir la transparence complète sur le financement des SDIS en créant une ligne spéciale dans les avis d’impôts locaux. Appliqué à des domaines moins nobles, comme l’enlèvement des ordures ménagères, ce procédé a fait ses preuves.

M. David Habib, président de la MEC. Nous avons mené de nombreuses auditions. Pour la première fois à ce degré depuis que je préside la mission d’information et de contrôle avec notre collègue Georges Tron, elles ont révélé qu’il peut être difficile de laisser s’exprimer sans réticence des responsables de services qui s’ignorent et parfois s’affrontent. Il ne faut pas comprendre les trente-huit propositions que nous avons formulées comme une charge contre les sapeurs-pompiers. Les défauts de gouvernance observés sont bien plutôt imputables à l’insuffisance de la législation et, en particulier, des lois de décentralisation successives.

Les sapeurs-pompiers deviennent également un enjeu politique à l’approche des consultations électorales. Les promesses formulées à cette occasion se révèlent souvent difficiles à tenir ensuite pour les SDIS. La solution du problème réside dans une « neutralisation » de la fonction de sapeurs pompiers, qui n’est pas une fonction sacrée. Pour mieux gérer les ressources humaines, les règles de la fonction publique territoriale doivent s’appliquer à eux aussi. Nous formulons à propos de la nomination du directeur des SDIS une proposition qui est à cet égard emblématique.

Rapportées à chaque Français, les dépenses d’incendie et de secours représentent quatre-vingts euros par an. C’est plus que l’effort public en faveur du logement ! En matière de régime du temps de travail, il sera difficile d’aller plus loin et d’accorder de nouveaux avantages. Il faut au contraire mutualiser l’effort de formation et définir les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) en gardant le sens des proportions : le risque chimique, mais aussi les risques propres à la montagne ou à la mer, ne sont pas présents dans tous les départements. Je pourrais donc étendre à d’autres domaines les remarques de notre collègue sur la formation à la plongée sous-marine.

Quelles suites devons-nous donner à ce rapport ? Aucun texte n’étant inscrit au programme prévisionnel de l’Assemblée nationale en matière de sécurité civile, nous devrons à mon sens faire usage de notre droit d’initiative législative.

M. Georges Tron, président de la MEC. Sur le fond, je n’ai rien à ajouter à ce qu’ont dit les précédents orateurs. Sur la forme, je tiens en revanche à signaler que les auditions ont fait apparaître un réel décalage entre l’image intrépide des sapeurs-pompiers et une attitude beaucoup plus frileuse de nos interlocuteurs. Une clarification des compétences ira dans la bonne direction. Il faudra cependant faire aussi œuvre de pédagogie pour que chacun comprenne que, si les spécificités d’un métier doivent être reconnues, aucun logique d’exception ne peut toutefois prévaloir.

La MEC aura sans doute touché ici à l’un de ses domaines d’investigation les plus sensibles. Afin de ménager des susceptibilités très vives et d’atteindre l’effet escompté, il conviendra de rechercher la voie du consensus pour adopter les textes législatifs nécessaires. Notre travail aura fourni un réel apport s’il contribue à dépassionner le débat.

M. le président Didier Migaud. Je rappelle que nous avons qualité, en tant que commission, pour demander l’inscription de ce sujet à l’ordre du jour d’une semaine de contrôle. Le prochain examen du texte sur la réforme territoriale offrira aussi l’occasion de reprendre les présentes propositions sous forme d’amendements.

M. Michel Vergnier. Je félicite les membres de la MEC, qui ont très bien résumé les termes d’un choix clair entre départementalisation et étatisation. D’importantes différences subsistent cependant entre départements, notamment si l’on prend en compte la situation des départements ruraux. Le coût moyen par habitant variant sensiblement des uns aux autres, les citoyens risquent de demeurer égaux devant l’intervention des pompiers sans plus être égaux devant l’impôt. Cela ne revient pas au même de prévenir les incendies à Saint-Raphaël et à Guéret, ou plutôt à Saint-Raphaël et à La Courtine, très éloignée de son chef-lieu creusois.

M. Jean-Claude Mathis. Je salue moi aussi le travail accompli. Il ne faudrait pas cependant aller trop vite en besogne. Les conseils généraux tiennent déjà les cordons de la bourse. C’est à eux qu’il revient d’exercer leur responsabilité et de gérer au plus près les SDIS avec le soutien des services de l’État. Le département de l’Aube maintient ainsi l’un des coûts par habitant les plus bas.

Il est normal de rendre hommage aux sapeurs pompiers dans les cérémonies publiques. Mais cela ne vaut pas blanc-seing pour formuler des exigences en perpétuelle augmentation. Je suis convaincu que le SDIS doit rester une compétence de proximité, ne serait-ce que pour permettre aux contribuables de se rendre compte de ce qu’il coûte.

M. Jean Launay. La disparité des situations commande en effet de nuancer certaines appréciations, tant en matière de fiscalité que de formation et d’investissements. C’est aussi un domaine où la dimension humaine est primordiale : volontaires ou professionnels, les sapeurs-pompiers sont tous habités par une haute idée de leur mission. L’opinion leur en donne acte. Il est bon de maintenir entre volontaires et professionnels un équilibre qu’il ne faudrait pas concevoir comme une stricte parité numérique. S’il est vrai que la professionnalisation est un gage de qualité du geste et des méthodes, elle représente au demeurant un facteur de déséquilibre financier.

En matière de fiscalité, l’idée d’une ligne spéciale dans les avis d’imposition serait bonne si la départementalisation était totalement aboutie. Mais, par le biais de l’intercommunalité, les communes continuent de jouer un rôle auquel il ne serait pas judicieux de mettre fin. Nous pourrons cependant aborder ce thème à l’occasion du débat sur la réforme territoriale.

Je voudrais m’arrêter enfin au terme d’ « auto-prescription » contenu dans le rapport. Le mot est fort, mais décrit une réalité en matière d’équipements des sapeurs-pompiers. Le remplacement du matériel a lieu alors que le modèle précédent n’est parfois ni amorti, ni périmé. Ces sorties d’inventaire pèsent lourd dans le bilan des services d’incendie et de secours.

Beaucoup d’interrogations pèsent sur la coordination des SDIS, du SAMU et des ambulanciers. L’organisation du service des urgences doit être revue en résolvant ce manque de coordination, un des principaux problèmes avec celui de la permanence des soins, auquel nous devrons faire face dans le cadre de la baisse de la démographie médicale.

M. Jean-Louis Dumont. Une clarification est indispensable et le rapport, très attendu et même réclamé, comporte un ensemble de propositions positives, qu’il appartient au Parlement de défendre jusqu’à leur mise en œuvre, car il y a va de la sécurité des personnes et des biens. Il y a aujourd’hui une véritable désorganisation. Les services sont autocentrés et laissent peu de place au volontariat. Les volontaires apparaissent comme les « servants » des autres catégories d’intervenants. Lorsqu’on veut réorganiser et limiter les dépenses, on est l’objet d’une pression des médias et de lobbies à laquelle il faudra résister. Il est important, tout en respectant les personnes qui s’engagent, de rétablir rapidement un système maîtrisé tant sur le plan des dépenses que de la gouvernance. Cela incombe au Parlement.

Le président Didier Migaud. La répartition des responsabilités entre communes et département peut aussi être définie au niveau national.

M. Jean-Marie Binetruy. Le rapport appelle le consensus. Le statut des volontaires a beaucoup évolué, des différences considérables existent entre départements ruraux et urbains et l’évolution du statut de professionnel a eu pour conséquence de décourager beaucoup de volontaires, ce qui est très regrettable car il s’agit d’une des dernières écoles de citoyenneté pour les jeunes. En outre, le statut est différent suivant les départements, et les inégalités du financement des casernes d’un département à l’autre constituent aussi une source d’injustice. Il faudrait préciser les règles de financement. Par ailleurs, en éloignant les pompiers du maire et de la commune au profit des départements, on ne favorise pas le volontariat. C’est pourquoi il faut rétablir un lien avec le maire et la commune, lieu de l’engagement des jeunes, et parvenir à remotiver les volontaires.

M. Georges Ginesta, rapporteur. Je souligne que le rapport ne critique pas la situation prévalant dans tel ou tel département. Il préconise des mesures qui peuvent être profitables à tous les départements, comme l’instauration du système des huit heures ou la moralisation de la profession.

Par exemple, il serait souhaitable d’encadrer le volontariat des professionnels, pour attirer à nouveau les volontaires découragés par le fait que les professionnels prennent les vacations en priorité. Il serait également opportun de revoir le régime fiscal applicable aux vacations dont bénéficient les professionnels, car leur régime actuel (ni charge sociale, ni impôt), aléatoire en fonction des interventions, était adapté à la situation des volontaires. Si cela devient un revenu régulier, il faut établir une fiscalisation des revenus, pour assurer l’égalité devant l’impôt : il n’y a plus de raison de conserver cette niche fiscale. On verrait alors quels sont les conseils généraux plus et moins généreux à l’égard de leurs concitoyens. Les contraintes baisseraient alors dans la mesure où la dépense serait bien identifiée.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord sur la plupart des propositions ; cependant les avis ont été partagés au sein de la MEC sur quelques points. Pour mieux identifier les dépenses et les rationaliser, convient-il de supprimer les gardes de 24 heures ? Ayant fait des simulations locales, j’ai constaté que l’organisation en 8 heures ne sera pas automatiquement plus économique, car le coût est lié au niveau et à la modulation de la garde, elle-même liée à la fréquence des interventions, différente, par exemple, dans les villes ou en dehors. C’est pourquoi il ne serait pas souhaitable d’être trop systématique. Je serais aussi plus prudent sur les « volontaires professionnels », qui sont parfois utilisés pour faire de la formation, et dont on ne pourrait se passer pour cette mission.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du règlement, d’autoriser la publication du présent rapport.

ANNEXES

I.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Acteurs locaux (jeudi 12 mars 2009) (voir page 77)

– M. le colonel Philippe Berthelot, directeur du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique ;

– M. le colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var ;

– M. le lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère ;

– M. Joseph-François Kergueris, président du conseil général et du conseil d’administration du SDIS du Morbihan ;

– M. Robert Cabé, Président du conseil d’administration du SDIS des Landes ;

– Mme Élisabeth Maraval-Jarrier, chef du service juridique à l’Assemblée des départements de France (ADF) ;

– M. Bernard Niquet, préfet de la région Lorraine et de la Moselle, préfet de la zone de défense Est ;

– M. Marc Giroud, directeur du service d’aide médicale d’urgence (SAMU) de Pontoise, président de SAMU de France.

Pilotage national (jeudi 2 avril 2009) (voir page 109)

– M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile au ministère de l’Intérieur ;

– M. Éric Doligé, sénateur, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) ;

– Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et des soins (DHOS) au ministère de la Santé et des sports ;

– M. Alexandre Pissas, Président du conseil d’administration du SDIS du Gard.

Financement (jeudi 7 mai 2009) (voir page 129)

– M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile au ministère de l’Intérieur ;

– M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales du ministère de l’Intérieur ;

– M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des Finances publiques au ministère du Budget ;

– M. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l’Ariège, représentant l’Assemblée des départements de France (ADF) ;

– M. Yves Rome, président du conseil général de l’Oise, représentant l’Assemblée des départements de France (ADF) ;

– M. Jean-Paul Bacquet, maire de Coudes, représentant l’Association des maires de France (AMF) ;

– M. Jean Proriol, maire de Beauzac, représentant l’Association des maires de France (AMF).

– M. Stéphane Penet, directeur à la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) ;

– M. Jean Mesqui, délégué général de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA) ;

Sapeurs-pompiers (jeudi 28 mai 2009) (voir page 154)

– M. le colonel Philippe Bodino, directeur de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) ;

– M. Michel Pastor, directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ;

– M. Jean-Claude Perrel, directeur financier du CNFPT ;

– M. le colonel Jacques Vandebeulque, responsable du pôle de compétence sécurité civile au CNFPT ;

– M. le colonel Richard Vignon, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) ;

– M. Ludovic Pinganaud et M. Jean-Frédéric Biscay, représentant d’« Avenir-Secours ;

– M. Stéphane Bœuf et M. Bruno Lebel, direction nationale CGT des agents des SDIS, Fédération CGT des services publics ;

– M. Thierry Foltier et M. Sébastien Bouvier, branche SDIS de la fédération CFDT-Interco ;

– M. André Goretti, président fédéral et M. Bruno Collignon, secrétaire général de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés (FASPP/PATS) ;

– M. Daniel Nouaillac et M. Richard Beaume, Fédération des personnels des services publics et de santé Force Ouvrière (FO) ;

– M. Patrice Beunard, président et M. Jean-Michel Piedallu, secrétaire général du syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels (SNSPP-CFTC).

Ministre de l’Intérieur (mardi 9 juin) (voir page 183)

– Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

II.– COMPTE RENDU DES AUDITIONS

Auditions du 12 mars 2009

À 9 heures : Colonel Philippe Berthelot, directeur du service département d’incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique, colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var, et lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère.

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président. Beaucoup a été dit et écrit sur les SDIS. Il s’agit d’une matière qui évolue, tout comme les choix politiques et territoriaux qui s’y rapportent, les dernières élections locales ayant d’ailleurs conduit les collectivités à se prononcer à ce propos.

La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a été un élément important pour l’organisation des différents services d’incendie et de secours.

Nous ne sommes pas ici pour porter un jugement, mais, au cours des quatre séries d’auditions auxquelles nous procéderons à partir de ce matin, pour aller le plus loin possible dans l’étude de ces services. Notre rapport devra être consensuel.

Pour ouvrir ces auditions, les rapporteurs ont décidé d’entendre les acteurs locaux de la sécurité civile. Nous accueillons le colonel Philippe Berthelot, directeur du SDIS de Loire-Atlantique, le colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var et le lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La commission des Finances s’est intéressée à la dépense globale des services d’incendie et de secours car, si elle ne s’était préoccupée que de la dépense de l’État elle serait passée à côté de l’essentiel. Dans le projet de loi de finances, l’État consacre en effet à ces services plus de 400 millions d’euros au titre du ministère de l’intérieur et 550 millions pour les autres ministères. Pour leur part, les services d’incendie et de secours représentent un budget global de 4,2 milliards d’euros, les marins pompiers de Marseille 100 millions d’euros et les sapeurs-pompiers de Paris 300 millions d’euros.

Au total, le contribuable est ainsi amené à financer seul 5,5 milliards d’euros, ce que l’on peut comparer aux budgets des ministères de la culture – 2,8 milliards d’euros –, de l’agriculture – 3,5 milliards –, et même du logement – 5,9 milliards – ou de la justice - 6,7 milliards d’euros.

La départementalisation étant intervenue de 1996 à 2001, il nous a semblé intéressant de voir d’abord avec les acteurs locaux, qui sont les premiers intéressés, comment on pourrait freiner la dépense. On sait que le nombre des interventions a peu évolué en dix ans, restant aux alentours de 4 millions par an, soit en moyenne 11 000 par jour. Pour cela, on disposait voilà dix ans de 28 000 sapeurs-pompiers professionnels (SPP). Or, ils sont aujourd’hui plus de 38 000 pour la même quantité de travail.

Le cœur de métier a changé. Ceux que l’on appelle affectueusement les « soldats du feu » ne consacrent aujourd’hui que moins de 10 % de leurs interventions à cette partie de leur profession. Même si l’on tient compte du fait qu’elles sont plus consommatrices en heures de travail, on n’arrive qu’à 17 % du total. Les incendies de forêt ne représentant eux-mêmes que 10 % des interventions au titre des incendies, l’ancien cœur du métier ne constitue plus désormais que 1 % de l’activité totale !

Ces modifications sont à l’origine de doublons, par exemple avec les SAMU. Il faudra donc clarifier les choses et se demander qui fait quoi. L’assurance-maladie ne peut pas continuer à payer plus de 300 euros pour chaque ambulance en astreinte dans les hôpitaux de 20 heures à 8 heures, alors que ce sont en fait les sapeurs-pompiers, financés par l’impôt, qui exercent la mission. Il faut arrêter de payer deux fois !

Une réflexion doit également s’engager sur le temps de travail. S’il y a 10 000 sapeurs-pompiers de plus pour le même nombre d’interventions, c’est en partie aussi parce que les conditions ont changé : il y a dix ans, ils effectuaient 140 gardes de vingt-quatre heures par an ; aujourd’hui ils en font 95, voire 90. Les gardes de vingt-quatre heures ne sont pas une obligation. Elles peuvent être de douze ou de huit heures, étant entendu que l’horaire annuel est de 1 607 heures. Il faut donc regarder si les gardes de vingt-quatre heures sont bien adaptées. Les statistiques montrent en effet que, dans ces conditions, les pompiers exercent 143 fois par an leur métier : fait-on bien son métier lorsque l’on n’intervient en moyenne que 1,5 fois par jour de travail ?

J’aimerais aussi que nous abordions ensemble la question des achats : ne pourrait-on pas les mutualiser davantage ? Le prix d’un véhicule de secours et d’assistance aux victimes peut varier de 51 000 à 78 000 euros, celui d’un fourgon-pompe de 142 000 à 257 000 euros. Pourquoi de tels écarts entre les départements ? Pourquoi ne pas standardiser davantage ? Pourquoi ne pas mutualiser comme cela se fait en Allemagne ?

C’est dans l’esprit de la LOLF que la commission des Finances se pose ces questions, c’est-à-dire en se demandant comment dépenser moins avec le même service, ou comment assurer un meilleur service avec la même dépense.

L’État est bien entendu partie prenante puisqu’il produit des textes qui doivent être ensuite appliqués par les acteurs locaux : il ordonne, mais ce sont les collectivités locales qui payent. La complexité de la réglementation produit de la dépense. Au bout du compte, il faudra donc se demander s’il convient de rester dans la configuration actuelle ou d’intégrer les SDIS dans les conseils généraux, d’autant que les sapeurs-pompiers professionnels ont le statut d’employés territoriaux.

Autre question essentielle : pour le contribuable, faut-il fiscaliser la dépense et la rendre transparente, c’est-à-dire la « sortir » des charges indifférenciées du conseil général pour ajouter une colonne sur la feuille des impôts locaux, à côté des lignes communale, départementale et régionale de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ?

M. le colonel Philippe Berthelot, directeur du SDIS de Loire-Atlantique. Les sapeurs-pompiers exécutent certaines missions de service aux personnes dans la mesure où personne d’autre ne le fait. Une clarification éviterait sans doute que deux services n’entrent en « concurrence ». Cela étant, les ententes entre chefs de service, sous la coordination du préfet, permettent souvent d’organiser au niveau local une complémentarité entre les services d’urgence hospitaliers et ceux des pompiers.

Pour autant, je ne suis pas certain que toutes les dépenses engagées sur le plan sanitaire soient justifiées. C’est en particulier évident pour les permanences d’ambulance que vous avez évoquées. Il me semble que cela peut être traité par les agences régionales d’hospitalisation (ARH). Pour leur part, les usagers sont demandeurs avant tout d’une réponse rapide et adaptée. Or l’urgence est quand même essentiellement le travail des sapeurs-pompiers, qui ont en la matière un véritable savoir-faire.

Si la part des incendies a beaucoup diminué dans notre activité, ils demeurent très consommateurs en temps, en hommes et en formation. Nous devons être particulièrement performants dans ce qui est notre seul domaine de compétence exclusive : le feu, c’est la guerre et nous avons donc intérêt à être bons !

M. David Habib, Président. M. Ginesta vous a également interrogés sur l’évolution du métier, notamment concernant la productivité des sapeurs-pompiers et les matériels.

M. le colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var. La départementalisation en 1996 a provoqué une baisse des interventions – que l’on faisait, au temps de la compétence communale, « à la bonne franquette » du fait de la proximité des acteurs – grâce à une amélioration de la régulation entre ces derniers. De même, en nous permettant de facturer certaines interventions n’entrant pas dans le ressort direct du service public, la nouvelle législation en a réduit le nombre. Pour autant, la demande de nos concitoyens demeure importante et il me semble observer ces dernières années une légère remontée du volume des interventions.

Pour les secours à personne, les services départementaux sont plus proches de la population qu’un service de l’État. Dans le Var, grâce à des conventions signées entre son président et plusieurs hôpitaux, le SDIS assurera la mutualisation matérielle des gardes ambulancières pour quatre des six hôpitaux du département. Plutôt que de payer des ambulances privées à rester stationnées vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans un hôpital, le choix a donc été fait de mettre à disposition tous les véhicules des centres de secours rattachés à un établissement hospitalier, les ambulances et sapeurs-pompiers restant dans les casernes pour vaquer à leurs occupations habituelles mais devenant disponibles dès lors que le SMUR en a besoin.

Le débat sur le temps de travail est complexe : 95 gardes de vingt-quatre heures par an représentent 2 280 heures alors que la durée légale est de 1 607. Sortir du mode de garde par vingt-quatre heures permettrait vraisemblablement de faire des économies, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la dimension des casernes, mais sous réserve que le passage aux 2x12 ou aux 3x8 heures ne débouche pas sur le même mode de travail qu’aujourd’hui. La garde comporte actuellement un temps de sport, un temps de formation, des tâches administratives et techniques liées, par exemple, à l’entretien ou à la vérification du matériel, de plus en plus lourde.

Dans les départements qui ont déjà opté pour des gardes de 2x12 heures, on constate que l’on est à environ 1 500 heures de présence, mais avec la même organisation que pour une garde de vingt-quatre heures, c’est-à-dire avec une chambre pour le repos du personnel qui n’est pas sollicité la nuit. Certes, si l’on passait à des gardes de huit heures, les sapeurs-pompiers effectueraient 200 périodes par an, mais il faudrait négocier pour qu’ils puissent continuer à se former lorsqu’ils ne sont pas sollicités. On ne saurait ignorer que les organisations syndicales exercent une pression puisque, dans des départements organisés en séquences de vingt-quatre heures pour certaines missions, les sapeurs-pompiers effectuent quand même 1 607 heures.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un laxisme des responsables, mais de la nécessité de gérer une pression qui est bien antérieure à la départementalisation. Lorsque je suis entré dans le corps des sapeurs-pompiers, en 1982 à Montluçon – municipalité communiste où la CGT était très puissante –, un jour de travail était suivi de deux jours de repos, un pompier effectuant de la sorte 122 gardes par an, tandis qu’un de ses collègues en assurait 150 dans une autre commune.

Selon moi, la départementalisation n’a pas encore complètement permis de lisser les pratiques au niveau du nombre de gardes annuelles. J’ajoute que tous les centres de secours ne sont pas sollicités et ne doivent donc pas être traités de la même manière – monsieur Ginesta comprendra ce que je veux dire si je compare ceux de Comps et de Toulon… Pour autant, il est vrai que je vois mal comment on peut maintenir des acquis professionnels et comment on peut former des personnels avec 67 gardes par an en séquences de vingt-quatre heures. Dans l’armée, un tiers du temps de carrière d’un officier est consacré à la formation…

Dans le Var, nous affectons trois hommes par ambulance et la moyenne du temps d’intervention de secours à personne est d’une heure. Pour un feu de forêt, nous pouvons mobiliser 250 à 400 camions pendant plusieurs jours. On le voit, les interventions ne sont pas comparables et il faut donc être prudent dans l’usage que l’on fait des statistiques.

S’agissant des acquisitions de matériel, nous collaborons depuis un certain temps avec plusieurs SDIS du bassin méditerranéen pour préparer des cahiers des charges à destination de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), puis nous achetons nos véhicules sur son catalogue. Cela a permis au département du Var, et surtout à ceux qui n’avaient pas un volume d’achat suffisant, de gagner de l’argent. La mutualisation doit donc dépasser le cadre départemental afin que chacun profite des baisses de marges.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. J’observe que nous avons devant nous trois directeurs départementaux, qui sont des fonctionnaires territoriaux, mais nommés par l’État, ce qui constitue un anachronisme dans notre fonction publique – mais tel n’est pas l’objet de notre rapport.

Je souhaite insister sur la question du temps de travail. Sans doute y a-t-il là une part de laxisme des élus mais est-il tellement étonnant, lorsque l’on dirige un service départemental, de rechercher la paix sociale ? Mais cette paix tient également par l’application de normes fixées par la direction de la Sécurité civile (DSC), donc par l’État, et qui s’imposent : la fourchette de 90 à 100 gardes de vingt-quatre heures n’a été fixée ni par les directeurs départementaux ni par les présidents des SDIS !

Quelle est votre opinion à ce propos ? Peut-on imaginer un système de 3x8 à l’égard duquel j’ai cru comprendre, monsieur le directeur départemental du Var, que vous étiez plutôt réservé ? Pour autant, le système actuel laisse du temps aux sapeurs-pompiers professionnels pour faire, par exemple, du syndicalisme et pour venir contester le fonctionnement des SDIS…

À ce propos trouvez-vous normal qu’un sapeur-pompier professionnel (SPP), parce qu’il n’effectue que 95 gardes de vingt-quatre heures par an, puisse être sapeur-pompier volontaire (SPV) ailleurs ? Ne devrions-nous pas nous montrer plus rigoureux en la matière ?

Enfin, puisque vous venez de trois départements très différents – quelle chance est la vôtre, monsieur Single, de n’avoir que sept ou huit sapeurs-pompiers professionnels tandis que j’en ai 2 000 sur les bras – pouvez-vous nous indiquer les ratios entre SPP et SPV ?

M. Philippe Berthelot. Les gardes de vingt-quatre heures présentent l’avantage de n’être décomptées que seize heures et elles sont donc plus avantageuses pour le service en termes de présence, mais aussi par rapport aux gardes de douze heures qui comptent une heure pour une heure et pendant lesquelles on a intérêt à faire travailler les gens la nuit, sans quoi ils ne sont pas rentables dès qu’ils ne sortent pas en intervention.

Vous avez relevé tout à l’heure le faible nombre d’interventions par garde. Un sapeur-pompier professionnel n’effectue pas plus de trois à cinq heures d’interventions par période de garde. Si on les paie douze heures pour cela, ce sera encore moins rentable.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce sont des employés municipaux, ils ne sont pas payés à l’heure mais mensualisés.

M. Philippe Berthelot. Je veux simplement dire qu’il est moins rentable de payer des gens la nuit s’ils ne font que dormir.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Est-il acceptable qu’un homme qui est payé comme fonctionnaire ne soit que 95 jours par an sur son lieu de travail, ce qui lui laisse quand même 270 jours de liberté ? Si l’on passait à douze ou à huit heures, il serait beaucoup plus présent. Accomplir un minimum d’actes professionnels est tout de même nécessaire pour être compétent !

N’oublions pas, en outre, qu’au cours de ces 95 jours de garde un sapeur-pompier professionnel n’effectue que 140 interventions, ce qui signifie qu’il n’exerce son métier en moyenne que 1,5 fois par jour ! Or, mieux vaut pratiquer son métier que s’entraîner lors d’exercices provoqués.

M. Philippe Berthelot. Le système des douze heures présente aussi des avantages évidents, le premier étant que les gens viennent plus souvent, étant entendu qu’il faut, dans ce cadre, leur imposer de faire de nuit le travail normal, avec de la formation, des manœuvres et des interventions, ce qui se fait plus naturellement dans le cadre des 3x8. Mais est-ce socialement « vendable » ? C’est un autre débat.

Dans l’absolu, le cumul du statut de sapeur-pompier volontaire et de celui de sapeur-pompier professionnel est choquant : les personnels demandent à se reposer après une garde de vingt-quatre heures, voire de douze heures, mais ils sont payés à la vacation, en tant que sapeur-pompier, pendant leur temps de repos. Ce cumul est tout à fait inacceptable au sein de la même unité.

En revanche, beaucoup d’unités ont des sapeurs-pompiers professionnels qui habitent dans un autre département, où ils sont sapeurs-pompiers volontaires. Les plus nombreux dans ce cas sont les membres de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, dans un rayon de 100 kilomètres autour de la capitale.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il y a en effet là un véritable cumul de revenus d’autant que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas soumis à l’impôt pour les vacations…

M. Philippe Berthelot. Il va de soi qu’il faut encadrer cela. Sinon, c’est la porte ouverte à n’importe quoi.

M. le lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère. Je fais un peu figure de Petit Poucet dans cette audition car le SDIS de la Lozère compte neuf sapeurs-pompiers professionnels, moi-même compris, ce qui signifie d’ailleurs que nous aurions bien besoin de faire plus de vingt-quatre heures par jour. Il est vrai que je n’ai par ailleurs pas de problème de syndicats…

S’agissant des volontaires, je connais bien les deux départements que M. Ginesta a cités dans son rapport spécial puisque, avant d’être directeur en Lozère, où je dirige un SDIS composé à 98,5 % de volontaires, j’étais directeur adjoint dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Nous avons bien sûr une obligation de résultat sur le terrain et le double statut est pour nous une obligation : nous obligeons les professionnels à être également volontaires, tout simplement parce que nous leur demandons beaucoup plus de travail et de disponibilité qu’à un sapeur-pompier professionnel dans un grand département et que le statut de volontaire permet de les indemniser lors de surcroît d’interventions, et de garantir leur couverture sociale.

En ce qui concerne le budget des SDIS, outre les opérations, il faut tenir compte des effets des réformes intervenues ces dernières années, notamment en ce qui concerne les formations, dont le coût a véritablement explosé, et les normes, qui ont considérablement accru le prix des véhicules et des équipements, en particulier de protection individuelle. Les petits SDIS sont ainsi obligés de faire particulièrement attention et il ne me semble pas qu’ils se montrent particulièrement gaspilleurs.

On a par ailleurs évoqué l’idée d’un rapprochement entre les SDIS et les conseils généraux. Pour ma part, je suis plutôt favorable au système actuel car la présence des maires et des présidents des communautés de communes dans les conseils d’administration me paraît de nature à conserver aux services que nous rendons un caractère de proximité. Qui plus est, nous demandons aux élus des communes où sont établis les centres de secours de privilégier dans leurs recrutements, à compétences égales, celui de sapeurs-pompiers volontaires afin que ces derniers soient disponibles dans la journée pour répondre aux besoins. Conserver ce lien de proximité est donc indispensable pour maintenir le volontariat.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Vous avez évoqué la formation. À ce propos, on peut s’étonner qu’alors qu’il existe une école nationale des sapeurs-pompiers à Aix-en-Provence, pas moins de 80 écoles aient été créées à l’initiative des départements.

M. Éric Single. Nous-mêmes n’avons pas d’école mais un service de formation. Votre question nous ramène cependant à celle du volontariat : il nous serait difficile d’envoyer nos volontaires en formation initiale loin de chez eux, dans des écoles de zone. Pour sa part, la formation continue, qui se fait chaque semaine lors de manœuvres, exige des plateaux techniques.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Cette formation se fait dans chaque caserne, lors de l’entraînement des sapeurs-pompiers.

M. Éric Single. On peut envisager une mutualisation à l’occasion de manœuvres intercasernes.

M. Philippe Berthelot. Nous avons besoin de plateaux techniques et une mutualisation serait donc utile. Mais il n’y a pas 80 plateaux techniques mais 80 écoles. Or, une école, c’est parfois seulement quelques salles de cours et une aire bitumée.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est quand même consommateur d’heures…

M. David Habib, Président. Élu de la région de Lacq, je dispose à la fois du SDIS et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et je suis convaincu que l’idée de mutualisation doit animer tous les acteurs.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Pourquoi les sapeurs-pompiers de Paris ?

M. David Habib, Président. Parce que, après la découverte d’un gaz hautement sulfuré, Charles de Gaulle l’a décidé ainsi. Outre Biscarosse, Kourou est aussi dans ce cas, pour d’autres motifs. Mais M. Nicolas Sarkozy pourrait remettre aussi en cause ce choix du général de Gaulle…

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Je rejoins le constat de Georges Ginesta quant à l’explosion des dépenses publiques et à la nécessité de trouver les moyens de la réduire.

Par ailleurs, la diversité des situations rend toute simplification illusoire : dans mon département, les choses sont très différentes entre les sapeurs-pompiers d’Avignon et ceux qui travaillent dans un village rural au pied du Ventoux.

Il faut également tenir compte des évolutions locales : dans la commune dont j’ai été maire pendant seize ans, plus personne, sans les pompiers, n’assurerait de permanence après la disparition des gardes de nuit des médecins.

S’agissant de la gouvernance, j’ai l’impression, pour avoir été membre d’un conseil général pendant douze ans, qu’il y a dans la gestion des SDIS une parfaite transparence, mais aucune visibilité : le grand public ignore qui fait quoi et le contribuable ne sait ni combien ça coûte ni comment c’est dirigé. Faute d’information, la population peut croire que l’élu qui ne se voit doté que d’un petit camion, pourtant peu coûteux et mieux adapté à la situation locale, est moins efficace que son voisin. On peut ainsi être tenté d’acheter la paix locale comme vous avez dit que l’on achetait la paix sociale.

Dans cette période de grande réflexion sur l’organisation territoriale, que pensez-vous, messieurs, de l’idée de créer pour les services d’incendie et de secours une ligne fiscale spécifique sur la feuille d’impôts locaux, semblable à celle qui existe pour les ordures ménagères, qui a au moins le mérite que le contribuable sache pourquoi il trie ses ordures ?

M. Éric Martin. Le président du SDIS du Var est aussi le président du conseil général et il ne manque pas une occasion de rappeler sa volonté de voir les dépenses du SDIS fiscalisées.

Certes, nous avons un avis sur la gouvernance, mais celle-ci relève avant tout des choix politiques et l’on peut se demander si Bercy en accepterait d’autres.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Bercy est rarement d’accord quand l’initiative ne vient pas de lui… Plus sérieusement, il est évident que l’on est aujourd’hui à un niveau de dépenses individuelles – 79 euros par habitant, un peu plus dans le Var – totalement masqué au contribuable alors qu’en fait une famille de quatre personnes paye davantage pour les sapeurs-pompiers que pour sa taxe d’habitation ! Thierry Mariani a donc raison de dire qu’il faudrait rendre cela totalement transparent.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Dans le système de financement actuel, les communes et groupements de communes continuent de participer. La loi de décentralisation avait prévu que cela cesserait en 2006 mais, après un report à 2010, on semble aujourd’hui avoir totalement renoncé à cette idée. Le financement à la fois par les communes et par les départements est une des données du problème. Je suis pour ma part favorable à une ligne identifiée pour un seul financeur. Le SDIS étant un établissement public, on pourrait imaginer que ce soit lui qui perçoive ce budget.

M. Philippe Berthelot. Dans les différents postes que j’ai occupés, je n’ai pas constaté que les élus voyaient le SDIS comme une sorte de boîte noire, d’autant que nous avons construit la départementalisation avec eux et en toute transparence. À un moment donné, il a bien fallu mettre tout à plat avec le directeur général des services du département, en exposant quelles étaient les dépenses, en particulier en raison des charges de personnel auxquelles s’ajoute le montant des vacations.

Pour notre part, nous sommes là pour appliquer la politique publique déterminée par les élus. Si la fiscalisation est de nature à rendre les choses plus transparentes et à rassurer la population et les élus, pourquoi pas ?

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Dès lors qu’il la constaterait directement, le contribuable s’intéresserait davantage à l’augmentation du budget, comme il le fait lorsque la taxe d’habitation ou le foncier bâti augmentent. Cela conduirait donc sans doute à freiner la dépense.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Cela ferait en effet évoluer le rapport des forces car on verrait qu’acheter la paix sociale conduit à alourdir la note fiscale. Les élus pourraient peut-être mieux ainsi résister à certaines demandes.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Dès lors qu’ils sont obligés d’afficher les augmentations des impôts locaux, les maires seraient incités à une certaine prudence.

M. David Habib, Président. Le système actuel, qui mêle financeurs départementaux et communaux, mais aussi la responsabilité du conseil général et celle du préfet, entraîne une dilution du pouvoir, donc des responsabilités, dont les grands bénéficiaires sont les sapeurs-pompiers et peut-être aussi les directeurs départementaux qui, cherchant eux aussi la paix sociale, n’ont pas toujours la volonté ou le courage de maîtriser leurs hommes.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Le système dans lequel les maires participent est également plutôt opaque car l’élection, pour nécessaire qu’elle soit, est assez formelle : dans mon département on constitue une liste unique et je me demande s’il existe un seul département ou des listes concurrentes sont en présence.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Parce que, après la départementalisation, on a refait des groupements au sein des départements, on a aujourd’hui des officiers départementaux et des officiers de groupements. N’a-t-on pas accéléré ainsi les promotions et fait en sorte qu’il y ait un lieutenant-colonel ou un colonel pour 70 sapeurs-pompiers professionnels, là où il n’y aurait qu’un sergent dans l’armée ?

M. Éric Martin. Je reviens à la question de M. Derosier sur le fait que des sapeurs-pompiers professionnels sont aussi volontaires. Dans le Var, la départementalisation a coûté cher parce qu’elle a conduit à instituer des gardes permanentes, constituées de sapeurs-pompiers volontaires, dans beaucoup de casernes, ce qui a permis d’améliorer la qualité de la distribution des secours. Aucun centre de secours du Var n’est constitué à 100 % de professionnels.

S’agissant du prétendu manque de courage de la part des directeurs départementaux en matière de maintien de la paix sociale, j’ai connu pour ma part pendant trois ans un conflit social très dur au cours duquel des banderoles apposées sur les camions me traitaient nommément de « directeur voleur ». Le SDIS était protégé par des CRS car les grévistes ont mis à plusieurs reprises le feu au SDIS. Il n’y a eu aucune interpellation, pas plus d’ailleurs que quand ils ont placé des fumigènes dans le tunnel de Toulon alors qu’il était ouvert à la circulation ou lorsqu’ils s’en sont pris avec violence à un commissaire de police à Saint-Raphaël ou à leurs habituels collègues de travail, gendarmes et CRS, à Paris en décembre 2006. Tous ces faits sont restés impunis, ce qui a conduit certains à en conclure que les pompiers « surfaient » sur la vague de leur popularité. En effet, un élu est-il aujourd’hui capable de dire non à des pompiers en grève depuis plusieurs mois et de tenir, tout seul ?

À l’évidence, il faut revoir un certain nombre de choses. En vertu du principe même de la décentralisation, l’État, qui impose beaucoup, laisse une marge de manœuvre importante aux collectivités territoriales. Mais, s’agissant d’un service dont vous avez rappelé le coût important, on peut se demander s’il doit rester territorial ou s’il doit être étatisé voire militarisé. Mais il n’est pas certain qu’un statut à envergure plus large soit moins onéreux.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La dépense s’accélère : elle a augmenté de 45 % tandis que les interventions n’augmentaient que de 5 %. On arrive à des situations extravagantes : 80 % des dépenses sont constituées par les salaires. Depuis qu’on est passé de 28 000 pompiers à 38 000, le mouvement continue : il y a eu encore récemment 500 embauches.

M. David Habib, Président. On voit bien là un véritable problème de gouvernance. Il faut avoir le courage de dire que les élus ne peuvent pas, seuls, demander que l’on modifie cette gouvernance. Vos propos témoignent aussi, messieurs, des dysfonctionnements du dispositif. La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 n’a pas réglé ce problème, et elle a peut-être même encouragé la confusion et isolé les élus.

Même si le SDIS est désormais cogéré par les communes et par le département, les sapeurs-pompiers interviennent toujours sur la base du pouvoir de police du maire. Mais pour ma part, je suis incapable de dire combien de sapeurs-pompiers interviennent, tellement le turn-over est important depuis la départementalisation : indiscutablement, le lien local s’est distendu.

Une clarification est donc indispensable et Georges Ginesta a fixé un premier cap.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. On ne peut pas vraiment parler de cogestion car la loi donne au département la responsabilité première dans la gestion des SDIS, tandis que les communes désignent un ou des représentants.

M. David Habib, Président. En effet, mais lorsque l’écart en voix est faible et que la proportionnelle s’applique, les communes ont quand même un poids important au sein des conseils d’administration (CASDIS). Mais tel n’est sans doute pas le cas dans le Nord, où le président du conseil général dispose d’une majorité absolue…

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Il n’y a en pratique ni gouvernance ni équilibre des pouvoirs. Il est plus facile de dire non à d’autres professions qu’à des infirmières ou à des pompiers, d’autant que l’on se sent à la merci d’un éventuel accident. La gouvernance doit donc garantir la transparence et clarifier les responsabilités.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. On en revient au financement : je maintiens que le financement des SDIS ne doit plus être globalisé dans le budget départemental et municipal. La départementalisation étant achevée depuis 2001, il est bon de faire le point en vue de redéfinir le pilotage du système.

M. David Habib, Président. Merci, messieurs.

À 10 heures : M. Joseph Kergueris, président du conseil général et du conseil d’administration du SDIS du Morbihan, et M. Robert Cabé, Président du conseil d’administration du SDIS des Landes, accompagnés par Mme Élisabeth Maraval-Jarrier, chef du service juridique à l’Assemblée des départements de France (ADF).

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Nous accueillons maintenant deux présidents de conseil d’administration de services départementaux d’incendie et de secours – SDIS –, M. Joseph Kergueris, du Morbihan, et M. Robert Cabé, des Landes, qui représentent l’Assemblée des départements de France. Ils sont accompagnés de Mme Élisabeth Maraval-Jarrier, chef du service juridique à l’ADF.

Les trois rapporteurs, MM. Derosier, Ginesta et Mariani, ont souhaité, au cours de cette première journée consacrée au point de vue des acteurs locaux de la sécurité civile, vous entendre après avoir écouté trois directeurs de SDIS.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Nous étudions l’évolution des dépenses des SDIS au cours des dix dernières années, qui ont été marquées par la départementalisation.

Le rapport spécial sur la sécurité civile de M. Ginesta, au nom de la commission des Finances, fait apparaître une évolution significative des dépenses des SDIS liée à des recrutements importants alors que le nombre d’interventions est resté quasiment identique. Comment réduire ces dépenses ? Actuellement, elles n’ont aucune lisibilité financière puisqu’elles n’apparaissent pas sur les feuilles d’impôts locaux. Que pensez-vous de l’idée de créer une ligne sur la feuille d’impôt pour en faire état ?

Avez-vous procédé à une évaluation de la mise en œuvre de la mutualisation des moyens prévue dans la loi de 2004, que ce soit pour l’acquisition de matériels ou pour la formation ? Comment expliquez-vous qu’aient été créées quelque 80 écoles de formation départementales, à côté de l’École nationale des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) ?

Votre avis sur ces différentes questions nous intéresse en vos qualités à la fois de présidents de conseils d’administration de SDIS et de membres de l’ADF.

M. Robert Cabé, Président du conseil d’administration du SDIS des Landes. J’irai droit au but et parlerai avec franchise : je pense que les SDIS ont besoin d’émancipation, c’est-à-dire que les présidents de conseils généraux-présidents de SDIS ne doivent pas se soumettre aux seules volontés de la direction de la Sécurité civile, la DSC. C’est une grave erreur d’avoir maintenu cette double tutelle et d’avoir un directeur départemental co-désigné par le président du conseil général-président de SDIS et par le préfet. Ce dernier est en effet amené à respecter les consignes de la direction de la Sécurité civile, qui ne cesse d’édicter des règles et des recommandations, des préconisations ou des quotas : il faut tant de colonels par sapeur-pompier, il faut obligatoirement un directeur départemental adjoint, etc. Autrement dit, la direction de la Sécurité civile décide et les SDIS payent. Il faut couper ce cordon ombilical. La décentralisation a montré que les présidents de conseils généraux sont capables, sans la moindre tutelle, d’assumer d’autres responsabilités tout aussi importantes.

Si l’on s’affranchit des directives de la Sécurité civile, on peut contenir les dérives budgétaires. Dans le département des Landes, nous avons diminué les effectifs de sapeurs-pompiers professionnels de 10 % en six ans, sans remettre en cause la dimension opérationnelle. Cela passe par des décisions courageuses : déterminer le rapport entre les officiers et le nombre de sapeurs-pompiers professionnels, fixer l’organisation territoriale du service départemental, vérifier en permanence que le nombre de sapeurs-pompiers professionnels à chaque endroit est justifié. Cela suppose une remise en cause régulière de l’organisation. Le simple fait, par exemple, d’obliger les sapeurs-pompiers professionnels à changer de caserne à chaque prise de grade permet d’adapter les moyens humains en fonction des besoins opérationnels.

Pour contenir les dépenses de la sécurité et des départements, il faut s’affranchir de cette double tutelle, ce qui suppose une volonté politique. Un redressement de la situation commence par là.

M. Joseph Kergueris, Président du conseil d’administration du SDIS du Morbihan. J’ai une approche un peu différente. La question qui se pose est de savoir si l’on arrive à vivre tranquillement la séparation entre le logistique et l’opérationnel.

La tutelle du préfet est-elle justifiable et justifiée ? Selon moi, oui, dans la mesure où, en cas de crise grave en matière de sécurité civile, il n’y a qu’une seule personne qui peut rassembler les forces. Dès lors, pourquoi l’État ne reprend-il pas, purement et simplement, la responsabilité des SDIS ? Toutes les difficultés, dont celles évoquées par mon collègue, disparaîtraient.

Cela étant dit, nous avons à gérer le quotidien. Le souhait que je formule à ce sujet est qu’on ne le fasse pas selon une approche scolastique ou manichéenne. La réalité a profondément changé depuis dix ans : la démographie, la répartition de la population et sa moyenne d’âge ont évolué, le nombre de nos concitoyens âgés qui font appel aux pompiers dans des situations de difficulté majeure à leurs yeux a progressé, la structure socio-économique du pays s’est modifiée, de sorte que nous devons apporter des réponses nouvelles à des demandes nouvelles.

En Bretagne on observe, dans le territoire rural et rurbain, une assez grande diffusion de PME dont une partie significative sont des entreprises alimentaires travaillant à « froid négatif », avec tous les risques que cela peut représenter du fait de la manipulation de gaz spécifiques. Dans ces secteurs, les équipes de pompiers volontaires doivent avoir des compétences spécifiques et entretenues. Nous avons donc structuré le département en zones, à la tête desquelles nous avons disposé des équipes de pompiers professionnels pour encadrer une troupe de volontaires. Ce n’est pas une aberration.

Les pompiers sont confrontés à des situations qui présentent plus de risques et exigent une plus grande technicité qu’il y a dix ou quinze ans. J’ai assisté, un jour, dans une zone industrielle, à l’incendie d’une entreprise de retraitement de palettes de bois située à côté d’une cuve de gaz de 50 000 litres contiguë à une entreprise de production alimentaire stockant plusieurs milliers de mètres cubes de froid négatif. La situation s’approchait d’une question type d’examen de franchissement du grade de colonel. Elle a été gérée de façon adaptée par des équipes de volontaires conjointement avec des équipes de professionnels.

En tant que président de conseil général, je suis très sévère sur les grades et les rémunérations complémentaires. Mais je ne fais aucune comparaison avec les grades des militaires. Les SDIS ne sont pas des centres militaires. Ce sont des systèmes de sécurité civile « gradés ». Si je peux prendre une image, sur la passerelle du bateau qui mène de Lorient à Groix, se tient un bel officier en chemise blanche avec quatre barrettes de commandant ; le même uniforme et la même appellation sont portés par le commandant du Boeing 747 ou de l’ATR. Il faut donc toujours distinguer ce que recouvre l’appellation. Beaucoup plus que le grade – de colonel ou de commandant –, ce qui m’importe, c’est la qualification professionnelle, la qualité de la personne et son positionnement par rapport à l’attaché principal, à l’administrateur ou à l’ingénieur divisionnaire.

Le fait que nous administrions des services nouveaux doit nous conduire à un réexamen opérationnel. Je partage à ce sujet les préoccupations de mon collègue. Ce n’est pas parce que des demandes nouvelles existent qu’il faut que nous répondions « présent » à toutes. Nous devons faire un tri entre celles qui doivent effectivement nous être adressées et les autres, comme les interventions relevant, à mes yeux, de la charge de l’assurance maladie ou des assurances tout court. La répartition des tâches doit être âprement discutée.

Pour ce qui concerne l’évolution des coûts, j’arrive à la même conclusion que mon collègue. La difficulté vient du fait qu’une direction d’administration centrale continue à s’exprimer comme étant la puissance publique exclusive, alors que nous assumons la négociation avec les organisations syndicales. Cela vaut également pour le personnel de la fonction publique territoriale. Qui fixe les normes, la valeur du point, les différences de grilles de rémunération entre un attaché principal de l’État et un attaché principal d’une fonction publique territoriale ? Nous sommes, en ce domaine, complètement dépendants. Il faut que la discussion soit ouverte. Personnellement, je ne rêve pas d’une fonction publique territoriale complètement déconnectée de la fonction publique nationale. Mais comment voulez-vous gérer de façon serrée des finances quand on vous change à tout moment, premièrement, les normes – ce qui impose de changer le matériel –, deuxièmement, les rémunérations, troisièmement, les conditions de service ?

J’ai vu un changement de conditions de travail entraîner une variation des coûts d’un million d’euros en un an. La transformation de 24 heures en 12 heures des gardes postées va entraîner une variation de plusieurs centaines de milliers d’euros. Pour pouvoir gérer cette modification, j’ai engagé il y a quatre semaines mon deuxième contrat d’objectifs et de moyens afin de déterminer les moyens financiers, mais ces derniers ne sont que le résultat du plan stratégique que nous avons établi concernant les véhicules, le mobilier, l’immobilier, le volume et la nature des activités.

Nous vous remettrons les textes que nous avons préparés sur les points soulevés dans le rapport.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Pour bien recentrer l’objet de notre réunion, je rappelle qu’elle a été décidée par le bureau de la commission des Finances pour identifier les paramètres responsables de l’explosion des dépenses de sécurité civile depuis la fin de la départementalisation. De 1996 à 2001, on pouvait considérer que l’augmentation des dépenses résultait de la mise à jour nécessitée par la réforme mais, depuis 2001, la dépense a cru de 45 % et le nombre de sapeurs-pompiers de 31 700 à 38 000 alors que le nombre d’interventions est resté relativement stable. Vous avez beaucoup de mérite, monsieur Cabé, d’avoir diminué vos effectifs de 10 % !

M. Robert Cabé. Cette diminution concerne les sapeurs-pompiers professionnels. Nous avons parallèlement fortement augmenté le nombre de sapeurs-pompiers volontaires.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Oui, mais ils sont rémunérés à la vacation. Ils ont un statut différent.

La dépense annuelle s’élève aujourd’hui à 5,5 milliards d’euros et s’accroît chaque année du fait de recrutements supplémentaires. Les salaires représentent 80 % de la dépense. Le commandant de l’ATR et celui du Boeing portent le même titre mais ils ne reçoivent pas le même salaire alors que les lieutenants-colonels ont le même salaire dans tous les SDIS.

Notre mission a pour but de défendre le porte-monnaie du contribuable face à des corporatismes qui s’expriment parce qu’on a isolé les élus par rapport à des groupes. Il faut revoir le pilotage de l’ensemble.

L’État donne des directives mais ne paye pas. Les SDIS ne mutualisent pas suffisamment. On observe des écarts de 50 % pour l’acquisition d’un même matériel. Il n’est pas nécessaire de faire sur sur-mesure, de « customiser » le matériel. En faisant des achats groupés, les Allemands obtiennent de meilleurs prix. Quoique cela ne représente que 20 % du total, ce n’est pas que sur un seul poste que l’on parviendra à faire des économies, mais sur tout un ensemble. Peut-être faut-il arrêter de recruter et revoir le régime de gardes. Actuellement, un sapeur-pompier fait 95 journées de garde de 24 heures par an, avec une moyenne annuelle de 140 interventions, soit une intervention et demi par jour de travail. Le travail d’un sapeur-pompier est, en effet, aléatoire : quand il arrive à la caserne, il ne sait pas s’il va travailler puisque cela dépend des phénomènes extérieurs. Le reste du temps est consacré à des entraînements et à des exercices.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Quel bilan tirez-vous, en tant que représentants de l’ADF, de la loi de 2004 ? Qu’y aurait-il à améliorer ?

M. Robert Cabé. Je considère que la loi de départementalisation est une bonne loi. Il faut un chef de file pour le financement. Cela aurait été une erreur de confier ce rôle aux communes car il y avait des disparités flagrantes entre elles. Il fallait trouver l’épicentre où les décisions pouvaient être régulées. Comme ce ne pouvait pas être les régions, il fallait choisir entre l’État et les départements. Adepte de la décentralisation, je trouve que le département est le bon réceptacle de cette organisation.

Je ne crois pas à une renationalisation des SDIS. Je pense même qu’introduire cette idée dans le débat revient à souhaiter le statu quo. Selon moi, il faut, au contraire, conforter la départementalisation en allant jusqu’au bout de la logique de la double tutelle. Je vais illustrer mon propos par quelques exemples.

Premièrement, aujourd’hui, c’est le préfet qui établit le SDACR – schéma départemental d’analyse et de couverture des risques. Comme il ne paye pas, il peut être tenté d’exiger des moyens opérationnels supplémentaires dans tel ou tel secteur de la sécurité civile. Certains élus résistent, d’autres obtempèrent aux demandes du préfet. Dans les Landes, je soumets le SDACR après négociation afin de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’exigences trop prononcées de la part du préfet.

Deuxièmement, si la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ne veut pas remettre en cause le dispositif actuel, c’est parce qu’il est favorable pour elle : elle négocie au niveau national avec des interlocuteurs en capacité d’écouter, de proposer et d’arbitrer, sachant que la facture sera envoyée aux départements. Le système est vicié. Plutôt que de débattre sur la nationalisation, à laquelle je ne crois pas un instant, il faut réfléchir au moyen de permettre au département d’assumer pleinement ses responsabilités.

Troisièmement, la grande mode actuelle chez les présidents de SDIS est de comparer combien d’IAT – indemnités d’administration et de technicité – ils ont attribué à leurs sapeurs-pompiers professionnels et à quel taux. Ceux qui prônent la limitation des dépenses sont souvent ceux qui accordent des IAT au coefficient 8. Je crois que c’est le cas, en particulier, dans les Alpes maritimes.

Je n’ai pas de honte à dire que, dans les Landes, il n’y a pas d’IAT.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est très bien pour le contribuable !

M. Robert Cabé. Je ne veux pas passer non plus pour un négrier. Ce résultat repose sur une bonne négociation syndicale – nous sommes, depuis sept ans, le secteur du département où il y a eu le moins de jours de grève – et une amélioration des conditions de travail : l’année prochaine, nous aurons fini le plan d’équipement et le plan de casernement dans le SDIS. Soixante casernes seront neuves. J’ai dit aux organisations syndicales que nous ne passerions pas au régime indemnitaire de la fonction publique territoriale, en contrepartie de quoi un effort particulier serait fait pour les conditions de travail. Si l’on affirme clairement les objectifs, on peut obtenir des résultats.

Encore une fois, évitons de perdre notre temps à rediscuter de la renationalisation des SDIS. L’argument selon lequel il faut un préfet pour arbitrer est fallacieux. Le préfet est investi de la responsabilité opérationnelle. Or, il ne l’exerce que lorsqu’il y a un plan rouge, un plan Polmar ou un plan Orsec, déléguant le reste du temps sa responsabilité au directeur départemental. Et, même en cas de plan Orsec, il lui arrive de confier l’organisation des secours aux pompiers. De plus, les services de la DDE – la direction départementale de l’équipement – ne sont plus sous l’autorité du préfet mais sous celle du président du conseil général.

Enfin, il faut avoir le courage politique de revoir le droit de police. Un maire l’aurait mais pas un président de conseil général pour les questions de sécurité civile ? Il y a un manque de courage pour aller au fond des choses.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Faut-il intégrer les SDIS dans les services départementaux ?

M. Robert Cabé. Je pense qu’il faut garder l’établissement public parce qu’il est important que les communes soient présentes au conseil d’administration.

M. Joseph Kergueris. Ma position est identique. Il y a deux façons de gérer la relation avec un partenaire important : en exerçant l’autorité liée aux textes et à l’intégration ou en respectant scrupuleusement le contrat établi. Je suis pour ces deux moyens à condition que le département exerce toute sa responsabilité de patron de la politique de dépense.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce qui signifie que vous êtes pour le maintien de la situation actuelle.

Faut-il fiscaliser la dépense, c’est-à-dire l’identifier sur la feuille d’impôts locaux ?

M. Joseph Kergueris. Ayant été formé selon la tradition nord-américaine, je ne vais pas dire le contraire. Cela étant, une fois que l’on a répondu « oui, pourquoi pas ? », le travail commence.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le but serait de réduire l’accroissement constant de la dépense. Quand un maire ou un président de conseil général augmente un peu les impôts, cela fait l’objet d’un débat au sein de son équipe. Les dépenses des SDIS augmentent sans aucune transparence alors qu’elles imposent aux départements et aux communes un engagement dans leur propre budget. Ce serait un moyen de responsabiliser la dépense.

M. Joseph Kergueris. Je serais assez favorable à cette solution pour une autre raison : elle serait également un moyen de pédagogie auprès de nos concitoyens en faisant apparaître la réalité de la présence des services de sécurité civile et leur coût.

M. Robert Cabé. Je suis beaucoup plus nuancé sur cette question. On peut très bien obtenir une stabilisation des dépenses des SDIS sans les faire obligatoirement apparaître sur la feuille d’impôts. Ce raisonnement peut s’appliquer à une multitude de services.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Certains SDIS doivent y parvenir mais ce n’est pas le cas général. Sinon, il n’y aurait pas une explosion de la dépense comme celle que nous constatons et qui nous fait nous réunir aujourd’hui.

Cela ne poserait pas de problème particulier puisque sont déjà indiquées sur la feuille d’impôts locaux la part communale, la part départementale et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. La dépense des SDIS est une charge individualisée par département et non une charge nationale. Elle n’a rien à voir avec le coût de la gendarmerie, de la police ou des infirmières dans les hôpitaux.

M. Robert Cabé. Bien que figurant sur la feuille d’impôts locaux, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne cesse d’augmenter.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Cette augmentation est due à un changement de mode de traitement. Le passage du physico-chimique au bactériologique entraîne des dépenses supplémentaires. Il y a une raison, tandis que l’augmentation des dépenses des SDIS n’a pas de véritable justification. Les élus se heurtent souvent à un corporatisme de la part des syndicats de sapeurs-pompiers.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. En tant que présidents de SDIS, seriez-vous partisans, puisqu’une permanence doit être exercée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d’un système de 3x8 plutôt que le mode de garde de 24 heures demandé par la DSC ? Cette norme est-elle respectée dans les Landes ?

Deuxièmement, trouvez-vous normal que des sapeurs-pompiers professionnels soient, quand ils ne sont pas de garde – la moyenne étant de 95 gardes de 24 heures par an –, sapeurs-pompiers volontaires dans un autre centre de secours, voire dans un autre département ?

Troisièmement, quelle est l’articulation SDIS-SAMU dans vos départements respectifs et quelle est la position de l’ADF à ce sujet ?

M. Joseph Kergueris. Il faudrait consacrer tout le temps restant à l’articulation SPP-SPV… Je vous renvoie au texte que nous avons préparé à ce sujet. Nous avons une position plutôt souple.

Concernant le temps de travail, nous sommes ouverts à tout à condition que les grands principes nationaux s’appliquent : spécificités du travail dans une caserne de sapeurs-pompiers professionnels et dans une caserne de sapeurs-pompiers volontaires, nature des contraintes auxquelles sont soumis les sapeurs-pompiers, transparence absolue. Nous avons un vrai débat avec les syndicats sur le temps et sur la nature du travail.

Compte tenu de la particularité des risques auxquels sont confrontés aujourd’hui les sapeurs-pompiers, la présence des sapeurs-pompiers professionnels chez les volontaires est souvent utilisée comme temps de formation spécifique.

L’articulation SDIS-SAMU est au cœur d’un vrai débat. Je suis mal placé pour en parler puisque le médecin qui est colonel des pompiers de mon département est le directeur d’un des principaux SAMU. Entre les « blancs » et les « rouges », il y a un modus vivendi, mais contractuel.

On évoque peu un troisième élément du triptyque : les ambulances privées.

M. Robert Cabé. L’articulation SDIS-SAMU ne pose pas de difficultés puisque nous avons signé la convention tripartite. Cependant, la sous-rémunération des SDIS lorsqu’ils accomplissent des missions qui ne sont pas les leurs pour pallier la carence du SAMU est un véritable scandale : 105 euros l’intervention contre 365 euros lorsque c’est un ambulancier. L’État a procédé à un arbitrage extrêmement favorable aux ambulanciers qui coûte cher à la sécurité sociale et qui devrait être corrigé.

Concernant votre deuxième question, pour moi, il n’y a pas des pompiers professionnels d’un côté et des sapeurs-pompiers volontaires de l’autre. J’ai rayé de la liste 300 sapeurs-pompiers volontaires parce qu’ils n’accomplissaient plus ni la formation, ni les manœuvres. Dans le même temps, j’ai pu, grâce à la rénovation des casernes et à l’achat de matériels corrects, recruter 700 pompiers volontaires, après avoir baissé, comme je l’ai indiqué, le nombre de pompiers professionnels de 10 % en six ans. Sur une intervention, c’est le pompier le plus gradé, qu’il soit professionnel ou volontaire, qui commande. Cela change énormément le cours des choses.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Ma question était différente : est-il normal que les SPP soient SPV en dehors de leur temps de garde ?

M. Robert Cabé. Je vais être sincère : je l’ai fait dans des cas de dépassement d’horaires. Lorsqu’une intervention dépasse huit heures de quelques minutes, le double statut apporte une souplesse d’organisation.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est une niche fiscale !

M. Robert Cabé. Cela n’est pas l’objectif. Toutefois, le fait de systématiser l’articulation SPP-SPV peut être très mal vécu. La maîtrise des dépenses des SDIS, qui sont dues pour 73 % – et non 80 % – aux salaires, passe, selon moi, par le développement du volontariat et par la maîtrise du nombre de pompiers professionnels.

Pour ce qui concerne le temps de travail, j’ai été tenté d’appliquer les 3x8 mais je me suis rendu compte que cela serait plus coûteux pour le SDIS. Aujourd’hui, 24 heures de présence représentent 16 heures de travail. Avec les 3x8, il faudrait payer les 24 heures. Si une heure de présence en caserne est prise en compte comme une heure de travail, la question pourra être reconsidérée. On pourra imaginer d’appliquer les 2x8 pour assurer une couverture de 7 heures à 23 heures, période où il y a le plus d’interventions, par des professionnels, la nuit et le week-end étant couverts par des volontaires.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. L’ADF a-t-elle mené une réflexion, voire une action, pour promouvoir la mutualisation, d’une part des achats de matériel, d’autre part des moyens et des dépenses en matière de formation, étant rappelé qu’il existe 80 écoles locales ?

M. Joseph Kergueris. L’ADF n’est pas l’autorité de tutelle de l’ensemble des départements français. Le débat est ouvert et les points de vue sont très différents. C’est souvent d’ailleurs lors de leur rencontre à l’ADF que les responsables des SDIS débattent par le menu des questions que vous avez posées.

Concernant les écoles de formation, tout dépend de ce qu’on met derrière le mot : cela peut être de simples plateformes d’entraînement comme des plateaux techniques très coûteux. Nous utilisons, pour notre part, une entreprise privée d’offre de services qui intervient normalement pour les industriels. Nous vous renvoyons au texte que nous avons préparé à ce sujet.

M. Robert Cabé. Je laisse Mme Élisabeth Maraval-Jarrier compléter au nom de l’ADF.

Mme Élisabeth Maraval-Jarrier, chef du service juridique à l’Assemblée des départements de France. Les écoles départementales s’occupent de la formation des volontaires. Une réflexion à leur sujet vient de débuter à l’ADF et porte essentiellement sur leur équipement. Un début de mise en œuvre est réalisé dans les départements alsaciens mais, comme cela fait relativement peu de temps que les départements sont aux commandes, cela n’a pas encore produit les effets souhaités.

La mutualisation concerne non seulement les achats de matériel, par le biais de groupements d’achat, mais également les fonctions et les personnels dans les secteurs comme l’informatique, les services juridiques ou les services immobiliers, ou encore l’organisation des ateliers au sens large du terme. Or il existe des obstacles juridiques à leur réalisation parce que les dispositions du code général des collectivités territoriales concernant les SDIS n’ont été conçues que dans la relation SDIS/Communes et EPCI. Il y a manifestement un toilettage à faire en la matière.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si la réglementation européenne nous imposait de considérer chaque heure de présence sur le lieu de travail comme une heure de travail, cela ne remettrait-il pas en cause la garde de 24 heures ?

Mme Élisabeth Maraval-Jarrier. Quand on regarde la jurisprudence, notamment la récente décision du tribunal administratif de Rennes contre le SDIS du Finistère ou ce qui s’est passé pour le SDIS de La Réunion, on s’aperçoit que toute la problématique repose sur la définition du travail effectif pendant la période de garde. Le décret parle d’équivalences. Or je ne pense pas que la réglementation européenne condamne les équivalences car le même problème se pose dans le domaine social avec les heures de veille. Le rapport présenté à la Conférence nationale sur les services d’incendie et de secours (CNSIS) sur le temps de travail fait le point de la réglementation. Nous vous en fournirons une copie. On s’oriente plus vers un assouplissement du régime des équivalences que vers une vraie définition une heure pour une heure.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Les débats sur la réglementation européenne sont en cours et il y a un risque.

Mme Élisabeth Maraval-Jarrier. Dans son bilan du décret de 2001, l’ADF a indiqué que les présidents de SDIS souhaitaient avoir un peu de temps devant eux afin de ne pas avoir à sortir brusquement du système actuel, sachant que les syndicats demandent à conserver les gardes de 24 heures, avec une heure de présence comptée comme une heure de travail. Une sortie brusque du système actuel provoquerait un séisme financier.

M. David Habib, Président. Nous vous remercions, messieurs et madame.

M. Robert Cabé. Nous comptons sur vous pour supprimer la double tutelle !

M. David Habib, Président. Nous allons en parler au préfet que nous recevons après vous.

À 11 h 00 : M. Bernard Niquet, préfet de la région Lorraine et de la Moselle, préfet de la zone de défense Est

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Nous sommes heureux d’accueillir M. Bernard Niquet, préfet de la région Lorraine et de la Moselle, préfet de la zone de défense Est, après que nos trois rapporteurs – M. Georges Ginesta, membre de la commission des Finances, M. Thierry Mariani et M. Bernard Derosier, tous deux membres de la commission des lois – ont souhaité entendre un préfet de zone concernant son rôle dans la mise en œuvre et la coordination de la sécurité civile.

Déjà ce matin, lors de l’audition de différents acteurs de la société civile, dont trois directeurs de services départementaux d’incendie et de secours – SDIS – et deux représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF), la question de la gouvernance et du rôle de l’État, donc des préfets, a été soulevée à plusieurs reprises.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Monsieur le préfet, je commencerai par une question provocante : le préfet a-t-il encore sa place dans le dispositif, sachant – point sur lequel les présidents de conseil général que nous avons auditionnés ont appelé notre attention –, d’une part, que les maires exercent un pouvoir de police, et d’autre part, que c’est le département qui paie en la matière ?

M. Bernard Niquet. Avant de répondre à votre question, afin de mieux présenter mon rôle, permettez-moi de vous parler de la zone de défense Est, dont je suis le préfet. Cette zone est très grande puisqu’elle comprend 900 kilomètres de frontières – avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse – et recouvre cinq régions – la Lorraine, dont je suis le préfet, l’Alsace, la Champagne-Ardenne, la Bourgogne et la Franche Comté – et dix-huit départements. C’est une zone confrontée à d’importants risques technologiques puisqu’elle compte une centrale de production nucléaire, cinquante-cinq établissements industriels, cinq grands barrages, des dépôts pétroliers, trois installations prioritaires de défense et douze établissements classés « Seveso seuil haut ». Elle est régulièrement traversée par des matières dangereuses, en particulier par le train Castor, qui achemine les déchets nucléaires de La Hague vers l’Allemagne.

La zone de défense Est doit faire face à des risques liés aux infrastructures routières, en raison de la présence de grands tunnels, et à des risques ferroviaires, avec les lignes TGV Sud et Est, des gares importantes, les ports de Strasbourg et de Metz, et des aéroports – Bâle-Mulhouse, Strasbourg, Metz-Nancy-Lorraine, Chalons-Vatry.

Elle doit également faire face aux risques naturels que sont les inondations, avec trente-deux cours d’eau répertoriés, et les séismes, ainsi qu’aux risques liés à des manifestations comme le Bol d’Or, sur le circuit de Nevers-Magny-Cours, les Eurockéennes de Belfort et divers grands rassemblements de gens du voyage. C’est ainsi que l’été dernier, une vingtaine de milliers de gens du voyage se sont rassemblés, avec 3 000 caravanes, sur la base de Toul-Rosières, dans le département de Meurthe-et-Moselle.

Une telle situation nécessite une approche supradépartementale, seule susceptible de mobiliser des moyens exceptionnels, de mutualiser les formations et de planifier les opérations, tout en laissant la gestion de crise aux acteurs les plus proches que sont les préfets de département et les maires, ceux-ci conservant au sein de leur commune la plénitude de leurs attributions.

Lorsque surviennent des crises, le préfet de département assure la coordination entre les services de gendarmerie, de police nationale, les SDIS et divers services de sécurité comme le SAMU et le SMUR.

Le préfet de zone, quant à lui, assure la mise en cohérence des moyens lors de crises importantes qui ne peuvent être assumées par le seul département, sans toutefois se substituer aux autorités locales. Voilà quelques jours, nous avons participé, au sein de la zone de défense Est, à un exercice national de pandémie grippale, qui a mobilisé les centres opérationnels tant au niveau national que zonal. De même, nous contribuons à la préparation du prochain sommet de l’OTAN, qui se tiendra à Strasbourg les 3 et 4 avril en planifiant le dispositif de secours, en relation avec les dix-huit SDIS de la zone. L’aspect opérationnel de cette opération, qui représente la mobilisation de 300 engins et de 1 100 personnes, sera confié aux préfets des départements concernés et au préfet de la région Alsace.

Le préfet, représentant de l’État, a donc toute sa place dans le dispositif. Il ne s’agit pas d’un retour de l’État, celui-ci n’ayant jamais été absent, mais d’un travail de « coproduction ». Lorsque survient une crise grave ou un accident, le préfet est chargé de la préparation des opérations et de la mise en œuvre des plans, en collaboration avec l’ensemble des partenaires.

Nous savons tous, monsieur le député, que lorsque survient un drame, qu’il soit lié au vent, au feu, au froid ou à l’eau, c’est vers le préfet, donc vers l’État, que se tourne la population. C’est au préfet qu’il appartient de répondre aux questions qu’elle se pose, avec ses moyens propres et, si nécessaire, des moyens externes. Sa place est donc pleine et entière dans le dispositif. Afin de pouvoir faire face, jour et nuit, aux drames qui surviennent, le préfet est en contact permanent avec le terrain. Généralement, le sous-préfet de permanence ou le directeur de cabinet du préfet filtre les informations et juge s’il convient que le préfet se rende sur les lieux du drame. Ce dernier, je le répète, est irremplaçable dans la gestion des crises quotidiennes. Je suis préfet depuis plusieurs années, et j’ai souvent été confronté à des drames. Tous ont nécessité ma présence aux côtés du maire de la commune.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Vous parlez de coproduction. Il y a pourtant bien quelqu’un qui paie.

M. Bernard Niquet. Dois-je rappeler que l’effort de l’État en matière de sécurité civile avoisine les 900 millions d’euros ?

Il est vrai que, par l’intermédiaire du préfet, c’est finalement l’État qui commande, mais il le fait à parité avec les maires, qui sont des élus. En matière de gestion des risques, les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques ne sont arrêtés par le Préfet qu’après avoir été approuvés par le conseil d’administration du SDIS, auquel sont associés les membres du conseil général et les maires, également associés au niveau national dans le cadre de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS). Il s’agit donc bien d’une coproduction.

Souhaitez-vous, monsieur le député, que le préfet disparaisse de la coordination ?

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Pas du tout ! Compte tenu des risques qui existent dans votre région, il est évident que l’État a un rôle à jouer. Mais je ne suis pas persuadé que la présence du préfet soit nécessaire lors des accidents de la circulation, par exemple.

M. Bernard Niquet. Monsieur le député, en juin dernier, un dramatique accident de la route s’est produit près de Metz. Je me suis naturellement rendu sur les lieux, où se trouvaient le sous-préfet de Forbach, territorialement compétent, et les services de gendarmerie. Je n’ai pas eu à prendre la moindre décision, car les dispositifs de secours ont très bien fonctionné, mais je considère que ma présence était indispensable. Et je puis vous assurer que le maire était heureux de pouvoir compter sur le préfet pour annoncer aux parents la mort de leur enfant ! Par mon intermédiaire, c’est l’État qui était présent.

Ce drame m’a permis en outre d’insister auprès du président du conseil général pour que soit enfin installé un radar sur ce tronçon routier. L’État régalien ne doit pas se contenter, avec le préfet, d’exercer son autorité : il doit apporter une valeur ajoutée et faire preuve d’humanité lorsque des drames affectent nos concitoyens.

M. Bernard Derosier. Bien loin de nous l’idée de vouloir diminuer le rôle des préfets. Cependant, estimez-vous, en votre qualité de préfet de département, que le président du SDIS pourrait, au même titre que le maire, assumer la responsabilité opérationnelle des opérations ? La coordination entre les SDIS et les SAMU des différents départements de votre zone est-elle satisfaisante ?

M. Bernard Niquet. Le président du SDIS est parfaitement capable d’assurer cette coordination, mais les pompiers, les services de police nationale et de gendarmerie sont sous l’autorité directe et immédiate du préfet de département.

Je reviens sur la notion de coproduction. La responsabilité du maire se limite à la commune, tandis que celle du préfet, plus générale, s’applique lors des crises plus graves qui nécessitent l’intervention d’autres partenaires, et donc une plus large coordination.

S’agissant de celle entre le SDIS et le SAMU, je n’ai pas connaissance du moindre dysfonctionnement dans le département de la Moselle, pas plus que je n’en avais connu dans les départements de la Vienne et des Yvelines. Les comités départementaux fonctionnent en parfaite synergie dans tous les départements.

En matière de santé, l’État, en cas de crise urgente, intervient, dans le cadre de la zone de défense, au moyen des services qui relèvent, d’une part, des agences régionales d’hospitalisation et, d’autre part, du ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Récemment, ces derniers ont été regroupés en DREAL – direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – dont le directeur, pour la région Lorraine, est également le directeur régional de l’industrie, qui, lui-même, est le correspondant des DREAL des quatre autres régions qui constituent la zone de défense. Il participe ainsi, au niveau zonal, à la planification des risques sur l’ensemble de la zone.

Un tel regroupement n’existe pas pour les actuelles agences régionales d’hospitalisation, ni pour les futurs établissements que seront les agences régionales de santé. Il serait utile que l’État central, à travers le préfet de zone et le préfet délégué pour la zone de défense, dispose d’un interlocuteur unique, qui représenterait l’ensemble des régions. Or, les textes en préparation n’en font pas mention.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le rôle de coordination et de représentant de l’État assumé par le préfet est incontestable, mais les préoccupations de notre Mission sont essentiellement financières : la réflexion engagée par la commission des Finances a pour objet de faire cesser l’inflation budgétaire, en particulier celle qui affecte les SDIS. L’État maîtrise parfaitement le budget qu’il consacre aux SDIS – même si nous le jugeons insuffisant : bien qu’il assume l’achat des aéronefs, indispensables pour combattre les feux de forêt, ses dépenses sont en effet restées stables. À l’inverse, celles engagées par les SDIS, qui atteignent 4,2 milliards d’euros, ont augmenté depuis 2001 de 45 %.

Les SDIS doivent parvenir à mutualiser leurs achats et à freiner l’embauche permanente de sapeurs-pompiers, dont les salaires représentent presque 80 % des dépenses. Or, leur nombre est passé de 28 000 à 38 000 !

Il convient, en outre, d’éviter les doublons entre l’assurance maladie et les pompiers. Sait-on que celle-là paie pour des ambulances en faction – pour un coût qui dépasse les 300 euros la nuit – et qui, de ce fait, ne sont pas utilisées pendant ce temps dans les hôpitaux, ce qui n’empêche pas que ceux-ci sortent, l’accroissement de leur quantité de travail justifiant ainsi leur demande supplémentaire en matériel et en hommes ? Il faut savoir qui décide, entre le 18 et le 15.

M. Bernard Niquet. Je ne pourrai vous aider à freiner l’inflation du budget des SDIS, mais je vous suggère d’explorer certaines pistes, comme l’utilisation du fonds d’aide à l’investissement – FAI – qui intervient aujourd’hui pour 8 à 10 % de leurs investissements, même si ce fonds, financé par l’État, n’a pas donné les résultats attendus par l’État et la représentation nationale en n’ayant pas su éviter le saupoudrage.

Son objectif était de mettre à disposition des SDIS des matériels utilisables par tous et donc susceptibles d’être mutualisés, mais il a été utilisé différemment selon les zones. Pour le répartir, certaines se sont appuyées sur les quotas de population, d’autres ont préféré soutenir les investisseurs ou encore, comme la zone Est, prendre en compte les aspects fiscaux de chaque département.

Le dispositif avait été salué par la Cour des comptes comme étant le moins mauvais, mais le système fonctionne mal. Lorsque se sont produits les feux de forêt, il y a deux ans, seuls vingt véhicules de feu ont pu être utilisés sur les quatre-vingts véhicules existants, du fait du nombre de sapeurs-pompiers en vacances pendant cette période estivale.

Le FAI, dont le préfet de zone est en quelque sorte le répartiteur, doit évoluer – je parle ici en mon nom personnel, sans engager le directeur de la Sécurité civile ni le ministère de l’Intérieur.

Tout d’abord, l’État a instauré un préciput et conserve une somme de l’ordre de 20 à 23 % de l’ensemble des sommes réparties, ce qui lui a permis de développer les systèmes de communication ANTARES et ACROPOL. Les quelque 80 % restants sont répartis entre les zones par les préfets de zone et entre les SDIS, après avis des commissions locales au sein desquelles, je le rappelle, les élus sont représentés.

La procédure administrative est tellement lourde que les délais sont très souvent dépassés, rendant impossible l’achat des équipements. Il serait plus simple de déléguer cette responsabilité au préfet de zone, qui pourrait effectuer la répartition en s’appuyant sur les SDIS. Je rappelle qu’à ce jour, nous ne connaissons pas encore le montant du fonds d’aide à l’investissement pour l’année 2009.

Une autre formule consisterait à supprimer le préciput. L’État, par l’intermédiaire de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), fixe aux préfets de zone des priorités en matière d’acquisition de matériel. Ces derniers, lorsqu’ils procèdent à la répartition du fonds, privilégient les systèmes de communication ainsi que les départements les plus modestes, qui n’ont pas toujours les moyens d’acquérir des équipements. Pourquoi, alors que dans certains départements l’aide du FAI n’excède pas 4 000 euros, ne pas accorder une prime à ceux qui s’associent avec un département voisin pour mutualiser l’acquisition de matériels ? Pour la mise en œuvre d’ANTARES, par exemple, une convention a été établie entre l’État et le SDIS.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. La double commande est source de dépenses supplémentaires. Après les inondations dramatiques de Vaison-la-Romaine, le département du Vaucluse s’est suréquipé pour pouvoir faire face à des catastrophes improbables. Les responsables politiques ont tendance à engager les dépenses nécessaires pour prendre le plus de précautions possibles.

M. David Habib, Président. Le Président du conseil d’administration du SDIS des Landes nous a indiqué que le préfet avait exigé que le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) couvre les risques technologiques, bien qu’il n’existe pas la moindre usine chimique dans le département des Landes. Même s’il doit être approuvé par le conseil d’administration du SDIS, le SDACR semble traduire la volonté de couvrir un maximum de risques.

M. Bernard Niquet. Cette volonté existe, j’en conviens, mais les catastrophes n’arrivent pas qu’aux autres. Lorsque j’étais préfet des Yvelines, je me suis rendu impopulaire aux yeux du maire de Maisons-Laffitte, M. Jacques Myard, et du maire du Pecq, le sénateur Alain Gournac, pour les avoir empêchés de construire un lycée en zone inondable, considérant que la crue centennale n’est pas réservée au voisin. Le ministre de l’Environnement de l’époque, M. Serge Lepeltier, s’est déplacé à deux reprises, et je me suis même retrouvé dans le bureau du Premier ministre, puis dans celui du Président de la République. M. Myard étant très pratiquant, je lui ai suggéré alors d’en référer au pape… En tout cas, l’évêque de Versailles, puisqu’il s’agissait d’un lycée catholique, m’a remercié d’avoir su me montrer ferme, car le lycée a finalement été construit à Sartrouville, dans un superbe environnement.

M. David Habib, Président. C’est tout le problème de la capacité des élus à évaluer les risques.

M. Bernard Niquet. Il y a quelques années, en qualité de collaborateur du précédent chef de l’État, je me suis rendu dans la Somme après de fortes inondations, où j’ai rencontré, en compagnie du maire d’Amiens, M. de Robien, des personnes ruinées, matériellement et moralement. Toutes posaient la même question : pourquoi, voilà trente ans, l’État nous a-t-il laissé construire dans ces zones ? Je n’ai jamais oublié cela. Pourtant, si le préfet de l’époque avait pris des arrêtés d’interdiction, que n’aurait-il entendu – y compris de la part de certains élus ?

M. David Habib, Président. Nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à nos questions.

À 11 heures 45 : M. Marc Giroud, directeur du service d’aide médicale d’urgence – SAMU – de Pontoise, président de SAMU de France

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Ce matin, nous avons eu la volonté d’explorer la réalité du terrain des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), en auditionnant des directeurs de SDIS, des présidents de conseil général et un préfet de zone. Comme M. Georges Ginesta l’a rappelé, notre mission d’évaluation et de contrôle a pour but, d’abord, de vérifier la bonne utilisation des fonds publics, ensuite, de trouver les moyens d’éviter une inflation des demandes en la matière.

Les services d’aide médicale d’urgence (SAMU) ont été cités à plusieurs reprises lors de nos premières auditions, et il nous a semblé utile d’entendre un de leurs responsables. M. le docteur Marc Giroud, directeur du SAMU de Pontoise, a accepté de participer à nos travaux.

Nos trois rapporteurs sont M. Georges Ginesta, de la commission des Finances, M. Bernard Derosier et M. Thierry Mariani, membres de la commission des Lois.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Monsieur le directeur, nous souhaitons vous entendre expliquer, à partir de votre expérience de l’ensemble du territoire national, comment s’articulent aujourd’hui les SAMU et les SDIS, eu égard à quelques tensions antérieures alimentées par les uns et par les autres. Cette relation est-elle satisfaisante, a-t-elle des conséquences financières et peut-elle être améliorée – notre collègue Ginesta rappelant régulièrement la nécessité de diminuer les dépenses des SDIS ?

M. Marc Giroud. Une précision : je suis le directeur du SAMU de Pontoise, mais aussi le président de SAMU de France.

La question des finances n’étant pas au cœur de mon métier – de mon savoir et de mon expérience – ni de celui de SAMU de France, je vous répondrai donc plutôt sous l’angle de la coordination et de ses retentissements positifs ou négatifs, sachant qu’une bonne coordination contribue à dépenser efficacement et à optimiser les moyens.

À mes yeux, la coopération entre SAMU et pompiers est beaucoup plus simple qu’on ne le dit. Vous évoquez des tensions alimentées de part et d’autre, mais citez-nous des cas où SAMU de France les a alimentées ! Nous ne nous situons pas du tout dans ce registre et je ne suis donc pas là pour porter des griefs. Lorsque les ministres nous ont réunis, à la demande du Président de la République, il y a maintenant un an, pour travailler sur le fameux référentiel commun de l’organisation des secours à personne et de l’aide médicale d’urgence, je leur ai dit que notre travail en commun avec les sapeurs-pompiers est plus que bon – il est exemplaire – et je leur ai demandé de nous aider en nous indiquant d’autres services publics qui coopèrent mieux et plus que nous. J’attends la réponse des ministres à cette question et l’exemple qui nous serait ainsi donné ! Au contraire, certains pourraient s’inspirer de nos pratiques car, même si des difficultés entre SAMU et pompiers se présentent de temps en temps, c’est précisément parce que nous travaillons beaucoup ensemble et au quotidien.

La relation pompiers-SAMU est exemplaire grâce à notre complémentarité et, surtout, à notre culture commune. Je reconnais aux pompiers, et c’est - j’en suis certain - réciproque, le sens du service public et de l’engagement auprès des malades. Entre eux et nous, c’est viscéral, chromosomique, nous vivons cet engagement en permanence et il nous rapproche. On ne peut pas en dire autant d’autres partenaires ; j’en parlerai. Et lorsque nous nous sommes réunis voici un an pour élaborer ce référentiel commun, c’est précisément le critère patient – l’intérêt du malade – qui a permis aux deux parties de s’entendre : à chaque fois que l’un démontrait à l’autre que telle pratique était préférable, moins compliquée, plus rapide pour le patient, nous tombions aussitôt d’accord.

Dans le courrier par lequel j’ai été convié à participer à cette audition, vous m’avez demandé à quoi sert le référentiel. Les textes que nous avions précédemment écrits – auxquels j’avais contribué en 1990 – ayant vieilli, il était intéressant de les mettre au goût du jour, et cet exercice, certes long et parfois difficile – une centaine d’heures – s’est révélé très productif. Ce référentiel décline trois principes.

Le premier est que la régulation médicale exercée par les SAMU est déterminante pour le « juste soin ». Nous n’appliquons évidemment pas le juste soin en fonction de préoccupations économiques, mais pour répondre au besoin du patient. Cela étant dit, cette régulation est sans aucun doute positive au plan économique car elle permet de dépenser en fonction d’une utilité appréciée par le médecin régulateur.

Le deuxième principe est celui de la médicalisation par les ambulances du SAMU, mais seulement quand c’est nécessaire.

Le troisième principe – mentionné en premier dans le texte – est la proximité, qui met en avant l’avantage des sapeurs-pompiers, toujours les plus rapides.

Ce référentiel apporte trois choses.

D’abord, il permet d’accroître la rapidité à différentes étapes, car nous avons prévu des départs réflexes, des bilans simplifiés, mais aussi des automatismes, des absences de discussions – et le Président de la République a eu raison d’être très ferme sur ce dernier point qui relève du bon sens. Dans certains cas en effet, on parlotait alors qu’il était possible d’agir tout de suite quitte, éventuellement, à en discuter après.

Le référentiel facilite ensuite la coordination grâce notamment à une information systématique et au développement de l’informatique dans une perspective de progrès.

Enfin – et c’est formidable –, nous avons créé ensemble, formellement, une démarche qualité qui n’existait auparavant que de manière informelle.

Restent deux problèmes.

Premièrement, les difficultés dont vous faites état en matière de coordination existent surtout entre pompiers et ambulanciers privés – et non entre pompiers et SAMU. Ces problèmes sont lourds, pratiquement ingérables, et cause des doublons. Autant il est possible d’améliorer encore certains points dans la relation pompiers-SAMU, même si elle est déjà exemplaire, autant je ne sais pas comment faire s’agissant des pompiers et des ambulanciers privés. Les ambulanciers nous disent vouloir faire avec nous exactement comme nous faisons avec les pompiers, mais nous n’avons pas besoin de faire avec l’un ce qui est déjà très bien fait avec l’autre, car les ambulanciers ne respectent, bien souvent, ni les délais ni leurs engagements pris avec nous…, sans compter les problèmes de formation, d’équipements et même de commandement ! En cas de problème – et c’est rare – avec les sapeurs-pompiers, nous savons à qui nous adresser pour le régler, pas avec les ambulanciers privés.

Cette situation s’ajoute à celle des médecins généralistes, sur laquelle vous légiférez dans le cadre de la loi hôpital, patient, santé, territoires. Bon courage, car il n’y a pas forcément les troupes sur le terrain ! Il faut être réaliste : nous assumons, avec les pompiers, ces difficultés.

Deuxièmement, depuis quelque temps, les pompiers recrutent des infirmiers de sapeurs-pompiers (ISP) – l’absence de concertation préalable sur ces ISP a d’ailleurs alimenté nos récentes discussions –, lesquels se sont mis à accomplir des actes allant au-delà des compétences des infirmiers, avec tous les problèmes que cela peut poser en termes de sécurité et de qualité des prises en charge des patients. En outre, l’implantation de ces ISP crée des doublons en certains endroits du territoire déjà bien couverts par le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR). De plus, ces infirmiers ont presque toujours été recrutés dans les hôpitaux, dont on connaît les problèmes d’effectifs infirmiers. Ils sont payés plus cher et bénéficient d’incitations plus fortes, d’exonérations d’impôt, etc. Résultat : si nous demandons à une infirmière hospitalière agissant comme volontaire chez les sapeurs-pompiers de venir le lendemain travailler à l’hôpital, elle nous répond par la négative car elle sera chez les pompiers ! Enfin, ce recrutement a été mis en place sans coordination des plannings. Même si cette situation n’est pas du tout de l’ordre de l’exemplaire, elle est cependant marginale et nous en discutons. Le référentiel commun aborde timidement ce problème, mais seulement dans les perspectives, des protocoles d’emploi de ces infirmiers étant prévus à l’échelle nationale, et nous participerons, avec la Haute autorité de santé, à leur validation. Cependant, rien n’est prévu concernant l’implantation territoriale des ISP. Quant aux conventions entre les hôpitaux et les sapeurs-pompiers, nous n’avons pas encore commencé à y travailler.

En résumé, sur le plan de la coordination, les relations entre sapeurs-pompiers et SAMU sont excellentes, l’ombre des infirmiers de sapeurs-pompiers ne nous préoccupant que secondairement.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Un exemple : s’ils sont appelés par le directeur d’une maison de retraite en raison de l’indisponibilité de l’ambulance, les pompiers ont-ils le droit sans être accompagnés d’un médecin de transporter une personne qui n’est pas malade, mais simplement âgée et sous perfusion ?

M. Marc Giroud. C’est vous qui votez la loi ! Il ne m’appartient pas de vous répondre.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si, vous êtes là pour ça !

M. Marc Giroud. Il est bien que le pompier puisse le faire dans le cadre où nous travaillons aujourd’hui, à savoir en lien avec la régulation médicale qui apprécie au cas par cas – il n’est pas possible de répondre de manière générale à votre exemple. C’est d’ailleurs ce qui se fait dans la pratique, de manière sûre et efficace.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le sapeur-pompier a besoin d’une autorité médicale pour effectuer le transport.

M. Marc Giroud. Elle fonctionne, monsieur le député !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si vous vous entendez parfaitement entre vous, ce n’est pas forcément le cas avec l’ensemble du corps médical, notamment avec les ambulanciers qui en font partie !

M. Marc Giroud. Les ambulanciers font plutôt partie du système de soins.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour appréhender le problème dans son ensemble.

M. Marc Giroud. Vous ne verrez pas de pompier faire, dans une maison de retraite, quelque chose qui n’a pas été coordonné, validé par le médecin régulateur. Même si vous pouvez me citer un cas, globalement ce n’est pas ainsi que cela marche !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce n’est pas ainsi que cela devrait marcher.

M. Marc Giroud. Je vous donne mon opinion : ce système de coordination, de bilan sur place fonctionne remarquablement bien – avec sans doute quelques loupés… comme partout.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Autre question : sur la coordination entre le 15 et le 18, qui décide du prompt secours ? S’il y a prompt secours, ce sont les sapeurs-pompiers, sinon c’est le staff médical.

M. Marc Giroud. C’est le cas.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Vous êtes dans un monde parfait !

L’assurance-maladie paye plus de 300 euros la nuit des ambulances en astreinte, qui ne sont pas forcément utilisées si, l’appel étant reçu sur le 18, le pompier décide d’envoyer ses collègues faire l’intervention. Cela autorise les sapeurs-pompiers à demander toujours plus d’effectifs et plus de matériels, la sécurité sociale – et donc in fine l’assuré – continuant à payer des ambulances en astreinte sous-utilisées. Aujourd’hui, il faut coordonner les deux, nous dire qui doit faire quoi, qui a autorité sur qui !

M. Marc Giroud. Vous soulevez deux problèmes : celui de la relation entre le 15 et le 18 et celui des ambulanciers privés. Sur le premier, mon opinion de directeur de SAMU est largement partagée par mes collègues : la liaison 15-18 fonctionne bien. Sur le second, je le répète, la coordination entre pompiers et ambulanciers est exemplaire de ce qu’il ne faut pas faire !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Les pompiers appellent-ils systématiquement le staff médical ?

M. Marc Giroud. Absolument.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. C’est le malade qui appelle le 15 ou le 18 et le régulateur apprécie par téléphone qui il faut envoyer. Le SAMU et les services des sapeurs-pompiers ont des missions différentes : la médecine pour les SAMU, le transport pour les SDIS. Ces derniers sont donc « en concurrence » avec les ambulanciers qui vivent à 300 euros la nuit – le service public étant indemnisé à hauteur de seulement 100 euros lorsqu’il intervient. Le hiatus est là. Je ne suis pas sûr que le SAMU – mais votre avis nous intéresse – puisse réorganiser cela différemment ; c’est aux pouvoirs publics de fixer les règles d’intervention entre ambulances privées et sapeurs-pompiers en fonction de la nature des missions.

M. Marc Giroud. Je suis totalement d’accord.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Effectivement, notre objectif étant de supprimer les doublons pour ne pas payer deux fois – via l’assurance-maladie et les impôts –, la position de chacun doit être clarifiée.

M. Marc Giroud. Je suis complètement d’accord, mais je m’avoue un peu incompétent. Autant je sais ce qu’il faut faire pour améliorer la relation entre SAMU et pompiers, et nous y travaillons – c’est une dimension importante de ma vie professionnelle et de celle de mes collègues dans les SAMU – avec une grande satisfaction car notre système est efficace et nous l’améliorons encore ; autant je ne sais pas faire ce que vous ne faites pas, c’est-à-dire le partage des compétences et des responsabilités entre pompiers et ambulanciers privés. Il ne faut pas demander au médecin régulateur du SAMU de palier la carence de l’organisation nationale…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce qui est demandé ici, c’est de réduire la dépense globale !

M. Marc Giroud. Le médecin régulateur n’a pas vocation à réduire la dépense ; son art est de qualifier le cas à partir d’un corpus de références qui lui sont données par la loi, les recommandations professionnelles, la Haute autorité de santé, les comités départementaux de l’aide médicale urgente et des transports sanitaires. Il discute, comprend, interprète, évalue les risques et décide, par exemple, de faire entrer le patient dans la catégorie de l’asthmatique à un niveau de gravité donné. Ensuite, les auxiliaires appliquent, déclinent la qualification du cas en déterminant le schéma dans lequel va s’inscrire le patient, selon, par exemple, qu’il se trouve en milieu rural ou en milieu urbain.

Personne n’a jamais réglé ce problème – qui est selon moi une des tares de notre système de secours et de soins d’urgence –, et ce n’est pas au médecin régulateur de le faire.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. C’est vrai : il faut régler ce problème du transport soit par la voie législative, soit de façon réglementaire afin de préciser les missions des uns et des autres.

Des problèmes se sont posés – je ne sais pas s’ils existent toujours – quand, en raison de l’insuffisance de moyens des SAMU ou de la décision du régulateur de ne pas envoyer le SAMU, les sapeurs-pompiers ont dû assumer la mission de transport, d’où leur sentiment d’être taillables et corvéables à merci. C’était le sens de ma question tout à l’heure, à laquelle vous avez répondu en expliquant que les choses s’étaient aplanies et régularisées grâce à des conventions départementales.

M. Marc Giroud. En cas de problème, cela retombe sur les sapeurs-pompiers et le service hospitalier d’accueil ! Mais après tout, c’est la noblesse et la mission du service public. En revanche, nous vivons difficilement le discours actuel selon lequel nous devons, théoriquement, travailler avec les ambulanciers privés et les médecins généralistes car, non seulement nous les cherchons, mais il nous est reproché de trop utiliser les sapeurs-pompiers et de surcharger les services d’urgence sur lesquels nous nous replions ! Notre but est toujours d’apporter aux malades la solution la moins mauvaise et, à cet égard, nous avons la satisfaction, dans les cas où nous faisons agir – même à tort sur le plan de la qualification des rôles – le pompier et l’hôpital, de fournir aux malades un service d’un excellent niveau sur le plan de la sécurité et de la qualité ! Nous ne laissons pas les gens « sur le carreau » ! Que cela coûte cher est un autre problème, notre première vocation étant d’assurer aux malades une prise en charge efficace, quelle que soit leur condition sociale.

Il existe donc deux difficultés importantes aujourd’hui. En interne aux pompiers, le positionnement, un peu mystérieux, des infirmiers de sapeurs-pompiers, qui entraîne des doublons. Et, surtout, le problème jamais résolu des ambulanciers privés et de leur place dans les urgences. De plus, le mode de financement des ambulanciers privés – un forfait et une décote de 60 % de leurs tarifs – est très mauvais. Cette invention de l’assurance-maladie marche bien en milieu rural, mais pas en ville. En milieu rural, l’ambulancier travaille généralement avec sa femme, elle-même ambulancière ; ils touchent l’astreinte en sortant une fois toutes les trois nuits et leur situation est confortable. En revanche, en ville, les ambulanciers sont employés, ils dorment dans un arrière-fond d’hôpital ou dans un hôtel à bon marché, l’entreprise ne s’en sortant pas avec plusieurs interventions dans la nuit car, avec la décote de 60 %, elle y perd par rapport au tarif de base. Ce système soi-disant incitatif, mais moins payé pour la nuit que pour la journée n’a pas de sens et est une des causes de la carence d’ambulanciers privés. C’est le financement qui pervertit le système et, s’il était corrigé au moins pour les grandes villes – le problème se pose particulièrement en banlieue parisienne et notamment dans mon département –, il y aurait plus d’ambulanciers, et moins de pompiers se plaignant de devoir faire le travail des ambulanciers privés.

On aboutit aussi à de drôles de situations. L’« ambulance des pompiers » est, vous le savez, gratuite pour l’usager. Le service public hospitalier doit donner à ce dernier toutes les informations utiles – c’est une obligation issue de la Charte du patient –, en particulier les conditions dans lesquelles il va être pris en charge. Ainsi, nous expliquons à une dame qui nous appelle qu’elle a besoin d’aller à l’hôpital et qu’elle peut s’y rendre soit avec une ambulance – système payant –, deux personnes pouvant venir la chercher dans une demie heure ou trois quarts d’heure, soit gratuitement avec les sapeurs-pompiers, trois d’entre eux pouvant arriver en un quart d’heure ! Imaginez sa réaction ! (Sourires.) C’est ce système que vous nous demandez d’appliquer au quotidien ! Or lorsque nous avons la faiblesse d’appuyer sur le « bouton rouge », c’est mieux non seulement pour la dame et l’hôpital, car il y a moins d’attente, mais aussi pour nous, eu égard au juge qui, en cas de problème, peut nous reprocher d’avoir fait attendre la patiente, de ne pas avoir contrôlé l’ambulancier, arrivé au bout d’une heure et quart, etc. L’ambulancier, nous ne le tenons pas par la main ! Le pompier, s’il est envoyé, on est sûr qu’il va y aller et faire exactement ce qu’on attend de lui.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Vive le service public !

M. Marc Giroud. Alors levez cette ambiguïté, monsieur le député, car il y a le service public et le service non public…, et on nous demande d’utiliser le second qui est moins performant !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Faut-il par conséquent supprimer l’astreinte des ambulanciers privés dans les hôpitaux ?

M. Marc Giroud. Ils ne sont pas vraiment dans les hôpitaux, mais – et il y a une confusion dans votre texte – dans la ville.

Le législateur a écrit dans la loi qu’en cas de carence de l’ambulancier privé, c’est l’hôpital siège du SAMU qui paye la sortie des pompiers…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Oui.

M. Marc Giroud. Je me demande où vous avez trouvé ça ! On n’a jamais vu dans notre système d’assurance-maladie un prescripteur payeur ! Le payeur, c’est d’ordinaire le malade. On avait pensé, m’a-t-on expliqué, à un effet rétroactif sur le prescripteur… Mais le régulateur s’en moque, sa seule préoccupation étant une prise en charge efficace du patient.

M. David Habib, Président. Votre exemple est tout à fait pertinent.

M. Marc Giroud. Ce dispositif législatif est contre-productif. Cette espèce d’erreur selon laquelle les pompiers sont gratuits et les ambulanciers payants fait que nous allons dans le sens où on nous dit de ne pas aller.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est bien la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui : pour en parler. Je répète ma question : faut-il supprimer les ambulanciers privés payés sous astreinte ?

M. Marc Giroud. Non, les ambulanciers privés ayant selon moi un grand rôle à jouer, il faut s’atteler à trouver un cadre de coordination, de répartition des rôles entre ambulanciers et pompiers. En tant qu’experts ayant un regard particulier, nous pouvons vous donner des avis, ce problème relevant beaucoup plus de politiques générales et de vos décisions que des nôtres.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nos décisions sont aussi alimentées par des avis compétents.

M. Marc Giroud. Effectivement, aujourd’hui, l’articulation pompiers-ambulanciers mérite d’être complètement réexaminée car elle n’a pas de sens. Comme aurait dit ma pauvre mère, ce n’est ni fait ni à faire ! Puisque vous me demandez de vous aider, je vous donne la solution : allez à Londres et regardez le système ambulancier.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Que font de plus les Anglais ?

M. Marc Giroud. Ils ont mis en place un système national de transport sanitaire englobant ce qui existe dans notre pays chez les pompiers et les ambulanciers privés. Ce système monobloc marche, mais a un défaut important : s’il se met en grève – comme il y a une quinzaine d’années –, il y a des morts. En France, la dualité gendarmes-policiers et pompiers-ambulanciers évite d’avoir une seule jambe sur laquelle sauter.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Qui paye ?

M. Marc Giroud. Le service de santé.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Et l’usager ?

M. Marc Giroud. Je ne saurais pas trop vous détailler le système anglais d’assurance maladie, mais le fonctionnement du système de transport sanitaire y est très satisfaisant, avec cependant par rapport au nôtre le gros défaut de ne pas avoir inclus dans son concept le dispositif SAMU et la régulation médicale.

En conclusion, si un étranger me demande conseil, je lui propose d’aller « faire son marché » et de prendre le système d’ambulances anglais, le modèle SAMU français – car il apporte le juste soin avec la régulation médicale, dispositif globalement très bon, à mon avis le meilleur, même s’il comporte des défauts, et nous sommes assez peu contestés là-dessus – et le système de transport héliporté allemand ou suisse, car si la France fabrique des hélicoptères de qualité, elle ne les a pas bien mis en œuvre dans les secours. Avec tout cela, monsieur le député, vous avez le meilleur système du monde.

Auparavant, le système soviétique était une référence, et nous nous en sommes inspirés. Nous l’avons imité, puis dépassé, et avons inventé le système SAMU. Aujourd’hui dans le monde il y a, en gros, le système anglo-saxon et le système SAMU, ce dernier ayant l’avantage de la réponse adaptée.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Dans toutes les ex-républiques soviétiques, l’un des ministères les plus importants est le ministère des situations d’urgence. Elles continuent à coordonner les secours, même si cela fonctionne beaucoup moins bien qu’avant, grâce à une autorité générale.

M. David Habib, Président. Si Thierry Mariani cite le modèle communiste dans les préconisations du rapport… (Sourires.)

Merci beaucoup, Docteur, de votre franchise ; elle a été, je crois, appréciée par les rapporteurs. Vous avez bien isolé deux problèmes : la place des infirmiers de sapeurs-pompiers et la relation entre ambulanciers et pompiers. Nous allons poursuivre nos travaux et vous adresserons le rapport qui comportera les propositions des trois rapporteurs.

Auditions du 2 avril 2009

À 9 heures 30 : M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile, et M. Éric Doligé, sénateur, Président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Je vous souhaite la bienvenue pour cette deuxième matinée d’auditions sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

Nous avons précédemment entendu des acteurs locaux de la sécurité civile ; nous allons aujourd’hui débattre des questions de pilotage, avec M. le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile, et M. le sénateur Éric Doligé, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours. Je vous remercie, messieurs, de votre présence.

Nos travaux sont animés par trois rapporteurs, qui représentent la commission des Lois et la commission des Finances et sont issus, pour deux d’entre eux, de la majorité et, pour l’un, de l’opposition, de manière à aboutir à un rapport final consensuel.

Je propose que, suivant notre usage, nous procédions par questions et réponses.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le bureau de la commission des Finances a souhaité que la mission d’évaluation et de contrôle travaille sur le financement des services d’incendie et de secours dans la mesure où leurs dépenses ont fortement augmenté depuis 1996 – y compris depuis 2001, date de l’achèvement de la départementalisation des SDIS. Aujourd’hui, le budget de la sécurité civile, dans son ensemble, atteint quelque 5 milliards d’euros, somme importante qui pourrait être en partie transférée à d’autres domaines ressortissant aussi des obligations de l’État. Nous souhaitons donc examiner avec vous si le mode de gouvernance des SDIS peut être amélioré.

Le système actuel comporte trois intervenants : l’État, les élus locaux et les sapeurs-pompiers. Or ces derniers tirent souvent profit non seulement de leur indéniable popularité mais aussi du fait que leur budget n’est pas piloté par une seule entité. L’État établit la réglementation, à la suite de quoi les sapeurs-pompiers passent commande du matériel et procèdent aux embauches et ce sont les collectivités locales qui payent. Il faudrait revoir ce système, de manière à n’avoir qu’un seul pilote, suivant le principe : qui commande paye – et, réciproquement, qui paye commande.

Il paraît donc indispensable de faire le bilan de la situation, d’étudier si une totale intégration des SDIS dans les conseils généraux ne serait pas souhaitable et de réexaminer le rôle de l’État, en l’occurrence celui des préfets de département et de région, dans la coordination des secours.

M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile. Ces questionnements sont pour nous des sujets de réflexion permanents. Toutefois, au-delà des faits et des chiffres, la difficulté majeure a longtemps tenu à la coexistence de deux mondes qui ne se parlaient pas.

En arrivant à la tête de la direction de la Sécurité civile, j’ai découvert un système où il y avait, d’un côté, l’État, qui travaillait en quelque sorte dans son coin avec le souci permanent du service public, et, de l’autre, les élus, à qui l’on demandait simplement de financer les mesures négociées entre l’État et les représentants du monde sapeur-pompier sans que préalablement les élus aient été impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans le processus de décision. Cela ne pouvait durer.

Les problèmes liés à l’élaboration du référentiel commun pour l’organisation du secours à personne ont révélé que les mécanismes de dialogue et de concertation ne fonctionnaient pas de manière satisfaisante, ce qui nous a conduits, M. le Président Doligé et moi-même, à revoir complètement notre façon de procéder. Nous voulons entretenir de nouveaux rapports avec la représentation nationale et les élus locaux, et inscrire cette démarche au cœur de notre nouveau mode de gouvernance.

Nous sommes désormais en liaison permanente avec l’Assemblée des départements de France (ADF). Notre objectif n’est pas de faire une concertation au coup par coup, mais de donner aux élus locaux une présentation stratégique de la manière dont l’État conçoit le développement de la sécurité civile. Autrement dit, nous vous devons des points de repère dans le temps, correspondant à des actions administratives, qui auront des traductions normatives, sur lesquelles nous souhaitons la plus vive concertation. Grâce à l’action du Président Doligé, une commission a été mise en place au sein des services concernés ; ses réunions régulières permettent de passer en revue les projets de textes et, surtout, d’établir une fiche d’impact budgétaire – ce qui est une novation totale, puisque, auparavant, nous nous bornions à envoyer des réglementations, à charge pour les présidents des conseils d’administration des SDIS (CASDIS) d’en calculer le coût.

Ce dispositif fonctionne déjà, puisqu’un certain nombre de textes sont en discussion avec l’ADF. Ils seront ensuite réintroduits dans le circuit institutionnel, pour être soumis à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) et à la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN). Ce travail préalable de concertation, qui reste dans le cadre fixé par les textes, a permis de reconnaître l’autorité des élus dans ce domaine complexe notamment à travers l’exigence de communiquer pour tout type de mesure des éléments objectifs d’impact budgétaire, en évitant ainsi tout effet de surprise lors de l’élaboration des budgets locaux. Désormais, nos textes sont examinés par la CCEN : devoir justifier une décision sur le plan budgétaire est pour nous un exercice inédit, mais nécessaire. Il nous appartient de le réaliser en totales transparence et objectivité. Je suis convaincu que cette action portera ses fruits et je souhaite que ce nouveau système relationnel se développe.

M. Éric Doligé, sénateur, Président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours. Nous avons à faire à un système complexe, qui ne donne pas de solutions réellement satisfaisantes et que nous essayons de faire évoluer.

Je rappelle que la CNSIS a été créée lorsque l’actuel Président de la République était ministre de l’Intérieur. Nous désirions éviter que les textes ne soient arrêtés sans que les élus en aient été préalablement informés et que les collectivités territoriales soient cantonnées au rôle de payeurs. Initialement, nous voulions un lieu qui permette aux collectivités de peser de toutes leurs capacités politiques et financières pour négocier pied à pied avec l’État et préciser les incidences des textes. La décision d’y intégrer des représentants des différentes administrations et les sapeurs-pompiers a constitué une dérive, qui a vidé le dispositif d’une partie de son sens puisqu’il n’offre plus la possibilité de négocier d’égal à égal, sans interférence. La CNSIS est une structure complexe, ce qui explique les difficultés et les insatisfactions actuelles : c’est un lieu d’échange et de concertation, où les parties discutent de manière tantôt multilatérale, tantôt bilatérale. Nous commençons à fonctionner de manière un peu plus transparente que par le passé, mais ce n’est pas encore idéal : il faut faire avec.

Faut-il tendre vers un seul pilote dans le département et l’application du principe « qui paye commande » ? Personnellement, j’en suis persuadé, mais la difficulté est d’y arriver. Comment faire en sorte que les payeurs, c’est-à-dire les collectivités territoriales, et plus particulièrement les départements, aient l’entier pouvoir de décision sur les questions de sécurité civile, qui ont aussi une portée nationale ? Il existe probablement des solutions, mais le système actuel comporte trois partenaires et il ne faut pas négliger le poids des sapeurs-pompiers, qui tirent profit de leur popularité pour éviter la mise en place à l’échelon local d’une relation de « patron » à « employés ». Les cadres des sapeurs-pompiers continuent ainsi à se prévaloir de leur double tutelle, car il est plus facile de jouer tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre que d’être dans un rapport de hiérarchie directe. Ce phénomène explique probablement certaines dérives financières.

Par ailleurs, le système actuel est le fruit de l’histoire. La départementalisation consista dans le regroupement des moyens communaux, ce qui comportait des avantages, mais aussi des coûts. J’espère que la forte progression de ceux-ci s’achève, mais les décisions prises en matière de normes techniques et de personnel résultent de négociations conduites par l’État plutôt que par les conseils généraux : bien souvent, nous n’avons qu’à appliquer les décisions. En matière de sécurité civile, le préfet joue un rôle important au niveau local – du moins sur le papier, car, dans la réalité, le maire et le préfet se déplacent rarement pour une intervention. En général, ce sont les sapeurs-pompiers eux-mêmes qui assument la responsabilité sur le terrain ; en cas de problème, ils diront qu’ils n’ont pas pu intervenir dans de bonnes conditions faute de moyens, et ce seront les élus, qui ne disposent pas de la responsabilité opérationnelle, qui devront en supporter les conséquences.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Comme l’a rappelé Éric Doligé, la CNSIS a été créée par la loi du 13 août 2004. L’Assemblée nationale avait souhaité que les sapeurs-pompiers y soient représentés, le Sénat les en avait écartés, mais nous étions revenus à la rédaction initiale. Ayant siégé à cette conférence à ses débuts, j’avais été déçu par les premières réunions. Est-elle désormais utile et efficace ?

Par ailleurs, que pensez-vous de la possibilité, évoquée par mon collègue Georges Ginesta, d’une intégration des SDIS dans les conseils généraux ?

M. Éric Doligé. S’agissant de la CNSIS, nous avons pris nos marques. Son utilité est d’être un lieu d’information et de débat. Quant à savoir si elle est efficace, c’est autre chose ! Disons que cela oblige les représentants des conseils d’administration des SDIS à se rencontrer et à échanger, et que cela donne une idée de l’état d’esprit des syndicats de sapeurs-pompiers et de leurs éventuelles divergences avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). On peut ainsi évaluer l’importance des textes qui nous sont soumis. Nous rendons des avis, qui ne sont pas impératifs, mais qui sont l’occasion de transmettre certains messages. Si la CNSIS n’existait pas, nous ignorerions beaucoup de choses ; son utilité s’affirme progressivement, mais force est de reconnaître qu’elle n’est pas immense.

S’agissant de ce que les pompiers appellent, péjorativement, la « conseil généralisation » des SDIS, je précise que si les présidents des conseils généraux président, en théorie, les CASDIS, en réalité, seuls un tiers d’entre eux assument réellement cette fonction, les autres la déléguant, en général à un vice-président. Dans la résolution finale de son séminaire du 17 décembre dernier, l’Assemblée des départements de France (ADF) affirmait que la grande majorité des présidents des conseils généraux souhaitaient que l’État reprenne l’autorité sur les sapeurs-pompiers. De manière à connaître leur position individuelle, j’ai écrit à chacun d’entre eux pour leur demander quelle était leur préférence entre le retour des SDIS à l’État, leur intégration au conseil général ou le statu quo. Sur douze réponses, six étaient favorables à l’étatisation et six partagées entre les deux autres solutions. Il n’y a donc pas de position commune.

Pour ma part, je pense que l’État ne reprendra jamais sous son contrôle les sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires ; en revanche, une collaboration plus étroite avec les départements parait nécessaire, afin d’aboutir à une véritable synergie. Nous avançons dans cette voie, bien qu’il faille surmonter certains blocages psychologiques.

M. Alain Perret. Je rejoins tout à fait ce qui vient d’être dit.

La CNSIS – dont je précise que l’État a toujours respecté les avis depuis sa création – devient une structure intéressante parce qu’elle permet d’étudier le positionnement de chacun. On observe ainsi un décalage croissant entre les syndicats de sapeurs-pompiers professionnels et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), les premiers développant des actions proches de celles du reste de la fonction publique territoriale, comme la FS3, à l’égard desquelles la Fédération émet des réserves. Il est toujours intéressant de pouvoir prendre la mesure des contradictions internes.

Je pense que la CNSIS va être confortée dans sa mission, dans la mesure où nous allons renforcer la collaboration entre nos services, son bureau et l’ADF. Auparavant, je le répète, un tel travail de préparation technique n’existait pas. Dès lors que le mouvement sera lancé, la CNSIS prendra toute son importance, qui passe aussi par sa capacité – qui a déjà été démontrée – à améliorer la pertinence rédactionnelle d’un texte.

Il convient cependant de mettre en perspective la CNSIS avec la CCEN, car leurs prises de positions pourront être contradictoires. Nous devons être attentifs à fournir toutes les explications souhaitées par les élus, et les aspects budgétaires sont à cet égard essentiels.

Quant aux modes de gouvernance et à la nécessité de reconnaître dans toute sa plénitude l’autorité du président du conseil général, qu’il s’agisse de la gestion ou des aspects opérationnels, vous comprendrez qu’il m’est difficile de m’exprimer sur ces questions. Néanmoins, certains points de convergence peuvent se faire jour.

Tout d’abord, le mode de nomination des directeurs départementaux pose problème, mais le fait de pouvoir en discuter tous ensemble va nous permettre de rechercher une proposition consensuelle.

Actuellement, à partir du grade de capitaine, l’avancement est automatique. Il paraît nécessaire d’instituer un parcours de formation professionnelle qualifiant, avec une obligation de mobilité et des procédures de validation des acquis professionnels avant tout accès à un niveau de responsabilité supérieur, de manière à mieux structurer les carrières des officiers supérieurs.

Quant au choix du directeur départemental lui-même, l’État est maintenant prêt à reconnaître au président du conseil général le pouvoir de décision, après avis du préfet. Ce n’est plus un point de blocage ; au contraire, cela permettrait de resserrer les liens entre l’État et les présidents de conseils généraux ou présidents de CASDIS.

Ensuite, si l’on se place toujours dans l’énumération des hypothèses, il existe des solutions intermédiaires entre l’étatisation des SDIS et leur intégration aux conseils généraux. On peut ainsi envisager la création d’un corps de sapeurs-pompiers d’État, qui intégrerait la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, le bataillon des marins-pompiers de Marseille et les officiers supérieurs de sapeurs-pompiers, avec un centre de gestion, l’objectif étant que le président d’un CASDIS ait à tout moment la possibilité de demander la remise à disposition du directeur du SDIS auprès de ce centre.

C’est sur de tels mécanismes d’harmonisation que nous devons faire porter la réflexion collective. Souvent, des problèmes dans les départements provoquent des irritations inutiles. Au-delà du débat que vous évoquez, sur lequel il ne m’appartient pas de me prononcer, un grand pas en avant aura été accompli lorsque la définition des compétences aura été clairement écrite et que nous aurons procédé à ces ajustements de détail.

De grands chantiers sont en cours, sur la filière sapeurs-pompiers, suivie par la formation spécialisée n° 3 du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ou sur l’élargissement des compétences du préfet de zone, dont le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale fait la pierre angulaire du dispositif de gestion de crise. La sécurité civile, à travers les sapeurs-pompiers, trouve ainsi toute sa place dans le projet de décret en préparation, qui vise notamment à intégrer la gendarmerie. Le renforcement de l’autorité du président du CASDIS sur le directeur départemental et la reconnaissance du monde des sapeurs-pompiers comme une structure qui, sous l’autorité du préfet de zone, intervient en matière de gestion de crise au même titre que la police, la gendarmerie ou, le cas échéant, les forces armées, constituent deux pistes de réflexion très importantes pour nous.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Monsieur le directeur de la Sécurité civile, quel dommage que vous ne soyez pas ministre ! Je suis tout à fait d’accord avec vos réflexions et suggestions.

Si nous sommes réunis en mission d’évaluation et de contrôle, c’est pour examiner l’évolution inquiétante des dépenses des SDIS et chercher les moyens d’y remédier. À l’origine de ces dépenses, il y a une confusion des genres, une complémentarité mal maîtrisée entre, d’un côté, l’État et son pouvoir régalien et, de l’autre, les communautés territoriales, notamment les départements, chargés d’accorder aux SDIS les crédits attribués dans le cadre du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (le SDACR). Or celui-ci est arrêté par le préfet – certes après avis conforme du CASDIS. Qui paye commande, nous sommes tous d’accord, mais comment y arriver ?

D’aucuns, tel M. Doligé, préconisent l’étatisation, mais, quel que soit le Gouvernement, on n’y arrivera pas. Il convient de privilégier d’une autre approche.

L’un des problèmes qui se posent, c’est la nomination des directeurs départementaux. Lors de précédents débats législatifs, j’avais préconisé – en vain, hélas ! – la création, pour ces postes, d’un emploi fonctionnel. En effet, le système actuel comporte, outre les collectivités territoriales, l’État et les sapeurs-pompiers, une quatrième composante : les colonels, notamment par la voix de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui est leur affaire et joue un rôle parfois ambigu ; si l’on a parlé de la « conseil généralisation » comme d’une maladie honteuse, cela vient d’elle.

Je vous poserai donc, messieurs, deux questions. La première : comment parvenir à une meilleure maîtrise budgétaire ? La seconde : peut-on envisager de donner une responsabilité opérationnelle au président du conseil général, qui a compétence pour prendre les arrêtés de police sur les routes départementales, mais à qui l’on refuse toute capacité opérationnelle en matière de sécurité civile ? C’est désobligeant !

M. Éric Doligé. Entre 1996 et 2006, les dépenses des SDIS ont été multipliées par trois. Durant les cinq dernières années, elles ont continué à augmenter très rapidement. On commence tout juste à mieux les maîtriser.

Des explications ont été avancées, mais elles ne sont pas satisfaisantes. Justifier l’augmentation de 2 000 à 10 000 du nombre de personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) par le fait que les communes ne mettent plus de personnel à disposition des SDIS, c’est un peu facile ! On en revient toujours au poids extrêmement important de la Fédération, qui joue en permanence sur la double tutelle. Un emploi fonctionnel constituerait une amélioration sensible ; malheureusement, dès que l’on est sur le point d’y parvenir, la Fédération formule de nouvelles demandes : il faudrait garantir la voiture, le logement de fonction, les primes et tout le reste. Arrive un moment où l’on ne peut plus suivre !

S’agissant de la responsabilité opérationnelle, les départements ont pris des responsabilités importantes, par exemple en matière sociale ou routière, mais l’État a toujours conservé des services en doublon ou en surveillance. En matière de sécurité civile, ce serait encore plus compliqué. Si nous arrivions à négocier directement avec l’État, sans la présence des sapeurs-pompiers, il devrait être possible de faire en sorte que les présidents de CASDIS ou de conseils généraux assument une partie de la responsabilité opérationnelle. Ils en sont autant capables que les fonctionnaires de l’État – d’autant que, bien souvent, celui-ci envoie un stagiaire de l’ENA de passage, quand nous, les élus, travaillons pour notre part avec les SDIS depuis dix ou vingt ans.

Il ne s’agit pas de revendiquer le pouvoir pour le pouvoir, mais dès lors que nous payons et que la plupart des dérives financières sont liées à une absence de clarification et de responsabilisation, les problèmes ne pourront être résolus que lorsque nous serons les vrais patrons du système.

M. Alain Perret. S’agissant de la nécessité de donner davantage de stabilité aux SDIS, je peux vous indiquer que nous transmettrons très prochainement au Président Doligé des propositions relatives à l’encadrement supérieur allant dans le sens de l’emploi fonctionnel et de la mise en place de nouveaux mécanismes pour le choix des directeurs.

S’agissant des dépenses, il est évident que leur augmentation résulte de la combinaison de plusieurs facteurs. Le premier renvoie à la départementalisation et à son corollaire, l’exigence de mise aux normes. En outre, à titre d’exemple, il existe ainsi dans notre pays quatre-vingt-cinq écoles de formation de sapeurs-pompiers ! Peut-être faudrait-il instaurer des synergies et des systèmes de mutualisation, qui étaient en prémisse dans la loi, mais n’ont jamais trouvé de concrétisation. Ce sera précisément l’une des missions du préfet de zone, notamment par l’intermédiaire de la conférence qu’il pourra proposer de réunir avec les présidents de CASDIS relevant de sa zone, pour évoquer tous ces sujets. Cette action portera à la fois sur l’acquisition de matériel et sur la formation des sapeurs-pompiers, qui coûte très cher : il n’est peut-être pas nécessaire, en termes budgétaires comme d’efficacité opérationnelle, de prendre quatre-vingts heures pour former un volontaire, alors qu’après quarante heures on peut déjà être efficace sur le terrain.

Je suis très attentif aux aspects budgétaires. Nous devons discuter afin de trouver des gisements d’économies. S’agissant de la normalisation des véhicules et engins d’incendie, notamment, certaines directives européennes sont délirantes ; nous devons être attentifs au fait que toute norme engendre des surcoûts. Il n’est plus acceptable de se laisser imposer des décisions prises ailleurs !

Au-delà du SDACR, qui détermine, à partir des bassins de risque, les implantations des centres de secours et dont l’élaboration concerne le préfet et le président du conseil général, on doit donc pouvoir progresser sur tout ce qui concerne la normalisation, la formation et les structures immobilières.

Par ailleurs, je souhaite que le corps préfectoral soit toujours présent lors des conseils d’administration. Il est important que le président du CASDIS et le préfet affichent leur cohérence sur les moyens de la protection générale des populations. Sachez que mon ministre est très attentif à cette question. Au-delà de cette implication du corps préfectoral en la matière, il s’agit simplement d’une marque de respect. Dans ce domaine également, une clarification est nécessaire : chacun doit rester dans son domaine, ce qui n’empêche pas la mise en place de mécanismes de concertation systématique, de coopération et de solidarité.

Déterminer la responsabilité opérationnelle relève en partie d’un problème culturel, lié à la place et au rôle traditionnellement assignés à l’État. Il m’est bien évidemment impossible de me prononcer sur ce point. Toutefois, je note qu’en matière préventive, les SDIS travaillent quasiment à 30 % pour l’État : il conviendrait là aussi de trouver un mécanisme permettant de reconnaître la responsabilité pleine et entière du Président du conseil général en ce domaine.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Cette mission d’évaluation et de contrôle s’inscrit dans l’esprit de la LOLF : il s’agit d’obtenir le même service en dépensant moins.

L’accroissement de la dépense est principalement dû à l’augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers et non à celle du nombre d’interventions, qui, depuis dix ans, est resté à peu près stable, autour de 4 millions par an. De surcroît, les interventions les plus « consommatrices » d’heures de travail, c’est-à-dire la lutte contre les incendies, ont diminué, pour ne plus représenter que 8 % du total. Or, dans le même temps, les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels passaient de 28 000 à 38 000 personnes. Pourquoi ? Parce que le temps de travail a diminué, et que l’on est passé de 140 gardes de vingt-quatre heures par an à 90. Or cette décision n’a pas été prise par les conseils généraux, mais par le Gouvernement, avec un décret du 31 décembre 2001. Bien évidemment, les syndicats de sapeurs-pompiers ont exigé que l’on aille vers ce minimum ! Et malgré ces 278 jours de liberté accordés à des professionnels qui, rappelons-le, relèvent du statut de la fonction publique territoriale, les sapeurs-pompiers n’exercent leur métier que 145 fois par an en moyenne, soit une intervention et demie par jour de garde. Sachant qu’il s’agit essentiellement d’interventions sanitaires d’une heure ou deux, on peut s’interroger sur la qualité du travail effectué dans une profession où l’on travaille aussi peu, et où l’essentiel des heures travaillées consiste à entretenir le matériel, à s’entraîner ou à faire du sport. Il faut quand même savoir que chez les sapeurs-pompiers, la moitié des accidents sont liés à la pratique d’un sport, et non à l’exercice de la profession !

Si l’on veut, comme le souhaite la commission des Finances, réaliser des économies, peut-être faudrait-il revenir sur ce système de gardes de vingt-quatre heures – sachant que, de surcroît, il n’y a pratiquement pas d’interventions entre 23 heures et 7 heures, mais que l’effectif reste le même. N’est-ce pas à l’État d’imposer le temps de travail ? Auparavant, les vingt-quatre heures de garde étaient réparties en huit heures rémunérées à taux plein et seize heures à un taux inférieur. Il faudrait jouer sur le taux d’équivalence, ou interdire les gardes de vingt-quatre heures, mais cela, seul l’État peut le faire. Or, bien évidemment, les sapeurs-pompiers ne veulent pas revenir à des gardes de huit ou douze heures, même payées à 100 %.

Savez-vous pourquoi les casernes coûtent si cher ? Parce qu’on y construit des chambres. Une chambre ne devrait pas être un lieu de travail ! Avec des gardes de huit heures, elles deviendraient inutiles. Des mesures simples pourraient ainsi produire des économies importantes.

De même, seul l’État peut imposer la mutualisation des achats : quand les conseils généraux ont voulu le faire, c’est resté sans effet. J’ai été stupéfait d’entendre, lors d’une précédente audition, un directeur de SDIS justifier les achats personnalisés des conseils généraux par le fait qu’il fallait des véhicules tunneliers près du Mont-Blanc. Il n’y a pas des tunnels partout en France ! On pourrait au moins standardiser les véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), dont le prix varie, d’un département à l’autre, de 55 000 à 95 000 euros. Cela fait beaucoup d’écart !

M. Charles de Courson. Mon collègue Ginesta vient de le rappeler : la hausse du nombre d’interventions est très faible, et ce malgré une dérive qui fait faire appel aux sapeurs-pompiers pour des missions qui ne sont pas les leurs. Dans la Marne, j’ai ainsi fait diminuer de 7 % le nombre des interventions, simplement en supprimant celles concernant les ascenseurs, les abeilles et les chiens, sauf péril. Il conviendrait donc d’abord de recentrer les interventions sur les véritables missions des SDIS.

Concernant le personnel, vous n’avez eu de cesse d’encourager la diminution du temps de travail, sans jamais vous interroger sur sa réalité de celui-ci. J’ai examiné sur une année complète les fiches individuelles des sapeurs-pompiers de Reims, qui est le corps le plus important de la Marne, afin de calculer le nombre d’heures d’interventions. Le résultat est stupéfiant : deux heures dix-sept de travail effectif par garde de vingt-quatre heures pour un homme du rang, environ une heure cinquante pour un sous-officier et une heure dix pour un officier. Certes, il faut y ajouter l’entraînement et l’entretien du matériel et de la caserne, mais tout de même ! Il faut mettre fin à ce système où quand est au lit, cela équivaut à une heure de travail rémunérée à taux plein ! Partout où l’on travaille en continu, on négocie des taux d’équivalence à 0,2 ou 0,3 ; or, sous la pression des syndicats, vous n’avez cessé de prendre des mesures qui ont abouti à l’effondrement de la durée du travail – provoquant, au passage, une rupture d’égalité avec les salariés du privé qui, par leurs impôts, financent les SDIS.

Par ailleurs, vous avez augmenté continûment les prestations sociales, y compris en matière de retraite. Au moment même où avait lieu un grand débat national visant à éviter la dérive des dépenses, vous n’avez cessé d’intégrer dans les assiettes de cotisations sociales des éléments de rémunération qui n’y étaient pas, rompant ainsi également l’égalité au sein de la fonction publique territoriale.

Pour couronner le tout, vous fixez vous-mêmes les réévaluations salariales et vous attribuez sans arrêt des enveloppes indemnitaires supplémentaires. Et l’on s’étonne de l’explosion des dépenses des SDIS ! En réalité, le budget des SDIS, c’est pour 70 % des charges de personnel, directes et indirectes.

Dans la Marne, je n’ai créé quasiment aucun emploi depuis six ou sept ans. Dans sa catégorie, la troisième, mon SDIS est le moins coûteux de France, avec des dépenses inférieures de 20 à 25 % aux autres. Or, jusqu’à preuve du contraire, les gens sont secourus dans la Marne !

C’est le système en soi qui pose problème, avec cette direction de la Sécurité civile qui « pond » ses textes – certes, en association avec la CNSIS, mais celle-ci n’a rien à voir avec ce qui avait été négocié à l’origine avec le ministre de l’Intérieur de l’époque, à savoir une commission réunissant un échantillon d’une dizaine de présidents de CASDIS et les représentants de l’État, afin de discuter des textes hors la présence du personnel. La CNSIS est devenue une sorte de commission administrative paritaire et le système a explosé.

On peut continuer longtemps comme ça ! La variable centrale, c’est le personnel. Il faut revenir à une durée de travail et des équivalences raisonnables, et arrêter de prendre des mesures catégorielles en augmentant sans cesse les indemnités. Il existe huit échelons d’indemnités ; bien entendu, tous les sapeurs-pompiers réclament le huitième. Certains départements ayant fini par accorder 7 ou 7,5, les sapeurs-pompiers de la Marne me réclament l’équivalent. Il s’agit de bombes budgétaires !

M. David Habib, Président. Monsieur de Courson, nous sommes tous d’accord sur le fond, mais ayons l’honnêteté de penser que les politiques – ou du moins certains d’entre eux – ont trouvé leur intérêt à la mise en place de ce système de cogestion entre les plus hauts sommets de l’État et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Lorsque nous avons auditionné les deux présidents de CASDIS, l’un d’entre eux a rappelé que, pendant plusieurs années, le ministre de l’intérieur – devenu aujourd’hui Président de la République – et la Fédération avaient cherché à cogérer les sapeurs-pompiers. N’accablons pas les préfets ! Lors de la précédente réunion, il y avait d’ailleurs eu consensus sur ce point.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Pour confirmer ce que vous venez de dire, monsieur le Président, c’est bien une décision gouvernementale, donc politique, du 31 décembre 2001, qui a fait baisser à 90 par an le nombre de gardes de vingt-quatre heures.

M. David Habib, Président. En effet, cette décision a été prise par un gouvernement composé de personnes qui nous sont chères, à M. Derosier et à moi-même…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. À la veille d’une élection présidentielle !

M. David Habib, Président. …et cela en période de cohabitation, ce qui confirme que les politiques y trouvaient leur compte.

M. Éric Doligé. Nous avons tous une responsabilité dans cette affaire, et la CSNIS n’a pas toujours été à la hauteur de ses missions. La mise en place de la CNSIS nous a permis de ne pas nous retrouver seuls face au Gouvernement, mais les problèmes dureront tant que l’organe de décision ne sera pas clairement identifié. Il est vrai que lorsque nous les interrogeons, les cent deux présidents de SDIS nous affirment que le leur est le mieux géré du pays !

M. Éric Doligé. La situation doit être considérablement améliorée.

Nous savons tous d’où viennent les dérives : les frais de personnel représentent 70 % du budget des SDIS. Certes, les départements prennent désormais en charge les frais afférents aux bâtiments et au suivi opérationnel, mais le coût des personnels a considérablement augmenté, du fait des 35 heures et des 90 jours de garde… Cette dernière mesure, accordée sous la forte pression des syndicats, a réduit le nombre de sorties des sapeurs-pompiers. Ceux-ci, pour pallier leur manque d’entraînement, demandent que des périodes de formation leur soient concédées. C’est le monde à l’envers !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Moins ils travaillent, plus ils ont besoin d’effectifs.

M. Éric Doligé. En effet ! Les pompiers se plaignent du fonctionnement du SAMU, mais le secours à personne représente 64 % de leurs sorties, et ils souhaitent les conserver ! Leurs sorties étant concentrées sur 90 périodes de 24 heures par an, par ailleurs les pompiers de certains centres ne sortent quasiment plus. Ce problème doit être réglé dans les meilleurs délais, mais il ne pourra l’être que lorsque nous saurons à qui appartient la décision et que nous aurons réussi à faire cesser les innombrables pressions qui pèsent aujourd’hui sur les élus.

Cessons de nous en prendre à l’État, car c’est nous, parlementaires, qui avons voté certains textes, parfois dans des conditions douloureuses – et, il faut le dire, sous la pression des sapeurs-pompiers, qui n’hésitent pas à intimider les élus sur le terrain. En effet, avant chaque élection importante, ils montrent leur pouvoir et utilisent leur ascendant psychologique pour exiger du Gouvernement qu’il leur apporte de nouveaux avantages en matière de conditions de travail, dont le coût pour les collectivités est considérable !

Faire cesser de telles dérives exige des efforts considérables. Sur le plan national, les progrès sont peu significatifs. Tous les élus ont tenté de « resserrer la vis » principalement en facturant certaines prestations, mais ce n’est pas suffisant. Les marges de progression sont certes importantes, mais il est indispensable d’appliquer le référentiel commun d’organisation du secours à la personne à toutes les sorties faisant intervenir le SAMU. La situation actuelle ne peut pas durer.

Les responsables de certains SDIS nous ont appris qu’ils ne recevaient pas de compensation financière, en dépit de la mise en place du référentiel et de la signature de conventions. La dérive se poursuit, puisque les agences régionales de l’hospitalisation (les ARH) refusent d’inscrire ces sorties dans les budgets des centres hospitaliers. Cela coûte très cher aux SDIS, mais nos partenaires – les ministères de la Santé et du Budget – bloquent le système, et les SDIS continuent de payer à la place de la sécurité sociale ce qui permet de préserver l’image très positive dont bénéficient les pompiers qui ainsi sont toujours très présents sur le terrain en substitution d’autres acteurs.

M. Alain Perret. Je partage le constat qui vient d’être fait, car les faits et les chiffres sont incontestables.

En matière de temps de travail, la direction de la Sécurité civile considère qu’il s’agit d’un problème qui relève d’une dimension nationale qui dépasse le seul cas particulier du monde sapeur-pompier.

Deux points importants doivent être étudiés, et j’observe que de nombreux présidents de services départementaux et de conseils d’administration y sont prêts. Tout d’abord, la question de l’accroissement du nombre de jours de garde par an se pose avec de plus en plus d’acuité. Je note que plusieurs départements ont commencé à les porter de 89 à 98.

Certains départements ont même mis en place un mécanisme de compensation tendant à améliorer les conditions de logement des sapeurs-pompiers, ceux-ci acceptant en échange d’effectuer dix ou quinze jours de garde supplémentaires. Cette action est intéressante et mérite qu’on la développe.

M. Charles de Courson. Dans le département de la Marne, ils ont accepté trente jours supplémentaires !

M. Alain Perret. Je salue ce remarquable effort ! La mise en place des DSPP – dossiers de synthèse des pratiques professionnelles – a amené les pompiers à effectuer 125 jours de garde par an, auxquels s’ajoutent 25 jours de présence à la caserne. Certes, il subsiste des écarts importants, et en deçà d’un nombre minimum de jours de garde, la machine ne peut pas fonctionner. Les directeurs départementaux et les présidents de conseil d’administration ont conscience de ces écarts et il semble qu’un changement s’opère. Face à une telle dynamique, je ne resterai pas les bras croisés.

S’agissant des régimes indemnitaires, c’est l’article 117 de la loi de 1984 qui a ouvert la voie à un mécanisme qui se révèle difficilement gérable en démultipliant les régimes spécifiques alors même que le mouvement devrait tendre vers une certaine uniformisation. Avec une indemnité d’administration et de technicité (l’IAT) évoluant au gré de huit échelons, on aboutit nécessairement à une pratique incontrôlable. Je suis d’accord avec M. Doligé, nous ne pouvons plus nous laisser entraîner dans cette voie, et je souhaite que l’État et les élus prennent en compte cette question du temps de travail. Certains départements ont commencé à le faire, et ont obtenu des résultats encourageants.

Je prépare actuellement une circulaire destinée à éviter que certains départements se classent d’emblée au niveau 8, alors même que les documents dont nous disposons permettent de mesurer leur activité opérationnelle. Nous devons, ensemble freiner le développement de ce type de situation.

L’article 117, messieurs les députés, soulève donc une question éminemment politique. Néanmoins, en toutes circonstances, notre credo est le dialogue social et la concertation. À tire d’exemple, je me réjouis des relations instaurées avec la Fédération. Je souhaite que les syndicats acceptent, eux aussi, cette main tendue.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Il semble échapper aux observateurs que les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires territoriaux. Pourquoi, dans ce cas, ne pas les traiter comme tels, au même titre que les travailleurs sociaux ou les agents des routes départementales ?

M. David Habib, Président. Votre réflexion est intéressante, car elle n’a été que très rarement rappelée au cours de nos auditions. Pourtant, nombreux sont les responsables de SDIS qui partagent votre étonnement.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. D’autant que les revenus des sapeurs-pompiers sont 30 % supérieurs à ceux des employés municipaux !

M. Charles de Courson. Concrètement, comment parvenir à un temps de travail effectif d’une durée raisonnable ? Le drame de votre fameux décret, c’est qu’il instaure un système de gardes de vingt-quatre heures. Or, la durée de travail maximum d’un sapeur-pompier ne dépasse pas deux heures dix-sept par jour ! Il faut négocier des heures d’équivalence. Dans mon département, nous avons, après négociations, obtenu que le principe d’équivalence se situe à 0,3, mais d’autres ont réussi à obtenir 0,5.

Je pense pour ma part qu’il faut permettre aux sapeurs-pompiers professionnels de signer un contrat de sapeur-pompier volontaire et de cumuler ainsi les temps de garde qu’ils effectuent. Dans mon département, j’ai fait preuve de fermeté à l’égard des sapeurs-pompiers : j’ai refusé d’augmenter leurs effectifs, en proposant à ceux qui veulent travailler de signer des contrats de sapeur-pompier volontaire, qui leur assurent un revenu exonéré d’impôts et de cotisations sociales. La moitié des sapeurs-pompiers professionnels, dont des militants CGT, ont signé ce contrat et parmi les effectifs qui suivent une formation, nombreux sont des sapeurs-pompiers professionnels devenus volontaires. Je vous en prie, messieurs, laissez-leur la possibilité de cumuler ! Si les sapeurs-pompiers veulent gagner plus, qu’ils travaillent plus !

M. Alain Perret. La vacation coûte donc moins cher que de maintenir des pompiers professionnels ?

M. Charles de Courson. Naturellement ! Je vous en prie aidez-nous à faire évoluer les choses dans ce sens ! Si nous voulons augmenter la durée de travail effective des sapeurs-pompiers, pourquoi ne pas modifier le décret ?

La durée quotidienne de deux heures dix-sept correspond à un sapeur-pompier non logé, sur cent jours par an – mais ce chiffre est théorique, car en réalité, la durée opérationnelle de travail est plutôt de quatre-vingt-quinze jours par an, compte tenu des absences et des périodes de formation.

M. Alain Perret. Le constat que nous faisons ensemble me semble très objectif. La situation que vous décrivez est réelle et nous devons la prendre à bras-le-corps. Mme la ministre de l’Intérieur m’a confié une mission en ce sens et je suis déterminé à faire évoluer les choses. Ces questions taboues n’avaient jamais fait l’objet de discussions entre les directeurs de SDIS, la Fédération et les présidents des conseils d’administration. C’est chose faite. Nous sommes convaincus de la nécessité de faire évoluer les choses, car si nous les laissons en l’état, la machine cessera de fonctionner.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. N’oublions pas que nous devrons nous adapter aux règles européennes. Or, le régime de l’équivalence totale risque de faire chuter le nombre des gardes de vingt-quatre heures. L’économie consisterait alors à opter pour un régime de gardes de huit heures, plus favorable en termes d’organisation des locaux.

M. Alain Perret. Je vous rappelle les motifs de la plainte déposée par un sapeur-pompier de Brest devant le tribunal administratif de Rennes ; nous attendons avec impatience le jugement de la Cour administrative d’appel de Nantes. Quoi qu’il en soit, même si le système n’est pas satisfaisant, sa disparition ouvrirait la porte à la plus grande démagogie…

M. Éric Doligé. Les sapeurs-pompiers professionnels ont effectivement la possibilité de signer des contrats de sapeur-pompier volontaire. Ces contrats comportent de nombreux avantages, notamment dans les centres de petite taille, mais certains points doivent être clarifiés. Savez-vous, par exemple, que les sapeurs-pompiers peuvent être volontaires dans trois centres différents ou assurer des heures de formation sur leur temps de travail ? Lorsque ces points seront clarifiés, nous serons dans une meilleure position face aux partenaires sociaux pour augmenter la durée du travail.

La question des gardes de vingt-quatre heures est complexe et elles ne sont pas appliquées dans tous les centres. Dans mon département, par exemple, les responsables du SDIS les jugent intéressantes et il est juste de rappeler que les sapeurs-pompiers les préfèrent aux gardes de huit ou douze heures. Je constate qu’elles permettent à chacun de disposer de sa propre chambre, même si elle n’est occupée que deux nuits par semaine.

M. Charles de Courson. La pénurie d’officiers, particulièrement aiguë dans le Nord et l’Est de notre pays, pose de graves problèmes car de nombreux SDIS, pour les attirer, leur concèdent de nombreux avantages. Comment éviter une telle surenchère, dès lors que la production nationale de jeunes officiers est insuffisante ?

M. Alain Perret. Nous devons tout d’abord favoriser la mobilité, en particulier pour les emplois supérieurs. Cela dit, prenons un officier basé dans le Sud, en première catégorie : pourquoi souhaiterait-il être muté au nord de la Loire ? En tout état de cause, nous n’acceptons plus que des directeurs de SDIS restent dans le même département pendant dix ou quinze ans, comme cela se pratiquait auparavant.

Votre question, monsieur de Courson, doit tenir compte de la montée en puissance de l’ENSOSP – École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Jusqu’à présent, les officiers supérieurs appelés à diriger les SDIS appartenaient à la génération des hommes formés au BMPM – Bataillon de marins-pompiers de Marseille ou à la BSPP – Brigade de sapeurs-pompiers de Paris –. Ces hommes ont participé à la mise en œuvre de la départementalisation. Aujourd’hui, les jeunes diplômés – cinq ans d’études après le baccalauréat – qui se présentent au concours externe de lieutenant de l’ENSOSP occuperont une place essentielle dans la hiérarchie.

Grâce à la refondation de l’école nationale supérieure, nous serons en mesure de développer une gestion prévisionnelle des effectifs qui, tout en laissant à l’État la maîtrise de la formation, nous permettra de mieux répartir les officiers sur l’ensemble du territoire.

M. Éric Doligé. Il me semble, monsieur le préfet, que le référentiel sur lequel s’appuient les SDIS est déjà très élevé. Pourtant, vous nous indiquez qu’ils ne sont contraints par aucune norme.

M. Alain Perret. Les quotas opérationnels fixent les effectifs par catégorie. Le problème que vous évoquez, monsieur le Président, concerne les guides de références qui ne doivent jamais constituer un facteur de blocage. Il faut introduire de la souplesse et de la flexibilité. En effet, pour appréhender une situation, il faut tenir compte de la catégorie du SDIS, donc des éléments objectifs du risque tels qu’ils sont définis par le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques, et préciser ce que serait le modèle idéal pour chaque département. Nous souhaitons confier cette mission au préfet de zone, dans le cadre de ses nouvelles responsabilités, en liaison avec les présidents des CASDIS zonaux. Apportons de la respiration au dispositif et laissons chaque SDIS prendre en compte la réalité du terrain, sous l’autorité partagée des préfets de zone et des présidents des CASDIS.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Pouvez-vous, monsieur le directeur de la Sécurité civile, nous parler de la répartition des missions entre les « rouges » et les « blancs », c’est-à-dire entre les SDIS et les SAMU ? Selon les termes du code général des collectivités territoriales, les SDIS interviennent « lorsque la situation revêt un caractère d’urgence », mais on n’en trouve nulle part la définition. Quelle est la vôtre ?

M. Alain Perret. Le mécanisme de régulation confie à trois autorités le soin d’intervenir : le 15, le 17 ou le 18.

La répartition que vous évoquez s’appuie sur le référentiel que nous avons élaboré avec la direction de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins, qui fera l’objet d’un arrêté ministériel, si notre projet reçoit un avis favorable de la Commission consultative d’évaluation des normes. Comme l’a indiqué M. Doligé, les sapeurs-pompiers ne sont pas payés pour le travail qu’ils accomplissent, car les Agences régionales de l’hospitalisation – futures Agences régionales de soins – ne leur remboursent pas certaines interventions. Cette situation ne peut pas durer, car elle prive les budgets des SDIS de ressources non négligeables.

J’en viens à la notion d’urgence. En matière de secours en montagne, nous avons reçu de nouvelles missions, comme en matière de secours en mer, notamment du fait du désengagement de la marine nationale. Les prestations doivent être clairement identifiées, qu’elles soient payantes ou non.

M. David Habib, Président. Je vous remercie, messieurs, pour la qualité et la franchise de vos réponses, qui ont éclairé nos travaux et permettront à nos trois rapporteurs de faire des propositions susceptibles de résoudre les problèmes relatifs aux dépenses de personnel.

Mes chers collègues, l’audition de Mme la ministre de l’Intérieur ou du secrétaire d’État à l’Intérieur et aux collectivités territoriales me paraît plus que jamais indispensable.

À 11 heures 30 : Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et des soins au ministère de la Santé et des sports, et M. Alexandre Pissas, Président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Gard.

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Nous recevons Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et des soins au ministère de la Santé et des sports, et M. Alexandre Pissas, président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Gard.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nous nous intéressons tout particulièrement à la coordination entre les SAMU, les SMUR et les SDIS. Aujourd’hui, du fait de doublons, l’assurance-maladie finance des ambulances en astreinte dans les hôpitaux, qui sont peu utilisées, tandis que les SDIS remplissent des missions qui ne sont pas toujours les leurs. Nous voulons clarifier cela. La philosophie de la mission qui nous a été confiée est celle qui inspire la LOLF : comment faire pour obtenir un meilleur service en dépensant moins ?

M. Alexandre Pissas, président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Gard. Je suis chirurgien des hôpitaux à Bagnols-sur-Cèze, enseignant à la faculté de médecine de Montpellier et membre de son conseil. J’ai siégé pendant huit ans à la commission médicale d’établissement de l’hôpital où j’exerce. Depuis 1992, je siège à la commission régionale de l’organisation sanitaire et sociale du Languedoc-Roussillon. Depuis 2001, je suis maire d’une commune de 1 900 habitants ; je suis aussi président d’une petite communauté de communes du Gard rhodanien. Je suis conseiller général du canton le plus peuplé du Gard. Le président du conseil général, Damien Alary, m’a confié la présidence de la commission locale d’information des installations nucléaires de Marcoule et celle du SDIS 30. En conséquence, si je suis aujourd’hui « rouge » en tant que président du SDIS 30, je suis aussi « blanc » par ma profession.

Le référentiel commun a été publié au moment où le Président Alary m’a délégué la présidence du SDIS. Lors de sa publication, j’ai été enthousiaste. Mais très vite j’ai un peu déchanté. Voici quelques lignes d’une déclaration que j’ai faite à la Gazette des communes : « le secours à personne dans le Gard relève du désordre organisé. Essayez d’appeler le 15, il est complètement saturé. Heureusement, le référentiel donne la possibilité au SDIS de déclencher les moyens sans plus avoir à attendre que le médecin régulateur donne son autorisation. La reconnaissance du rôle des infirmiers sapeurs-pompiers est également une bonne chose. Le document devrait constituer une base de discussion entre les « blancs » et les « rouges », en faisant une nouvelle part à la coopération. J’espère toutefois qu’il ne s’agit pas d’une manœuvre de l’État pour transférer aux SDIS, aux conseils généraux et aux communes des missions et des dépenses qui incombent à l’assurance-maladie. »

Il ne vous a pas échappé que ce référentiel commun a été discuté entre le 15 et le 18, autrement dit le ministère de la Santé et le ministère de l’Intérieur, tandis que les principaux acteurs du 18, mais aussi ses financeurs, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France, n’étaient pas présents.

La réaction de mes collègues présidents de SDIS des autres départements, qui pour moitié sont les présidents de conseils généraux eux-mêmes, a été la tentation de rendre à l’État la responsabilité des SDIS. Même si c’est aussi l’état d’esprit du président du conseil général du Gard, je ne pense pas que ce soit forcément la bonne solution : je crains que la prise en charge des SDIS par l’État ne préfigure leur démantèlement progressif et n’aboutisse à leur privatisation.

Je crains que, s’il était mal utilisé, ce référentiel commun ne porte les germes d’un acte III masqué de la décentralisation, aboutissant encore plus à faire peser sur les départements et les communes des charges qui relèvent de l’assurance-maladie.

En revanche, monsieur Ginesta, je partage votre point de vue : le dispositif est un capharnaüm sans visibilité et ses différents acteurs ne s’entendent pas. Dans le Gard, j’ai travaillé à y remédier. J’ai rencontré le directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation, l’ARH, mon collègue directeur du SAMU du Gard, le directeur du CHU de Nîmes, et finalement le préfet. Dans la discussion de plus d’une heure et demie que j’ai eue avec le directeur de l’ARH, celui-ci a très vite mis le doigt sur la question cruciale : le 18 remplit des missions qui ne sont pas les siennes. Les sapeurs-pompiers le font volontiers. Il est même possible que certains membres de services de santé et de secours médical (les 3SM) s’y complaisent : je le sais par expérience, certains collègues médecins des SDIS ont peut-être voulu y créer des sortes de petits SAMU. Cependant les chiffres sont têtus. Dans le Gard, nous disposons d’un centre de traitement d’appels unique (CTAU) ; la lisibilité des demandes est donc totale. Le nombre de missions effectuées par les SDIS par carence des SAMU est impressionnant : 53 652 depuis 2005. Ces données sont incontestables. Pour clarifier la situation, mes prédécesseurs ont passé en 2004 avec le CHU de Nîmes une convention qui n’a jamais été suivie d’effet. Jamais les missions n’ont été requalifiées, jamais les carences ambulancières ni les bilans secouristes n’ont été payés. Depuis 1996, les missions des SDIS sont les incendies, les inondations, les accidents graves sur la voie publique et les détresses vitales. Le reste n’est pas de leur ressort. Alors que, depuis 2003, une enveloppe significative a été dégagée en faveur des ambulances privées afin de mettre fin aux carences ambulancières, jamais le moindre euro n’est allé vers les SDIS, qui accomplissent pourtant le travail qui incombe au 15 et aux ambulances privées.

Cela ne doit cependant pas demeurer un obstacle : une fois le problème réglé, il faudra travailler. Avec le directeur du SAMU du Gard, nous nous sommes demandé comment améliorer les relations et la coordination entre les « blancs » et les « rouges ». Nous avons pensé à des gardes communes, à des relations plus fréquentes. C’est dans cette optique que j’ai souhaité travailler pour le SDIS.

M. David Habib, Président. Votre témoignage est précieux, monsieur le Président.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Monsieur le Président, vous défendez avec passion les SDIS et la relation entre les « blancs » et les « rouges ».

Un élément de votre propos m’a interpellé : le directeur de l’ARH vous aurait exposé que les SDIS remplissent des missions qui ne sont pas les leurs. S’ils le font, c’est pour des raisons de carence, notamment des SAMU ; je comprends mal que l’ARH, en charge du SAMU, vienne leur en faire le reproche. Comment sortir de cette situation ambiguë et insatisfaisante d’un service d’intervention médicale qui ne remplit pas ses missions, amenant les SDIS à s’y substituer ?

M. Alexandre Pissas. Peut-être me suis-je mal exprimé. Je n’ai pas voulu dire que le directeur de l’ARH formulait des reproches contre les pompiers. Il a constaté une situation. Des éléments sont assez graves. Dans notre département le SDIS a prêté, il y a quatre ou cinq ans, un hélicoptère au 15. Des créances ont été envoyées. Elles ont été contestées devant le tribunal administratif par le CHU de Nîmes. Le tribunal administratif l’a débouté. Mes prédécesseurs n’ont pas voulu l’assigner en appel.

Il est heureux que le préfet soit resté le responsable de la sécurité civile. Je ne suis pas favorable à ce que la responsabilité en incombe totalement aux présidents de SDIS, donc aux présidents de conseils généraux. Cela créerait une ambiguïté opérationnelle. Si nous demandons aux pompiers de cesser de remplir les missions qui sortent de leur champ de compétences, quelles seront les conséquences ? De toute façon, du fait de leur proximité avec la population, les pompiers ne sont pas prêts à cet abandon.

L’actuel directeur du CHU de Nîmes, lorsqu’il était directeur du centre hospitalier de Cannes, avait passé une convention avec le président du SDIS, M. Christian Estrosi. Cette convention traitait des questions financières. Cela ne s’est pas fait dans le Gard ; il m’a exposé que ce département était pauvre par rapport aux Alpes-Maritimes. Dans ces conditions, il ne sera pas possible de se diriger vers une coopération sereine, que j’appelle pourtant de mes vœux. Ayant pendant des décennies soigné des patients dans un centre hospitalier général de taille moyenne, je connais l’importance du maillage opérationnel pour les urgences.

Comment pouvons-nous obliger nos amis du 15 à requalifier les actes opérationnels ? Pour moi, la règle de partage est claire : la non hospitalisation du patient amené aux urgences, seul critère intangible qui coupe court à toute confusion : si la personne est hospitalisée, c’est qu’il y avait détresse ; les « rouges » sont donc dans le cadre de leur mission. Si tel n’est le cas, il faut opérer une requalification.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Madame la directrice, aujourd’hui, les doublons entre SAMU, ambulanciers et SDIS créent un excès de dépenses pour nos concitoyens. Comment l’éviter ?

Mme Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et des soins au ministère de la Santé et des sports. Nous partageons votre préoccupation du bon emploi des deniers publics. La question est complexe. Nous vivons avec un passif ancien. Vous-même, dans votre dernier rapport spécial au nom de la commission des Finances, avez souligné que le référentiel commun élaboré le 25 juin 2008 par le comité quadripartite composé de la direction de la Sécurité civile, de la direction de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins, des sapeurs-pompiers et des urgentistes refondait les pratiques du secours à personne. L’objectif est bien d’éviter les doublons. Nous avons souhaité clarifier les missions respectives de deux services publics. Les SDIS contribuent au secours à personne, ils n’en sont pas les seuls responsables. Ils n’ont pas non plus le monopole des urgences pré-hospitalières : il faut revenir sur le rôle des ambulanciers.

Quelles sont les avancées du nouveau référentiel ? D’abord, il rappelle la primauté de la régulation médicale exercée par les SAMU, issue de la loi sur l’aide médicale urgente. Ensuite, il améliore les interconnexions des systèmes d’information entre le 18 et le 15. Cela ne justifie pas nécessairement des investissements et des plates-formes communes physiques, d’autres moyens techniques permettant la même efficacité au service des personnes prises en charge. Enfin, il fiabilise et encadre les missions secouristes et les interventions des infirmiers sapeurs-pompiers volontaires, dont le nombre s’est fortement accru ces dernières années : sans mettre à mal la possibilité pour ces personnels hospitaliers professionnels de rejoindre les sapeurs-pompiers volontaires, la primauté de leur fonction hospitalière doit être reconnue, et un cadre clair fixé à leur volontariat.

Le rôle des transporteurs sanitaires privés, dans l’aide médicale urgente, ne doit pas être nié. C’est la raison pour laquelle, en complément du référentiel élaboré pour les relations entre les SAMU et les SDIS, nous travaillons à un référentiel entre les SAMU et les transporteurs sanitaires ambulanciers. Nous voulons réussir à finaliser les conventions tripartites. Je sais que les relations n’ont jamais été simples dans le département du Gard. Cependant, de telles conventions ont été conclues dans 75 départements. Une fois les référentiels posés, une bonne articulation du rôle des SAMU, des SDIS et des ambulanciers devra être organisée, sous l’égide des SAMU et sous le contrôle des préfets.

Le référentiel a permis d’identifier ce qu’on appelle les « départs réflexes ». Les départs réflexes font partie des missions confiées aux SDIS par la loi. En revanche, dès lors qu’il n’existe pas d’autre possibilité que de les faire intervenir pour des missions qui ne sont plus les leurs, il doit y avoir rétribution à partir des budgets hospitaliers. Le cadre est alors celui de l’aide médicale urgente. Le texte est très clair : l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que les interventions effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsqu’elle constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, est à la charge de l’hôpital. Nous voulons limiter les cas de carences ambulancières. Elles conduisent à faire appel aux SDIS pour des missions qui ne sont pas forcément les leurs. Elles ne sont pas non plus sans conséquences sur l’augmentation considérable des budgets des SDIS – qui n’est pas en proportion de celle du nombre de sorties – et sur leur mobilisation très forte pour les secours à personne. Nous avons pour objectif d’éviter ces indisponibilités. Notre intérêt est ainsi d’entretenir de très bonnes relations avec les ambulanciers, de façon à ce qu’ils s’organisent et mettent à niveau leurs véhicules pour la prise en charge des urgences pré-hospitalières.

Il a été dit que les hôpitaux ne paieraient pas nécessairement leurs factures. En réalité, pour le paiement des carences ambulancières, un total de 105,8 millions d’euros ont été notifiés aux ARH, puis aux établissements de 2003 à 2008 : 16,6 millions d’euros en 2003, 19 en 2004, 18,7 en 2005, 20,5 en 2006, 14,2 en 2007 et 16,5 en 2008. En règle générale, tout s’est bien passé. Dans quelques départements ou régions, des contentieux portent en général sur la définition de la carence ambulancière. Le référentiel permet désormais de bannir ce terme : si le cadre est celui du départ réflexe et des missions propres du SDIS, la sortie est à sa charge du SDIS ; lorsque le SDIS n’est pas dans ses missions, il doit être rétribué.

Mais qui va rétribuer in fine : l’hôpital ou l’enveloppe ville ? Lorsque les SDIS interviennent dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires, il ne s’agit plus d’aide médicale urgente. Avec mon collègue directeur de la Sécurité civile, j’ai proposé une rencontre avec les financeurs – ADF et assurance maladie – pour tenter de régler ces questions. Mais elles ne sont pas les plus nombreuses : pour moi, le référentiel permet d’apurer le passif et de faire disparaître les ambiguïtés quant aux obligations de paiement.

Tandis que le transport et l’astreinte de nuit mettent la prestation d’une garde ambulancière à 300 euros environ, nous payons le déplacement d’un SDIS au tarif de 105 euros, tout simplement parce que cela correspond au coût marginal. Nous n’avons pas à rémunérer l’astreinte des SDIS : fonctionner 24 heures sur 24 fait partie de leur mission. Ce sont la mobilisation du véhicule et les indemnités que nous rétribuons. En revanche lorsque nous payons l’astreinte aux ambulanciers privés, nous finançons un dispositif de garde ambulancière sur un territoire ; nous payons à la fois l’immobilisation du véhicule, son armement, et des salariés privés, y compris les majorations prévues par le droit du travail, sachant que les ambulanciers perçoivent aussi le coût du transport fixé par voie conventionnelle, avec un abattement substantiel de 60 %. Ce dispositif est-il le bon ? Ce n’est pas sûr. Nous travaillons à un modèle économique de financement des transporteurs privés.

En tout cas, au ministère de la Santé, nous avons essayé de clarifier les missions, d’éviter que les SDIS ne soient sollicités dans des champs qui ne sont pas les leurs, de faire en sorte que dans ces cas, ils soient rétribués, et que le dispositif ambulancier puisse répondre à ce pour quoi il est fait, c’est-à-dire ce qui n’est pas un départ réflexe.

M. Charles de Courson. Entre les missions qui relèvent du SDIS, du SAMU et de l’urgence médicale, la limite n’est pas si claire. Lorsque des pompiers interviennent à domicile, y a-t-il toujours urgence ? Dans les discussions entre le ministère chargé de la santé et les collectivités locales, l’écart d’appréciation a pu aller de 1 à 5.

J’ai toujours combattu la théorie du coût marginal. Si on l’appliquait aux hôpitaux, on ne parviendrait plus à les financer : les frais fixes représentent jusqu’à 80 % de leur coût ! Je ne comprends pas l’origine de cette théorie, qui a en pratique abouti à diviser par trois la facture que peuvent présenter les SDIS. Ces activités ne sont pas marginales du tout, par rapport à ce que nous estimons devoir être leur activité. Ils ne les exercent que parce qu’ils sont le dernier service public à fonctionner 24 heures sur 24. Obtenir une ambulance privée un dimanche soir est plus que difficile, sans compter le temps d’intervention : le maillage du territoire par les pompiers étant sans comparaison avec celui des ambulanciers privés, ils interviennent bien plus vite.

Une autre difficulté tient aux « allers-retours » : une personne appelle le 18, qui renvoie au 15 ; faute d’avoir trouvé une ambulance, après une demi-heure de recherche, le 15 se retourne vers le 18. Et, localement, la population en conclut : « mais que font les pompiers ? » En tant que président de conseil d’administration de SDIS, je dois expliquer ce qui s’est passé.

Mme Annie Podeur. Les interventions des SDIS à domicile ne relèvent pas toutes de leurs missions, mais elles ne relèvent pas forcément non plus de l’aide médicale urgente. D’un commun accord, le ministère de la Santé et la direction de la Sécurité civile ont considéré qu’un très grand nombre d’interventions relevaient d’une zone grise. En font notamment partie les sorties destinées au relevage de personnes âgées qui ont fait une chute. Le cadre est alors celui d’une prestation médico-sociale pour laquelle il est fait appel aux pompiers car il n’y a pas d’autre présence. Les opérateurs de téléalarme ne sont en général pas sur place. Cela renvoie à la prestation à domicile. La population vieillit et les chutes sont fréquentes chez celles qui, bien que demeurées chez elles, sont de moins en moins autonomes. Les SDIS sont ainsi beaucoup sollicités, mais ces interventions ne relèvent ni de l’aide médicale urgente, ni de leur mission. Qui doit s’en charger ? Qui doit payer les prestations ? Il ne s’agit pas de soins et cela ne relève donc pas de l’assurance maladie.

M. Charles de Courson. Une personne âgée peut se casser le col du fémur…

Mme Annie Podeur. L’aide médicale urgente intervient normalement sur des cas avérés de prise en charge en soins. La suspicion qu’un soin pourrait être nécessaire ne suffit pas. La régulation médicale doit pouvoir évaluer qu’il s’agit bien d’aide médicale urgente. C’est la raison pour laquelle, sur les plates-formes de régulation, sont présents à la fois des représentants des médecins urgentistes – les régulateurs 24 heures sur 24 –, et, au moins lors des permanences des soins ambulatoires, des régulateurs médecins généralistes pour ce qui ne relève pas de l’aide médicale urgente.

Ces situations ne relèvent du champ d’intervention ni des SDIS, ni de l’aide médicale urgente, mais du médico-social.

M. Charles de Courson. Qui doit payer dans de tels cas ?

Mme Annie Podeur. La loi de décentralisation a confié des responsabilités aux départements pour la prise en charge des personnes âgées, et à l’assurance-maladie pour le soin, avec un financement par l’enveloppe médico-sociale. Mais ces cas ne relèvent ni du champ hospitalier ni de l’aide médicale urgente.

S’agissant du coût marginal, la loi impose aux SDIS des missions de disponibilité permanente auprès de la population. L’organisation des différents centres répond donc à une capacité d’intervention 24 heures sur 24 pour un feu ou un secours à personne. Les hôpitaux aussi sont astreints à cette disponibilité. Cette obligation de permanence des soins hospitaliers leur impose parfois des surcoûts par rapport à des cliniques privées.

La loi confiant ces missions aux SDIS, leur financement est censé les couvrir. Lorsqu’il est fait appel à eux en dehors de ces missions propres, ils doivent être rétribués. Mais au coût complet, alors que les moyens sont là, prêts à être mobilisés, ou au coût marginal ? Lorsque la décision a été prise, un arbitrage a nécessairement été rendu. L’analyse au coût marginal se défend puisque l’on dépense de l’essence, du temps de pompier volontaire, de l’amortissement du véhicule. À ma connaissance, tous ces éléments ont bien été pris en compte lorsque l’arrêté a fixé le montant de la prestation à 105 euros. Dès lors que des obligations légales de permanence existent, le coût complet n’est pas si facile à défendre.

M. Charles de Courson. Lorsque les SDIS interviennent pour des manifestations diverses, à la demande de théâtres par exemple, ils ne facturent pas au coût marginal. Les coûts d’intervention sont élevés.

Mme Annie Podeur. Le dossier est ouvert. Il est possible d’en discuter, mais c’est l’option du coût marginal qui avait été prise. C’est la raison de l’écart entre les 300 euros pour les ambulanciers et les 105 euros pour les SDIS.

Dans les zones rurales, les SDIS, c’est-à-dire les sapeurs-pompiers, sont très bien identifiés et la population fait facilement appel à eux. Les transporteurs sanitaires affirmant qu’ils interviennent parfois beaucoup plus rapidement que les pompiers, je n’avancerai pas d’hypothèse sur le temps d’intervention respectif des SDIS et des ambulanciers privés : nous ne disposons pas d’éléments de traçabilité. C’est un des objectifs du référentiel, via une mise à niveau des systèmes d’information auprès des SAMU.

Mais vous avez raison, il faut rationaliser l’intervention des SDIS. Il n’est pas possible qu’un centre dénie leur compétence avant de leur demander de nouveau d’intervenir. C’est la raison pour laquelle, à travers le référentiel, nous souhaitons que les ambulanciers puissent s’engager à être disponibles 24 heures sur 24 dans un département. Nous leur avons très clairement exposé que si tel n’était pas le cas, la mission serait confiée aux sapeurs-pompiers et qu’ils ne pourraient pas le déplorer ensuite. Nous avons des exigences de qualité.

S’agissant des coûts des SDIS, le développement des services de santé et de secours s’est effectué sans planification et sans recherche de cohérence entre les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) et les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR). L’une des avancées du référentiel est aussi de prévoir une coordination entre les deux schémas.

Je ne peux pas imaginer que de jeunes infirmiers puissent faire prévaloir leur mission de sapeur-pompier volontaire aux dépens de leurs obligations professionnelles. Il ne saurait y avoir effet d’éviction et nous souhaitons qu’une convention-cadre nationale fixe les conditions d’emploi de ces infirmiers sapeurs-pompiers volontaires au regard de leur employeur principal hospitalier. Les dispositifs à mobiliser en cas de crise doivent être prévus avec clarté. Tout double compte doit être évité. Que la même personne puisse être comptée à la fois comme sapeur-pompier volontaire et comme infirmier à l’hôpital est impensable : en cas de crise, elle sera à l’hôpital. Nous devons être très vigilants sur l’articulation des dispositifs. Le travail effectué l’an passé a été long et difficile, mais extrêmement fructueux.

M. Alexandre Pissas. Même si je me réjouis de la volonté de madame la directrice de mettre fin au concept de carence ambulancière, je ne partage pas son analyse sur tous les points. Les conventions tripartites existant dans un grand nombre de départements ne sont pas mises en œuvre parce que c’est systématiquement le 15 qui décide de requalifier ou non. Cette question doit être réglée.

Je n’ai aucune hostilité à l’encontre des ambulances privées. Mais chacun sait que la nuit, les week-ends et les jours fériés, c’est le 18 qu’on appelle.

À la question de la véritable définition de l’urgence, une réponse a été amorcée il y a quelques années : l’urgence, c’est l’urgence ressentie. C’est pour cela que nos services d’urgence sont bondés, quoi qu’on fasse en termes de médecine de ville.

J’ai bien compris que l’astreinte des SDIS en elle-même ne doit pas être prise en considération : les pompiers sont en permanence prêts à partir. En revanche, dès lors que l’on mobilise, par exemple, trois pompiers et un véhicule radio médicalisé, le tarif de 105 euros est une misère.

Les parlementaires évoquent la dérive des financements des SDIS en mettant en regard une hausse de 8 % des interventions et de 48 % des dépenses. Mais il faut aussi tenir compte du retard immense des SDIS au moment de la départementalisation. En Allemagne, en Grande-Bretagne, en Autriche, les missions des pompiers sont beaucoup plus restreintes et les dérives financières bien plus importantes. N’oublions pas enfin l’érosion monétaire intervenue depuis 1996.

J’ai été président du centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales de mon établissement. Des charges sont sans cesse ajoutées pour la qualité des soins et du secours à personne. Ce sont des contraintes de plus en plus difficiles à assumer.

Pour moi, tout ce que l’on peut honnêtement déplorer dans ce référentiel, c’est que les deux ministères dont dépendent le 15 et le 18 n’aient pas associé les financeurs que sont les départements et les communes : les collectivités locales demeureront réticentes tant que l’ADF et l’AMF ne seront pas associées étroitement à la discussion.

M. David Habib, Président. Merci. Sur les comparaisons internationales, la mission disposera des réponses à des questionnaires adressés à plusieurs parlements étrangers. Par ailleurs, au terme de nos travaux sur ce thème, il est clair que nous devrons entendre madame la ministre de l’Intérieur ou monsieur le secrétaire d’État chargé des collectivités territoriales.

Auditions du 7 mai 2009

À 9 heures 30 : M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile, M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales du ministère de l’Intérieur, et M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des Finances publiques au ministère du Budget

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue pour cette troisième matinée d’auditions de la mission d’évaluation et de contrôle sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours.

Nous recevons aujourd’hui M. le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile – que je remercie d’avoir accepté de se joindre à nous une deuxième fois –, M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales, et M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des Finances publiques, afin d’étudier plus précisément le financement des SDIS.

Menés dans un esprit consensuel, nos travaux sont animés par trois rapporteurs : MM. Georges Ginesta et Bernard Derosier, qui représentent, l’un, la commission des Finances, l’autre, la commission des Lois, et M. Thierry Mariani, également de la commission des lois, qui, en mission à l’étranger, vous prie d’excuser son absence.

Afin que nos échanges soient les plus directs possibles, je propose à M. Ginesta de vous poser immédiatement une première série de questions.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La commission des Finances a souhaité créer une mission d’évaluation et de contrôle en raison de la forte croissance des budgets des SDIS ces dernières années.

Entre 1996 et 2007, leurs dépenses ont augmenté de 245 %, et de 45 % depuis l’achèvement de la départementalisation des SDIS en 2001. Aujourd’hui, le budget de la sécurité civile s’élève à 5,5 milliards d’euros : 1 milliard à la charge de l’État et 4,5 milliards à la charge des collectivités territoriales. Bien que le maire reste le prescripteur de la sécurité, les conseils généraux ont pris une place importante dans ce dispositif, notamment en matière de financement. Chaque Français dépense en moyenne 80 euros pour les SDIS – c’est-à-dire qu’une famille de quatre enfants peut, sans le savoir, verser pour eux une somme supérieure au montant de sa taxe d’habitation !

Comment remédier à cette absence de pilotage et responsabiliser les SDIS en matière budgétaire ? Faut-il modifier le système de financement ?

M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile. Les chiffres avancés par M. le rapporteur expriment une réalité incontestable. Cependant, ils traduisent aussi la remise à niveau des SDIS, dopée par la départementalisation, qui s’est traduite par une modernisation des équipements matériels et immobiliers.

Ce n’est pas la seule explication : 87 % du budget des SDIS sont affectés à la rémunération ou au régime indemnitaire des personnels. En raison de l’augmentation des interventions, il a fallu renforcer les effectifs et recruter un nombre important de sapeurs-pompiers professionnels.

Ces phénomènes cumulés ont abouti à la situation financière décrite par M. le rapporteur. Toutefois, l’examen des comptes de gestion pour 2007 fait apparaître une augmentation moyenne des dépenses des SDIS de 4,7 %, inflation comprise. Par rapport aux années précédentes, la tendance est donc à la baisse ; il reste à vérifier qu’elle s’est confirmée en 2008.

Parallèlement, à l’initiation de la Cour des comptes, nous avons mis en place à l’échelle nationale un contrôle de gestion particulièrement rigoureux, comprenant vingt indicateurs, qui nous permettent d’observer avec précision les évolutions budgétaires, ainsi que les variations d’un SDIS à l’autre.

Ce souci de rationalisation, l’État l’affirme non seulement par un discours pédagogique visant à une meilleure maîtrise des dépenses publiques, mais aussi par la mise en place de modèles d’organisation adaptés. En effet, après une période de croissance très rapide, il appartient aux acteurs concernés de veiller à ce que l’organisation des SDIS soit désormais la plus efficace possible. Les nouveaux indicateurs devraient nous y aider. Il n’est pas question de modifier la géographie des implantations, fixée par les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) ; toutefois, dans le cadre du renforcement des compétences des préfets de zone, nous souhaitons la création d’un SDACR zonal, qui permettrait d’évaluer les risques locaux avec une plus grande exactitude.

La plaquette financière que nous avons réalisée en collaboration avec la direction générale des Finances publiques et avec le concours technique de la direction générale des Collectivités locales a été bien reçue. Tout le monde s’accordant sur le constat et les principes, nous pouvons réagir avec efficacité.

Je puis vous assurer que j’y contribue à titre personnel. Par exemple, j’ai fait en sorte que tous les SDIS puissent bénéficier d’une comptabilité analytique. Il arrive que certaines charges de fonctionnement – comme l’électricité – relèvent d’autres lignes budgétaires. Or, l’autonomisation du fonctionnement des SDIS passe par un contrôle interne, qui ne peut relever que de l’autorité des présidents de conseils d’administration des SDIS (CASDIS).

Bien évidemment, l’État ne peut se résoudre à accepter la dérive des dépenses. Il mettra tout en œuvre pour qu’elles soient aussi maîtrisées que possible, notamment à travers plusieurs axes. En premier lieu, la normalisation. Globalement, sur la France entière, les dépenses d’équipement s’élèvent à 1,2 milliard d’euros. Nous avons déjà entrepris une action lourde pour réviser les normes techniques. Le travail doit se poursuivre en intégrant l’exigence de mutualisation. Y rechercher désormais le prêt-à-porter plutôt que la haute couture. En second lieu, la formation. Elle doit être adaptée à travers une relecture commune des guides nationaux de référence dont la densité engendre un effet d’impact budgétaire disproportionné avec les exigences opérationnelles. Sans jamais remettre en cause ce principe, auquel je suis particulièrement attaché, nous devons néanmoins remettre à plat le dispositif existant. Il en est de même pour les écoles départementales de sapeurs-pompiers pour lesquelles en plein concertation nous devons œuvrer pour éviter doublons et redondances et développer les synergies nécessaires.

Enfin, il ne s’agit pas de jouer les « Père Fouettard ». Cependant, si nous sommes conscients des difficultés rencontrées sur le terrain, nous devons aussi fixer des limites. Certes, il fallait remettre les budgets à niveau, mais, maintenant, les SDIS doivent tout mettre en œuvre pour trouver des formules d’organisation, d’acquisition des équipements et de fonctionnement, permettant de maîtriser les coûts. L’État pourra leur apporter son concours.

La maîtrise de la dépense a toujours été un impératif pour les élus, même en période de forte augmentation : je rappelle que les dépenses d’investissement ont progressé de 16 % entre 2005 et 2006 et de 22 % entre 2006 et 2007. Il ne s’agit donc pas de « verrouiller » le budget des SDIS, au risque de fragiliser l’efficacité de la réponse opérationnelle mais de prendre quelques mesures simples.

Je précise enfin que le ratio de 80 euros par habitant recouvre des écarts significatifs : de 55 euros dans le Haut-Rhin ou la Moselle à 218 euros en Haute-Corse.

J’ai la conviction qu’avec de la volonté et surtout les nouvelles méthodes de travail et de dialogue permanent avec les élus, nous arriverons à maîtriser la situation. Sur de tels sujets, il convient d’amener les représentants du personnel vers une prise de conscience et une démarche maîtrisée : le discours de vérité s’impose. Pour ce qui nous concerne, lorsque nous recevons les syndicats ou la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, nous abordons systématiquement, avec clarté et engagement, la question de la maîtrise des dépenses.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce qui nous inquiète, ce n’est pas la dépense inscrite au budget de l’État, qui est maîtrisée, mais l’augmentation des dépenses des SDIS, ainsi que la progression du nombre de sapeurs-pompiers professionnels, dont les effectifs sont passés en dix ans de 28 000 à 38 000.

En 2004, le salaire moyen annuel des personnels des SDIS s’élevait, selon une étude de l’INSEE de novembre 2006, à 25 000 euros, soit autant que dans la fonction publique d’État, alors que les sapeurs-pompiers relèvent de la fonction publique territoriale. Les fonctionnaires de catégorie A représentent 52 % des effectifs des SDIS, alors que, dans la fonction publique d’État, leur proportion est d’à peine 14 %.

À l’origine, les carrières de sapeurs-pompiers avaient été fixées sur le modèle de la filière technique de la fonction publique territoriale. Depuis, beaucoup d’avantages ont été engrangés, provoquant une inflation des salaires. Ainsi, les sapeurs-pompiers peuvent atteindre le grade d’adjudant de manière linéaire, alors que, dans la filière technique, il faut passer au moins un examen professionnel pour parcourir tous les grades de la catégorie C.

En ce qui concerne les officiers, le double niveau de recrutement a été abandonné et les carrières ont été accélérées. Depuis 1997, le nombre de colonels et de lieutenants-colonels a plus que doublé, et le rapport entre les lieutenants et les capitaines s’est inversé : alors que l’on comptait 2 000 lieutenants pour 600 capitaines en 1997, il y a aujourd’hui 1 600 capitaines pour 900 lieutenants !

L’évolution des carrières n’est donc maîtrisée ni par les communautés d’agglomération, ni par les communes, ni par les conseils généraux. Le système n’a pas de pilote, et les sapeurs-pompiers professionnels profitent largement de la multiplicité des tutelles.

Faut-il les intégrer aux conseils généraux, qui subventionnent très largement les SDIS ?

M. Alain Perret. Le pilotage de la carrière des officiers est un de nos principaux problèmes. Nous l’avons repris en main et une refonte de l’encadrement supérieur a été engagée.

Aujourd’hui, quiconque accède au grade de commandant est certain d’être colonel, ce qui revient à nier nos exigences en matière de parcours qualifiant et de mobilité géographique et technique. Des discussions sont en cours pour définir ce que doit être la carrière d’un officier, préciser le niveau de formation initiale nécessaire et renforcer les exigences en matière de formation continue. Les difficultés que vous soulevez, monsieur Ginesta, trouveront certainement des solutions dans le texte qui sera prochainement soumis à l’Assemblée des départements de France (ADF) et discuté au sein de la section des présidents de conseils d’administration de SDIS.

Je le répète, nous ne sommes pas favorables à une fuite en avant, mais à la structuration des carrières. Nous souhaitons que toute promotion corresponde à une qualification acquise par le sapeur-pompier.

M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité avait prévu la suppression à compter du 1er janvier 2006 des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale au financement des SDIS.

Cette mesure s’est avérée extrêmement difficile à appliquer, compte tenu de la très grande disparité des contributions communales, tant d’un département à l’autre qu’entre communes et EPCI – ce qui était bien souvent le fruit de l’histoire.

Le délai prévu par le législateur était destiné à résorber progressivement ces inégalités. Or, en matière de finances, toute modification d’un équilibre est compliquée à mettre en œuvre. Faute de progrès en ce domaine, le Gouvernement a diligenté en 2007 une mission d’inspection, qui a débouché sur la suspension de cette mesure dans la loi de finances rectificative pour 2008.

La suppression des contributions des communes et des EPCI au financement des SDIS devait être compensée par un prélèvement sur leur dotation globale de fonctionnement. Or le montant de DGF perçu par plus de 4 000 communes et 300 EPCI s’est révélé insuffisant. Il aurait fallu instaurer un prélèvement sur ressources fiscales, avec une évolution dans le temps différente de celle de la fiscalité, provoquant de ce fait une inégalité de traitement entre les communes. Certes, on s’est trouvé dans une situation similaire à l’occasion de la suppression des contingents communaux d’aide sociale, mais cela concernait un moins grand nombre de communes.

Par ailleurs, la mission d’inspection a montré qu’une coupure complète entre les communes et les SDIS serait artificielle, les équipements étant implantés dans le cadre communal. En outre, une certaine inquiétude s’est développée dans les SDIS à la perspective d’un désengagement total des communes, dans la mesure où ils entretiennent avec elles des relations quotidiennes.

Voilà pourquoi il a été jugé préférable de renoncer à une départementalisation totale des SDIS, décision qui a été avalisée par le Parlement.

Toutefois, des problèmes subsistent.

En premier lieu, la forte augmentation de la dépense des SDIS est une source de difficultés pour les départements, qui réclament l’indexation de la contribution communale sur l’évolution de la dépense, alors que les communes sont attachées au maintien du plafond actuel. C’est un point délicat. À notre avis, si l’on souhaite privilégier une véritable maîtrise des dépenses, il faut un patron financier, et les départements sont les plus habilités à remplir ce rôle. La dilution de la charge de l’augmentation de la dépense entre les partenaires serait l’occasion de jouer les uns contre les autres, et ne ferait qu’accroître leur irresponsabilité financière.

Ensuite, il faudrait mettre en place des outils de gestion beaucoup plus performants et développer le benchmarking : en effet, les régimes indemnitaires, les matériels et les dépenses de fonctionnement varient beaucoup d’un endroit à l’autre, chaque conseil d’administration de SDIS se trouvant quelque peu isolé face aux demandes internes. Un système d’expertise ou de validation des matériels et des techniques devrait être instauré, peut-être sous la forme d’une commission permanente d’analyse des coûts.

Manifestement, il manque non seulement des outils d’information, mais aussi des instances de discussion. Il faut en tout cas que le système se régule car, tant pour les communes que pour les départements, l’étau budgétaire se resserre.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Personne ne peut douter de votre bonne volonté, messieurs. En particulier, monsieur le directeur de la Sécurité civile, j’ai apprécié lors de votre précédente audition votre volonté de clarification et de simplification. Soit dit en passant, nos chiffres divergent : selon nos données, la part des frais de personnel dans la dépense des SDIS s’élève à 64 %, et non 87 % comme vous l’avez affirmé. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point.

Étant membre de la commission des Lois, j’aborderai le problème davantage du point de vue organisationnel que financier, mais les deux se rejoignent.

Chacun s’accorde à reconnaître que le système actuel, hybride, ne satisfait personne – sauf peut-être l’État, qui ne participe que marginalement au financement des SDIS, alors que la sécurité civile relève de ses pouvoirs régaliens. Pourtant, l’État fixe les normes – qui concernent jusqu’au diamètre des tuyaux ! –, ainsi que le temps de travail des personnels.

Or, la direction de la Sécurité civile n’a jamais su résister au lobby des colonels et aux manifestations des sapeurs-pompiers. En conséquence, les SDIS doivent faire face à des contraintes organisationnelles croissantes, en raison notamment du faible nombre de gardes annuelles assurées par leur personnel.

La direction de la Sécurité civile et la direction générale des Collectivités locales seraient-elles prêtes à fixer, en application des directives européennes, une norme organisant le service suivant le système des trois-huit ? Si chaque département continue à organiser le temps de travail dans son SDIS, le problème risque de perdurer. Que l’État joue donc son rôle !

Monsieur le directeur général des Collectivités locales, vous nous avez expliqué les raisons de l’abandon sine die de la disposition de la loi de 2002 prévoyant la suppression de la contribution des communes et des EPCI au financement des SDIS. Mais comment fera-t-on si la participation des communes reste bloquée au niveau de l’inflation, sachant que, selon une étude réalisée pour l’ADF par le cabinet François Lamotte, il faut s’attendre à une augmentation de la dépense de 4 à 5 % par an au-dessus de l’inflation ? Et que se passera-t-il si l’on entre dans une période de déflation ? Le Gouvernement doit apporter une réponse à cette question : il serait trop facile d’accuser les collectivités territoriales d’augmenter leurs sources de financement par l’impôt alors qu’elles doivent faire face à des contraintes qui leur sont imposées par l’État !

Par ailleurs, pourquoi la direction de la Sécurité civile gère-t-elle les sapeurs-pompiers, alors que tous les autres fonctionnaires territoriaux relèvent de la direction générale des Collectivités locales ?

Enfin, monsieur le directeur de la Sécurité civile, pouvez-vous nous préciser en quoi consisterait le concours de l’État à la gestion des SDIS ?

M. Alain Perret. Le temps de travail des sapeurs-pompiers est un sujet tabou. Actuellement, la moyenne nationale est de 89 gardes de vingt-quatre heures par an.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Normalement, cette moyenne devrait se situer entre 90 et 100 gardes par an !

M. Alain Perret. Certes, mais il a fallu prendre en compte certains « droits acquis ».

Ce problème ne peut être traité que dans le cadre général du statut de la fonction publique territoriale : je ne me risquerai pas à en faire un sujet de discussion autonome. Il faut y adjoindre les questions des catégories d’appartenance, des modalités de passage d’un grade à un autre, de la part respective des concours internes et des concours externes dans le recrutement, autant de sujets sur lesquels je perçois une attente de la part des syndicats. En d’autres termes, il convient de s’accorder sur un ensemble cohérent de mesures, sans isoler un point par rapport à un autre.

C’est dans cette optique que je rencontrerai les syndicats le 19 mai prochain, au cours d’une réunion dont l’ordre du jour portera pour l’essentiel sur la réforme de la filière sapeur-pompier à travers les orientations contenues dans le rapport « formation spécialisée n° 3 » du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui traite des questions statutaires – la « FS 3 » – ce qui intéresse bien évidemment les présidents de conseil d’administration de SDIS et l’ADF. À ces échanges, seront associés les élus de manière systématique. « FS 3 » est un travail de très longue haleine qui nécessitera un travail en profondeur en tenant compte au premier chef de tout ce qui aura trait aux effets budgétaire indirects.

Cela vaut aussi pour la réforme de la catégorie B et la question des rémunérations. Je ne peux agir vis-à-vis du monde syndical que dans un cadre global, et en connaissant les marges d’acceptation des élus : il est inutile de lancer un processus qui risque d’être bloqué par la suite.

La refonte des statuts comporte deux volets. Le premier concerne les adjudants-chefs, les majors et les lieutenants. Le second s’attache à la formation des officiers et des officiers supérieurs ; nous avons la chance de pouvoir compter sur des officiers supérieurs qui sont à la fois de grands professionnels et de bons managers, et nous souhaitons amplifier ce phénomène.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas pour l’État de s’immiscer dans un mode de gestion propre aux SDIS. M. le directeur général des Collectivités locales a fait plusieurs propositions, comme une éventuelle prise en charge par le conseil général ou l’attribution, au sein des SDIS, des fonctions de gestion à des personnes qualifiées : on peut certainement être à la fois colonel de sapeurs-pompiers et bon gestionnaire, mais le niveau technique et la disponibilité exigés peuvent parfois empêcher de mener ces deux fonctions de front. Dans le nouveau schéma organisationnel des SDIS, la gestion des personnels, du budget et du parc immobilier devrait être l’affaire de spécialistes issus de la fonction publique territoriale, et non d’officiers de sapeurs-pompiers. J’ai d’ailleurs reçu des échos favorables à cette proposition.

L’État pourrait donc jouer un rôle d’aiguillon, en rappelant qu’il existe des gisements de compétences. Nous commençons à aborder ces questions avec l’ADF. Mon objectif est d’aboutir, ensemble, à une sorte de protocole global sur les mesures à prendre.

Mon rôle est de préparer les éléments techniques d’une décision. Il faut donc, en dépit des crispations sur ce sujet, poser la question du temps de travail, mais dans un cadre plus large, le dispositif de la sécurité civile étant d’une rare complexité.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. L’inflation de la dépense tient au fait que le système n’est plus piloté. La départementalisation, qui devait être une décentralisation, fut en définitive une centralisation, puisque, auparavant, les communes géraient et finançaient les SDIS. Aujourd’hui, les sapeurs-pompiers profitent de la multiplicité des interlocuteurs.

Ils assurent en moyenne 140 interventions par an, pour 95 jours de garde : cela signifie qu’ils exercent leur métier une fois et demie par jour de garde. Une intervention durant en moyenne deux heures vingt-sept minutes, ils travaillent donc trois heures et demie par jour de garde, 95 fois par an ! La promotion n’est plus maîtrisée, les primes sont décidées par les personnels eux-mêmes – tous ont droit à la prime de feu, même les personnels administratifs – et les revenus sont de 30 % supérieurs à ceux des employés municipaux, à statut équivalent ! Il faut mettre fin à cette situation.

M. Edward Jossa. Les SDIS ne sont pas encore totalement acquis à une culture où l’on considère qu’un bon gestionnaire doit réaliser des économies, et pas seulement obtenir beaucoup de crédits. Or, comme dans tous les secteurs de la sécurité, il est très difficile de résister aux demandes : il suffit qu’un matériel ait été refusé et qu’ensuite une intervention se passe mal pour que l’on incrimine une décision budgétaire.

L’enjeu est de promouvoir un bon management. Pour cela, il faut un pilote financier ; pour le moment, c’est le département qui joue ce rôle, et je pense qu’il faut plutôt renforcer ce qui existe que compliquer les choses avec des solutions alternatives. Indexer les contributions communales sur l’évolution de la dépense reviendrait à diluer l’effort financier. Si les départements doivent assumer les variations budgétaires, ils seront d’autant plus motivés pour remettre en cause certaines règles de management. La priorité, c’est de maîtriser la dépense.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Doit-on, à l’instar de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, faire apparaître sur l’avis de taxe d’habitation la contribution au financement des SDIS, de manière à sensibiliser nos concitoyens à leur coût ?

M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des finances publiques. L’hypothèse d’une mention du coût du SDIS sur l’avis de taxe d’habitation, dans un objectif de responsabilisation des usagers, ne me semble pas opportune.

Tout d’abord, il s’agirait d’une opération extrêmement complexe. Nous la réalisons bon gré mal gré pour la contribution au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, mais l’effectuer sur la France entière serait bien plus lourd, et les risques d’erreur s’en trouveraient accrus.

Par ailleurs, les avis d’imposition étant déjà surchargés, il faut considérer qu’une mention supplémentaire en chasserait automatiquement une autre. L’information sur le coût des SDIS se ferait au détriment de celle sur un taux cumulé dans le cadre d’un passage en intercommunalité ou sur une hausse de l’impôt consécutive à la perte d’un abattement spécifique. Or, les demandes d’information des usagers portent plutôt sur les particularités de leur imposition que sur le montant global des dépenses des SDIS.

M. Edward Jossa. S’agissant de la mise en place d’une fiscalité spécifique, de deux choses l’une : soit l’on crée un impôt supplémentaire, et il faut l’assumer ; soit les prélèvements obligatoires restent stables, et il s’agit d’opérer un simple transfert de ressources. Dans ce cas, le déficit de l’État est aggravé si le transfert porte sur un impôt dont il dispose actuellement. Je ne vois pas ce que l’on y gagnerait en lisibilité. En outre, en raison de la perspective d’une réforme en profondeur de la fiscalité locale consécutive à la suppression de la taxe professionnelle, il serait préférable d’attendre.

M. David Habib, Président. Les rapporteurs évoquaient une meilleure lisibilité plutôt qu’un transfert de ressources.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Monsieur Rousselet, sur le terrain, les sapeurs-pompiers bénéficient d’une très bonne image, qui serait quelque peu ternie si nos concitoyens savaient combien leur sécurité leur coûte ! C’est dans cet esprit que nous réclamons depuis des années une mention supplémentaire sur l’avis d’imposition, sur le modèle de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Au-delà des discours convenus, messieurs Perret et Jossa, j’avoue ne pas être satisfait de vos réponses. Le problème est éminemment politique : il manque une réelle volonté pour assurer la bonne adéquation des besoins des SDIS et des contributions des financeurs.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nous sommes là pour proposer des solutions : on ne peut se contenter d’évoquer les difficultés administratives ou le manque de place sur une feuille ; sinon, rien ne changera, et la dépense continuera d’augmenter !

Nos concitoyens s’intéressent à ce qu’on veut bien leur dire ; si on continue à leur cacher les choses, ils ne demanderont jamais rien ! Notre responsabilité, à nous, politiques, est de défendre l’intérêt général contre les excès du corporatisme – sinon, celui-ci gagnera toujours.

Cela passe d’abord par l’information du contribuable, puis par une mesure fiscale spécifique, se traduisant par une diminution équivalente sur le budget du conseil général. Si nous affirmons que cela est matériellement impossible, notre mission d’évaluation et de contrôle s’achèvera sans aucun résultat, et nous serons responsables du maintien de la croissance des dépenses.

Il est inacceptable que des personnes qui ne travaillent que 95 jours par an jouissent d’une image si favorable, essentiellement bâtie sur les interventions incendie, soit moins de 10 % du total, et plus particulièrement sur les interventions sur feux de forêt, qui ne représentent que 1 % de l’ensemble. Nous devons dire la vérité à nos concitoyens !

M. David Habib, Président. Le travail de nos rapporteurs donnera lieu à un rapport qui comprendra le compte rendu de nos auditions et pourra être enrichi de divers documents. Pourriez-vous, monsieur Rousselet, nous faire parvenir une note écrite sur les deux hypothèses évoquées : mention du coût des SDIS sur l’avis d’imposition et création d’une taxe spécifique ?

M. Bruno Rousselet. Je le ferai avec plaisir.

Je ne conteste pas que l’information de nos concitoyens soit importante ; d’ailleurs, j’ignorais jusqu’à aujourd’hui combien me coûtaient les SDIS. En revanche, s’il n’y a pas fiscalisation de leur financement, je ne suis pas sûr qu’une donnée de ce type ait sa place dans un avis d’imposition individualisé. La mention d’un montant global de la dépense pour le département est parfaitement envisageable, mais ce sera nécessairement au détriment d’un autre renseignement.

M. Alain Perret. En tout cas, soyez assurés que nous avons conscience des difficultés actuelles et que nous nous efforçons d’améliorer les choses, en étroite liaison avec les partenaires sociaux et avec les présidents de CASDIS.

M. David Habib, Président. Messieurs, je vous remercie.

Nous allons maintenant accueillir les représentants des départements et des communes. J’imagine qu’ils dresseront le même constat, ce qui prouve que la principale question est celle de la gouvernance. Nous l’aborderons avec Mme la ministre lors de son audition, qui conclura nos travaux.

À 10 heures 30 : MM. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l’Ariège, et Yves Rome, président du conseil général de l’Oise, représentant l’Assemblée des départements de France (ADF), Jean-Paul Bacquet, maire de Coudes et Jean Proriol, maire de Beauzac, représentant l’Association des maires de France (AMF)

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Nous accueillons maintenant deux délégations, représentant, l’une l’Assemblée des départements de France (ADF), l’autre, l’Association des maires de France (AMF).

C’est avec un plaisir tout particulier que j’accueille M. Augustin Bonrepaux qui, voilà dix ans, a été l’un des créateurs de la MEC, avant de la présider avec talent jusqu’en 2007. Aujourd’hui, c’est en tant que président du conseil général de l’Ariège que nous l’entendons.

Je suis heureux de vous souhaiter à tous la bienvenue, à l’occasion de cette troisième séance consacrée au financement des services d’incendie et de secours.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La départementalisation des services de secours a été en fait une centralisation. En effet, auparavant, c’étaient les communes qui géraient et payaient directement les casernes et les sapeurs-pompiers.

Cette centralisation s’est accompagnée d’une inflation très importante des dépenses et du nombre de sapeurs-pompiers professionnels, qui est passé de 28 000 à 38 000 en dix ans, alors que le nombre de leurs interventions n’a pratiquement pas évolué, puisqu’il est toujours de 4 millions par an, soit 11 000 interventions par jour. Les interventions pour incendies, qui prennent le plus de temps, ne représentent plus que 8 % du nombre des interventions, tandis que les incendies pour feux de forêt ne représentent que 10 % de ces 8 %, donc moins de 1 % du total. On compte en moyenne seulement 1,5 intervention par jour de garde pour 90 jours de garde par an !

Sur le plan budgétaire, cela représente 5,5 milliards d’euros, l’État prenant en charge 1 milliard et les collectivités territoriales 4,5 milliards. Entre 1996 et 2007, l’augmentation de la dépense a été de 245 % ; depuis la départementalisation de 2001, elle s’élève à 45 %. Quant aux effectifs, ils ont continué de croître, tandis que l’achat de matériel et d’équipement s’est poursuivi sans que l’on ait recours à des mutualisations.

En fait, les payeurs ne sont pas les décideurs. Les communes et les départements paient, mais ce sont plutôt les conseils d’administration qui décident – les sapeurs-pompiers, tout en n’y étant pas majoritaires, savent y faire entendre leur voix et convaincre les élus.

Compte tenu de l’augmentation constatée, peut-être conviendrait-il de revoir le système et de dire qui doit commander.

Les sapeurs-pompiers professionnels ont le statut de fonctionnaires territoriaux, mais leurs revenus sont tout à fait différents de ceux des fonctionnaires territoriaux. Par ailleurs, en dix ans, on a assisté à une inversion du nombre des capitaines et de celui des lieutenants : il y a aujourd’hui plus de capitaines que de lieutenants. De plus, l’encadrement est extrêmement riche : un colonel ou un lieutenant-colonel pour 70 sapeurs-pompiers professionnels. En fait, ni l’État, ni les départements ni les communes ne pilotent les carrières.

Étant donné la situation actuelle, peu favorable aux contribuables, la Mission a jugé utile d’engager une réflexion globale. Le système doit de nouveau être piloté, cohérent et la dépense doit être justifiée.

De tout cela, nous déduisons qu’il est sans doute possible d’arrêter la progression de la dépense.

M. David Habib, Président. Selon vous, comment doit évoluer la gouvernance des SDIS ? Quel en serait le format idéal ? Nous devons rencontrer Michèle Alliot-Marie le 9 juin, et, à cette occasion, nous voudrions prendre en compte l’état de vos réflexions et de vos propositions.

M. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l’Ariège. La départementalisation, a présenté, au moins dans les départements ruraux, de nombreux avantages. Elle a permis, d’une part, que chacun participe de la même façon au service, ce qui fait que les charges sont mieux réparties, et, d’autre part, d’harmoniser le fonctionnement du service sur territoire. Il est vrai qu’elle a entraîné des dépenses supplémentaires, notamment parce que l’équipement n’était pas au point : dans mon département, par exemple, les casernes étaient dans un état lamentable.

J’ai entendu que l’État participait aux dépenses à hauteur de 1 milliard. En tout cas, cela ne se ressent pas chez moi.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Vous savez bien qu’il achète les aéronefs de la sécurité civile !

M. Augustin Bonrepaux. Autrefois, il participait. Désormais, ses participations diminuent régulièrement, alors qu’on nous demande de faire des investissements de plus en plus importants – je pense à Antares, par exemple.

Il faudrait d’abord clarifier la situation. De plus en plus souvent, des décisions sont prises au niveau national par le ministre. Cela fait bien de faire plaisir aux sapeurs-pompiers ! Mais, au final, qui paie ?

Les départements paient davantage que les communes, la participation de ces dernières étant plafonnée. Par ailleurs, nous subissons un transfert de charges insidieux : il se trouve en effet que les sapeurs-pompiers sont appelés à intervenir de plus en plus fréquemment à la place des ambulanciers. Or, alors qu’un ambulancier est remboursé 350 ou 400 euros par la sécurité sociale pour son intervention, nous ne sommes remboursés que de 105 euros – c’est le chiffre fixé dans les conventions passées avec les services hospitaliers. Pourtant, la charge d’intervention est beaucoup plus importante pour les sapeurs-pompiers, puisque, réglementairement, la présence de trois sapeurs-pompiers à bord d’une ambulance est nécessaire pour que celle-ci puisse sortir.

La situation est en train de s’aggraver. Dans mon département, le préfet a organisé une réunion pour nous expliquer qu’il fallait économiser 350 000 euros sur la permanence des soins. Dans ce but, plutôt que de faire déplacer les médecins chez les malades, on conduira les malades aux urgences. Le patient appellera le 112 ou notre numéro d’appel pour les personnes en difficulté, et s’il n’est pas possible de le soigner par téléphone, il sera transporté aux urgences. Or à deux ou trois heures du matin, les ambulanciers ne se déplacent pas ; ce seront donc les pompiers qui interviendront.

Il faut faire payer les secours par celui qui doit les payer : quand il s’agit de malades, c’est à la sécurité sociale de payer et non aux contribuables.

Il y a deux ans, le préfet a décidé qu’il faudrait trois sapeurs-pompiers professionnels de plus. Mais qui paie ? Souvent, nous ne sommes pas consultés quand une décision concernant les sapeurs-pompiers est prise. Or, selon le principe « qui commande paie », il faudrait que les présidents de conseils généraux aient le pouvoir de décider pour ce qui relève de leur responsabilité.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. M. Bonrepaux a évoqué la nécessaire remise en état des casernes et le renouvellement du matériel. Cela a été vrai de 1996 à 2001, mais, depuis 2001, tout cela est terminé. Or l’inflation budgétaire a continué, et c’est bien ce qui nous préoccupe aujourd’hui. Sans vouloir politiser le propos, je rappellerai à M. Bonrepaux que c’est à la fin de l’année 2001, sous le gouvernement Jospin, qu’a été prise la décision relative au nombre de jours de garde de 24 heures par an. Or c’est la diminution de ce nombre qui a provoqué une inflation des embauches.

N’oublions pas que notre rôle est de défendre le contribuable. On peut toujours aller dans le sens des sapeurs-pompiers, qui demanderont toujours plus d’hommes et l’accélération de leur carrière. Or l’accélération des carrières n’étant pas maîtrisée par les élus, il en résulte une inflation budgétaire : les salaires représentent la plus grande part du budget des SDIS. En outre, le refus de la mutualisation de l’achat de certains matériels accroît encore la dépense.

Nous ne sommes donc pas dans le meilleur des mondes possible. Toutefois, nous sommes là pour essayer de l’améliorer.

M. Yves Rome, président du conseil général de l’Oise. Certes, je suis là, non pour défendre le contribuable, mais pour défendre le service public de la sécurité civile. Pour autant, je peux, en tant que responsable d’un département, et donc d’un SDIS, adhérer à l’objectif de maîtrise de la dépense. Cela dit, il serait très mauvais de stigmatiser les sapeurs-pompiers professionnels.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit. Il ne s’agit pas de stigmatiser les sapeurs-pompiers, mais de trouver tous ensemble des avancées qui bénéficieront au contribuable.

M. Yves Rome. Certes, il faut chercher à maîtriser la dépense, mais pour cela, il est nécessaire de comprendre les causes du dérapage constaté.

Auparavant, les maires étaient souvent démunis face au pouvoir des sapeurs-pompiers, en particulier au moment des élections : personne ne savait leur résister. La départementalisation a permis une meilleure homogénéisation de la présence et de la sécurité sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones les plus rurales, qui étaient légèrement dépourvues par rapport aux centres urbains.

Une des raisons du dérapage constaté tient à un problème de gouvernance. Normalement qui paie commande. Or nous, les élus locaux, sommes soumis aux injonctions de l’État, notamment au travers de la définition des normes, qu’il s’agisse des matériels ou de la gestion des carrières.

Enfin, il faut savoir que la départementalisation n’est pas achevée. Ainsi, dans le département de l’Oise, nous avons un programme ambitieux de rattrapage et de construction de centres de secours qui aura un impact durant au moins dix ans sur le coût de fonctionnement du service.

La départementalisation permettra une évolution de la maîtrise de la dépense. On va nous conférer, sans qu’on nous l’ait trop demandé, les parcs départementaux de l’équipement, ce qui aboutira à une mutualisation des matériels roulants.

L’ensemble des départements de France et des présidents de SDIS réfléchissent à la mutualisation des moyens. Un grand nombre d’agents non sapeurs-pompiers assurent des missions de gestion des services, que ce soit en matière de commandes publiques, de centrales d’achat, ou de bâtiments. Dans les services des conseils généraux, nous avons, de manière transversale, les mêmes capacités d’intervention. Il y a donc là une possibilité de mutualiser les moyens et donc d’optimiser la dépense. Si on retire des SDIS des effectifs consacrés à des missions autres que celle de la sécurité, on pourra renforcer la défense opérationnelle en employant réellement les moyens humains pour les missions premières des SDIS.

Il faut aussi cesser, comme l’a souligné Augustin Bonrepaux, de transférer insidieusement des charges supplémentaires vers les services départementaux.

Il est exact que le feu ne représente qu’un maigre pourcentage de l’intervention des SDIS. En revanche, les secours à la personne augmentent de manière exponentielle, comme cela ressort du rapport Lamotte. Les SDIS suppléent à la déficience du service public hospitalier ou de l’organisation territoriale des professions libérales, qui ne répondent plus au problème de l’urgence. Lorsque la difficulté sociale augmente sur les territoires, que les urgences sont saturées ou ne répondent plus, que les SAMU ne s’engagent pas, que les professions médicales désertent à partir de vingt heures, le SDIS devient le seul outil disponible. C’est certainement là une des causes principales de l’augmentation de la dépense, d’autant que le coût d’un déplacement des sapeurs-pompiers varie de 300 à 1 000 euros, alors que l’hôpital ou le monde de la santé n’accepte de discuter que sur la base de 105 euros.

Il faut aussi poursuivre la réflexion engagée par la commission « Ambition volontariat », pour tenter de parvenir à un bon équilibre entre sapeurs-pompiers volontaires et sapeurs-pompiers professionnels.

C’est à tout cela qu’il faut réfléchir, sans stigmatiser qui que ce soit.

M. David Habib, Président. Personne ne stigmatise quiconque. Je peux vous assurer que tout le monde est d’accord sur la nécessité d’entretenir un dialogue de vérité avec les sapeurs-pompiers. Cela dit, je crois me souvenir que le premier vice-président d’un conseil général d’un département du sud-ouest appartenant à la même sensibilité politique que la nôtre a tenu des propos bien « pires » que ceux de M. Ginesta.

M. Jean-Paul Bacquet, maire de Coudes. Monsieur le président, vous avez raison : le sujet des sapeurs-pompiers est un sujet passionnel.

La départementalisation était nécessaire, en raison des inégalités territoriales. Toutefois, elle est devenue très rapidement une centralisation compétitive d’un département à l’autre, s’agissant des jours de garde et de travail, des investissements, etc. Il suffit d’assister à un congrès de sapeurs-pompiers pour s’en rendre compte et pour apprécier les conséquences que peut avoir cette compétition sur les bons de commande.

N’oublions pas que ceux qui paient ne décident pas. Pour autant, cela ne remet pas en cause notre engagement de fournir à nos concitoyens le service d’incendie et de secours le plus efficace possible. Il n’en reste pas moins que cette situation soulève la question de la responsabilité politique de celui qui paie alors qu’il n’est pas le décideur.

N’oublions pas que les communes paient, même si leur contingent a été gelé – ce gel est d’ailleurs relatif, dans la mesure où le contingent varie en fonction de l’inflation. On s’est du reste demandé s’il ne fallait pas remplacer le contingent des communes par une réduction de leur dotation globale de fonctionnement, la DGF. En tout cas, les maires deviennent souvent des otages dont on se sert pour empêcher que le service passe sous la coupe du conseil général. Les maires ont-ils pour autant le droit de s’exprimer ? Non, ils n’ont pas droit à la parole, et là est le véritable problème.

On a parlé de la sécurité sociale ; on peut aussi évoquer les assurances – il s’agit de serpents de mer qui ressortent tous les vingt ou trente ans. La question qui se pose n’est pas de savoir si l’on transfère une charge du contribuable départemental ou communal au contribuable assuré social, mais de savoir si l’ensemble des dépenses est justifié. C’est en cela que je m’associe à votre démarche responsable.

Je ne connais pas de maire qui dise qu’il faut supprimer les sapeurs-pompiers... encore que certains maires de grandes villes seraient tentés si, demain, l’offre existait, de privatiser les services de sapeurs-pompiers. Cela se fait déjà à l’étranger : Véolia intervient dans d’autres pays sur des sites industriels. Quoi qu’il en soit, vous avez raison, monsieur Ginesta, le payeur n’est pas le décideur.

Comme je suis médecin, je me sens visé lorsque l’on parle de la désertification médicale. Mais les élus gagneraient à être un peu plus responsables – et ce sera ma seule allusion politique : quand je dépose un amendement coercitif, la droite comme la gauche le refusent. Que chacun assume ses responsabilités !

Qui définit la réglementation ? La Fédération. Je siégeais au sein d’une commission, mais je n’y vais plus parce que ce n’est plus la peine. Les décisions prises sont sûrement toutes justifiées, mais on n’en analyse jamais les conséquences financières et juridiques. Actuellement, l’Association des maires de France étudie le projet de référentiel national de défense contre l’incendie, ce qui suppose la définition d’une nouvelle assise juridique de la réglementation. Eh bien, il faut s’attendre à ce que demain se retrouvent devant les tribunaux des élus qui n’auront pas répondu à un projet de référentiel qu’ils n’auront pas élaboré !

L’association des maires du département du Puy-de-Dôme a appris que le Puy-de-Dôme était représenté au sein de cette commission. Personne ne le savait, pas plus les conseillers généraux que président du conseil d’administration du SDIS. Pourtant, nous faisons partie des départements témoins. Nous avons tout de même de quoi nous interroger sur la façon dont nous pouvons assumer nos responsabilités politiques !

Par ailleurs, en quoi un SDIS a-t-il besoin d’un architecte, d’un service de communication, de photographes ?

J’évoquerai maintenant l’évolution des carrières. J’ai été président du SDIS de mon département. En fonction de l’effectif, il y a eu un colonel, puis deux, puis trois… Que fera-t-on lorsque l’on n’aura promu que des colonels âgés de 42 ans ? On va créer le grade de général ? Cela a été demandé à l’Assemblée nationale, il y a quelques mois.

La gouvernance est le vrai problème. Il y a deux ans, avant les élections de 2007, les sapeurs-pompiers avaient manifesté dans la rue en tenue et avaient frappé des policiers en tenue : double faute, mais aucune peine ! Mon ami Jean Proriol et moi-même avons dit notre indignation au président Sarkozy, qui était alors ministre de l’Intérieur. Avant cette entrevue, j’avais tenu les propos suivants au nouveau directeur de la Sécurité civile : « Monsieur le préfet, vous ferez comme vos collègues : pendant six mois, vous allez vouloir réformer et au bout de six mois, vous aurez compris que c’est une telle poudrière que vous vous dégonflerez et vous compterez les jours en attendant que votre mandat se termine pour ne pas brûler votre carrière ». En fait, il faudrait nommer un préfet en fin de carrière, qui, lui, au moins, pourrait prendre les décisions qui s’imposent.

J’ai déposé une proposition de loi visant à faire passer les sapeurs-pompiers professionnels dans la fonction publique d’État – ce qui m’a valu un succès extraordinaire lors d’un certain congrès des sapeurs-pompiers. Cela permettrait de disposer d’une grille salariale claire, et de savoir qui embauche et sur quels critères. En effet, d’un département à l’autre, les inégalités sont encore plus criantes qu’avant la départementalisation.

Les sapeurs-pompiers volontaires donnent une image forte. Toutefois, même en cas de recrutement, la durée de leur engagement diminue. Il y a là de quoi nous inquiéter.

Enfin, si les conseils d’administration donnent lieu à des débats très animés, il n’en reste pas moins que l’on sait à l’avance ce qui sera voté. Dans ces conditions, où est le débat démocratique ? Il y a d’un côté ceux qui ont un langage technique, voire technocratique, qui cherchent à culpabiliser ceux qui ne voudraient pas voter les crédits, et, de l’autre, des gestionnaires sains, responsables malgré les menaces auxquelles ils sont soumis.

Monsieur Derosier, je vous rappelle que c’est un de vos concitoyens qui a organisé à Marseille le premier congrès national des présidents de SDIS. Alors que j’avais fait remarquer que, dans la salle, il y avait plus de colonels que d’élus, on m’avait répondu qu’il s’agissait d’« experts ». Et, en définitive, ce sont les colonels qui ont décidé ce que nous devions décider.

J’ai entendu parler d’« injonctions » de l’État. Mais lesquelles ? Quand il faut que le président Doligé réunisse les élus des conseils d’administrations des SDIS avant le conseil d’administration de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, je me dis qu’il y a un dysfonctionnement.

Encore une fois, le problème est lié à un manque de responsabilité politique. Nous n’assumons pas notre responsabilité politique, que ce soit au niveau de l’État ou ailleurs. Qu’on le veuille ou non, tant que le pouvoir politique ne sera pas assumé, nous ne pourrons pas avancer.

M. Yves Rome. Depuis l’époque où Jean-Paul Bacquet était président d’un SDIS, la situation a changé – la départementalisation est passée par là. Lorsque nous réunissons les présidents de conseil d’administration de SDIS, il y a davantage de responsables élus et de décideurs que de colonels des sapeurs-pompiers.

M. David Habib, Président. Il n’est pas certain que, sur le plan budgétaire, la situation ait beaucoup évolué.

M. Jean Proriol, maire de Beauzac. La départementalisation est en effet ambivalente, monsieur le président. Mais on ne peut pas revenir dessus. Elle était demandée, nous l’avons votée. Souvenez-vous de tous les congrès de sapeurs-pompiers des années quatre-vingt-dix, qui reprenaient ce thème de la départementalisation. Bien que perfectible, la décentralisation est donc ce qu’elle est.

D’après les comptes de gestion de 2007, les communes paient encore 46 % du total ; cela a déjà été davantage. Cette proportion varie également selon les départements : dans certains, les communes paient la plus grosse part ; dans d’autres, c’est l’inverse. Il n’y a donc pas de régime uniforme.

Vous nous interrogez à propos du gel des dépenses. Pour l’AMF, qui en a débattu à plusieurs reprises, il n’est pas question d’y renoncer. Si nous voulons stopper l’inflation des dépenses, qui est due à toutes les raisons que tout le monde a expliquées dans cette salle, il faut incontestablement introduire un gel de nos dépenses globales. Les départements ne peuvent pas y être défavorables.

Il est exact que l’on a consenti des efforts pour les casernements et les matériels. Dès qu’elle a été votée, la départementalisation a créé des espoirs chez les sapeurs-pompiers, lesquels sont montés au créneau – c’était le moment d’en profiter. Le président du conseil général est devenu le grand patron. Toutefois, la dernière loi votée en la matière a rendu très minoritaire la présence des maires au sein des conseils départementaux des SDIS. Peut-être faudrait-il qu’un maire soit vice-président du SDIS ? Quoi qu’il en soit, cela n’aura pas de conséquences fondamentales : les maires ont du mal à se faire entendre. Moi qui suis président de l’Association départementale des maires, j’essaie d’envoyer dans ces conseils départementaux des maires courageux, qui sachent s’opposer à la montée vertigineuse des dépenses à tous les niveaux. Je comprends bien que les départements veuillent rester les patrons, dans la mesure où ce sont eux qui ont la compétence définitive, mais il n’en reste pas moins que les sapeurs-pompiers ont voulu à tout prix maintenir le lien avec les maires. C’est pourquoi il me semble opportun que les élus votent les contingents dans les budgets communaux, et non pas que l’État prélève sur la DGF, car ce dispositif fait descendre au niveau local les conséquences des augmentations à payer. Toutefois, les marges de manœuvre des maires sont relativement limitées : lorsqu’ils reçoivent le contingent au mois d’octobre ou de décembre, il ne leur reste plus qu’à l’inscrire dans le budget communal. Et si ce dernier n’était pas voté, le préfet procéderait à une inscription d’office.

Il faut savoir enfin que les contingents ne sont pas les seules contributions des mairies. Il existe encore 1 926 centres de première intervention non intégrés, dont la charge repose entièrement sur les communes, ou sur les intercommunalités, même si les départements ont procédé à un toilettage et supprimé un certain nombre de centres d’intervention qui n’étaient pas si opérationnels qu’on avait pu le penser. Les municipalités participent également sous d’autres formes : fourniture du terrain destiné à la construction d’un bâtiment, paiement de 25 % du coût de la construction. Ce dispositif est-il légal ? Je n’en suis pas certain. En tout cas, toutes ces dépenses qui n’entrent pas dans les contingents finissent par peser sur les budgets communaux.

Comment régler les problèmes liés au financement ? Faire payer les assurances ? Créer un impôt départemental ? Un impôt sur le foncier ? Depuis vingt ans, nous n’avons pas encore trouvé la solution. Faire payer les assurances me semble être une piste à explorer.

Toutefois, les problèmes qui se posent sont aussi d’ordre psychologique et politique. Quand les pompiers prétendent que tel ou tel équipement est indispensable, il est pratiquement impossible de résister. S’agissant des normes, l’État a une part de responsabilité : s’il sait résister aux groupes de pression, il lui arrive aussi de battre en retraite. Nous sommes toujours tiraillés entre les demandes et les considérations financières.

Selon moi, il convient de geler l’ensemble des dépenses. Si j’avais un seul message à faire passer, ce serait celui -là.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Étant donné les personnes présentes à cette réunion – représentants des maires, représentants des gestionnaires que sont maintenant les présidents de SDIS, parlementaires ayant pour objectif de faire des propositions –, toutes les conditions sont réunies pour faire évoluer la situation du service public de sécurité civile. Si nous arrivons à nous mettre d’accord, nous pourrons faire bouger les montagnes : Bercy, le Gouvernement – et, pourquoi pas ? la majorité parlementaire.

Notre collègue Proriol vient de dire qu’il fallait geler les dépenses. Merci d’avance ! Qu’il vienne avec moi rencontrer les sapeurs-pompiers de mon SDIS pour entendre leurs réactions quand je rapporterai sa proposition. Ce n’est pas aussi simple que cela.

M. Jean Proriol. J’en suis bien conscient, pour avoir présidé un SDIS pendant vingt ans !

M. Bernard Derosier, Rapporteur. La départementalisation, avec tous ses avantages, a fait apparaître un état des lieux très différent d’un département à l’autre, voire au cœur d’un même département. Le fait que l’on reprenne des centres de secours communaux ou intercommunaux, du matériel qui était parfois à la limite de l’obsolescence, et des effectifs qui étaient très variables d’un centre de secours à l’autre, a amené le département et le SDIS à gérer des situations très inégalitaires. Cet état des lieux – incontestable – était bien la preuve que la gestion antérieure n’était pas bonne.

Ceux d’entre nous qui sont élus locaux accepteraient-ils, sur un territoire départemental, une gestion inégalitaire des situations ? Accepteraient-ils que la commune ou l’intercommunalité soit amenée à participer aux dépenses d’un centre de secours qui n’aurait pas été réalisé dans de bonnes conditions ? Jean Proriol a fait référence à des communes qui participaient à l’achat de terrains. Mais cela relève de l’initiative des conseils généraux, qui demandent éventuellement aux communes d’y contribuer. Encore faudrait-il que ce soit inscrit dans la loi.

Ce que vous appelez le « contingent » voté par les conseils municipaux me semble un concept un peu dépassé à l’heure de la décentralisation. Pourquoi les communes ne souhaiteraient-elles pas voter une participation aux collèges, aux routes départementales, si on maintient les financements dits croisés – que M. Balladur voudrait supprimer, accompagné en cela par la majorité ?

Une logique voudrait que les communes ne participent pas. Mais, tout à l’heure, le ministère du Budget nous a expliqué que c’était infaisable et le directeur général des Collectivités locales nous a dit que c’était impossible. Jean Proriol vient de rappeler de bonnes raisons politiques pour maintenir cette participation ; les sapeurs-pompiers le souhaitent également.

Que penseriez-vous donc, mes chers collègues, présidents de SDIS, maires, d’un déblocage de l’indexation de la participation des communes ? Le rapport Lamotte prévoit une augmentation de la contribution des départements de l’ordre de 4 à 5 % par an au-dessus de l’inflation, dans les années à venir, alors que le contingent des communes est bloqué par la limite de l’inflation. Comme nous sommes en période de déflation, si cela continue, je pense que les SDIS vont devoir rendre de l’argent aux communes !

M. Bacquet a dit que les maires n’ont pas droit à la parole. Pourtant ils ont, sur leur territoire, le pouvoir de police. Que penseriez-vous, messieurs les maires, si on supprimait cette compétence opérationnelle sur votre territoire et si on la transférait au président du SDIS ?

M. Jean Proriol. Le contingent est-il dépassé ? Je n’en suis pas sûr. Et s’il est dépassé, il faut le remplacer. Or, je n’ai pas entendu, dans l’intervention de M. Derosier, des propositions significatives et intéressantes qu’on puisse mettre en application.

L’Association des maires de France est formelle : elle est favorable au maintien du gel des contingents. Il faut savoir, malgré tout, que celui-ci est parfois détourné et qu’à l’intérieur de chaque SDIS, les règles s’appliquent différemment, notamment en fonction du potentiel fiscal. Ainsi, le gel n’est pas égalitaire selon les départements, ni selon les communes à l’intérieur d’un même département.

M. David Habib, Président. Ce n’est pas forcément inégalitaire. Les départements et les régions peuvent vouloir trouver des clés de répartition plus justes entre les différentes collectivités. Cela dit, le constat que vous faites est tout à fait exact.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Évidemment : vous êtes tous les deux dans des départements gérés par la droite…

M. Jean Proriol. Vous avez évoqué le rapport Lamotte. Nous ne pouvons pas entrer dans cette mécanique, nous vous le confirmons très fortement.

Jean-Paul Bacquet a fait remarquer que le taux de rotation et d’engagement des sapeurs-pompiers volontaires était inférieur à dix ans. C’est plutôt sept ou huit ! Nous allons donc être confrontés à un problème. Ainsi, dans mon corps de sapeurs-pompiers, trois ou quatre personnes vont partir parce que le service est trop contraignant et que la formation est trop exigeante. Mais s’il fallait remplacer les 200 000 pompiers volontaires, je ne sais pas comment nous ferions – et cela coûterait bien plus que 4 ou 5 milliards. Il faut tout de même rendre hommage à ceux qui acceptent de se dévouer pendant un certain nombre d’années.

M. Jean-Paul Bacquet. Les inégalités territoriales, d’un département à l’autre, d’une commune à l’autre justifiaient la départementalisation et une harmonisation. La situation s’est-elle améliorée ? Bien sûr. Cependant, le maillage reste très inégalitaire d’un département à l’autre : il subsiste d’importantes zones blanches. La couverture départementale n’a pas été harmonisée.

La suppression de certains CPI résulte du choix du conseil d’administration ou du directeur départemental ; elle n’a pas été faite à partir d’un schéma ou en fonction de directives préalables.

Si une commune participe à la construction d’une caserne ou donne le terrain nécessaire pour construire ce bâtiment, c’est illégal. On l’ignore, mais c’est illégal. Sur ce point, l’association des maires est très vigilante et elle informera les élus sur la responsabilité qu’ils prennent : les maires risquent d’être poursuivis par un contribuable.

La définition du contingent communal par rapport au contingent départemental est très inégalitaire dans un même département, puisque c’est le conseil d’administration qui fixe les règles de la répartition d’une commune à l’autre.

Le maire exerce-t-il son pouvoir de police ? Souvent, quand il y a un litige dans sa commune, ou un incendie, le maire l’apprend le lendemain dans le journal. Et s’il se rend sur place parce qu’il a été prévenu, il risque d’être invité à quitter les lieux pour ne pas empêcher de travailler ceux qui savent ! Nous sommes prêts à assumer ce pouvoir de police, mais encore faut-il qu’on nous le reconnaisse. Et ce n’est pas parce que nous siégeons dans des conseils d’administration, que nous y existons. Je sais qu’il n’est pas question de transférer le pouvoir de police, car c’est inapplicable pour l’instant. Reste que la responsabilité juridique du maire est pleine et entière, qu’il l’ait voulu ou non.

M. Yves Rome. Au nom de l’Assemblée des départements de France, je plaide pour le dégel des contingents communaux. À défaut, ce sont les départements qui vont subir la hausse, que nous allons peut-être tenter de limiter avec votre concours.

La maîtrise des dépenses, à laquelle nous sommes confrontés, dépend selon moi très largement de la gouvernance : qui paie ? Comment ?

Faut-il transférer vers les départements le pouvoir des maires, qu’ils prétendent ne pas pouvoir exercer, ni financièrement, ni juridiquement ? Il n’y a pas de raison qu’un président de conseil général soit plus inapte qu’un maire à assumer les pouvoirs de sécurité sur son territoire.

L’AMF considère que le gel doit être maintenu. Il est donc important de se tourner vers le troisième acteur de la sécurité civile : l’État. Mais le niveau des FAI, les fonds destinés à l’investissement, est dérisoire, voire inexistant. Si l’État veut conserver son rôle de régulateur, c’est à lui d’engager des réformes pour les sapeurs-pompiers – qui le méritent certainement.

Des réflexions sont en cours pour maintenir le volontariat, auquel nous devons rester attachés. Si les sapeurs-pompiers volontaires disparaissent des services départementaux, la dépense sera exponentielle, et il ne sera plus question de maîtrise. Toutefois, le maintien de la présence des sapeurs-pompiers volontaires au sein des services départementaux peut aussi générer des coûts de gestion et, par voie de conséquence, transférer vers le département des charges supplémentaires.

L’État doit donc tenir compte, de manière beaucoup plus précise et beaucoup plus sérieuse, du rôle des départements ; ne pas convoquer la Conférence nationale des services d’incendie et de secours sans recueillir préalablement, sur les dossiers, l’aval des départements qui sont là pour payer ; ne pas se contenter de dialoguer avec les représentants des sapeurs-pompiers, mais associer à toute disposition nouvelle les départements de France.

L’État doit jouer son rôle de financier – FAI, réseau Antares. Certes, ce dernier est nécessaire à la bonne coordination des services de sécurité (police, gendarmerie, pompiers) sur le territoire départemental. Mais que l’État évite de faire financer exclusivement ces nouveaux dispositifs par les départements et par les SDIS.

M. Augustin Bonrepaux. Ma conclusion ne sera guère différente. Je pense que le département est le niveau pertinent pour assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire. Certes, cela dépend de chaque département. Mais il est possible de procéder à une péréquation à l’intérieur du département en répartissant équitablement la charge entre les citoyens : par exemple, une péréquation des contingents tenant compte de la population desservie et du potentiel financier de chaque collectivité, comme nous l’avons fait nous-mêmes depuis longtemps.

Le département est aussi le niveau le plus pertinent pour faire des économies. On pourrait mutualiser des services du département et des services du SDIS, par exemple en faisant réparer le matériel par le parc de l’équipement dont nous allons avoir la responsabilité.

Il y aurait encore des centres de secours relevant de la responsabilité des communes ! Je le découvre. Dans mon département, le SDIS s’occupe de tout. Peut-être pourrait-on procéder à quelques corrections pour faire en sorte que le service devienne réellement départemental.

J’entends dire qu’il faut geler les dépenses. Mais comment ? Qu’on donne déjà au SDIS les moyens de faire payer le service à son coût réel lorsqu’il intervient pour d’autres. Ce sont les secours à la personne qui ont augmenté le plus. Pour ces interventions, c’est toujours le SDIS qui part le plus vite, et c’est souvent le seul à partir. Faire payer le service à son coût réel permettrait de réaliser des économies.

Enfin, il faut que ceux qui paient soient consultés. Dans mon département, le préfet convoque le colonel du SDIS pour mettre en place une convention entre le PGHM (le peloton de gendarmerie de haute montagne) et le SDIS, et je l’apprends quand c’est fait !

M.  Bernard Derosier, Rapporteur. C’est un préfet qui fait n’importe quoi.

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne m’empêche pas de réagir.

Il existe au niveau national une Conférence nationale des services d’incendie et de secours. Les décisions sont souvent prises en concertation entre le ministère et les sapeurs-pompiers. Il me semble indispensable que ceux qui paient soient présents et puissent dire ce qu’ils en pensent ; or ce n’est pas le cas.

Il est toujours facile de se faire valoir en disant que l’on augmente les sapeurs-pompiers – même si, pour notre part, nous sommes très attentifs à la revalorisation de l’intervention des sapeurs-pompiers volontaires –, mais il faudrait que nous soyons consultés.

On pourrait ainsi commencer à maîtriser les dépenses. Seulement, il faut nous en donner les moyens et faire en sorte que d’autres ne prennent pas les décisions à notre place.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La mission que nous a confiée le bureau de la commission des Finances s’inscrit dans l’esprit de la LOLF et vise à répondre à la question suivante : comment obtenir le même service en dépensant moins ? Avant de savoir qui paie, il faut d’abord savoir comment dépenser moins avec le même service – sujet qu’on n’a pas vraiment abordé jusqu’à présent.

M. Augustin Bonrepaux. Nous vous avons fait des propositions en ce sens !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Vous avez fait une proposition à la hausse.

M. Augustin Bonrepaux. J’ai dit qu’en mutualisant les services, nous pouvons faire des économies, qu’en nous donnant les moyens nécessaires, nous ferons des économies ! À moins que vous ne vouliez réduire le service ?

Commencez par résoudre le problème lié à la présence insuffisante de médecins sur certains territoires, ce qui dispensera les sapeurs-pompiers d’amener les malades dans les centres d’urgences !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce n’est pas ce qui a été demandé par la commission des Finances, laquelle est présidée par un élu socialiste. Ne politisez pas le débat, monsieur Bonrepaux.

M. David Habib, Président. C’est la première fois, depuis que je préside la MEC, que les travaux prennent une dimension passionnelle…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est en raison de la présence de M. Bonrepaux…

M. Jean-Paul Bacquet. C’est à cause du sujet abordé !

M. David Habib, Président. Il est vrai que les réunions sur les pôles de compétitivité ou sur le Louvre sont plus calmes. Mais de toutes les matinées consacrées aux pompiers, c’est celle où les maires et les présidents de conseils généraux sont venus en même temps qui a donné lieu au débat le plus passionné.

Il n’en a pas moins été dense et stimulant. Je vous remercie.

À 11 heures 30 : M. Stéphane Penet, directeur à la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), et M. Jean Mesqui, délégué général de l’Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président. Notre ordre du jour appelle maintenant l’audition de M. Stéphane Penet, directeur à la Fédération française des sociétés d’assurance, la FFSA, accompagné de MM. Frédéric Gudin du Pavillon, sous-directeur des biens et des responsabilités et de M. Jean-Paul Laborde, conseiller parlementaire – et de M. Jean Mesqui, délégué général de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes, l’ASFA, accompagné de Mme Valérie Dumerc, directeur juridique.

Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Après s’être interrogée sur la gouvernance des services départementaux d’incendie et de secours – les SDIS –, la MEC examine maintenant le financement de leurs missions. Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, les organismes que vous représentez sont apparus comme sources potentielles de financements complémentaires. C’est pourquoi nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd’hui.

Je donne d’emblée la parole aux rapporteurs.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si la solution du problème n’est pas aisée, son exposé est simple : les budgets des services départementaux d’incendie et de secours ne cessent d’augmenter. Ils se sont accrus de 45 % depuis la fin de la départementalisation en 2001 pour atteindre aujourd’hui près de 4,5 milliards d’euros, le budget de l’État étant resté relativement stable. Les dépenses des SDIS portant désormais davantage sur le secours à la personne que sur les incendies, nous aimerions savoir si vous pourriez participer à leur financement. Selon quels critères et sous quelles conditions ?

M. Stéphane Penet, directeur à la Fédération française des sociétés d’assurance. Nous avons lu avec intérêt le questionnaire que vous nous avez adressé.

Tout d’abord, concernant les besoins de financement des SDIS, le rapport laisse entendre que la croissance importante de leurs dépenses est liée à un rattrapage des investissements au moment de la départementalisation, ce qui laisse supposer qu’une fois ce rattrapage effectué, les besoins seront plus ou moins stabilisés.

Pour ce qui est de l’intervention des assureurs, il faut distinguer les assureurs de biens et de responsabilité, qui interviennent sur les dommages aux biens, et les assurances de personnes.

En ce qui concerne les assurances de biens et de responsabilité, je rappelle qu’une taxe de 9 % sur les conventions d’assurance a été instituée, initialement pour financer la lutte contre les incendies. La destination de cette taxe a ensuite évolué mais il ne faut pas oublier son origine, d’autant que son produit se monte aujourd’hui à près de 600 millions d’euros sur la partie risque d’entreprise.

Par ailleurs, les assureurs interviennent beaucoup, même si ce n’est pas sous forme d’aides ou de financements directs, dans le domaine de la prévention des incendies. Ils sont de grands pourvoyeurs de financement pour les études à ce propos. Le Centre national de prévention et de protection, le CNPP, basé à Vernon, non seulement bâtit des référentiels en matière de protection, mais conduit également de très nombreuses études, financées par les assureurs, afin de déterminer les meilleurs moyens de protéger les biens, de manière générale, en procédant à des simulations d’incendie. Ces investissements sont réalisés à la fois au niveau professionnel et au niveau des assurances puisqu’un certain nombre de compagnies peuvent, individuellement, bâtir des études et les mener avec le CNPP.

Troisièmement, nous procédons à une sélection lors de la souscription des assurances. Les assureurs n’ont de cesse – et c’est leur intérêt – de travailler à la prévention et à la protection des biens. En ce sens, ils agissent à la manière d’un filtre au moment de la souscription de l’assurance – qui est obligatoire – afin d’éviter que des biens mal protégés puissent être en exploitation. L’assurance est, en effet, devenue un passage obligé pour pratiquement toutes les professions.

En résumé, nous considérons donc que nous participons déjà par ces trois biais à la lutte contre l’incendie.

Enfin, l’assurance française est aujourd’hui l’une des plus taxées en Europe et, sans doute, le produit de masse le plus taxé dans notre pays après, peut-être, l’essence. On peut toujours imaginer de nouvelles taxes mais je crois vous avoir montré que les assureurs ne sont pas inactifs face à un risque qui les concerne directement.

M. Jean Mesqui, délégué général de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes. Concernant les sociétés d’autoroutes, la situation est relativement limpide. Depuis l’adoption de la loi de 2002, elles doivent prendre en charge les dépenses inhérentes à l’intervention des SDIS sur leur réseau en sections courantes. Elles le font suivant une convention type fixée par un arrêté de 2004. Depuis cette date, les relations avec les SDIS se sont à peu près normalisées.

Je ne peux pas dire que nous avons accepté la loi de 2002 avec beaucoup d’enthousiasme mais nous avons fait contre mauvaise fortune bon cœur et aujourd’hui, la situation est relativement satisfaisante tant pour mes confrères que pour les SDIS. La prise en charge des 19 800 interventions qui ont eu lieu en trois ans n’a pas posé de problème. Je pense que les sociétés d’autoroute et les SDIS ont trouvé un modus vivendi satisfaisant.

À votre question : « Comment peut-on financer plus les SDIS ? », je répondrai qu’on ne peut tout de même pas créer des accidents pour faire intervenir les SDIS plus souvent sur notre réseau afin de les payer plus…

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Vous avez chacun, Messieurs, des raisons différentes d’apporter votre contribution au financement des SDIS.

La taxe sur les conventions d’assurance est un impôt. Nous aimerions savoir si, à l’image de ce qui se passe dans la plupart des pays européens, les sociétés d’assurance seraient prêtes à financer les SDIS. Elles auraient, d’une certaine façon, un retour sur investissement dans la mesure où les services d’incendie et de secours, que ce soit à personne ou à biens matériels, sont, aujourd’hui, particulièrement performants et entraînent, par voie de conséquence, des coûts moindres pour les sociétés d’assurance. Quel est l’état d’esprit des sociétés d’assurance que vous représentez vis-à-vis d’une telle participation, à travers une taxe spécifique ?

M. Stéphane Penet. Les sociétés d’assurance essaient d’éviter que leurs assurés soient taxés.

Comme je l’ai rappelé, la taxe sur les conventions d’assurance a été instituée pour financer la lutte contre les incendies. Si, après avoir changé la destination de cette taxe, on en créait une nouvelle avec le même objectif, il y aurait une incohérence que les assurés auraient du mal à comprendre.

Deuxièmement, si les assureurs ont parfois eu du mal à travailler avec les SDIS et si leurs relations partenariales restent à améliorer, cela tient à une question de culture. Les assureurs ont avant tout pour vocation d’éviter qu’il y ait des incendies et leurs contributions financières vont à la prévention de ce risque, tandis que les SDIS ont, avant tout, pour mission – et c’est une mission, je le rappelle, de service public – d’éteindre des incendies – et moins de les prévenir. Le maintien du slogan « à chacun son métier » me paraît sain dans la mesure où une baisse de la fréquence des incendies entraîne, de facto, une baisse des tarifs pour les assurés, ce qui est un argument de poids dans la concurrence féroce que se livrent les assureurs.

Tel est mon état d’esprit. D’une part, l’introduction d’une nouvelle taxe parce que la précédente a été détournée de son but originel me paraît peu cohérente. D’autre part, le métier d’assureur est, avant tout, de faire de la prévention. Il y consacre beaucoup d’investissements. Ces efforts doivent se retrouver dans une modération de l’activité des SDIS. En effet, quand il y a moins d’accidents, ils interviennent moins. Il est difficile de savoir quelle aurait été, aujourd’hui, la fréquence des incendies si les assureurs n’avaient pas développé en matière de sprinklers et de politique de prévention tous les référentiels qu’ils imposent à leurs assurés, mais il est sûr que cela a eu un effet. C’est là avant tout notre métier.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Pour ce qui est des sociétés d’autoroutes, il existe, dans chaque département une convention entre le service départemental et la ou les sociétés d’autoroute qui interviennent sur le territoire départemental. Quel est le contenu de ces conventions ? Connaissez-vous le montant total des rémunérations versées par l’ensemble des sociétés d’autoroute à l’ensemble des services départementaux ?

M. Jean Mesqui. Les conventions sont conformes à la convention type publiée en 2004 par un arrêté interministériel. Elles prévoient la prise en charge des interventions des SDIS sur les sections courantes des autoroutes pour toutes les interventions qui concernent le secours à personnes, le secours pour accident de la circulation et d’autres opérations comme l’extinction de feux de véhicules.

Pour la rémunération des SDIS, l’arrêté a distingué deux cas : les interventions dites courantes, qui sont rémunérées de façon forfaitaire, et les interventions dites de longue durée et à caractère spécifique – opérations nécessitant le déclenchement de plans rouges ou opérations très importantes comme des collisions à la chaîne ou en présence de matières dangereuses –, auquel cas la rémunération est faite sur une base horaire et sur la base des coûts unitaires des moyens d’intervention des SDIS.

Toutes les conventions qui ont été signées entre les SDIS et les sociétés d’autoroute respectent ce modèle, avec quelques légères variations suivant les départements. Nous tenons compte des particularismes départementaux.

Au cours des trois dernières années, le total des sommes versées par les sociétés d’autoroute s’est élevé à 22 628 000 euros.

M. Stéphane Penet. Pour compléter mon propos, je suppose que les taxes auxquelles vous songez s’appliqueraient aux assurances de biens et de responsabilité. Or, quand on regarde la répartition des interventions des SDIS, on s’aperçoit que les interventions pour incendie sont relativement peu nombreuses par rapport au secours aux personnes qui, elles, ne concernent pas les assurances de biens et de responsabilité. Il faut veiller à garder une certaine logique dans le système des vases communicants des financements.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Vous avez raison, mais le secours à biens nécessite des moyens matériels bien plus onéreux que le secours à personne. Une grande échelle, par exemple, coûte beaucoup plus cher qu’un secours à victime.

M.  David Habib, Président. Madame, Messieurs, je vous remercie.

Audition du 28 mai 2009

À 9 heures : M. le colonel Philippe Bodino, directeur de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP), M. Michel Pastor, directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), accompagné de M. Jean-Claude Perrel, directeur financier du CNFPT, et M. le colonel Jacques Vandebeulque, responsable du pôle de compétence sécurité civile au CNFPT

Présidence de M. Georges Tron, Président

M. Georges Tron, Président. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je rappelle que les rapporteurs de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sont aussi bien membres de la majorité que de l’opposition et qu’en conséquence les rapports de la MEC sont sans parti pris.

La MEC a décidé de travailler sur ce thème après que le rapporteur spécial de la commission des Finances pour la mission Sécurité civile, M. Georges Ginesta, a constaté que les SDIS constituent un dispositif en mal de pilotage et dont l’accroissement des dépenses n’est pas totalement maîtrisé. M. Thierry Mariani est Rapporteur pour avis pour la même mission à la commission des lois. Le troisième rapporteur, M. Bernard Derosier, excusé aujourd’hui, est également membre de la commission des lois et président de conseil général.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. L’objectif de la MEC est, je le rappelle, de mettre en œuvre les principes de la LOLF afin que des résultats identiques puissent être obtenus en dépensant moins.

La formation des sapeurs-pompiers est assurée par l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP), située à Aix-en-Provence, ainsi que par plus de 80 écoles départementales. Nous devrons nous interroger sur la justification d’un tel nombre.

Dans le régime de garde aujourd’hui majoritaire – 90 jours de garde de 24 heures –, les sapeurs-pompiers n’effectuent par an que 140 interventions, d’une durée moyenne de deux heures et vingt minutes chacune. C’est assez peu. De plus, les interventions les plus consommatrices d’heures, les grands feux de forêts, sont en très forte diminution : les incendies, de toute nature, ne représentent plus que 8 % du nombre des interventions, le reste étant constitué essentiellement de secours à personne (65 %). L’insuffisance de l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers ne susciterait-elle pas, en compensation, une demande accrue de formation ?

Dans une grande majorité des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), l’entraînement sportif est rangé parmi les activités de formation. Cette classification est-elle bien pertinente ? Cette activité ne devrait-elle pas être affectée d’un coefficient réducteur ?

Est-il justifié que l’ENSOSP soit placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et que les élus locaux soient minoritaires au sein de son conseil d’administration, alors que son fonctionnement est assuré pour l’essentiel par les collectivités territoriales ? Le total des subventions des collectivités locales et du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) représente 8,5 millions d’un budget de fonctionnement de 10 millions d’euros.

Nous souhaiterions également connaître les conditions de la collaboration entre l’ENSOSP et le CNFPT dans l’élaboration du projet d’établissement de l’École.

Quels sont les montants perçus par le CNFPT au titre de la cotisation et de la surcotisation sur la masse salariale des SDIS ? Quelle est la part de ces cotisations qui n’est pas consommée ?

Enfin, pour quelles raisons la mutualisation des écoles départementales de sapeurs-pompiers n’est-elle pas plus développée ?

M. Michel Pastor, directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Il n’appartient pas au CNFPT de se prononcer sur le statut de l’ENSOSP. Nous pouvons en revanche témoigner de nos expériences.

L’ENSOSP est aujourd’hui un établissement public national. Son conseil d’administration est constitué de 24 membres, 8 représentants des collectivités territoriales, 8 représentants des personnels et 8 représentants de l’État. Cette composition reproduit un modèle de fonctionnement tout à fait classique dans les établissements publics nationaux. Elle n’appelle pas d’observation de notre part. Les qualités et les défauts – notamment en termes de vivacité d’action – de ce modèle sont connus. Les établissements publics territoriaux, où les élus disposent du pouvoir, sont, quant à eux, rapides dans leur capacité de décision. Le contrôle des élus s’y exerce directement. En même temps, leur modèle d’organisation n’est pas incompatible avec le respect des priorités fixées par l’État : des représentants de l’État peuvent venir vérifier que les décisions de l’établissement public ne sont pas en contradiction avec les orientations générales. C’est à la représentation nationale qu’il appartient de fixer le statut de l’ENSOSP. Quant à nous, nous continuerons à collaborer avec elle dans le meilleur esprit, avec pour objectif l’efficacité la plus élevée possible.

M. Philippe Bodino, directeur de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP). L’ENSOSP est en charge de la formation non pas des sapeurs-pompiers mais de leurs officiers, soit de 25 000 des 250 000 sapeurs-pompiers français. Le pilotage de la formation est assuré par la direction de la Sécurité civile. Les opérateurs de la formation sont l’ENSOSP pour les officiers, et les SDIS pour les autres personnels, dans les 85 écoles départementales évoquées par le rapporteur.

L’existence d’un lien fort entre l’État et l’ENSOSP est logique : aux termes de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, l’ENSOSP assure la cohérence nationale de la sécurité civile et évalue en permanence l’état de préparation aux risques.

L’ENSOSP a été créée en 1977. Depuis cette date, sa gouvernance a cheminé au gré des participations et des responsabilités. Jusqu’en 1994 elle constituait une branche de la sécurité civile ; en 1994 a été créé l’Institut national d’études de la sécurité civile (INESC), établissement public national dont l’ENSOSP faisait partie. Les 24 membres de son conseil d’administration, qui était présidé par un préfet, se répartissaient entre 12 représentants des collectivités territoriales et 12 représentants de l’État. La présence de l’État y était donc forte. Depuis le 12 janvier 2005, l’ENSOSP est devenue un établissement public à part entière. Sa gouvernance a de nouveau évolué. Sa présidence revient à un élu territorial. Cette évolution nous semble correcte, le financement de l’ENSOSP étant assuré pour l’essentiel par les SDIS. Notre projet d’établissement insiste sur la nécessaire autonomie de fonctionnement de l’établissement public. Elle progresse. Les membres du conseil d’administration sont tous les acteurs essentiels de la formation des officiers de sapeurs-pompiers.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Quel est l’intérêt de disposer de plus de 80 écoles sur le territoire ? La formation ne pourrait-elle pas être mieux mutualisée ?

La faible activité professionnelle des sapeurs-pompiers ne suscite-t-elle pas un besoin accru de formation ? Nous sommes dans ce paradoxe où moins de travail signifie une moindre capacité à exercer sa profession, donc un besoin accru de formation !

Enfin, quel est l’état de développement de la collaboration entre l’ENSOSP et le CNFPT ? Aujourd’hui, le risque existe que les SDIS recourent toujours aux mêmes réseaux de formateurs et ne remettent en cause les contenus des formations, notamment lorsqu’ils sont devenus obsolètes.

M. Michel Pastor. La collaboration entre le CNFPT et l’ENSOSP est tout à fait satisfaisante. La nouvelle équipe du conseil d’administration du CNFPT accorde une très grande importance à ce dossier et va désigner des élus chargés de le suivre spécifiquement.

Le CNFPT a mis en place un système de sélection des formateurs. Ce système prend en compte à la fois la législation relative aux marchés publics et une réelle volonté de mise en concurrence. Cette démarche produit déjà des effets en termes à la fois économiques et de moralisation : le dernier rapport où la Cour des comptes s’est intéressée au CNFPT en témoigne. Elle permet aussi d’assurer le renouvellement régulier de nos intervenants et offre une meilleure approche du marché de la formation. Ce marché est très mouvant : des sociétés se créent, d’autres disparaissent. Le système est assez peu régulé ; seuls quelques grands organismes y interviennent. La mutualisation est un élément essentiel. Nous disposons de 28 délégations régionales et de 5 écoles. Le système que nous avons mis au point paraît donner de bons résultats.

La coopération avec les SDIS est marquée par le faible nombre des plans de formation qu’ils ont mis en place. La loi insiste pourtant sur la nécessité pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics de disposer de plans de formation. La formation doit être considérée comme un outil de management, de dialogue social et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Pour moi, une voie de progrès pourrait être un effort spécifique de développement des plans de formation dans les SDIS. Le CNFPT – c’est un engagement que je prends au nom de notre président – est tout à fait disposé à contribuer à la construction de ces plans. Ils permettraient un meilleur usage des fonds que nous mettons à la disposition des SDIS. Nous contribuons en effet à la formation des sapeurs-pompiers sous deux formes. La première est constituée par la subvention que nous versons à l’ENSOSP : elle est consommée en totalité. La seconde est constituée par la surcotisation versée par les SDIS (0,97 % en 2009) ; la comptabilité permet de constater la présence d’un excédent, même s’il est en réduction ; autrement dit les crédits ne sont pas tous consommés.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Quel est le montant de cet excédent ?

M. Michel Pastor. Il a été proche de 3,5 millions d’euros ces deux dernières années, dont 1,8 million d’euros en 2007 et 1,5 million d’euros en 2008.

La création de plans de formation et l’utilisation des moyens du CNFPT permettraient de mieux utiliser les sommes mises à la disposition des SDIS. Les plans de formation doivent être considérés non seulement comme un moyen de se doter d’une vision stratégique de la formation mais aussi comme un outil de management. Aujourd’hui, nous élaborons de tels plans à la demande de grandes collectivités, départements ou régions. C’est une grande voie de progrès. Nous sommes tout à fait disposés à mettre nos moyens au service de la construction de plans de formation pour les SDIS.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Pourquoi les écoles départementales de sapeurs-pompiers ne sont-elles pas mutualisées ? Pourquoi n’ont-elles pas organisé entre elles la moindre coopération ? Il semble qu’il n’en existe qu’entre les deux départements alsaciens.

L’excédent cumulé de cotisations non utilisées est de 3,5 millions d’euros, nous dites-vous. Quel est le montant perçu annuellement ?

M. Jean-Claude Perrel, directeur financier du CNFPT. Entre 13,5 millions et 14 millions d’euros.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Cela correspond à 10 % d’excédents annuels ?

M. Jean-Claude Perrel. Les recettes et dépenses relatives à la formation des sapeurs-pompiers sont retracées dans un budget annexe au budget du CNFPT, mis en place depuis deux ans. Ces sommes étant aujourd’hui bien isolées, nous débattons du meilleur moyen de les utiliser. La situation est celle d’une montée en charge. Dans la mesure où nous sommes en possession de fonds disponibles, nous sommes prêts à avancer sur les plans de formation des SDIS ; l’élaboration de ces plans est aussi l’occasion de définir des stratégies de formation communes. Avec certains SDIS, il est parfois difficile de collaborer.

M. Philippe Bodino. Le CNFPT est l’un de nos partenaires institutionnels : trois personnes désignées par lui appartiennent à notre conseil d’administration, trois autres peuvent participer au conseil de perfectionnement. Le CNFPT est aussi associé à tous les groupes de travail sur l’élaboration du projet d’établissement. Dans le cadre de la mutualisation de nos moyens, nous souhaitons renforcer ce partenariat : un protocole en cours de rédaction vise à nous permettre de partager nos réseaux d’intervenants et nos plates-formes d’enseignement à distance et de nous appuyer sur les formateurs du CNFPT en matière de management, de contrôle de gestion et de finances. Nous allons donc vers un renforcement de notre coopération.

L’ENSOSP reçoit du CNFPT la cotisation prévue à l’article 12-2 de la loi du 26 janvier 1984, ainsi qu’une fraction de la surcotisation. Elle consomme l’intégralité de ces fonds et justifie de leur emploi.

À l’origine, l’ENSOSP n’avait aucune responsabilité envers les écoles départementales. La loi du 13 août 2004 lui a confié une tâche d’animation et de coordination. Encore faut-il définir ce qui est ainsi entendu. Nous avançons dans ces définitions. Cette mission est un axe stratégique important de notre projet d’établissement.

Pourquoi les écoles départementales n’ont-elles pas anticipé la mutualisation ? La question est plutôt à poser aux présidents de SDIS. Pour ma part, j’y vois deux raisons. La première est que les SDIS, alors centrés sur la mise en œuvre de leur départementalisation, n’étaient peut-être pas préoccupés par ce qui pouvait être réalisé au niveau supra-départemental. La seconde est qu’il n’est pas venu d’impulsion de l’échelon central en faveur d’une coordination.

L’ENSOSP a commencé à travailler à l’animation du réseau des écoles. Nous constatons un intérêt des SDIS pour notre plateau technique. Nous arrivons désormais à superposer des formations de niveau national et d’autres de niveau départemental, pour 40 semaines environ. Des SDIS viennent à l’ENSOSP achever pendant une semaine la formation de leurs sapeurs-pompiers et la croiser ainsi avec celle des officiers. Nous prenons également conscience de notre rôle possible de conseil technique et pédagogique envers ces écoles départementales. Nous constatons aussi que nous réussissons à engager des projets transversaux avec elles en travaillant par exemple sur les problématiques de formations ouvertes et à distance. Il y a là des sources possibles d’économies. L’École nationale pilote ce projet, et y associe les écoles départementales.

Cela dit, l’ENSOSP n’anime réellement que son réseau d’écoles chargées de mission, soit 44 écoles sur les 85. Elles sont pour nous des prestataires de services. Notre projet d’établissement vise à faire véritablement de l’ENSOSP la tête du réseau des écoles départementales.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La faible activité professionnelle des sapeurs-pompiers n’est-elle pas la cause d’une demande accrue de formation ? Faut-il vraiment que l’entraînement physique des sapeurs-pompiers soit intégré dans la formation ? Pour moi, votre absence de réponse vaut réponse.

M. Georges Tron, Président. La question est posée très clairement.

M. Philippe Bodino. Je ne voulais pas éluder la réponse. Pour moi, la justification de l’exigence de formation des sapeurs-pompiers est la somme des compétences attendues, notamment en termes de savoir-faire et de savoir-être. J’expose aux officiers que la partie opérationnelle n’est qu’une partie de leur formation, et pas forcément la plus importante. Ils seront avant tout des managers d’hommes et de services. Nous devons insister fortement sur cette part de leur activité. Même s’ils n’y consacreront pas forcément beaucoup de temps, ce temps sera un temps aigu : il ne faudra pas qu’ils se trompent. Nous devons donc travailler à leur faire acquérir un certain nombre de réflexes. La formation doit aussi s’appliquer à compenser le fait que leur métier ne les forme pas par une activité permanente.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nous sommes donc tous d’accord pour constater que travailler davantage permettrait de limiter les besoins de formation.

Quel est votre avis sur le régime de garde ?

En dix ans, l’effectif national est passé de 28 000 à 38 000 sapeurs-pompiers professionnels, sur lesquels 25 000 sont officiers ou sous-officiers. Cette année, l’effectif des capitaines est supérieur à celui des lieutenants. On compte un colonel ou lieutenant-colonel pour 70 sapeurs-pompiers professionnels – dans l’armée de terre, c’est un sergent pour 70 hommes. La rémunération des sapeurs-pompiers professionnels, et non pas les sapeurs-pompiers volontaires, représente la masse des 4,5 milliards d’euros de dépenses des SDIS, qui sont en croissance permanente. Le système n’est pas piloté. Cette situation est créatrice de dérives financières.

M. Philippe Bodino. La bonne référence est de 25 000 officiers non pas sur 38 000 mais sur 250 000 sapeurs-pompiers : le nombre d’officiers inclut les sapeurs-pompiers volontaires.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. L’essentiel des coûts est dû aux sapeurs-pompiers professionnels. De plus, le plus souvent, ce sont eux qui assurent les vacations.

M. Philippe Bodino. Les officiers représentent 6 000 des 38 000 sapeurs-pompiers professionnels. La proportion paraît raisonnable.

En tant que directeur de l’ENSOSP, je n’ai pas d’avis institutionnel sur les gardes de 24 heures. Il est vrai que, dans une garde de 24 heures, la répartition des interventions est centrée sur la journée et que l’équipe de garde est généralement maintenue pendant la nuit. Une approche fondée sur un fractionnement de ces 24 heures paraîtrait plus intéressante, judicieuse et rationnelle en termes économiques et d’organisation. Cela dit, dans une journée, le temps consacré à la formation, y compris la formation à des activités physiques et sportives, est essentiel : c’est un outil pour créer la cohésion des groupes, s’entraîner à les conduire et se préparer à l’intervention. C’est fondamental, même si la diminution du régime de travail aboutit à ce que la gestion de sa condition physique est renvoyée plutôt au sapeur-pompier lui-même qu’à l’institution : la condition physique d’un sapeur-pompier ne s’obtient pas en 90 jours.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le sapeur-pompier doit s’y intéresser 365 jours par an.

Comment les référentiels de formation et les concours de recrutement sont-ils définis ? Y a-t-il des notes éliminatoires ? Existe-t-il un référentiel national ? Le choix de ne pas recruter est-il au contraire laissé à la discrétion des SDIS ? Ne serait-ce pas alors une certaine pauvreté dans le recrutement qui amènerait à l’obligation d’une formation accrue, elle-même source de dépenses supplémentaires ? Ne faut-il pas être plus rigoureux ?

M. Philippe Bodino. Les référentiels de formation sont définis par la direction de la Sécurité civile, en harmonie avec les représentants et les instances de la profession, comme la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS).

Un référentiel des emplois, des activités, de la formation des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires a été établi. Il traite de tous les sujets, y compris des tâches des formateurs, et est extrêmement précis ; il l’est même sans doute parfois trop pour un métier en constante évolution. Ce référentiel fixe aussi l’évaluation des formations. Cette évaluation est parfois très lourde : les résultats de leur évaluation finale préoccupent parfois les officiers de sapeurs-pompiers en formation au détriment même de leur apprentissage. Des réflexions sont en cours pour réduire la pression exercée par l’évaluation.

Le contenu des concours est aussi défini par la direction de la Sécurité civile. Dans ses réflexions, elle s’appuie sur l’ensemble des professionnels. Les projets de textes sont soumis à une commission spécialisée ; je ne crois pas qu’il soit possible de déroger à cette procédure.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Des notes minimales en deçà desquelles le candidat aura échoué ont-elles été instituées ? Si oui, sont-elles nationales ou établies par chaque SDIS ?

M. Philippe Bodino. Il existe des notes minimales nationales, à la fois pour la moyenne et par épreuve. Pour les officiers en formation, la note moyenne aux épreuves doit être de 12.

M. Jacques Vandebeulque, responsable du pôle de compétence sécurité civile au CNFPT. Je représente le CNFPT dans les différents concours qu’organise la direction de la sécurité civile. Je peux témoigner qu’hier, pour l’examen professionnel de commandant, la note moyenne minimale a été fixée à 10 sur 20. La note éliminatoire est de 5 pour le dossier technique et de 8 pour les épreuves de questionnaire et d’entretien avec le jury. Cet examen comprend en effet trois épreuves : un dossier individuel, un questionnaire professionnel et un entretien avec le jury ; 450 candidats se sont présentés et 201 ont réussi l’examen professionnel. Au concours interne de lieutenant de sapeurs-pompiers professionnels, 600 candidats se sont présentés et 64 ont été reçus. Les notes sont évidemment plus contraignantes en cas de concours que d’examen professionnel.

Peut néanmoins se poser la question de l’adéquation entre les épreuves et les tâches demandées ensuite aux personnels. Sans doute conviendrait-il de réévaluer les critères.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. A priori, des notes de 5 et 8 sur 20 ne sont pas très contraignantes.

M. Jacques Vandebeulque. Ce sont les critères d’analyse du dossier qui sont déterminants.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. J’ai été rapporteur de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004. Pourquoi le décret d’application relatif au statut des élèves-officiers n’est-il toujours pas paru ? Est-il vrai, comme on a pu le lire, que les organisations de sapeurs-pompiers revendiqueraient un niveau de rémunération des élèves sapeurs-pompiers supérieur à celui des élèves de l’INET (Institut national des études territoriales) ou de l’ENA ?

M. Philippe Bodino. Le décret a été rédigé. Il s’est ensuite heurté à une difficulté de différenciation de traitement entre les élèves-officiers de provenance externe et interne. Les élèves-officiers de provenance interne sont parfois d’anciens sous-officiers, qui peuvent bénéficier d’un régime indemnitaire, d’un logement de service ou d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires. Venir en formation pouvait diminuer leurs émoluments et leur faire perdre leur appartenance à la catégorie active, comptabilisée pour la retraite.

À l’ENSOSP, nous avons proposé de différencier la rémunération des officiers de provenance externe et celle des officiers de provenance interne. Les officiers de provenance externe pourraient être pris en compte par les dispositifs prévus, via leur recrutement par le CNFPT, et payés non comme des officiers mais comme des sergents. Les officiers de provenance interne continueraient, eux, à être employés par le SDIS dont ils dépendent. Le SDIS percevrait l’indemnité offerte aux officiers de recrutement externe et prendrait en charge la différence. Cette proposition paraissait faire l’unanimité. Une articulation doit être trouvée avec une réforme de la filière, actuellement à l’étude.

M. Georges Tron, Président. Vous nous avez rendu compte de l’existence d’un blocage et de ses raisons. Il reste que la loi a été votée il y a maintenant cinq ans. Qui bloque ?

M. Philippe Bodino. Le texte ne satisfaisait ni les organisations syndicales, ni les officiers eux-mêmes, qui se voyaient perdants.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Les élèves-officiers seraient ainsi mieux payés que les élèves de l’ENA ?

M. Philippe Bodino. La réponse est non pour un élève de provenance externe, qui est moins bien rémunéré qu’un élève de l’ENA.

Mais un officier de provenance interne qui a déjà plusieurs années de métier, qui est logé, qui a acquis une situation doit se dire qu’après avoir passé un concours pour devenir officier, il va pendant dix-huit mois voir sa feuille de paie diminuer de 500 ou 600 euros et perdre le bénéfice de son appartenance à la catégorie active. Cependant, des éléments de solution existent. Le dialogue social continue. Une difficulté est que la solution envisagée, qui paraît acceptable, doit être harmonisée avec le chantier de la refonte de la filière. On va ainsi devoir décider si les élèves seront des élèves-lieutenants ou des élèves-capitaines.

M. Georges Tron, Président. Même si je me réjouis de votre réponse et de votre conclusion, il est édifiant de constater que, cinq ans après avoir été votée, une loi peut ne pas être applicable !

M. Michel Pastor. La question des rémunérations des élèves est particulièrement sensible pour le CNFPT. Un directeur général d’une collectivité de moins de 40 000 habitants qui réussit le concours d’administrateur, ou un bibliothécaire qui réussit celui de conservateur du patrimoine conservent leur rémunération : une indemnité différentielle compense la différence éventuelle entre leur traitement précédent et celui qu’ils perçoivent pendant leur formation. En revanche, en accord avec l’État, nous n’avons jamais cédé sur les avantages en nature : nous ne compensons pas la perte d’un logement ou d’une voiture de fonction. Dans l’hypothèse où les propositions que nous venons d’entendre seraient retenues, les collectivités territoriales se verraient confrontées à un accroissement de charges pour tous les lauréats reçus aux concours internes et précédemment affectés dans des emplois fonctionnels. En accord avec la direction générale de l’Administration de la fonction publique (DGAFP), notre doctrine a été l’alignement, au centime près, sur les pratiques de l’État. Si la solution proposée était acceptée, elle ne se limiterait pas au monde des sapeurs-pompiers : elle nous confronterait immédiatement à des revendications que nous n’avons jusqu’ici pas satisfaites.

Pour le reste, nous pensons, au CNFPT, que nous ne disposons pas des compétences nécessaires aux formations techniques des sapeurs-pompiers. Nous nous appuyons donc sur les écoles spécialisées de l’État ou sur les établissements publics nationaux.

En revanche, pour nous, dans les domaines du management, des finances, de la conduite de projet, l’approche du monde des collectivités territoriales doit être celle du mélange des publics. Nous avons ainsi mis en place une formation partiellement commune des administrateurs territoriaux et des élèves de l’ENA. Le module commun ENA-INET a repris le module finances de l’INET, ainsi adopté par nos collègues de l’ENA. Nous sommes tout à fait disposés, pour les différentes étapes de la carrière des officiers, voire pour la formation des officiers de premier niveau en région, à mettre nos produits à disposition de l’ENSOSP. L’un de nos cycles de formation, le cycle supérieur de management, a déjà été suivi par des officiers de sapeurs-pompiers.

M. Georges Tron, Président. Messieurs, merci beaucoup.

À 10 heures : M. le colonel Richard Vignon, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)

M. Georges Tron, Président. Nous accueillons M. le colonel Richard Vignon, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, accompagné de M. le colonel Lincheneau, secrétaire général, et de M. Guillaume Bellanger, directeur général.

Les auditions de notre mission d’évaluation et de contrôle se déroulent d’une manière interactive, avec des questions et des réponses aussi brèves que précises, et sans aucune considération partisane. Nos rapporteurs sont MM. Georges Ginesta, Rapporteur spécial de la commission des Finances pour la mission Sécurité civile, Thierry Mariani, Rapporteur pour avis de la commission des Lois, qui rapporta également la loi sur la modernisation de la sécurité civile, et Bernard Derosier, membre de la commission des Lois – dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La mission que nous ont confié le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances consiste à déterminer les moyens permettant d’endiguer l’accroissement des dépenses des services d’incendie et de secours (SDIS) dont le budget a augmenté globalement de 245 % entre 1996 et 2007 et de 43 % depuis 2001, date de la fin de la départementalisation. Quelles seraient selon vous les mesures à prendre en ce sens ?

Par ailleurs, le régime de garde de 24 heures est-il le plus adapté d’un point de vue financier dès lors qu’entre onze heures du soir et sept heures du matin, les interventions sont très peu nombreuses ? Le nombre annuel de jours de garde, par ailleurs, est de 90 et les sapeurs-pompiers professionnels ne réalisent que 140 interventions par an dont la durée moyenne s’élève à deux heures vingt. Travaille-t-on correctement en exerçant si peu ? Une telle situation n’implique-t-elle pas de nouveaux besoins de formation, donc de nouvelles dépenses ?

Je rappelle, enfin, que les collectivités locales consacrent déjà 4,5 milliards d’euros aux SDIS et l’État près d’un milliard.

M. Richard Vignon, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Selon l’enquête annuelle sur les SDIS, commandée par l’Assemblée des départements de France (ADF), la croissance certes importante du budget des SDIS depuis une dizaine d’années s’est très sensiblement ralentie depuis deux ou trois ans – s’agissant notamment des contributions des conseils généraux. Comme le disposait la loi dite de départementalisation, les transferts de l’ensemble des corps communaux à un établissement public devaient être assurés, de même qu’il importait de combler les retards accumulés s’agissant des casernements et des personnels mais également des équipements matériels. À cela s’est ajoutée la loi sur les 35 heures, dont l’impact sur la masse salariale ne pouvait qu’avoir des conséquences financières pour les 38 000 sapeurs-pompiers professionnels.

En outre, et même si nous comprenons évidemment votre souci de limiter les dépenses publiques, notre budget de la sécurité civile est tout à fait comparable à celui que d’autres pays européens tels l’Angleterre ou l’Allemagne consacrent à des services identiques et il est bien entendu très inférieur, par exemple, à celui dédié à la culture ou à l’agriculture dans notre pays.

La remise en cause des gardes de 24 heures, système le plus répandu et qui a fait historiquement ses preuves, quant à elle, coûterait bien plus cher que son maintien, les sapeurs-pompiers professionnels étant présents dans leur caserne près de 2 400 heures par an. Un régime « heure pour heure » - les « trois-huit » ou les « douze-douze » -, s’il serait conforme aux préconisations de la Commission européenne, ne manquerait pas d’entraîner une hausse des effectifs des sapeurs-pompiers professionnels, comme nous l’avons d’ailleurs constaté dans les départements qui appliquent ce système et qui comptent 25 % de personnels en plus par rapport à d’autres départements comparables. La FNSPF est donc attachée au régime de 24 heures de garde, qui présente le meilleur rapport entre coût et qualité du service. De nombreux sapeurs-pompiers y sont très attachés.

Par ailleurs, si les interventions nocturnes diminuent - d’où la pondération de nos effectifs -, nous devons aussi maintenir une forte couverture de risques et c’est précisément cette dernière qui coûte le plus cher - la disparition éventuelle de toute activité opérationnelle n’entraînerait quant à elle qu’une économie de 6 % environ.

Enfin, si nous passons 300 heures par an en intervention - avec le stress que cela comporte - et qu’un fonctionnaire doit en effet travailler 1 600 heures, nous consacrons l’essentiel de notre temps de travail à l’entraînement, à la formation, au maintien des matériels, à la prévention, à la sensibilisation aux risques. Si un boulanger a tôt fait de vendre une baguette, on ne peut pas dire qu’il en aille ainsi de sa fabrication !

M. Georges Tron, Président. Permettez-moi une remarque de méthode. S’il me paraîtrait opportun d’effectuer des comparaisons, mutatis mutandis, avec des services de secours étrangers, la MEC se refuse en revanche absolument à entrer dans une logique de comparaison entre les différents services publics français, chacun d’entre eux étant alors inévitablement amené à faire valoir que, compte tenu de ses moyens et de ses missions, il ne se débrouille pas plus mal qu’un autre. La question essentielle, en l’occurrence, est de savoir si les dépenses engagées pour les SDIS pourraient être moindres, ou non.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si l’augmentation de la dépense publique pourrait se comprendre en raison d’un accroissement des tâches, je rappelle que le nombre de vos interventions, autour de quatre millions par an, soit 11 000 par jour – stagne depuis une dizaine d’années alors que les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels, dans le même temps, sont passés de 28 000 à 38 000. Travaillant moins, ces derniers doivent être plus formés mais, je le répète, exerce-t-on correctement un métier que l’on pratique peu ? Plus encore, la meilleure des formations n’est-elle pas la pratique ?

Par ailleurs, la dépense publique se justifie par une quantité de travail et non de formation. Si le boulanger dont vous avez parlé vit de son travail, le service public vit quant à lui de l’argent du contribuable et donc, d’une certaine façon, du boulanger. Parce que les situations ne sont pas tout a fait comparables, il me semble urgent de favoriser une prise de responsabilité globale. De la même manière, si l’on doit comparer nos SDIS avec ceux d’autres pays, comme l’a justement dit notre Président, il ne faut tenir compte que des seuls effectifs de sapeurs-pompiers professionnels. Enfin, est-il logique que ces derniers fassent des vacations – dont le paiement n’est pas imposable - alors qu’elles avaient été prévues à l’origine pour les seuls sapeurs-pompiers volontaires ?

M. Richard Vignon. Sur le premier point, je ne peux rien ajouter à ce que j’ai déjà dit mais j’invite M. le Rapporteur à venir en mission avec nous afin qu’il se fasse une idée peut-être plus précise de ce que représentent ces 300 heures d’intervention.

Nous pourrions préciser les chiffres : si le nombre d’interventions a été proche de quatre millions en 2008, il était de 3,78 millions en 1999. En outre, prendre 1999 comme année de référence conduit à occulter l’impact exceptionnel des tempêtes de décembre sur l’activité opérationnelle des SDIS et à fausser la perception. Si les effectifs ont en effet augmenté de 25 % entre 1998 et 2008, les interventions ont crû elles aussi de 15 %, ce ne sont pas les seules interventions qui justifient le nombre de sapeurs-pompiers professionnels mais bel et bien le niveau de couverture de risques - décidé par les élus locaux dans le cadre du schéma directeur d’analyse et de couverture des risques (SDACR) -, lequel conditionne par exemple la rapidité des interventions. Il me semble que la prise de responsabilité globale appelée de ses vœux par M. le Rapporteur existe déjà : les élus, les administrateurs et les présidents des SDIS cherchent tous à promouvoir une gestion toujours plus efficace.

De surcroît, si des sapeurs-pompiers professionnels effectuent des vacations, c’est qu’ils ont aussi contracté un engagement de pompier volontaire : comme n’importe quel citoyen, notamment fonctionnaire, ils peuvent en effet avoir ce double statut qu’il serait absurde de leur interdire. Néanmoins, loin de moi l’idée de nier que ces vacations peuvent parfois masquer des heures supplémentaires - ce que nous condamnons - mais force est de reconnaître aussi que tout le monde y trouve son compte comme le reconnaissent d’ailleurs des membres de votre commission.

M. Georges Tron, Président. Si tel est bien le cas, pourquoi ne pas procéder à une évaluation et légaliser cette façon de faire ?

M. Richard Vignon. La FNSPF ne peut que condamner cette pratique consistant à faire passer une partie du service d’un sapeur-pompier professionnel en vacation de pompier volontaire alors que le fonctionnaire devrait être payé en heures supplémentaires. Toutefois, outre qu’une évaluation serait en effet judicieuse, il me semble que les finances publiques sont mathématiquement gagnantes.

M. Georges Tron, Président. N’est-il pas de notre devoir d’en tenir compte d’une manière ou d’une autre ?

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Surtout, n’est-il pas paradoxal de prétendre que 90 jours de garde annuels suffisent alors que les sapeurs-pompiers font par ailleurs des vacations dont le mode de paiement entraîne aussi une perte de recettes pour l’État ?

Vous avez par ailleurs raison d’insister, Monsieur Vignon, sur la bonne gestion de certains élus locaux mais également sur la dimension européenne des questions qui nous préoccupent puisque nous serons peut-être financièrement contraints de mettre en place la garde de huit heures. Comment, en effet, rémunérer en heures supplémentaires de nuit des heures effectives de repos puisque l’augmentation du nombre de pompiers a diminué le nombre de leurs interventions individuelles ? Dans ce cas-là, les sapeurs-pompiers professionnels seront présents 200 jours par an dans leur caserne et effectueront 1 600 heures de temps de travail. Ne pourrait-on donc pas chercher ensemble des moyens d’être plus vertueux ? J’ajoute que les incendies, dont l’extinction prend toujours du temps, ne représentent plus que 8 % du nombre des interventions et, parmi eux, les incendies de forêt - qui sont les plus « chronophages » -, que 0,8 %.

Enfin, nous devons réfléchir à une répartition des tâches plus stricte entre SDIS et SAMU.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Si je suis d’accord avec M. Ginesta s’agissant de la révision des modalités de garde, je précise qu’il n’a jamais été question de supprimer le double statut pour les sapeurs-pompiers professionnels, système dont tout le monde a des raisons de se féliciter.

Par ailleurs, comment expliquez-vous les disparités départementales dans la répartition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et quelle serait selon vous la répartition idéale ?

M. Richard Vignon. Je voudrais rappeler à Monsieur Ginesta que les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls fonctionnaires à faire des vacations en tant que sapeurs-pompiers volontaires mais qu’il en est également ainsi pour de nombreux gendarmes ou policiers par exemple. Cela signifie-t-il pour autant qu’ils ne travailleraient pas assez dans leur « métier de base » ? Je ne le crois pas. Depuis les 35 heures en particulier, n’est-il pas tout à fait honorable de consacrer du temps à un engagement civique ?

S’agissant de la modalité de garde, je rappelle que les sapeurs-pompiers sont présents en moyenne 2 400 heures par an en caserne : ce n’est pas rien ! Quoi qu’il en soit, la question du temps de travail, qui n’a jamais été simple, ne constitue plus pour la FNSPF un cheval de bataille.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il ne s’agit pas d’être simple mais économe.

M. Richard Vignon. Vaste programme ! Je vous souhaite bon courage !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est précisément pour cela que nous voulons vous y associer.

M. Richard Vignon. Nous ne le souhaitons pas : la question du temps de travail est réglée et il est préférable d’en rester là.

Par ailleurs, un arrêté des ministères de la Santé et de l’Intérieur clarifie les compétences respectives des SDIS et du SAMU en rappelant que les services publics sont en charge du secours public et que les transports sanitaires relèvent de la responsabilité des ambulanciers privés - lesquels sont d’ailleurs en nombre insuffisant puisque nous réalisons 160 000 interventions qui devraient relever de ces derniers.

Il est vrai que si la répartition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est assez hétérogène - sans doute pour des raisons historiques et culturelles, le nord-est de la France se caractérisant par exemple par une forte culture de l’engagement volontaire - notre modèle de sécurité civile n’en repose pas moins sur leur complémentarité. Faire bouger les lignes, quoi qu’il en soit, demeure difficile car il en va de la volonté des citoyens.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Pourquoi selon vous le décret d’application de la loi sur la modernisation de la sécurité civile de 2004 portant statut d’élèves officiers n’a-t-il pas encore été pris ?

Avec 80 écoles départementales - qui manquent d’ailleurs de coordination - comment améliorer la rentabilité de notre système de formation ?

Les pompiers volontaires disposant d’une formation équivalente à celle des professionnels et leur carrière ne durant en moyenne que huit ans, faut-il revoir cette dernière ou encourager des engagements plus longs ?

M. Richard Vignon. Aucun statut juridique acceptable des élèves officiers n’a été trouvé. De la même manière, si un officier attaché à un SDIS est un fonctionnaire public territorial, qu’advient-il juridiquement dès lors qu’il est mis à disposition de l’État ou d’une autre collectivité que la sienne, dans des conditions financières d’ailleurs le plus souvent précaires ? Parce que nul ne le sait précisément, il serait sans doute opportun de créer un centre national de gestion de leur carrière.

Par ailleurs, si la présence d’une école dans chaque département me semble indispensable – ne serait-ce que pour des raisons pratiques –, toutes n’ont pas le même coût en fonction des équipements dont elles disposent. La mutualisation des moyens de celles qui bénéficient de plateaux techniques importants me paraît souhaitable.

Si les sapeurs-pompiers volontaires ont, pour une part seulement, la même formation que les professionnels, ils doivent effectuer 240 heures de formation initiale qu’ils peuvent répartir sur trois ans quand les seconds doivent en faire 640 en une année sans que les mêmes missions leur soient d’ailleurs toujours confiées. Quoi qu’il en soit, une réflexion s’impose quant à leur formation – selon nous trop longue – car il serait sans doute possible, avec d’autres moyens pédagogiques, de faire mieux et plus rapidement même si la polyvalence des interventions demeure un atout fondamental.

Enfin, si les sapeurs-pompiers volontaires ne restent en effet que huit ans en moyenne dans nos rangs, je note que la carrière d’une femme médecin, par exemple, est également plus courte que celle de ses confrères masculins malgré une formation identique ; pour autant, personne n’imagine un seul instant réduire leur formation. Il n’en demeure toutefois pas moins vrai que la fidélisation constitue un problème important auquel la mission « Ambition volontariat » que la ministre de l’Intérieur a confiée à M. Luc Ferry devrait permettre de réfléchir, le turn-over presque permanent étant très coûteux pour les SDIS.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Le regroupement de 13 départements du sud-est n’a pas amélioré la coordination de la formation.

M. Richard Vignon. Si, puisque la formation de base est effectuée dans chacune des écoles départementales et que l’école d’application de sécurité civile (ECASC) de Valabre, dans les Bouches-du-Rhône, prend en charge les étapes suivantes. Cet exemple est tout à fait convaincant.

M. Georges Tron, Président. Je vous remercie.

À 10 heures 55 :

– M. Ludovic Pinganaud et M. Jean-Frédéric Biscay, représentant Avenir-Secours ;

– M. Stéphane Bœuf, membre de la direction nationale CGT des agents des SDIS, et M. Bruno Lebel, responsable de la direction nationale CGT des agents des SDIS ;

– M. Thierry Foltier, délégué national à la branche SDIS CFDT et secrétaire général du syndicat CFDT-Interco du Cher, et M. Sébastien Bouvier, du syndicat CFDT-Interco de l’Ain, pour la Fédération Interco-CFDT ;

– M. André Goretti, président fédéral et M. Bruno Collignon, secrétaire général de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés (FASPP/PATS) ;

– M. Daniel Nouaillac et M. Richard Beaume, pour la Fédération des personnels des services publics et de santé Force Ouvrière ;

– M. Patrice Beunard, président, et M. Jean-Michel Piedallu, secrétaire général, pour le Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels (SNSPP-CFTC)

Présidence de M. Georges Tron, Président

M. Georges Tron, Président. Je vous remercie, Messieurs, de votre présence. La mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances s’interroge sur le bien fondé des dépenses publiques et sur les moyens d’en améliorer l’efficience. Elle publie quatre ou cinq rapports par an sur des sujets aussi variés que le financement des services d’incendie et de secours ou des musées, les opérations militaires extérieures ou les pôles de compétitivité. Elle fonctionne de manière interactive et non partisane. Ainsi, je la co-préside avec M. David Habib, qui appartient au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Notre table ronde est donc consacrée au financement des services d’incendie et de secours. Nos rapporteurs sont MM. Georges Ginesta, Rapporteur spécial de la commission des Finances pour la mission Sécurité civile, Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des Lois pour la même mission, qui fut par ailleurs rapporteur de la loi sur la modernisation de la sécurité civile, et Bernard Derosier, membre de la commission des Lois - dont je vous prie en l’occurrence de bien vouloir excuser l’absence.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances ont souhaité l’organisation de ces auditions à la suite d’un double constat : non seulement les départements consacrent chaque année 4,5 milliards d’euros à la sécurité civile et l’État, près d’un milliard, mais le budget des SDIS ne cesse de croître sans qu’il soit possible d’en dire autant du nombre des interventions, qui demeure depuis une dizaine d’années de 4 millions par an environ. Dans le même temps, les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels sont eux aussi passés de 28 000 à 38 000 ; le nombre de jours de garde, qui se situaient aux alentours de 130 ou 135, a chuté à 90, chaque pompier effectuant en moyenne 140 interventions par an qui durent deux heures vingt environ. Un exercice si bref n’exige-t-il pas un surcroît de formation et n’implique-il donc pas une dépense supplémentaire alors que nous cherchons précisément, avec vous, les moyens de la réduire ou de la stabiliser ? A cela s’ajoute que l’Union européenne risque d’imposer l’organisation de gardes de huit heures, toute présence dans la caserne étant dès lors comptée comme temps de travail. Les fonctionnaires devant travailler 1 600 heures par an, le nombre de jours de présence annuel dans les casernes serait ainsi de 200.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Je souscris bien entendu à ces propos : si nous sommes tous persuadés de la nécessité et de la grande valeur des missions des sapeurs-pompiers, nous ne sommes pas moins comptables de la dépense publique et nous devons trouver ensemble les moyens de la limiter.

M. Georges Tron, Président. Pour ce premier tour de table, Messieurs les représentants du syndicat Avenir-Secours, vous avez la parole.

M. Ludovic Pinganaud. À l’issue de cette audition nous vous remettrons un document faisant état des principales réflexions du syndicat Avenirè-Secours.

Si nous sommes un peu contrariés d’avoir lu dans Que choisir ? Un article consacré aux conclusions que la MEC aurait d’ores et déjà tirées sans que les organisations syndicales aient été entendues, nous sommes par ailleurs conscients des réels problèmes qui se posent sur le plan financier, nous aurons l’occasion de revenir.

Nous pensons en outre qu’à l’instar de ce que coûte l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères, le contribuable doit savoir précisément combien coûte l’organisation des secours dans notre pays : il constatera alors qu’elle est la moins onéreuse d’Europe bien que les missions assurées par nos sapeurs-pompiers soient les plus étendues.

M. Jean-Frédéric Biscay. Il est bien entendu tout à fait naturel que vous cherchiez à diminuer la dépense publique. M. Ginesta, dans son dernier rapport spécial sur la sécurité civile, note que malgré la fin de la départementalisation, les coûts de fonctionnement et d’investissement des SDIS ne cessent de croître. Or, la loi de 1996 a été tardivement appliquée dans les départements, nombre d’entre eux n’ayant commencé à la mettre en œuvre qu’en 2001. Elle a en outre été ralentie par les 35 heures, qui ont aussi compliqué notre organisation, notamment en termes de personnels.

Enfin, parce qu’avec le système communal jusqu’alors en vigueur nous partions de loin, il me paraît préférable de parler d’« évolution budgétaire nécessaire » plutôt que de laisser entendre qu’il y aurait eu une véritable dérive.

M. Georges Tron, Président. Merci. Quel est le point de vue de la CGT ?

M. Bruno Lebel. Le document introductif qui nous a été remis de votre part évoque un « système institutionnel actuel de gestion à trois, avec l’État, les sapeurs-pompiers et les représentants des élus locaux ». Or, il est faux de prétendre que les seconds seraient co-gestionnaires.

Par ailleurs, tout le monde savait que la départementalisation aurait un coût – on évoque une hausse des dépenses de 246 % – mais il convient tout d’abord de préciser qu’il fallait mettre fin à toutes les aberrations concernant l’organisation précédente du temps de travail.

De surcroît, aucun élu ne mentionne les économies induites par les missions des sapeurs-pompiers, même si elles sont difficilement chiffrables : combien d’usines sauvées ? Combien de temps passé en moins à l’hôpital pour les personnes malades ou accidentées ?

Est-ce par plaisir que les effectifs ont crû de 10 000 personnes depuis la départementalisation ? Lorsque l’on sait la difficulté que nous avons à faire inscrire trois postes budgétaires supplémentaires au tableau des emplois, je gage que ces 10 000 sapeurs-pompiers n’ont pas été embauchés à la légère mais en raison même des besoins suscités par la départementalisation et la création des groupements territoriaux fonctionnels. Cela n’empêche évidemment pas de nous interroger ensemble sur certaines dérives – je pense notamment au nombre de lieutenants-colonels ou d’agents de catégorie A par rapport aux majors –, notre mission semblant devenir de plus en plus administrative et de moins en moins opérationnelle.

En outre, si le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels a entraîné de 2001 à 2004 la création de 5 300 emplois, nous n’avions jusqu’à sa parution aucune règle statutaire en matière de temps de travail.

Par ailleurs, nous allons au-devant de difficultés en matière d’organisation de la sécurité civile : la loi de départementalisation tendait à faire passer le nombre de sapeurs-pompiers volontaires de 250 000 à 500 000. Or, ils sont aujourd’hui moins de 200 000, service de santé et de secours médical (SSSM) compris, ce qui pose déjà des difficultés d’organisation de secours. Avec qui le ministère de l’Intérieur pourra-t-il donc, comme il le prétend, « placer la protection de la population au cœur de la sécurité nationale » ? Une fois n’est pas coutume, la CGT est d’accord avec le directeur de la Sécurité civile : la diminution du nombre de sapeurs-pompiers volontaires entraînera mécaniquement des recrutements de sapeurs-pompiers professionnels.

Enfin, contrairement à ce que dit M. le Rapporteur, nos interventions ne diminuent pas mais augmentent de 160 000 chaque année.

M. Georges Tron, Président. Pour la Fédération INTERCO-CFDT, M. Foltier, vous avez la parole.

M. Thierry Foltier. À notre avis, plusieurs points qui ne figurent pas dans votre questionnaire concourent aussi à la dérive des coûts et auraient mérité d’y être soulevés. Nous pensons à une politique immobilière que nous jugeons un peu débridée, à l’absence de mutualisation – voire de cahiers des charges-types – pour l’achat des matériels, enfin aux conditions dans lesquels les prix de ceux-ci augmentent chaque année : un fourgon pompe-tonne vendu 120 000 euros en 2001 en coûte désormais 180 000. Nous vous remettrons un document écrit récapitulant nos positions sur l’ensemble des questions posées.

M. Georges Tron, Président. M. Goretti, président de la Fédération autonome FASPP/PATS.

M. André Goretti. Nous avons, nous aussi, préparé une déclaration écrite reprenant l’ensemble de nos réponses aux questions que vous nous avez adressées.

Les personnels que nous représentons seront très attentifs aux conclusions du rapport que vous préparez. Qu’attendent les sapeurs-pompiers d’une mission de contrôle des SDIS ? Aujourd’hui, les questions financières sont mises en avant. Sans préjuger de vos futures conclusions, il nous apparaît surprenant, voire attristant, que l’évaluation et le contrôle des SDIS soient réduits à la seule maîtrise des dépenses publiques.

Monsieur Ginesta insiste sur les effectifs, sur le temps de travail, ainsi que sur les besoins de formation, qui seraient liés au peu de temps que les sapeurs-pompiers passent en intervention. Mais, en tant que fonctionnaires territoriaux, nous sommes régis par des textes. L’augmentation des effectifs à partir de décembre 2001 est due au fait que les sapeurs-pompiers ont alors été traités comme les autres fonctionnaires, dont le régime de temps de travail avait été réglé par des dispositions parues antérieurement. Le temps de travail des sapeurs-pompiers a été de nouveau modifié en 2005.

Ne faut-il pas lier aussi l’évolution des effectifs aux difficultés croissantes de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires ? Ceux-ci, dites-vous, pourraient à l’avenir ne faire partie de nos corps que pendant huit ans. Si nous voulons être certains aujourd’hui qu’à l’avenir les citoyens français pourront tous profiter des mêmes services publics de secours, encore faut-il qu’il y ait partout l’effectif de sapeurs-pompiers nécessaire.

Nous nous demandons par ailleurs s’il faut mettre sur le même plan le service public de secours et le ramassage des ordures ménagères…

Enfin, monsieur Ginesta, lorsque, au motif qu’un sapeur-pompier n’intervient en moyenne que pendant deux heures et dix minutes sur une garde de 24 heures, vous envisagez que les sapeurs-pompiers travaillent en cycles de huit heures, je vous signale que, compte tenu des règles rappelées par l’Union européenne le 28 avril 2009, l’augmentation du nombre d’équipes ainsi induite aboutira à une hausse des coûts double de celle que vous dénoncez aujourd’hui.

M. Georges Tron, Président. Pour la Fédération Force ouvrière, M. Beaume, vous avez la parole.

M. Richard Beaume. Nous vous remettrons également un document. D’ores et déjà, je tiens à rappeler que Force Ouvrière avait souligné avec force que la loi du 3 mai 1996 relative aux services départementaux d'incendie et de secours ne comportait pas de volet financier. Nous jugions utopique la promesse d’une départementalisation à coût nul, notre prévision s’est largement vérifiée.

De plus, les municipalités ont cessé d’investir quand la perspective de la loi de décentralisation a commencé à s’affirmer. Lorsque la loi a été adoptée, des retards parfois considérables s’étaient installés en termes d’effectifs, de matériels, de bâtiments. La hausse des budgets destinés aux SDIS a été la conséquence d’une nécessaire remise à niveau.

La départementalisation a aussi entraîné la mise en place du régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels, qui avait été retardée, contrairement à celle des autres fonctionnaires territoriaux. Cette situation explique aussi la hausse actuelle des coûts.

Troisième point, monsieur le Rapporteur, vous partez de la constatation que le nombre d’interventions des sapeurs-pompiers n’avait pas augmenté pour vous interroger sur les justifications de l’accroissement du nombre de sapeurs-pompiers professionnels et de la hausse des coûts. Mais les techniques opérationnelles des pompiers ont changé ! Dans les années 1990 à 1995, une intervention de secours routier auprès de trois victimes était, la plupart du temps, conduite au moyen d’un seul véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV). Le cas échéant, ce VSAV était utilisé pour transporter les trois victimes. Aujourd’hui, une même intervention sera menée avec trois VSAV, et donc trois fois trois sapeurs-pompiers. Nous avons dû réapprendre entièrement notre métier ! Les interventions engagent beaucoup plus de personnel aujourd’hui qu’il y a dix ans. L’évolution du nombre d’interventions n’est donc pas le critère pertinent pour analyser l’augmentation des coûts.

M. Georges Tron, Président. Nous terminons cette première série de réponses avec le Syndicat national SNSPP-CFTC.

M. Patrice Beunard. Je rejoins tout à fait les propos qui viennent d’être tenus.

Le processus de départementalisation des SDIS a commencé en 1996. Depuis lors des dispositions ont permis d’harmoniser la situation des sapeurs-pompiers sur le territoire national : temps de travail, régime indemnitaire, formation, enfin nature et méthodes des interventions, point auquel se rattache la limitation à une seule victime du transport par VSAV. Autrement dit, les sapeurs-pompiers travaillaient auparavant dans des conditions pour ainsi dire de bric et de broc, qu’il s’agisse de la qualité des prestations ou du temps de travail, dont les variations pouvaient être considérables selon les collectivités. Cette harmonisation a amené à connaître beaucoup plus précisément le coût des services d’incendie.

Nous sommes favorables à une éventuelle identification fiscale du coût de ces services, à l’exemple de la redevance pour l’enlèvement des ordures ménagères. Les contribuables – dont les sapeurs-pompiers professionnels font partie – pourront ainsi connaître très exactement leur coût.

Je rejoins également mes collègues sur le point très important du lobbying industriel. Avant 1994, on pouvait voir des sapeurs-pompiers professionnels intervenir dans des tenues très disparates, et parfois relativement peu protectrices. Inversement sont apparus aujourd’hui des équipements de protection individuelle dont le coût est colossal. Il a fallu habiller non pas seulement les sapeurs-pompiers professionnels, mais aussi tous les sapeurs-pompiers volontaires. De plus, le prix de vente par exemple d’une motopompe sera facilement plus élevé de 30 % si elle est peinte en rouge et vendue à un SDIS que si elle est destinée au secteur du bâtiment ! Il pourrait être intéressant de se pencher sur ce point.

Par ailleurs, la mise à niveau entamée en 1996 n’a commencé à trouver son achèvement que vers 2000.

J’attire votre attention sur le rapport que le député Jacques Fleury a consacré en 2000 à la départementalisation des SDIS. Nombre d’éléments qu’il mettait en avant à l’époque semblent aujourd’hui absents de vos réflexions. Parfois, celles-ci nous font mal. Nous avions dénoncé un certain nombre d’éléments avant et pendant la départementalisation.

Les techniques de travail ont aussi considérablement évolué. Elles ont induit la nécessité de développer de nombreuses compétences. Le sapeur-pompier est un agent de catégorie C. Pour autant, ce fonctionnaire territorial a entre ses mains des vies humaines. D’autres fonctionnaires de catégorie C sont-ils dans cette situation ? Si ce fonctionnaire n’a ni la formation ni la compétence, qu’adviendra-t-il ? L’activité des sapeurs-pompiers est désormais constituée à 80 % de services de secours à personne ! Autant donc bénéficier de gens compétents, bien formés et disposant de la capacité d’apporter la qualité de prestation attendue par la population.

M. Georges Tron, Président. Merci à tous. Avant de passer la parole aux rapporteurs, M. Ginesta et M. Mariani, je tiens à faire deux observations d’ordre général.

Premièrement, les conclusions du rapport ne sont évidemment pas rendues et l’objet de cette audition est de contribuer à le nourrir. Ce qui paraît dans la presse sur le sujet n’engage bien évidemment pas la Commission.

Deuxièmement, monsieur Goretti, il n’y a pas de bon et de mauvais sujet. Le fait d’étudier un sujet n’est dévalorisant ni pour le service public concerné ni pour ceux qui l’assurent. Les rapporteurs remplissent la mission qui leur confiée et, comme l’a fait remarquer le représentant de la CFTC, chacun d’entre nous est aussi un contribuable.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Je prends acte du fait que vous reconnaissez que vous ne faites pas partie des organismes de gestion des SDIS, il faut que cela figure dans le rapport.

Vous disiez que les normes d’intervention ont accru le nombre de sapeurs-pompiers sur un lieu. Cela me semble aller à l’inverse de la démonstration que vous voulez faire. Si un sapeur-pompier ne fait que 140 interventions par an, alors que l’on multiplie le nombre de sapeurs-pompiers en un lieu, cela signifie que si l’on était dans les anciennes normes, il n’en ferait pas 140, mais 60 ou 80.

Cela dit, la question qui vous est posée par la mission est de savoir quelles sont vos suggestions pour juguler cette dépense, à service constant.

M. Georges Tron, Président. La question est donc précise. Elle est indépendante de toutes les remarques que vous avez faites sur la qualité du service rendu et la spécificité de la mission des sapeurs-pompiers, dont dépendent des vies humaines.

M. André Goretti. Lors de nos différentes auditions dans le cadre de la commission de suivi de la loi modernisation de la sécurité civile, nous avions déjà fait état auprès de M. MARIANI de la problématique liée à la multiplication des écoles. La mutualisation des pôles de formation départementaux pourrait réduire les coûts financiers. Je pense que nous reviendrons sur celle-ci lorsque nous aborderons le sujet de la formation.

Vous avez par ailleurs la fâcheuse tendance à mettre en avant le seul coût du service public de secours, mais la MEC a-t-elle par ailleurs calculé ce que permet d’économiser l’intervention des sapeurs-pompiers ? Des vies sont sauvées, des bâtiments industriels et des maisons sont épargnés, des hospitalisations sont évitées, les assurances n’ont pas eu de frais à engager.

Qui plus est et ce depuis un certain nombre d’années, compte tenu des nouvelles procédures opérationnelles à appliquées issues des nouveaux textes entre autres mai aussi des mesures de sécurité à respecter et des nouvelles technologies, le nombre d’intervenants pour une même opération a été multiplié. La réglementation est très stricte dans ce domaine. Or, aujourd’hui, vous dénoncez l’augmentation des effectifs. Dans mon département des Alpes-Maritimes, où, selon les statistiques de la DSC, les sapeurs-pompiers sont les plus sollicités de France considérant au sein d’un même SDIS le nombre de sapeurs – pompiers en garde opérationnelle effectuant un nombre d’interventions annuel, nous comptons un effectif total d’environ 1345 sapeurs-pompiers professionnels, 915 sapeurs-pompiers professionnels intervenants répartis en 3 équipes opérationnelles assurent environ 120 000 interventions par an. Dans votre département du Var, monsieur Ginesta, il y a encore bien moins de sapeurs-pompiers professionnels en équipes opérationnelles assurant presque autant d’interventions – près de 750 sapeurs-pompiers professionnels en équipes opérationnelles pour environ 100 000 interventions annuelles. Les sapeurs-pompiers doivent-ils assumer des missions administratives ?

Le problème ne se situe pas au niveau des effectifs, mais de la gestion. Quelles missions sommes nous en droit d’attendre d’un sapeur-pompier ? Il a été question d’ouvrir la prévention et l’étude des risques à d’autres prestataires que le service public de secours. Il faut beaucoup de sapeurs-pompiers brevetés pour assurer ces missions, qui aujourd’hui sont gratuites pour tous : contribuables, entrepreneurs, architectes ou industriels. Ne faut-il pas d’ailleurs s’interroger sur le financement d’un tel service par les demandeurs ?

L’organisation actuelle des SDIS n’est que la conséquence du principe de libre administration des collectivités territoriales. Si vous souhaitez instaurer l’égalité de fonctionnement de tous les SDIS, l’étatisation serait la solution pour les quelques 102 présidents de conseils généraux qui l’avaient préconisé, fin 2008. Mais quand le Gouvernement prône la décentralisation et les présidents de conseil généraux et de conseils d’administration l’étatisation, nous avons bien du mal à nous y retrouver.

Vous mettez en avant ce que les sapeurs-pompiers professionnels coûtent aux contribuables, en revanche vous omettez de préciser que les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires ne sont plus des bénévoles : non seulement ils sont rémunérés mais en outre ils sont totalement exonérés d’impôt concernant cette rémunération.

M. Daniel Nouaillac. Il n’est pas tout à fait dans le rôle des organisations syndicales de chercher à limiter les dépenses publiques. Nous sommes davantage préoccupés par le maintien de la qualité du service public. En tant que contribuables, nous pouvons toutefois avoir une petite idée de la question.

Il est exact que nous intervenons fréquemment au bénéfice d’entreprises privées, sans aucun retour financier pour les SDIS. Pourtant, en évitant la destruction de ses bâtiments, nous sauvons l’entreprise. Il y a peut-être là une piste à creuser. De la même façon, en intervenant sur le réseau autoroutier, souvent dans des conditions difficiles, nous aidons un réseau privé, sans que le retour ne soit conséquent.

Par ailleurs, le coût des matériels a explosé. L’exemple de la moto-pompe qu’a donné M. Beunard doit nous amener à réagir.

M. Jean-Michel Piedallu. Depuis 2001, on demande à l’ensemble de nos représentants du personnel, dans les comités techniques paritaires, de mettre en place une sorte de mission d’évaluation et de contrôle, car une évaluation départementale semble également fort utile, non pas pour se faire plaisir mais pour fixer des objectifs précis et produire des effets concrets. Malheureusement, aucun département ne l’a fait à ce jour. Il suffirait pourtant de réunir autour des élus, la hiérarchie des sapeurs-pompiers et les organisations représentatives, qui ne sont pas les gestionnaires mais qui sont quand même aptes à faire des propositions.

M. Ludovic Pinganaud. On parle beaucoup d’efficience et de rentabilité, même si cela peut paraître choquant lorsqu’il s’agit des services publics, mais nous sommes aussi des contribuables, impliqués et investis.

Je vous remercie d’avoir permis de rapprocher les différents acteurs, même si l’on sait que les élus d’un conseil d’administration de SDIS n’ont pas les mêmes préoccupations, financièrement parlant, que les sapeurs-pompiers. Il serait bon de retrouver l’efficacité et la cohésion qui existait autrefois entre les chefs de corps et les maires.

La thèse récemment soutenue par un colonel en retraite, M. Jean-François Schmauch, permet d’identifier très clairement ce que coûtent les sapeurs-pompiers, de comparer la situation de la France à celle des autres États européens, et surtout de mesurer toutes les économies liées à l’intervention des sapeurs-pompiers.

Leur efficacité profite en premier lieu aux assureurs, c’est pourquoi nombre de nos collègues européens ont commencé à imaginer que ceux-ci pourraient contribuer aux services d’incendies et de secours.

Au nom de l’égalité entre tous les citoyens, chacun devrait bénéficier du même niveau de secours partout sur le territoire. Or tel n’est pas le cas car il serait bien trop onéreux d’assurer la même efficacité envers tous les citoyens dans un département : l’activité opérationnelle diffère beaucoup d’un point à un autre et le coût serait bien trop élevé. Aujourd’hui, le SDACR, ou schéma départemental d’analyse et de couverture des risques, qui fait l’objet d’un avis conforme du conseil d’administration du SDIS, rapproche les sapeurs-pompiers des élus qui décident ensemble d’un niveau de couverture opérationnelle, acceptable tant pour les citoyens que pour les responsables.

Les SDIS ont une obligation non pas forcément de résultats mais de moyens, qui repose sur un positionnement des casernements destiné à assurer la couverture opérationnelle la plus homogène possible. Les personnels, professionnels et volontaires, doivent répondre à une commande opérationnelle, selon une quantité qui se calcule par rapport à des normes et à des effectifs de sécurité. Toutes les règles, notamment d’hygiène et de sécurité, exigent plus de personnels qu’auparavant pour remplir la même mission. Par crainte d’être mis en examen en cas de dysfonctionnement, ni le directeur départemental ni le président du conseil d’administration du SDIS ne prennent le risque d’autoriser les sapeurs-pompiers à intervenir en sous-effectifs.

S’agissant des économies, nous avons quelques idées, que nous pourrons vous transmettre. Bien sûr, il faut rentabiliser l’investissement. Il ne faut pas interdire aux sapeurs-pompiers professionnels d’être sapeurs-pompiers volontaires, mais il faut encadrer le dispositif. Aujourd’hui, le sapeur-pompier professionnel affecté dans une caserne mais qui habite en zone rurale permet, pendant ses jours de repos, d’assurer, à titre individuel, une couverture opérationnelle dans un secteur armé normalement par des sapeurs-pompiers volontaires de moins en moins disponibles ou que leurs employeurs n’autorisent plus à quitter leur lieu de travail. C’est donc bien la disponibilité du sapeur-pompier professionnel de repos qui permet d’assurer ponctuellement une mission de secours.

Plus on limite le temps de travail, plus on augmente le recrutement. On pourrait plutôt s’inspirer du SDIS 79 et du SDIS 67, dans les Deux-Sèvres et le Bas-Rhin, qui ont adopté un système de management intégré, avec des normes de sécurité et de qualité de l’intervention, ainsi que des démarches de développement durable et de protection de l’environnement qui répondent pleinement aux nouvelles orientations politiques et aux attentes des personnels, sapeurs-pompiers et non, des SDIS.

Les sapeurs-pompiers de France ont les missions les plus étendues d’Europe. Peut-être pourrait-on les dispenser de certaines d’entre elles, même s’il est encore politiquement incorrect de ne pas répondre à toutes les attentes de la population. Quelques départements ont réduit les interventions dites « diverses », comme la destruction d’hyménoptères, d’autres les facturent, d’autres n’y parviennent pas. Les sapeurs-pompiers, qui font de très nombreuses interventions pour le compte d’autres organismes comme le SAMU, souhaitent les facturer ou ne plus les assurer, ce qui suppose de les confier à d’autres organismes. Comme ce n’est pas possible, les sapeurs-pompiers finissent toujours par dire « oui », appliquant le sacro-saint principe en vertu duquel ils doivent porter assistance à autrui : si personne ne le fait, il faut bien qu’ils s’en chargent. Les élus souhaitent d’ailleurs que les pompiers finissent par répondre à la demande mais ils sont gênés quand la facturation des interventions entraîne une charge supplémentaire.

M. Bruno Lebel. Je voudrais revenir sur les suggestions de la CGT en matière de financement des SDIS. Si les incendies ne représentent que 8 % des interventions, c’est en raison de la qualité du travail effectué gracieusement par les services de prévention et prévision de nos SDIS. Nous avions demandé qu’une étude nationale soit menée sur le ratio hommes/heures à disposition d’entreprises qui font des bénéfices. Il y a là une véritable manne au moment où les SDIS et, souvent, les présidents de conseil d’administration de SDIS sont à la recherche de nouvelles recettes.

Nous avons perdu la compétence en matière d’interventions pour hyménoptères, nous perdons celle pour les interventions dans les ascenseurs. Nous allons perdre les interventions qui représentent moins de 10 % du total. Mais de plus en plus d’interventions deviennent payantes alors que les Français, surtout dans les couches sociales les plus basses, sont particulièrement frappés par la crise.

Nous soutenons par ailleurs la proposition de mettre à contribution les compagnies d’assurance, dans la mesure où les SDIS préviennent les sinistres et interviennent pour limiter leurs effets.

Au départ, les sapeurs-pompiers professionnels intervenaient dans les villes et les zones urbaines et les sapeurs-pompiers volontaires en milieu rural. Aujourd’hui, la centralisation du travail fait que nos volontaires sont difficilement joignables en milieu rural et que le volontariat fonctionne mieux en milieu urbain. Pourtant, ce sont les employeurs qui demandent le double statut, auquel nous ne sommes pas du tout favorables dans les conditions actuelles, si ce n’est pour nos collègues sapeurs-pompiers professionnels, mais à titre de bénévolat, dans leur commune de résidence. Il faut absolument trouver un autre système.

M. Sébastien Bouvier. La gestion des coûts se fait au niveau départemental. Si tous les présidents de conseils généraux étaient effectivement les présidents des conseils d’administration, le suivi de la gestion serait meilleur.

En fait, c’est la question du service public qui est ici posée. Je viens de l’Ain, département frontalier de la Suisse. Dans ce pays, lors d’une intervention, on commence par demander à la personne concernée si elle est assurée et auprès de quelle compagnie, pour savoir vers quel établissement la transporter. J’espère que le système français ne connaîtra pas pareille dérive. Le service d’incendie et de secours de notre pays est polyvalent et assure des missions complémentaires, qu’il ne faut surtout pas remettre en cause.

Depuis 2006, les effectifs ont crû d’environ 30 %. Ils se stabilisent, mais nombre de départements souhaitent que les sapeurs-pompiers volontaires reviennent en garde postée pour limiter les accidents dont ils sont victimes lorsqu’ils rejoignent la caserne. Mais avec la crise, n’existe-t-il pas un risque que certains cessent de chercher du travail, pour vivre avec les allocations chômage et les vacations, dont le taux dépasse largement celui du salaire d’un pompier professionnel ?

Il est impératif que les élus locaux débattent des coûts avec les organisations syndicales. Dans mon département, on nous dit que les impôts ont augmenté de 5 % « à cause des pompiers » – il est vrai qu’il faut des effectifs et le conseil général a pris ses responsabilités. Il serait donc tout à fait logique de faire apparaître sur la feuille d’impôts, comme dans certains pays européens, la part de taxes liée à la sécurité civile.

Enfin, les missions des sapeurs-pompiers nous sont « ordonnées » par notre ministère de tutelle. On ne nous a pas demandé notre avis alors que nous avions des propositions à faire. Les sapeurs-pompiers professionnels n’y sont pour rien si les présidents des conseils d’administration n’ont d’autre choix que de mettre la main à la poche en raison des directives nationales…

Le questionnaire que la MEC nous a adressé portait sur la gestion des SDIS. Si tout ce qui touche aux personnels mérite bien sûr d’être examiné, il y aurait bien d’autres questions à se poser en ce qui concerne la gestion globale du coût.

M. Georges Tron, Président. L’objet de ces questionnaires est d’obtenir des informations, que l’audition permet ensuite de compléter. Par ailleurs, si vous ouvrez des pistes intéressantes s’agissant des recettes, des dépenses que le SDIS permet de ne pas engager ou d’éventuels transferts vers les assurances, je dois vous rappeler que la MEC a pour vocation première de rechercher l’optimisation des dépenses.

M. Jean-Frédéric Biscay. S’agissant des investissements, mesurez-vous, en tant qu’élus, ce que coûtent les marchés publics ? En France, bâtir une caserne de sapeurs-pompiers, un hôpital ou une prison coûte deux à trois fois plus cher que dans l’immobilier classique.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Pas chez moi, dans le Var, en tout cas !

M. Jean-Frédéric Biscay. L’argent public est dilapidé. On nous fait payer très cher les bâtiments, comme d’ailleurs le matériel. Quand on cherche des économies, il y a là des pistes très intéressantes !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il faudrait en effet essayer de mutualiser l’acquisition des matériels.

Je rejoins par ailleurs M. Bouvier : puisqu’il y a des différences entre les départements, autant rendre la dépense visible et transparente. Je suis donc partisan d’une fiscalisation.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Je vous rejoins, monsieur Biscay, sur le matériel, mais vos propos me paraissent excessifs en ce qui concerne la construction des bâtiments.

Je souhaite savoir si nos interlocuteurs sont ou non favorables à l’identification, à la fiscalisation propre de la dépense « sécurité » ? Quelles sont enfin leurs réflexions quant à la formation et aux économies possibles en la matière ?

M. Jean-Michel Piedallu. Nous sommes, au Syndicat national SNPP-CFTC, totalement favorables à la fiscalisation directe.

En matière de formation, nous constatons que les départements font de la surenchère. L’ÉPIDIS (établissement public interdépartemental d’incendie et de secours) serait une solution. Une mutualisation au niveau régional permettrait également de disposer de centres de formation. Les besoins en bâtiments étant très spécifiques, il faudrait pouvoir en discuter. Enfin, il faudrait absolument qu’une mutualisation entre départements permette de disposer d’une école digne de ce nom dans chaque région.

M. Jean-Frédéric Biscay. Avenir-Secours est favorable à la fiscalisation et à l’identification. Mais il faut que toutes les administrations s’y mettent et que tous les coûts de fonctionnement de l’État soient identifiés. Sinon, on n’aura pas la possibilité de comparer.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il ne s’agit pas de comparer. Nous nous en tenons au sujet de cette MEC.

M. Jean-Frédéric Biscay. Un indicateur isolé nous donnera peu de recul.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Certains indicateurs nationaux ne sont pas caractéristiques d’un département, alors que la départementalisation a amené à identifier cette dépense-là, par département.

M. Ludovic Pinganaud. Nous disposons aujourd’hui d’outils informatiques et multimédias qui facilitent la formation et pourraient permettre de mieux préparer les agents à accéder à des formations qualifiantes et supérieures. Il faut poursuivre sur cette piste, qui a déjà été empruntée par la profession, au niveau départemental ou national, avec l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP).

Arrêtons par ailleurs de former et de re-former les agents, accordons plus d’importance à la validation des acquis et des expériences pour qu’ils concentrent sur l’essentiel. Ils seront ainsi plus disponibles et on fera des économies.

Certes, il faut développer les ÉPIDIS et les écoles interdépartementales, en complément de l’École nationale. Mais cette dernière permet, grâce à son plateau technique, de mener des exercices d’envergure au cours desquels de jeunes sapeurs-pompiers travaillent avec des jeunes cadres chefs de groupe. C’est un gage de rentabilité.

Le développement des ÉPIDIS permettrait d’éviter la multiplication des grosses écoles départementales, sans les supprimer car elles sont utiles, en particulier pour les volontaires. N’oublions pas que les déplacements sont chronophages et onéreux.

Donc Avenir-Secours dit « oui » aux écoles départementales, mais à des dimensions en phase avec les besoins du département. « Oui » à la création de quelques écoles à l’échelle interdépartementale, en complément de l’ENSOSP.

M. Bruno Lebel. Nous sommes, à la Fédération CGT, contre l’identification de la fiscalisation des SDIS, car il nous semble que, dans ce cas, il faudrait tout identifier.

La loi de 1996 permettait déjà de créer des ÉPIDIS, mais ils n’ont vraiment commencé à se développer qu’à partir de 2004. Le fait est qu’il y a aujourd’hui plus de quatre-vingts écoles départementales de formation. Comment revenir en arrière ?

Votre questionnaire n’évoquait pas l’ENSOSP. La majorité des surcotisations au Centre national de la fonction publique territoriale lui sont exclusivement réservées. D’où la création des écoles départementales, qui sont à la charge des SDIS. Quand on voit en outre comment l’ENSOSP nous renvoie les officiers et comment ils sont formés…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nous n’avons pas d’avis à ce propos.

M. Bruno Lebel. Mais nous, nous en avons un ! Nous les côtoyons au quotidien, et nous savons ce qui se passe dans les centres de secours.

Les présidents de conseil d’administration de SDIS tentent de récupérer le pouvoir au sein des SDIS, mais cela leur est très difficile : on s’est bien organisé, dans les directions, pour que le pouvoir échappe aux élus politiques. Cela pose un gros problème.

Dans le questionnaire, on nous demandait s’il fallait qu’un sapeur-pompier volontaire reçoive la même formation qu’un sapeur-pompier professionnel, étant donné qu’il n’exercera que huit ans. Pour nous, les uns et les autres ont les mêmes missions, ils font les mêmes interventions et ils doivent donc recevoir la même formation.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Une précision : il ne s’agit pas seulement d’identifier la dépense, il s’agit de percevoir les taxes correspondantes sur la feuille d’impôts locaux.

M. Bruno Lebel. Nous y sommes également défavorables.

La CGT émet des doutes quant à l’objectivité du futur rapport : nous ne saurions oublier que M. Ginesta et M. Mariani nous ont souvent « soignés » dans leurs précédents rapports, notamment en 2006, et dans des articles de presse qui ont mis le feu aux poudres.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est finalement ce qui a été à l’origine de notre réunion d’aujourd’hui. Vous savez vous aussi fort bien utiliser les médias, mieux que nous, d’ailleurs…

M. Georges Tron, Président. L’esprit de la mission d’évaluation et de contrôle demeure le même, quel que soit le sujet abordé.

M. Thierry Foltier. Nous avons déjà répondu à la question sur la fiscalité : la fédération INTERCO-CFDT est très favorable au fait que les dépenses soient identifiées et apparaissent lisiblement, d’autant que cela permettra peut-être de responsabiliser les usagers.

Nous rappelons par ailleurs notre attachement à une formation permettant au service public de répondre aux enjeux de demain, en raison de la complexification et de la technicité des interventions. Nous rappelons aussi notre attachement à la polyvalence du métier de sapeur-pompier et à la qualité des interventions.

La nécessité de mutualiser les centres de formation et les plateaux techniques est évidente. La loi le permet, mais cela n’a pas été fait jusqu’à présent. On peut d’ailleurs se demander pourquoi.

Pour nous, le débat sur les spécialités est un faux débat. Il est de la responsabilité de l’autorité territoriale, à partir du SDACR et du règlement opérationnel, de définir les besoins et les compétences, de décider du nombre d’agents qu’elle enverra en formation.

Enfin, une même mission appelle un même niveau de formation. Il ne saurait y avoir ni service public ni sapeurs-pompiers à deux vitesses !

M. André Goretti. Monsieur Ginesta, si j’ai bien compris, vous voulez identifier la dépense et augmenter les impôts, en liaison avec cette dépense ?

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Evitons les caricatures ! Je le répète, il ne s’agit pas d’identifier mais de percevoir : le conseil général diminuera sa perception à due proportion. L’effet pour le contribuable serait neutre.

M. André Goretti. Dans ce cas, pourquoi ne pas identifier les aides sociales qui représentent la plus grande part des dépenses des conseils généraux ?

M. Georges Tron, Président. Peut-être devrons-nous un jour identifier chaque service public. Les citoyens en sont d’ailleurs demandeurs. Nous devrons alors déterminer quelle qualité de service public on voudra rendre et le coût qui en résultera.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. En fait, cela aura une incidence sur les contribuables, qui vont prendre conscience de ce que cela coûte.

M. André Goretti. Ce n’est pas parce que l’on a augmenté la taxe sur les ordures ménagères lorsque l’on a institué le tri sélectif que chacun trie aujourd’hui ses déchets !

M. Georges Tron, Président. Au moins a-t-on pu ainsi identifier le coût du ramassage. Mais vous n’avez pas tort : le tri a donné lieu à des augmentations qui, dans certains cas, sont assez inexplicables et inexcusables. Dans la communauté d’agglomération, que je préside, l’augmentation est régulière, alors que l’on escomptait l’inverse. Mais au moins, les contribuables peuvent voir sur quel chapitre il y a eu un dérapage et demander des comptes aux élus locaux.

M. André Goretti. Au final, nous sommes favorables, pour la Fédération Autonome SPP-PATS, à la proposition des Rapporteurs, à condition que le système d’identification soit généralisé à l’ensemble des dépenses assumées par les départements et les communes.

Notre collègue Bruno Lebel a eu raison de rappeler les incidents antérieurs et les rapports qui nous ont fait beaucoup de mal. Nous nous en sommes expliqués, monsieur Ginesta, il est louable que nous puissions aujourd’hui aborder ces sujets autrement. Nous sommes là pour défendre non pas un intérêt catégoriel mais notre métier.

M. Georges Tron, Président. Nous le savons et il ne s’agit pas de mettre en cause qui que ce soit : votre métier est difficile, mais notre tâche l’est aussi sur de tels sujets.

M. André Goretti. Pour répondre aux propos de monsieur Ginesta, il serait bon de dire pourquoi nous comptons un colonel pour 50 ou 70 sapeurs-pompiers. Une situation ancienne déjà dénoncée par monsieur Charasse mais que nous continuons à vivre au quotidien.

M. Bruno Collignon. Vous avez évoqué très brièvement, monsieur le Président, le niveau de service public souhaité, mais ce sujet aura malheureusement été le grand absent de notre discussion.

La formation est appelée à devenir de plus en plus pointue et spécifique en raison de l’évolution des risques. Ce n’est le fait ni de la corporation ni des représentants du peuple, c’est une réalité sociologique, économique et environnementale. Aujourd’hui, l’ensemble des véhicules de secours à personne est doté de défibrillateurs semi-automatiques. Personne n’en remet en cause le bien-fondé, mais cela a un coût. Demain, ANTARES nous permettra de télétransmettre les informations, par exemple des tracés d’électrocardiogrammes, directement via la régulation. Qui s’opposera à cette amélioration significative de la prise en charge des patients, des victimes et des sinistrés ?

La mutualisation des moyens est incontournable, au-delà d’ailleurs de la seule formation.

Par ailleurs, chaque département est engagé dans une course effrénée avec ses voisins. On compte aujourd’hui trop peu d’ÉPIDIS.

Quel que soit le statut, le métier de sapeur-pompier est dangereux, une loi le reconnaît d’ailleurs. C’est aussi une des raisons qui doit pousser à donner toute sa place à la formation car elle permet de diminuer le nombre d’accidents, voire de décès, en intervention et d’améliorer significativement la prise en charge des patients, des sinistrés et des victimes.

Paradoxalement, plus le nombre d’interventions – notamment pour incendies – diminuera, plus la formation prendra d’importance. Ce n’est pas lors de l’intervention que l’on se forme mais bien en amont. Si les militaires ne s’entraînaient pas, s’ils attendaient les conflits pour mettre en application leur savoir-faire et leurs compétences, on aurait beaucoup de souci à se faire pour notre défense…

M. Daniel Nouaillac. La fiscalisation pourrait être une bonne chose. La fédération Force ouvrière n’y est pas opposée mais il faudrait qu’elle apparaisse également de façon claire et précise pour d’autres services. Peut-être se rendra-t-on compte alors que les SDIS ne coûtent pas si cher que cela…

En ce qui concerne la formation, on serait tenté d’aller vers une mutualisation des moyens. Le Bas-Rhin et le Haut-Rhin s’y sont mis. Malheureusement, le dispositif ne fonctionne pas bien, en particulier parce qu’il impose des déplacements onéreux. Il n’est en outre pas certain que la mutualisation pratiquée par l’ENSOSP ait engendré une réelle économie.

Il est évident que la formation doit être la même pour tous les pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires, car leurs interventions ne sont pas différentes. Nous y tenons beaucoup : le service public doit être le meilleur possible, quel que soit l’intervenant et la sécurité des intervenants ne doit pas être remise en cause.

Enfin, si le temps d’intervention des sapeurs-pompiers n’est pas très long, c’est peut-être parce que le dispositif et les personnes qui interviennent sont efficaces. Mais il est vrai qu’il y a davantage de monde lors des interventions.

M. Georges Tron, Président. Je vous propose que chaque syndicat conclue en quelques mots.

M. Ludovic Pinganaud. Merci de nous avoir amenés à réfléchir avec vous à des solutions qui pourraient servir à tous.

Avenir-Secours est favorable à la contribution directe. Mais j’appelle votre attention sur le fait que nous vivons dans une société de consommation, qu’on en demande toujours plus aux services de secours, sans savoir ce que cela coûte. Certains imaginent même que cela ne coûte rien ! Il risque d’être très difficile, demain, pour nous sapeurs-pompiers, mais aussi pour vous élus, d’expliquer aux gens pourquoi ils vont devoir payer, pour des interventions limitées et un champ d’action limité. La communication devra être efficace.

M. Bruno Lebel. Nos collègues ont tendance à penser que votre préoccupation est purement comptable. Si cette démarche paraît logique aux membres de la commission des Finances, en insistant par exemple sur le nombre de jours travaillés, vous pouvez heurter la sensibilité de certains sapeurs-pompiers.

Je profite de cette audition pour vous annoncer, en primeur, que les cinq organisations syndicales qui siègent au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) ont décidé aujourd’hui d’organiser, le 9 juin, une journée d’action nationale, qui portera sur des questions qui ont été soulevées aujourd’hui, mais aussi sur d’autres, à propos desquelles ni la direction de la Sécurité civile, la DSC, ni le ministère ne nous entendent. Nous nous interrogeons en particulier sur l’opportunité que le SDIS devienne un service du conseil général ? En 2004, nous avions même demandé qu’un directeur général soit nommé à la tête du service, de façon à redonner des fonctions opérationnelles au directeur départemental. Elle portera sur des questions sur lesquelles nous ne sommes pas entendus par la DSC et le ministère de l’Intérieur.

M. Sébastien Bouvier. Merci de nous avoir reçus. Nous espérons que le service public sera maintenu ; c’est notre premier objectif. Nous réaffirmons l’attachement de la fédération INTERCO-CFDT au rôle de gouvernance du président de conseil d’administration de SDIS. Nous souhaitons également que le directeur départemental soit réintégré dans son rôle initial de conseiller technique auprès du président.

J’espère que nous avons prouvé que nous ne sommes pas des nantis, qu’en dépit des attaques que nous avons subies, nous sommes capables de prendre nos responsabilités et de faire des propositions pour faire évoluer notre service public et notre profession.

Nous espérons que nous ne serons pas évincés lors des prochaines tables rondes, comme ce fut le cas pour les secours à personne. Dans la mesure où ces derniers vont représenter une part plus importante des coûts des SDIS, nous aurions pu faire des propositions en ce domaine.

Un mot enfin, du service héliporté, particulièrement mauvais dans notre pays. Il faudrait regarder ce qui se passe ailleurs, notamment en Allemagne, où c’est l’Automobile Club qui finance les 70 hélicoptères de secours de l’ensemble du service allemand.

M. Bruno Collignon. J’insisterai à nouveau, au nom de la Fédération FASPP/PATS, sur le fait que, s’il est pleinement justifié, dans la situation sociale actuelle, de prendre en compte les contraintes budgétaires qui sont encore une fois très légitimes, il ne faut pas pour autant méconnaître ce que les services publics – pompiers, mais aussi hôpital, éducation nationale, Poste, etc. – apportent à la société civile. Si la crise est aujourd’hui un peu moins difficile à subir, c’est sans doute parce que la société française a su se doter d’un service public qui joue pleinement son rôle d’amortisseur. Dans un contexte de fragilité sociale, nous continuerons à défendre ces valeurs.

Lorsque vous dites, monsieur Ginesta, que les sapeurs-pompiers ne travaillent qu’un certain nombre de jours dans l’année, il faudrait que vous multipliiez ce nombre par 24 et expliquer que cela correspond à un volume d’heures largement supérieur à celui de tous les fonctionnaires territoriaux. Il ne faudrait pas laisser croire à la population que les sapeurs-pompiers sont des « enfants gâtés de la République », comme l’ont dit certains journalistes.

Loin de nous l’idée de polémiquer. Nous entendons simplement marquer notre profond attachement à un service public fort, qui peut adoucir certains moments particulièrement douloureux – perte d’un être cher, accidents, perte de certains biens – pour nos concitoyens. On peut certes considérer qu’un SDIS coûte cher, mais il faut toujours se demander pour quels services rendus à la population.

M. Daniel Nouaillac. À la Fédération Force ouvrière, nous regrettons la « démission » des élus de nos conseils d’administration de SDIS par rapport à la hiérarchie des pompiers. Nous aimerions avoir pour interlocuteurs des élus qui assument leurs responsabilités.

Nous soulignons notre attachement à la fonction publique territoriale : nous sommes des fonctionnaires territoriaux et nous souhaitons continuer à être traités comme tels.

Nous disons notre attachement au service public : nous y participons mais nous pouvons aussi en bénéficier. Certes, les sapeurs-pompiers veulent un service de qualité pour eux-mêmes et leurs familles, mais ils sont surtout persuadés que c’est ce dont la population française a besoin.

M. Patrice Beunard. Pour nous, au Syndicat national SNSPP-CFTC, il est important de conserver la gratuité des services d’incendie et de secours pour l’usager. Aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire, le service incendie coûte entre 40 à 80 euros par habitant et il est assuré 24 heures sur 24, 365 jours sur 365, dans des conditions souvent pénibles et dangereuses. Nous ne sommes pas forcément le service public le plus cher.

Le budget de la Sécurité civile est de 5,5 milliards d’euros, dont 4,2 à la charge des SDIS. Cela représente 16 800 euros pour chacun des 250 000 sapeurs-pompiers, tandis que chacun des 2 400 marins sapeurs-pompiers « coûte » 41 600 euros et chacun des 7 600 pompiers de Paris 40 000 euros. De tels exemples abondent dans la contribution écrite que je vais vous remettre.

Je partage complètement l’idée que les élus doivent reprendre en main la politique des SDIS. Mais, pour être efficaces, ils ne doivent pas écarter les organisations syndicales. Quand bien même nous ne sommes pas passés par des écoles nationales, nous avons les pieds sur terre et nous sommes à même de donner notre avis. Il y a près de deux ans que nous n’avons été reçus ni par notre ministre de tutelle, ni même par son directeur de cabinet… Ce n’est pas très sérieux ! Le dialogue social doit reprendre sa place. C’est une des raisons pour lesquelles nous nous retrouverons, unis, le 9 juin.

Enfin, je souhaite que l’on conserve l’expression « sapeur-pompier » et qu’on ne la transforme pas en « fonctionnaire de la sécurité civile », ce qui aurait un sens péjoratif.

M. Georges Tron, Président. Merci infiniment, Messieurs. Les rapporteurs attendent avec intérêt les documents que vous nous avez annoncés.

Audition du 9 juin 2009

À 16 heures 15 : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Présidence de M. David Habib

M.  David Habib, Président. Je vous remercie, madame la ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, de participer aux travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle.

Cette mission, qui avait été instituée avant même l’adoption de la LOLF, est issue de la commission des Finances et y sont associés, selon les sujets traités, des rapporteurs qui peuvent être membres d’autres commissions– il s’agit, en l’occurrence, de M. Bernard Derosier, de M. Georges Ginesta et de M. Thierry Mariani, lequel est retenu en ce moment même pour une réunion au ministère de l’Intérieur. La MEC vise à vérifier la bonne utilisation des deniers publics, sans se prononcer sur l’opportunité de telle ou telle politique. Étant composée à parité de membres de la majorité et de l’opposition, elle a par ailleurs une vocation consensuelle que devra refléter le rapport qu’elle rendra.

La MEC, qui a décidé d’examiner le financement des SDIS, a donc souhaité, après quatre matinées d’auditions bien remplies, achever ses travaux par l’audition du ministre compétent.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. À mon tour, je vous remercie de votre invitation car répondre aux questions et aux demandes des parlementaires fait partie de la mission confiée à un ministre en démocratie. C’est aussi une façon pour lui de bénéficier d’un regard extérieur qui enrichit la connaissance qu’il a de sa propre administration, et qui lui permet de mieux percevoir ce qui va et ce qui ne va pas. Notre volonté commune, surtout en période difficile, c’est que chaque euro qui nous est confié soit utilisé au mieux pour assurer un service public auquel les Français sont extrêmement attachés.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Il est important, après les auditions des divers acteurs de la sécurité civile, de vous entendre, madame la ministre, car vous assumez la responsabilité politique du dossier. Nous avons vu, année après année, augmenter les moyens consacrés par les collectivités territoriales aux services d’incendie depuis leur départementalisation en août 1996, et nous nous demandons si celle-ci n’a pas entraîné une hausse excessive des dépenses.

Parmi les problèmes que nous essayons de mieux comprendre, figure celui de la gouvernance de ces services, autrement dit leur gestion bicéphale entre l’État et le département, voire tricéphale compte tenu de la place qu’occupent les sapeurs-pompiers, à travers soit leurs organisations syndicales représentatives, soit les directeurs départementaux, c'est-à-dire les colonels. De votre point de vue, peut-on imaginer une clarification des compétences et profiter des réformes en perspective pour simplifier la gestion des SDIS ? En la matière, il y a interférence entre les départements, l’État représenté par les préfets, mais aussi la direction de la Sécurité civile, qui est à l’origine d’un nombre impressionnant de normes et, partant, de coûts supplémentaires sans compensation.

La loi de 2004 a prévu la création de la conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) et la commission consultative d’évaluation des normes (CCEN) a été installée à la suite du rapport du sénateur Alain Lambert dans le cadre de la RGPP. Mais ces instances permettent-elles réellement de limiter l’inflation des normes et leur incidence financière ?

Mme la ministre. Je distingue trois points dans votre intervention : premièrement, le constat que l’inflation financière a suivi la départementalisation ; deuxièmement, la gouvernance des SDIS ; troisièmement, les normes.

Sur le premier point, une étude récente menée auprès de douze pays européens qui fonctionnent comme nous sur la base de pompiers à la fois professionnels et volontaires a montré que, si nous sommes les premiers pour la superficie couverte et les deuxièmes pour la population – ces deux critères définissant nos besoins –, nous sommes en revanche au dixième ou au onzième rang pour ce qui est du nombre total de sapeurs-pompiers. Sans nier l’importance des crédits que nous consacrons aux SDIS, nous nous situons aujourd'hui plutôt au bas de l’échelle des coûts, alors que nos besoins sont importants.

Par ailleurs, il est vrai que, juste après la départementalisation, une très forte poussée des dépenses a été observée, qui était due aux besoins de renouvellement des matériels. Mais le rythme de progression se rapproche désormais de l’inflation, et devient plus raisonnable. Ainsi, l’année dernière, les dépenses de personnel ont augmenté de 3,65 % pour une inflation estimée à 2 % des charges des collectivités territoriales.

En somme, nous ne sommes pas les plus dépensiers et nous dépensons de moins en moins.

Ensuite, il faut affiner les critères de comparaison et aller au-delà du nombre d’interventions pour s’attacher aussi à leur qualité puisqu’elles sont de durée différente. Les incendies occupent 25 % du temps global d’intervention alors qu’ils ne représentent que 8 % du nombre des interventions. Les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) détaillent ce que l’on attend des sapeurs-pompiers : les délais d’intervention, le maillage territorial et d’autres paramètres entrent en ligne de compte pour évaluer le coût du service. Tout cela pour dire qu’il faut modérer les critiques.

La gouvernance, en revanche, est un vrai problème. Le schéma est des plus complexes alors que nous sommes à un moment de simplification. Celle-ci doit passer par la classification des compétences de chacun. Or certaines compétences ne sont exercées que par l’État, qui s’est vu conférer par la loi le devoir d’assurer le principe républicain de l’égalité des citoyens devant le service public, en vertu duquel tout citoyen, où qu’il soit sur le territoire national, et a fortiori s’il est en situation de détresse, est assuré de recevoir le même service. À ce titre, l’État est garant de la cohérence de la sécurité civile sur le plan national et chargé de certaines missions opérationnelles. Cela passe concrètement par les techniques d’intervention, pour que la qualité des interventions soit la même où qu’elles aient lieu ; par la formation des personnels, ce qui implique un recrutement par concours ; et par les équipements qui doivent répondre aux mêmes normes. Y mettre fin porterait atteinte au principe d’égalité devant le service public.

Quant au président du SDIS, la décentralisation lui a donné la capacité de donner des ordres, mais les événements impliquent aussi parfois l’Intervention d’autres services qui lui échappent, en particulier la gendarmerie ou la police nationale, puisque la sécurisation des zones relève du préfet. Il est indispensable, tout en ménageant une certaine souplesse, de dire qui fait quoi, plutôt que de décider une simplification qui ne répondrait pas aux besoins.

Assurément, les normes sont coûteuses. Et, en tant qu’élue locale, j’ai été l’une des premières à le dire. C’est pourquoi, en arrivant au ministère de l’Intérieur, j’ai mis en place une commission consultative de l’évaluation des normes (CCEN) auprès du comité des finances locales pour que des élus évaluent ce qui se fait et donnent préalablement leur avis sur ce qui se fera. Cette commission contribue à une meilleure maîtrise des dépenses car on ne peut pas accepter de payer les yeux fermés.

Vous m’avez également interrogée sur les interventions des organisations des sapeurs-pompiers. Je ne pense pas qu’il faille le regretter, surtout s’agissant de la fixation des normes. Je suis d’accord, les structures sont nombreuses à intervenir, mais la simplification passe avant tout par la clarification des rôles. Le service public faisant appel à des fonctionnaires, le statut auquel les pompiers qui en dépendent sont attachés s’applique. La direction de la Sécurité civile intervient également en vertu des textes applicables aux sapeurs-pompiers, ce qui est normal. Les syndicats sont consultés, puis la commission consultative de l’évaluation des normes. Il est légitime que nous nous souciions d’impliquer tous ceux qui ont leur mot à dire.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. D’une certaine façon, madame la ministre, vous vous en êtes tenue à la langue de bois en vous contentant de décrire le paysage institutionnel tel qu’il est, sans nous éclairer sur vos intentions.

Je ne conteste pas le rôle des syndicats de sapeurs-pompiers, mais les sapeurs-pompiers relèvent en principe de la fonction publique territoriale (CSFPT). Or, bien qu’il existe un conseil supérieur de la fonction publique territoriale, c’est souvent la direction de la Sécurité civile qui discute des questions de statut des sapeurs-pompiers. Pourquoi ne pas les considérer comme des fonctionnaires territoriaux à part entière, plutôt que comme une sorte de quatrième fonction publique ?

Mme la ministre. Vous l’avez dit vous-même, beaucoup de questions relèvent de la fonction publique territoriale. Je me suis contentée, et c’est mon rôle, de rappeler la loi. Cela étant, je suis à l’écoute de vos propositions.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Nous n’en sommes pas encore là, madame la ministre, puisque le rapport n’est pas rédigé.

Mme la ministre. Si vous souhaitez des évolutions, dites-moi lesquelles et je vous exposerai leurs avantages et leurs inconvénients. Le système n’est pas bancal, il repose sur des partenaires complémentaires. À ceux qui prônent la concentration des pouvoirs dans les mains des SDIS, je rappelle le principe d’égalité devant le service public, et ce qu’il implique en matière de formation de façon à offrir des garanties de qualité des personnels. En dehors de l’hémicycle, avec la Mission d’évaluation et de contrôle, on peut discuter et trouver des solutions, mais à condition de respecter les principes républicains.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nous nous interrogeons, avant sans doute de vous présenter des propositions, sur les effectifs et l’organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers. Depuis dix ans, le nombre des interventions s’est stabilisé autour de 4 millions par an, soit 11 000 interventions par jour environ. Pourtant, l’effectif de sapeurs-pompiers professionnels, hormis les sapeurs-pompiers de Paris et les marins pompiers de Marseille, est passé de 28 000 en 1996 à 38 000 aujourd'hui. De plus, on assiste à une réduction du nombre d’incendies, qui ne représentent que 8 % des interventions – et les incendies de forêt 10 % du total des incendies. Or ce sont ces interventions qui mobilisent les pompiers le plus longtemps. Pourquoi les effectifs se sont-ils accrus ?

Le nombre de jours de garde par personne est passé de 135 jours à 90 jours par an. Autrement dit, un pompier effectue en moyenne 1,5 intervention par jour de présence sur son lieu de travail. Comme une intervention dure en général deux heures vingt, on en déduit qu’il travaille en moyenne trois heures et demie par jour de présence. Peut-on exercer correctement un métier que l’on exerce si peu ? Les pompiers ont répondu implicitement à cette question en demandant davantage de formation. Nous avons plus de quatre-vingts écoles de sapeurs-pompiers sur le territoire, ce qui coûte très cher. Ne faut-il pas changer le régime des gardes de vingt-quatre heures, d’autant que la réglementation européenne risque de nous y obliger si, au-delà de la huitième heure, on doit passer aux heures supplémentaires, ce qui ferait exploser les budgets ? Un régime de garde de huit heures assurerait une présence de 200 jours par an, ce qui réglerait le problème de formation complémentaire et réduirait aussi l’investissement car on pourrait alors supprimer des chambres hébergeant les sapeurs-pompiers dans les centres de secours.

En ce qui concerne le taux d’encadrement, on en est à un colonel ou lieutenant-colonel pour soixante-dix sapeurs-pompiers professionnels, très loin derrière l’armée. Et comme les promotions sont entre les mains des intéressés, il y aura en 2009 plus de lieutenants que de capitaines. La départementalisation a paradoxalement entraîné une centralisation à l’échelon départemental et la création de groupements, faisant apparaître un besoin en officiers. Il faudrait sans doute revoir les règles en la matière.

Mme la ministre. Vous considérez, monsieur Ginesta, que le nombre d’interventions ne justifie pas l’augmentation des effectifs de 28 000 en 1996 à 38 000 aujourd'hui.

Le nombre d’incendies a en effet baissé, et c’est heureux. Le prépositionnement mis en place depuis puis deux ans, qui permet d’intervenir immédiatement en cas de sinistre, contribue à cette baisse, notamment pour les feux de forêt.

Cela dit, d’autres types d’interventions se sont multipliés depuis 1996. Nous devons, par exemple, prendre en compte les risques industriels, le risque NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). En outre, le domaine du secours aux personnes prend une place de plus en plus grande, non seulement parce que nos concitoyens sont très attachés à ce service, mais aussi en raison de la désertification médicale, en particulier dans certaines zones rurales où les pompiers sont les seuls à pouvoir intervenir.

Vous suggérez que la durée des gardes passe de vingt-quatre heures à huit heures. Permettez-moi de préciser que le régime des gardes est du ressort du président du SDIS et non de l’État. Au demeurant, il n’est pas certain qu’un tel changement permette de réelles économies, car il entraînerait automatiquement une augmentation des effectifs. Il faudrait à tout le moins réaliser une simulation sur des bases réelles.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. C’est le cas, madame la ministre, et certains départements ont effectué cette réorganisation.

Mme la ministre. Bien sûr, puisque cela ne dépend pas de l’État. Mais je ne puis que vous mettre en garde : faites vos calculs auparavant !

Quant à l’Union européenne, elle a accepté pour l’instant de ne pas toucher au système.

M. Ginesta souligne à juste titre l’augmentation des périodes de formation. Il faut d’abord rappeler que la formation est une nécessité pour les personnes qui exercent des métiers à risque car c’est une garantie d’efficacité et, pour elles-mêmes, de sécurité. Néanmoins, certains éléments de formation semblent bien trop lourds. C’est le cas, à l’évidence, pour les volontaires, mais aussi pour les professionnels. C’est pourquoi j’ai demandé que l’on réalise une étude afin d’améliorer la prise en compte des acquis de l’expérience et d’alléger la part d’une formation que les sapeurs-pompiers eux-mêmes n’estiment pas toujours très productive. Il est nécessaire de faire la part entre la formation indispensable et la formation superfétatoire, tout en sachant que l’entraînement reste un élément indispensable.

Le taux d’encadrement peut en effet apparaître élevé, mais je sais d’expérience que les comparaisons ne sont pas pertinentes. Dans l’armée, par exemple, il y a une grande différence entre l’encadrement de troupes basées dans des casernes et celui d’unités réparties sur l’ensemble du territoire. L’important est que le dispositif corresponde aux besoins de compétences. En l’espèce, le taux d’encadrement des SDIS par des officiers est de 10,6 %, contre 15,4 % pour l’armée de terre.

Bref, il s’agit plus d’une question d’application que d’un problème intrinsèque.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il est évident que les syndicats de sapeurs-pompiers souhaitent maintenir les gardes de vingt-quatre heures, qui ont permis de ramener les cent trente-cinq jours de garde à quatre-vingt-dix et de faire passer les effectifs à 38 000. Comme vous, je doute que la garde de huit heures permette une baisse des effectifs ; elle pourrait à tout le moins stabiliser les choses et permettre une présence sur le lieu de travail 200 jours par an au lieu de 90. Un métier que l’on exerce peu est un métier que l’on exerce mal. Une infirmière passe huit heures par jour à l’hôpital. Son métier, elle l’exerce. Elle n’a donc pas besoin d’un aussi grand nombre de jours de formation. En outre, les quatre-vingts écoles de sapeurs-pompiers réparties sur le territoire représentent une charge importante.

Bien que la réorganisation des gardes soit du ressort des SDIS, il ne nous semble pas impossible que l’État impose les huit heures de garde et les 200 jours de présence par an : une telle disposition serait du domaine législatif et les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires.

Mme la ministre. C’est bien la première fois que l’État reprendrait une compétence exercée par les départements !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le bilan actuel n’est pas satisfaisant. Alors que la départementalisation des sapeurs-pompiers devait se faire à budget constant, on a multiplié la dépense initiale par 3,5 !

M. David Habib, Président. Et l’on en est à 80 euros par citoyen !

Mme la ministre. Je ne le nie pas. La hausse des coûts a eu lieu rapidement après la départementalisation. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui l’évolution se régule et se rapproche de l’inflation. Mais cela ne nous exempte pas de réfléchir ensemble aux moyens de nous assurer de cette stabilisation. On n’a sans doute pas réfléchi à toutes les mutualisations possibles, comme pour ce qui concerne les écoles, qu’on me demande souvent d’inaugurer et dont les départements sont très fiers. Sans doute serait-il plus sage de mettre en place des établissements plus complets offrant des services à plusieurs départements. C’est une recommandation parmi d’autres. On peut assurément faire beaucoup de progrès dans ce qui relève de la pratique et du bon sens.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Cette audition, madame la ministre, nous permettra d’élaborer notre rapport. C’est à ce moment-là que la MEC fera ses propositions, et celle-ci sera attentive à la suite que vous voudrez bien leur donner.

J’en viens à la coordination entre les SDIS, les SAMU et les ambulanciers privés.

Les interventions des sapeurs-pompiers concernent le secours aux personnes et l’aide aux victimes à hauteur de 65 %. Le fonctionnement se fait désormais selon un référentiel commun élaboré au cours de l’été dernier, qui fixe notamment « les conditions des départs réflexes des moyens des SDIS avant régulation médicale ». Or il apparaît que l’application de ce référentiel entraîne un transfert de compétences des SAMU vers les SDIS, et donc une charge nouvelle à financer pour ces derniers. Des conventions entre ces deux services publics existent, mais un quart des départements n’en sont pas pourvus et seulement quinze se sont dotés d’une plateforme commune « 15-18 ». Le médecin régulateur, lorsqu’il reçoit un appel, désigne quasi automatiquement les sapeurs-pompiers pour le transport des personnes. Dans ces conditions, à quoi cette régulation médicale sert-elle ?

Par ailleurs, certaines dispositions de ce référentiel, comme le partage entre les missions des SDIS et des SAMU, nous semblent relever de la loi.

Le référentiel définit également les missions des infirmiers sapeurs-pompiers, lesquels, théoriquement, devraient soigner les sapeurs-pompiers eux-mêmes. Or ces personnels sont amenés à effectuer des actes médicaux qui se situent parfois au-delà de leurs compétences – soins d’urgence, prise en charge de la douleur, notamment.

Enfin, alors que les SDIS doivent assurer de plus en plus de transports de victimes, de nombreux ambulanciers privés assurent des astreintes auprès des hôpitaux et sont rémunérés à cet effet. Pourquoi ne fait-on pas davantage appel à eux ? On constate aussi que les SDIS doivent parfois aller au contentieux contre les agences régionales de l’hospitalisation pour se voir rembourser leurs interventions – à hauteur de 105 euros chacune, alors que le coût estimé se situe entre 260 et 1 130 euros ! Le Gouvernement a-t-il l’intention d’aligner l’indemnisation des SDIS, par exemple sur la rémunération des interventions des ambulanciers privés ?

Mme la ministre. En prenant mes fonctions, j’ai trouvé une situation très dégradée. Les accusations réciproques entre les SDIS et les SAMU trouvaient un large écho dans les médias. Chacun reprochait à l’autre de défendre son périmètre d’intervention au détriment du secours apporté aux victimes. Et il est vrai que, dans deux ou trois cas, des personnes avaient eu à subir les conséquences de retards dus à cette situation : le service contacté avait d’abord cherché, dans un large rayon géographique, quels pouvaient être les collègues disponibles avant de renoncer et d’avoir recours à l’« autre » service. C’était une situation impossible. Les invectives et les accusations entamaient l’image de l’un et de l’autre. Avec Mme Roselyne Bachelot, la première chose que j’ai faite a été de réunir autour d’une même table tous ces gens qui ne voulaient plus se serrer la main.

Il n’était pas question de changer les périmètres d’intervention, mais d’améliorer l’organisation moyennant un gentlemen’s agreement – c’est la base du référentiel – qui donne la priorité aux besoins de la victime.

La notion de « départ réflexe » ne s’entend que lorsque le régulateur médical perçoit une détresse vitale. L’idée est inspirée de ce que j’avais constaté, dans mes fonctions de ministre de la Défense, à la caserne Champerret.

Pour ce qui est des charges nouvelles, les prestations des SDIS au bénéfice des SAMU donnent désormais lieu à un remboursement. C’était aussi une manière de calmer le jeu. Dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital, le sénateur Éric Doligé a déposé un amendement visant à rendre ces remboursements obligatoires. J’ai soutenu cet amendement et il a été voté. Nous devrions donc assister à une amélioration.

Vous indiquiez, monsieur Derosier, que seulement quinze départements sont pourvus d’une plateforme commune « 15-18 ». À ma connaissance, le dispositif est en train de se généraliser.

Par ailleurs, il me semble que les infirmiers que vous évoquez sont les infirmiers sapeurs-pompiers volontaires.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Les infirmiers des SDIS ont tous le statut de sapeurs-pompiers volontaires, en effet.

Mme la ministre. Il faut prendre en compte l’existant. Les infirmiers qui ont souscrit un engagement auprès des SDIS sont environ 4 500. Ils participent aux missions de secours d’urgence telles qu’elles sont définies par le code général des collectivités territoriales, dans un total respect des dispositions du code de la santé.

Quant aux ambulanciers, les craintes qu’ils ont exprimées ne me semblent pas fondées. Le protocole d’accord qu’ils ont passé avec le SAMU et que le ministre de la Santé a signé devrait les rassurer. À mon avis, le problème se posera surtout, à l’avenir, avec les taxis.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Le référentiel compte cinq pages consacrées aux infirmiers sapeurs-pompiers. Alors que, à l’origine, ces infirmiers étaient supposés ne s’occuper que des personnels des sapeurs-pompiers, ils se voient désormais confier un rôle d’infirmiers relevant de la fonction publique hospitalière. Cette extension de mission entraîne des frais pour les SDIS.

Mme la ministre. Je partage votre analyse mais il faut prendre en considération le besoin. Les infirmiers sont des professionnels capables d’effectuer des gestes que les sapeurs-pompiers ne sont pas forcément à même de faire. Il y a eu de longues discussions sur la possibilité de réaliser certains gestes destinés à maintenir la victime en vie avant l’intervention du médecin.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Les sapeurs-pompiers, qu’ils soient infirmiers ou non, n’ont pas de mission médicale, contrairement aux médecins et aux infirmiers du SAMU.

Mme la ministre. Mais que peuvent-ils faire lorsque, dans le cadre du secours à la personne, ils prennent en charge une personne victime d’un malaise grave ? Faut-il attendre l’arrivée du médecin, même si celui-ci doit parcourir quatre-vingts kilomètres ?

M. David Habib, Président. Je précise que tous les SDIS ne disposent pas des infirmiers en question.

Mme la ministre. Je le répète, les missions des sapeurs-pompiers ont changé. Si la part des secours aux personnes a augmenté, c’est en partie à cause d’une certaine désertification médicale. Le SAMU est basé dans la ville la plus proche, mais celle-ci peut être très éloignée !

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Cela signifie-t-il que, pour le Gouvernement, les SDIS soient appelés à remplir des missions médicales en cas de carence ?

Mme la ministre. Il faut une véritable réflexion sur ce point. Mon ministère y travaille actuellement et nous en parlerons avec les élus. À mon sens, il existe des façons nouvelles de rendre le service public qui est dû aux citoyens mais que, pour de multiples raisons, on ne peut plus exercer comme on le faisait il y a cinquante ans. Que faire lorsque plus aucun médecin n’accepte de s’installer dans une zone rurale ? C’est un des problèmes majeurs auxquels notre société aura à répondre dans les années qui viennent.

M. David Habib, Président. Certes, les missions ont évolué, mais n’oublions pas non plus la tendance naturelle de tout service public à s’approprier des missions qui ne relèvent pas de ses compétences. À titre d’exemple, les sapeurs-pompiers de mon département ont exprimé une forte revendication pour assurer le secours en montagne auparavant assuré par les gendarmes. Or leur coût d’intervention est le triple de celui des gendarmes !

Mme la ministre. Je ne conteste pas cette tendance. Nous devons leur faire comprendre qu’ils remplissent des missions très importantes et qu’ils n’ont pas besoin, pour exister, d’empiéter sur celles des autres – à moins qu’on ne puisse mieux les remplir.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Est-il logique qu’un service public facture la prestation de transport de victime ? C’est faire payer le contribuable deux fois : il paie le salaire des sapeurs-pompiers, qui sont des fonctionnaires, et il paie le prix acquitté par l’assurance maladie pour cette prestation. C’est un peu comme si l’on demandait à la victime d’un vol de verser des honoraires au commissariat qui a arrêté le voleur !

M. David Habib, Président. Les communes procèdent ainsi au titre des vacations funéraires.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est le même Français qui paie ses impôts et qui paie l’assurance maladie !

Mme la ministre. Je suis d’accord. Cela étant, quand un service public assume une tâche à la place d’un autre service public, il ne me paraît pas choquant qu’il demande à celui-ci de prendre en charge la dépense.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce ne sont pas les ambulanciers qui prennent en charge la dépense : c’est l’hôpital !

Mme la ministre. Lorsque le SDIS intervient à la place du SAMU, il me paraît normal que le SAMU rembourse le SDIS.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Lorsque les directeurs d’hôpitaux lancent des appels d’offres, les SDIS proposent toujours de meilleurs prix que le privé puisqu’ils sont rémunérés deux fois. Et, la plupart du temps, ce sont eux qui l’emportent. Or, s’ils n’intervenaient pas pour les hôpitaux, on en serait à bien moins de 140 interventions par an. Une clarification est nécessaire. Si ce sont les sapeurs-pompiers qui interviennent pour le compte des hôpitaux, il faut supprimer les ambulances d’astreinte, qui perçoivent 330 euros par nuit sans bouger !

Mme la ministre. L’ambulance est dans l’enceinte de l’hôpital alors que les sapeurs-pompiers peuvent répondre à des situations qui exigent une grande réactivité.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Je ne le conteste pas, mais je maintiens que l’on fait payer les Français deux fois pour la même prestation.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Il faut bien distinguer les interventions pour carence des départs réflexes…

Mme la ministre. …dont je vous ai dit qu’ils étaient limités à l’urgence…

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Certes, mais les appels sont adressés le plus souvent aux sapeurs-pompiers. Il importe de clarifier cette situation, de même que celle des SAMU qui, ne pouvant envoyer un ambulancier, demandent aux sapeurs-pompiers d’assurer le transport des personnes.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Une dernière question, pour terminer. Faut-il fiscaliser les SDIS, c'est-à-dire faire apparaître leur coût sur la feuille des impôts locaux ? Les Français verraient alors ce que cela leur coûte, le budget serait discuté chaque année et la dépense – aujourd'hui de l’ordre de 80 euros par habitant – ne serait plus masquée.

Mme la ministre. Je partage votre préoccupation quant à la maîtrise des dépenses publiques et la transparence. Je plaide en faveur de la responsabilité des collectivités territoriales dans la détermination des impôts.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Très bien ! Tenez bon, madame la ministre !

Mme la ministre. Cela étant, on ne peut ignorer le principe légal de l’universalité budgétaire. Tant que les SDIS seront financés par l’impôt, l’approche ne pourra être que globale. Cela n’empêchera pas d’indiquer le coût de ce service sur la feuille d’impôt, comme cela se fait déjà pour l’enlèvement des ordures ménagères. Ce serait une façon de responsabiliser les Français, qui ont parfois tendance à considérer exclusivement leur droit à tel ou tel service sans en envisager le coût.

M. David Habib, Président. Madame la ministre, nous vous remercions.

III.– ÉLÉMENTS DE COMPARAISON SUR LA SÉCURITÉ CIVILE DANS QUELQUES PAYS EUROPÉENS (ALLEMAGNE, ROYAUME-UNI, ITALIE, SUÈDE) ET EN FRANCE

LA PROTECTION CIVILE EN ALLEMAGNE

Source : service des Affaires européennes de l’Assemblée nationale

I.– L’ORGANISATION DE LA PROTECTION CIVILE

En Allemagne, il convient de distinguer entre la protection civile en situation de guerre et en temps de paix (on parle alors de sauvetage).Le texte pertinent est la loi relative à la protection civile et aux services de sauvetage du 25 mars 1997.

La protection des populations civiles revient au Bund (État fédéral) en temps de guerre (article 73, paragraphe 1 de la Constitution). À ce niveau, sont compétents le ministère de l’Intérieur et l’Office fédéral pour la protection de la population et les services de sauvetage. Cet office a été créé en 2004 et coordonne la protection de la population en cas de danger de vaste ampleur, voire d’ampleur nationale. Il dispose d’équipements (véhicules et équipements d’intervention) permettant de faire face à une crise majeure ainsi qu’à des dangers chimiques, biologiques, radioactifs et nucléaires. Des équipes spéciales en matière médicale et d’analyse sont également prévues. L’acquisition et l’entretien des équipements et du personnel nécessaires sont financés par le Bund.

Les États fédérés (Länder) sont compétents pour la protection en temps de paix. La plupart des États ont adopté des lois relatives aux services de sauvetage et une partie des règles applicables se trouve également dans diverses lois relatives aux services d’incendie, aux services de police ou à la sécurité. Dans de nombreux États, les services de sauvetage relèvent à la fois de l’État, des cantons et des villes autonomes. Les organes compétents au niveau des Länder sont les ministères de l’Intérieur ainsi que des instituts spécialisés.

Le point central de la protection se situe à l’échelon des communes. Les cantons et les villes autonomes entretiennent les services d’incendie, de sauvetage et de protection en cas de catastrophe.

Il ne serait pas cohérent d’un point de vue matériel et humain que l’État fédéral et les États fédérés entretiennent des services indépendants les uns des autres. C’est pourquoi le Bund et les Länder travaillent en étroite coopération afin que la protection prévue en temps de paix soit également opérationnelle en cas de guerre. Inversement, les équipements entretenus par le Bund sont à la disposition des Länder. Lors d’une catastrophe naturelle ou d’un accident grave, un Land peut avoir accès aux forces de police d’un autre Land ou du Bund.

II.– LES SERVICES DE PROTECTION CIVILE

D’un point de vue opérationnel, en matière de protection face aux catastrophes et de protection civile, les services publics et des organisations de secours privées sont appelés à intervenir. Les services publics sont les pompiers et l’Office fédéral de secours technique (Technische Hilfswerk THW). Le THW assure une aide technique en matière de sécurité civile. Il est également amené à intervenir pour la RFA à l’étranger.

Parmi les organismes privés figurent la Croix Rouge allemande, l’Arbeiter Samariter Bund, la Johanniter Unfallhilfe, l’ordre de Malte et la Société allemande de sauvetage.

La protection contre l’incendie est un pouvoir propre des communes. Les missions des pompiers sont la protection contre l’incendie et le secours en cas d’accident ou en cas d’urgence (combats contre le feu, secours aux personnes et aux animaux, secours d’urgence en fonction des réglementations applicables dans le Land, protection de l’environnement, protection contre les risques chimiques, biologiques et radioactifs, prévention des incendies). Le nombre d’incendies ayant eu tendance à régresser de manière importante ces dernières années, les pompiers sont de plus en plus amenés à assumer des fonctions allant au-delà de la lutte contre le feu. Tant la nature de ces nouvelles interventions que leur nombre varient fortement d’un Land à l’autre.

Le tableau suivant présente les grandes catégories d’interventions en 2006.

GRANDES CATÉGORIES D’INTERVENTIONS EN 2006

(en nombre)

INTERVENTIONS TOTALES 2006

URGENCE ET TRANSPORT DE BLESSÉS

INTERVENTIONS CLASSIQUES (DONT LUTTE CONTRE LES INCENDIES)

INTERVENTIONS EN CAS DE CATASTROPHE

3 564 191

2 450 938

1 113 253

(187 606)

737

Source :Deutscher Feuerwehrverband, Jahresbuch 2008 (Jahresstatistik 2006)

Il existe en Allemagne 100 unités de pompiers professionnels regroupant environ 27 900 personnes. Ils sont présents dans les villes de plus de 100 000 habitants et dans certaines villes de plus de 50 000 habitants. Les casernes des pompiers volontaires sont près de 24 500 regroupant 1 million de personnes.

Les pompiers professionnels ont un système de roulement par 24 heures et par 12 heures.

III.– LA COORDINATION AVEC LES SERVICES D’URGENCE MÉDICALE

Les transports de malades et de blessés en urgence sont en règle générale assurés par les pompiers professionnels. Dans la Rhénanie du Nord, ce sont les pompiers volontaires qui interviennent.

Dans tous les autres cas, ce sont les organisations de secours privées, telles que la Croix Rouge ou l’Ordre de Malte qui sont compétents. La manière dont ces organisations sont impliquées diffère d’un Land à l’autre. En Saxe, les opérations de secours et le transport d’urgence ne peuvent être effectués que sur la base d’un contrat de droit public conclu après un appel d’offre passé auprès des organisations de secours privées.

Le transport de malades en dehors des cas d’urgence relève uniquement des organisations d’assistance privées. Les Länder et les communes sont compétents pour les choisir et les coordonner.

IV.– LE FINANCEMENT

Le coût de la sécurité civile n’a pas pu être estimé dans la mesure où il relève de 16 Länder.

Le Bund prend en charge l’Office fédéral pour la protection de la population et le Technische Hilfswerk (THW). La protection civile est financée par les impôts et par des contributions qui peuvent être demandées aux particuliers en cas d’intervention (sauvetages d’animaux) dans certains Länder.

Les communes et les villes ont à leur charge l’achat de matériel pour les pompiers professionnels ou volontaires. Les achats groupés ne semblent pas être la règle.

SERVICES D’INCENDIE ET DE SECOURS

ROYAUME-UNI

Source : service des Affaires européennes de l’Assemblée nationale

Les réponses obtenues pour le Royaume-Uni concernent exclusivement les services de lutte contre l’incendie. Il convient toutefois de noter que d’autres aspects relevant de la sécurité civile au Royaume-Uni sont pris en charge soit par les services de police, soit par les services médicaux d’urgence.

Depuis le Fire Service Act de 2004, les missions des services de lutte contre l’incendie en Angleterre et au Pays de Galles comprennent la prévention des incendies et le secours aux victimes d’incendies, d’accidents domestiques et d’accidents de la route. Les accidents impliquant des matières dangereuses, les secours aquatiques, les sauvetages souterrains et en montagne relèvent également de ces services.

Les secours médicaux d’urgence et les secours médicaux non urgents (transport de malades…) relèvent du Service National de Santé (NHS).

Au Royaume-Uni, il n’existe pas de services de lutte contre l’incendie organisés à l’échelle nationale. Traditionnellement, la lutte contre l’incendie est organisée au niveau local, avec à l’origine 47 subdivisions territoriales (« fire authorities ») en Angleterre, 3 au Pays de Galles et 8 en Écosse. La taille de chacune de ces unités varie considérablement : certaines couvrent un territoire vaste mais peu peuplé.

Comme en matière d’organisation territoriale des services de police, la région de Londres tend à servir de modèle. Le Gouvernement est actuellement en train d’opérer une réorganisation des services de lutte contre l’incendie en Angleterre et au Pays de Galles, pour réduire à neuf le nombre de divisions territoriales(14).

En Écosse, la lutte contre l’incendie entre dans le champ de la Dévolution, et par conséquent le Service d’incendie et de secours (« Fire and Rescue service ») relève des compétences du gouvernement régional écossais. C’est également le cas au Pays de Galles, où ce service relève des compétences du Parlement gallois, mais le Pays de Galles est intégré dans le projet de réorganisation en cours.

Les statistiques sur les activités de secours et de lutte contre l’incendie sont publiées chaque année par le Chartered Institute of Public Finance and Accountancy. Le tableau suivant figure dans le rapport 2008 de cet organisme (disponible également sur Internet(15)) :

DÉPENSES NETTES DES SERVICES D’INCENDIE ET
DE SECOURS, TOUTES RÉGIONS CONFONDUES

(en milliers de livres sterling)

 

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007

2007-2008

Prévisions pour 2008-2009

Dépenses

2 284 894

2 506 512

2 646 740

2 618 278

2 718 589

2 823 670

Recettes

63 589

115 894

115 382

112 590

121 484

101 201

Dépenses nettes (solde)

2 221 305

2 390 618

2 531 358

2 505 687

2 597 105

2 722 469

Source : CIPFA, Fire and Rescue Service Statistics 2008

Ces dépenses sont financées en partie par les budgets des comtés et en partie par des subventions gouvernementales. Les subventions gouvernementales se sont élevées à 1,8 milliard de livres pour l’année fiscale 2004-2005. Les fire authorities les plus importantes reçoivent également un pourcentage fixe des impôts locaux (c’est notamment le cas à Londres).

RÉPARTITION DES DÉPENSES EN 2007

(en milliers de livres sterling)

Sécurité contre l’incendie

309 075

Lutte contre l’incendie et opérations de secours

2 356 216

Plans d’urgence / protection civile

7 870

Autres dépenses

54 801

Coût total des services

2 727 962

Source : CIPFA

Traditionnellement, les services de lutte contre l’incendie ne faisaient rien payer aux usagers. Toutefois, dans le cadre de la réforme générale de ces services et de l’extension de leurs activités non liées aux incendies, la loi a été modifiée pour pouvoir rendre ces services payants. Les Services d’incendie et de secours ont le pouvoir de demander paiement pour leurs services, sauf pour ce qui touche à l’extinction des feux, la protection des vies et des propriétés en cas d’incendie, et le secours médical d’urgence. Lorsque les services donnent lieu à paiement, celui-ci peut aller jusqu’à couvrir l’intégralité du coût de l’intervention(16).

PERSONNELS EN FONCTION (ANGLETERRE UNIQUEMENT)

(en équivalents temps –plein)

2004

50 334

2005

50 344

2006

50 618

2007

51 300

2008

51 646

Source : Fire and Rescue Service, Operational Statistics Bulletin for England 2007/2008

Le tableau ci-dessus ne prend pas en compte les effectifs des services d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord.

Pour des informations détaillées sur la répartition des effectifs en Angleterre, voir le site Internet suivant :

 http://www.communities.gov.uk/publications/corporate/statistics/frsoperationalstats2007-08

Une partie de ces effectifs est appelée « retained duty staff » : il s’agit de personnes ayant une autre activité (à plein temps ou à temps partiel) mais dont on attend qu’elles soient capables de répondre à un appel et de rejoindre la caserne dans les 5 minutes qui suivent une alerte.

S’agissant des achats d’équipement, une stratégie nationale d’approvisionnement est mise en œuvre par l’intermédiaire d’une société, Firebuy Ltd. Cette société a été constituée en 2005, avec le statut d’« organe public non-ministériel » (non-departmental public body) pour exécuter la « Stratégie 2005-2008 d’approvisionnement des services d’incendie et de secours ». Firebuy Ltd négocie et gère les contrats nationaux pour l’équipement des services d’incendie et de secours, y compris les véhicules, l’habillement et les appareils respiratoires. L’objectif est de procurer des équipements standardisés, permettant l’interopérabilité et l’égalité entre les services(17).

PROTECTION ET SÉCURITÉ CIVILE EN ITALIE

Source : service des Affaires européennes de l’Assemblée nationale

I – ORGANISATION DE LA PROTECTION CIVILE

En Italie, la protection civile, dont dispose la loi 225/1992, relève principalement de la responsabilité des régions.

Cependant, le Service national de protection civile, qui comprend des administrations des services centraux et déconcentrés de l’État, des régions, des provinces et des communes, est coordonné par le Président du Conseil via le Département de la protection civile. La division des responsabilités est en effet fondée sur la gravité des événements et sur la nature des actions menées.

Ainsi, s’agissant des activités d’anticipation et de prévention, les programmes de formation et les plans d’action sont établis tant au niveau national qu’aux niveaux régional et provincial. S’agissant des responsabilités opérationnelles, les maires coordonnent l’aide aux populations. Cette responsabilité est néanmoins transférée au préfet lorsque la gravité des événements le justifie.

Les provinces, pour leur part, assument principalement des missions d’études et de suivi ainsi que d’information des populations. Les régions organisent et gèrent les activités de protection civile, garantissant l’exécution des actions décidées.

L’État, outre la coordination générale de toutes les activités de protection civile, prend en charge les situations extraordinaires notamment en déclarant l’état d’urgence et en nommant des « commissaires spéciaux ».

II – RÔLE DU SYSTÈME DE SANTÉ

Le système de santé lié aux urgences sanitaires est séparé des services de protection civile. Il est organisé selon deux niveaux régionaux. En premier lieu, le centre d’appels « 118 », connecté avec les services publics en charge des urgences (service d’incendie, police, préfecture, etc.) et les associations de volontaires, émet et reçoit les appels d’urgence (8 474 040 appels en 2005). En second lieu, les soins sont fournis par les services de premiers soins et les hôpitaux (427 hôpitaux dotés de services d’urgence dont 196 d’un département de premiers secours).

III – RÔLE DES POMPIERS

Le corps des pompiers, sous la responsabilité du Ministre de l’Intérieur, comprend 32 127 membres, répartis en 8 directions centrales, 18 directions régionales, 100 quartiers généraux provinciaux et 334 divisions. S’y ajoutent 360 000 pompiers volontaires (60 000 immédiatement mobilisables) répartis dans 272 divisions. Ce total est d’ailleurs porté à 1,3 million de volontaires actifs relevant des 2 500 organisations à but non lucratif entrant dans le registre dédié à la protection civile tenu par le Département de protection civile (Croix-Rouge italienne par exemple).

EFFECTIF AU 7 NOVEMBRE 2008 DU CORPS DES POMPIERS

Personnel d’encadrement

754

Personnel administratif

3 546

Personnel opérationnel

dont

- pompiers professionnels

- chefs d’équipe

- chefs de département

- inspecteurs

27 827

18 767

6 723

1 474

358

IV – DONNÉES BUDGÉTAIRES

Le budget annuel consacré aux services de protection et de sécurité civile s’établit à 3 505 millions d’euros (projet de loi de finances pour 2009) avec 1 508 millions d’euros alloués au Département de la protection civile, 1 737 millions d’euros au Ministère de l’Intérieur et 141 millions d’euros au Département des forêts nationales. Les dépenses liées aux événements sanitaires sont financées grâce aux fonds communs régionaux.

Leur financement est assuré par l’imposition des citoyens. Cependant, les événements exceptionnels peuvent donner lieu à des campagnes de donations, adressées au Département de la protection civile. Dans le même esprit, les contribuables peuvent consacrer jusqu’à 5 % de leur impôt sur le revenu à des donations directes aux associations et aux centres de recherche, qui peuvent relever de la protection civile.

PROTECTION ET SÉCURITÉ CIVILE EN SUÈDE

Source : service des Affaires européennes de l’Assemblée nationale

En vertu de la loi sur la protection civile (2003/778), la responsabilité des services de secours est partagée entre l’État et les communes (290). Celle des services médicaux d’urgence incombe aux comtés (21).

Relèvent de la compétence de l’État les services suivants :

– secours en montagne,

– recherches et secours dans les airs et en mer,

– recherches générales de personnes disparues,

– recherches et secours maritimes,

– services d’urgence en cas d’émissions de substances radioactives en provenance d’installations nucléaires.

À l’exception des domaines ci-dessus mentionnés, les services de secours relèvent de la compétence générale des municipalités. Celles-ci sont obligées d’organiser de tels services, elles peuvent le faire seules ou en coopération avec d’autres communes, en fonction des besoins locaux.

Chaque commune élabore un plan d’action pour les services de secours, qui est approuvé par le conseil municipal. Ce plan recense les risques et définit les objectifs, ainsi que les capacités et les ressources des services de secours. Ces plans d’action se caractérisent par leur grande variété, certaines communes ne fournissent que les services de base tandis que d’autres mettent en œuvre des mesures préventives et de gestion de crise.

Compte tenu de cette variété, il est difficile de fournir une description détaillée de l’organisation et du fonctionnement des services de secours mis en place, d’autant plus que la loi précitée incite à la coopération entre les communes, d’une part, et entre les communes et l’État, d’autre part, ce qui contribue à la diversité constatée.

Le Gouvernement a, dans certains cas particuliers, la faculté de modifier un plan d’action municipal. En outre, lorsque des opérations d’urgence de grande envergure incombent à un service de secours municipal, le comté ou une autre autorité désignée par le Gouvernement peut assumer la responsabilité de ces opérations.

Le financement des services de secours repose principalement sur l’impôt. Seules les activités impliquant de hauts niveaux de risques, comme les aéroports ou certaines grandes entreprises, font exception à cette règle. Dans ces cas, le propriétaire peut être tenu de conclure avec la commune un accord précisant dans quelle mesure il contribue aux services de secours. Le montant des ressources fiscales affectées au financement des services de secours n’est pas individualisé sur l’avis d’imposition locale.

Le Parlement suédois n’a pu fournir d’informations sur le coût total des services de secours et son évolution au cours des dernières années. S’agissant des dépenses de ces services, elles se répartissaient en 2007 de la façon suivante : 72 % pour la lutte contre les incendies ; 15 % pour les secours en cas d’accidents de la circulation ; 3 % pour les secours en cas de déversement de substances dangereuses ; 2 % pour les secours en cas de tempête ; 2 % pour les secours en cas d’inondations ; 6 % pour les autres interventions.

Quant aux personnels des services de secours, seules des statistiques sur les pompiers ont été communiquées : environ 100 centres de lutte contre l’incendie emploient des pompiers à temps plein (environ 5 100 personnes) et environ 650 emploient des pompiers à temps partiel (10 700 personnes). Ces personnes sont directement recrutées par les communes.

Il existe deux systèmes principaux pour l’organisation du travail quotidien des pompiers à temps plein :

– soit une division en deux plages horaires de 12 heures, selon laquelle un groupe assure le service de jour et l’autre le service de nuit ; sur une durée de 28 jours, chaque pompier assure 14 de ces plages horaires ;

– soit une division en plages horaires de 24 heures selon laquelle un pompier est de service un jour entier et bénéficie ensuite de deux jours de repos ; au total, sur une durée de 28 jours, chaque pompier assure 7 de ces plages horaires.

S’agissant des pompiers à temps partiel, ils sont, en principe, de service une semaine sur quatre ; durant cette semaine, ils peuvent être appelés à intervenir à tout moment. Les services de secours municipaux ont cependant la possibilité de conclure d’autres types d’accords afin de mieux adapter les horaires de travail aux besoins locaux.

Quant aux matériels, seul l’achat des camions est réalisé au plan national, celui des autres équipements est du ressort des services municipaux. Il arrive cependant que les achats soient synchronisés régionalement.

Les services médicaux de secours et d’urgence, qui comprennent également le transport des blessés, relèvent de la compétence des comtés. Pour l’exercice de cette mission, le conseil du comté peut confier, par contrat, certaines tâches à une autre entité ; il peut s’agir d’une entreprise, d’une association, d’une fondation ou d’une commune. Les contrats concernent le plus souvent le transport par ambulances ou les soins médicaux prodigués par les pompiers en attendant l’arrivée des ambulances. Leur conclusion doit permettre une utilisation plus efficace des ressources disponibles. Le conseil du comté participe au financement de l’exécution de ces tâches.

LA SÉCURITÉ CIVILE EN FRANCE

Source : service des Finances publiques de l’Assemblée nationale

En France la sécurité civile est de la responsabilité partagée de l’État et des collectivités locales. L’État assure seulement les tâches relatives aux moyens mutualisés : préparation et gestion des crises, lutte contre les feux de forêt (uniquement moyens aériens), interventions spécialisées sur les autres catastrophes naturelles et technologiques, secours à personne par hélicoptère, déminage. L’État est également en charge de la réglementation (plans de couverture des risques, normes techniques, principes d’organisation du travail des sapeurs-pompiers…), alors que ce sont les départements qui en assument les coûts(18). L’essentiel des interventions est en effet assuré par les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), qui sont des établissements publics rattachés auprès des 100 départements français(19). Les deux principales villes de France ont des services de sécurité civile à statut militaire en partie financés sur le budget de l’État : la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon des marins pompiers de Marseille. Si quelques associations à but non lucratif participent également à la distribution des secours (Croix rouge, fédération nationale de protection civile, spéléo-secours français, secours catholique, …), aucune structure privée n’intervient dans la sécurité civile.

Activité historique, les incendies ne représentent plus que 8 % du nombre des interventions (17 % en pondérant par le temps passé le nombre d’hommes). Les accidents de la circulation représentent également 8 % des interventions. Le secours à personnes est devenu l’activité principale des sapeurs-pompiers, avec 65 % des interventions (accidents, malaises ou maladies sur le lieu de travail ou à domicile ; accidents ou malaises liés à une activité sportive ; accidents ou malaises sur la voie ou lieu public ; accidents de montagne ; malaises ou maladies à domicile avec situation de carence(20; autolyses ; noyades en mer, en eaux intérieures ou en piscines ; intoxications ; relevage de personnes ; recherche de personnes). Le nombre d’intervention de secours à personne connaît une très forte progression depuis quelques années. Les autres opérations représentent 19 % des interventions (protection des biens, faits d’animaux, fuites d’eau et de gaz, inondations, ouvertures de portes, dégagement de voie publique…).

En l’absence de règles précises de partage des compétences, les services chargés de la sécurité civile (SDIS) et ceux chargés des secours médicaux d’urgence dans les hôpitaux (SAMU/SMUR) se retrouvent souvent en situation de concurrence. Les sapeurs-pompiers se plaignent en outre de devoir traiter les demandes d’interventions que ne veulent plus ou ne peuvent plus assumer les services médicaux d’urgence des hôpitaux. La conséquence en est une augmentation importante de l’activité des SDIS, dont le coût est supporté par les départements, et donc par l’impôt. Depuis la signature en juin 2008 d’un « référentiel commun », le principe d’une régulation médicale a été systématisé ; les appels au 18 (sapeurs-pompiers) ou au 15 (SAMU) sont évalués selon une grille commune, afin d’y envoyer les moyens les plus adéquates, en renvoyant le cas échéant d’un service vers l’autre. Seuls 15 départements ont opté pour une plate-forme commune de réception des appels d’urgence 15/18.

En particulier le transport de malades (urgents et non urgents) est également une activité partagée de façon concurrente entre les SDIS, les SAMU et les ambulanciers privés. On constate une multiplication des situations où les SDIS sont amenés à transporter des malades, en lieu et place des SAMU ou des ambulances privés. Dans certains cas des ambulances privées placées en situation d’astreinte auprès des hôpitaux, et donc payées pour cela, ne sont pas utilisées alors que ce sont les véhicules de sapeurs-pompiers qui sont envoyés. Là encore le coût en est supporté par les départements et donc par l’impôt. Ce problème spécifique n’a pas encore reçu de solution adéquate.

La sécurité civile représente un budget de plus de 5,5 milliards d’euros en France. L’État devrait supporter en 2009 près d’1 milliard d’euros de dépenses : 415 millions d’euros pour la mission Sécurité civile du ministère de l’Intérieur et près de 551 autres millions pour la sécurité civile dans les crédits des autres ministères – en particulier Agriculture, Écologie et Santé (prévention, météo). Plus de 4,6 autres milliards d’euros ont été dépensés en 2007 dans les services locaux d’incendie et de secours : 4,2 milliards d’euros par les SDIS, plus de 300 millions d’euros par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et près de 100 millions d’euros par la brigade des marins pompiers de Marseille.

Si les dépenses de sécurité civile assumées par l’État restent relativement stables dans le temps, les dépenses des SDIS ont augmenté de 245,6 % entre 1996 et 2007 (onze ans). Depuis 2001, date de l’achèvement de la départementalisation des SDIS, leurs dépenses ont encore augmenté de 45,8 %. En comparaison, le nombre d’interventions des SDIS a augmenté de seulement 8,4 % depuis 2001 (5 % depuis 1999). Même si l’on constate un certain ralentissement en 2007 et 2008, les SDIS connaissent encore un trend d’augmentation des dépenses supérieur à l’inflation.

Les activités de sécurité civile assurées par l’État sont financées par les impôts nationaux. Celles assurées par les SDIS sont financées par les impôts locaux (54 % départements et 46 % communes). En moyenne nationale, les SDIS représentent un coût de 74 euros par habitant (variations entre moins de 50 et plus de 300 euros par habitant selon les départements).

Le secteur privé ne participe que marginalement (sociétés d’autoroute) au financement de la sécurité civile en France, mais une réflexion en ce sens est engagée (compagnies d’assurance…).

Le montant des recettes fiscales locales finançant la sécurité civile n’est pas individualisé sur la feuille d’impôts locaux des contribuables. Une majorité d’élus locaux souhaiterait qu’il le devienne, en suivant l’exemple de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

En 2007, on dénombre 38 700 sapeurs-pompiers professionnels (SPP) employés dans les SDIS. Aux effectifs des SDIS, il faut ajouter ceux du bataillon de sapeurs-pompiers de Paris (7 792) et de la brigade de marins pompiers de Marseille (2 481). Les effectifs de sapeurs-pompiers professionnels ont augmenté de plus de 10 000 en dix ans (entre 1997 et 2007). Ces effectifs continuent à croître fortement, avec une augmentation de 559 entre 2006 et 2007.

Si l’on inclut les 199 200 sapeurs-pompiers volontaires (SPV), la France comporte un total de 250 400 sapeurs-pompiers (SPP + SPV). Le ratio entre le nombre de sapeurs-pompiers et la population est très variable d’un département à l’autre. La proportion entre les SPP et les SPV est également très variable d’un département à l’autre. Les effectifs des services de santé et de secours médical (SSSM : médecins, infirmiers, pharmaciens et vétérinaires) sont de 11 169 (96 % d’entre eux ont le statut de sapeurs-pompiers volontaires). Les personnels administratifs, techniques et spécialisés sont au nombre de 10 600.

La réglementation nationale du système d’organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels laisse une très grande latitude aux SDIS. Elle les autorise à conserver des cycles de travail de 24 heures consécutives en fixant une durée équivalente à la durée légale annuelle du temps de travail. Cette durée équivalente doit être comprise entre 2 160 heures et 2 400 heures.

Pour des raisons historiques et en raison d’un attachement très fort des sapeurs-pompiers professionnels, l’organisation du temps de travail repose essentiellement sur des gardes de 24 heures (63 % des SDIS). Seulement 26 % des SDIS ont adopté un système de gardes de 12 heures, les 11 % restant ayant adopté d’autres systèmes (gardes de 10 ou 8 heures, gardes mixtes…). Il résulte de cette situation que les sapeurs-pompiers professionnels effectuent en moyenne entre 90 et 100 journées de garde par an (cela leur permet d’être hors de leur lieu de travail environ 270 jours par an…).

Les réflexions en cours tendant à mieux mettre en adéquation les périodes de travail avec les besoins réels n’ont jusqu’à présent pas abouti (il y a par exemple très peu de demandes d’intervention entre 23 heures et 6 heures alors que les effectifs sont les mêmes qu’au milieu de la journée). L’évolution en cours de la réglementation européenne (directive sur le temps de travail) pourrait amener à revoir les choses.

Les achats de matériel (véhicules de secours, camions citerne, fourgons pompe tonne…) sont de la responsabilité de chaque SDIS et ne font pas l’objet, en règle générale, de mutualisation. Si ces matériels doivent respecter la réglementation en vigueur (tant au niveau national qu’européen), ils ne font pas l’objet de spécifications communes permettant un éventuel groupement des achats. Il résulte de cette situation un surcoût estimé à environ 30 % par rapport à des appels d’offre groupés et une extrême variabilité des coûts unitaires des matériels roulant – pourtant équivalents – achetés par les différents SDIS. Une exception notable est constituée par le système de communication ANTARES, qui est unifié sur l’ensemble du territoire national et qui résulte d’une commande groupée de l’État.

IV.– CONTRIBUTIONS REÇUES (organisations représentatives de sapeurs pompiers, chambre nationale des services d’ambulances et direction générale des Finances publiques (DGFiP)

• Contributions reçues de la part des organisations représentatives de sapeurs pompiers (voir page 1)

- Organisations syndicales :

– Avenir-Secours

– Fédération CGT des services publics, agents des SDIS

– Fédération CFDT-Interco, branche SDIS

–  Fédération autonome des sapeurs pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés (FASPP/PATS)

– Fédération des personnels des services publics et de santé Force Ouvrière (FO)

– Syndicat national des sapeurs pompiers professionnels (SNSPP-CFTC)

- Fédération nationale des sapeurs pompiers de France (FNSPF)

• Contribution reçue de la part de la chambre nationale des services d’ambulances (voir page 81)

– Courrier adressé le 17 juin 2009 à M. David Habib, président de la MEC par M. Bernard Boccard, président de la chambre

– Étude réalisée par le cabinet KPMG sur le coût comparatif des prestations de transport sanitaire couché entre les SDIS et les transports sanitaires privés

• Contributions reçues de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) du ministère du Budget sur la fiscalisation des SDIS (voir page 93)

– Proposition de financement des SDIS par la création d’une imposition spécifique

– Proposition d’indication du coût des SDIS sur les avis d’imposition de la fiscalité locale

Consulter les contributions : voir le fichier pdf

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Rapport spécial (n° 1198 annexe 42) présenté par M. Georges Ginesta au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2009 :
http://www.asse
mblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/b1198-a42.pdf

3 () Voir en sus du rapport spécial (n° 1198 annexe 42) de M. Georges Ginesta, précité :

- la plaquette de la DSC sur les statistiques des SDIS

http://www.infosdis.fr/Docs/Statistiques2007/StatsFin08.pdf

- la plaquette de la DSC sur les statistiques financières des SDIS

http://www.infosdis.fr/Docs/Statistiques2007/StatsFin08.pdf

4 () Sauf, à la marge, pour la gestion du domaine public départemental.

5 () Circulaires des 25 mars 1993, 31 janvier 1994 et 24 février 1995.

6 () Voir infra.

7 () Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la Santé.

8 () Rapport de mars 2008 sur « la contribution des communes au financement des services départementaux d’incendie et de secours » de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration.

9 () Voir la plaquette statistique précitée de la DSC sur les SDIS.

10 () Arrêté du 5 mai 2009 du ministère de la Santé relatif à la mise en œuvre du référentiel SMAU – transport sanitaire portant organisation de la réponse ambulancière à l’urgence pré-hospitalière.

11 () Débats à l’Assemblée nationale le 22 septembre 1999 et au Sénat le 3 novembre 1999.

12 () INSEE Première.

13 () Cotisation fixée au taux de 1 % de la masse salariale des SDIS.

14 () Voir à ce sujet le site du ministère des Communautés et du Gouvernement local :

http://www.communities.gov.uk/fire/resilienceresponse/firecontrol

15 () http://www.cipfastats.net/uploads/Fire%20and%20Rescue%20Services%20Statistics%20200884200991622.pdf

16 () http://www.communities.gov.uk/fire/runningfire/chargingandtrading

17 () http://www.communities.gov.uk/fire/runningfire/nationalprocurementstrategy

18 () Une commission (dénommée Conférence nationale des services d’incendie et de secours) associant l’État, les élus et les organisations professionnelles de sapeurs-pompiers a été mise en place en 2004 avec des pouvoirs purement consultatifs.

19 () Ces services étaient organisés sur une base communale ou intercommunale avant la loi de 1996, mise en oeuvre progressivement jusqu’en 2001.

20 () Appel des sapeurs-pompiers par un hôpital pour le transport de malades, faute d’avoir pu trouver une ambulance disponible (publique ou privée).


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