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N° 2312

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2010

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7, alinéa 1, du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008
de
modernisation de l’économie,

et présenté

PAR MM. Patrick OLLIER et Jean GAUBERT,

Députés.

——

A mon ami Jean-Paul Charié

Lorsque après un long combat contre la maladie, Jean-Paul nous a quitté fin 2009, Jean Gaubert et lui avaient quasiment achevé leur mission. Jean-Paul y avait jeté ses dernières forces avec toute la passion et la conviction qui avaient de tous temps été les marques de son engagement politique.

Bien qu’ayant été à l’origine de cette mission de contrôle d’application de la loi, ma contribution à ce rapport a été relativement modeste : elle s’est résumée à compléter le rapport par quelques données manquantes au moment du départ de Jean-Paul et à valider avec Jean Gaubert le résultat final.

Je l’ai fait pour Jean-Paul, pour honorer sa mémoire et au nom d’une amitié très ancienne qui nous unissait.

Ce document est donc l’ultime témoignage de l’action publique de Jean-Paul Charié. C’est pour cette raison que j’ai tenu à ce que son nom apparaisse sur la couverture du rapport, afin de ne pas le priver injustement de la paternité posthume qui lui en revient et comme une forme de dernier hommage rendu à un député et un homme exemplaires.

Patrick Ollier

Président de la commission

des affaires économiques

A Jean-Paul Charié

J’ai préparé ce rapport avec Jean-Paul Charié sur la proposition du Président de la Commission des Affaires Économiques Patrick Ollier.

Je connaissais déjà Jean-Paul comme collègue passionné, compétent et engagé, reconnu comme spécialiste des problèmes du commerce, de l’artisanat et des PME… Parfois son caractère entier pouvait surprendre et même irriter.

Mais j’ai découvert dans ce travail en commun, une autre facette de sa personnalité : humaniste, chaleureux, honnête intellectuellement. Il donnait l’impression de croire à la possibilité de construire un monde parfait où chacun serait attentif à l’autre et le respecterait.

Dure mission dans ce monde de tension, de mépris et d’irrespect ! Il m’est arrivé de penser qu’il était naïf ! En réalité il était idéaliste et espérait chaque jour, que son rêve devienne réalité.

Il avait choisi un chemin différent du mien, mais il le suivait avec tellement de volonté que je mesurais combien son ambition d’un monde meilleur n’était pas moins forte que la mienne.

J’ai commencé ce travail avec un collègue, je l’ai terminé en ayant perdu un ami.

Jean GAUBERT

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

I.— LE SUIVI DE LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI : UN BILAN NUANCÉ ET QUELQUES ABCÈS DE FIXATION PERSISTANTS 11

A.— LE RYTHME DE PUBLICATION DES DÉCRETS SIX MOIS APRÈS LA PUBLICATION DE LA LOI 11

B.— LES DÉCRETS ENCORE EN SOUFFRANCE 21

C.— LES ORDONNANCES. 24

II.— LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE D’AUTORISATION DES ÉQUIPEMENTS COMMERCIAUX 27

A.— LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME : FACILITER L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX ENTRANTS DANS LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION 27

B.— UNE PÉRIODE TRANSITOIRE CHAOTIQUE. 28

1. Les dispositions de la loi 29

a. Le nouveau régime 29

b. Le régime transitoire 29

2. Les circulaires de la DECASPL (Direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales) 30

a. La circulaire du 7 août 2008 30

b. La circulaire du 28 août 2008 31

c. La circulaire du 24 octobre 2008 32

3. Un bilan critique 32

C.— LE NOUVEAU RÉGIME D’AUTORISATION DES ÉQUIPEMENTS COMMERCIAUX : UNE APPLICATION EMPIRIQUE, DES RÉSULTATS PEU PROBANTS 36

III.— LA RÉDUCTION DES DÉLAIS DE PAIEMENT : UN CONTEXTE DIFFICILE, UN EFFORT INSUFFISANT 41

A.— LES MESURES PRÉVUES PAR LA LOI 41

B.— UN BILAN INSUFFISANT 41

IV.— LA RÉFORME DES RELATIONS COMMERCIALES : DES ABUS PERSISTANTS MALGRÉ LA DIMINUTION SENSIBLE DES MARGES ARRIÈRE 49

A.— LE TEXTE DE LA LOI 49

B.— DES ABUS PERSISTANTS MALGRÉ LA DIMINUTION SENSIBLE DES MARGES ARRIÈRE 51

1. Des négociations qui se normalisent partiellement 51

2. Des abus persistants 53

3. La nécessité de rendre les sanctions effectives. 55

CONCLUSION 59

EXAMEN EN COMMISSION 63

Mesdames, Messieurs,

La loi de modernisation de l’économie était un des textes les plus attendus de la législature.

Son ambition est résumée d’une phrase dans la lettre adressée par le Président de la République à la ministre de l’économie de l’industrie et de l’emploi : lever « les contraintes qui empêchent certains secteurs économiques de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ».

Quelque 18 mois après sa promulgation, le temps est venu pour la commission des affaires économiques de dresser un premier bilan de l’application de ce texte.

La tâche était immense s’agissant d’une loi qui comporte 175 articles.

Les rapporteurs ont effectué un recensement minutieux des textes d’application de chaque article, suivi leur rythme de publication, mais ont, sur le fonds, privilégié certains thèmes de réflexion plutôt que de se disperser.

Ils ont bien sûr travaillé sur l’urbanisme commercial, le grand sujet de ce texte qui a tant mobilisé les énergies comme en témoigne la mise en œuvre des dispositions relatives à ce sujet dans les quelques semaines qui ont suivi la publication de la loi ; mise en œuvre qu’on qualifiera, par euphémisme, d’agitée,.

Les rapporteurs ont également examiné la question de la réduction des délais de paiement, thème cher à la commission des affaires économiques. Les résultats semblent plutôt positifs à première vue, mais il faut se garder de tout triomphalisme en la matière, d’une part parce que de nombreux accords dérogatoires ont été signés, d’autre part parce que certaines pratiques non-conformes à l’esprit de la loi se développent consistant à faire assumer au fournisseur le risque financier de la gestion du stock.

Enfin, s’agissant des relations commerciales, le bilan est là encore en demi-teinte, avec des résultats incontestables sur la diminution des marges arrière, mais dans le même temps la persistance de certains abus injustifiables.

Mais globalement, ce bilan d’application de la loi de modernisation de l’économie ne peut se faire en méconnaissant le changement brutal de contexte économique survenu depuis la promulgation du texte. C’est à l’aune de la crise économique que doivent être jugés les conséquences de la loi sur l’évolution des délais de paiement et des prix.

I.— LE SUIVI DE LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI : UN BILAN NUANCÉ ET QUELQUES ABCÈS DE FIXATION PERSISTANTS

Sur les 175 articles de la loi de modernisation de l’économie, 111 étaient d’application immédiate : il s’agit des articles 2 à 4 , 6, 10, 11, 13, 14, 15, 17, 19 à 23, 30 à 34, 36, 38 à 46, 49, 57, 58, 60 à 66, 68, 70 à 73, 76 à 80, 82 à 85, 87 à 92, 94, 96, 99, 103 à 108, 110 à 120, 125 à 129, 131 à 133, 138, 139, 141, 142 143, 150, 153 à 161, 163, 166, 167, 169, 170 à 173 et 175.

7 articles habilitaient le Gouvernement à légiférer par ordonnance : les articles 18, 74, 97, 134, 152, 164, 165.

57 articles requéraient donc des mesures d’application.

Mme Christine Lagarde avait annoncé, à l’occasion de la séance publique du 22 juillet 2008, avoir demandé « à tous les services qui dépendent de [sa] responsabilité de faire tous leurs efforts nécessaires à la mise en œuvre de l’ensemble des textes d’application, décrets et arrêtés, avant la fin de l’année civile 2008 ». 

A.— LE RYTHME DE PUBLICATION DES DÉCRETS SIX MOIS APRÈS LA PUBLICATION DE LA LOI

Six mois après la publication de la loi, 26 articles avaient fait l’objet de toutes les mesures d’application prévues par le texte, soit  26 décrets. Il s’agit des articles 1, 9, 12, 16, 24, 27, 35, 47, 50, 51, 52, 54, 67, 98, 100, 102, 109, 121, 122, 123, 132, 137, 146, 147, 148, 149.

Article

Objet des mesures réglementaires

Décrets

Art. 1 : régime fiscal et social de la micro entreprise

Fixation du taux applicable au montant du chiffre d'affaires ou des revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale

Décret n° 2008-1348
du 18/12/2008

Décret n° 2008-1349
du 18/12/2008

Décret n° 2009-120
du 2/02/2009

Art. 9 : généralisation à tous les commerçants soumis au régime « micro » de la comptabilité simplifiée

Conditions dans lesquelles le livre et le registre prévus à l’article L. 123-28 du code du commerce sont tenus

Décret n° 2008-1405
du 19/12/2008

Art.12 : droit à la formation pour le créateur ou le repreneur d’entreprises

Fixation du délai d'immatriculation de l'artisan au répertoire des métiers ou au registre des entreprises afin de pouvoir bénéficier du financement du Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise ;

Fixation du délai d'immatriculation de l'artisan au répertoire des métiers ou au registre des entreprises afin de pouvoir bénéficier du financement du droit additionnel prévu à l’article 1601 du code général des impôts

Décret n° 2008-1051
du 10/10/2008

Art.16 : extension au partenaire du PACS du statut de conjoint collaborateur

Ajustement des textes afin de permettre l’extension du statut de conjoint collaborateur aux pacsés

Décret n° 2008-1488
du 30/12/2008

Art. 24 : rapport du commissaire aux comptes sur les délais de paiement

Modalités de publication par les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par des commissaires aux comptes, des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients, et d'établissement du rapport du commissaire aux comptes

Décret n° 2008-1492
du 30/12/2008

Art.27 : réforme d’UBIFRANCE

Modifiant le décret n° 2004-103 du 30 janvier 2004 relatif à UBIFRANCE, Agence française pour le développement international des entreprises

Décret n° 2008-1548
du 31/12/2008

Art.35 : assouplissement des règles de fonctionnement des fonds d’investissement de proximité (FIP) ; création des fonds communs de placement à risque (FCPR) contractuels ; extension du champ d’intervention des régions en matière de capital-risque

Fixation du pourcentage de son actif qu'un FCPR contractuel peut utiliser pour acquérir des créances sur des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers mentionné au 1 de l'article L. 214-36

Décret n° 2008-1341
du 17/12/2008

Art.47 : création d’un indice des loyers commerciaux

Définition des activités commerciales pour lesquelles est interdite toute indexation fondée sur la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux publié par l'INSEE et fixation des conditions de publication de cet indice par l'Insee

Décret n° 2008-1139
du 4/11/2008

Art.50 : enregistrement des contrats d’apprentissage par les chambres consulaires

Conditions d'enregistrement du contrat d'apprentissage par une chambre consulaire

Décret n° 2008-1253
du 1/12/2008

Art.51 : définition de l’entreprise de taille intermédiaire

Critères de détermination de la catégorie d'appartenance d'une entreprise

Décret n° 2008-1354
du 18/12/2008

Art.52 : réglementation de la profession de courtier en vins

Fixation du montant de la carte professionnelle des courtiers en vins

Décret n° 2008-1274
du 5/12/2008

Art.54 : réglementation des « vide greniers »

Refonte des procédures du fait du remplacement de l’autorisation par une déclaration détermination des conditions particulières de participation des particuliers à de telles manifestations (vide-greniers)

Décret n° 2009-16
du 7/01/2009

Art.67 : amélioration de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des emprunts souscrits en vue de l’acquisition d’une fraction du capital d’une société non cotée à l’occasion d’une opération de reprise

Obligations déclaratives incombant aux contribuables et aux sociétés

Décret n° 2008-1403
du 19/12/2008

Art.98 : réforme du régime des soldes

Fixation des dates et heures de début des soldes

Conditions de déclaration des soldes dont les dates sont fixées librement par les commerçants (« soldes flottants »)

Décret n° 2008-1343
du 18/12/2008

Décret n° 2008-1342
du 18/12/2008

Art.100 : réforme du FISAC

Conditions de prise en charge par le FISAC des intérêts des emprunts contractés par les communes pour l’acquisition, en application de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme, de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de baux commerciaux ou de terrains destinés à l’aménagement commercial

Décret n° 2008-1475
du 30/12/2008

Décret n° 2008-1470
du 30/12/2008

Art.102 : réforme du régime d’autorisation des équipements commerciaux

Modalités d'application du chapitre relatif à l'autorisation commerciale (code de commerce)

Détermination du seuil maximal des contrats passés par des personnes publiques ou privées à l'occasion de la réalisation d'un projet et dans une période de deux ans après l'achèvement dudit projet

Modalités de communication des contrats passés par des personnes publiques ou privées à l'occasion de la réalisation d'un projet et dans une période de deux ans après l'achèvement dudit projet

Décret n°  2008-1212
du 24/11/2008

Décret n° 2008-1467
du 22/12/2008

Art.109 : Équipement des immeubles par les fibres optiques permettant l’accès à Internet à très haut débit

Modalités d'établissement de la convention conclue entre l'opérateur et le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires : précisions des clauses de la convention, notamment du suivi et de la réception des travaux, des modalités d’accès aux parties communes de l’immeuble, de la gestion de l’installation et des modalités d’information, par l’opérateur, du propriétaire ou du syndicat de copropriétaires et des autres opérateurs

Modalités de la communication à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à leur demande, par les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques et les opérateurs de communications électroniques des informations relatives à l’implantation et au déploiement de leurs infrastructures et de leurs réseaux sur leur territoire (notamment au regard des règles relatives à la sécurité publique et à la sécurité nationale)

Modalités d’application du droit à la fibre

Modalités de mise en œuvre de l'obligation pour les immeubles neufs groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel d'être pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibres optiques nécessaires à la desserte de chacun des logements ou locaux à usage professionnel par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibres optiques ouvert au public

Décret n° 2009-54
du 15/01/2009

Décret n° 2009-167
du 12/02/2009

Décret n° 2009-53
du 15/01/2009

Décret n° 2009-52
du 15/01/2009

Art.121 : amélioration du régime fiscal des impatriés

Liste des activités permettant l'exonération d'impôt en raison du caractère spécifique des compétences requises ou de difficultés de recrutement

Décret n° 2009-43
du 12/01/2009

Art.122 : amélioration des facultés d’exonération de taxe professionnelle par les collectivités locales

Montant du volume d'investissements seul pris en compte pour l'exonération de taxe professionnelle prévue à l'article 1465 du code général des impôts

Décret n° 2008-1101
du 28/10/2008

Art.123 : régime social des impatriés

Modalités d'application des dispositions dérogatoires relatives à la prolongation de l'exemption

Modalités d'application des dispositions dérogatoires relatives à la prolongation de l'exemption

Décret n° 2009-34
du 9/01/2009

Art.132 : adaptation du code de la propriété intellectuelle à la convention sur le brevet européen

Conditions de présentation de la requête en renonciation ou en limitation auprès de l'INPI

Décret n° 2008-1471
du 30/12/2008

Art.137 : accréditations et certifications de conformité

Désignation de l'instance nationale d'accréditation, et fixation de ses missions

Définition des conditions dans lesquelles un organisme non encore accrédité pour la certification peut effectuer des certifications

Modalités d'application des articles L. 115-27 et L. 115-28 du code de la consommation

Décret n° 2008-1401
du 19/12/2008

Art.146 : règles transitoires relatives à la réforme du livret A

Fixation, pour chacun des établissements distribuant le livret A et le compte spécial sur livret du Crédit mutuel avant l’entrée en vigueur de la loi, de la durée pendant laquelle la rémunération complémentaire est versée ainsi que de son montant pour chacune des années concernées

Décret n° 2008-1264
du 4/12/2008

Art. 147, 148 et 149 : dispositions relatives aux Caisses d’Épargne

Règles de gouvernance

Décret n° 2008-1262
du 4/12/2008

Décret n° 2008-1265
du 4/12/2008

Les dispositions du I de l’article 37 relatif à l’extension à Alternext du régime des rachats d’actions et des contrats de liquidité, qui requéraient un décret d’application, ont été supprimées par l’ordonnance n°2005-109 relative aux rachats d’actions, aux déclarations de franchissement de seuil et aux déclarations d’intention.

24 articles n’avaient reçu aucune disposition d’application six mois après la publication de la loi : les articles 7, 25, 26, 29, 48, 53, 55, 69, 75, 81, 86, 93, 95, 101, 124, 130, 135, 136, 140, 144, 162, 168, 174.

Articles

Objet des mesures réglementaires

Décrets publiés au-delà de six mois

Art.7 : rescrit en matières d’aides à l’emploi

Définition des dispositifs en faveur de l'emploi mentionnés dans le livre 1er de la cinquième partie du code du travail

Conditions d'application de l'article L. 5112-1-1 du code du travail et fixation de sa date d'entrée en vigueur, au plus tard le 1er janvier 2010

 

Art.25 : obligation pour l’État d’accepter des factures dématérialisées

Modalités de mise en œuvre de la dématérialisation des factures émises par les fournisseurs de l'État et des collectivités territoriales

 

Art.26 : réserve d’une part des marchés publics de haute technologie aux sociétés innovantes

Modalités d'application de l'article 26 de la loi, et d'évaluation du dispositif expérimental mis en place

Décret n° 2009-193
du 18/02/2009

Art.28 : fractionnement de l’engagement de volontariat international en entreprises

Modalités de fractionnement

 

Art.29 : possibilité de modulation pour les indemnités supplémentaires des VIE

Modalités de modulation

Décret n° 2009-1012
du 25/08/2009

Art.48 : neutralisation de l’impact financier du franchissement des seuils de 10 et 20 salariés

Fixation du pourcentage dégressif minorant les versements mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 6331-14 du code du travail

Décret n° 2009-816
du 1/07/2009

Art. 53 : conditions d’exercice des activités commerciales ou artisanales ambulantes

Conditions d'application des articles L. 123-29 et L. 123-30 du code de commerce : détermination des contraventions, et des conditions d’habilitation des agents mentionnés au 2° de l’article L. 123-30 et les modalités d’exercice de leur compétence

Fixation des conditions dans lesquelles les titres de circulation sont délivrés et renouvelés et les mentions devant y figurer, des modalités des contrôles particuliers permettant d'établir que les détenteurs des titres de circulation ont effectivement satisfait aux mesures de protection sanitaire prévues par les lois et règlements en vigueur et des conditions dans lesquelles le maire doit donner son avis motivé et dans lesquelles les personnes titulaires d'un titre de circulation apportent les justifications motivant la dérogation prévue par l'article 9 de la loi

Décret n° 2009-194
du 18/02/2009

Art.55 : extension du champ d’application du chèque emploi services en faveur des TPE

Habilitation de l'organisme proposant un service d'aide à l'accomplissement de des obligations des entreprises en matière sociale

Modalités de mise en œuvre du "Titre Emploi-Service Entreprise"

Habilitation de l'organisme destiné à recouvrer et contrôler les cotisations et contributions dues au titre de l'emploi du salarié

Décret n° 2009-342
du 27/03/2009

Décret n° 2009-343
du 27/03/2009

Art.69 : tutorat assuré par le cédant après cession d’une entreprise

Modalités d'application de l'article 200 octies du CGI, notamment les obligations du contribuable et du bénéficiaire de l'aide et les justificatifs que doivent fournir les contribuables pour bénéficier de la réduction d'impôt

Décret n° 2009-321
du 20/03/2009

Art.75 : délai de communication à des tiers des informations détenues par la Banque de France sur la situation des dirigeants et entrepreneurs

Durée maximale pendant laquelle les informations relatives à la situation des dirigeants et des entrepreneurs qui sont détenues par la Banque de France peuvent être communiquées à des tiers

Décret n° 2009-198
du 18/02/2009

Art.81 : développement de l’économie solidaire et du micro-crédit

Fixation du nombre maximum de salariés d'une entreprise destinée à recevoir des prêts pour sa création et son développement

Décret n° 2009-304
du 18/03/2009

Habilitation et contrôle des organismes accordant sur ressources propres et sur emprunts contractés auprès d’établissements de crédit, ou d’institutions ou services mentionnés à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier, des prêts pour la création et le développement d’entreprises

 

Art.86 : clauses abusives

Détermination de la liste de clauses présumées abusives

Détermination des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives

Décret n° 2009-302
du 18/03/2009

Art.93 : sanction des pratiques abusives en matière de relations commerciales

Fixation du siège et du ressort des juridictions appelées à connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce (pratiques restrictives de concurrence)

 

Art.95 : création d’une Autorité de la concurrence

Fixation du siège et du ressort des juridictions appelées à connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce (pratiques restrictives de concurrence)

 
 

Conditions dans lesquelles le président de l'Autorité la représente dans tous les actes de la vie civile et a qualité pour agir en justice en son nom

Conditions de publicité des décisions rendues par l'Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l'économie

Décret n° 2009-141
du 10/02/2009

Décret n° 2009-186
du 17/02/2009

Art.101 : préemption des terrains destinés à l’aménagement commercial

Modification du décret d'application requis par l'article L. 214-3 du code de l'urbanisme

Décret n° 2009-753
du 22/06/2009

Art.124 : délivrance de la carte de résident pour contribution économique exceptionnelle

Définition des modalités d'application de l'article L. 314-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment des motifs pour lesquels la carte peut être retirée

Décret n° 2009-1114
du 11/09/2009

Art.130 : augmentation du poids total roulant autorisé pour le transport de bois

Définition des types de transport concernés et les règles applicables aux véhicules, notamment les poids totaux par configurations de véhicules et les conditions de leur circulation

Décret n° 2009-780
du 23/06/2009

Art.135 : compétence des TGI pour connaître des actions civiles et des demandes relatives aux dessins et modèles

Détermination des TGI appelés à connaître des actions et des demandes en matière de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques

Décret n° 2009-1205
du 9/10/2009

Art.136 : rescrit en matière de crédit d’impôt recherche

Liste des organismes chargés de soutenir l'innovation dont l'administration des impôts sollicite l'avis

Modalités d'application du 3° bis le l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales

Décret n° 2009-1046
du 27/08/2009

Art.140 : création de fonds de dotation

Fixation des conditions dans lesquelles l'autorité administrative autorise le fonds de dotation à faire appel à la générosité publique

Fixation des modalités de gestion financière du fonds de dotation

Fixation des conditions dans lesquelles le commissaire aux comptes demande au président du CA des explications sur les faits de nature à compromettre l'activité du fonds de dotation

Décret n° 2009-158
du 11/02/2009

Art.144 : renforcement de l’indépendance du service statistique public

Attributions et modalités de fonctionnement de l'Autorité de la statistique publique

Détermination des attributions, de la composition et des modalités de fonctionnement du Conseil national de l’information statistique, ainsi que de la représentation, en son sein, du Parlement et du Conseil économique et social (notamment conditions dans lesquelles l’autorité administrative décide du caractère obligatoire ou non de chaque enquête qui s’inscrit dans le cadre du programme annuel qu’elle a fixé)

Décret n° 2009-318
du 20/03/2009

Art.162 : exonération(s) de taxe professionnelle à raison de certaines dépenses exposées par les écoles de la deuxième chance

Conditions d'application du III de l'article 1er de la loi n° 71-578 du 16 juillet 1971, exonération totale ou partielle de la taxe d'apprentissage

Décret n° 2009-221
du 24/02/2009

Art.168 : unions mutualistes de groupe

Conditions de fonctionnement de l'union mutualiste de groupe

Décret n° 2009-789
du 23/06/2009

Art. 174 : dispositions de coordination consécutives à la suppression du comité monétaire la Banque de France

Suppression des dispositions réglementaires relatives au comité monétaire du conseil général de la Banque de France (R. 142-4, alinéa 2, R. 142-18, R. 144-6 alinéas 3 et 4, R. 144-14)

Décret n° 2009-269
du 9/03/2009

6 articles faisaient l’objet de mesures d’application partielles :

Articles ayant fait l’objet de mesures partielles d’application 6 mois après la publication de la loi, mesures complètes aujourd’hui

Art. 56 : simplification du fonctionnement des SARL et conditions de vente des fonds de commerce 

Deux décrets sur trois ont été publiés en décembre 2008 : celui relatif au modèle de statuts types de SARL dont l’associé unique assume personnellement la gérance, ainsi que celui allégeant les formalités de publicités pour cette même catégorie.

Le décret déterminant la nature et les conditions d’application de la visioconférence et des moyens de télécommunication permettant d’identifier les associés n’a été publié que le 25 février 2009.

Art. 59 : simplification du régime des SAS

Le décret déterminant les formalités de publicité allégées applicables aux SAS dont l’associé unique exerce la présidence a été publié le 30 décembre 2008.

Les décrets fixant les seuils au-delà desquels la désignation d’un commissaire au compte est obligatoire, et en deçà duquel ceux-ci exercent leurs diligences selon une norme d’exercice professionnelle simplifiée n’ont été publiés que le 25 février 2009.

Articles ayant fait l’objet de mesures partielles d’application 6 mois après la publication de la loi, toujours en attente d’être complétées.

Art. 5 : rescrit social 

Le décret précisant les conditions de réalisation du rapport annuel sur les principales questions posées en matière d’application à une situation des règles d’exonération de cotisations sociales dues au titre du régime des indépendants et les réponses apportées, a bien été publié. Mais le décret précisant les modalités de saisine de l’administration par les intéressés n’est toujours pas publié, ce qui rend potentiellement le dispositif inapplicable.

Art. 8 : dispenses d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ainsi qu’au répertoire des métiers 

Les décrets précisant les modalités d’application de la dispense d’immatriculation au RCS et au répertoire des métiers ont été publiés fin décembre 2010. En revanche, le décret précisant les conditions de mise en œuvre du guichet unique auprès duquel les entreprises exerçant des activités de services mentionnées dans la directive 2006/123/ CE relative aux services dans le marché intérieur pourront s’adresser afin d’accomplir les formalités nécessaires à l’accès et à l’exercice de leurs activités n’est toujours pas publié. Précisons que ces dispositions procèdent d’une initiative parlementaire.

Art. 145 : réforme de la distribution du Livret A

Trois décrets sur les quatre prévus par cet article ont été publiés le 4 décembre 2008. ces décrets concernent notamment les modalités d’ouverture, de fonctionnement et de clôture du livret A ; les conditions de centralisation de la quote-part collectée par la Caisse des dépôts ; les règles d’emploi des fonds collectés non centralisés ; les modalités de calcul de la rémunération complémentaire perçue par la Banque postale ; l’organisation et le fonctionnement de l’Observatoire de l’épargne réglementée. Le dernier décret, relatif aux modalités de vérification par l’établissement que le demandeur ne possède pas déjà un livret A, n’est toujours pas publié.

Article 151 : gouvernance et personnel de la caisse des dépôts

Deux décrets sont nécessaires afin d’étendre, sous réserve des adaptations nécessaires, à la Caisse des dépôts et consignations les règles prises en application de l'article L. 511-36, du premier alinéa de l'article L. 511-37 et des articles L.511-40 et L. 511-41 du COMOFI (règles comptables, prudentielles et de lutte contre le blanchiment applicables aux établissements de crédit). Un premier décret a été publié le 9 mars 2009 ; manque le second décret.

Six mois après la publication de la loi, 26 articles sur 57 avaient reçu leurs mesures d’application. C’est moins de la moitié, mais il faut toutefois tempérer ce bilan quantitatif décevant par le constat que les décrets d’application de certaines des mesures essentielles du texte ont été  publiés de sorte que l’engagement souscrit par Mme Lagarde et rappelé supra a pu être respecté : régime fiscal et social de la micro entreprise, c’est-à-dire création d’un statut d’auto-entrepreneur, réforme du régime des équipements commerciaux, équipement des immeubles par le haut débit.

Le décret d’application du « small business act » à la française introduit par l’article 26 de la loi a été publié le 18 février 2009, soit six mois et …14 jours après la publication de la loi. De même un très grand nombre de décrets sont parus au mois de mars 2009, soit sept mois après la publication de la loi.

Le Gouvernement a fait preuve d’une grande diligence s’agissant de dispositifs relativement lourds et complexes.

Le bilan est plus nuancé s’agissant notamment de l’application de la neutralisation de l’impact financier du franchissement des seuils sociaux prévue par l’article 48, de la délivrance de la carte de résident pour contribution économique exceptionnelle introduite par l’article 124 ou bien encore du rescrit en matière de crédit d’impôt recherche. Les décrets ont été publiés respectivement en juillet, septembre et août 2009, ce qui constitue un retard d’autant plus difficile à justifier qu’il s’agissait de mesures prévues par le projet de loi initial. Il est vrai que s’agissant de l’article 124, la publication du décret a pu être ralentie par la nécessité pour le ministère de l’économie et le ministère de la justice de travailler de concert.

Enfin, demeurent certains « abcès de fixation », plus d’un an après la publication de la loi.

B.— LES DÉCRETS ENCORE EN SOUFFRANCE

Fin octobre 2009, quatre articles n’avaient reçu aucune mesure d’application

– rescrit en matière d’emplois aidés (art. 7) ;

– obligation pour l’État d’accepter des factures dématérialisées (art.25) ;

– fractionnement de l’engagement de volontariat international en entreprises (art.28) ;

– spécialisation des juridictions chargées du contentieux des relations commerciales (art.93).

Trois de ces articles résultent d’initiatives parlementaires (art. 7, 25, 28)

Cinq articles avaient reçu des mesures d’application incomplètes :

– III de l’article 5 (généralisation du rescrit fiscal) ;

– V de l’article 8 (guichet unique pour l’exercice des activités de service) ;

– 4° de l’article 81 (possibilité pour les associations et fondations de pratiquer le crédit) ;

– IX de l’article 145 (modalités de vérification par les établissements de crédit de la non détention d’un livret A) ;

– article 151 (réforme de la Caisse des dépôts).

Le III de l’article 5 et le V de l’article 8 résultent d’initiatives parlementaires.

On peut comprendre que l’élaboration des textes d’application de mesures d’initiative parlementaire exige davantage de temps que celui nécessaire à l’élaboration des mesures d’origine gouvernementale. Pour autant cela ne doit pas constituer un prétexte pour ne pas appliquer des dispositions qui, pour avoir été parfois adoptées contre l’avis du Gouvernement, n’en sont pas moins légitimes.

D’après les informations communiquées par le Gouvernement mi-janvier, ces abcès de fixation sont pour partie en voie de résorption :

– Le III de l’article 5 est appliqué par le décret n° 2009-1701 du 30 décembre 2009 pris pour l'application du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

– l’article 7 a reçu application par le décret n° 2009-1696 du 29 décembre 2009 relatif aux demandes d'informations concernant certains dispositifs d'aides à l'emploi. L’entrée en vigueur de cette mesure d’affection était différée au 1er janvier 2010 ;

– la mesure d’application prévue au V de l’article 8, instaurant un guichet unique, était différée au 1er décembre 2009. Le projet de décret a été transmis au Conseil d’État le 12 décembre 2009. Le retard s’expliquerait par les délais inhérents à la consultation de la Commission nationale informatique et liberté, saisie par l’association « guichet entreprise », et à la contestation du dispositif de centre de formalités des entreprises  par l’assemblée permanente des chambres de métiers et par l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie ;

– la mesure d’application prévue à l’article 25, relative à dématérialisation des factures émises par les fournisseurs de l'État et des collectivités territoriales, est différée au 1er janvier 2012 ;

– le 4° du IV de l’article 81 est appliqué par le décret n° 2009-682 du 12 juin 2009 portant extension de l'habilitation des associations et des fondations à pratiquer certaines opérations de crédit ;

– la bonne application de l’article 93 est assurée par le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de contestations de nationalité et de pratiques restrictives de concurrence ;

La mesure d’application, prévue par l’article 151, concerne le contrôle externe de la caisse des dépôts. Le décret à venir portera adaptation des règles prudentielles dites « Bâle II » à la Caisse des dépôts et consignations. Le texte a obtenu un avis favorable du secrétariat général de la commission bancaire et de la CDC. Il a été transmis au Conseil d’État en décembre 2009.

Aucune information n’a été communiquée à vos rapporteurs s’agissant de l’article 28 et du fractionnement de l’engagement de volontariat international en entreprise.

En outre, on ne peut que contester la méthode qui consiste pour le Gouvernement à reporter certaines mesures, parfois jusqu’en 2012, et ce sans aucune justification.

Enfin, certains retards sont proprement inexplicables en ce qu’ils concernent des mesures parmi les plus importantes figurant dans le projet initial du Gouvernement.

Ainsi s’agissant de la réforme de la distribution du livret A, produit d’épargne entièrement défiscalisé qui peut désormais être souscrit dans tous les réseaux bancaires, la lutte contre la multidétention constitue une mesure essentielle. Avant même la réforme de la distribution du livret A, la moins value fiscale de la multidétention était évaluée à 300 millions d’euros, sans parler de l’impact sur les finances sociales. L’absence de précision des modalités de vérification par les banques de la détention d’un livret A à la demande d’ouverture d’un tel livret rend les sanctions applicables à la multi détention parfaitement inopérantes, et il y a fort à parier que la moins value fiscale est désormais largement supérieure au chiffre cité supra.

Lors des débats préalables à l’adoption de la loi, le Gouvernement avait fait connaître son intention d’obliger les banques à solliciter l’administration fiscale, gestionnaire du fichier des comptes bancaires ou FICOBA, afin de savoir si le client potentiel détenait déjà un livret A. Mais il apparaissait déjà que cet outil n’était pas adapté pour permettre de répondre aux sollicitations des établissements bancaires, et le Gouvernement convenait alors que l’ampleur des travaux à déployer pour rendre le système effectif ne permettrait sans doute pas une entrée en vigueur du dispositif avant le 1er janvier 2009.

Un système de déclaration sur l’honneur avait également été envisagé.

Interrogé par vos rapporteurs, le Gouvernement a indiqué avoir choisi de procéder en deux temps :

– Dans un premier temps, les particuliers signent une déclaration sur l’honneur par laquelle ils reconnaissent ne pas détenir un autre livret A. Un mécanisme de contrôle ex post est effectué par l’administration fiscale à partir des données contenues dans le fichier FICOBA. En août 2009, chaque banque a reçu de la part de l’administration fiscale la liste des particuliers ayant ouvert en janvier 2009 un livret A dans son réseau et qui apparaissent comme déjà détenteurs d’un autre livret A domicilié ailleurs. Chaque mois, l’administration fiscale procède ainsi à l’envoi d’un fichier à chaque banque pour lui signaler les épargnants qui sont, à la date du contrôle et au regard des informations figurant dans le fichier FICOBA, détenteurs de deux ou plusieurs livrets A. La banque envoie alors une lettre d’information à chaque particulier ainsi identifié pour lui signifier sa situation de multidétenteur et lui rappeler les sanctions encourues ; à charge pour ce dernier de régulariser sa situation en clôturant le livret A de son choix et de n’en conserver qu’un seul.

– Dans un second temps, le dispositif de contrôle préalable devrait être mis en place : des discussions sont actuellement en cours dans le cadre d’un groupe de travail regroupant l’administration et les principales banques. Ces discussions devraient déboucher dans les prochains mois sur la définition précise des modalités de contrôle préalable, qui seront précisées dans un décret en Conseil d’État, l’objectif étant une entrée en vigueur du dispositif au courant du second semestre 2010.

Vos rapporteurs se félicitent que le Gouvernement manifeste sa volonté de prendre le problème à bras le corps, mais regrettent malgré tout qu’il faille attendre plus de deux ans, si le calendrier indiqué par le Gouvernement devait être respecté, pour qu’une disposition qu’il a lui-même proposée puisse recevoir des mesures d’application !

C.— LES ORDONNANCES.

Toutes les ordonnances pour lesquelles le Gouvernement bénéficiait d’une habilitation en vertu des articles 18, 74, 97, 134, 164 et 165 ont été prises dans les délais impartis par la loi.

S’agissant des habilitations contenues dans l’article 152 de la LME, 16 des 17 ordonnances ont également été édictées dans les délais fixés.

L’habilitation accordée pour toiletter le code monétaire et financier n’a pas été utilisée. Ce toilettage n’était pas utile, car le code monétaire et financier a connu, durant la période d’habilitation, de multiples modifications.

Le rythme de publication et de ratification des ordonnances est dans l’ensemble satisfaisant. Certaines ratifications auraient pu être plus rapides. Ainsi l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence aurait pu être ratifiée dès la publication de la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés du 17 février 2007, mais cette ratification a fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n° 2009-575 DC du 12 février 2009, a jugé qu’elle était dépourvue de tout lien avec les dispositions figurant dans le projet de loi initial.

Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel doit être mise en parallèle avec la nouvelle exigence introduite par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, en vertu de laquelle une ratification d’ordonnance ne saurait intervenir de manière implicite. Il devient donc indispensable de déposer des projets de loi de ratification, ou de trouver, dans les délais impartis par la disposition d’habilitation, un véhicule législatif adapté pour le dépôt d’un amendement, ce qui n’est pas toujours chose facile. De fait, la totalité des ordonnances ratifiées l’a été par amendement à la proposition de loi de simplification du droit, ce qui, compte tenu du volume des dispositions en cause, ne constitue pas nécessairement une garantie de transparence et de précision de l’examen du respect de l’habilitation donnée au pouvoir exécutif.

II.— LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE D’AUTORISATION
DES ÉQUIPEMENTS COMMERCIAUX

A.— LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME : FACILITER L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX ENTRANTS DANS LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION 

Cette réforme a concentré l’essentiel des débats parlementaires et a fait l’objet de très nombreux amendements qui ont profondément modifié le texte présenté par le Gouvernement.

Elle est intervenue dans un contexte marqué tout d’abord par le constat que les règles en vigueur, c’est-à-dire un régime spécifique d’autorisation des équipements commerciaux supérieurs à 300 m2 par des commissions départementales composées d’élus et de personnalités qualifiées, sur le fondement d’un critère d’équilibre entre les différentes formes de commerce, étaient à l’origine d’un important phénomène de concentration des distributeurs et de restrictions de la concurrence au niveau des zones de chalandise, exerçant un effet inflationniste sur les prix.

Elle est également intervenue afin de mettre le droit interne en conformité avec les engagements européens de la France, ces règles ayant été jugées incompatibles avec le droit communautaire par la Commission européenne, d’une part parce que cette réglementation reposait sur un régime d’autorisation subordonnée à l’appréciation d’un critère économique, en l’occurrence la mesure de l’impact d’une implantation sur l’appareil commercial existant, et d’autre part parce qu’étaient parties prenantes dans la décision des représentants des intérêts économiques déjà présents, en l’occurrence des représentants des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers.

La loi modifie donc les critères d’autorisation des équipements commerciaux en ne retenant que des considérations liées à l’aménagement du territoire et à la qualité environnementale du projet, et transforme les commissions départementales d’équipement commercial en commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), dont la composition est modifiée afin de tenir compte des griefs de la Commission et de renforcer le poids des élus.

La réforme vise également à intensifier la concurrence pour faire baisser les prix : le relèvement du seuil d’autorisation de 300 à 1 000 m2 vise à faciliter l’arrivée de nouveaux entrants, notamment les supermarchés de taille moyenne ainsi que les « hard-discounters », relativement peu présents sur le marché français.

Dans le but de préserver les moyens d’action des élus locaux et singulièrement des maires, dans l’aménagement du territoire et l’animation des villes, et de tenir compte des spécificités locales dans les décisions relatives à l’urbanisme commercial, le relèvement du seuil d’autorisation de 300 à 1 000 m2 a été assorti de trois contreparties :

– Dans les communes de moins de 15 000 habitants, le maire, le président de l’établissement public de coopération intercommunale –EPCI- compétent en matière d’urbanisme ou le président de l’EPCI chargé du schéma de cohérence territoriale dans le périmètre duquel est située la commune en question, pourront saisir la CDAC afin que celle-ci se prononce sur les projets d’équipement commercial d’une surface comprise entre 300 et 1 000 m2.

– Les maires pourront exercer, au sein d’un périmètre de sauvegarde du commerce de proximité délimité par la commune, un droit de préemption sur les cessions de terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface comprise entre 300 et 1 000 m2.

– Les maires pourront saisir l’Autorité de la concurrence, afin que soient constatées et sanctionnées les éventuelles pratiques anti-concurrentielles des distributeurs. Une sanction spécifique au secteur de la distribution est par ailleurs introduite par la loi : si les sanctions de droit commun n’ont pas permis de mettre fin aux pratiques anti-concurrentielles constatées, l’Autorité de la concurrence pourra prononcer des injonctions structurelles, en d’autres termes ordonner la cession de surfaces de vente.

Cette réforme est conçue comme une étape vers une assimilation à terme de l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun, apparue comme une nécessité au cours des débats à l’Assemblée nationale.

B.— UNE PÉRIODE TRANSITOIRE CHAOTIQUE.

Avant la publication du décret qui subordonnait l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions adoptées par le législateur, et qui est intervenu le 24 novembre 2008, une période transitoire avait été aménagée avec des règles dont l’interprétation plus que contestable par l’administration a occasionné une période de flottement dont les opérateurs ont abondamment profité.

Les difficultés ont concerné les règles applicables aux extensions de magasins et d’ensembles commerciaux(1).

1. Les dispositions de la loi

a. Le nouveau régime

Régime d’autorisation des extensions de magasins et d’ensembles commerciaux avant et après la LME

Extensions de magasins

Extensions d’ensembles commerciaux

Avant la LME

Après la LME

Avant la LME

Après la LME

Autorisation des extensions de magasins d’une surface supérieure à 300 m2 ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet

Autorisation des extensions de magasins d’une surface supérieure à 1 000 m2 ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet

Autorisation des extensions d’ensembles commerciaux d’une surface supérieure à 3 000 m2 ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet

Autorisation des extensions « d’un ensemble commercial, réalisée en une ou plusieurs fois, de plus de 1 000 m2 »

NB : le régime des extensions d’ensembles commerciaux a de nouveau été modifié par l’article 47 de la loi de simplification du droit, qui l’a aligné sur le régime des extensions de magasins (voir infra).

On constate donc qu’entre l’ancien et le nouveau régime d’autorisation, outre un relèvement des seuils d’autorisation, une réforme des modalités de prise en compte des surfaces considérées était introduite s’agissant des extensions d’ensembles commerciaux : avant la LME, l’autorisation s’appliquait en fonction d’un seuil de surface apprécié au niveau de l’ensemble commercial avant et après la réalisation de l’extension (projet soumis à autorisation lorsque l’extension fait passer la surface totale de l’ensemble commercial au-delà de x m2) ; après la LME, un système de « franchise » est mis en place (projet soumis à autorisation lorsque l’extension excède x m2).

b. Le régime transitoire

Les dispositions de l’article 102 de la LME (relèvement de seuils, modification des règles d’autorisation des ensembles commerciaux, transformation des CDEC en CDAC, introduction de nouveaux critères d’autorisation…) devaient entrer en vigueur à la publication de leur décret d’application et au plus tard le 1er janvier 2008 :

« Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er janvier 2009. […] Toutefois, dès la publication de la présente loi, […] les projets portant sur une superficie inférieure à 1 000 mètres carrés ne sont plus soumis à l'examen de la commission départementale d'équipement commercial ou de la commission nationale d'équipement commercial ».

Les difficultés rencontrées pendant la période transitoire étaient liées à l’ambiguïté de cette rédaction, qui visait indistinctement les créations de magasins et les extensions. Pour ces dernières, qui obéissent à un régime d’autorisation plus complexe que celui relatif aux créations de surfaces commerciales, plusieurs interprétations étaient possibles, à condition bien sûr d’ignorer l’éclairage apporté par les travaux préparatoires :

– Cette formule pouvait signifier qu’était instauré un système de « franchise » dispensant d’autorisation toutes les extensions de moins de 1 000 m2, qu’il s’agisse des extensions de magasins ou des extensions d’ensembles commerciaux. Cette interprétation conduisait à appliquer un régime totalement sui generis à la période transitoire, puisque si le régime d’autorisation des extensions d’ensembles commerciaux avait vocation, après entrée en vigueur du décret et au plus tard le 1er janvier 2009, à fonctionner selon ce principe de franchise, il n’en était nullement question s’agissant des extensions de magasins.

– Elle pouvait également être lue comme permettant l’entrée en vigueur anticipée des nouveaux seuils d’autorisation, et seulement des nouveaux seuils, sans anticiper sur les autres éléments de la réforme : en particulier, s’agissant des ensembles commerciaux, une telle interprétation conduisait à soustraire à l’autorisation par les CDEC (et pas les CDAC, qui n’avaient vocation à entrer en vigueur qu’après la publication du décret et au plus tard le 1er janvier 2009) les extensions concernant les ensembles commerciaux de plus de 1 000 m2 ou ayant vocation à dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet. Le passage à un système de franchise n’avait vocation à intervenir qu’après la fin de la période transitoire.

– Enfin, elle pouvait signifier que l’entrée en vigueur du nouveau régime était anticipé tant s’agissant du rehaussement des seuils que des modalités d’appréciation de ces seuils : devaient être soumises à autorisation les extensions de magasin de plus de 1 000 m2 ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet, et les extensions d’ensembles commerciaux, réalisées en une ou plusieurs fois, de plus de 100 m2.

2. Les circulaires de la DECASPL (Direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales)

a. La circulaire du 7 août 2008

Elle soustrait au régime d’autorisation les extensions de moins de 1 000 m2 d’ensembles commerciaux : elle repose donc sur une interprétation en vertu de laquelle le législateur a entendu anticiper, pendant la période transitoire, non seulement le relèvement des seuils, mais également l’entrée en vigueur du nouveau régime.

Elle précise en outre que sont désormais soustraites au régime d’autorisation les extensions de magasin n’ayant pas pour effet de porter la surface totale, après réalisation du projet, au-delà de 1 000 m2.

b. La circulaire du 28 août 2008

Une nouvelle circulaire d’application du 28 août 2008 a modifié la circulaire précédente.

L’administration maintenait son interprétation s’agissant des ensembles commerciaux, mais disposait en revanche que les dispositions transitoires de la LME, et notamment celle qui dispose que les « projets portant sur une superficie inférieure à 1 000 m2 ne sont plus soumis à l'examen de la CDEC », doivent être comprises comme exonérant de toute procédure d’autorisation les extensions de magasins d’une surface inférieure à 1 000 m2, même si le commerce d’origine a atteint 1 000 m2 ou les dépassera du fait de la réalisation du projet.

Une telle interprétation était contraire à la lettre et à l’esprit de la loi et allait bien au-delà de ce qui avait vocation à être autorisé dans le nouveau régime.

Elle contournait également la rédaction du code de commerce antérieure à la LME, puisque celle-ci subordonnait l’extension d’un commerce ou d’un ensemble commercial à autorisation en fonction d’un seuil de superficie considéré non pas au niveau de l’extension prise isolément, mais au niveau du commerce dans sa globalité une fois l’extension réalisée.

En conséquence, la circulaire prévoyait expressément que l’extension de 950 m2 d’un commerce de 8 000 m2 était autorisée de plein droit pendant la période transitoire, alors qu’elle serait soumise à autorisation des CDAC à partir du 1er janvier 2009 et de l’application du nouveau « régime de croisière » introduit par la LME.

Pour justifier cette disposition, la DECASPL arguait notamment du fait que « le législateur n’a pas entendu fixer le même champ d’application de l’autorisation d’exploitation commerciale que celui prévu par les dispositions de l’article L. 752-1 dans sa rédaction issue de la LME ». Cette interprétation ne pouvait être étayée par aucun élément des travaux préparatoires de la LME, et c’était même l’intention contraire que le législateur avait exprimée !

Comment justifier une lecture qui « ouvre les vannes » des extensions commerciales, donc le renforcement des positions dominantes existantes, alors même que l’objectif poursuivi par l’article 102 de la LME était précisément de renforcer la concurrence dans les zones de chalandise ?

En outre, la procédure de saisine de la CDEC par les maires est déclenchée par le dépôt d’un permis de construire un projet d’équipement commercial d’une surface comprise entre 300 et 1 000 m2. Cette procédure est conçue comme une procédure de « sauvegarde » là où le droit commun ne prévoit pas d’autorisation.

Si le législateur avait voulu autoriser, pendant la période transitoire, les extensions de commerces ou d’ensemble commerciaux, même si ceux-ci atteignent ou atteindront, du fait de la réalisation du projet, une surface supérieure à 1 000 m2, il leur aurait étendu la procédure de sauvegarde, qui conséquemment aurait visé les projets d’une surface supérieure à 300 m2.

c. La circulaire du 24 octobre 2008

Dès que la commission des affaires économiques a été informée de la circulaire du 28 août et de son contenu, son Président Patrick Ollier a provoqué une audition à huis clos du ministre compétent afin de lui fait connaître son vif mécontentement devant la manière dont les dispositions votées par le législateur étaient appliquées, celle-ci n’étant à ses yeux conforme ni à la lettre ni à l’esprit du texte et des débats. 48 heures après cette réunion, le Gouvernement, par une circulaire du 24 octobre, retirait la circulaire du 28 août. Ce qui signifiait que l’interprétation des dispositions prévues pour la période transitoire était finalement la suivante :

– autorisation des extensions de magasins de plus de 1 000 m2, ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet ;

– autorisation des extensions de moins de 1 000 m2 des ensembles commerciaux.

C’est cette interprétation qui a prévalu entre la publication de la circulaire et la publication du décret d’application de l’article 102 le 24 novembre 2008, laquelle a permis l’entrée en vigueur du nouveau système.

3. Un bilan critique

Une première difficulté concerne les projets d’extensions de magasins réalisées entre le 28 août et le 24 octobre, qui ont été dispensées d’autorisation lorsqu’elles faisaient moins de 1 000 m2, quelle que soit la taille du magasin :

– des interrogations subsistent sur le nombre de m2 ouverts sans autorisation pendant cette période, et qui auraient dû y être soumis ;

– pour ces extensions, la circulaire du 24 octobre 2008 dispose que « pour garantir la sécurité juridique des opérations effectuées depuis la publication de la loi de modernisation de l’économie jusqu’à la date de la présente circulaire, il convient de conseiller aux opérateurs concernés de solliciter l’autorisation de régularisation éventuellement nécessaire ».

S’agissant de l’évaluation du nombre de m2 ouverts sans autorisation, vos rapporteurs disposent de quelques éléments.

La préfecture du Finistère leur a indiqué avoir reçu 95 déclarations d’intention de création ou d’extension de surfaces commerciales, soit une surface globale de 57 000 m2.

La préfecture du Nord a reçu 80 dossiers, déclarations d’intention ou déclarations d’ouverture d’extension, soit 80 000 m2, soit l’équivalent d’un an d’activité de la CDEC. Ces déclarations concernaient principalement les secteurs du bricolage, du jardinage et des centres automobiles.

De plus, l’enseigne Leroy Merlin leur a indiqué avoir eu vent de la circulaire du 28 août 2008 et avoir demandé confirmation auprès du ministère de l’économie de l’interprétation donnée des règles applicables à la période transitoire.

Une fois cette confirmation obtenue, la quasi-totalité des magasins de l’enseigne (70 ou 80 sur une centaine) ont réalisé des extensions de 999 m2, et certains magasins en ont même réalisées plusieurs.

Des demandes de régularisation ont été déposées là où l’enseigne avait le sentiment que les responsables politiques contestaient cette démarche.

La plupart du temps, ces extensions étaient réalisées par l’ouverture de locaux jusque-là utilisés comme réserves, afin de n’avoir pas à solliciter de permis de construire, et donc ne pas être susceptibles de faire l’objet de la procédure dérogatoire prévue pour les communes de moins de 20 000 habitants.

Par ailleurs, dans un courrier adressé au Président Patrick Ollier le 14 mai 2009, le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, M. Luc Chatel, indiquait fort justement que « la réalité de surfaces de vente nouvelles ouvertes en 2008, y compris celles qui l’ont été sur le fondement de la circulaire du 28 août, pourra être connue dans le détail lorsque les établissements auront déclaré les surfaces correspondantes à l’organisme gérant le régime social des indépendants (RSI) en vue du paiement de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) au titre de l’année 2008. Une demande destinée à collecter ces informations a d’ores et déjà été adressée à cet organisme. Je ne manquerai de vous tenir informé des résultats du dépouillement de ces données ».

Interrogé par vos rapporteurs, le Gouvernement explique désormais que « le transfert de la collecte de la TASCOM au profit des collectivités locales, du RSI vers la DGFIP (service fiscal aux entreprises), adopté en loi de finances 2010, sera effectif en 2011. De ce fait, l’exploitation de ces données risque de se heurter aux principes du secret fiscal et cette solution pourrait ne plus être possible, comme le recours au RSI le permettait. Néanmoins, des données devraient être prochainement disponibles dans les prochaines semaines, pour les surfaces de plus de 400 m². »

En outre, le second paragraphe de l’article 3 du décret 2008-1212 relatif à l’aménagement commercial dispose que « tout projet d'extension d'un ensemble commercial qui n'était pas soumis à une autorisation d'exploitation commerciale conformément au XXIX de l'article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 fait l'objet, postérieurement à sa réalisation, d'une déclaration enregistrée auprès des services de l'État chargés du commerce selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé du commerce ».

Début mai, cet arrêté n’avait toujours pas été publié. Le Gouvernement n’a pas répondu aux demandes de précision de vos rapporteurs.

Aucun bilan chiffré des m2 ouverts pendant cette période transitoire n’est donc disponible. Une évaluation empirique effectuée au regard des éléments transmis à vos rapporteurs et rappelés plus haut laisse toutefois supposer que ce bilan pourrait être très lourd.

Notons de surcroît que les opérateurs, qui ont abondamment profité de l’interprétation contestable faite par la DECASPL dans sa circulaire du 28 août 2008, des règles fixées par le législateur pour la période transitoire, ont saisi la juridiction administrative pour contester la circulaire du 24 octobre 2008, pourtant plus respectueuse de la volonté des élus.

Cette circulaire a en effet fait l'objet d'un recours en Conseil d'État de la part de la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD).  La FCD estime que celle-ci « a placé de nombreuses enseignes du commerce et de la distribution, membres de la FCD dans une situation pour le moins délicate, en ce que, au vu de la circulaire du 28 août 2008, elles se sont engagées dans la voie d'une extension inférieure à 1 000 m² de nombreux magasins existants disposant déjà d'une surface commerciale de plus de 1 000 m² et se sont retrouvées, du jour au lendemain, en contravention avec cette nouvelle interprétation contradictoire, des dispositions du XXIX de l'article 102 de la LME, faute d'avoir sollicité et obtenu l'autorisation préalable d'exploitation commerciale.

Cette situation leur est d'autant plus préjudiciable qu'elles ont engagé d'importants investissements pour procéder aux extensions visées par la circulaire du 28 août 2008 ».  

Aucune date d'audience n'a été fixée à ce jour par le Conseil d’État.

Par ailleurs, une seconde difficulté concerne le nouveau régime d’autorisation des extensions d’ensembles commerciaux. Au cours des débats, les députés avaient voulu maintenir une autorisation des ensembles commerciaux, que le Gouvernement souhaitait supprimer, et le principe de cette autorisation avait finalement été réintroduit au Sénat.

Pour autant, la rédaction retenue pour définir le champ des extensions d’ensembles commerciaux concernées n’était pas pleinement satisfaisante : en effet, les députés étaient d’accord pour relever le seuil d’autorisation à 1 000 m2, mais en conservant les règles antérieures à la LME : en d’autres termes, ils souhaitaient que soient soumises à autorisation les extensions d’ensembles commerciaux de 1 000 m2 et plus ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet.

Mais la rédaction retenue disposait qu’était soumise à autorisation « l’extension d’un ensemble commercial, réalisée en une ou plusieurs fois, de plus de 1 000 m2 ».

Cette rédaction était ambiguë à plusieurs titres.

Tout d’abord, le dernier membre de phrase, « de plus de 1 000 m2 », pouvait s’appliquer soit à l’extension, soit à l’ensemble commercial.

Dans le premier cas, cela signifiait qu’était instauré un système de franchise de 1 000 m2, des tranches d’extension inférieures pouvant être réalisées sans autorisation jusqu’à ce que le total atteigne 1 000 m2. C’était l’interprétation retenue par le Gouvernement dans les circulaires précitées. Pour autant elle soulevait d’autres interrogations, à commencer par celle concernant les m2 excédentaires : soit une première extension de 600 m2, sans autorisation, puis une seconde de 800 m2 déclenchant la procédure d’autorisation. Les 400 m2 excédentaires étaient-ils autorisés pour solde de tout compte, ou s’imputaient-ils sur une nouvelle tranche de 1 000 m2 ?

Dans le second cas, étaient soumises à autorisations toutes les extensions d’ensembles commerciaux dès lors que la surface initiale de l’ensemble excédait 1 000 m2. L’extension de 10 m2 d’un ensemble commercial de 10 000 m2 aurait ainsi été soumise à autorisation, mais l’extension de 1 500 m2 d’un ensemble commercial de 900 m2 y aurait été soustraite, ce qui semblait dépourvu de logique.

Afin d’éclaircir ces ambiguïtés, un amendement de Mme Élisabeth Lamure et de M. Gérard Cornu a été introduit dans la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, et permet désormais de soumettre à l’examen de la CDAC tout projet d’extension d’un ensemble commercial de 1 000 m² ou devant dépasser ce seuil du fait de la réalisation du projet.

Il vise également à préciser les dispositions de la LME concernant le dispositif de sauvegarde mis en œuvre dans les communes de moins de 20 000 habitants, en considérant qu’il se rapporte au SCOT élaboré non seulement par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), mais également par un syndicat mixte ; il indique en outre que les astreintes de 150 euros en cas d’implantation illégale se calculent par mètre carré de surface de vente.

Notons à cet égard que l’article R. 752-31 du code de commerce n’a pas été modifié en conséquence, puisqu’il dispose toujours que « lorsque l’établissement public chargé du schéma de cohérence territoriale est un syndicat mixte, son président ne peut faire usage de la procédure prévue à l’article L. 752-4. »

C.— LE NOUVEAU RÉGIME D’AUTORISATION DES ÉQUIPEMENTS COMMERCIAUX : UNE APPLICATION EMPIRIQUE, DES RÉSULTATS PEU PROBANTS

Il est entré en vigueur le 24 novembre 2008, avec la publication du décret n° 2008-1212 relatif à l’aménagement commercial. Ce décret, préparé de manière concertée avec les parlementaires, comporte principalement deux volets : l’un relatif aux commissions départementales d’aménagement commercial et aux observatoires départementaux d’aménagement commercial (ODAC), l’autre portant sur l’autorisation d’exploitation commerciale.

Outre l’arrêté relatif à la déclaration des extensions d’ensembles commerciaux précité, ce décret renvoie à cinq arrêtés :

– un arrêté fixant les modalités de composition des ODAC (article R. 751-13 du code de commerce) ;

– un arrêté fixant les modalités de composition de L’ODAC d’Île-de-France (article R. 751-13 du code de commerce) ;

– un arrêté portant répartition des activités entre commerce de détail à prédominance alimentaire et autres commerces de détail (article R. 752-3 du code de commerce) ;

– un arrêté précisant le contenu de la demande d’autorisation d’un équipement cinématographique (article R. 752-7 du code de commerce) ;

– un arrêté précisant le contenu de la demande d’autorisation d’un équipement commercial (article 3, II, du décret du 24 novembre 2008).

Mi-avril 2009, aucun de ces arrêtés n’avait été pris. Il a fallu attendre août 2009 pour la publication des arrêtés relatifs au contenu de la demande des pétitionnaires et à la définition des secteurs d’activité, et novembre 2009 pour les deux arrêtés fixant la composition des ODAC ! De même, les circulaires ministérielles fixant les modalités de composition et de fonctionnement des CDAC ont été diffusées le 18 février 2009 !

Le retard pris dans la publication de ces arrêtés et la diffusion de ces circulaires a considérablement gêné l’action des services instructeurs, contraints de développer leur propre analyse, analyse parfois contestée par les élus et les opérateurs.

Cela conduit à relativiser l’appréciation positive portée sur le rythme de publication des décrets, à tout le moins s’agissant du décret relatif à l’aménagement commercial.

D’après les éléments transmis par le Gouvernement, depuis le 1er janvier 2009, 98 CDAC ont été constituées et se sont réunis près de 350 fois. Elles ont émis un avis favorable pour 90 % des 568 demandes d’autorisations qui leur ont été soumises, contre 86 % en 2008.

La CNAC a siégé 6 fois, et a accepté 65 % des 80 projets qui lui ont été soumis.

Ainsi, alors qu’on disait des CDEC qu’elles constituaient des « machines à dire oui lentement », on pourrait dire des CDAC qu’elles sont des machines à dire oui un peu plus rapides, puisque la loi a diminué de quatre à deux mois les délais d’examen qui leur sont impartis.

En outre, l’un des objectifs de la réforme était d’introduire davantage de concurrence au niveau des zones de chalandises : cet objectif passait par le rééquilibrage d’une offre caractérisée par la prédominance des hypermarchés d’un côté et la multiplication des supérettes de moins de 300 m2 de l’autre, en d’autres termes par le développement des supermarchés. Elle visait également à favoriser l’implantation d’enseignes concurrentes au niveau des zones de chalandise.

On constate une légère diminution des créations de surfaces de plus de 1 000 m2, en baisse de 8 % par rapport à l’année dernière ; mais il est difficile d’isoler dans cette baisse l’influence des facteurs réglementaires et celles des facteurs économiques comme l’impact de la crise ou l’essoufflement du modèle commercial des grands formats de magasins.

Le Gouvernement indique avoir dressé un bilan un an après la promulgation de la loi : le « hard discount » aurait doublé ses projets de surfaces commerciales alimentaires.

On peut toutefois nuancer cette affirmation en évoquant les éléments communiqués par Lidl, dont les responsables ont reçu vos deux rapporteurs : en centre ville, où l’implantation de petits/moyens formats est a priori la plus pertinente, la zone de chalandise est inférieure à 500 mètres et il faut 15 000 habitants pour rentabiliser un magasin. En d’autres termes, le relèvement du seuil d’autorisation ne modifie pas les conditions économiques structurelles qui subordonnent le succès d’une telle entreprise, conditions dont on constate qu’elles sont difficiles à réunir.

En outre, au moins un magasin serait venu animer la concurrence dans 40 % des villes les plus chères de France.

À défaut d’éléments plus précis sur la méthodologie de cette étude, la définition des termes employés, vos rapporteurs estiment qu’il serait imprudent de fonder tout triomphalisme s’agissant du bilan de la loi sur le renforcement de la concurrence sur ces seules données.

En tout état de cause, et comme l’admet d’ailleurs le Gouvernement, « le seul bilan précis pouvant actuellement être dressé concerne essentiellement les ouvertures et les extensions de surfaces de vente supérieures à 1 000 m². L'inventaire effectué par le passé avait pour source les autorisations accordées par les CDEC à partir de 300 m². L’inventaire commercial n'est plus établi que pour les ouvertures autorisées par les CDAC au-delà de 1 000 m² […]Il faut également trouver les conditions d’amélioration de notre outil d’observation statistique des équipements commerciaux pour compenser la perte d’information provoquée par l’augmentation du seuil des autorisations à 1 000 m2. La DGCIS travaille en collaboration avec la DGCCRF à ce sujet et remettra des propositions prochainement au Ministre ».

Par ailleurs, plusieurs difficultés d’application ont été relevées.

La première tient tout d’abord aux critères en fonction desquels les CDAC doivent statuer. En vertu de l’article L. 752-6 du code de commerce, « la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont :

1° En matière d'aménagement du territoire :

a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ;

b) L'effet du projet sur les flux de transport ;

c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ;

2° En matière de développement durable :

a) La qualité environnementale du projet ;

b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. »

Les commissions jugent ces critères trop flous : en effet, au regard du critère économique précédemment appliqué, qui consistait à prendre en compte l’équilibre entre les différentes formes de commerce et reposait sur une appréciation de l’impact du projet sur la densité d’équipement commerciale et sa comparaison avec les densités départementales et régionales moyennes, les critères actuels laissent aux commissions une marge d’appréciation importante. Une phase d’apprentissage est sans doute nécessaire, mais une grille de lecture plus précise serait utile tant aux commissions qu’aux pétitionnaires.

La règle de non-cumul au sein des commissions semble également se heurter à des difficultés d’application.

En effet, la CDAC se compose désormais de 8 membres, dont 5 élus locaux : le maire de la commune d'implantation ; le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ; le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ; le président du conseil général ou son représentant ; le président du syndicat mixte ou de l'établissement public de coopération intercommunale chargé du schéma de cohérence territoriale auquel adhère la commune d'implantation ou son représentant ou, à défaut, un adjoint au maire de la commune d'implantation.

L’article L. 751-2 du code de commerce précise que « lorsque l'un des élus détient plusieurs des mandats mentionnés ci-dessus, le préfet désigne pour le remplacer un ou plusieurs maires de communes situées dans la zone de chalandise concernée ».

Cette règle de non-cumul est vivement contestée par les élus, qui auraient souhaité pouvoir se faire représenter au titre des autres mandats qu’ils sont susceptibles d’exercer et qui leur ouvrirait droit à participer à la CDAC. Pour ne citer qu’un exemple, la maire de Lille, également présidente de l’EPCI en charge de l’aménagement de l’espace et du syndicat mixte en charge du SCOT, a formé simultanément un recours hiérarchique et un recours contentieux contre la circulaire du 18 février 2009.

Vos rapporteurs estiment que cette règle doit être maintenue, car la collégialité de la CDAC, garantie par la règle du non-cumul, a pour objet d’associer à la décision les collectivités susceptibles d’être affectées par les externalités engendrées par le projet.

De même, il semble que les présidents d’EPCI en charge de SCOT non encore opposables revendiquent le droit de participer à la CDAC dès que la rédaction du SCOT est envisagée, ce qui paraît conforme à l’esprit des textes.

Par ailleurs, la LME a raccourci les délais d’examen impartis aux commissions. Ce raccourcissement était mis en parallèle avec le relèvement du seuil d’une part, et d’autre part avec la simplification des critères et l’allègement de la procédure.

Mais les commissions ont le sentiment que le formalisme de la procédure d’instruction reste lourd, alors même que les délais générateurs d’une autorisation tacite ont été réduits de moitié.

C’est particulièrement vrai s’agissant de la procédure de sauvegarde, au terme de laquelle la CDAC peut être saisie pour avis par les communes de moins de 20 000 habitants pour les projets compris entre 300 et 1 000 m2 : elle n’est pas moins lourde que la procédure de droit commun, alors même que le délai qui lui est imparti est deux fois moins important ! En effet les CDAC disposent d’un mois dans ce cas de figure, contre deux mois dans le droit commun, alors même que ce délai de droit commun était de quatre mois avant la LME.

Dès lors, on ne peut éviter les risques de fragilisation formelle des décisions et des avis, et partant de multiplication des contestations et des contentieux.

La constitution de CDAC inter-départementales lorsque la zone de chalandise excède les limites du département, dont le principe avait été introduit par le Sénat, suscite des avis contrastés sur le terrain, certains n’évoquant pas de difficultés particulières, d’autres soulignant que parfois les élus ou les personnalités qualifiées des départements limitrophes ne souhaitent pas se déplacer.

En outre, les préfectures évoquent la difficulté à mobiliser des personnalités qualifiées, relativement marginalisées dans les CDAC ou elles ne sont que trois face à cinq élus, et ne percevant à ce titre ni rémunération ni défraiement.

Devant ce bilan fort peu probant, vos rapporteurs ne peuvent que réaffirmer leur attachement à ce que la fusion entre urbanisme commercial et urbanisme de droit commun, promise par le Gouvernement lors des débats à l’Assemblée nationale, à la suite des interpellations répétées des députés quel que soit leur groupe, intervienne dans les meilleurs délais.

III.— LA RÉDUCTION DES DÉLAIS DE PAIEMENT :
UN CONTEXTE DIFFICILE, UN EFFORT INSUFFISANT

A.— LES MESURES PRÉVUES PAR LA LOI

Sans revenir sur le principe en vertu duquel à défaut de dispositions conventionnelles contraires, le règlement des sommes dues intervient dans les 30 jours qui suivent la réception de la marchandise ou l’exécution de la prestation de services, l’article 21 de la LME plafonne à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires à compter de la date d’émission de la facture les délais de paiement convenus entre les parties.

Les pénalités de retard sont alourdies : exigibles automatiquement et sans rappel, elles seront appliquées au taux d’intérêt de la BCE majoré de 10 points (au lieu de 7 précédemment), sauf disposition contraire prévue par les parties, qui ne pourront toutefois prévoir un taux inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal (au lieu d’une fois et demie).

Les sanctions civiles en cas de dépassement du plafond légal sont renforcées : est désormais considéré comme abusif tout délai de règlement supérieur au plafond légal ainsi que le fait pour le débiteur d’exiger sans raison du créancier de différer la date d’émission de la facture, ce qui permet au créancier d’obtenir réparation devant le juge civil, cette action pouvant être introduite par la victime, mais aussi par le ministère public, le ministre chargé de l’économie ou le président de l’Autorité de la concurrence. Le montant des sanctions civiles susceptibles d’être prononcées a par ailleurs été porté à 2 millions d’euros ou 3 fois le montant des sommes indûment perçues.

Des accords inter-professionnels dérogatoires peuvent, dans un secteur spécifique, déterminer des délais de paiement supérieurs sous trois conditions : que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, que l'accord prévoit la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et que celui-ci soit limité dans sa durée, celle-ci ne devant pas dépasser le 1er janvier 2012. Ces accords doivent être conclus avant le 1er mars 2009, et sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence. Ce décret pourra étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l’activité relève des organisations professionnelles signataires de l’accord.

B.— UN BILAN INSUFFISANT

L’application de la LME s’agissant des délais de paiement est intervenue dans un contexte particulièrement difficile de crise financière et de restriction des conditions d’accès au crédit bancaire, qui a nécessité la mise en œuvre de mesures d’accompagnement, en particulier dans le cadre du plan de relance. Ainsi la réduction des délais de paiement dans les marchés publics, amorcée dès avril 2008 pour l’État avec une baisse de 45 à 30 jours du délai maximum de paiement et une baisse de 7 points des intérêts moratoires, a-t-elle été étendue aux collectivités territoriales avec le décret du 19 décembre 2008, qui prévoit un délai de paiement maximum de 30 jours à partir du 1er juillet 2010. Ces mesures ont été complétées par les dispositifs de soutien à l’assurance-crédit, CAP, CAP+ et CAP export, ainsi que le renforcement des garanties susceptibles d’être apportées par OSEO aux prêts bancaires des PME et entreprises de taille intermédiaire connaissant un besoin accru en fonds de roulement. Ces mesures, en particulier CAP+ export, ont permis aux entreprises exportatrices d’amortir l’effet de la réduction des délais de paiement de leurs fournisseurs nationaux, alors que les délais de règlement de leurs clients étrangers ne sont pas affectés par la LME.

Dans ce contexte, on pourrait se féliciter d’une réduction moyenne de onze jours des délais de paiement, selon les chiffres transmis par le Gouvernement.

Mais le tarissement du flux du crédit bancaire explique sans doute également le succès de la formule des accords dérogatoires : 39 ont été conclus avant l’échéance du 1er mars 2009, et soumis à l’Autorité de la concurrence, représentant environ 20 % de l’économie marchande, d’après les chiffres du Gouvernement.

L’Autorité a donné des avis favorables à la totalité des accords qui lui ont été soumis, mais a assorti certains d’entre eux de recommandations demandant par exemple le réaménagement du calendrier dérogatoire, la révision ou la suppression de clauses jugées inappropriées ou anti-concurrentielles.

Au 1er août 2009, 13 accords avaient déjà été reconnus dans le cadre de 10 décrets d’homologation.

Ces décrets étendaient le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l’activité relève des organisations professionnelles signataires de l’accord, respectant ainsi la lettre comme l’esprit de la loi permettant une extension « horizontale » secteur par secteur, et non une autorisation « verticale » par filière.

Le Gouvernement, suivant en cela les recommandations de l’Autorité de la concurrence, qui s’est livrée à un examen au cas par cas et secteur par secteur, n’a pas donné suite aux revendications de la grande distribution qui demandait à bénéficier des délais dérogatoires fixés par exemple en matière de bricolage ou de jouets, ce qui parait juste compte tenu que pour une grande surface généraliste, le fait d’avoir un rayon bricolage n’en fait pas pour autant une enseigne de bricolage. Il s’agit de deux modèles économiques différents, la grande surface procédant à des opérations promotionnelles ponctuelles avec écoulement rapide des stocks ne justifiant en aucune manière l’application de délais de paiement dérogatoires. On peut par exemple en trouver une démonstration tout à fait convaincante dans l’avis n° 09-A- 03 de l’Autorité de la concurrence du 20 février 2009 relatif à un accord dérogatoire pour les délais de paiement dans le secteur du jouet

Pour autant cette souplesse n’a pas été jugée suffisante, car l’article 30 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a, par son article 30, modifié l’article 21 de la LME et ses dispositions relatives aux accords dérogatoires, en précisant que : « […] dans un secteur d'activité dans lequel un accord interprofessionnel n'a pu être signé, un décret peut, après avis de l'Autorité de la concurrence fondé sur une analyse des conditions spécifiques du secteur, prolonger cette échéance à une date ultérieure.»

Cet article a été introduit par un amendement n° 355 des sénateurs socialistes, avec avis favorable de la commission et malgré l’avis défavorable du Gouvernement.

Extrait des débats du Sénat ; séance du 19 mai 2009

M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à assouplir les règles en matière de délais de paiement, pour tenir compte des spécificités du secteur sanitaire et médico-social de droit privé, qui est surtout constitué de petites et moyennes entreprises dont la situation de trésorerie est très tendue, alors que les fournisseurs sont, la plupart du temps, de très grandes entreprises, voire des multinationales.

Il s’agit donc de prévoir une dérogation aux dispositions de la loi du 4 août 2008 sur les délais de paiement pour ce secteur d'activité, tout à fait spécifique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les délais de paiement dont il est question sont plafonnés à soixante jours à compter de la date de la facture ou à quarante-cinq jours fin de mois. Il faut rappeler que les établissements sanitaires et médico-sociaux bénéficient de financements publics et de l’assurance maladie donnant lieu à des versements réguliers et prévisibles. Cela représente une part notable de leurs ressources. Ces acteurs économiques importants, qui alimentent par leurs achats le tissu économique dans son ensemble et pas seulement celui des très grandes entreprises, jouissent donc d’une certaine stabilité de trésorerie.

En outre, les établissements publics de santé sont soumis à une règle spécifique fixant leurs délais de paiement à cinquante jours à réception de la facture, soit un délai légèrement inférieur à celui qui a été institué par la loi de modernisation de l’économie. Il me paraît donc normal, dans un contexte économique national tendu, que les établissements privés sanitaires et médico-sociaux contribuent, comme tous les acteurs économiques, à l’effort d’amélioration des délais de paiement et que ne soit pas aggravée, au sein de ce secteur d’activité, la distorsion entre établissements publics et établissements privés.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

La possibilité de conclure des accords dérogatoires est donc prolongée sans limite, ce qui traduit un changement dans la philosophie qui avait animé le législateur au moment de la LME : son article 21 concevait la possibilité de conclure des accords dérogatoires comme une adaptation limitée et proportionnée destinée à tenir compte de la spécificité de certains secteurs, marquée notamment par des rotations de stocks longues, et susceptible de s’exercer jusqu’à une date limite, afin de ne pas retarder indéfiniment la réduction globale à 45 jours.

Cette modification est tout à fait regrettable, d’autant qu’elle a été discutée à l’occasion d’un texte n’entretenant qu’un rapport très éloigné, pour user d’une tournure euphémistique, avec l’objet de l’amendement.

Il n’en demeure par moins que ledit accord devra respecter les conditions fixées par le III de l’article 21, c’est-à-dire que sa durée ne devra pas dépasser le 1er janvier 2012.

Le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs ne pas avoir l’intention de faire usage de la faculté ouverte par la loi « hôpital », ce dont vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter.

En outre, la loi du 27 janvier 2010 sur les délais de paiement dans le secteur du livre permet la fixation conventionnelle des délais de paiement dans le secteur du livre.

Elle constitue une exception au droit commun des délais de paiement tel qu’il résulte de la LME.

Pour autant, elle répond à la spécificité irréductible de ce secteur, et ne saurait justifier d’autres revendications à un assouplissement des dispositifs que nous avons fixés.

LES SPÉCIFICITÉS DU SECTEUR DU LIVRE

Ces spécificités tiennent :

- au fait que les fournisseurs (maisons d’édition) sont de taille beaucoup plus importantes que les distributeurs (librairies) : Les deux premiers groupes d’édition, Hachette Livre et Editis, représentent aujourd’hui environ 35 % des ventes de livres. Plus largement, les douze premiers groupes de l’édition française réalisent à eux seuls près de 80 % du chiffre d’affaires de l’édition. À l’opposé, les librairies sont des entreprises de petite taille (le chiffre d’affaires de la majorité d’entre elles est inférieur à 1 million d’euros) qui se fournissent à 80 % auprès de cette demi-douzaine d’acteurs dont les capacités financières sont sans commune mesure avec les leurs ;

- Le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement longs qui permettent aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale : les livres publiés depuis plus d’un an représentant 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans. Ainsi,  la diversité de l’assortiment de livres et le nombre important de titres de fond expliquent que la rotation des stocks est particulièrement lente dans le secteur du livre : 3,4 fois par an en moyenne pour les librairies et 4,7 fois par an en moyenne pour les grandes surfaces spécialisées ;

- 30 à 40 % de l’approvisionnement des librairies est constitué par des envois « d’office » de nouveautés sur lesquels il serait paradoxal de raccourcir les délais de paiement des librairies, les ouvrages étant en général envoyés par abonnement aux plus petites librairies, sans accord préalable du libraire sur le choix de l’assortiment – titres et quantités – et les invendus étant le plus souvent retournés après plus de trois mois d’exposition.

Comme le soulignait l’Autorité de concurrence dans son avis sur l’accord dérogatoire conclu dans le secteur, « les délais de paiement [actuels] particulièrement longs permettent aux libraires et aux grandes surfaces spécialisées de conserver une offre diversifiée de titres et aux éditeurs de pouvoir les éditer. Dans ce contexte, un passage aux délais prévus par la loi du 4 août 2008 sans période de transition risque de se traduire par une réduction sensible des achats par les libraires et les grandes surfaces spécialisées, un moindre temps d’exposition des titres et une augmentation des retours pour des raisons de trésorerie, ainsi qu’une tendance à la concentration sur l’exposition des best-sellers ».

C’est pourquoi une mesure législative d’exemption complète en faveur de l’industrie du livre a donc semblé préférable.

En tout état de cause, les secteurs bénéficiant de dérogations sur le fondement des dispositions de la loi de modernisation de l’économie couvrent de larges pans de l’économie et ne sont pas sans évoquer un inventaire à la Prévert : bricolage, horlogerie, animaux de compagnie, agroéquipements, compléments alimentaires, pêche de loisir, outillage industriel, articles de sport, optique et lunetterie, pisciculture continentale et marine, activités manuelles et artistiques, pour ne citer que quelques exemples.

Un certain nombre de ces accords comportent une clause stipulant que l’application des délais plafonds ne peut donner lieu à la perception d’aucune compensation.

Pour autant, certains de ces accords ont pu être conclus après la fin des négociations commerciales annuelles, au terme desquelles fournisseur et client étaient convenus d’un délai de paiement de 45 jours, réduction prise en compte dans la négociation et ayant donné lieu à l’octroi d’un avantage du fournisseur à son client. En effet, si la réduction des délais de paiement constitue une obligation légale d’ordre public, il est loisible et d’usage que les parties en tiennent compte dans leurs discussions.

Mais après la conclusion de l’accord dérogatoire, ayant pour effet de relever le délai initialement conclu entre les parties, et justifiant la conclusion d’un avenant au contrat initial, il semblerait que la contrepartie alors obtenue par le client n’ait pas été annulée.

Enfin, rappelons que ces accords fixent des délais plafonds qui ne peuvent en aucun cas être automatiquement imposés aux fournisseurs par un client : en théorie, un fournisseur conserve la faculté de négocier avec son client un délai inférieur. Dans les faits, bien souvent les fournisseurs n’ont pas le choix et se voient imposer de fait le délai plafond.

Une première difficulté d’application a concerné la manière dont devait être compris le mode de computation des délais fixés par la loi, c’est-à-dire 45 jours fin de mois.

Le rapport de la commission spéciale du Sénat avait indiqué que dans ce cas de figure, « la computation débute à la fin du mois ».

Mais la DGCCRF a estimé qu’il était également possible de « comptabiliser les 45 jours à compter la date d’émission de la facture, la limite de paiement intervenant à la fin du mois civil au cours duquel expirent ces 45 jours ».

Les deux méthodes conduisent à un même délai moyen de 60 jours, mais la méthode « DGCCRF » est plus favorable au fournisseur que la méthode « Sénat » pour les factures émises au cours des quinze premiers jours du mois ; à l’inverse, elle s’avère moins favorable pour les factures émises au cours des quinze derniers jours. En effet, avec la méthode DGCCRF, pour des livraisons effectuées à compter du 17 du mois n, les règlements doivent intervenir le 30 ou le 31 du mois n+2, alors que si l’on suit l’interprétation du Sénat, toute facturation effectuée au cours du mois n doit être réglée le 15 du mois n +2.

Or il semblerait que certains clients choisissent l’un ou l’autre mode de calcul en fonction de la date d’émission de la facture, afin d’obtenir le délai qui leur est le plus favorable.

Plus généralement, la réduction des délais de paiement a induit des changements de pratiques plus vastes, en particulier s’agissant du régime des stocks.

Ainsi peut-on lire, dans un article de LSA du 22 janvier 2009, intitulé « La LME met les stocks au régime », que « lorsque le crédit fournisseur se réduit comme peau de chagrin, les enseignes sont tentées de jouer à la baisse l’autre composante de la trésorerie marchandise : les stocks, qu’ils soient en entrepôts ou dans les réserves des magasins ».

Un premier levier consiste à optimiser la logistique, en améliorant le calcul des réapprovisionnements, en affinant le pilotage des assortiments en magasin, voire sa réduction. Plusieurs grandes enseignes de magasins où la rotation des stocks est lente avaient d’ailleurs affirmé à vos rapporteurs que la réduction des délais de paiement allait les « contraindre » à réduire leur assortiment. Fort heureusement ces secteurs bénéficient d’un accord dérogatoire… !

Mais une autre option consiste à faire supporter le coût de l’immobilisation financière au fournisseur.

Ainsi l’article précité évoque-t-il plusieurs techniques :

- « dans le commerce alimentaire, la plupart des enseignes ont des programmes de stocks avancés sur les produits à marque propre et sur certains produits à faible rotation. Dans ce système, le stock est physiquement présent dans l’entrepôt du distributeur, mais le risque financier est assumé par le fournisseur » ;

- en outre, la livraison directe en magasin, sans passage par un entrepôt, se développe, même si cette méthode ne peut fonctionner que pour des points de vente importants et des gros produits de fonds de rayon ;

- enfin, une pratique courante dans les pays anglo-saxons pourrait s’implanter en France, celles de la gestion mutualisée des approvisionnements : elle consiste pour les fournisseurs d’une même filière à regrouper leurs produits sur une plateforme unique à partir de laquelle ils livrent plusieurs distributeurs.

En tout état de cause, ces techniques impliquent l’attribution de contreparties aux fournisseurs, par exemple sous forme de partage des données clients.

Le développement de telles pratiques, consécutives à la réduction des délais de paiement, a été suffisamment important pour justifier une réponse de la CEPC dans sa fiche sur les délais de paiement.

Ainsi celle-ci estime-t-elle que « les parties peuvent modifier le cadre juridique antérieur en pratiquant par exemple le depôt-vente au lieu de la vente ferme ; les juristes spécialisés doivent pouvoir proposer des montages sécurisés avec, notamment, le jeu de la clause de réserve de propriété. Pour le stock initial, le même type de mécanisme peut être imaginé. Le code monétaire et financier (article 511-7) offre certaines possibilités pour le fournisseur de consentir des avances sur commandes. La LME ne remet pas en cause le régime juridique du dépôt-vente ou de la vente en consignation. La vente en consignation n’est pas interdite. Cependant, appliquer contrairement aux habitudes anciennes, une telle pratique dans le but de contourner les obligations relatives à la réduction des délais de paiement, devient une pratique abusive ».

L’ensemble de ces considérations conduit à relativiser le succès que prête le Gouvernement au dispositif de la LME.

IV.— LA RÉFORME DES RELATIONS COMMERCIALES : DES ABUS PERSISTANTS MALGRÉ LA DIMINUTION SENSIBLE
DES MARGES ARRIÈRE

A.— LE TEXTE DE LA LOI

Dans la continuité des dispositions de la loi n° 2008-3 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, la loi de modernisation de l’économie parachève la réforme des relations commerciales en autorisant la libre négociabilité des tarifs des fournisseurs par les distributeurs.

Le mode de fixation des prix de revente au consommateur doit respecter l’interdiction de revente à perte. Jusqu’en 2005, la définition du seuil de revente à perte - SRP, combinée à l’interdiction de la discrimination tarifaire, a conduit au développement du phénomène des marges arrière :

– la prohibition de la discrimination tarifaire empêchait toute négociation des tarifs dits « catalogue » entre un fournisseur et chacun de ses distributeurs ; le prix était le même pour tous et correspondait aux conditions générales de vente du fournisseur ;

– or ce tarif catalogue servait de référence pour la définition du seuil de revente à perte, c’est-à-dire du prix de revente minimal au consommateur ; un distributeur ne pouvait fixer son prix de revente au consommateur en deçà du prix acquitté au fournisseur ;

– les distributeurs, plutôt que de réaliser leurs marges « à l’avant » (marge = prix de revente au consommateur– seuil de revente à perte), ont préféré négocier des remises auprès de leur fournisseur sous forme de rémunération par ces derniers de prestations de coopération commerciale (têtes de gondoles, opérations promotionnelles…) et de « services distincts »  plus ou moins fictifs, et non répercutables dans le SRP ; la rémunération de ces prestations diminuaient de fait le prix réellement acquitté par les distributeurs pour un produit, sans toutefois pouvoir être répercuté dans le prix de revente au consommateur, constituant ainsi une marge garantie pour les distributeurs : la fameuse « marge arrière » (marge arrière = SRP  – coopération commerciale et services distincts).

Amorcé en 2005, parachevé en 2008, le passage au triple net modifie la définition du SRP de manière à organiser le basculement « de l’arrière à l’avant » des marges, sans toutefois supprimer les rigidités liées à l’interdiction de la discrimination tarifaire :

– depuis le 3 janvier 2008, les distributeurs sont autorisés à répercuter dans le prix de revente aux consommateurs la totalité du montant des rémunérations qu’ils ont perçues au titre de la coopération commerciale et des services distincts et qui a diminué de fait le prix qu’ils ont payé au fournisseur : c’est ce que l’on appelle le « triple net » ; il n’existe donc plus de marge arrière garantie ;

– pour autant, l’interdiction de la discrimination tarifaire est maintenue : la seule manière pour un distributeur de diminuer les prix reste la négociation à l’arrière au niveau des services de coopération commerciale et des services distincts. Or une telle logique constitue un frein à la baisse des prix dans la mesure où la loi expose à de fortes sanctions financières le distributeur qui facture de la fausse coopération commerciale.

La réforme opérée par la loi de modernisation de l’économie a donc pour objet de libérer la négociation en abolissant l’interdiction de discrimination tarifaire, ce afin de dégonfler la fausse coopération commerciale, de faire baisser les prix et de permettre au consommateur de faire jouer la concurrence en permettant une plus grande transparence des prix de fonds de rayon et en freinant la tendance à la multiplication des promotions.

La possibilité pour un fournisseur d’offrir à un de ses clients des conditions particulières de vente (CPV) est assouplie : alors que des services rendus spécifiques offerts par le client devaient justifier l’octroi des CPV, cette condition est désormais supprimée. Comme auparavant, ces CPV ne sont pas soumises, contrairement aux conditions générales de vente (CGV), à l’obligation de communication à tout client potentiel qui les demande.

Le formalisme de la convention unique retraçant l’ensemble de la relation commerciale est allégé, et la date butoir de conclusion de cette convention au 1er mars est aménagée afin de tenir compte des produits saisonniers.

Les services distincts, jusqu’alors facturés par le distributeur, ne relevant ni des CGV/CPV, ni de la coopération commerciale, seront désormais rémunérés sous forme de réduction de prix du fournisseur, et qualifiés sous le terme « d’autres obligations ».

Cette liberté accrue de négociation est assortie de garanties en faveur des fournisseurs, le législateur demeurant inspiré par la conviction que compte tenu de l’atomisation des producteurs d’un côté, et de la concentration de la grande distribution de l’autre, le cadre synallagmatique classique est inadapté au déséquilibre des rapports de force qui caractérise le secteur.

Ainsi le code de commerce prévoit-il depuis 2001 la possibilité pour le ministre de l’économie d’introduire une action devant la juridiction compétente et de demander le prononcé de sanctions civiles. Cette action est d’autant plus efficace que la LME :

- a modifié la qualification des pratiques interdites afin de rendre les sanctions plus effectives : elle a notamment substitué à la notion d’abus de dépendance ou d’abus de puissance d’achat ou de vente, qui était inappliquée car faisant l’objet d’une interprétation restrictive par les juridictions, celle de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ; ce déséquilibre devra être apprécié au regard de la convention unique prévue à l’article L. 441-7 du code de commerce, qui avait été modifié par un amendement de M. Jean-Paul Charié afin de prévoir que celle-ci retrace les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix ;

- a renforcé la liste des clauses susceptibles d’être frappées de nullité, en visant celles ayant pour objet de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le co-contractant ;

- a renforcé les sanctions encourues, en portant le plafond des amendes à 2 millions d’euros ou trois fois l’indu ; en outre, le juge pourra assortir sa décision d’une injonction à l’exécuter sous astreinte ;

- a permis à la juridiction d’ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision, afin de lui conférer une certaine exemplarité ;

- a confié le contentieux des relations commerciales à des juridictions spécialisées.

B.— DES ABUS PERSISTANTS MALGRÉ LA DIMINUTION SENSIBLE DES MARGES ARRIÈRE

1. Des négociations qui se normalisent partiellement

S’agissant du premier objectif affiché, celui de la baisse des prix, le bilan paraît modeste : d’après l’INSEE, les prix de grande consommation auraient crû de 0,4 % entre septembre 2008 et septembre 2009, chiffre à mettre en parallèle avec les baisses de 2 ou 3 % avancées par les distributeurs lors des débats sur le texte, et à placer dans le contexte d’un dégonflement du prix des matières premières agricoles et de hausse importante des prix au cours des années 2007-2008 ; le rapport d’application de la LME publié par le Gouvernement fait état d’une baisse de 0,65 % depuis décembre 2008.

En tout état de cause, ce résultat doit être d’autant plus relativisé que dans le même temps, on assiste à un développement rapide des marques de distributeurs (MDD) : l'an passé, les ventes des produits à marque de distributeurs ont progressé de 3,2 %, soit deux fois plus vite que les années précédentes (2). Désormais, les MDD représentent près de 40 % des produits achetés dans les hyper et supermarchés, et près de 30 % du chiffre d'affaires.

Or si les prix des MDD de produits de grande consommation dans la grande distribution alimentaire ont baissé de –0,2% en octobre 2009 par rapport à octobre 2008 selon Nielsen, cette baisse modeste est la première depuis septembre 2006 !

Ce développement d’une offre de produits dont les prix, malgré leur inflation importante, restent moins chers que ceux des grandes marques expliquent que les grandes enseignes « taillent des croupières » aux « hard discounters » : ceux-ci ont perdu 0,6 point de part de marché en France en septembre, selon les derniers chiffres de TNS Worldpanel. Une étude Nielsen réalisée mi-septembre confirme ce reflux amorcé dès le premier trimestre 2009 et poursuivi au deuxième.

On constate en outre une différenciation croissante des prix entre enseignes, ce qui corrobore les témoignages recueillis faisant état du retour à des pratiques « normales » de négociation, c’est-à-dire «  normales » par rapport aux contorsions qu’imposait l’interdiction de la discrimination tarifaire : début 2006, l'écart entre les deux enseignes les plus chères et les deux les moins chères pour les grandes marques s'établissait à 5,6 %. En avril 2009, cet écart a plus que doublé : il est maintenant de 12,7 % (3). Les acteurs utilisent donc pleinement les possibilités de différenciation tarifaire ouvertes par la loi.

Par ailleurs les marges arrière ont fortement diminué : la coopération commerciale représente désormais autour de 10 % du prix de vente (contre 30 % en moyenne auparavant).

Certains fournisseurs ont estimé que cette remontée des marges avait occasionné un choc de trésorerie important pour eux : en effet, alors que les factures de coopération commerciale étaient réglées en cours d’année à la réalisation de la prestation, après le règlement par le distributeur du prix convenu à la conclusion de la négociation commerciale, la remontée des marges arrière sous forme de remises sur facture du fournisseur a représenté une moins value immédiate pour lui. Ce constat doit pour autant être nuancé car dans la plupart des cas, le règlement des prestations de coopération commerciale était et demeuret acquitté sous formes d’acomptes mensuels.

Les conditions particulières de vente se développent : elles permettent à un fournisseur de proposer un tarif spécifique à un client, sans nécessité d’une justification liée à la spécificité des services rendus, que la LME a supprimée. Ces CPV ne sont pas soumises à l’obligation de communication à tout client qui les demande, à laquelle sont soumises les CGV. Mais elles constituent souvent un instrument de pression sur les fournisseurs, dans la mesure où elles permettent au distributeur de faire valoir ses prétentions particulières dans une relative opacité.

Le plan d’affaires prévu par la loi n’est pas entré dans les mœurs : en effet, depuis la loi Chatel du 3 janvier 2008, l’ensemble de la relation commerciale est retracé dans une convention unique décrite à l’article L. 441-7 du code de commerce, qui retrace le résultat de la négociation commerciale, c’est-à-dire le prix obtenu à l’issue de la négociation sur le tarif, rémunération des services distincts (4) déduite, et la coopération commerciale.

À l'issue des débats au Parlement, et grâce à un amendement qui avait été présenté par M. Jean-Paul Charié, cette convention « indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale ».

Comme le montre le rapport n° 908 fait au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale par son rapporteur Jean-Paul Charié, cette formule n’avait pas pour objet de réintroduire un formalisme pointilleux reposant sur des contreparties ligne à ligne, mais avait bien pour but de maintenir un équilibre dans le contrat entre le tarif offert par le fournisseur, les remises éventuellement consenties par rapport à ses CGV, et les engagements souscrits par le distributeur en échange de cet effort du fournisseur sur le tarif.

Or les distributeurs répugnent à s’engager dans la construction d’un véritable « business plan » avec leurs fournisseurs, au-delà de la simple négociation des tarifs.

2. Des abus persistants

La LME a renforcé les sanctions susceptibles d’être encourues en cas d’abus, mais ces abus persistent.

Ainsi, l’application de la règle en vertu de laquelle la convention unique annuelle doit être signée au 1er mars soulève des difficultés s’agissant de la « période transitoire », celle des trois premiers mois de l’année n.

En effet, les accords conclus en année n–1 prévoient généralement que pendant les trois premiers mois de l’année n, les stipulations du contrat de l’année n–1 continuent de s’appliquer. En l’absence d’une telle précision, ce sont les CGV du fournisseur qui ont vocation à s’appliquer jusqu’au 1er mars. Or les distributeurs exigent souvent l’application du tarif n–1 pendant cette période. Ils imposent également le maintien des mêmes avantages obtenus au cours de l’année précédente, sans fournir aucune des contreparties qui les avaient justifiés.

La plupart du temps, les contrats sont fournis par le distributeur, pré-rédigés et identiques pour chacun de ses fournisseurs : on comprend l’intérêt pratique d’une telle formule lorsqu’un distributeur travaille avec plusieurs centaines de fournisseurs pour des milliers de référence, mais le fournisseur devrait en théorie pouvoir conserver la faculté de faire modifier ce contrat, sans quoi celui-ci révélerait alors un déséquilibre entre droits et obligations des parties, sanctionné par l’article L. 442-6 du code de commerce. Or bien souvent le fournisseur n’osera pas demander la modification d’une clause. Ces contrats vont parfois même jusqu’à préciser que les conditions d’achat du distributeur se substituent purement et simplement aux CGV du fournisseur, alors même que l’article L. 441-6 disposent que ces CGV constituent le socle de la négociation commerciale !

En outre, sitôt conclus, ces contrats sont presque immédiatement renégociés. L’article L. 441-7 du code de commerce prévoit bien que la convention unique peut être conclue sous forme d’un contrat cadre assorti de contrats d’application, mais ces contrats d’application ne doivent en aucun cas bouleverser l’équilibre général du contrat cadre. Une autre façon pour les distributeurs de bouleverser cet équilibre à leur avantage consiste également à facturer des prestations fictives via des centrales d’achat internationales. Enfin, il semble que les distributeurs imposent à leurs fournisseurs la conclusion de contrats de mandat afin de mettre en œuvre ce que l’on qualifie de « nouveaux instruments de promotion », les NIP, qui recouvrent des opérations du type « quatre pour le prix de trois ». Comme l’avait indiqué la circulaire du 8 décembre 2005 relative aux relations commerciales, « les nouveaux instruments promotionnels recouvrent plusieurs formes ; ils font l’objet soit d’un contrat de mandat par lequel le fournisseur consent au consommateur un avantage financier dont le distributeur fait l’avance à l’occasion du passage en caisse, soit d’un contrat de coopération commerciale. Dans le premier cas, l’avantage n’étant pas consenti au distributeur, il n’entre pas dans la catégorie des autres avantages financiers [susceptibles d’être imputés sur le SRP]. » Lorsqu’ils font l’objet d’un contrat de mandat, ces NIP ne figurent pas dans la convention unique, mais ils peuvent de fait en bouleverser totalement l’équilibre.

Il conviendrait donc de réfléchir à leur prise en compte dans cette convention.

Enfin, la transparence accrue qu’a permise le dégonflement des marges arrière a pu engendrer certains effets pervers. Les fournisseurs indiquent ainsi que la coopération commerciale, et son imputation variable dans le SRP, laissée à la discrétion du fournisseur, permettaient de maintenir les clients dans une certaine ignorance des avantages consentis à leurs concurrents. La remontée de la coopération commerciale sur facture sous forme de remise tarifaire facilite la comparaison des prix de revente au consommateur, qui sont des prix « trois fois nets », et donc des tarifs, et entretiennent les revendications des distributeurs au bénéfice automatique des conditions tarifaires éventuellement plus favorables consenties à un concurrent. On a ainsi vu se multiplier des contrats assortis de clause de garanties de marge, ou des demandes de compensations financières destinées à permettre à un distributeur d’aligner ses prix sur un concurrent. Ces pratiques sont totalement interdites, notamment au regard de la nouvelle rédaction de l’article L. 442-6 qui sanctionne de nullité toute clause ayant pour objet « de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ». Un très grand groupe de biscuiterie industrielle a ainsi indiqué à vos rapporteurs « qu’un distributeur [les ] met en difficulté lorsqu’il fait zéro marge sur un de [leurs] produits ». Une grande enseigne de « hard discount » a fait état de demandes, par des grandes marques référencées dans ses linéaires, de facturation de prestations de coopération commerciale, la fixation du prix de revente au consommateur au triple net étant susceptible de les mettre en grande difficulté avec les enseignes de la grande distribution classique !

Enfin, les pénalités injustifiées et des déductions unilatérales ont explosé, en dépit de l’article L. 442-6 du code précité qui qualifie d’abusif le fait de « procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. » Ainsi un très grand groupe du secteur de l’ultra frais avait versé 260 000 euros de pénalités diverses entre janvier et juin 2008, contre 2,8 millions d’euros entre janvier et juin 2009 !

3. La nécessité de rendre les sanctions effectives.

Après les réformes « Dutreil » de 2005, « Chatel » de 2008, et la LME, les entreprises, qu’elles soient fournisseurs ou distributeurs, jugent essentiel de jouir d’une certaine sécurité juridique afin de s’approprier les nouvelles règles du jeu définies par le législateur. Il convient autant que possible d’éviter de remettre l’ouvrage sur le métier législatif.

Pour autant, les sanctions prévues par la LME doivent être appliquées. Le fait que le Gouvernement ait fait usage de la faculté prévue par le code de commerce, en assignant devant le juge, neuf enseignes dont les pratiques ou les contrats sont abusifs est une très bonne chose. La possibilité pour le juge de prononcer une sanction pouvant aller jusqu’à trois fois l’indu devrait exercer un rôle très dissuasif à l’avenir ; ainsi en application des règles applicables avant la LME – possibilité de condamnation à une fois l’indu, une enseigne a été condamnée à payer plus de 20 millions d’euros ; à l’avenir les sanctions pourraient représenter le triple !

Les assignations de neuf enseignes de la grande distribution

La possibilité de sanctionner plus efficacement les abus dans la relation commerciale découle de la redéfinition de ces abus par la loi de modernisation de l’économie : ainsi, la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » remplace celle « d’abus de la relation de dépendance » et de « puissance d’achat ou de vente ». C’est ce moyen juridique d’utilisation plus aisée qui vient d’être mis en œuvre à l’occasion de l’examen par la DGCCRF des contrats des grandes enseignes en 2009.

Les clauses litigieuses portent par exemple sur :

– clause tarif cliquet : les hausses de tarifs doivent être justifiées alors que les baisses des éléments constitutifs des prix de vente du fournisseur doivent être répercutées automatiquement ;

– clause de reprise des invendus : le distributeur n’assume plus le risque de la revente ;

– clause de reprise des produits dégradés par la clientèle ;

– clause imposant le financement (élevé) de contrôles-qualité incombant au distributeur puisqu’intervenant après l’achat des produits ;

– exclusion des clauses du fournisseur exonérant ou limitant la responsabilité du fournisseur et clause renversant la charge de la preuve lorsque le distributeur se considère comme libéré d’une obligation ;

– clause de protection de stock : en cas de baisse du prix tarif d’un produit, le distributeur peut demander au fournisseur d’établir un avoir correspondant à l’écart entre le précédent prix et le nouveau prix multiplié par le nombre de produits en stock chez le client ;

– pénalités disproportionnées ou injustifiées (départ à vide du camion pour 1 heure de retard de livraison et frais de livraison à la charge du fournisseur) ;

– clauses imposant au fournisseur des charges relevant du métier de distributeur : remises pour « faciliter la circulation du consommateur dans le point de vente », « limiter les manutentions en prenant en considération les contraintes liées à la réserve », « plan merchandising précisant les surfaces allouées à chaque sous-rayon ».

Une première décision a été rendue par le tribunal de commerce de Lille le 11 janvier 2010, lequel a condamné Castorama au paiement d’une amende de 3 00 000 €.

L’effectivité des sanctions suppose en outre des moyens de détection efficaces : la création d’une brigade de contrôle de la LME au sein de la DGCCRF constitue un élément très positif, et a largement contribué aux actions annoncées par le ministre. Pourvue de 120 enquêteurs, soit une hausse de 50 % des effectifs jusqu’alors affectés à ces missions, elle a conduit 1 168 actions de contrôle dans 223 établissements. 400 contrats ont été étudiés, et environ 300 comporteraient des clauses susceptibles d’être qualifiées d’abusives par le juge.

Au-delà des sanctions, il est essentiel de favoriser l’émergence de bonnes pratiques : l’action conduite par la CEPC, dont M. Jean-Paul Charié exerçait la présidence, y a contribué, et le « pacte nouvelles donnes » auquel il travaillait avec les enseignes et les fournisseurs, avait précisément pour but d’éclairer les acteurs sur des points précis d’application de la loi et de créer une émulation autour de pratiques exemplaires identifiées de manière concertées par les acteurs.

CONCLUSION

Contrôler l’application de la loi de modernisation de l’économie, qui ne comptait pas moins de 175 articles : la tâche était immense ! Elle était d’autant plus ardue que la crise économique survenue depuis la promulgation du texte avait sensiblement modifié la donne, notamment dans le domaine des délais de paiement et des prix. Vos rapporteurs ont donc privilégié trois des réformes majeures engagées par cette loi : négociabilité des tarifs, réduction des délais de paiement, et réforme de l’urbanisme commercial.

S’agissant de la négociabilité des tarifs des fournisseurs, on constate tout d’abord une diminution sensible des marges arrières, qui baissent de 30 à 10 % : l’objectif de la loi est de ce point de vue atteint, et traduit une normalisation des négociations commerciales, même si le plan d’affaires souhaité par le législateur tarde à se concrétiser.

Les résultats sur les prix sont mitigés : le rapport d’application de la loi publié par le Gouvernement fait état d’une baisse des prix de 0,65 % depuis décembre 2008 ; on est loin de la baisse de 2/3 % que les distributeurs disaient pouvoir obtenir grâce à la négociabilité des tarifs.

Les abus persistent : explosion des pénalités abusives, renégociation des contrats à peine ceux-ci conclus, clauses d’alignement de marges…

La LME, plutôt que d’allonger la liste déjà substantielle des pratiques interdites, privilégie l’effectivité et le caractère dissuasif des sanctions, qui ont été aggravées. Les contrôles doivent donc être renforcés et les sanctions appliquées : la création d’une brigade de contrôle de la LME au sein de la DGCCRF (120 enquêteurs, soit une hausse de 50 % des effectifs jusqu’alors dévolus à ces contrôles) doit permettre une meilleure détection des pratiques abusives ;   les assignations de neuf grandes enseignes par le secrétaire d’État au commerce constituent également un signal très positif et dont on peut espérer qu’il sera dissuasif.

S’agissant des délais de paiement, la réduction du plafond des délais conventionnels à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires s’est traduite par une baisse moyenne de 11 jours des délais de paiement, ce qui est remarquable compte tenu du contexte de crise économique.

Pour autant, 39 accords dérogatoires ont été conclus, ce qui représente 20 % de l’économie marchande ; il est vrai que la crise et le tarissement du flux du crédit bancaire peuvent expliquer le succès de la formule des accords dérogatoires, qui permet en tout état de cause d’assurer une convergence vers les délais de droit commun au plus tard en 2012.

On constate par ailleurs le développement de pratiques abusives et de contournement de la loi : le mode de computation des délais ayant fait l’objet de deux interprétations différentes par la DGCCRF et la Commission d’examen des pratiques commerciales, certains appliquent alternativement celle qui leur est la plus favorable ; les contreparties obtenues à la réduction des délais de paiement n’a pas été renégociée lorsqu’un accord dérogatoire est venu relever ces délais a posteriori ; enfin de nouvelles méthodes de gestion des stocks se développent afin d’en faire supporter le coût au fournisseur.

Enfin, pour ce qui concerne la réforme de l’urbanisme commercial, s’impose tout d’abord un bilan critique de la période transitoire qui s’est écoulée entre le vote de la loi et la publication de la circulaire du 24 octobre 2008. La circulaire du 28 août 2008, au mépris de la volonté exprimée par le législateur, a « ouvert les vannes » des extensions commerciales, donc favorisé le renforcement des positions dominantes existantes, alors même que l’objectif poursuivi par la LME était précisément de renforcer la concurrence dans les zones de chalandise. Aucun chiffrage fiable des mètres carré de surface commerciale ouverts sur le fondement de cette circulaire n’est disponible, mais les éléments recueillis par vos rapporteurs laissent présager un bilan très lourd, et qui aurait été sans doute plus lourd encore si l’intervention de la commission des affaires économiques n’avait pas permis que la circulaire du 28 août fût retirée.

Le nouveau régime, qui s’applique depuis la publication du décret du 24 novembre 2008, a été mis en œuvre de manière empirique dans les premiers moins puisque les arrêtés précisant les modalités de fonctionnement des commissions ont été pris tardivement. Les dispositions de la loi donnent lieu par ailleurs à certaines difficultés : critères de décision jugés trop flou, problèmes d’application des règles de non-cumul applicables aux élus siégeant dans les CDAC, raccourcissement des délais impartis aux commissions pour statuer sans allégement substantiel du formalisme. Les conséquences du relèvement du seuil d’autorisation des équipements commerciaux sur le renforcement de la concurrence entre enseignes dans les zones de chalandise sont difficiles à établir, car il n’existe plus de données disponibles sur les implantations de surfaces de moins de 1 000 m2.

*

* *

En conclusion, il convient tout d’abord de rester vigilant et de s’assurer que les abus sont effectivement sanctionnés dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. Ce suivi, votre commission se propose de l’assurer, comme l’y autorise d’ailleurs l’article 145-7 de notre Règlement. La conclusion des plans d’affaires pour 2009, à l’issue des négociations en cours, devrait permettre d’affiner le bilan des réformes opérées par la LME et de bénéficier d’un plus grand recul.

Le suivi sera également effectué par l’établissement de liens constants, par le biais d’auditions en particulier, entre la commission des affaires économiques et les autorités chargées d’appliquer la LME ou de veiller à l’établissement d’une concurrence loyale – ministère de l’économie, ministère de l’agriculture, Autorité de la concurrence, commission d’examen des pratiques commerciales, entre autres.

Par ailleurs, le « pacte nouvelle donne » auquel Jean-Paul Charié avait travaillé ne doit pas rester lettre morte. La commission veillera, en partenariat avec la commission d’examen des pratiques commerciales désormais présidée par Mme Catherine Vautrin, à ce que ce code des bonnes pratiques liant les professionnels soit signé et respecté.

En outre, s’agissant plus spécifiquement de l’urbanisme commercial, le bilan dressé supra ne fait que renforcer l’urgence d’une fusion avec l’urbanisme de droit commun, comme notre Assemblée l’avait demandé dès le vote de la LME, et comme le Gouvernement s’était engagé à le faire dans les six mois suivant le vote de la loi. Forte des travaux conduits par M. Jean-Paul Charié, la commission des affaires économiques – et notamment M. Michel Piron – travaille avec le Gouvernement afin de proposer avant la fin de la session ordinaire une proposition de loi destinée à mettre en œuvre cette réforme tant attendue.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 17 février 2010, la commission a examiné le rapport sur l’application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (MM. Patrick Ollier et Jean Gaubert, rapporteurs).

M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la présente réunion est consacrée, en vertu de l’article 145 alinéa 7 du règlement de l’Assemblée nationale relatif au contrôle de l’application de la loi, à la présentation du rapport relatif à l’application de la LME (loi de modernisation de l’économie). Ce rapport a été préparé par deux co-rapporteurs, Jean-Paul Charié, qui nous a malheureusement quittés, et Jean Gaubert ; même si je laisserai Patrick Ollier, qui lui succède en qualité de co-rapporteur, dire quelques mots sur Jean-Paul, je pense pouvoir parler au nom de tous en disant que nous avons tous aujourd’hui une pensée pour lui.

M. Patrick Ollier, co-rapporteur. Mesdames et messieurs, chers collègues, nous ne pouvons commencer l’examen de ce rapport d’application de la LME sans en effet évoquer avec affection et tristesse le souvenir de Jean-Paul Charié qui a joué un rôle éminent pour la mise en œuvre de la LME mais aussi au sein de la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), où Catherine Vautrin l’a aujourd’hui remplacé, ou dans d’autres domaines, notamment celui de l’urbanisme commercial. Il a été un rapporteur courageux et infatigable, un fervent défenseur des PME, de l’économie de proximité et de l’artisanat, tout en démontrant qu’il était également un fin connaisseur des relations existant entre les secteurs de l’industrie, du commerce et de la grande distribution. C’était un homme politique de conviction et de dialogue qui œuvrait sans cesse à rapprocher les points de vue. Je le remplace aujourd’hui mais, comme vous tous, je ne l’oublie naturellement pas.

Dans le cadre de mes fonctions de président de la commission des affaires économiques, j’ai été le premier à lancer la procédure de contrôle de l’application des lois : nous l’avons ainsi fait pour la première fois en janvier 2008 sur la mise en application de la loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole, Jean Gaubert ayant été à cette occasion co-rapporteur avec notre collègue Antoine Herth. Cette pratique, désormais inscrite dans le règlement de notre assemblée, vise à permettre aux parlementaires, après l’avoir votée, de vérifier que la loi a bien été appliquée tant dans son esprit que dans sa lettre. Un rapport d’exécution de la loi, ce n’est pas un rapport de plus mais un travail effectué en toute transparence et en toute indépendance par un député de la majorité et un député de l’opposition qui se traduit par de véritables investigations effectuées sur pièces et sur place. Je dois avouer que ce rapport a été fait sans concession.

Je laisserai dans un instant Jean Gaubert vous présenter en détail ce rapport mais je tiens à dire quelques mots sur trois sujets importants abordés dans ce document : les marges arrière, les délais de paiement et l’urbanisme commercial.

Sur les marges arrière, on a observé une réelle diminution qui s’échelonne entre 30 et 10 % : de ce point de vue, l’objectif de la loi a été atteint. Est-on pour autant allé jusqu’au bout ? Si on a mis un coup d’arrêt à une évolution qui était inacceptable, on peut néanmoins mieux faire. Sur les prix, les résultats sont très mitigés. Sur les pratiques commerciales, des abus persistent et doivent être dénoncés : on constate ainsi des pénalités abusives qui explosent, une renégociation des contrats à peine conclus… Un satisfecit doit néanmoins être adressé au Gouvernement : en effet, si neuf grandes enseignes ont été assignées devant les tribunaux à raison de leurs pratiques commerciales, c’est le résultat direct du vote de cette loi. Ces procédures montrent également qu’on est bien décidé à ne pas laisser les choses se faire et qu’on sera attentif à l’avenir.

Sur les délais de paiement, il existe là aussi incontestablement des progrès : on constate une baisse moyenne de onze jours des délais de paiement. Pour autant, il existe encore trop souvent des accords dérogatoires : je ne suis pas certain qu’il faille en accepter autant. On observe également un développement des pratiques abusives et de contournement de la loi (dépôt vente, pratique consistant à faire supporter le coût financier du stock au fournisseur…). Des constats ont été faits à ce sujet et on va réfléchir à la manière dont on peut les faire diminuer à l’avenir.

En revanche, sur l’urbanisme commercial, le bilan est beaucoup plus mitigé. Pendant la période transitoire, le bilan est incontestablement mauvais. Même si nous n’avons pas tous les éléments chiffrés et fiables sur les conséquences de la fameuse circulaire Martin que notre commission a fait rapporter dès qu’elle en a eu connaissance, le bilan n’est pas bon à l’évidence. Quant au nouveau régime, il est marqué par un certain empirisme et par des résultats incertains. C’est la raison pour laquelle notre commission a décidé d’avancer. En effet, le Gouvernement s’était engagé auprès de nous pour intégrer l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme dans les six mois suivant le vote de la loi. Or, aujourd’hui, on n’a toujours pas de réponse de sa part alors même que le délai de six mois est largement dépassé. Notre commission a donc décidé de travailler sur ce sujet afin que l’urbanisme commercial soit un sujet traité et réglé avant l’été : nous allons mener une réflexion qui se traduira par une proposition de loi de la commission qui sera prochainement déposée.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. Mes chers collègues, je tiens également, comme l’ont fait avant moi les présidents Poignant et Ollier, à rendre hommage à Jean-Paul Charié. J’ai travaillé avec lui depuis quelques années car nous avions les mêmes thèmes de prédilection : c’est une personne que j’ai appris à connaître, très différente de l’image qu’elle pouvait donner au premier abord. Ainsi, s’il semblait dur a priori, ce n’était qu’une apparence. Humaniste, rigoureux, passionné, parfois angélique, je dois dire que j’ai commencé à travailler avec un collègue et que je crois avoir fini de travailler avec un ami.

Je tiens à dire, en préambule, que cette loi a été votée : même si je n’ai pas voté en sa faveur, c’est aujourd’hui une loi de la République et on doit tous faire en sorte qu’elle soit pleinement mise en œuvre et appliquée. Il convient notamment de vérifier si les décrets annoncés ont été pris, si les griefs reprochés existent toujours, si des lacunes existent... C’est dans ce cadre que j’ai travaillé avec Jean-Paul Charié mais nous avons pu constater à cette occasion que l’imagination du législateur était fréquemment dépassée par l’imagination de ceux qui doivent en principe être les premiers à respecter les textes votés.

Dans notre mission de contrôle et d’évaluation de la loi, nous avons privilégié certains axes de réflexion : l’urbanisme commercial, la réforme des relations commerciales et les délais de paiement.

Mais avant d’en venir à ces thèmes, je souhaiterais vous livrer quelques éléments quantitatifs sur la mise en œuvre des mesures d’application de cette loi.

Sur les 175 articles de la loi, 111 étaient d’application immédiate et 57 requéraient des mesures d’application, Mme Christine Lagarde s’étant engagée à ce que ces décrets interviennent dans les six mois suivant la publication de la LME.

Six mois après la publication de la loi, 26 articles avaient fait l’objet de toutes les mesures d’application prévues par le texte et 6 articles faisaient l’objet de mesures d’application partielle. Il faut toutefois tempérer ce bilan quantitatif décevant par le constat que les décrets d’application de certaines des mesures essentielles du texte ont été publiés par la suite, de sorte que l’engagement souscrit par Mme Lagarde a pu être respecté : je mentionnerai notamment la création d’un statut d’auto-entrepreneur, la réforme du régime des équipements commerciaux, l’équipement des immeubles pour le haut débit. En outre, de nombreux décrets concernant des dispositifs importants sont parus sept mois après la publication de la loi.

Le bilan est plus nuancé s’agissant notamment de l’application de la neutralisation de l’impact financier du franchissement des seuils sociaux prévue par l’article 48, de la délivrance de carte de résident pour contribution économique exceptionnelle introduite par l’article 124 ou bien encore du rescrit en matière de crédit d’impôt recherche. Les décrets ont été publiés respectivement en juillet, septembre et août 2009, ce qui constitue un retard d’autant plus difficile à justifier qu’il s’agissait de mesures prévues dès le projet de loi initial.

Enfin, certains « abcès de fixation » demeurent, alors qu’on se situe plus d’un an après la publication de la loi : fin octobre 2009, 4 articles dont 3 d’origine parlementaire n’avaient toujours pas reçu de mesure d’application ; 5 articles avaient reçu des mesures d’application incomplètes, notamment ceux relatifs à la généralisation du rescrit fiscal et au guichet unique pour l’exercice des activités de service, articles également d’initiative parlementaire. On peut comprendre que l’élaboration des textes d’application de mesures d’initiative parlementaire exige davantage de temps que celui nécessaire à l’élaboration des mesures d’origine Gouvernementale. Pour autant cela ne doit pas constituer un prétexte pour ne pas appliquer des dispositions qui, pour avoir été parfois adoptées contre l’avis du Gouvernement, n’en sont pas moins légitimes ! D’après les informations que nous a communiquées le Gouvernement, ces abcès sont en voie de résorption, même si certaines mesures sont renvoyées à 2012, comme celle permettant la mise en œuvre de l’obligation pour l’État d’accepter des factures dématérialisées.

Plus inexplicable en revanche est le retard pris pour l’application de certaines mesures phares du texte, qui figuraient pourtant dans le projet de loi initial, comme celles relatives à la mise en œuvre de la réforme de la distribution du livret A. Le problème du contrôle et de la lutte contre la multidétention, qui coûte très cher à l’État et aux finances sociales, n’est toujours pas réglé. Le Gouvernement y travaille, mettant en œuvre un contrôle a posteriori de déclarations sur l’honneur, mais ce n’est pas satisfaisant et des discussions sont actuellement en cours dans le cadre d’un groupe de travail regroupant l’administration et les principales banques en vue de mettre en place un contrôle a priori. On peut se féliciter que le Gouvernement manifeste sa volonté de prendre le problème à bras le corps mais, dans le même temps, on peut regretter malgré tout qu’il faille attendre plus de deux ans, si le calendrier indiqué par le Gouvernement devait être respecté, pour qu’une disposition qu’il a lui-même proposée puisse enfin recevoir des mesures d’application.

Pour en venir au fonds du texte, j’aborderai dans un premier temps la question de l’urbanisme commercial, en distinguant le bilan de la période transitoire et celui du « régime de croisière ». La période transitoire a été chaotique. Nous nous souvenons tous de l’imbroglio causé par une circulaire de feu la DECASPL (direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales), dont nous avons pu obtenir le retrait rapide grâce à l’intervention du président Ollier. S’agissant de l’évaluation du nombre de m2 ouverts sans autorisation, nous disposons de quelques éléments. La préfecture du Finistère a indiqué avoir reçu 95 déclarations d’intention de création ou d’extension de surfaces commerciales, soit une surface globale de 57 000 m². La préfecture du Nord a reçu 80 dossiers, déclarations d’intention ou déclaration d’ouverture d’extension, soit 80 000 m², c’est-à-dire l’équivalent d’un an d’activité de la CDEC. Ces déclarations concernaient principalement les secteurs du bricolage, du jardinage et des centres automobiles. De plus, l’enseigne Leroy Merlin nous a indiqué avoir eu vent de la circulaire du 28 août 2008 et avoir demandé confirmation auprès du ministère de l’économie de l’interprétation donnée des règles applicables à la période transitoire. Une fois cette confirmation obtenue, la quasi-totalité des magasins de l’enseigne (70 ou 80 sur une centaine) ont réalisé des extensions de 999 m² et certains magasins en ont même réalisées plusieurs.

Des demandes de régularisation ont été déposées là où l’enseigne avait le sentiment que les responsables politiques contestaient cette démarche.

La plupart du temps, ces extensions étaient réalisées par l’ouverture de locaux jusque là utilisés comme réserve, afin de n’avoir pas à solliciter de permis de construire et donc ne pas être susceptibles de faire l’objet de la procédure dérogatoire prévue pour les communes de moins de 20 000 habitants.

Par ailleurs, dans un courrier adressé le 14 mai 2009 au Président Patrick Ollier, le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, M. Luc Chatel, indiquait fort justement que « la réalité de surfaces de vente nouvelles ouvertes en 2008, y compris celles qui l’ont été sur le fondement de la circulaire du 28 août, pourra être connue dans le détail lorsque les établissements auront déclaré les surfaces correspondantes à l’organisme gérant le régime social des indépendants (RSI) en vue du paiement de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) au titre de l’année 2008. Une demande destinée à collecter ces informations a d’ores et déjà été adressée à cet organisme. Je ne manquerai de vous tenir informé des résultat du dépouillement de ces données ».

Interrogé par vos rapporteurs, le Gouvernement explique désormais que « le transfert de la collecte de la TASCOM au profit des collectivités locales, du RSI vers la DGFIP (service fiscal aux entreprises), adopté en loi de finances 2010, sera effectif en 2011. De ce fait, l’exploitation de ces données risque de se heurter aux principes du secret fiscal et cette solution pourrait ne plus être possible, comme le recours au RSI le permettait. Néanmoins, des données devraient être prochainement disponibles dans les prochaines semaines, pour les surfaces de plus de 400 m². »

Aucun bilan chiffré des m² ouverts pendant cette période transitoire n’est donc disponible. Une évaluation empirique effectuée au regard des éléments transmis à vos rapporteurs et rappelés plus haut laisse toutefois supposer que ce bilan pourrait être très lourd.

Notons de surcroît que les opérateurs, qui ont abondamment profité de l’interprétation contestable faite par la DECASPL dans sa circulaire du 28 août, des règles fixées par le législateur pour la période transitoire, ont saisi la juridiction administrative pour contester la circulaire du 24 octobre, pourtant plus respectueuse de la volonté des élus. Aucune date d'audience n'a été fixée à ce jour par le Conseil d’État. Dernier élément, le dispositif concernant les extensions d’ensembles commerciaux était également mal ficelé, et il a fallu un amendement sénatorial pour y mettre bon ordre.

On ne peut qu’être critique à l’égard de ce bilan.

En ce qui concerne le « régime de croisière », le bilan n’est pas beaucoup plus satisfaisant : il a fallu attendre neuf mois les arrêtés d’application du décret du 29 novembre 2008 ; en d’autres termes, les CDAC ont commencé à fonctionner sans que l’arrêté fixant le contenu de la demande du pétitionnaire ait été pris ! A ce relatif empirisme dans le fonctionnement des commissions s’ajoutent des difficultés liées aux critères d’appréciation en fonction desquels les CDAC doivent statuer, qui sont jugés trop flous, à la contestation des règles de non cumul pour les élus représentés dans les CDAC, au raccourcissement des délais de traitement des demandes alors que le formalisme reste lourd… Tout ceci contribue sans doute à fragiliser juridiquement les décisions prises.

Quant au bilan en terme d’animation de la concurrence, qui était l’objectif affiché par le Gouvernement, celui-ci nous indique que le « hard discount » aurait doublé ses projets de surface et qu’un magasin serait venu animer la concurrence dans 40 % des villes les plus chères de France.

Nous n’avons pas eu ces études entre les mains, donc nous ne pouvons juger de la solidité des résultats qui sont présentés et, en tout état de cause, ils ne concernent que les surfaces de plus de 1000 m², les seules pour lesquelles on dispose des chiffres des CDAC. En deçà, il n’existe plus d’inventaire des surfaces commerciales. Le Gouvernement nous a indiqué travailler sur ce problème et rechercher des solutions permettant la mise en place d’un outil de mesure fiable et exhaustif.

Devant ce bilan fort peu probant, on ne peut que réaffirmer l’urgence de la réforme sur laquelle Jean Paul Charié avait tant travaillé, consistant à fusionner urbanisme commercial et urbanisme de droit commun.

S’agissant des délais de paiement, le Gouvernement fait état d’une réduction moyenne de 11 jours. C’est bien, en particulier dans le contexte de crise très difficile que nous avons connu et de tarissement des flux de financement bancaire.

Mais le tarissement des flux du crédit bancaire explique sans doute également le succès de la formule des accords dérogatoires : 39 ont été conclus avant l’échéance du 1er mars 2009 et soumis à l’Autorité de la concurrence ce qui a représenté environ 20 % de l’économie marchande d’après les chiffres du Gouvernement. Les secteurs bénéficiant de dérogations couvrent de larges pans de l’économie : bricolage, horlogerie, animaux de compagnie, agroéquipements, compléments alimentaires, pêche de loisir, outillage industriel, articles de sport, optique et lunetterie, pisciculture continentale et marine, activités manuelles et artistiques, pour ne citer que quelques exemples.

On peut regretter des exceptions aussi larges au principe de réduction que nous avions fixé ; rappelons toutefois que quoi qu’il arrive, ces accords organisent en douceur un basculement vers le droit commun au plus tard en 2012.

Mais la mise en œuvre de cette réforme a donné lieu à plusieurs abus :

- des négociations commerciales avaient pu être conclues aux termes desquelles le distributeur obtenait de son fournisseur une contrepartie à la réduction du délai de paiement ; entre-temps un accord dérogatoire est venu relever ce plafond, sans que la contrepartie soit restituée ;

- les modes de computation des délais ont fait l’objet de deux interprétations par la DGCCRF et la CEPC : les deux méthodes conduisent à un même délai moyen
de 60 jours, mais la méthode « DGCCRF » est plus favorable au fournisseur que la méthode « Sénat » pour les factures émises au cours des quinze premiers jours du mois ; à l’inverse, elle s’avère moins favorable pour les factures émises au cours des quinze derniers jours. Or il semblerait que certains clients choisissent l’un ou l’autre mode de calcul en fonction de la date d’émission de la facture afin d’obtenir le délai qui leur est le plus favorable…

- Enfin, la réduction des délais de paiement a conduit au développement de nouvelles méthodes de gestion des stocks, qui consistent en en faire assumer le risque financier au fournisseur.

On voit là encore que, dès qu’il s’agit de détourner la loi, l’imagination est sans limite.

Enfin, s’agissant de la réforme des relations commerciales, on constate la persistance des abus malgré une diminution sensible des marges arrière.

Les marges arrière ont baissé et témoignent du retour à des pratiques « normales » de négociation, c’est-à-dire « normales » par rapport aux contorsions qu’imposait l’interdiction de la discrimination tarifaire. Les témoignages des acteurs concordent sur ce point et corroborent les chiffres du Gouvernement faisant état d’une baisse de 30 à 10 % en moyenne des marges arrière. Cette normalisation des négociations se traduit également par une différenciation croissante des prix entre enseignes.

Mais les résultats sur les prix sont modestes : d’après l’INSEE, les prix de grande consommation auraient crû de 0,4 % entre septembre 2008 et septembre 2009, chiffre à mettre en parallèle avec les baisses de 2 ou 3 % avancées par les distributeurs lors des débats sur le texte, et à placer dans le contexte d’un dégonflement du prix des matières premières agricoles et de hausse importante des prix au cours des années 2007-2008 ; le rapport d’application de la LME publié par le Gouvernement fait état d’une baisse de 0,65 % depuis décembre 2008.

En tout état de cause, ce résultat doit être d’autant plus relativisé que dans le même temps, on assiste à un développement rapide des marques de distributeurs (MDD) : l'an passé, les ventes des produits à marque de distributeurs ont progressé de 3,2 %, soit deux fois plus vite que les années précédentes. Désormais, les MDD représentent près de 40 % des produits achetés dans les hyper et supermarchés et près de 30 % du chiffre d'affaires.

Or si les prix des MDD de produits de grande consommation dans la grande distribution alimentaire ont baissé de 0,2 % en octobre 2009 par rapport à octobre 2008 selon Nielsen, cette baisse modeste est la première depuis septembre 2006.

S’agissant de l’équilibre des relations entre fournisseur et distributeur, on constate que les conditions particulières de vente, dont l’opacité permet d’exercer une certaine pression sur les fournisseurs, se développent.

Le plan d’affaires que nous appelions de nos vœux n’est pas entré dans les mœurs. Les distributeurs répugnent toujours à s’engager dans un véritable « business plan » avec leurs fournisseurs. La plupart du temps, les contrats sont fournis par le distributeur, pré-rédigés et identiques pour chacun de ses fournisseurs : on comprend l’intérêt pratique d’une telle formule lorsqu’un distributeur travaille avec plusieurs centaines de fournisseurs pour des milliers de référence, mais le fournisseur devrait en théorie pouvoir conserver la faculté de faire modifier ce contrat, sans quoi celui-ci révèlerait alors un déséquilibre entre droits et obligations des parties, sanctionné par l’article L. 442-6 du code de commerce. Or, bien souvent, le fournisseur n’osera pas demander la modification d’une clause. Ces contrats vont parfois même jusqu’à préciser que les conditions d’achat du distributeur se substituent purement et simplement aux conditions générales de vente (CGV) du fournisseur alors même que l’article L. 441-6 disposent que ces CGV constituent le socle de la négociation commerciale !

Et ce n’est pas le seul abus : application unilatérale des tarifs de l’année précédente à l’année en cours, pénalités qui explosent (260 000 euros entre janvier et juin 2008 pour un grand groupe du secteur de l’ultra frais, 2,8 millions d’euros entre janvier et juin 2009), remise en cause immédiate des contrats qui viennent d’être signés, apparition de clauses de « garanties de marge »…

Nous avons durci les sanctions applicables, l’essentiel est maintenant de les appliquer.

C’est pourquoi les assignations de neuf grandes enseignes par le Gouvernement constituent un signal courageux et nécessaire. Une première décision a été rendue par le tribunal de commerce de Lille le 11 janvier dernier, qui a condamné l’enseigne Castorama au paiement d’une amende de 300 000 euros.

Cette tentative d’amélioration a donc produit un certain nombre de bons effets (délais de paiement dans un contexte pas facile). La meilleure nouvelle, c’est la saisine par le Gouvernement de tribunaux d’un certain nombre d’abus, ce qui devrait servir d’avertissement à beaucoup d’acteurs. Il y a encore beaucoup à faire néanmoins. Ainsi, pour l’urbanisme commercial : comment faire en sorte que les élus locaux reprennent la main ? Il convient de préciser davantage la loi car des dérives ont été constatées.

En conclusion, si l’on constate effectivement une tentative d’amélioration de l’existant ainsi qu’un certain nombre d’effets positifs, par exemple sur la réduction des délais de paiement (et ce en dépit de la crise), de nombreux abus, analysés en détail dans le rapport, sont encore à déplorer. La saisine des tribunaux par le Gouvernement et la réponse rapide de ceux-ci constituent donc à bien des égards la meilleure nouvelle qui nous soit parvenue récemment, notamment en ce qu’elle vient bousculer un milieu habitué à l’impunité. Mais beaucoup de choses restent à faire, en particulier en matière d’urbanisme commercial où il semble indispensable que les élus locaux reprennent la main. Enfin, il n’est pas exclu qu’un certain nombre de points soient de nouveau réexaminés dans le cadre d’un texte de loi afin d’être améliorés, points qui, pour la plupart, avaient d’ailleurs déjà été signalés par l’opposition lors de l’examen de la LME. Comme nous le disions à l’époque, s’il y a un domaine dans lequel il n’y a pas de place pour l’angélisme, c’est bien celui des relations commerciales.

M. Serge Poignant, vice-Président. Je vous remercie messieurs les rapporteurs. Je donne maintenant la parole à Mme Catherine Vautrin, qui a remplacé notre collègue Jean-Paul Charié à la tête de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC).

Mme Catherine Vautrin. Au nom du groupe UMP, je m’associe également à l’hommage rendu à Jean-Paul Charié. Je dois dire qu’il n’y a pas une réunion de la CEPC où le travail accompli par Jean-Paul Charié ne soit évoqué.

Sur le fond, je partage le constat dressé par les deux co-rapporteurs. Si, globalement, le Gouvernement a respecté ses engagements, il est vrai que le diable est dans les détails et qu’il est nécessaire de poursuivre les travaux engagés.

En matière d’urbanisme commercial, en-dehors de toute querelle de chiffres, on observe clairement sur le terrain une augmentation du nombre des surfaces commerciales, que ce soit dans les grandes villes ou dans les villes de taille moyenne. Or, comme le souligne l’association Procos (Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé), s’agissant des centres commerciaux, les m² ouverts aujourd’hui risquent de constituer les friches commerciales de demain. Je partage également le constat qui a été dressé sur le « hard discount » et les nombreuses extensions de surfaces. Dans la mesure où nous siégeons dans une commission dotée d’un prisme agricole développé, nous devons également avoir à l’esprit que ces constructions se font au détriment des terres agricoles : 74 000 hectares de terres disparaissent ainsi tous les ans ! Il est donc grand temps, comme l’ont dit les rapporteurs, qu’une proposition de loi intervienne rapidement afin de faire en sorte que l’urbanisme commercial soit aligné sur l’urbanisme de droit commun permettant ainsi d’avoir enfin une vision claire sur ce sujet.

Comme cela a été souligné, un bilan positif peut être tiré de la réduction des délais de paiement en dépit des 39 dérogations qui ont été accordées mais dont on peut penser qu’elles étaient nécessaires dans le cadre d’une procédure « en sifflet » dont l’objectif reste de parvenir à 60 jours. Dans les négociations, ce sont en effet très souvent les fournisseurs qui subissent la pression et qui jouent malgré eux le rôle de banquiers alors même qu’ils éprouvent des difficultés très importantes. La négociabilité est aujourd’hui au milieu du gué : soit on échoue, soit on réussit. On sera d’ailleurs bientôt fixé car nous sommes actuellement à la période de l’année où se négocient les plans d’affaires, ceux-ci devant être signés en principe au 1er mars au plus tard. Or les professionnels soulignent que la situation est, cette année, particulièrement tendue et la pression palpable. Il sera donc crucial d’analyser les conditions de signature de ces plans d’affaires : je proposerai d’ailleurs à la CEPC de se pencher sur ce sujet avec la DGCCRF.

Plus généralement, je souhaite préciser que deux groupes de travail ont été constitués au sein de la CEPC, l’un sur les marques de distributeur (MDD), qui deviennent aujourd’hui un phénomène de grande ampleur, et l’autre précisément sur les plans d’affaires. 

Le rôle de la CEPC est également de contribuer au déchiffrage de la loi : c’est le cas notamment pour la notion de « déséquilibre significatif », point clé de la loi dont la lisibilité n’est pas encore bien assurée même si l’arrêt Castorama apporte désormais des précisions à cet égard.

Enfin, si tous s’accordent à dire que les conditions générales de vente constituent le socle des relations commerciales, je note par ailleurs qu’un certain nombre d’acteurs souhaiteraient néanmoins que l’on s’intéresse également aux conditions générales d’achat (CGA). Nous gagnerions donc beaucoup à nous intéresser à cet élément.

En conclusion, je considère que la LME est un texte qui a clairement fait avancer les choses. Nous devons cependant être vigilants sur son application, afin que cette loi permette une vraie clarification des relations commerciales et une réelle prise en compte de l’urbanisme commercial dans notre pays.

M. François Brottes. Je souhaiterais à mon tour rendre hommage à la mémoire de Jean-Paul Charié qui nous a si souvent aidés à décrypter des situations complexes. Comme l’a dit à l’instant Catherine Vautrin, la LME a failli à plus d’un égard : tout reste à faire et la situation est grave. Prenons l’exemple de la circulaire Martin : ce texte n’est rien d’autre qu’un « deal » entre les pouvoirs publics et la grande distribution ! Jean Gaubert, qui s’exprimait tout à l’heure en qualité de rapporteur, ne l’a pas assez dit mais il est clair, comme l’indique d’ailleurs le pré-rapport, que le bilan de l’application de la LME est désastreux. Ce n’était pas le texte qu’il fallait adopter avant la crise : ce n’était pas le moment de déréguler, de libéraliser les relations commerciales et de faire n’importe quoi en matière d’urbanisme commercial. Et tous les effets de la LME n’ont pas encore été mesurés : qu’en est-il par exemple du statut d’auto-entrepreneur ? du statut de La Poste ? de l’ouverture du livret A à la concurrence ? Il faudra bien un jour mesurer tous les effets collatéraux de cette loi. En ce qui concerne les fournisseurs, ceux qui, par exemple, fabriquaient des produits transformés à base de lait ont subi pleinement les effets de la LME qui a conduit à établir des conditions de vente et d’achat totalement dérégulées : les fournisseurs sont véritablement pris entre le marteau et l’enclume. Et cette situation, mes chers collègues, continuera tant qu’il n’y aura pas de vraie concurrence instaurée entre les centrales d’achat et pas de moralisation du droit à référencement. Jean Gaubert l’avait d’ailleurs souligné dès l’examen du projet de loi LME.

Encore une fois, le bilan de l’application de cette loi est dramatique, Catherine Vautrin l’a reconnu à demi-mots : le « diable est dans les détails », a-t-elle dit, mais ce texte est avant tout un enfer pour les élus, pour les fournisseurs et bien d’autres acteurs. On se félicite de l’assignation devant les tribunaux de plusieurs grandes enseignes mais c’est bien là le signe qu’il n’y a pas d’amélioration des comportements. Le consommateur n’a d’ailleurs pas vu les prix baisser cette année alors même que les tarifs payés aux fournisseurs ont, en revanche, clairement diminué. En outre, ces problèmes sont aujourd’hui d’autant plus importants que la crise les a considérablement amplifiés.

M. Jean Dionis du Séjour. Je tiens immédiatement à dire que les centristes ont une autre vision des choses : la concurrence est saine dès lors qu’il y a un régulateur fort.

Je voudrais aussi dire le bonheur que j’ai eu à partager une mission parlementaire sur l’urbanisme commercial avec Luc Chatel et Jean-Paul Charié, qui m’a permis de me forger une véritable conviction en la matière. La régulation qui existait auparavant dans ce secteur ne fonctionnait pas. Les CDEC étaient en effet, comme je l’ai dit par le passé, des « machines à dire oui tout le temps lentement » : en-dessous d’un certain seuil, tout était accepté, quel que soit le département.

La LME poursuivait deux objectifs importants : le démantèlement des marges arrière et leur basculement sur des marges avant, et le recentrage des négociations sur le prix des produits. Qu’est-ce que les rapporteurs peuvent nous dire sur ces deux points ? A-t-on fait preuve d’angélisme ? La négociation s’est-elle véritablement recentrée sur les prix ?

Je souligne avec satisfaction la diminution des délais de paiement de 11 jours et je ne condamne pas pour autant l’existence de dérogations qui ne font que tenir compte de la complexité de l’économie. Dans certains secteurs, comme celui du livre, le schéma économique habituel, où le distributeur a l’ascendant sur le fournisseur, comme dans l’agroalimentaire, est inversé. Il faut donc s’adapter.

Je rappellerai également que les centristes, lors des débats sur la LME, avaient fortement insisté sur la nécessité de lutter contre les abus de position dominante sur une zone de chalandise donnée, avec possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence. Des amendements avaient été déposés en ce sens et, me semble t-il, avaient été acceptés : je voudrais donc savoir où en est ce dossier.

Enfin, on ne peut pas parler de la LME sans évoquer la LMA (loi de modernisation de l’agriculture). Que va-t-il advenir du « coefficient multiplicateur » : introduit par la loi sur le développement des territoires ruraux par un excellent amendement du Président Ollier, ce dispositif n’a jamais été appliqué par le Gouvernement, qui avance son euro-incompatibilté. Personnellement, cet argument me paraît douteux. Qu’en pensez-vous ?

M. le Président Patrick Ollier, co-rapporteur : je ne comprends pas la charge brutale de François Brottes. Croyez bien que je suis tout à fait sincère quand je vous fais part de mon intention de soutenir l’action du Gouvernement afin de mettre fin à un certain nombre de pratiques dans trois domaines distincts.

S’agissant du « coefficient multiplicateur » que je défends avec ardeur, des difficultés juridiques existent mais c’est une question qui doit être abordée dans le cadre de la future LMA. J’invite donc M. Dionis du Séjour à se rapprocher de M. Michel Raison, rapporteur de ce texte, pour travailler ensemble.

Le présent rapport a pour objet de vérifier l’application de la LME dans trois domaines différents. Si le bilan a pu être qualifié dans le document provisoire distribué de « désastreux » en matière d’urbanisme commercial, j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas là pour autant d’une appréciation globale sur l’application de l’ensemble du texte.

Qu’il s’agisse des pratiques commerciales, de délais des paiement ou de l’urbanisme commercial, il était nécessaire de trouver les bases d’une législation qui permette de mettre fin aux abus et les méthodes de contournement. Cette base juridique était nécessaire : elle a été établie par la LME et s’avère globalement efficace même si, chacun en convient, certains points méritent d’être améliorés : j’espère que ce rapport va y aider.

Les difficultés liées au prix du lait et, plus globalement, la crise du lait que nous avons vécue, n’ont aucune relation directe avec la LME. Les difficultés du secteur laitier existaient avant le vote de la loi et, malheureusement, risquent de perdurer encore quelque temps.

Vous estimez par ailleurs que cette loi n’aurait pas dû être adoptée avant la crise. C’est un argument politique qui est un peu facile : comment aurions-nous pu prévoir qu’il y allait avoir une crise économique ? Personne ne pouvait le penser un seul instant.

Le fait d’avoir réussi à faire diminuer les marges arrière de 30 % à 10 % est un vrai succès : Jean Gaubert en convient. Nous allons néanmoins poursuivre les efforts en ce sens car il reste du chemin à parcourir. Je rappelle qu’à l’époque de la discussion du texte, c’était un sujet réputé intouchable : pourtant, 18 mois après l’adoption de la loi, des résultats ont été obtenus et le bilan s’avère très positif.

En matière d’urbanisme commercial, et je demande que cela ressorte davantage dans le rapport, nous avons également de quoi nous féliciter. Lorsque la circulaire du 28 août est parue, la Commission des affaires économiques s’est rendu compte qu’elle remettait clairement en cause l’esprit et le texte de la loi. Qu’avons-nous fait ? Vous le savez, nous avons tout simplement provoqué un changement réglementaire. Ainsi, dès le 24 octobre, nous avons convoqué le ministre en charge du commerce, M. Chatel, pour une réunion de la commission à huis-clos : nous avons eu avec lui une explication très tendue et, le 28 octobre, une nouvelle circulaire paraissait, abrogeant la précédente que nous avions condamnée. C’est un résultat qui doit être souligné ! Nous considérons pour autant qu’il y encore un certain nombre de carences : à cet effet, la commission des affaires économiques s’engage à travailler avec le Gouvernement pour aboutir à la rédaction d’une proposition de loi qui permettra de tenir les engagements pris en la matière.

Sur les prix, on enregistre une baisse de 0,65 % depuis décembre 2008 : même si on peut souhaiter davantage, cela n’est déjà pas si mal, surtout si c’est grâce à la loi. L’assignation des enseignes commerciales devant les tribunaux, c’est également grâce à la loi. Il faut le rappeler avec force !

Je remercie M. Jean Dionis du Séjour d’avoir reconnu qu’il y avait des choses positives dans la LME. Le rapport les fait d’ailleurs ressortir, de même qu’il souligne les faiblesses sur lesquelles nous travaillons actuellement. J’ai évoqué la proposition de loi sur l’urbanisme commercial mais, en matière de relations commerciales, nous pouvons également poursuivre nos travaux. Un comité de suivi, conjoint avec la CEPC et le Gouvernement, pourrait être créé afin de tenir la Commission informée des évolutions en cours et lui permettre ainsi d’intervenir. Enfin, sur les délais de paiement, je ne doute pas que mon co-rapporteur aura des propositions à faire, propositions sur lesquelles nous pourrions également travailler. De manière générale, je souhaite que l’on puisse continuer à avancer et, au-delà des critiques plus ou moins légitimes, que l’on fasse de véritables propositions pour améliorer les choses.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. La première question à se poser me semble-t-il, c’est de savoir si la loi a fait baisser les prix. Nous avons donné deux chiffres dans le rapport : les prix ont augmenté de 0,4 % pour l’INSEE ; ils ont baissé de 0,65 % pour le Gouvernement. Nous avons donné les deux chiffres, même si, à titre personnel, je croyais que l’INSEE était l’organisme certificateur. Il est de toute façon difficile de se prononcer sur les effets de la loi, car nous sommes entrés dans une période de crise économique, qui a eu pour effet d’entraîner une baisse généralisée des prix. C’est pourquoi il est difficile, même si l’on constate effectivement une baisse, de l’attribuer ou non à la loi.

Dans le même temps, on a connu une baisse des prix agricoles : nous avons d’ailleurs évoqué tout à l’heure la crise du lait. Dès lors, on aurait dû logiquement constater une baisse beaucoup plus forte des produits d’origine agricole dans la grande distribution. Ça n’a pas été le cas.

La deuxième question consiste à se demander si les marges arrière ont diminué. C’est le cas, incontestablement : en moyenne, on l’a dit, elles ont baissé de 30 % à 10 %. Cela a-t-il pour autant fondamentalement changé les choses ? En effet, la baisse des marges arrière était présentée comme un élément permettant de faire baisser les prix : or les prix n’ont pas baissé. Cela a certes assaini le système au niveau des marges arrière mais les distributeurs continuent de demander à leurs fournisseurs le versement de commissions dans des paradis fiscaux. Cela n’a pas changé, malheureusement, parce qu’on n’a pas voulu l’interdire alors que c’est tout de même une pratique assez grave.

Les méthodes ont-elles pour autant été modifiées ? Non, les marges arrière étant devenues interdites, elles ont mécaniquement diminué mais, comme vous le savez, l’imagination de certains est sans limite. À ce titre, vous n’avez pas été sans remarquer la prolifération, dans les grandes surfaces, de la formule « 3 pour 2 ». Or, qui paie le « 3 » pour vendre « 2 » ? Le fournisseur. C’est une autre façon de faire qui s’est désormais considérablement développée. Vous avez également eu connaissance de la « garantie de marge », qui a été condamnée et qui a donc été retirée. Néanmoins, cette pratique a été tentée.

On a également vu, dans le cadre de la libre négociabilité, des distributeurs qui ont accepté de ne faire aucune marge sur un produit donné. Or, si le distributeur voisin fait la même chose sur un autre produit, pour la seule raison que sa négociation a été différente, il va revenir vers le fournisseur en lui demandant pourquoi son concurrent fait « zéro marge » sur un produit : il exige donc également de pouvoir bénéficier de ce « zéro marge ». Il faudra revoir ce point.

En outre, et nous ne pouvons que le déplorer, il subsiste une réelle crainte de révéler les pratiques applicables. Dans certains départements, comme le Finistère notamment, nous avons dû rencontrer des gens à huis clos, en cachette, le soir. Ces personnes ont expressément demandé à ce que leurs noms ne figurent pas dans le rapport ! Or, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il s’agit de chefs d’entreprises de PME de 50 à 200 salariés et non pas de PME de trois salariés ! Cela montre bien que l’atmosphère reste invivable et que des pressions demeurent. La CEPC aura donc un rôle à jouer mais, pour le moment, on ne peut pas dire que la partie soit gagnée.

Je l’avais dit au moment du débat sur le projet de loi : il y a des choses que la loi ne pourra jamais régler car les relations commerciales restent fortement marquées par le rapport du fort au faible. La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui, le Gouvernement peut saisir la justice dans un certain nombre de cas et faire condamner devant les tribunaux les excès constatés ; on peut espérer que cela aura un effet vertueux, mais pour le moment, on ne l’a pas encore observé.

En ce qui concerne les dérogations aux délais de paiement, comme je l’ai indiqué dans le rapport, il était normal qu’il en existe un certain nombre. La réforme a été mise en œuvre dans une période où les banques resserraient leur offre de crédits, tant pour les distributeurs que pour les fournisseurs. Je pense qu’il y a quand même un certain nombre de dérogations qui ont été un peu trop généreusement accordées. Dans le secteur du bricolage, par exemple, la dérogation a été accordée relativement tard, bien après la négociation. Or, on n’a pas remis en cause cette négociation alors qu’elle avait pourtant tenu compte de la diminution des délais de paiement : les grandes surfaces du bricolage ont donc un double bénéfice. Ce sont celles qui ont le plus bénéficié de la circulaire du 28 août 2008 et qui, dans le même temps, font les plus grosses marges : dans ce secteur en effet, les marges nettes atteignent plus de 10 % alors qu’elles ne sont que de 2 à 3 % dans les autres secteurs. On s’est souvent focalisé sur les grandes surfaces de « multi-distribution » mais, à la réflexion, c’est peut-être dans le secteur du bricolage même si ce n’est pas le seul, que les abus sont les plus forts.

S’agissant de la saisine de l’Autorité de la concurrence, les élus ont effectivement cette faculté mais ne l’ont pas encore mise en application. Je rappelle que l’Autorité de la concurrence peut également s’auto-saisir : M. Bruno Lasserre, avant de devenir président de cette autorité, nous avait d’ailleurs annoncé qu’il avait l’intention de le faire. Je l’ai revu récemment : il m’a indiqué être très attentif à ces questions et qu’il étudiait actuellement plusieurs dossiers pour savoir si l’auto-saisine était possible ou non.

Sur le problème du « coefficient multiplicateur », l’UFC-Que Choisir s’est prononcée favorablement sur son application pour tous les produits frais d’origine agricole, ce qui n’était pas le cas jusque là. Le rapport Canivet a soulevé un problème d’incompatibilité éventuelle de ce système avec le droit communautaire mais je constate que, dans notre pays, lorsqu’on ne veut pas faire quelque chose, il est facile d’invoquer cet argument d’incompatibilité. Peut-être vaudrait-il mieux commencer par agir et vérifier ensuite si cela est conforme à ce droit. A force de dire qu’un dispositif n’est pas « euro-compatible », on ne fait plus rien : c’est dans la pratique un bon argument quand on veut rester immobile !

Enfin, pour répondre à une question de M. François Brottes, nous avons volontairement choisi de ne pas se pencher sur le statut de l’auto-entrepreneur : tout le monde aura compris qu’il aurait été difficile pour le co-rapporteur et moi-même d’avoir des avis convergents sur ce sujet alors que, s’agissant des relations commerciales, même si nous n’avions pas le même avis, il était plus aisé de formuler des observations communes.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Quand on reprend les têtes de chapitre ou les titres d’articles du rapport, on constate que sa rédaction est assez pessimiste : « les décrets en souffrance », « on ne peut que constater une méthode qui consiste à reporter certaines mesures », « une période transitoire chaotique », « une application empirique, des résultats peu probants », « des abus persistants »… M. le Président, vous avez tempéré cette rédaction négative en mettant en avant des aspects positifs de la LME, comme la baisse de onze jours pour les délais de paiement ou la réductions des marges arrière. Cela étant, face à un document aussi technique et aussi difficile à appréhender, pourrait-on bénéficier d’une fiche synthétique en sus du projet de rapport que vous avez accepté de nous distribuer ?

M. Patrick Ollier, co-rapporteur. Cette fiche synthétique sera la conclusion du rapport : il est prévu de la distribuer après la réunion de la Commission.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Ce rapport nous permettra dès lors d’esquisser des propositions très concrètes. Il en va en effet du niveau de vie de nos compatriotes, de l’acquisition par nos concitoyens de biens de première nécessité au juste prix et de la bonne rémunération des producteurs. A-t-on été plus loin en matière d’abus de position dominante pour les enseignes ou les centrales d’achat ? Qu’en est-il concernant l’évolution des prix dans les 40 % des villes les plus chères de France ? Qu’en est-il du « terrorisme commercial » des enseignes sur les producteurs eux-mêmes ?

Mme Frédérique Massat. Tout d’abord, sur le plan de la méthode, il est très difficile d’appréhender une loi de 175 articles même si nous avons été très attentifs aux propos des deux rapporteurs et qu’un document nous a été distribué. Il aurait été plus efficace de procéder en deux temps : nous présenter et nous distribuer le rapport d’application dans un premier temps, ce qui nous aurait permis de nous en imprégner, pour pouvoir poser nos questions dans un second temps. Le texte législatif en cause est d’une taille considérable et il y a de nombreux sujets qu’on aurait aimé voir abordés. Ainsi, j’ai bien compris les propos de M. Jean Gaubert sur l’absence de bilan de l’auto-entrepreneur : cependant, cette loi mettait en avant une nouveauté, voire une révolution, avec cette nouvelle structure. Sans forcément aboutir à une convergence de vues, un bilan en la matière aurait été bienvenu, le statut d’auto-entrepreneur suscitant de nombreuses interrogations. La commission aurait mérité d’être éclairée sur le sujet.

Concernant l’urbanisme commercial, plus de 4 millions de m² de surface commerciale auraient été construits en 2009 et plus de 7 millions sont programmés pour les cinq ans à venir. Cela pose des problèmes d’effets collatéraux sur le commerce de proximité, ainsi que l’a rappelé M. François Brottes. A-t-on les moyens d’approfondir cette appréciation des choses sur le terrain ?

Un autre sujet qui n’a pas été évoqué porte sur les effets de la nouvelle réglementation des soldes. Puisque l’on sort d’une période de soldes, avez-vous constaté des changements ? Cela a-t-il eu un impact sur la consommation et sur ceux qui ont proposé ces soldes ?

Qu’en est-il de l’action sur le terrain de l’Autorité de la concurrence nouvellement créée ? Quel bilan peut-on dresser quant au développement du haut débit et du très haut débit, chapitre important de la LME ?

M. Michel Piron. À titre liminaire, permettez-moi de m’associer à l’hommage très justement rendu à notre collègue Jean-Paul Charié et de saluer la remarquable intervention de Mme Catherine Vautrin.

Si ma perplexité était déjà fort importante au moment des débats sur le projet de loi, elle est devenue profonde à l’issue de la lecture de ce rapport. Je souhaiterais faire deux observations préalables avant d’aborder la question de l’urbanisme. On a beaucoup parlé de concurrence. La question des abus de position dominante est une chose mais la concurrence entre les centrales d’achat en est une autre. J’ai cru comprendre que cette concurrence n’était pas non plus facile à observer puisque, dans le Finistère, la situation était, pour reprendre un célèbre poète, analogue à « une mer sans fond par une nuit sans lune ». Néanmoins, qu’en pensez-vous, maintenant que ce rapport est terminé ?

Ainsi que la presse l’a évoqué, j’ai noté pour ma part la très forte progression enregistrée par les marques des distributeurs. Derrière cette progression, et alors que l’on ne constate pas pour autant de baisse des prix, la question des marges reste entière. Les marges des distributeurs ont-elles suivi l’évolution des prix ou sont-elles inversement proportionnelles à la prise de part des marques distributeurs.

La question de l’urbanisme commercial a été parfaitement introduite par le Président Ollier mais on reste totalement dans le flou concernant les surfaces supplémentaires, notamment au cours de la période transitoire. Je songe notamment au relèvement, par la LME, du seuil de 300 à 1000 m² pour les implantations ne nécessitant plus d’autorisation. Vous nous indiquez que des études du Gouvernement sont en cours : pouvez-vous nous dire quel est le calendrier pour bénéficier de la restitution de ces études, au moins par sondages, s’agissant en particulier du suréquipement ? Le suréquipement commercial monumental pose la question de nos choix d’urbanisme.

Sur la philosophie générale du sujet, je pense qu’il ne suffira pas d’intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général pour résoudre la question. Encore faudra-t-il que l’urbanisme commercial s’intègre dans un urbanisme général lui-même revisité et capable de maîtriser cette intégration. En d’autres termes, si la partie s’intègre dans un tout lui-même inconsistant, cela ne changera rien. Il nous revient de bien réfléchir, notamment dans le cadre du « Grenelle II », à la capacité de l’urbanisme général à absorber l’urbanisme commercial, ce que nous appelons de nos vœux et pratique qui existe dans les pays voisins. La loi ne suffira pas à édicter la vertu mais, au moins, peut-être permettra-t-elle la sanction du vice.

Mme Annick Le Loch. Je voudrais rappeler les objectifs assignés à la LME tels que Mme Christine Lagarde nous les avait énoncés ici même : créer des emplois et faire baisser les prix. Voilà quelle était la stratégie économique du Gouvernement. En ce qui concerne la baisse des prix, ces objectifs ne sont pas atteints : on le constate quotidiennement avec la crise des prix agricoles et des matières premières. D’ailleurs, au prix bas, je préfère personnellement parler du juste prix et de la juste rémunération.

Il a par ailleurs été fait état dans le pré-rapport d’un bilan désastreux sur deux points de la loi, dont l’urbanisme commercial. M. le Président et co-rapporteur Ollier, vous avez dit vous-même que le bilan était mauvais sur ce sujet particulier et que vous ne disposiez d’aucun chiffre probant. Tous les m² construits pendant les quelques semaines ayant précédé la publication de la nouvelle circulaire vont-ils être régularisés comme l’avait indiqué le ministre Chatel ?

Par ailleurs, je souhaiterais rappeler le contexte dans lequel nous avons voté cette loi, vers quatre heures et demie du matin. M. Ollier, vous nous aviez dit à ce moment là que nous voterions un texte sur l’urbanisme commercial dans les six mois et qu’il fallait donc voter en faveur du seuil des 1000 m² : malheureusement, on en voit aujourd’hui le résultat !

M. le secrétaire d’Etat, Hervé Novelli, nie l’explosion des grandes surfaces après l’adoption de la LME. Il l’a encore fait le 19 janvier dernier dans l’hémicycle tout en indiquant qu’il allait travailler avec M. Benoist Apparu sur ce sujet. Je considère que cela n’est pas du bon travail, et qu’il va falloir demander un inventaire complet de l’appareil commercial français avant toute nouvelle réforme de l’urbanisme commercial, ainsi qu’une étude d’impact concernant le nombre de mètres carrés construits depuis l’adoption de la loi. Je pense qu’on a les moyens de produire cette étude d’impact. Je dispose pour ma part d’éléments concernant le Finistère : 95 dossiers déposés, 57 000 m² construits mais rien depuis. Le relèvement des seuils a encouragé les comportements opportunistes de développement des enseignes mais n’a certainement pas favorisé la concurrence ni la diminution des prix. Cette pratique est totalement contraire à l’objectif de développement durable du territoire.

M. Philippe-Armand Martin. À la suite de l’adoption de la LME, une brigade de contrôle a été mise en place et l’on ne peut que se féliciter qu’elle ait pu dénoncer certaines pratiques suspectes. Il convient néanmoins d’aller encore plus loin et de permettre à tous les professionnels de dénoncer les pratiques déloyales dont ils sont victimes. Sur les délais de paiement, vous avez parlé, M. le Président, de dérogations. Certaines petites entreprises, notamment agricoles, ont l’habitude de pratiquer avec des grandes surfaces certains délais de paiement sur des achats alimentaires, notamment pour des travaux saisonniers. C’est important pour ces petites entreprises qui nourrissent nombre de saisonniers et cela, vous le savez, représente des sommes considérables. Des brigades de contrôle ont sévi dans ces entreprises, pour condamner ces pratiques, effectivement illégales désormais, puisqu’elles conduisaient à pratiquer des délais de paiement de 90 jours, en accord avec le vendeur et l’acheteur. Je croyais que le but était de protéger les petites entreprises et les consommateurs face aux grandes surfaces. Or, on aboutit à l’effet inverse ! Des délais dérogatoires sont possibles mais l’accord doit prévoir la réduction progressive de ces délais de paiement dérogatoires : cela mettra toujours en difficulté ces petites entreprises. Ne peut-on mettre en place un système dérogatoire qui puisse satisfaire leurs exigences ?

Mme Catherine Coutelle. Le contrôle de l’application de la loi est un exercice intéressant. Lorsque l’on reprend les titres du rapport comme cela a déjà été fait, on ne peut pas dire que la tonalité du bilan qui nous a été remis soit très positive.

Je regrette également que l’on ne dispose pas d’un bilan du régime de l’auto-entrepreneur. Les chambres de métier en ont fait : il serait bien que nous en fassions un également. Le Gouvernement se vante du nombre de créations d’entreprise en 2009 : je ne suis pas sûre pour autant que le chiffre d’affaires soit à la hauteur du nombre de créations d’auto-entrepreneurs.

En matière d’urbanisme commercial, il est vrai que l’on ne dispose d’aucun bilan mais on a tout de même des impressions. Je confirme que l’enseigne citée par Jean Gaubert a bien augmenté ses surfaces de stockage en surface commerciale. Dans les communautés d’agglomération qui s’étaient dotées de schémas commerciaux pour tenter de maîtriser leur urbanisme commercial, avec des zones renforcées, depuis qu’on a relevé de 300 à 1000 m², le seuil d’implantation sans autorisation d’équipements commerciaux, on assiste à une explosion du « hard discount », sans plan d’ensemble. Je constate aussi que les ventes d’alcool sont beaucoup plus faciles car dispersées dans un grand nombre de points de vente, ces « hard discount » étant disséminés un peu partout.

Quant à l’objectif de renforcement de la protection du consommateur, on ne peut pas dire que les prix aient baissé dans les grandes surfaces. La distorsion entre les producteurs et les grandes surfaces continue. L’UFC-Que choisir de mon département a réalisé une enquête très détaillée, montrant que les prix payés aux agriculteurs ont diminué alors que les prix payés par les consommateurs ont augmenté. Je tiens ces chiffres à votre disposition.

M. Michel Raison. La question des marges arrière demeure posée : le problème réside notamment dans le fait que celles-ci sont fabriquées artificiellement. Après l’institution de la négociabilité, on est en droit de s’interroger sur l’effectivité du « - 30 % » ; en réalité, il semblerait que la situation soit encore pire pour les fournisseurs depuis que la LME a été votée. En ce qui concerne l’urbanisme commercial, les élus nationaux mais aussi locaux portent une responsabilité sur l’augmentation du nombre de m². Le ratio m² alimentaires / habitant est loin d’être partout cohérent et la guerre que se livrent les distributeurs se fait, là aussi, au détriment des fournisseurs. Il y a eu un effet de coefficient multiplicateur des surfaces dans un contexte où, je le rappelle, la seule loi qui fait les prix est celle de l’offre et de la demande.

Il faudra voir si c’est efficace et comment organiser de manière rationnelle une filière de la production à la vente, notamment dans les secteurs des produits frais – fruits et légumes – afin de mieux adapter l’offre ?

M. Jean-René Marsac. Je souhaite revenir sur la question des relations entre fournisseurs et distributeurs, notamment dans le secteur agricole. Comment fonctionne, dans ce cadre, l’observatoire des prix et des marges ? Le Gouvernement a annoncé la création d’un groupe de travail sur ces questions, d’un interlocuteur départemental compétent, de brigades de contrôle… Qu’en est-il aujourd’hui et quelles sont les décisions que ce groupe serait susceptible de prendre ? Je rappelle que des engagements ont été pris auprès des agriculteurs qui n’ont toujours rien vu venir à ce jour.

M. Jean-Marie Binetruy. Le problème est posé par le Titre II du chapitre 4 de la loi qui conduit à un surdéveloppement commercial. La CDAC se voit, en quelque sorte, réduite à n’être qu’une « boîte à oui » encore plus que ne l’était la CDEC. Si la question est appréhendée par le code de l’urbanisme, on doit également l’approcher du point de vue économique : on constate toujours autant de communes de 20 000 habitants qui ont dû accepter 5 000 m2 de surface commerciale supplémentaire. Il devient impérieux de trouver un système de régulation et je m’interroge sur les leviers à mettre en œuvre : zonage, seuil maximum d’équipement, selon quels critères ? En tout état de cause, il faut éviter que des zones surdotées puissent continuer de l’être au point de donner ensuite naissance à de véritables friches commerciales.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je tiens moi aussi à saluer la mémoire de Jean-Paul Charié avec qui j’avais rédigé, il y a une dizaine d’années, un rapport intitulé De la coopération commerciale à la domination commerciale. Or, aujourd’hui, je constate que c’est toujours la domination qui prime : il existe des abus persistants. Outre le fait que je m’interroge par ailleurs sur la lenteur du rythme de publication des décrets d’application de la LME, je me demande si nous nous sommes toujours bien donnés les moyens de sanctionner efficacement les clauses abusives car leur détournement demeure ? Les marques de distributeurs, synonymes de dépendance, ont augmenté : les distributeurs ont-ils pour autant augmenté leurs marges ? Si tel est le cas, on a échoué. Dans le domaine du référencement, tout le pouvoir va aux distributeurs : que fait-on du référencement et des pénalités prévues à ce sujet ? Où en est-on par rapport aux clauses de marchés publics sur les PME innovantes car les États-Unis en ont fait un point important dans leur « small business act » ? Enfin, dans le domaine de l’urbanisme commercial et du suréquipement, je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit Catherine Vautrin, mais c’est hélas la loi qui a permit son développement.

M. Jean-Pierre Nicolas. Il faut rappeler que le texte de la LME a vu le jour avant la crise actuelle et visait à abolir certains privilèges. Au demeurant, le législateur sera toujours en retard sur les pratiques commerciales. En ce qui concerne les marges arrière, je ne suis pas aussi optimiste que certains de mes amis parlementaires : le résultat n’est pas probant car les marges ont été plus transformées qu’elles n’ont véritablement baissé. Dans le domaine de l’urbanisme commercial, j’estime que trop de concurrence tue la concurrence : ce mouvement va créer des friches commerciales qui seront prises ensuite par de grandes enseignes pour y imposer leur loi. Je partage donc l’avis de M. Ollier qui propose la constitution d’un comité de suivi sur ce sujet.

M. Jean-Paul Anciaux. Il est excessif de dire qu’aujourd’hui le bilan de la LME est désastreux : plutôt que de jeter l’anathème sur ce texte, mieux vaut essayer de faire de véritables propositions. Ainsi, la pratique des contrôles qu’elle a créés constitue une bonne innovation de la part du Parlement. La loi a apporté d’autres éléments positifs, le rapport le prouve. Il faut dégager des lignes de force permettant de progresser et dégager des priorités avec un calendrier à respecter. Dans le domaine des relations entre producteurs et distributeurs, je veux prendre l’exemple du secteur de la viande dont j’ai souvent rencontré les professionnels : la filière de production doit être organisée. Je suis preneur de toute suggestion à ce sujet. Il s’agit d’une filière dynamique sur laquelle nous n’avons pas de moyen d’action.

M. Patrick Ollier, co-rapporteur. Il est facile de solliciter certains titres de chapitre du rapport afin de prétendre que le bilan de l’application de la LME est désastreux. Ce qualificatif ne concerne que la période des deux mois pendant lesquels s’est appliquée la « circulaire Martin », que nous avons d’ailleurs fait disparaître en 48 heures. Le bilan global de la LME sur les trois thèmes que nous avons choisi d’étudier dans ce rapport (les marges arrières, les délais de paiement et l’urbanisme commercial) est plutôt positif même si des constats négatifs demeurent. Je rappelle par exemple que la LME a créé l’Autorité de la concurrence et les brigades de contrôle qui ont permis d’engager certaines actions en justice. Je propose des choses concrètes pour l’avenir :

- la création d’un comité de suivi au début du mois d’avril qu’on mettra en œuvre avec l’opposition ;

- d’auditionner M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence d’ici le mois de juin ;

- de revenir sur un « code des bonnes pratiques », Jean-Paul Charié avait envisagé ce code au-delà de la loi qui aurait pu constituer une sorte de charte morale, un ensemble de règles de bonne conduite. N’en doutez pas : je continuerai ce travail. J’ai assisté avec lui à plusieurs réunions auxquelles ont participé des représentants du patronat et divers acteurs de l’économie : il faut parvenir à la signature d’une charte de bonne conduite qui, par la suite, permettra sûrement d’éviter le prononcé de sanctions.

La LME comportant 175 articles, nous avons choisi de faire porter notre premier contrôle sur trois points particuliers : s’il faut aller plus loin, nous le ferons. Un comité de suivi émanant de notre commission peut à cet effet entendre les ministres concernés : on peut, par exemple, envisager d’auditionner Mme Lagarde et M. Novelli pour évoquer les problèmes évoqués tout à l’heure par Mme Massat.

En ce qui concerne le statut d’auto-entrepreneur, je rappelle que notre assemblée va l’améliorer cet après-midi même avec la discussion du projet de loi relatif au patrimoine d’affectation.

En ce qui concerne les problèmes soulevés par M. Michel Raison, je pense qu’une audition du ministre de l’agriculture est souhaitable, la discussion de la LMA (loi de modernisation agricole) permettant d’échanger sur ce sujet. La commission pourra également entendre les ministres concernés par la suite au sujet de l’évolution de la LME dans le domaine des relations entre les agriculteurs et les distributeurs.

A M. Jean-Marie Binetruy, je suggère que nous travaillions avec le Gouvernement afin d’intégrer l’urbanisme commercial dans le code général de l’urbanisme. M. Michel Piron y travaille déjà avec quelques membres de la majorité. On travaillera ensuite avec l’opposition pour améliorer la base que nous sommes en train de construire.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. J’ai bien entendu l’ensemble de nos collègues qui se sont exprimés, je confirme que nous nous sommes tenus au périmètre du rapport.

À M. Philippe-Armand Martin, je rappellerai que les délais de paiement des produits agricoles sont déjà, en principe, de moins de trente jours ; la LME n’a pas modifié les délais de paiement des produits agricoles. Je concède à M. Michel Raison que les producteurs sont aujourd’hui plus malmenés que par le passé car la LME a été détournée par la grande distribution. En outre, le bilan que nous avons dressé montre que, dans le domaine de l’urbanisme commercial, la situation s’est aggravée au cours des deux mois qui ont suivi la promulgation de la loi.

En ce qui concerne le « small business act », 7 décrets ont été pris le 18 février 2009, 4 restent à venir. Aujourd’hui, l’observatoire des prix et des marges ne dispose pas de pouvoirs de sanction, nous allons réfléchir à la manière de combler cette lacune. Au sujet de la régulation des surfaces commerciales construites pendant la période intermédiaire, le décret prévoit une régularisation des surfaces ainsi construites ainsi qu’un arrêté spécifique : nous sommes toujours dans l’attente de sa publication.

En ce qui concerne les MDD, la question des marges est délicate et l’amortissement des chiffres permet de masquer les marges hautes. Il est très difficile de démêler certains écheveaux, ainsi, il peut arriver que les bâtiments commerciaux n’appartiennent pas à l’exploitant. Au demeurant, la pratique des MDD comporte le risque d’entraîner la disparition d’entreprises en tant que telles faute de marque à leur nom, ce qui les conduira à ne devenir que des sous-traitants. Certains distributeurs ont par ailleurs acheté des entreprises de production pour faire leur MDD ce qui a conduit certaines entreprises concurrentes à disparaître ; il est même arrivé qu’ils leur prennent leurs procédés de production même si on n’a pas de preuve à ce sujet. La difficulté pour un producteur est d’exister au-delà d’un seul client, faute de quoi, il risque de ne plus pouvoir négocier les conditions du marché. La LME n’a pas changé grand-chose à ce sujet. Quant à la question de la liberté du commerce, j’avoue ne pas avoir la réponse.

A l’issue de la discussion, la Commission autorise la publication du rapport complété par les conclusions des rapporteurs.

1 () L’article L. 752-3 du code de commerce définit les ensembles commerciaux comme « , les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; 2° soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; 3° soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; 4° soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. »

2 () chiffres Nielsen cités dans Le Figaro économie n°20134

3 () Chiffres Ilec

4 () Ces services, considérés jusqu’à la LME comme détachables de la relation d’achat-vente et facturés par le distrubuteur, sont depuis rémunérés par le fournisseur sous forme de réduction de prix.


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