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N° 2630

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la deuxième partie de sa session ordinaire de 2010

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2010, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Jean-Claude Mignon, Germinal Peiro, François Rochebloine, en tant que membres titulaires, et MM. Alain Cousin, Paul Giacobbi, Mme Françoise Hostalier, M. Michel Hunault, Mme Marietta Karamanli, M.  Noël Mamère, Mmes Christine Marin, Muriel Marland-Militello, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. René Rouquet, André Schneider, en tant que membres suppléants.

La Délégation du Sénat à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2010, de : M. Denis Badré, Mmes Josette Durrieu, Gisèle Gautier, MM. Francis Grignon, Jean-Pierre Masseret, Philippe Nachbar, en tant que membres titulaires, et M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Jean-François Legrand, Yves Pozzo di Borgo en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I – Actualités de la délégation parlementaire 7

A – La composition de la délégation en avril 2010 7

b – INITIATIVES de ses membres et nominations 8

C – RENCONTRES avec LA DELEGATION FRANCAISE 9

II – Informations générales sur le déroulement de la session 11

A – Programme de la deuxième partie de la session ordinaire de 2010 11

B – Textes adoptés 13

C –  nterventionS des parlementaires français 17

iii – les droits de l’homme en europe Et dans le monde 19

A – Débat d’actualité : les conséquences de la guerre entre la géorgie et la russie 19

B – débat d’urgence : la situation au Bélarus : développement récents 21

C – Débat d’urgence : le besoin urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-herzégovine 22

D – Rapport annuel d’activité 2009 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’europe 23

E – respect des obligations et des engagements du monténégro 26

F – dialogue post-suivi avec la bulgarie 26

IV – les nouveaux enjeux de la protection des droits de l’homme 27

A – le lobbying dans une société démocratique : 27

B – Associer les femmmes à la prévention des conflits non résolus en europe : 28

C – les conséquences de la crise économique 30

D – richesses, bien public et bien-être : comment les concilier dans une europe en mutation ? 35

E – la piraterie – un crime qui défie les démocraties et la nécessité de prendre des mesures juridiques internationales supplémentaires pour lutter contre la piraterie maritime : 37

F – la commémoration des victimes de la grande famine (holodomor) en ex-urss : 39

G – discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre : 40

H – lA PROTECTION DES « DONNEURS D’ALERTE »: 44

I –  MIGRANTS ET RéFUGIéS : UN DéFI PERMANENT POUR LE CONSEIL DE L’EUROPE : 45

J –  bIODIVERSITé ET CHANGEMENT CLIMATIQUE : 47

V – L’avenir du conseil de l’europe 49

a – communication du M. Mehvlüt çavusoglu, président de l’Assemblée parlementaire du conseil de l’europe 49

b – Rapport d’activité du bureau de l’Assemblée et de la commission permanente rapporteur m. Jean-Claude Mignon 49

c – communication de m. Thorbjørn JAGLAND, secrétaire général du conseil de l’Europe : 50

D – Intervention de Mme micheline calmy-rey, cheffe du département fédéral des affaires etrangeres de la suisse, présidente du comité des ministres : 51

e – intervention de m. victor ianoukovitch, président de l’ukraine : 53

f – intervention de M. sergueï lavrov, ministre des affaires étrangères de la fédération de russie : 53

G – mise en œuvre effective de la convention européenne des droits de l’homme : le processus d’interlaken   : 54

H – EURO-MéDITERRANéE : POUR UNE STRATéGIE DU cONSEIL DE L’EUROPE : 58

ANNEXES 65

Annexe 1 Résolution 1727 (2010) – Situation au Bélarus : développements récents 67

Annexe 2 Recommandation 1919 (2010) – Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe 69

Annexe 3  Résolution 1739 (2010) – Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe 71

Annexe 4 Résolution 1726 (2010) – Mise en oeuvre effective de la Convention européenne
des droits
de l'homme : le processus d'Interlaken
75

Annexe 5 Proposition de résolution n° 12255 (2010) – Les violences psychologiques en tenir compte dans la lutte contre la violence faite aux femmes 77

INTRODUCTION

La deuxième partie de la session 2010 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a été marquée par un nouvel élan dans la réforme du Conseil de l'Europe, à laquelle il est souhaitable que l'APCE soit étroitement associée.

Le nouveau Secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland s'est adressé à l'Assemblée parlementaire pour l'informer de l'état d'avancement de la réforme de l'institution. Il a, à nouveau, souligné l'importance pour le Conseil de l'Europe de se recentrer sur sa mission première : la protection des droits de l'homme, ce qui a pour corollaire d'accroître la présence de l'institution sur le terrain.

De nombreux rapports ont souligné le rôle incontournable du Conseil de l'Europe du point de vue de la politique migratoire et de la défense des droits de migrants. Le sénateur Denis Badré a présenté un rapport important en ce qui concerne le partenariat Nord-Sud et la politique euro-méditerranéenne du Conseil de l'Europe. La demande du Maroc pour obtenir le statut de « partenaire de la démocratie »  en est une manifestation.

La présidence suisse a été marquée par la Conférence d'Interlaken qui a eu pour objectif, lors de la rencontre intergouvernementale des 17 et 18 février, de réfléchir à des solutions pour éviter que la Cour européenne des droits de l'homme, victime de son succès, ne puisse plus effectuer son office du fait d'un prétoire engorgé. Le processus intergouvernemental initié à Interlaken sera suivi par l'Assemblée parlementaire qui souhaite être associée aux travaux de réforme de la Cour européenne des droits de l'homme : rappelons que l'Assemblée élit les juges qui y siègent.

Se recentrer sur les missions fondamentales du Conseil de l'Europe n'apparaît pas un vain mot tant l'actualité des droits de l'homme, en Europe, reste préoccupante.

En particulier, la situation au Bélarus a inquiété l'Assemblée qui déplore que deux exécutions capitales aient eu lieu en violation totale des valeurs du Conseil de l'Europe. Sans interrompre entièrement le dialogue, l'Assemblée parlementaire a souhaité marquer sa désapprobation en cessant le dialogue à haut niveau avec les autorités biélorusses.

La démocratie et l'État de droit restent encore à parfaire dans des pays membres de l'Union européenne tels que la Bulgarie. L'Assemblée parlementaire n'a pas souhaité mettre un terme au dialogue de post-suivi tant qu'une réforme d'envergure de la justice ne serait pas accomplie en partenariat avec la Commission de Venise.

Pour les pays candidats à une adhésion à l'Union européenne tels que le Monténégro ou la Bosnie-Herzégovine, la situation des droits de l'homme demeure problématique. Ainsi, la Constitution bosniaque, issu des accords de Dayton qui ont mis fin au conflit en ex-Yougoslavie, reste-t-elle contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Une réforme d'urgence s'impose que la situation politique dans le pays ne rend malheureusement pas possible dans l'immédiat.

En outre, les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie, toutes deux membres du Conseil de l'Europe, se font toujours durablement sentir. La diplomatie parlementaire apparaît de plus en plus comme un des éléments de nature à favoriser la reprise d'un dialogue constructif.

Le Commissaire aux droits de l'homme a présenté son rapport pour 2009 et s'est dit largement préoccupé par la montée des extrémismes et des relents xénophobes du fait de la crise économique. Il a une fois de plus appelé les membres de l'Assemblée parlementaire à la vigilance, la crise économique étant là pour rappeler que malheureusement l'État de droit n'est jamais acquis, il est une construction quotidienne, un combat de tous les instants.

L'Assemblée parlementaire, en tant que « laboratoire d'idées », a souligné l'importance de la promotion de nouveaux droits. Ainsi a-t-elle souhaité que l'on adopte un statut juridique pour la protection des « donneurs d'alerte », que l'on empêche la discrimination envers les personnes sur le fondement de l'orientation et de l'identité sexuelles et que les migrants soient mieux protégés.

I – ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants)

A - LA COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION EN AVRIL 2010

Membres titulaires

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe APCE

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

Membres suppléants

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe APCE

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

M. Michel HUNAULT

Député

NC

GDE

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

M. André SCHNEIDER

Député

UM

PPE/DC

La composition du Bureau de la délégation est la suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

 

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

 

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

 
         

Vice-présidents

Mme Christine MARIN

Député

UMP

 
 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 
 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 
 

Mme Claude GREFF

Député

UMP

 
 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 
 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 
 

M. François LONCLE

Député

SRC

 
 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 
 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 
 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

 

B – INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a, en sa qualité de vice-président de l’Assemblée parlementaire, présidé la séance à sept reprises.

Il a été élu vice-président du PPE.

Il a été désigné rapporteur par la Commission du règlement et des immunités sur l’élaboration d’un Code de conduite des rapporteurs.

M. Alain Cousin a été désigné rapporteur par la Commission des affaires économiques d'un rapport sur la contrefaçon des médicaments.

M. Michel Hunault a été nommé membre de la Commission du Respect des obligations et engagements.

Mme Claude Greff a déposé une proposition de résolution sur la prise en compte de la violence psychologique dans la lutte contre la violence faite aux femmes.

C – RENCONTRES AVEC LA DELEGATION FRANCAISE 

A l’invitation du Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, M. Paul Dahan, les membres de la Délégation ont participé le dimanche 25 avril à un dîner de travail au cours duquel les points les plus importants de l’ordre du jour de la deuxième partie de la session ordinaire 2010 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont été évoqués de manière détaillée, en particulier la question de la réforme du Conseil de l’Europe.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne-UMP), président, les membres de la Délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont rencontré des membres de la délégation grecque, M. Konstantinos Vrettos en étant le président, le mardi 27 avril, à l’occasion d’un dîner de travail.

M. Jean-Claude Mignon a rencontré Mme Deborah Bergamini, députée italienne, Présidente du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe.

II – INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A – PROGRAMME DE LA DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2010

Lundi 26 avril 2010

§ Ouverture de la deuxième partie de la Session ordinaire de 2010 ;

§ Intervention du Président de l'Assemblée parlementaire,

§ Présentation du rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente par M. Jean-Claude Mignon ;

§ Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par Mme Micheline Calmy-Rey, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, Présidente du Comité des ministres ;

§ Le lobbying dans une société démocratique (Code européen de bonne conduite en matière de lobbying) ;

Mardi 27 avril 2010

§ Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Ukraine ;

§ Associer les femmes à la prévention et au règlement des conflits non résolus en Europe ;

§ Discours de M. Victor Ianoukovitch, Président de l’Ukraine ;

§ Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe ;

§ Les conséquences de la crise économique : discussion commune sur :

- les répercussions sociales de la crise économique ;

- l’impact de la crise économique mondiale sur les migrations en Europe ;

- les femmes et la crise économique et financière ;

- investir dans la cohésion familiale en tant que facteur de développement en temps de crise ;

§ Richesses, bien public et bien-être : comment les concilier dans une Europe en pleine mutation ?

Mercredi 28 avril 2010

§ Débat d’actualité : les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie, suivi d’une intervention de l’ambassadeur Heidi Tavagliavini, ancien chef de la mission d’information internationale sur le conflit en Géorgie ;

§ La piraterie :

- un crime qui défie les démocraties ;

- La nécessité de prendre des mesures juridiques internationales supplémentaires pour lutter contre la piraterie maritime ;

§ Rapport annuel d’activité 2009 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Thomas Hammarberg ;

§ Commémoration des victimes de la grande famine (Holodomor) en ex-URSS ;

§ Respect des obligations et des engagements du Monténégro ;

Jeudi 29 avril 2010

§ Débat selon la procédure d’urgence : le besoin urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine ;

§ Débat selon la procédure d’urgence : la situation au Bélarus - développements récents ;

§ Discours de M. Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie ;

§ Mise en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l’homme : le processus d’Interlaken ;

§ Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre ;

§ La protection des « donneurs d’alerte » ;

Vendredi 30 avril 2010

§ Dialogue post-suivi avec la Bulgarie ;

§ Migrants et réfugiés : un défi permanent pour le Conseil de l’Europe ;

§ Biodiversité et changement climatique ;

§ Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe ;

§ Clôture de la deuxième partie de la session ordinaire de 2010.

B – TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes, les avis, les recommandations et les résolutions :

– Aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– Définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– Les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

La piraterie – un crime qui défie les démocraties

Rapporteur : Mme Birgen Keles (Turquie– SOC)

Commémoration des victimes de la grande famine (Holodomor) en ex-URSS

Rapporteur : M. Mevlüt Cavusoglu (Turquie – GDE)

Débat d’urgence : la situation au Bélarus –développements récents

Rapporteure : Mme Sinikka Hurskainen (Finlande – Soc)

Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe

Rapporteur. M. Denis Badré (France-ADLE)

Texte

Document

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

La nécessité de prendre des mesures juridiques internationales supplémentaires pour lutter contre la piraterie maritime

Rapporteur : M. Serhiy Holovaty (Ukraine – ADLE)

Mise en oeuvre effective de la Convention européenne des droits de l’homme : le processus d’Interlaken

Rapporteure : Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc (Pays-Bas-PPE/DC)

Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre

Rapporteur : M. Andreas Gross (Suisse-SOC)

La protection des « donneurs d’alerte »

Rapporteur : M. Peter Omtzigt (Pays-Bas-PPE/DC)

Texte

Document

Commission des questions économiques et du développement

Le lobbying dans une société démocratique (Code européen de bonne conduite en matière de lobbying)

Rapporteur : M. Jose Mendes Bota (Portugal –PPE/DC)

Richesses, bien public et bien-être : comment les concilier dans une Europe en pleine mutation ?

Rapporteur : M. Konstantinos Vrettos (Grèce-SOC)

Texte

Document

Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Biodiversité et changement climatique.

Rapport de Mme Francine John-Calame (Suisse-SOC)

Texte

Document

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Les répercussions sociales de la crise économique

Rapporteur : Mme Maria Belém de Roseira (Portugal–SOC)

Investir dans la cohésion familiale en tant que facteur de développement en temps de crise

Rapporteur : M. Luca Volontè (Italie –PPE/DC)

Texte

Document

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Associer les femmes à la prévention et au règlement des conflits non résolus en Europe

Rapporteure : Mme Krista Kiuru (Finlande –SOC)

Les femmes et la crise économique et financière

Rapporteure : Mme Nursuna Memecan (Turquie-ADLE)

Texte

Document

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe

Respect des obligations et des engagements du Monténégro

Co-rapporteurs : M. Jean-Charles Gardetto (Monaco– PPE/DC) et M. Serhiy Holovaty (Ukraine – ADLE)

Débat d’urgence : le besoin urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine

Co-rapporteurs : Mme Karin Woldseth (Norvège – GDE) et M. Kimmo Sasi (Finlande-PPE /DC)

Texte

Document

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

L’impact de la crise économique sur les migrations en Europe

Rapporteur : M. Pedro Agramunt Font de Mora (Espagne–PPE/DC)

Migrants et réfugiés : un défi permanent pour le Conseil de l’Europe

Rapporteure : Mme Doris Fiala (Suisse-ADLE)

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C – INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 26 avril 2010

- Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente : M. Jean-Claude Mignon (Rapporteur) ;

- Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par Mme Micheline Calmy-Rey, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, Présidente du Comité des ministres : M. Denis Badré (intervenant au nom du groupe ADLE) et Mme Maryvonne Blondin ; 

Le lobbying dans une société démocratique: Mme Christine Marin.

Mardi 27 avril 2010

Associer les femmes à la prévention et au règlement des conflits non résolus en Europe: Mme Maryvonne Blondin et Mme Gisèle Gautier ;

- Question à M. Victor Ianoukovitch : Mme Gisèle Gautier.

- Les conséquences de la crise économique : Mmes Maryvonne Blondin et Christine Marin, M. Francis Grignon et M. François Rochebloine ;

- Richesses, bien public et bien-être : comment les concilier dans une Europe en mutation ? : M. Jean-Paul Lecoq (intervenant au nom du groupe GUE).

Mercredi 28 avril 2010

- Les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie : M. Bernard Fournier et Mme Gisèle Gautier ;

– La piraterie – un crime qui défie les démocraties : M. Denis Badré ;

– Rapport annuel d’activité 2009 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europ. Questions à M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe : M. Jean-Claude Mignon, M. Michel Hunault, M. Denis Badré et M. François Rochebloine ; Mme Maryvonne Blondin ;

– La commémoration des victimes de la grande famine (Holodomor) en ex-URSS : Mme Christine Marin ;

Jeudi 29 avril 2010

Débat d’urgence : le besoin urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine : M. Bernard Fournier ;

– Mise en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l’homme : le processus d’Interlaken : MM. Jean-Claude Mignon, André Schneider (intervenant au nom du groupe PPE), Denis Badré (intervenant au nom du groupe ADLE).

- Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre : M. Jean-Paul Lecoq (intervenant au nom du groupe GUE), M René Rouquet et Mme Christine Marin ;

– La protection des donneurs d'alerte : M. Michel Hunault.

Vendredi 30 avril 2010

– Migrants et réfugiés : un défi permanent pour le Conseil de l’Europe : M. Jean-Claude Mignon ;

– Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe : M. Denis Badré (rapporteur), M. Michel Hunault (suppléant le rapporteur de la commission saisie pour avis), M. René Rouquet (intervenant au nom du groupe SOC) et Mme Muriel Marland-Militello ;

III – LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A – DÉBAT D’ACTUALITÉ : LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE ENTRE LA GÉORGIE ET LA RUSSIE

L’Assemblée parlementaire a souhaité que le débat d’actualité porte sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Un rapport aurait dû être présenté par la Commission de suivi, mais le temps a manqué aux rapporteurs pour présenter une position commune.

A défaut de rapport, l'Assemblée parlementaire a préféré aborder ce sujet, au vu de son importance, sous la forme du débat d'actualité. Le débat d’actualité, conformément au Règlement, n’est pas suivi d’un vote.

Un rapport sur les conséquences du conflit devrait être présenté par la Commission de suivi lors de la quatrième partie de session.

Mme Heidi Tagliavini, ambassadrice, ancien chef de la mission d’information internationale sur le conflit en Géorgie, est intervenue devant l’Assemblée pour présenter le rapport qu’elle a soutenu au nom de l’Union européenne lorsqu’elle a été mandatée pour la mission d’information sur le conflit en Géorgie. Elle a rappelé que l’Union européenne, alors sous présidence française, grâce à l’action du Président Sarkozy, avait réussi à négocier un accord de cessez-le-feu entre les deux parties.

Elle a souligné le rôle positif qu’a joué le Conseil de l’Europe afin de surmonter la situation issue du conflit et le rôle qu’il continue à jouer dans la culture du dialogue entre les différents partenaires.

La mission a souhaité exposer les faits d’un point de vue du droit international et du droit humanitaire. Le conflit a un impact plus large qu’un impact régional, il a un impact sur l’architecture de sécurité du continent européen tout entier.

Si la mission a reconnu que c’était la Géorgie qui avait ouvert le conflit, l’origine de celui-ci s’avère plus ancienne : elle est la conséquence de tensions et d’incompréhensions entre les deux peuples que le jeu des diplomaties étrangères n’a fait qu’aggraver. L’attaque du 7 août 2008 ne saurait à elle seule expliquer le début du conflit.

Les deux parties ont leur part de responsabilité dans la violation actuelle des droits de l’homme et la dégradation de la situation. Il leur appartient de respecter les textes du droit international pour pouvoir revenir à une situation de saine coexistence pacifique.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a rappelé que la désinformation avait toujours court du côté des deux parties et que l’isolement croissant de la Géorgie sur la scène internationale était inquiétant alors que Moscou pourrait bénéficier des capacités de dialogue de Tbilissi dans le Caucase Nord en proie à une recrudescence de violence :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, notre Assemblée est amenée à discuter, pour la énième fois, des conséquences de la guerre d’août 2008 entre la Géorgie et la Russie.

Que dire de plus sur ce sujet qui n’ait déjà été dit ?

Ce conflit armé a porté de graves atteintes aux principes les plus élémentaires du droit international, en particulier la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance étatiques, en l’espèce, celles de la Géorgie.

De ce point de vue, il paraît évident que les accords des 12 août et 8 septembre 2008, négociés par le Président Sarkozy au nom de l’Union européenne, ne sont pas complètement respectés.

Aux abords de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, le nombre et la gravité des incidents diminuent, certes, mais les tensions demeurent. Une relative accalmie semble être observée sur le terrain, mais la Géorgie et la Russie continuent de s’opposer verbalement au sujet de ces deux régions séparatistes qui, répétons-le, font partie de la Géorgie.

Le « faux reportage » diffusé par la télévision géorgienne, le 13 mars dernier, annonçant la reprise des affrontements armés et l’entrée de troupes russes en Géorgie, outre qu’il a provoqué la panique parmi la population, est révélateur de la nervosité persistante. Quant aux services spéciaux russes, ils accusent leurs homologues géorgiens de favoriser l’infiltration de militants d’Al-Qaïda au Caucase du Nord et ont évoqué une possible piste géorgienne après les dramatiques attentats dans le métro de Moscou, le 29 mars dernier.

Les régions séparatistes géorgiennes sont actuellement coupées du monde. Du fait de l’opposition russe à son renouvellement, le mandat de la mission de l’OSCE en Ossétie du Sud a pris fin en juin 2009 et il n’a pas été possible, jusqu’à présent, de la faire revenir sur le terrain. La mission de surveillance de l’Union européenne, qui demeure seule sur place, ne peut toujours pas accéder aux deux régions séparatistes en raison de l’opposition de leurs autorités de facto, alors que la Russie continue d’y renforcer sa présence.

Bref, la situation est bloquée et l’impasse paraît totale, même si les négociations se poursuivent dans le cadre des discussions de Genève, qui reste le seul canal de dialogue institutionnel entre la Géorgie et la Russie.

L’isolement croissant de la Géorgie me paraît inquiétant. Ce pays se sent victime de l’évolution de la politique américaine, et aussi européenne, à l’égard de la Russie, illustrée par la signature à Prague de l’accord de réduction des arsenaux nucléaires américain et russe. Dans ce nouveau contexte, la Géorgie ne bénéfice plus, à l’évidence, du soutien inconditionnel de l’administration américaine, comme par le passé.

Pourtant, Tbilissi pourrait, me semble-t-il, faire bénéficier Moscou de son expérience en matière de dialogue avec les communautés du Caucase du Nord, région en proie à un regain de violences, que la Russie cherche à stabiliser. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) s’est à nouveau interrogée sur la volonté de la Russie de vouloir mettre fin à ce conflit gelé et sur la responsabilité qu’elle encourait en refusant de respecter ses obligations liées à son appartenance au Conseil de l’Europe :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, il y a six mois j’intervenais au sein de cet hémicycle pour m’interroger sur la passivité dont faisait preuve notre Organisation face aux entorses de la Russie à l’engagement qu’elle a souscrit auprès du Conseil de l’Europe lors de son adhésion. Il me semblait en effet nécessaire de rappeler qu’un État membre ne pouvait transiger avec les droits de l’homme sous peine de s’exclure de lui-même de notre Organisation.

Aujourd’hui, un constat s’impose : rien n’a véritablement changé depuis, sur le terrain comme sur le plan diplomatique. Si le nombre et la gravité des incidents semblent en baisse aux abords des entités séparatistes, on ne saurait pour autant parler d’une réelle sortie de crise.

Il existe en effet une volonté réelle de la part de Moscou de geler durablement la situation sur place et de transformer des lignes de front en des frontières définitives, au mépris de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie.

Les missions internationales se voient désormais dans l’incapacité de retourner sur le terrain ainsi qu’en témoigne l’impossibilité pour l’OSCE de continuer sa mission en Ossétie du Sud et le veto russe au projet de reconduction du mandat de la mission des Nations Unies en Abkhazie. La Russie ne souhaite pas de présence internationale sur place et use de toutes les arguties juridiques pour parvenir à ses fins.

Et l’Europe dans tout cela, serait-on tenté de demander ? Les Nations Unies et l’OSCE écartées, seule la mission de surveillance de l’Union européenne peut encore accéder en théorie au terrain. En théorie seulement, car les autorités de fait des deux entités séparatistes se refusent à la laisser accéder à leurs territoires.

Cette chape de plomb qui s’abat sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud n’est pas sans nous rappeler d’autres temps, quand certains territoires se voyaient eux aussi privés d’une réelle ouverture internationale pour mieux suivre les destinées d’un grand pays frère.

Le Conseil de l’Europe a connu un second départ en accueillant en son sein, il y a près de vingt ans, les États qui avaient su progressivement s’affranchir de cette tutelle et retrouver la lumière. Peut-on aujourd’hui tolérer qu’un État membre utilise les mêmes techniques qu’il y a soixante ans en vue de créer de véritables marches pour son empire ? Peut-on accepter qu’un État se prévale de la légitimité démocratique que lui confère l’adhésion à notre Organisation pour mieux maquiller des pratiques arbitraires et des actes de guerre larvés à l’égard d’un autre État membre ?

Nous connaissons tous la réponse à ces questions. Il nous appartient pourtant aujourd’hui de l’énoncer clairement et de trouver la formule adaptée tant nos engagements fondamentaux nous obligent et tant cette guerre les dessert. Puisse le débat de ce jour nous permettre d’arriver enfin à des conclusions adaptées à la réalité. »

B – DÉBAT D’URGENCE : LA SITUATION AU BÉLARUS : DÉVELOPPEMENT RÉCENTS

Il a été demandé par M. Göran LINDBLATT et plus de 20 membres de l'APCE.

L’exécution de deux prisonniers en mars 2010 a conduit l’Assemblée parlementaire à se saisir de la question de la situation au Bélarus en débat d’urgence.

Il importe de rappeler que le Bélarus est le seul pays du continent européen à ne pas être membre du Conseil de l’Europe du fait, notamment, de son refus d’abolir la peine capitale.

Le Conseil de l’Europe entretient un dialogue constant avec le Bélarus afin de l’amener sur le chemin de l’adhésion. La situation actuelle est d’autant plus préoccupante qu’il semble que le Bélarus s’éloigne de plus en plus des valeurs du Conseil de l’Europe.

La rapporteure a proposé un gel du dialogue dans l’attente d’un signe fort des autorités bélarusses.

L’Assemblée parlementaire a adopté la résolution 1727 qui condamne les deux exécutions capitales qui ont eu lieu en mars 2010 et suspend ses activités impliquant des contacts à un haut niveau entre l’Assemblée et le parlement Bélarus et/ ou les autorités gouvernementales.

L’Assemblée parlementaire continuera, par ailleurs, à suivre de près l’évolution de la situation au Bélarus.

C – DÉBAT D’URGENCE : LE BESOIN URGENT D’UNE RÉFORME CONSTITUTIONNELLE EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Le débat a été demandé par la commission de suivi.

La Bosnie-Herzégovine ne s’est toujours pas conformée à ses engagements en matière de réforme constitutionnelle.

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Constitution actuelle n’était pas conforme aux stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la structure fédérale du pays.

Le processus de réforme doit commencer dès aujourd’hui. A ce titre, l’envoi d’un représentant auprès de la Commission de Venise serait un signe encourageant de la volonté politique des autorités actuellement au pouvoir de s’engager dans ce processus de réforme.

Dans sa résolution 1725, l'Assemblée parlementaire engage sa commission de suivi à suivre de près les progrès de la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine.

En outre, elle souligne l'importance qui s'attache à ce que le Conseil de l’Europe soit représenté à un niveau approprié au Sommet de l’Union européenne pour les Balkans occidentaux du 2 juin 2010.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a souligné que la situation actuelle n’était que la résultante logique des Accords de Dayton et de leur logique mal adaptée à une reconstruction nationale qui dépasserait les clivages nés de la guerre :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, prenant acte des arrêts Sejdić et Finci, le Conseil de l’Europe invite, à l’occasion de ce débat, la Bosnie-Herzégovine à œuvrer en faveur d’une réforme de sa charte constitutionnelle, rejoignant là les préoccupations maintes fois exprimées par l’Union européenne et les États-unis quant à l’avenir institutionnel de ce pays. Je ne mésestime pas la nécessité pour les autorités bosniennes de prendre leur destin en main en vue de faire émerger une nouvelle loi fondamentale. Je constate simplement que la crise actuelle est plus que logique au regard de la philosophie même des Accords de Dayton.

Ces accords ont gravé il y a déjà quinze ans, dans le marbre constitutionnel, les positions acquises par les belligérants, Serbes, Bosniaques et Croates, lors de la guerre civile. La loi fondamentale qui en découle est assez singulière : rédigée en anglais, elle n’a fait l’objet d’aucune consultation des populations concernées et se présente sous la forme d’une annexe à un traité de paix.

Or la Bosnie-Herzégovine n’a pas encore tourné la page de la guerre civile qui l’a tant meurtrie. Le conflit, expression de logiques nationale et religieuse, oppose désormais les mémoires. Celles-ci s’affrontent et semblent empêcher toute réflexion sur un avenir commun. Le système mis en place par les Accords de Dayton tend à exacerber ces clivages en multipliant les instances décentralisées, censées garantir le respect de la diversité et une forme d’égalité entre les peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine. L’égalité n’est pourtant en aucun cas la garantie de la nécessaire équité entre les populations.

Pis, le système mis en place tend à favoriser les regroupements de populations sur des critères ethniques, annihilant les possibilités de retour à la situation d’avant-guerre, quand ces communautés coexistaient de façon pacifique.

Prime est alors donnée à ces majorités de fait, les minorités étant contraintes à la marginalité voire à l’exil. Le réflexe identitaire ne peut sortir que renforcé d’une telle situation

Le constat semble sévère. Il l’est surtout à l’endroit des promoteurs des Accords de Dayton, indispensables pour mettre fin à la guerre mais terriblement inadaptés à la paix. Ceux-ci ont débouché sur une situation quasi absurde au regard du nombre d’instances gouvernementales : 14 gouvernements, 180 ministres pour moins de 4 millions d’habitants. Ils n’ont pas permis l’émergence d’un véritable État bosnien, apte à s’affranchir d’une tutelle internationale de plus en plus pesante pour la population au fur et à mesure des années. Ils ont cristallisé les positions de l’immédiat après-guerre et par-delà figé les mentalités.

Les autorités politiques bosniennes partagent toutes l’ambition de réformer au plus vite la Constitution actuelle en vue d’intégrer à moyen terme l’Union européenne. La nuance est néanmoins importante quand il s’agit pour elles, de détailler les mesures qu’elles entendent adopter : à la poursuite accrue de la décentralisation préconisée par les Bosno-serbes en Republika Sprska, répond la volonté de fusionner les entités, poursuivie par les Bosniaques et les Bosno-Croates.

On l’aura compris, la Bosnie-Herzégovine est à la croisée des chemins. Prisonnière de logiques empruntées au passé, elle doit s’en affranchir si elle entend devenir un État moderne et adhérer, à terme, à l’Union européenne. Un tel travail ne peut se faire sans l’appui de la communauté internationale en général et de l’Union européenne en particulier. Ce soutien ne peut prendre la forme de celui actuellement mis en place, qui répond encore trop à une logique d’immédiat après-guerre. L’assistance respiratoire doit être modulée afin de mieux responsabiliser les élites politiques et d’obliger celles-ci à entreprendre les réformes indispensables. La communauté internationale doit également appuyer les initiatives venant de la société civile en vue de faire émerger une véritable citoyenneté bosnienne. »

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés.

D – RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITÉ 2009 DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le commissaire aux Droits de l’Homme, M. Thomas Hammarberg, a présenté son rapport annuel d’activité pour 2009. Les principaux facteurs qui ont pesé sur la situation des droits de l’homme en Europe sont la crise économique, l’incapacité des pays de l’Union européenne à coordonner leurs politiques à l’égard des migrations de réfugiés et conflits et tensions entre États membres.

La crise économique a eu pour première conséquence une réduction des budgets consacrés à la protection sociale ; aussi la protection des droits sociaux s’avère-t-elle être une priorité essentielle pour les années à venir.

La montée de la xénophobie, du fait de la crise, a eu pour corollaire, un renforcement de la législation des États membres sur les migrations. C’est un enjeu majeur pour le Conseil de l’Europe de lutter fermement contre la montée des sentiments xénophobes et plus particulièrement l’islamophobie, l’antitziganisme et l’antisémitisme.

D’autre part, la situation entre la Géorgie et la Russie reste préoccupante, les tensions étant toujours présentes, les questions politiques n’ayant toujours pas été réglées.

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC), a souhaité savoir comment rendre les normes effectives en termes de protection des droits de l’homme :

« Monsieur le Commissaire, au nom de mes collègues du Groupe démocrate européen, je voudrais vous encourager et vous féliciter pour votre rapport.

Vous écrivez : « le fossé entre les droits consacrés dans les instruments internationaux et la manière dont ces droits sont respectés n’a jamais été aussi grand ».

Comment peut-on être encore plus efficaces pour faire respecter les normes que nous bâtissons jour après jour dans cette Assemblée ? »

M. Thomas Hammarberg n’avait pas de réponse toute faite si ce n’est continuer, avec conviction, le travail entrepris :

« Il s’agit là d’une vaste question ! Tout ce que vous faites ici tend à aller dans le sens de ce que nous souhaitons faire, comme ratifier la Convention des droits de l’homme, par exemple. Nous espérons créer une passerelle, une structure qui sera efficace. Malheureusement, il existe encore un fossé important entre la réalité et les grands engagements pris ici.

Je n’ai guère d’avis à donner, si ce n’est de poursuivre votre travail et de continuer à être vigilants. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a tenu à savoir quelles étaient les motivations du Commissaire aux droits de l’homme pour s’opposer à une interdiction de principe de la burqa :

«  Monsieur le Commissaire, la question du port de la burqa donne lieu de plus en plus souvent à des débats passionnels dans un certain nombre d’États du Conseil de l’Europe, dont la France.

Vous avez pris position contre l’interdiction du port de la burqa. Pourriez-vous nous préciser vos motivations ?

M. Thomas Hammarberg a répondu qu'il y avait un risque de stigmatisation à l’endroit de la communauté musulmane issue de l'immigration :

« Il ne s’agit pas du débat le plus important lorsqu’on est confronté à une vraie crise entre une communauté migrante et la population majoritaire. Une interdiction de la burqa ne fera, selon moi, que stigmatiser un certain nombre de femmes et je ne suis pas certain que cela aidera à la cause de la libération de la femme. Je suis par contre certain que cela contribuera à augmenter les tensions entre les communautés.

Il convient par ailleurs de se pencher sur les articles 8 et 9 de la Convention européenne, relatifs à la protection du droit à la vie privée et à l’identité personnelle, tout en veillant au respect de la religion et à son exercice.

Les exceptions que l’on peut apporter à la liberté ne peuvent se faire que par le biais d’une législation, et que si la sécurité publique est menacée ou la démocratie mise en danger. Or je ne crois pas que les quelques femmes qui portent la burqa constituent une menace pour la démocratie.

Il convient donc plutôt de se pencher sur l’intégration des populations provenant d’autres pays, et qui ont une autre religion, plutôt que de stigmatiser quelques femmes. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a interrogé le Commissaire aux droits de l’homme sur les risques de concurrence entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux :

« Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le Commissaire, si la coopération entre vos services et ceux de l’Agence européenne des droits fondamentaux, créée en mars 2007, est placée sous le signe de la complémentarité ou, au contraire, décelez-vous une certaine forme de concurrence – tout cela dans un contexte budgétaire contraint ? »

M. Thomas Hammarberg a précisé que le risque de concurrence n’était pas à exclure mais qu’actuellement l’esprit de coopération prévalait :

«  Il y avait effectivement un risque de concurrence et nous avions des inquiétudes à ce sujet. Mais nous avons bien géré la situation des deux côtés. A l’heure actuelle, il règne un bon esprit de coopération et nous nous communiquons réciproquement nos projets, et échangeons nos informations, évitant ainsi toute concurrence. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a souligné qu’on aurait pu faire l’économie de l’Agence des droits fondamentaux.

« Ma question était la même que celle de Mme Blondin. Elle l’a exposée bien mieux que je ne l’aurais fait; vous y avez répondu.

Je reste convaincu que nous aurions pu faire l’économie de l’Agence des droits fondamentaux. Vous nous avez indiqué, monsieur le Commissaire, que vous seriez vigilant. Je vous engage à l’être; en tout cas, nous le serons pour ce qui nous concerne ! » »

M. François Rochebloine (Loire - NC) a, pour sa part, souhaité connaître quelle était la situation des citoyens d’origine arménienne  vivant en Géorgie :

« Monsieur le Commissaire, vous faites état dans votre rapport de trois visites en Géorgie. Vous ne mentionnez pas, parmi les sujets abordés avec les autorités géorgiennes, les discriminations dont sont victimes les citoyens géorgiens d’origine arménienne.

La lettre que je vous ai écrite à ce sujet le 4 février 2010 est restée sans réponse. Avez-vous l’intention de vous saisir de ce problème et, si oui, de quelle manière ? »

M. Thomas Hammarberg a précisé que le temps lui avait manqué pour étudier cette question en particulier :

« Vous avez parfaitement raison, je n’ai pu traiter de cette question au cours de cette année et demie, car je me suis essentiellement centré sur les conséquences de la guerre, sur les problèmes et sur les tensions en Abkhazie et en Ossétie du sud qui en ont découlé. Le temps que je leur ai consacré a malheureusement eu comme conséquence de ne pas me permettre de m’intéresser autant que je l’aurais voulu à d’autres questions. J’espère que j’en aurais rapidement la possibilité. »

E – RESPECT DES OBLIGATIONS ET DES ENGAGEMENTS DU MONTÉNÉGRO

La Commission de suivi du Conseil de l’Europe a présenté son rapport sur le respect des obligations et des engagements du Monténégro.

Si l’adoption d’une nouvelle Constitution a été saluée comme un pas salutaire par le rapporteur, celui-ci a mis en évidence les réformes auxquelles le Monténégro devait se conformer pour véritablement satisfaire aux exigences du Conseil de l’Europe.

Une réforme d’envergure du Parlement devrait permettre à celui-ci de jouer un véritable rôle sans être assujetti à l’exécutif. La réforme de la justice doit être poursuivie, et la lutte contre le blanchiment et la corruption renforcée.

En outre, tant défenseurs des droits de l’homme que minorités, ont subi des pressions inacceptables dans un État de droit.

Il est envisagé de demander à un membre de la délégation monténégrine de siéger à la commission de suivi pour faciliter le dialogue avec le Conseil de l’Europe.

Le rapporteur a souhaité que la Commission poursuive la procédure de suivi du Monténégro, les progrès étant substantiels, mais non suffisants pour y mettre fin.

Le projet de résolution a été voté à l’unanimité.

F – DIALOGUE POST-SUIVI AVEC LA BULGARIE

Bien que la Bulgarie fasse partie de l'Union européenne, un dialogue post-suivi a été initié avec ce pays. L'adhésion rapide de la Bulgarie à l'Union européenne a eu pour conséquences positives un certain nombre de réformes qui méritent néanmoins d'être consolidées.

Des progrès substantiels ont été accomplis, notamment en ce qui concerne la réforme de la justice civile et pénale.

Néanmoins, le projet de résolution invite la Bulgarie à se rapprocher de la Commission de Venise pour une réforme d'envergure de la justice en termes d'indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, de garantie d'un plus grand pluralisme des médias, d'assurance d'une meilleure protection des minorités nationales. La lutte contre la corruption doit également être un objectif prioritaire afin de redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté à l'unanimité.

IV – LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A – LE LOBBYING DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE

Le déclin de confiance que connaît la classe politique a amené la commission des questions économiques à étudier la question de l’élaboration d’un code de bonne conduite en matière de lobbying afin de lutter contre les possibles soupçons de corruption passive ou active.

Si le lobbying ne se confond pas avec la corruption, l’absence de codification en la matière pourrait faire craindre que les processus d’influence de la décision publique ne paraissent pas suffisamment transparents, raison pour laquelle le rapporteur a souhaité l’adoption d’un code de bonne conduite en la matière.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a insisté sur la nécessité d’établir un cadre légal au lobbying afin de rétablir la confiance des citoyens dans leurs représentants :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, dans un premier temps, je souhaiterais saluer le remarquable travail effectué par mon collègue José Mendes Bota dont je partage entièrement les conclusions.

Aujourd’hui, le terme de lobbying souffre d’une réputation sulfureuse : on imagine les pires manigances, les pires manipulations derrière ce terme. Des hordes de financiers véreux se dissimuleraient dans les allées des parlements pour promouvoir leurs seuls intérêts financiers au détriment du citoyen européen trompé sur les véritables enjeux législatifs.

Le débat sur la pandémie grippale a été un exemple avéré. Les laboratoires auraient été responsables du déclenchement d’une fausse pandémie : ils auraient influencé les experts de l’OMS pour que ceux-ci déclenchent une alerte mondiale.

Ce type de soupçon est dangereux pour notre démocratie. Comment les citoyens pourraient-ils garder confiance en la démocratie s’ils ont l’impression qu’il y a des citoyens qui sont des citoyens plus privilégiés que d’autres car leurs intérêts passent avant ceux du citoyen lambda ?

Or, c’est justement le flou légal entourant les activités de lobbying qui les rend dangereuses pour la démocratie, d’où la nécessité d’une régulation transparente de leurs activités.

Vouloir supprimer le lobbying serait utopique.

Ne serait-ce que parce que l’interdiction aurait l’effet contraire à ce que l’on attendrait : elle repousserait une activité licite aux frontières de la légalité.

Ne serait-ce que parce que la frontière entre influence, intérêt et défense de justes causes est ténue.

Où poser la limite ? Y a-t-il une différence entre la promotion des idées que font les ONG, la sauvegarde d’intérêts catégoriels, de professions en péril, et la défense des intérêts financiers de grands groupes ?

Évidemment, oui ! Certaines causes défendues par les ONG sont des causes nobles, là où le seul profit peut sembler une cause discutable.

Pour autant, le terme de groupe de pression, traduction française de celui de lobbyiste, peut s’appliquer à chacun d’entre eux. Et c’est parce que ce terme ne s’associe qu’à la dernière catégorie qu’il est perçu de manière extrêmement négative par l’opinion publique. Ne serait-ce que parce que ce serait contraire à l’esprit démocratique.

Or défendre ses intérêts, promouvoir des causes nouvelles n’est en soi ni illégal ni anti-démocratique. La démocratie, c’est l’expression du pluralisme politique mais aussi celle du pluralisme catégoriel.

C’est pourquoi ce n’est qu’en donnant un cadre légal au lobbying que la défense des intérêts, quels qu’ils soient, sera possible et que seule la transparence permettra d’éviter que ne règne l’ère du soupçon.

C’est pourquoi le point 44 du rapport me semble important. Il faut que les groupes d’intérêts déclarent clairement quels sont leurs clients pour éviter de faux soupçons.

C’est pourquoi les groupes d’intérêts doivent également déclarer quel est le montant des subventions qu’ils reçoivent et qui sont leurs bailleurs de fonds.

La tenue d’un registre des lobbyistes est un premier pas, mais il faut aller plus loin : écrire un véritable cadre légal qui soit un standard européen.

Un État de droit ne se construit pas en un jour. En promouvant un code de bonne conduite européen premier pas vers une véritable légalisation à venir des activités de lobbying, c’est une nouvelle pierre à l’édifice que nous apporterons.

Je vous remercie de votre attention. ».

La recommandation a été adoptée.

B – ASSOCIER LES FEMMMES À LA PRÉVENTION DES CONFLITS NON RÉSOLUS EN EUROPE

La commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a défendu un projet de résolution et de recommandation afin d’associer les femmes à la résolution des conflits. Premières victimes des conflits, les femmes sont souvent laissées en marge du processus politique visant à rétablir la paix.

Le rapport met en évidence l’importance qu’il y a à faire évoluer les mentalités de manière à ce que les femmes puissent être pleinement associées au processus politique de reconstruction.

L'Assemblée préconise notamment l'audition systématique de représentant d'organisations de femmes dans toutes les activités touchant à la prévention et à la résolution des conflits non résolus, la lutte renforcée contre les crimes fondés sur le genre et la prise en compte de l'expertise des femmes dans la prévention des conflits.

Selon Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP), assurer la participation des femmes à la prévention des conflits permettra de combattre le stéréotype associant la guerre à la virilité :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, nous devons saluer l’excellent travail de Mme Kiuru, dont le rapport met l’accent sur les difficultés qu’il reste à surmonter. Comme l’indique notre collègue, en effet, la situation ne progresse guère en dépit de l’existence d’un ensemble de textes internationaux adoptés par les Nations Unies ou par notre Organisation.

Les femmes sont plus durement frappées par les conséquences de la guerre que les hommes. Elles constituent la grande majorité des réfugiés, avec les enfants et les personnes âgées, et subissent des violences spécifiques en raison de leur sexe, en particulier des violences sexuelles – suivies de maternités – souvent utilisées comme une stratégie de guerre.

La guerre est généralement considérée comme le domaine de l’homme par excellence, l’image dominante étant celle du soldat, du chef de guerre, du héros. La guerre est parfois même perçue comme le fondement de la masculinité : les garçons deviennent des hommes en faisant la guerre.

Les femmes sont aussi concernées, mais différemment : ce sont des mères ou des femmes de soldats, des infirmières, des victimes, des chefs de famille en l’absence du mari,… Des sacrifices différents sont attendus en temps de guerre, le devoir des hommes étant surtout public et celui des femmes familial. Car la femme est généralement perçue comme intrinsèquement pacifique, même si ce n’est pas toujours le cas.

L’implication des femmes dans la prévention et le règlement des conflits rend nécessaire la remise en cause des stéréotypes concernant la masculinité, liée à la violence, et la féminité, liée à la victimisation, qui empêche les femmes de s’affirmer dans un rôle de direction et de responsabilité au plus haut niveau des organes de décision.

L’importance du rôle des femmes dans les initiatives de consolidation de la paix n’est généralement pas reconnue. Elles sont exclues des tables de négociations et mises à l’écart de la reconstruction de l’après-guerre. Pendant la période précédant le conflit, leur discours de paix n’est pas souvent entendu comme revêtant une pertinence politique, de même que leurs efforts de paix pendant le conflit sont souvent qualifiés de « traîtres à la patrie ». Elles ont pourtant tellement à apporter en amont et en aval des conflits comme élément modérateur.

Enfin, les systèmes éducatifs ne comportent généralement pas d’enseignement global prenant en compte le genre, insistant sur la culture de paix, de non-violence et de consolidation de la paix, conçu comme un moyen de prévention des conflits. Les outils pédagogiques actuels sont encore trop peu documentés sur les compétences des femmes, leur style de négociation et leur capacité à faciliter le dialogue.

Si cette approche était prise en compte dès la scolarité, ce serait certainement un premier pas vers l’intégration des femmes dans les domaines des pré et des post-conflits. N’oublions pas, mesdames et messieurs, chers collègues, que ce sont les femmes qui donnent la vie. Elles peuvent donc jouer un rôle naturel. Elles sont par essence, des pacificatrices. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a insisté sur l’importance qu’il y aurait à profiter de l’expérience douloureuse des femmes dans les conflits pour trouver des solutions innovantes à la résolution et à la prévention des conflits :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, dans sa pièce Sodome et Gomorrhe, le dramaturge français Jean Giraudoux fait dire à l’un de ses personnages que les hommes ont inventé la guerre pour y être sans les femmes et entre hommes. Le bon mot n’a de valeur que littéraire au regard de la réalité des conflits modernes, dont les femmes sont généralement les premières victimes : séparées de leurs proches, veuves, détenues, déplacées, subissant des violences en tout genre.

Les conflits gelés en Europe ne dérogent pas à cette réalité cruelle. Là comme ailleurs, les femmes représentent une proportion importante des victimes de la guerre. Ne participant pas aux hostilités, elles sont souvent contraintes de fuir leur foyer, laissant derrière elles, maisons et communautés.

Déracinées, elles doivent assumer toutes les tâches quotidiennes afin d’assurer la survie de leurs familles : la recherche d’eau, de nourriture, de bois, de médicaments. Ce faisant, elles s’exposent aux risques d’agression ou de blessures, liées aux mines par exemple.

Les camps peuvent offrir à ces femmes une sécurité relative. Ils ne signifient pas toujours la fin du calvaire. Au contraire, l'environnement d'un camp peut comporter de nouveaux risques. L’absence de sécurité et d'intimité peut exposer les femmes à des problèmes de santé et aux risques de violences, le plus souvent sexuelles.

Ce vécu quotidien douloureux confère aux femmes une connaissance aiguë des difficultés que rencontrent les populations civiles pour recouvrer un peu de stabilité à l’issue du conflit. Une telle expérience est plus que nécessaire dans la recherche de solutions en vue de sortir des crises et d’en prévenir de nouvelles. Seulement, pour paraphraser Giraudoux, il semble que les processus de paix ont été inventés par les hommes pour y être entre eux, sans les femmes.

Il nous appartient donc de réfléchir au renforcement de la place des femmes dans ce type de négociation. Je soutiens à cet égard, le projet de résolution que notre collègue Krista Kiuru présente aujourd’hui à notre Assemblée. Je m’interroge sur l’opportunité de nous rapprocher à terme des Nations Unies pour inventer dans les pays touchés par des conflits, un mode de conférence de prévention ou de règlement de la crise placée sous l’égide de celles-ci. Cette structure serait suffisamment souple pour s’adapter à la réalité des zones concernées mais assez structurée pour imposer une place importante aux femmes, à la table des négociations. »

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés.

C – LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE

Une discussion commune a permis d’évaluer les conséquences de la crise économique en matière de droits de l’homme. Quatre rapports étaient en discussion.

1 - Les répercussions sociales de la crise économique :

La crise économique a eu un retentissement profond qui n’a pas été sans ébranler le socle démocratique, notamment en ce qui concerne la confiance que les citoyens peuvent avoir en leurs dirigeants politiques.

Le Conseil de l’Europe a un rôle à jouer en affirmant que l’économie et les valeurs marchandes ne peuvent primer sur le droit et les droits de l’homme. La Charte sociale européenne révisée du Conseil de l’Europe a pour objectif la réalisation d’une Europe interdépendante et socialement solidaire.

Le projet de résolution a pour objet de promouvoir une Europe juste et solidaire qui ne fasse pas l’impasse sur les droits sociaux et leur reconnaisse une valeur pleine et entière. La crise économique apparaît être le moment privilégié pour s’interroger sur le type de société à laquelle nous aspirons et souligner le rôle social de l’économie.

M. Francis Grignon (Bas-Rhin – UMP) a précisé que la remise en cause des acquis sociaux ainsi que l’augmentation des inégalités étaient préoccupantes :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, les répercussions sociales de la crise qui affecte l’économie mondiale depuis l’automne 2008 demeurent probablement encore sous-estimées. Aussi le projet de résolution que nous soumet notre collègue Mme Roseira ne semble pas répondre complètement à l’ampleur inédite de cette crise depuis la Grande dépression des années 30. Celle-ci avait conduit les pouvoirs publics américains puis européens à repenser de fond en comble les modalités d’intervention de l’État dans la sphère économique et sociale: ce fut l’époque du New Deal et de l’État providence.

Or, force est de constater que, pour l’instant, aucun modèle de substitution ne semble se dessiner pour prendre la relève de systèmes sociaux à bout de souffle, dont le fonctionnement est remis fondamentalement en cause par la crise, comme le relève à juste titre notre rapporteure. Ne nous leurrons pas! Il paraît évident que la survie du modèle économique et social européen passera par des mesures impopulaires, alors que le contexte politique, souvent empreint de populisme, ne facilite pas l’adoption de telles mesures.

Deux éléments sont frappants dans la situation actuelle.

Le premier tient à la forte augmentation des inégalités. Ce phénomène n’est certes pas nouveau. Contrairement à ce que l’on croit parfois, les crises économiques et financières ne réduisent pas les inégalités, sous prétexte que les riches perdent une partie de leurs biens. Lors de la crise qui a touché de nombreux pays asiatiques en 1997, les inégalités se sont au contraire, accentuées, les plus riches ayant profité de la récession pour investir au plus bas. Une récente étude vient de montrer qu’en France, entre 2004 et 2007, le patrimoine de mes compatriotes les plus fortunés était celui qui avait le plus progressé. L’objectif d’une plus grande équité devra être au centre des réflexions sur la modernisation de nos modèles économiques et sociaux.

Cette situation est toutefois très inquiétante eu égard à ses implications sur la cohésion sociale, voire sur le développement de formations politiques hostiles à la démocratie qui prospèrent sur le ressentiment des victimes de la crise.

Or, celle-ci affecte particulièrement les jeunes. Certes, ils étaient déjà vulnérables avant la crise, mais ils en sont les premières victimes. Quatre millions de jeunes ont ainsi rejoint le rang des chômeurs depuis le début de la crise. L’OCDE vient de rendre publique une étude selon laquelle les jeunes vont voir leur situation se détériorer pendant plusieurs années encore. La situation devient dès lors potentiellement explosive. Les crises précédentes ont montré, en effet, que lorsque les jeunes perdent espoir, des conduites déviantes sont à craindre, dont le coût, tant économique que social, est élevé.

Le deuxième élément frappant est que la crise n’a pas touché de la même manière toutes les régions du monde. Les pays émergents, en particulier, sortent renforcés de la crise. La récession y a été de courte durée, voire inexistante dans certains pays, notamment les plus peuplés, comme la Chine, l’Inde ou l’Indonésie, qui ont souffert d’un simple ralentissement de leur croissance.

En comparaison, le continent européen, confronté à la nécessaire redéfinition de son modèle économique et de son contrat social, ne paraît guère en grande forme. Et nous avons raison de nous pencher sur ce problème car il faudra encore de nombreuses années pour le résoudre. J’espère que le Conseil de l’Europe aura encore le souci de se pencher sur les conséquences sociales aux multiples facettes de cette crise économique ».

M. François Rochebloine (Loire – NC) a, pour sa part, souligné que la crise engageait les États à s’interroger sur un fonctionnement plus équilibré de l’économie mondiale. Il est temps de proposer un nouveau modèle de développement qui mette l’humain au centre de l’économie et non plus l’inverse :

« Mes premiers mots seront pour féliciter notre collègue Mme Roseira. En effet, son rapport nous rappelle opportunément les liens complexes existant entre les aspects économiques, sociaux et culturels de la crise actuelle. Ce constat que je partage empêche de considérer que la crise serait terminée ou en voie de se conclure, uniquement parce que tel ou tel indice économique de référence présenterait une évolution plus favorable. Plus généralement, il nous encourage à élargir notre réflexion sur les moyens non seulement de prévenir le maintien et le retour de situations de crise, mais d’assurer un fonctionnement plus équilibré de l’économie mondiale et par là même une vie collective apaisée.

Le rapport insiste sur la nécessité de restaurer la fonction de régulation et de prévention de l’État. Force est de reconnaître qu’une certaine forme de dérégulation, d’idéologie du laisser-faire, a montré ses limites dans la crise dont nous venons de vivre une phase intense. Le plus élémentaire bon sens exige que nous demandions des comptes à un système bancaire international dont, avant et pendant la crise, l’actualité a mis en lumière les pratiques risquées, et qui ne semble pas avoir pleinement mesuré la perte de crédibilité qui résulte pour lui de la révélation de ces pratiques. Seule l’autorité politique, investie de la confiance des citoyens, a la légitimité nécessaire pour poser les bornes qui conviennent à la spéculation et à la prise de risques artificielle, et pour promouvoir des conditions correctes d’intervention du système bancaire dans l’économie. Le rapport a raison de le rappeler.

Cependant, il ne faudrait pas croire que la restauration du rôle de l’État et des instances internationales dans la sphère des activités économiques et financières soit la seule solution, ou la solution idéale, pour éradiquer ou du moins contenir le jeu des facteurs de crise qui se manifestent aujourd’hui. Le déplacement du curseur sur la ligne qui va de la liberté absolue de l’initiative privée à l’intervention dominante de l’État maintient la réflexion dans un certain cadre idéologique, qui a sans doute fait son temps.

Il ne s’agit pas, en effet, de diaboliser le marché ou la mondialisation. Le marché est un instrument et la mondialisation un état de fait. C’est l’usage qui est fait du marché et la façon dont la mondialisation est comprise qui posent problème. Soyons convaincus que la spéculation, la répartition de plus en plus inéquitable des richesses, le défaut de transparence dans les choix économiques ne sont pas seulement des fautes de morale personnelle mais aussi des phénomènes nuisibles au bon fonctionnement du marché et de l’économie, des comportements qui ont un coût pour l’économie dans son ensemble. L’État, les institutions internationales, les organisations non gouvernementales peuvent aider, chacun selon sa compétence, à cette prise de conscience, mais sa généralisation relève de la responsabilité de tous.

Les mesures proposées par le rapport relèvent toutes de l’action de la puissance publique. Elles rassemblent les «bonnes pratiques» constatées ici ou là en vue de la garantie concrète des droits sociaux de base, de l’amélioration des dispositifs de lutte contre le chômage

Toutefois, on ne peut pas espérer corriger durablement les conséquences sociales négatives de la crise, le développement du chômage, les écarts croissants entre riches et pauvres sans favoriser la naissance et la croissance d’une culture de la solidarité et de l’altérité. C’est une condition préalable au développement d’une économie humaine, c’est une question d’éducation et de persuasion qui met nécessairement en jeu d’autres outils que ceux de l’action publique. »

2 - L’impact de la crise économique mondiale sur les migrations en Europe

Les travailleurs immigrés sont les premiers exposés aux conséquences de la crise économique : montée d’un sentiment xénophobe, chômage grandissant. La plupart des pays européens ont adopté des mesures de reconduction des travailleurs immigrés dans leurs pays d’origine. Cette solution restrictive augmente la précarité de leur situation : de nombreux migrants se trouvent exploités car ils préfèrent rester illégalement dans leur pays d’accueil plutôt que retourner dans leur pays d’origine.

Le rapporteur souhaite qu’une réflexion d’ensemble sur la situation des migrants permette à l’avenir de réfléchir à des solutions pérennes en cas de crise conjoncturelle, les travailleurs immigrés participant à la croissance de l’ensemble des pays européens.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a insisté sur l’importance qu’il y avait à considérer le travail issu de l’immigration comme une chance pour les économies des pays européens au lieu de le voir comme une menace pour les autochtones :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, mon intervention portera sur le rapport de M. Agramunt Font de Mora, dont nous devons saluer la grande qualité. Il a parfaitement su démontrer combien les travailleurs migrants étaient doublement pénalisés, à la fois directement, comme premières victimes de la crise économique, et indirectement, comme boucs émissaires des causes du chômage et de la précarité sociale.

Certains pays, en période de crise surtout, sont tentés d’exploiter le thème de la préférence nationale, comme l’a souligné M. le rapporteur. C’est faux et cela ne doit pas nous faire oublier la grande vulnérabilité des travailleurs migrants.

Pour la première fois depuis les années 1980, la crise économique a provoqué une baisse sensible du nombre de migrants venant travailler dans les pays de l’OCDE. Or, il est important que les responsables politiques considèrent l’intégration sur le marché du travail de cette population comme une priorité, pour au moins deux raisons.

La première tient à ce que les travailleurs migrants répondent aux besoins de main-d’œuvre à long terme et sont donc bénéfiques aux intérêts de l’économie des pays de destination.

La seconde raison est liée à l’importance des transferts financiers des migrants pour l’économie de leur pays d’origine. Le montant de ces transferts est évalué à 338 milliards de dollars en 2008, soit trois fois le montant de l’aide mondiale au développement. Ces transferts de fonds ont tendance à tirer vers le haut la croissance des pays qui en bénéficient. Ils augmentent les ressources des ménages et stimulent leur consommation. Ils servent de filet de protection sociale aux familles qui les reçoivent. Bref, ils représentent la face humaine de la mondialisation. On estime qu’une hausse de 10 % du ratio transferts/PIB entraîne une baisse de 1 % du nombre de personnes vivant avec moins de un dollar par jour. Selon la Banque Mondiale, du fait de la diminution des transferts financiers, entre 55 à 90 millions de personnes dans le monde risqueraient de verser dans l’extrême pauvreté.

Notre rapporteur a raison de souligner les limites de politiques migratoires de plus en plus restrictives, qui ont souvent pour conséquence principale de faire passer les travailleurs migrants dans l’irrégularité.

Pour autant, il est indéniable que les transferts d’argent ne peuvent constituer une réponse aux causes structurelles de la pauvreté. Une politique de coopération en direction des pays de fortes migrations devrait compléter toute politique migratoire. Il me semble important de passer d’une approche principalement centrée sur la sécurité, s’attachant à réduire la pression migratoire, à une approche plus équilibrée, améliorant les mesures d’accompagnement destinées à la fois à gérer les flux migratoires et à faire des migrations et de la mobilité des forces positives pour le développement.

Cette politique de développement solidaire doit avoir pour objectif prioritaire la réduction de la pauvreté dans les pays d’émigration et doit valoriser le potentiel de développement des migrants en faveur de leur pays d’origine, en reconnaissant non seulement l’importance des transferts d’épargne vers les pays d’origine, mais aussi les compétences et l’expérience acquises dans les pays d’accueil.

Seule une telle politique permettra de lutter efficacement contre la pauvreté durable affectant certaines régions du monde, qui pousse de très nombreuses personnes, parfois au péril de leur vie, à venir essayer de survivre dans les pays occidentaux. Si l’immigration est subie, c’est d’abord par les migrants eux-mêmes.

3 - Les femmes et la crise économique et financière

La crise économique, d’origine financière, a été essentiellement la résultante d’un monde masculin. Elle aura des répercussions au premier chef sur les femmes qui en seront les premières victimes.

La rapporteure a mis en exergue l’absence des femmes dans les instances dirigeantes et les conséquences négatives que cela aurait pour trouver des solutions pérennes à la résolution de la crise. Elle a rappelé que la banque Lehman Brothers, à l'origine de la crise financière, ne s'appelait pas Lehman Sisters, et qu'au-delà du jeu de mot, cette différence sémantique avait un sens profond.

4 - Investir dans la cohésion familiale en tant que facteur de développement en temps de crise

Investir dans la famille peut être un facteur important de cohésion et de développement en temps de crise. Les politiques publiques, doivent, à ce titre, favoriser les politiques familiales. La famille doit rester le premier lieu de l’apprentissage de la solidarité entre générations.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a souligné que la famille devait être le lieu de l’apprentissage et de la solidarité sans que la revalorisation du rôle de la famille ne se traduise par une dévalorisation du travail féminin :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la résolution qui nous est présentée par notre collègue Luca Volontè - je ne le vois plus mais j’espère qu’il pourra tout de même me répondre - me semble tout à fait d’actualité. Je dirais même qu’elle va dans le sens d’une certaine forme de progrès social.

Elle est d’actualité, bien entendu, parce que notre continent subit depuis deux ans une crise économique mondiale majeure. Mais comme toutes les périodes de crise, celle que nous connaissons doit être l’occasion, y compris dans le domaine social, de remises en cause. Elle nous oblige à l’innovation.

Trop longtemps, le traitement des difficultés économiques et sociales s’est concentré à l’excès sur les interventions individuelles. Percevoir un revenu minimum alloué par la société, bénéficier d’une formation professionnelle, ce sont naturellement des initiatives sociales qui sont incontournables. Mais on mesure sur le terrain les limites de la solidarité envers le seul individu. Comme s’il existait des personnes déconnectées de tout environnement social ! Cela n’est pas tout à fait conforme à la réalité.

La famille est le premier lieu d’apprentissage de la vie en société. Dès lors qu’elle est affaiblie, c’est une institution chargée de transmettre des codes et des valeurs qui perd de sa force, avec toutes les conséquences néfastes qui peuvent en résulter sur les comportements individuels. Une personne qui n’a pas eu la chance de grandir dans une famille forte n’a pas toujours les outils nécessaires pour participer, dans sa vie d’adulte, au développement de la société tout entière. «Valoriser le rôle central de la famille» tout en affirmant «la primauté de la personne», pour reprendre les termes de la résolution qui nous est proposée, sont donc des objectifs et des principes auxquels je souscris totalement.

J’approfondirai cette position en y ajoutant quelques remarques qui me paraissent indispensables, qui sont d’ailleurs suggérées dans le texte de M. Volontè, notamment quand il évoque le passage de l’État-providence à la société-providence.

On le sait, ces deux dernières notions sont différentes. L’Etat-providence, créé après 1945 avec la mise en place de systèmes de protection sociale centralisés, intervient directement et massivement dans le domaine économique et social à des fins de régulation. La société-providence repose sur des initiatives de la société civile et sur la responsabilité des citoyens, avec des individus acteurs de la solidarité via les collectivités locales et les associations.

Derrière cette distinction conceptuelle, se profile tout simplement l’enjeu de la responsabilité individuelle. Dès lors que l’on parle de solidarité et d’aide aux plus démunis, dès lors qu’on «fait du social», il faut avoir la ferme volonté de le faire pour donner aux personnes les moyens de se gouverner elles-mêmes et non de rester des assistées à vie. Or cet enjeu est encore plus important lorsqu’on parle d’investir dans la cohésion familiale, puisque l’on met l’accent sur le groupe.

Il faut donc que dans les exemples de «bonnes pratiques» dont fait état le projet de résolution, on ait à cœur de créer des familles des partenaires des acteurs de la solidarité. Il s’agit moins de travailler pour les familles que de travailler avec elles.

Cela signifie que le soutien à la parentalité et la coéducation doivent être privilégiés. «On ne naît pas parent, on le devient» dit-on souvent. Eh bien ! Dans une période de crise comme celle que nous traversons, si les gens qui vont bien ont une responsabilité envers ceux qui vont moins bien, cela signifie que les premiers doivent apporter aux seconds les outils leur permettant de mieux exercer leur rôle de parents pour renforcer la cohésion familiale. Cela doit se faire dans le respect des personnes, sans stigmatisation, en favorisant le dialogue entre les familles, mais aussi entre les familles et les autres acteurs, à commencer par l’école.

Néanmoins, investir dans la cohésion familiale ne saurait signifier revenir sur les acquis du féminisme et renvoyer les femmes de la sphère publique à la sphère privée. »

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés par l'Assemblée parlementaire.

D – RICHESSES, BIEN PUBLIC ET BIEN-ÊTRE : COMMENT LES CONCILIER DANS UNE EUROPE EN MUTATION ?

La commission des questions économiques et du développement s’est intéressée à la question de la mesure du bien-être économique. Elle a précisé que la mesure actuelle du taux de croissance ne permettait pas véritablement d’évaluer les externalités positives et négatives : le PIB est devenu un indicateur obsolète. Sans l’abandonner, il apparaît nécessaire d’établir un nouveau système comptable qui permette de mesurer l’ensemble des performances tant économiques que sociales.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) est intervenu au nom du groupe GUE, afin de soutenir le projet de résolution, tout en souhaitant aller plus loin en termes de définition d’un nouveau modèle de développement :

« Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite féliciter le rapporteur pour son remarquable travail. Notre groupe partage ses conclusions.

Cependant je souhaite revenir sur les définitions des termes, dans la mesure où le rapport ne semble pas aller, à notre sens, suffisamment loin pour rechercher un nouveau modèle de développement.

En effet, si le rapport aborde la question d’une réflexion sur les outils économiques à notre portée, pour définir le développement, il ne me semble pas tirer toutes les conséquences utiles de son analyse, repenser entièrement notre mode de développement, et pas uniquement au sein de la sphère économique.

Je m’explique. Revenir sur la notion de PIB, notion purement comptable, pour y inclure d’autres notions qui intègrent le bien-être ou le développement, tel le coefficient GINI ou l’indice de développement des Nations Unies, serait un progrès substantiel sans pour autant être suffisant, car nous n’échappons pas à la sphère économique et cherchons dès lors, à faire entrer dans celle-ci des notions qui ne dépassent pas le cadre du développement matériel.

A l’opposé, les notions de limitation de la croissance ou de décroissance sont le versant négatif de cette même idée: nous restons prisonniers d’une pensée économique et comptable.

C’est pourquoi je souhaite revenir aux notions dont nous débattons aujourd’hui. Quel est le constat de ce rapport? Au positivisme triomphant issu des Lumières répond aujourd’hui le scepticisme acerbe de nos démocraties; la notion de progrès n’a pas tenu ses promesses. Au progrès scientifique et technique qui a conduit à l’émergence d’une société industrialisée où la faim a été éradiquée dans la plupart des pays d’Europe, répondent aujourd’hui le doute et l’angoisse sur l’avenir de notre planète, sur l’épanouissement personnel et plus simplement sur le sens de notre vie.

Le sujet abordé par ce rapport est complexe, car il associe trois notions qui ne sont ni nécessairement complémentaires, ni nécessairement en corrélation.

En effet, le libéralisme nous a conduits à considérer que la richesse était le but de l’humanité et que son accroissement sans fin ne pouvait conduire qu’au bien-être. En d’autres termes, le bien-être matériel serait l’alpha et l’oméga. Force est de constater que le bien-être n’est pas uniquement matériel.

Le médiateur de la République française indiquait récemment que la «société française était fatiguée psychiquement», mettant ainsi l’accent sur l’absence de bien-être dans une société pourtant considérée comme riche.

Par ailleurs, la notion de bien public exclut par définition celle de richesse, mais pas celle de bien-être. En effet, le bien public est ce qui appartient à tous, ce qui est commun à tous. Les économistes définissent un bien public comme un bien exclusif qui ne peut se partager. L’air est un bien public.

Les externalités négatives comme la pollution ont donc des conséquences négatives sur les biens publics.

Autre notion difficilement définissable celle du bien-être. Qu’est-ce que le bien-être? Préalablement, nous avons sous-entendu que si le bien-être avait une composante matérielle, elle ne pouvait être exclusive.

S’interroger sur richesses, bien public et bien-être revient donc à se demander quel est le type de société dans laquelle on souhaite vivre et que l’on souhaite laisser ou construire, voire reconstruire pour nos enfants?

Une société dans laquelle le bien public serait une richesse collective - l’eau, l’énergie, les transports, l’éducation, la santé, etc., - créerait probablement davantage de bien-être.

Pour autant, je ne pourrai dessiner la société idéale dans les quelques minutes, voire les quelques secondes qui me restent…

Il me semble important de profiter du sujet de ce rapport pour bien mettre en exergue la nécessité de repenser un mode de développement économique et social qui déshumanise l’homme pour avoir quasiment éradiqué l’ancestrale peur de manquer, ce qui conduit l’homme au bord du désespoir quotidien.

Partage et respect de l’autre deviennent peut-être les maîtres mots de ce nouveau modèle de développement à promouvoir.

En un mot, associer richesses, bien-être et bien public revient à réintroduire le mot de fraternité dans le langage économique. Ne plus considérer l’autre comme un moyen, mais comme une fin.

N’était-ce pas là le message kantien des Lumières qui nous a amené à construire une société autonome qui, aujourd’hui, est au bord de l’implosion car l’individualisme forcené a fini par faire oublier l’essentiel de l’homme?

N’est-ce pas, comme le rappelle le philosophe Vincent Cespedes, qu’ « il faut sortir de l’économique pour aller vers l’humain, en finir avec un système où tout est pensé sous forme de rivalités, où l’autre est d’abord une menace avant d’être une chance»?

La construction européenne est à ce prix. C’est à nous, Assemblée paneuropéenne, de rappeler pourquoi la plupart des citoyens européens n’ont pas voulu d’une convention qui ne donnait pas de dimension humaine à l’Europe! »

Le projet de résolution a été adopté par l'Assemblée, à l’unanimité.

E – LA PIRATERIE – UN CRIME QUI DÉFIE LES DÉMOCRATIES ET LA NÉCESSITÉ DE PRENDRE DES MESURES JURIDIQUES INTERNATIONALES SUPPLÉMENTAIRES POUR LUTTER CONTRE LA PIRATERIE MARITIME

La recrudescence de la piraterie, notamment au large des côtes somaliennes, a amené l’Assemblée parlementaire à s’interroger sur les moyens de lutter légalement contre un fléau en passe de s’étendre.

Le rapport de la commission des questions politiques, La piraterie - un crime qui défie les démocraties, a fait l’objet d’une discussion commune avec le rapport présenté au nom de la commission des affaires juridiques, La nécessité de prendre des mesures juridiques internationales supplémentaires pour lutter contre la piraterie maritime.

Si le droit international coutumier rend possible d’engager des poursuites pour chaque État sur la base de sa législation nationale, il n’y a pas de solution judiciaire pour les crimes perpétrés dans les eaux territoriales avec la complicité ou la passivité d'un État.

C’est pourquoi seul un engagement militaire coordonné et une réponse législative internationale permettront d’éradiquer un phénomène en pleine expansion, qui outre son coût économique - des pertes estimées à 16 milliards de dollar par an - devient de plus en plus coûteux en termes de vies humaines.

La possibilité de traduire les pirates devant des tribunaux pénaux internationaux pourrait être, à long terme, une solution estimable afin de lutter contre la passivité des États en déshérence, mais à court terme, une meilleure coopération entre les diverses organisations internationales serait plus appropriée pour donner une réponse effective à ce fléau.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a souligné le fait que l’État est le meilleur garant contre l’insécurité, l’absence d’État en Somalie n’étant pas étrangère à la prolifération des pirates sur les côtes somaliennes :

«  La piraterie semblait reléguée sur les rayons des livres d’histoire ou de fiction. Elle a resurgi en force, vers la fin des années 90, dans le détroit de Malacca, puis dans le Golfe d’Aden et dans l’Océan Indien, ainsi que dans le Golfe de Guinée. Cette nouvelle piraterie pose de nombreux problèmes et les excellents rapports de nos deux collègues viennent à point pour que nous tentions d’y répondre.

Depuis deux ans, les actes de piraterie perpétrés au large de la Somalie et dans le Golfe d’Aden concentrent l’attention sur une route maritime difficile à éviter et vitale pour l’économie européenne. 20 000 navires y transitent chaque année, ainsi que l’essentiel des plus de 2 millions de barils de pétrole importés du Moyen-Orient par les pays d’Europe. Les enjeux sont également touristiques, de pêche et surtout humanitaires, puisque la moitié de la population somalienne dépend aujourd’hui d’une aide alimentaire apportée par navire.

La communauté internationale s’est mobilisée pour lutter contre ces actes de piraterie. La France a joué un rôle pionnier. Elle est en effet à l’origine de l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de plusieurs résolutions sur le sujet. En outre, pendant sa présidence de l’Union européenne, elle a engagé l’opération Atalante, première opération navale menée au titre de la politique européenne de sécurité et de défense – (PESD). Cette opération, qui vise la prévention, la dissuasion et la répression de la piraterie, comporte plusieurs volets : accompagnement des navires civils, escorte des navires délivrant l’aide humanitaire, opérations de surveillance ciblées, sécurité des thoniers.

Le bilan reste cependant assez contrasté. Si, globalement, la sécurité des routes maritimes touchées est l’objet d’une véritable priorité, les actes de piraterie au large de la Somalie se produisent désormais de plus ne plus loin des côtes, sont plus audacieux et plus violents.

Nous voyons aujourd’hui apparaître plusieurs difficultés. Tout d’abord et c’est essentiel, l’organisation de la coopération en mer doit être améliorée et toutes les puissances doivent s’y impliquer solidairement. Ensuite, le traitement judiciaire des prisonniers pose problème, le crime de piraterie ayant disparu de nombreuses législations nationales. C’est le cas de la France, où le Parlement a été récemment saisi d’un projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer. Autre difficulté, le recours aux sociétés de sécurité privées par les armateurs est, disons-le, diversement apprécié. Enfin, la communauté internationale doit soutenir le développement des capacités maritimes des pays de la région afin qu’elles soient en mesure d’assurer leur propre sécurité. Des moyens financiers ont été mobilisés, notamment par l’Union européenne, et des projets en termes de formation et de partage de l’information ont été conçus.

Au-delà de ces questions sur lesquelles il faudra progresser, notre rapporteur nous rappelle à juste titre que, la piraterie en mer trouve son origine à terre. L’absence d’État en Somalie depuis bientôt vingt ans explique largement la résurgence du phénomène. Nous avons la démonstration, une fois encore, que l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme constituent la meilleure réponse à l’insécurité. »

Les projets de recommandation et de résolution, amendés,  ont été adoptés par l'Assemblée parlementaire.

F – LA COMMÉMORATION DES VICTIMES DE LA GRANDE FAMINE (HOLODOMOR) EN EX-URSS

La grande famine en Union soviétique, qui s’est déclarée au début des années 1920, a fait des millions de morts, tant au Bélarus, au Kazakhstan, en Moldova, en Russie qu’en Ukraine.

L’Ukraine appelle cet événement tragique l’Holodomor (famine politiquement motivée) qu’elle considère comme un génocide perpétré par les Soviétiques contre les Ukrainiens.

S’il n’y a pas de doute quant à la responsabilité du pouvoir soviétique sur la mort de millions de personnes, la question de l'existence d'un génocide ukrainien est moins aisée à trancher. La Commission assimile les politiques du régime stalinien à un crime contre l’humanité effectué par un régime totalitaire, le régime soviétique, sur son propre peuple.

La commémoration de ce crime ne doit pas être l’occasion d’attiser de nouvelles haines, mais à l’inverse de permettre une réconciliation plus étroite entre les peuples, notamment entre l’Ukraine et la Russie.

L’Assemblée encourage les historiens à poursuivre leurs recherches pour établir la vérité historique sur cette sombre page de l’Histoire et engage les gouvernements à commémorer cet événement dans le souci d’une politique mémorielle de réconciliation.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a tenu à préciser que si commémorer le passé permettait d’affirmer ses valeurs, la commémoration de l’Holodomor devait permettre de laisser la place à une mémoire apaisée et non de raviver les tensions entre voisins :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, ce rapport réalisé par M. Çavuşoğlu est fort documenté et ne peut qu’être salué.

Le totalitarisme stalinien a commis des crimes d’une ampleur inouïe au cours du XXe siècle. Il est bien qu’une Assemblée comme la nôtre le reconnaisse et appelle les responsables politiques et les peuples à se souvenir d’un des plus grands crimes du communisme sur le sol européen.

L’Europe du XXe siècle doit en effet se rassembler autour de valeurs de tolérance et de liberté qui sont à l’opposé de ces dérives totalitaires qui, elles, ne sont pas l’apanage des seuls fascisme et nazisme.

Mais commémorer le passé n’est pas toujours sans risque car en se souvenant d’un événement en particulier, on lui confère un sens qui peut influer sur le présent. En l’occurrence, cette résolution ne doit pas être considérée comme l’accusation, de quelque manière que ce soit, d’un État ou d’un groupe de personnes actuelles.

En France, ce qu’il est convenu d’appeler la «question mémorielle» a déjà fait l’objet de vastes débats et une mission parlementaire menée par l’actuel président de l’Assemblée nationale a débouché sur une position sage: préférer à la loi l’adoption éventuelle de résolutions.

Je note également avec satisfaction que le rapport se garde de mettre en avant une mémoire par rapport à une autre, reconnaissant à la fois la grande souffrance du peuple ukrainien et les victimes russes. Je me félicite, de surcroît, que le document présenté par notre collègue recommande une condamnation de cette tragédie par delà les frontières nationales des pays concernés. Il y a, à ce titre, un véritable symbole à voir cette semaine le président ukrainien et le ministre russe des Affaires étrangères intervenir au cours de la même partie session de notre Assemblée.

Commémorer le passé pour affirmer nos valeurs est une nécessité.

Dans cette perspective, réjouissons-nous que les Russes manifestent depuis plusieurs mois une certaine tendance à l’ouverture à l’égard des États-unis et des États d’Europe. Ainsi, depuis 2008, le Président Medvedev n’a-t-il cessé de proposer à l’Union européenne le développement de relations stratégiques avec la Russie dans le cadre large d’un pacte de sécurité paneuropéen. Plus récemment, la Russie a noué un dialogue plus direct avec les États-unis, qui, de leur côté, ont émis l’idée de l’associer d’une manière ou d’une autre à la conception d’un bouclier antimissile au périmètre révisé. De façon spectaculaire, enfin, les Russes ont entrepris un singulier rapprochement avec la Pologne. Les cérémonies relatives aux massacres de Katyn, quoique endeuillées, en sont la manifestation éclatante. Peu à peu, comme en témoignent certains propos récents de Vladimir Poutine, les crimes staliniens sont dénoncés. C’est dans ce dialogue sans cesse approfondi entre la Russie et les États d’Europe que notre continent trouvera son équilibre.

Sachons donc aujourd’hui commémorer cette tragédie historique de l’Holodomor. Mais sachons aussi assumer nos responsabilités du présent, dans une analyse des réalités géopolitiques qui plaident pour un esprit de paix et de coopération entre la Russie et ses partenaires continentaux. »

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

G –  DISCRIMINATION SUR LA BASE DE L’ORIENTATION SEXUELLE ET DE L’IDENTITÉ DE GENRE

Le rapport de la Commission des affaires juridiques sur la lutte contre les discriminations sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre a été examiné lors de cette session car lors de la deuxième partie de session, l’Assemblée parlementaire n'ayant pas eu le temps de se prononcer sur les soixante dix amendements déposés.

Le rapporteur a néanmoins modifié son rapport en tenant compte de certains compromis qui s'étaient dégagés et a, en particulier, retiré l'affirmation d'un droit à l'adoption pour l'autre partenaire.

Le rapport combat les préjugés en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre.

Le projet de résolution a pour principal objectif de reconnaître un droit à la non-discrimination du fait de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre en rappelant que celle-ci n'est par définition pas le résultat d'un choix.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) est intervenu au nom du groupe GUE, afin de soutenir le projet de résolution, tout en souhaitant aller plus loin en promouvant une révolution juridique qui donne des droits égaux aux homosexuels, transsexuels et hétérosexuels, pour qu’elle précède la révolution des mœurs :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, «Il y a un préjugé naturel qui porte l’homme à mépriser celui qui a été son inférieur, longtemps encore après qu’il est devenu son égal; à l’inégalité réelle que produit la fortune ou la loi, succède toujours une inégalité imaginaire qui a ses racines dans les mœurs.»

Lorsque nous avons discuté la première version de ce rapport lors de la dernière session, je rappelais ces mots de Tocqueville extraits de De la démocratie en Amérique : je ne savais pas alors que l’actualité récente soulignerait à ce point la justesse de mon propos.

La déclaration faite par le Cardinal Bertone a plus qu’ému la communauté internationale sur l’amalgame qui a été fait entre pédophilie et homosexualité. Que le numéro deux du Vatican ait souhaité s’exprimer uniquement sur les scandales pédophiles au sein de l’Église et non pas de manière plus générale n’enlève rien à la gravité de tels propos.

En tant qu’autorité religieuse, ces propos engagent évidemment son auteur et ne font que donner du poids aux préjugés dans lesquels l’homophobie trouve sa source. Sans compter que, non satisfait de donner un semblant d’autorité religieuse à un tel dérapage verbal, le Cardinal Bertone a utilisé un argument d’autorité en se référant à de prétendues études scientifiques.

Une telle déclaration nous renvoie trente ans en arrière pour l’homosexualité et jusqu’à cette année en France pour la transsexualité, lorsqu’elles étaient assimilées à des maladies mentales, à des déviances.

Si la France a été pionnière en retirant la transsexualité de la liste des maladies mentales, ce retrait a des effets pervers puisque la Sécurité sociale pouvait ne plus avoir l’obligation légale de rembourser l’opération. Heureusement que la volonté politique a accompagné cette réforme positive !

Non, je réponds non, à mon collègue Markov, la question de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre n’est pas un choix, mais un état qui pousse, lorsqu’il n’est pas pris en compte par nos sociétés, de nombreux jeunes au suicide.

Le porte parole du Quai d’Orsay a clairement précisé que: «La France rappel[ait] son engagement résolu dans la lutte contre les discriminations et les préjugés liés à l'orientation sexuelle et l'identité de genre.»

L’excellent rapport de M. Andreas Gross cherche à combattre les préjugés qui sont le terreau de l’homophobie et de la transphobie: son tableau établissant un argument sensé en face de chaque préjugé est un travail remarquable qui devrait être diffusé largement comme outil de lutte contre les sentiments homophobes et transphobes.

Je crois fermement à l’éducation comme moyen de lutter contre les discriminations sexuelles. Ce sont les mœurs qu’il faut changer, comme le précisait Alexis de Tocqueville.

Nous avons les outils juridiques pour lutter contre les discriminations, mais l’égalité de droit ne sera jamais suffisante tant que des mentalités arriérées considéreront que les homosexuels ne sont pas des personnes à part entière avec des droits équivalents à ceux des hétérosexuels. Que leur orientation sexuelle ne les rend en rien inférieurs aux hétérosexuels!

C’est à nous d’avoir le courage, en tant que communauté internationale, de nous élever chaque fois qu’un homme ou une femme, du fait de son homosexualité ou de sa transsexualité, est menacé!

C’est à nous, communauté internationale, d’avoir le courage, de défendre nos convictions sans nous laisser intimider par les autorités rétrogrades qui se réfèrent à la tradition et à la religion!

C’est à nous, communauté internationale, d’avoir le courage de dire non, lorsque la liberté est transgressée!

C’est à nous, communauté internationale, d’avoir le courage de lutter contre les préjugés, pour que demain les mœurs ne soient plus en désaccord avec le droit ! »

Que la révolution égalitaire annoncée par Tocqueville soit en marche, une révolution juridique qui ne se fera pas sans une révolution des mentalités: c’est à ce prix que la démocratie aura su tenir ses promesses!

Je vous remercie de votre attention. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC) a tenu à souligner que l’homophobie était encore plus virulente pour les minorités silencieuses des quartiers. Il a insisté sur l’importance que la législation du PACS avait eue, en France, dans le changement des mentalités vis-à-vis des minorités sexuelles :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens tous d’abord à saluer le remarquable travail accompli par le rapporteur Andreas Gross, sur un sujet difficile qui ne fait pas consensus. Les débats de la dernière session ne sont que trop là pour le rappeler.

Je souscris à l’ensemble des conclusions de ce rapport et je voudrais souligner deux points. Le premier concernant les populations auprès desquelles le discours de haine homophobe trouve le plus d’échos, n’est pas véritablement abordé dans le rapport. Dans l’excellent ouvrage dont mon collègue Jean-Paul Lecoq avait parlé lors de la dernière session, «Homo-ghetto, Gay et lesbiennes dans les cités: les clandestins de la République», le journaliste Franck Chaumont évoquait dans une enquête extrêmement minutieuse la détresse de ces minorités silencieuses en butte à une homophobie particulièrement virulente.

L’homophobie, sise sur des préjugés, se développe plus particulièrement dans les classes sociales touchées par la pauvreté tant matérielle que culturelle. En effet, c’est l’absence de connaissance de ce qu’est une orientation sexuelle différente qui renvoient les homophobes à des représentations imaginaires désobligeantes pour les homosexuels. Stéréotypes et préjugés ont alors la vie dure.

Je ne dis pas que ces préjugés ne sont pas vivants dans toutes les classes sociales, je veux simplement préciser que c’est dans les classes sociales les plus pauvres qu’ils prennent la forme la plus violente du rejet de l’autre. Cette représentation mentale particulièrement négative de l’autre touche aussi fortement les femmes qui sont le plus souvent renvoyées à une représentation sexuelle facile que considérées comme des égales à part entière.

J’insiste sur ce point afin de souligner l’importance de l’éducation dans le changement des mentalités. À ce titre, non seulement le rapport de notre collègue devrait rencontrer la diffusion la plus large possible, mais il serait important que nous relayions son propos dans nos parlements nationaux, de manière à faire une campagne de prévention en faveur de la non-discrimination vis-à-vis des minorités sexuelles.

Les préjugés se forment très tôt au sein des familles et seule l’éducation publique peut avoir le poids nécessaire dans un premier temps pour lutter efficacement contre eux. Les réticences de nos autorités éducatives sur ce sujet montrent bien que cette question est loin de faire consensus.

Le second point que je souhaite aborder est l’égalité de droits au sein de la construction de la famille entre couples homosexuels et hétérosexuels.

Le parti socialiste français a été novateur en 1999 en proposant de faire voter à une Assemblée nationale réticente le pacte civil de solidarité (PACS), premier pas vers une égalité de droits.

Aujourd’hui nous nous devons d’aller plus loin et de proposer une véritable égalité juridique tant sur le plan patrimonial qu’en termes de droit à l’adoption, comme le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Mme B./ c France est là pour nous le rappeler.

Il a fallu du courage politique pour proposer le PACS en 1999. N’en manquons pas aujourd’hui en créant une législation favorable à l’union civile pour les couples homosexuels. Et n’ayons pas peur d’aller plus loin en ouvrant clairement le droit à l’adoption aux mêmes couples ! ».

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a tenu à rappeler que le principe d’égalité ne signifiait pas pour autant traiter différemment des situations différentes, notamment en ce qui concerne le droit au mariage ou à l’adoption :

« Monsieur le président, mes chers collègues, je veux tout d’abord associer Mme Claude Greff à cette intervention car elle est à l’initiative de cette réflexion que, bien entendu, je partage totalement.

Je tiens à féliciter le rapporteur, M. Gross, pour son travail remarquable sur la nécessité de lutter contre la discrimination en fonction de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.

Si je souscris entièrement à toutes les conclusions du rapport sur la lutte contre les préjugés et la nécessaire reconnaissance de droits liés à la liberté sexuelle, je suis plus réservée sur quelques points dont celui relatif à la fondation d’une famille au même titre que la famille traditionnelle. Certes le rapport ne l’indique pas tel quel, mais à sa lecture, cela est sous-jacent.

L’État de droit implique la liberté de choix. L’orientation sexuelle, à supposer qu’elle soit un choix volontaire - il est difficile de déterminer l’origine de notre orientation sexuelle - ne doit pas être discriminée car elle est au coeur de notre identité la plus intime.

A ce titre, les préjugés véhiculés vis-à-vis de l’homosexualité doivent être clairement combattus. Je souscris entièrement au tableau présenté dans le rapport

En ce qui concerne le droit à la famille, si le droit de garde d’un enfant doit, bien évidemment, être accordé sans discrimination aucune, il me semble en aller autrement de l’autorisation d’adopter et de fonder une famille. Mes propos n’insinuent ni que l’homosexualité serait dangereuse pour les enfants ni que les parents homosexuels seraient de moins bons parents que les autres, mais c’est sur le terrain philosophique des droits de l’homme que j’entends fonder mon argumentation.

En effet, les droits de l’homme impliquent la possibilité de faire des choix, notamment intimes, et de ne pas subir de discrimination en fonction des choix ou des orientations que la nature nous a donnés. Pour autant, ils n’impliquent pas le droit d’avoir une situation équivalente aux couples hétérosexuels en matière de gestation.

Les hasards de la vie peuvent amener des couples homosexuels à se trouver parents. Dans ce cadre-là il ne saurait y avoir discrimination à leur endroit. Mais ces situations singulières ne sauraient ouvrir le droit à avoir des enfants au même titre que les couples hétérosexuels, dans la mesure où la procréation naturelle ne peut le permettre.

Il me semble dangereux pour les droits de l’homme et l’État de droit de mettre sur le même plan ces deux éléments car cela fragilise la promotion des droits de l’homme et la cause homosexuelle en elle-même.

Comme le souligne à juste titre le rapport, les préjugés sont encore si ancrés dans les populations traditionnelles que des droits fondamentaux tels que le droit à la vie, à l’intégrité physique ne sont pas respectés vis-à-vis des minorités homosexuelles. N’ajoutons pas à la confusion en faisant voler en éclats le socle sur lequel est fondée la famille traditionnelle, au risque d’aggraver la discrimination dont souffrent les personnes ayant une orientation sexuelle différente.

Je rappellerai que dans le milieu politique lui-même, certains parlementaires sont obligés d’inventer une hétérosexualité de façade pour ne pas subir la discrimination ou tout simplement avoir une chance d’être élu.

Ne pas discriminer les minorités sexuelles est un droit fondamental. Seule l’éducation réussira à mettre fin à ces préjugés inacceptables !

Mais tel que je le rappelais, le respect des différences ne signifie pas un traitement différent des différences. C’est la définition du principe d’égalité tel qu’il est défini par le droit français. »

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté.

H – LA PROTECTION DES « DONNEURS D’ALERTE »

L'origine de ce rapport est à mettre en relation avec l'enquête diligentée par le Conseil de l'Europe sur les prisons secrètes de la CIA. De nombreuses informations furent apportées par les « donneurs d'alerte », personnes souhaitant informer les autorités gouvernementales de pratiques en marge de la légalité.

La Commission des questions juridiques a souhaité se pencher sur le statut de ces personnes qui informent les autorités de pratiques illégales sans qu'en retour leur sécurité soit garantie.

Aussi les projets de résolution et de recommandation ont-ils pour objet de proposer un statut légal protecteur aux « donneurs d'alerte » afin de les encourager à continuer leur travail de vigilance citoyenne sans être inquiétés par les pressions ou les menaces de représailles.

M. Michel Hunault (Loire -Atlantique – NC) a souligné l'importance qu'il y avait à protéger les donneurs d'alerte tant dans le secteur public que dans le secteur privé :

« Je félicite le rapporteur pour la qualité de son rapport et pour avoir mis l’accent sur l’exigence de l’éthique et la lutte contre la corruption. En effet, la protection des donneurs d’alerte s’avère un élément décisif pour l’efficacité de la lutte contre la corruption.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté voilà quelques années une convention civile et une convention pénale contre la corruption. Ce texte a fait l’objet d’une loi de transposition dans la plupart des pays du Conseil de l’Europe. J’ai eu l’honneur en France d’en être le rapporteur.

Á l’occasion des différentes auditions sur les difficultés rencontrées pour l’application de cette loi anticorruption, il y avait nécessité de protéger les donneurs d’alerte. En accord avec le Gouvernement, nous avons inséré une disposition visant à la protection de tous ceux qui dénonçaient un acte de corruption. Il s’est avéré que nous n’avons pas été jusqu’au bout, puisque nous l’avons uniquement protégé dans le secteur privé. Il y a lieu de l’étendre au secteur public. On croit par hypothèse que l’administration ne connaît pas la corruption. Or, quand l’État est faible, on assiste à des tentatives de corruption.

Je remercie le Président de m’avoir donné l’occasion d’intervenir et de dire au rapporteur que la protection des donneurs d’alerte doit être mise en place tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Dans le secteur public, parfois, la façon d’élaborer un dossier permet de détourner les lois anti-corruption. Je pense aux partenariats public/privé, au code des marchés publics, aux délégations de service public. C’est en ce sens que le rapport qui est présenté aujourd’hui prend toute son importance. Il convient de protéger les donneurs d’alerte. C’est un élément clef de l’efficacité de nos lois anticorruption.

Je félicite le rapporteur et la commission. Notre Assemblée parlementaire est dans son rôle en œuvrant pour une exigence de traçabilité. Il convient de placer l’éthique au cœur de la bonne gouvernance, ce qui évitera à l’avenir bien des drames et des conflits. »

Le projet de recommandation et le projet de résolution ont été adoptés par l'Assemblée parlementaire, à l'unanimité.

I –  MIGRANTS ET RÉFUGIÉS : UN DÉFI PERMANENT POUR LE CONSEIL DE L’EUROPE

La Commission des migrations, des réfugiés et de la population a présenté un projet de recommandation ayant pour objet de définir une stratégie européenne en matière d'immigration.

Le Conseil de l'Europe se doit de faire prendre conscience aux États que les flux migratoires sont une opportunité pour l'Europe.

Le projet de recommandation insiste sur l'importance d'une politique transversale en matière de migrations qui ne soit pas trop restrictive comme les directives européennes actuelles sur le sujet le laissent craindre.

C'est la raison pour laquelle le Conseil de l'Europe apparaît être l'organisation la plus à même de présenter un projet cohérent en matière de politique migratoire respectueuse des droits fondamentaux des plus vulnérables.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a précisé que c'était au Conseil de l'Europe de définir des standards en matière de protection des droits des migrants. C'est le défi du XXIème siècle :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, l’accueil des migrants et des réfugiés est une véritable gageure pour le Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, les flux migratoires se sont inversés ; de pays de migration, l’Europe est devenue un pays d’immigration.

Cette inversion des flux migratoires n’est pas sans conséquence sur le continent européen qui accueille plus d’un tiers des migrants du monde, notamment du point de vue de l’intégration par les pays européens de nouveaux venus de culture et de valeurs différentes.

L’opinion publique est souvent versatile, notamment en ce qui concerne la question des migrations. C’est sur ce paradoxe que je voudrais fonder mon intervention.

Si vous demandez lors d’un sondage aux Européens s’il faut renforcer la lutte contre l’immigration, notamment clandestine, vous êtes certain d’obtenir un score important.

Or, lorsque c’est votre voisin, la mère du camarade de votre fils, la compagne de jeu de votre fille, en situation irrégulière, qui se trouvent sur le point d’être expulsés, les lois deviennent trop dures, trop injustes parce que le migrant abstrait en situation irrégulière a laissé la place à l’être humain, désemparé, avec lequel on a tissé des liens.

Je souhaite m’attacher à ce sentiment véritable qui se fait jour une fois que l’on a chassé la peur de l’autre. Pour clarifier les choses, je souhaite préciser que l’État a bien sûr le droit de se défendre contre l’immigration clandestine et les réseaux mafieux qui la nourrissent, mais que cette lutte ne doit pas se faire au détriment des droits fondamentaux.

Et, pour plagier Molière, je rappellerai que pour être un migrant, il n’en est pas moins un homme, avec des droits qui doivent être respectés !

Le Conseil de l’Europe est face à un défi que l’excellent rapport de notre collègue, Mme Doris Fiala, souligne bien.

L’Europe est aujourd’hui un véritable lieu de migrations tant des pays tiers qu’à l’intérieur de l’Union; aussi risque-t-on de développer des doubles standards entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe en termes de protection des droits de l’homme et des migrants en situation irrégulière. Notre institution doit apporter une réponse claire et sans ambiguïté à ce risque.

Je souscris entièrement à deux des propositions de la rapporteure :

- incorporer le droit d’asile dans la Convention européenne des droits de l’homme de manière à ce que les personnes qui fuient leurs pays pour des raisons liées à la non protection des droits de l’homme soient assurées de recevoir un standard de protection identique quel que soit le pays dans lequel elles arrivent ;

- créer un nouveau Comité intergouvernemental ayant pour mandat permanent d’examiner les questions relatives à l’asile, aux réfugiés et aux personnes déplacées.

En effet, la réponse que l’on peut apporter à la protection des droits de migrants ne peut être qu’une réponse transversale, la situation des migrants étant diverse.

C’est seulement par un traitement humaniste de cette question que l’on réussira véritablement à répondre au paradoxe que je soulignais au début de mon intervention : construire une véritable politique migratoire qui protège les frontières et la souveraineté de l’État sans que la protection des droits de l’homme ne soit, pour autant, oubliée.

La question migratoire est un défi du XXIe siècle auquel la protection des droits de l’homme devra apporter la preuve de son efficacité. C’est un des sujets les plus délicats en termes de libertés publiques, car il se trouve au cœur de la souveraineté : la possibilité pour un État d’être garant de ses frontières. Aussi n’est-il pas possible de répondre de manière légère à cette question car le phénomène migratoire ne va pas s’estomper.

Dans l’attente de la création d’une véritable citoyenneté européenne qui dépasse les frontières de l’Union européenne, seul le Conseil de l’Europe pourra établir un standard de protection et trouver les moyens, par le biais de la coopération intergouvernementale, de construire une politique équilibrée qui respecte le principe de sûreté et la protection des libertés fondamentales, au nombre desquelles se trouve la liberté d’aller et de venir.» 

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté à l'unanimité.

J – BIODIVERSITÉ ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

La Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales s'est interrogée sur la question de la biodiversité et du changement climatique à la suite du sommet de Copenhague.

L'objet de la recommandation est de sensibiliser les gouvernements à l'importance de prendre des mesures qui permettent de sauvegarder la biodiversité que l'action anthropique tend à faire disparaître.

L'ONU a déclaré l'année 2010, année internationale de la diversité biologique.

Le projet de recommandation a été adopté à l'unanimité.

V – L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE

A – COMMUNICATION DU M. MEHVLÜT ÇAVUSOGLU, PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a ouvert la deuxième partie de la session ordinaire en rendant hommage au président polonais défunt Lech Kaczynski et à toutes les victimes de la catastrophe aérienne de Smolensk le 10 avril 2010.

Il a rappelé les défis auxquels est confronté le Conseil de l’Europe : le fonctionnement de la démocratie et de l’État de droit n'est jamais assuré et demande un investissement permanent.

Plus précisément, il a fait part de sa préoccupation quant au difficile arrimage du Bélarus à la démocratie, l’influence du Conseil de l’Europe étant restée sans effet sur le seul pays du continent qui n'en est pas membre.

Il a souligné le travail accompli par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et plus particulièrement le rôle qu’elle a eu dans la prise en compte des questions constitutionnelles en Bosnie-Herzégovine et en Moldova, la résolution du conflit entre la Géorgie et la Russie...

En outre, il a salué la stratégie qui consistait à rapprocher des États non membres du Conseil de l’Europe et de ses normes, les Parlements du Maroc et du Kazakhstan devraient bientôt faire une demande officielle afin de bénéficier du « statut de partenaire pour la démocratie. »

B – RAPPORT D’ACTIVITÉ DU BUREAU DE L’ASSEMBLÉE ET DE LA COMMISSION PERMANENTE RAPPORTEUR M. JEAN-CLAUDE MIGNON

Le président de la délégation française au Conseil de l’Europe, M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a été désigné par le Bureau pour présenter l’activité du Bureau et de la Commission permanente. Il a souligné tant l’importance du travail accompli par le Conseil de l’Europe en termes de protection des droits de l’homme que l’importance de la réforme à venir de l’institution, notamment afin que la Cour européenne des droits de l’homme ne soit plus victime de son succès. Il a relevé l'avancée que constituait pour la santé publique le projet de convention sur la lutte contre la contrefaçon des médicaments. Il a néanmoins déploré la faible médiatisation du travail du Conseil de l’Europe au regard des enjeux.

M. Jean-Claude Mignon a précisé en réponse aux questions qui lui étaient posées que le rôle essentiel de la Pharmacopée en matière de lutte contre la contrefaçon des médicaments n’était pas suffisamment souligné. En outre, il a rappelé l’importance du rôle de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et s’est inquiété du refus de certains parlements d’empêcher leurs parlementaires de siéger pour des raisons d’économie budgétaires :

«Je remercie tout d’abord tous ceux qui ont participé à ce débat, particulièrement riche.

Je voudrais tout d’abord dire à mon ami M. Díaz Tejera que je partage sa passion. Cette passion est d’ailleurs celle des 318 parlementaires du Conseil de l’Europe. On a l’habitude de dire de notre Assemblée qu’elle est la maison de la démocratie. C’est aussi une maison au sein de laquelle on apprend la tolérance et le respect mutuel.

Le cas de la délégation slovaque a été évoqué. Nous avons en effet parmi nous un seul parlementaire slovaque. Et encore vient-il parce qu’il a payé de ses propres deniers son voyage aller-retour. Nous ne pouvons pas accepter cette situation et je suggère, monsieur le Président, que vous en parliez avec le président du Parlement slovaque.

Quant à l’interdiction faite aux collègues espagnols de participer à certaines réunions, je ne puis la comprendre. Il faut dire que j’ai horreur du mot interdiction et que, depuis tout petit, lorsque l’on m’interdit quelque chose, je le fais ! Je ne crois pas qu’on puisse interdire à un parlementaire, qui représente le peuple, de faire son travail. Il faudra en parler au président des Cortes.

Nous sommes aujourd’hui tous d’accord pour dire que nous avons un bon Secrétaire Général. Nous sommes tous derrière lui et nous souhaitons tous que les réformes qu’il préconise aboutissent dans les meilleurs délais.

L’Union européenne et le Conseil de l’Europe ? Vaste débat ! D’ailleurs, nous éprouvons le besoin d’en parler à chaque fois que nous nous rencontrons. Il serait, je pense, grand temps que l’Union européenne, ses parlementaires et ses institutions, nous reconnaissent et, pour certains, s’aperçoivent que nous existons depuis 60 ans et que notre bilan est digne d’éloges.

Je remercie MM. Wilshire et Volontè pour leur propos, auquel je n’ai rien à ajouter. M. Marquet a eu raison de parler de la Pharmacopée, car je crois que nous n’en parlerons jamais suffisamment. En écoutant la radio ce matin, une radio française, j’ai constaté avec bonheur que l’on parlait enfin du Conseil de l’Europe. C’était à propos de la campagne de lutte contre les châtiments corporels.

J’aimerais aussi qu’on parle de la Pharmacopée qui est l’objet d’un travail exceptionnel.

M. Tiny Kox a évoqué le fonctionnement du Conseil de l’Europe et de ses organes. Je n’ai rien à ajouter à ce sujet.

Je partage l’émotion de M. Konstantin Kosachev. Le monde entier l’a partagée.

M. Iwiński a fait part de la réconciliation russo-polonaise. En ce qui nous concerne, notre ambition va au-delà. Nous voulons être à l’origine de toutes les réconciliations entre tous les États membres du Conseil de l’Europe.

Chère Anne Brasseur, si j’avais la solution pour mieux faire connaître ce que fait le Conseil de l’Europe, je serais au moins ministre des Affaires étrangères dans mon pays, mais ce n’est pas demain la veille ! »

C – COMMUNICATION DE M. THORBJØRN JAGLAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général est intervenu devant l'Assemblée parlementaire pour faire part de l’avancée du processus de réforme du Conseil de l’Europe. Outre le fait qu’il a affirmé souhaiter maintenir des liens étroits entre l’exécutif et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il a précisé quels étaient les maîtres mots des changements à venir : « cohérence, cohésion, et consolidation ».

En recentrant les activités du Conseil de l’Europe sur la protection des droits de l’homme, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe a mis en évidence qu’il fallait renforcer la présence du Conseil de l’Europe sur le terrain ce qui se traduirait concrètement par un renforcement des organismes de suivi, du bureau du Commissaire aux droits de l’homme et de la coopération ciblée avec les États membres.

Par ailleurs, l’adhésion de l’Union européenne à la Cour européenne des droits de l’homme constitue un objectif fondamental qui permettra de construire un espace juridique commun sur l’ensemble du continent européen, l’objectif politique majeur du Conseil de l’Europe restant d’éviter de nouvelles lignes de fracture sur le continent européen.

D – INTERVENTION DE MME MICHELINE CALMY-REY, CHEFFE DU DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA SUISSE, PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES

Mme Micheline Calmy-Rey a dressé un bilan de la présidence suisse du Conseil de l’Europe. Elle s’est félicitée des bonnes relations entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des ministres qui ont conduit notamment à l’adoption de la Déclaration interprétative conjointe sur les futures élections du Secrétaire général.

Elle a particulièrement mis en évidence le fait que la Conférence d’Interlaken, consacrée à l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme, avait été un moment fort de la présidence suisse. Elle a cependant souligné qu’il ne s’agissait que du début d’un processus.

Elle a par ailleurs souligné que des progrès avaient été enregistrés dans le rapprochement avec le Bélarus, progrès qui ont néanmoins été remis en cause par les deux exécutions capitales qui ont mis fin au moratoire sur la peine de mort.

Elle a souligné que la priorité actuelle restait la mise en conformité des institutions de Bosnie-Herzégovine avec la convention européenne des droits de l’homme ainsi que le respect du droit humanitaire suite au conflit entre la Géorgie et la Russie.

Elle a rappelé que la prochaine adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales était très importante pour le Conseil de l’Europe.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a salué les initiatives prises par la présidence suisse et a demandé des précisions sur la campagne « Dosta » en faveur de la non-discrimination vis-à-vis de la population rom :

« Madame la Présidente, je voudrais saluer les initiatives que vous avez prises pour rapprocher notre Organisation, ses valeurs et les citoyens.

Ma question porte sur les dix millions de Roms qui vivent en Europe et qui font encore trop souvent l’objet de discriminations en tous genres. Le Conseil de l’Europe a engagé une campagne, la campagne Dosta, pour mieux faire connaître les Roms et combattre les préjugés qui demeurent tenaces. Quelles sont les grandes lignes de cette campagne et quand le Comité des Ministres entend-il en dresser un bilan ?

La présidente du Comité des ministres a expliqué quelles étaient les grandes lignes de la politique envisagée pour protéger les roms des discriminations dont ils font toujours l’objet :

« Le coordinateur pour les activités « roms, tsigane », nommé par le Secrétaire Général, coordonne les activités du Conseil de l’Europe dans ce domaine : il promeut la coopération avec d’autres organisations internationales concernées et développe des relations de travail avec les associations roms et les gens du voyage. Les jalons pour 2010 sont les suivants : encourager les gouvernements à œuvrer et à mettre en œuvre des stratégies nationales globales pour les Roms et pour les gens du voyage; promouvoir les textes relatifs aux Roms, par exemple la nouvelle Recommandation du Comité des Ministres sur l’éducation des Roms et gens du voyage ; élargir la campagne de lutte contre l’anti-tzsiganisme « Dosta » ; promouvoir le matériel pédagogique et instaurer une journée internationale des Roms. En 2010, une déclaration conjointe du Président de l’Assemblée et de moi-même a été formulée en ce sens. Enfin et surtout, il convient de former des juristes et des ONG désireux de saisir la Cour européenne des droits de l’homme ou d’invoquer la Charte sociale. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a souhaité savoir, au nom du groupe ADLE, quelles solutions pouvaient s’offrir au Conseil de l’Europe afin de reprendre le dialogue avec le Bélarus, face à l’échec des initiatives précédentes :

« Madame la Présidente, vous avez indiqué que nous faisions d’un moratoire sur la peine de mort un préalable absolu à la poursuite d’un nouveau dialogue avec le Bélarus. Vous avez rappelé que des exécutions capitales venaient malheureusement de montrer que les perspectives étaient lointaines; vous avez rappelé aussi que le Conseil avait condamné ces exécutions – c’était le moins que nous puissions faire ! Ma question sera simple : et maintenant que fait-on ? »

La présidente du Comité des ministres a appelé à ne pas cesser les efforts pour rapprocher le Bélarus des valeurs du Conseil de l’Europe :

« Et maintenant que fait-on ? On continue! Nous poursuivons nos efforts en vue d’œuvrer à un rapprochement du Bélarus avec le Conseil de l’Europe. Une condition est posée très clairement à la fois par le Comité des Ministres et par l’Assemblée parlementaire : la suppression de la peine de mort ou, à tout le moins, un moratoire sur les exécutions. Je vous ai dit les discussions que j’avais eues au cours de ma présidence; elles faisaient suite à une série d’efforts partagés pour convaincre que ce pas était nécessaire au rapprochement avec le Conseil de l’Europe. Les efforts ne sont pas terminés.

En ce qui me concerne, je vous ai indiqué que des pas positifs avaient été réalisés, mais des exécutions ont eu lieu entre-temps, qui nous ont touchés profondément, ce que nous avons exprimé dans un communiqué commun avec le Secrétaire Général. Pour ma part, je reste ouverte au dialogue avec le Bélarus tant il est vrai que la pire des choses serait de fermer la porte. Cela signifie donc : on continue ! »

E – INTERVENTION DE M. VICTOR IANOUKOVITCH, PRÉSIDENT DE L’UKRAINE

Le président de l’Ukraine, M. Victor Ianoukovitch a salué le travail remarquable effectué par le Conseil de l’Europe. Il a précisé que son pays souhaitait poursuivre les réformes en vue de la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qu’il exercerait en mai 2011.

M. Victor Ianoukovitch a tenu à rassurer ses partenaires sur le fait que sa volonté de réforme en profondeur n’était pas un langage destiné au Conseil de l’Europe mais une volonté réelle notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption et la garantie de la liberté pleine et entière de la presse.

Par ailleurs, il a souligné que l’avenir de l’Ukraine était européen et que sa politique étrangère serait de parvenir à un équilibre avec les trois partenaires privilégiés de l’Ukraine, l’Europe, la Russie et les États-unis.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a souhaité des précisions sur l’engagement européen à venir de l’Ukraine notamment en ce qui concerne la mise en place d’une zone de libre-échange avec l’Union européenne :

« Monsieur le Président, depuis votre élection, vous avez donné des gages de votre engagement européen. Des incertitudes, voire des inquiétudes demeurent toutefois sur certains points. En l’occurrence, je voudrais savoir si l’Ukraine rejoindra la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan pour former une union douanière avec ces pays, ou si elle est déterminée à engager les réformes nécessaires à la mise en place d’une zone de libre échange avec l’Union européenne. »

Le président de l’Ukraine a indiqué quelle était la politique commerciale de son pays :

« L’Ukraine a fait son choix il y a déjà quelques années, qui consistait à rejoindre l’OMC. Depuis son adhésion, le temps s’est écoulé et l’Ukraine est maintenant bien intégrée dans cette organisation.

L’Ukraine est en train de développer ses politiques en s’inspirant des principes de l’OMC. C’est la raison pour laquelle former une union douanière avec la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan est impossible à l’heure actuelle, car les principes économiques et le statut de l’OMC ne nous permettraient pas d’adhérer à une telle union douanière. J’ai déjà répondu plusieurs fois à cette question.

Quant au développement d’une zone de libre échange avec l’Union européenne, c’est l’Ukraine qui en a pris l’initiative. Elle est appuyée par l’Union européenne. Donc, effectivement, nous nous sommes engagés sur cette voie. »

F – INTERVENTION DE M. SERGUEÏ LAVROV, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a, dans un long discours, rappelé la genèse du Conseil de l’Europe : la victoire des démocraties sur la « peste brune ». Il a salué la réconciliation entre les ennemis d’hier, France, Allemagne, Russie et Allemagne et aujourd’hui Pologne et Russie.

Il a souhaité que le travail des historiens permette une réconciliation entre les peuples et ne soit pas instrumentalisé, la Russie actuelle condamnant fermement le stalinisme.

Son discours a clairement précisé que la Russie devait être considérée comme un partenaire diplomatique fiable par l’Europe, que la Russie était revenue dans le jeu des grandes puissances, et qu’elle n’accepterait pas un nouvel ordre mondial administré par « un condominium américano-européen».

Il a souhaité que l’Europe cesse de se pencher sur son passé pour pouvoir «établir un partenariat concret pour la modernisation entre l’Union européenne et la Russie. ». Il a rappelé les risques que court encore l’Europe, depuis la fin de la guerre froide, les ferments nationalistes étant toujours vivaces depuis la chute du Mur.

Reprenant l’idée de la conclusion d’un traité pour la sécurité européenne lancée en juin 2008 à Berlin par le président Medvedev, il a précisé que la Russie souhaitait rendre le principe de l’indivisibilité de la sécurité juridiquement contraignant.

Il a appelé à ce que le Conseil de l’Europe soit le « rempart humanitaire pour une nouvelle architecture de la sécurité européenne » en instaurant une « sécurité douce », et qu’il demeure le principal législateur européen.

Pour la Russie, réformer le Conseil de l’Europe permettra à un espace paneuropéen de vivre en harmonie et en paix et surtout d’éviter de remplacer l’ancien « le rideau de fer » par un nouveau « rideau de visa ».

G – MISE EN œUVRE EFFECTIVE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME : LE PROCESSUS D’INTERLAKEN

La Conférence d’Interlaken a mis en exergue l’importance de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’architecture du Conseil de l’Europe. Elle a surtout été à l'origine d'un processus de réflexion qui permettra de trouver des solutions pérennes pour éviter un engorgement de la Cour.

L’Assemblée parlementaire n’a pas été directement associée à cette conférence intergouvernementale. La résolution a pour objet de rappeler le rôle essentiel que l’Assemblée parlementaire devra jouer dans le suivi du processus d’Interlaken, notamment du fait de son interaction avec les parlements nationaux.

Il importe, en effet, de rappeler que seule une meilleure exécution des arrêts de la Cour permettra de donner tout son sens au principe de subsidiarité, et de désengorger le prétoire de la Cour.

Mme Widmer-Schlumpf, Chef du Département fédéral de la justice et de la police de la Suisse, a présenté quelques réflexions sur le suivi d’Interlaken. Elle a, en particulier, souligné que les mesures dites à droit constant seraient les plus difficiles à prendre : respect du principe de subsidiarité, jurisprudence claire et précise de la Cour européenne, sélection des juges de la Cour.

Cette approche à droit constant n’exclut pas la nécessité d’amender la Convention.

Le processus d’Interlaken paraît être voué au succès et sera le moyen de continuer à assurer une protection effective des droits de l’homme.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) s’est exprimé au nom du groupe ADLE. Il a précisé que le processus d’Interlaken n’en était qu’à ses débuts et qu’en l’occurrence l’adhésion de l’Union européenne à la Convention - ce dont il fallait se féliciter- ne devrait pas résorber le stock des affaires en souffrance :

« Mes collègues du groupe des démocrates et des libéraux et moi-même tenons d’emblée à féliciter chaleureusement notre rapporteure, Mme Bebelmans-Videc, pour la pertinence et la clarté de son rapport.

Nous voulons également remercier la présidence suisse d’avoir pris l’initiative de la Conférence d’Interlaken et d’avoir ainsi permis au Comité des ministres d’aborder enfin la question de l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle est et doit rester au cœur du Conseil de l’Europe.

Victime de son succès avec 120 000 affaires en instance, la Cour consacre de plus en plus de temps au filtrage des requêtes, filtrage qui conclut d’ailleurs très souvent à l’irrecevabilité et qui met surtout la Cour au bord de l’asphyxie.

La ratification par la Russie, tant attendue, du Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l’homme et sa mise en œuvre, désormais imminente, devraient permettre de désengorger la Cour en simplifiant les procédures de recevabilité.

Mais le chemin étant ainsi rouvert, il fut possible de revenir sur l’ensemble du sujet, ce qui fut fait à Interlaken. Nous ne devons pas oublier que la responsabilité des États parties est engagée. Ils doivent veiller au respect de la Convention et appliquer la jurisprudence de la Cour afin de limiter dès l’amont le nombre de recours. Nous devons aussi réaffirmer le maintien de la gratuité du dépôt des requêtes, sauf à vouloir interdire de facto l’accès à la Cour des ressortissants des pays à moindre niveau de vie.

La situation difficile que connaît la Cour pose plus généralement la question de son financement. Le contexte budgétaire est contraint tant au niveau du Conseil de l’Europe que des États membres, mais l’allocation par la Cour des moyens nouveaux qui lui sont nécessaires ne peut se faire à enveloppe globale constante du Conseil au détriment des autres institutions de notre Organisation. Il convient donc de trouver une solution au financement de la Cour et de l’ensemble des organes du Conseil.

Il s’agit maintenant d’appliquer les grands principes arrêtés à Interlaken. Ce n’est pas la partie la plus facile. La Conférence a connu, le succès que l’on espérait, mais les ambiguïtés du consensus a minima par lequel il a fallu passer pour obtenir ce succès vont certainement se révéler assez vite. Les propositions du groupe de travail sur le suivi de la Conférence seront donc essentielles.

Enfin, il faut préparer l’adhésion, prévue par le Traité de Lisbonne, de l’Union européenne à cette convention. Cette adhésion introduira un contrôle juridictionnel externe en matière de protection des droits fondamentaux dans l’Union. Elle rendra la Cour de Strasbourg compétente pour examiner les actes des institutions communautaires. Elle offrira également une nouvelle possibilité de recours aux particuliers qui pourront désormais, après avoir épuisé toutes les voies nationales de recours, saisir la Cour de Strasbourg d’une plainte pour violation, cette fois par l’Union, des droits fondamentaux. Soyons lucides: cela n’ira pas dans le sens d’une résorption du stock des affaires en instance, mais c’est nécessaire.

J’ajoute que cette adhésion de l’Union européenne nécessitera la négociation entre l’Union et l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe d’un traité modifiant la Convention. Ce traité devra aborder de nombreuses questions telles que le champ de l’adhésion, sa portée, le traitement des requêtes ou encore la participation de l’Union aux institutions du Conseil de l’Europe. »

On le voit, nous sommes là devant un vaste chantier. Nous devons donc, mes chers collègues, poursuivre avec détermination l’effort de réforme si heureusement inauguré à Interlaken.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a précisé que l’Assemblée parlementaire avait un rôle important à jouer dans le processus d’Interlaken notamment en termes de contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la Conférence d’Interlaken a été un succès, mais ce ne sont que les prémices d’un long processus.

Je souhaiterais souligner deux points qui me semblent fondamentaux dans le processus d’Interlaken.

Tout d’abord, la réaffirmation par les États de leur attachement au principe du recours individuel et au principe de subsidiarité.

Si le recours individuel est la clef de voûte du système, c’est bien parce que le principe de subsidiarité ne fonctionne pas véritablement. En effet, une véritable mise en œuvre du principe de subsidiarité reviendrait à solliciter nettement moins la Cour, puisque la Convention européenne des droits de l’homme serait effectivement mise en œuvre au niveau des États membres. Force est de constater que nous sommes malheureusement encore bien loin de cet état de fait.

Ensuite, je souhaiterais profiter du fait que nous sommes tous ici aujourd’hui réunis pour souligner l’importance des parlements nationaux dans la mise en place du principe de subsidiarité.

Le principe de subsidiarité est évidemment mis en œuvre tout d’abord par les juges au travers du respect du contrôle de conventionalité et, donc, de la conformité du droit national au droit de la convention.

Cependant, le rôle des parlements reste non seulement essentiel mais, à mon sens, dans le prolongement du processus d’Interlaken, il devrait être renforcé.

En effet, au sein de nos délégations nationales nous pourrions suivre la réalité de l’exécution des arrêts. Il appartient, en effet, au Parlement dans sa fonction de contrôle, et pas seulement au juge national, de vérifier l’effectivité de nos engagements internationaux.

C’est à nous, représentants des parlements nationaux, d’être la vigie de la Cour !

D’autre part, certains des arrêts de la Cour nécessitent l’intervention du législateur et non pas du juge pour se conformer au respect des stipulations de la Convention. Dans le système juridique français, c’est la loi qui est protectrice des libertés individuelles, et le silence de la loi ne peut être rempli que par l’action du législateur.

Je prendrai un exemple propre à la France. L’arrêt de la Cour précisant que les enfants adultérins devaient avoir des droits patrimoniaux équivalents à ceux des enfants nés au sein d’une union légale nécessitait l’intervention du législateur pour changer un Code civil qui reflétait les mœurs du XIXe siècle et non plus ceux du XXIe siècle.

Enfin, mais ce n’est pas le point le moins important, le système européen est particulièrement novateur et démocratique puisque ce sont les parlementaires de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui élisent les juges qui siègeront au sein de la Cour européenne des droits de l’homme. À ce titre, les propositions du Président de l’Assemblée parlementaire, à savoir la possibilité pour celle-ci d’auditionner, en présence des médias, les ministres des pays qui ne se conforment pas à l’obligation conventionnelle d’exécuter les arrêts de la Cour, serait une novation importante en termes de contrôle démocratique.

Je souhaiterais néanmoins apporter un tempérament à cette collaboration essentielle entre la Cour et les parlements nationaux.

Premièrement, je souscris entièrement aux recommandations d’Interlaken qui proposent, au sein de cette Assemblée, mais en collaboration avec les exécutifs nationaux – car ce sont eux qui proposent les listes de juges sur lesquels l’Assemblée aura à se prononcer – d’assurer un contrôle plus ferme sur les compétences des juges que nous élisons car c’est à ce titre que cette spécificité démocratique européenne pourra perdurer.

Deuxièmement, le principe de subsidiarité tel que nous l’entendons, sans revenir à une culture du souverainisme juridique, ne doit pas faire de la Cour un quatrième degré de juridiction qui se substituerait aux instances démocratiquement élues. Cependant, j’ai confiance en nos institutions et au travail remarquable qu’a effectué la Cour pour ne pas croire que ce danger en soit véritablement un.

Nous pouvons être fiers du travail accompli et de la construction par la Cour d’un syncrétisme juridique qui est une source d’inspiration pour l’ensemble des États membres. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) s'exprimant au nom du groupe PPE a tenu à souligner les risques inhérents au principe de l'autorité de la chose interprétée en termes de déficit démocratique :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation difficile: la Cour européenne des droits de l’homme, victime de son succès, risque à l’avenir de ne plus pouvoir assurer son office.

Le processus d’Interlaken ouvre un espoir sans pour autant véritablement répondre à toutes les questions posées notamment parce qu’il demeure une initiative intergouvernementale.

Je souscris entièrement aux conclusions de la rapporteure qui souhaite introduire une dimension parlementaire dans le suivi du processus d’Interlaken.

Le discours du Président de la Cour européenne des droits de l’homme, Jean-Paul Costa, le 19 avril 2010, devant le Conseil d’État rappelait à propos du principe de subsidiarité le rôle des Parlements nationaux dans sa mise en œuvre.

La garantie des droits fondamentaux «revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme» comme l’a clairement affirmé la Cour elle-même dans «l’affaire linguistique belge» de 1968 ou dans l’arrêt Handyside, de 1976.

Je souhaiterais aborder prioritairement deux questions soulevées par ce rapport: la contribution des parlements nationaux au principe de subsidiarité et l’autorité des décisions de la Cour, ces deux questions étant corrélées.

Les parlements nationaux doivent jouer un rôle fondamental en termes d’application du principe de subsidiarité : rôle de vigie, du fait de leur pouvoir de contrôle, de l’exécution des arrêts par le gouvernement.

Je souscris entièrement à cette idée qui associerait plus étroitement nos parlements respectifs au respect de la Convention. La délégation parlementaire du Conseil de l’Europe pourrait, par ailleurs, être le pilote de cette novation.

Je reste davantage réservé quant à l’autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne l’autorité de la chose interprétée. En effet, il est d’une part difficile de transposer des arrêts s’appliquant à un pays voisin dont le système juridique semble proche du nôtre sans qu’il soit pour autant identique.

Peut-on, en effet, se sentir juridiquement lié par un arrêt dont les conclusions restent sujettes à interprétation? La Cour a jugé récemment que la garde à vue, dans un régime juridique d’exception, en Turquie, n’était pas conforme au droit européen. Pour autant, la transposition des conclusions de cet arrêt ne va pas de soi.

D’autre part, cette question pose un problème en termes de légitimité démocratique. Les parlements nationaux étant les représentants de la souveraineté nationale à travers la loi qu’ils votent, quelle serait la légitimité de la Cour européenne des droits de l’homme si on reconnaissait une autorité de la chose interprétée à ses décisions ? Cela ne reviendrait-il pas à la transformer en un quatrième degré de juridiction et à lui donner une légitimité qui transcende la légitimité démocratique nationale ?

L’autorité de la chose interprétée peut avoir des effets pervers. En revanche, il est certain que l’exécution des arrêts, une fois que le pays a été condamné par la Cour, permettra de lutter contre l’engorgement contentieux de la Cour en évitant de juger des affaires répétitives.

Le tempérament que j’apporte ici n’est en aucun cas une remise en cause du rôle de la Cour, qui a effectué un travail remarquable et que je salue. Les avancées en matière de droits de l’homme sont réelles. Le Président de la Cour européenne des droits de l’homme effectue un travail excellent et une magistrature d’influence qui donne à la Cour toute son autorité morale.

Le respect du principe de subsidiarité a donc pour corollaire d’associer pleinement les parlements nationaux au processus d’Interlaken sans pour autant que leur légitimité démocratique soit mise à mal. »

Le projet de résolution a été adopté.

H – EURO-MÉDITERRANÉE : POUR UNE STRATÉGIE DU CONSEIL DE L’EUROPE

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), rapporteur de la Commission des questions politiques a présenté le projet de résolution et le projet de recommandation qui visent à donner au Conseil de l’Europe un rôle à part entière dans la promotion d’une politique méditerranéenne, notamment en termes de culture et de respect des droits de l’homme :

«  La stabilité et la paix en Méditerranée sont essentielles pour la stabilité et la paix en Europe et dans le monde. Nous considérons tous, je pense, que l’Europe, riveraine de la Méditerranée, peut et doit contribuer à les construire. Telle était la raison d’être du processus de Barcelone.

Même s’il était centré sur le développement et la protection des équilibres naturels, il visait la construction de la paix par la mise en œuvre de la méthode Schuman et des « solidarités de fait ». Le processus de Barcelone a été consacré dans le cadre de sa politique de voisinage par l’Union européenne. Dans sa propre politique de voisinage, le Conseil doit réfléchir à une stratégie spécifique où ses complémentarités avec l’Union seraient appelées à s’exprimer.

Voyons donc d’abord où en sont respectivement l’Union et le Conseil.

L’Union pour la Méditerranée a été lancée à Paris, sous présidence française de l’Union européenne, pour donner un nouveau souffle au processus de Barcelone, au travers d’une relance du dialogue politique, d’un rééquilibrage de sa gouvernance et de la recherche d’une plus grande visibilité sur des projets concrets. Fort heureusement, elle a pu être d’emblée structurée comme l’affaire, d’une part, de toute l’Union européenne et non d’un groupe de ses États, et d’autre part, de seize pays tiers, associés de plein exercice.

Sur le fond, on peut cependant se poser la question du niveau d’ambition de l’Union pour la Méditerranée dans les domaines qui sont la raison d’être du Conseil de l’Europe : l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme.

Si ces sujets essentiels n’apparaissent pas immédiatement prioritaires dans la présentation qui a été faite de l’Union pour la Méditerranée, est-ce un oubli ? Je ne l’imagine pas. Est-ce par renoncement ? Cela me semble impensable. Par réalisme ? Sans doute. L’Union pour la Méditerranée a, en effet, d’emblée mesuré les difficultés qu’il faudra surmonter à Gaza ou ailleurs. Or, il est important qu’elle apparaisse rapidement comme porteuse de progrès concrets et sensibles. Nous le souhaitons tous. Nous saluons donc sa prudence et ses choix.

Devons-nous alors la relayer dans ces domaines au risque d’être perçus comme plus inconscients, voire comme donneurs de leçons? Je le pense, mais alors, en prenant toutes les précautions voulues pour minimiser ces risques, sans pour autant composer sur les ambitions auxquelles, sauf à nous renier, nous ne devons jamais renoncer: le respect de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme. Nous devons le faire aussi avec réalisme et humilité, en utilisant toutes les armes qui sont celles du Conseil, donc avec l’implication de l’ensemble de ses organes, notamment de notre Assemblée, la diplomatie parlementaire pouvant trouver ici un exceptionnel terrain d’expression. En particulier, nos échanges avec nos collègues tunisiens ou marocains, désormais réguliers et confiants, me semblent très encourageants.

Nous devons le faire, enfin, en valorisant tout l’acquis constitué par les multiples travaux déjà réalisés ou engagés. Je citerai en particulier le dialogue qui se développe sur le conflit israélo-palestinien, soulignant ici la qualité du rapport de notre collègue M. Fassino.

Je citerai aussi les travaux de fond réalisés par Josette Durrieu sur le Maghreb, par Gabino Puche Rodríguez-Acosta sur le Sahara occidental, ou encore, tout récemment, par Bernard Marquet sur l’acuité du rôle de l’eau dans le bassin méditerranéen. Je pense naturellement à la nécessaire, constante et féconde implication du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux sur toutes ces questions.

Nos normes communes sont déjà partiellement partagées par le Sud. Israël, la Tunisie ou le Maroc ont adhéré à plusieurs conventions. La Commission de Venise, comme le Centre Nord-Sud, cette belle « fenêtre sur le monde », sont au centre de dialogues de haut niveau. Le Groupe Pompidou sur les stupéfiants ou les accords EUR-OPA sur les risques majeurs sont porteurs de coopérations efficaces et bien utiles à tous.

En réalité, même si cela a été longtemps implicite, l’Euro-Méditerranée existe depuis longtemps. Ne parle-t-on pas presque depuis toujours, au nord comme au sud, de «Mare Nostrum» ? Le partenariat euro-méditerranéen n’est plus à inventer. Il faut simplement le faire vivre et l’approfondir, au plan général comme au plan du dialogue parlementaire, pour le plus grand bénéfice des peuples des trois continents qui bordent la Méditerranée et pour la paix dans le monde.

Les États membres du Conseil de l’Europe et notre Assemblée doivent mesurer l’attente de nos partenaires de la Méditerranée et prendre conscience de tout ce qu’eux-mêmes ont également à attendre de chacun des États non européens, riverains de cette mer.

Un vrai dialogue politique ne peut être partiel ou limité. Il doit être économique et social, il doit reposer sur la diversité des cultures, des patrimoines et des histoires, et être fondé sur le respect des identités. Il doit tout naturellement être ancré sur la primauté du droit, la démocratie et les droits de l’homme, ces principes qui fondent l’Union européenne et dont la promotion est depuis soixante et un ans la raison d’être du Conseil de l’Europe.

Ce n’est pas pour autant que le Conseil doit lancer une initiative parallèle à celle engagée par l’Union. Ce n’est pas pour autant que l’Union doit, pour réussir l’Union pour la Méditerranée, se doter d’organes nouveaux et qui lui seraient propres, pour jouer en interne le rôle qui est celui de notre Conseil. La simple rigueur des temps devrait l’interdire. D’autant qu’on s’apercevrait vite qu’une agence spécialisée, aussi performante soit-elle, ne pourra jamais apporter ce qu’offre le Conseil. Ou alors il faudrait recréer le Conseil de l’Europe. Mais puisqu’il existe avec tous ses organes dont chacun a un rôle à jouer, faisons l’économie de le réinventer ! Nous avons ici une réelle opportunité: montrons que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe peuvent intervenir, chacun dans sa compétence, avec ses talents et sa vocation, en étroite complémentarité. N’était-ce finalement pas à cela qu’appelait le rapport Junker sur les relations entre l’Union et le Conseil ?

Dans l’immédiat et très concrètement, la formule du partenariat pour la démocratie, fondée sur la fécondité de la diplomatie parlementaire, formule offerte depuis le mois de janvier, ne demande qu’à être mise en œuvre. Votre rapporteur pense qu’elle devra l’être avec le souci de faire du « sur mesure », pays par pays, si nous voulons la rendre utile pour tous, si nous voulons structurer un partenariat responsable et durable. Qui dit « partenariat » dit écoute, dialogue, partage des ambitions. Voilà qui doit être «personnalisé». Les premiers contacts noués sur ce point avec le Maroc, fin février, me semblent très encourageants, puisqu’ils ont immédiatement débouché sur une candidature, reçue ici voilà quelques jours, au partenariat pour la démocratie. Je crois pouvoir dire que nos collègues tunisiens, de leur côté, y réfléchissent très sérieusement.

L’Europe est baignée par les mers. Chacune de ces mers enrichit ses riverains et ouvre notre continent sur le monde. Parmi elles, la Méditerranée a toujours eu spécifiquement vocation à être, comme l’indique son nom, « au milieu des terres ». Il est urgent que nous la regardions vraiment comme un trait d’union, comme un pont, comme un centre et non plus comme une frontière.

Cela exige une référence constante à la culture, un développement des échanges économiques et un très grand souci de protection d’équilibres naturels souvent particulièrement fragiles. Cela suppose surtout un dialogue politique fondé sur la primauté du droit, la démocratie et les droits de l’homme – on ne le dira jamais assez.

Monsieur le Président, mes chers collègues, le présent rapport vise à servir cette ambition ! »

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC) suppléant M. Kumcuoğlu, rapporteur pour avis de la commission des questions économiques et du développement  a présenté l’avis de cette Commission. Cet avis soutient la proposition visant à clarifier les rôles respectifs du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée parlementaire pour la Méditerranée (APM) :

« La commission des questions économiques se félicite de l’excellent travail réalisé par M. Badré sur le thème de « L’Euro-Méditerranée: pour une stratégie du Conseil de l’Europe ». Elle partage dans une large mesure les principales conclusions et suggestions qu’il vient de rappeler, qui figurent à la fois dans le projet de résolution et le projet de recommandation. En tendant à clarifier le premier projet sous l’angle économique, notre amendement n 1 va d’ailleurs dans le sens de la commission des questions politiques.

Je remercie très sincèrement notre collègue rapporteur qui, au travers de ces deux projets, met très bien en évidence le rôle du Conseil de l’Europe vis-à-vis de l’Union pour la Méditerranée. Là encore, d’une manière générale, nous souscrivons à ses conclusions et propositions.

Dans la mesure où ce travail insiste sur les liens historiques, culturels, économiques et humains très étroits existant entre les deux rives de la Méditerranée, la coopération entre l’Europe et la rive sud de la Méditerranée mais, également, le Moyen-Orient et l’Asie centrale – y compris dans des domaines comme le dialogue interculturel et interreligieux – prennent toute leur dimension. Nous sommes d’accord avec M. le rapporteur : parce qu’il importe d’instaurer un lien plus fort entre les deux rives afin de promouvoir la démocratie et les droits de l’homme, nous devons non seulement adhérer sans réserve aux perspectives ouvertes par ces projets mais aussi rappeler le rôle du Conseil de l’Europe afin de sauvegarder, consolider et diffuser des valeurs et des principes auxquels nous tenons.

Quoi qu’il en soit, notre commission vise également à ce que les rôles respectifs de l’Union pour la Méditerranée, de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe soient clarifiés. Étant entendu qu’une interférence entre ces deux dernières organisations serait particulièrement dommageable, nous présenterons un amendement tendant à consacrer le rôle du Conseil dans la promotion des valeurs qui nous sont communes, l’Union européenne étant quant à elle chargée du versant concret et, notamment, économique de ces questions.

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC), s’est exprimé au nom du groupe socialiste.  Il a mis l’accent sur les échanges énergétiques comme facteur de paix et de cohésion méditerranéenne :

« Je tiens à mon tour à saluer, avec mon groupe, le rapport de M. Badré et les interventions de ce matin sur la stratégie du Conseil de l’Europe pour un partenariat Euro-Méditerranée.

Ce texte nous rappelle notamment ce qui doit être au cœur des préoccupations environnementales du Conseil de l’Europe: la dimension démocratique, la solidarité et les droits de l’homme.

Dans cet esprit, je souhaite, pour ma part, mettre l’accent sur un aspect du rapport de la commission de l’environnement présenté par Mme Papadimitriou. Il s’agit de l’énergie solaire évoquée dans le point 9 de l’exposé des motifs, qui constitue l’un des six projets prioritaires définis par l’Union de la Méditerranée. Ce projet vise à produire de l’électricité dans des zones désertiques, afin de la distribuer, via un réseau de courant continu à haute tension, dans les divers pays d’Europe.

Par ailleurs, le rapport insiste à juste titre, au point 13, sur la nécessaire solidarité entre les pays et sur l’importance de veiller au maintien du juste équilibre, entre le Nord, qui fournit les technologies, et le Sud, heureux propriétaire de ces abondantes sources d’énergie renouvelable. Nous savons qu’il suffirait d’une très faible part des surfaces des zones désertiques pour produire, via le solaire, l’énergie électrique nécessaire à l’ensemble de la planète. Encore faut-il être capable de la capter. Nous connaissons aussi la grande disponibilité d’une telle énergie. Il en est d’ailleurs de même pour l’énergie géothermique, comme je l’ai souligné dans la présentation en commission de mon rapport sur la géothermie.

En complément du projet solaire, le rapport évoque aussi la possibilité d’interconnecter cette production énergétique avec les productions d’énergie éolienne offshore des régions du nord de l’Europe. Ces projets qui représentent des investissements importants, de l’ordre de plusieurs centaines de milliards d’euros, font l’objet d’une activité soutenue de groupements, en particulier les projets « Desertech » et « Transgreen ».

Mes chers collègues, nous voyons bien qu’au moment où se prépare une évolution capitale dans ce domaine, et même si nous souhaitons tous, bien sûr, la réussite du développement des énergies renouvelables, nous devons tous nous interroger également sur les conséquences de tant d’évolutions pour le respect des populations et celui des équilibres démocratiques.

Il me semble important, par exemple, de vérifier que ces projets garantissent un rapport gagnant/gagnant. De même, il est également de notre rôle de vérifier si l’implantation de nouvelles centrales, électriques ou solaires, n’entraînera pas de conséquences pour l’environnement. En un mot, il est de notre devoir de toujours vérifier que de telles évolutions continuent de garantir le respect de la nature et des populations concernées. »

Mme Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a, quant à elle, insisté sur l'importance du développement de la dimension culturelle entre les pays des deux rives méditerranéennes :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à souligner l’excellent travail effectué par mon collègue le rapporteur, M. Badré, et préciser à quel point je suis sensible à ses arguments: en faveur du développement d’une stratégie du Conseil de l’Europe pour promouvoir un Partenariat euro-méditerranéen.

J’insisterai sur deux points du rapport et j’en évoquerai un troisième, à titre personnel.

Tout d’abord, comme le met en évidence M. Badré, si l’Union pour la Méditerranée a permis de relancer le processus de Barcelone, c’est bien parce qu’elle cherche à s’appuyer sur des «solidarités de fait» avant de mettre un préalable en termes de bonne gouvernance et de droits de l’homme.

Cette approche courageuse, nécessite pour être véritablement efficace la prise en compte du volet des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. A ce titre, le Conseil de l’Europe à un important rôle à jouer en vue d’établir un espace démocratique grâce à un dialogue partagé.

Si la Méditerranée a été le lieu des premiers échanges, elle est aussi aujourd’hui un lieu de tensions qui risquent de s’aggraver du fait de la pénurie d’eau et des ressources halieutiques.

Par ailleurs, je crois fermement à la diplomatie parlementaire comme moyen de diffusion des idées et des comportements démocratiques. Le Parlement est le lieu de la confrontation non violente des idées, de l’apprentissage du respect de la pensée de l’autre.

Le «statut de partenaire de la démocratie» est un bon exemple des solidarités démocratiques qui seraient à construire entre pays européens méditerranéens et pays des rives du Sud et de l’Est, entre Europe, Maghreb et Moyen-Orient.

En dernier lieu, je voudrais souligner mon attachement à la culture comme élément de promotion des droits de l’homme. La culture, c’est le lieu de l’échange, de la découverte et du respect de l’autre. C’est parce que nous partageons un espace en commun, la mer Méditerranée, des paysages, des cultures que nous souhaitons développer des partenariats iréniques. Parallèlement à ce socle commun, nos cultures sont diverses, mais c’est en les partageant que nous apprendrons à mieux nous connaître, nous comprendre, nous aimer.

La Méditerranée est un lieu de diversité où se côtoient les trois religions monothéistes, qui ont vécu jusqu’à un passé récent en paix autour de valeurs communes tout en respectant leurs particularismes. La Méditerranée fut et demeure au cœur des échanges, maritimes, culturels, et humains. Du fait de cette identité plurielle, le grand historien Fernand Braudel déclarait : « La Méditerranée est un lieu qui n’existe pas. » C’est à nous de le faire exister à travers une identité politique et culturelle.

Comme la culture de l’olivier a permis de façonner la paix, l’échange des cultures permettra de cultiver la démocratie là où les contempteurs de l’État de droit pensent qu’elle n’a pas lieu d’être. »

En tant que Méditerranéenne, j’exprimerai mon complet accord à l’idée d’un partenariat entre le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les pays de la Méditerranée, afin que l’espace méditerranéen retrouve son unité et son identité profondes. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), rapporteur a répondu que la diplomatie parlementaire, dans le cadre du Conseil de l’Europe, et notamment avec l’instauration d’un partenariat pour la démocratie était la pierre angulaire de la stratégie méditerranéenne du Conseil de l’Europe :

« Je remercie les intervenants pour le large assentiment qu’ils ont apporté à cet essai de définition d’une stratégie du Conseil de l’Europe concernant la Méditerranée. Je remercie tout spécialement les deux rapporteurs pour avis.

Mme Bergamini a eu raison d’évoquer le rôle important joué par le Centre Nord-Sud. J’ai moi-même eu grand plaisir à suivre l’une des conférences qu’il a organisées, à Rabat, en février dernier. Son travail porte déjà ses fruits.

M. Kühnel, qui intervenait au nom d’un pays non riverain de la Méditerranée, a bien fait de rappeler que la Méditerranée était l’affaire de toute l’Europe. M. von Sydow ne le démentira pas sur ce point. Pour ma part, je rappellerai simplement, sous forme de boutade, que l’Empire romain a connu un empereur qui se nommait Germanicus, et que Septime Sévère était originaire de Leptis Magna, qui se trouve maintenant en Libye. Cela illustre bien le fait que les pays européens et ceux de la Méditerranée ont un destin commun.

Mme Papadimitriou et M. Malgieri ont évoqué l’Assemblée pour la Méditerranée. Je suis bien sûr tout à fait d’accord pour m’y référer, mais pas pour détailler les conditions dans lesquelles elle joue son rôle, car ce n’est pas notre affaire. Notre affaire à nous, c’est d’étudier la stratégie que doit adopter le Conseil de l’Europe en complément de ce que fait déjà l’Union européenne.

J’insiste sur l’importance de la diplomatie parlementaire. Il est essentiel que la formule du Partenariat pour la démocratie soit initiée non par le Conseil de l’Europe en général mais bien par notre Assemblée parlementaire. Une diplomatie parlementaire active et bien tempérée doit être au cœur du renforcement des relations entre les parlements des différents pays qui ont la Méditerranée en commun.

Mon rapport salue l’existant mais entend aussi jeter les bases d’un dialogue toujours plus confiant, toujours plus fort. C’est bien pourquoi nous nous référons à cette formule du Partenariat pour la démocratie, qui avait été proposée dans un rapport sur la politique de voisinage du Conseil de l’Europe. Je pense qu’elle sera particulièrement féconde dans le bassin méditerranéen. L’exemple du Maroc, qui est désireux de se rapprocher de nous et qui a déposé sa candidature, l’illustre déjà.

Pour que le dialogue soit efficace, il faut qu’il soit confiant mais aussi exigeant. Nous aurons les mêmes exigences envers nos partenaires que nous en avons les uns vis-à-vis des autres. »

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés à l’unanimité.

ANNEXES

Annexe 1
Résolution 1727 (2010) – Situation au Bélarus : développements récents

1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1671 (2009) sur la situation au Bélarus dans laquelle, en réaction à certains progrès constatés dans la situation au Bélarus et afin d’encourager la poursuite de ce processus, elle définit une nouvelle politique d’engagement et d’ouverture dans ses relations avec les autorités bélarusses, tout en continuant à soutenir le renforcement des ONG et de la société civile bélarusses.

2. Elle rappelle également sa recommandation demandant au Bureau de lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus à condition qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété, et réitère sa conviction que « le dialogue ne peut être nourri que par des progrès continus du Bélarus vers les normes du Conseil de l’Europe ».

3. Ayant présentes à l’esprit ces considérations, l’Assemblée déplore que l’évolution récente de la situation au Bélarus révèle une absence de progrès vers les normes du Conseil de l’Europe et un manque de volonté de la part des autorités bélarusses d’adhérer aux valeurs du Conseil de l’Europe.

4. En particulier, l’Assemblée :

4.1. condamne les exécutions d’Andreï Jouk et de Vassily Youzeptchouk qui ont eu lieu en mars 2010 dans le plus grand secret et à un moment où le Comité des droits de l’homme des Nations Unies avait demandé un sursis aux exécutions en attendant que leurs cas soient examinés ;

4.2. exprime sa préoccupation à propos de la situation de la minorité polonaise au Bélarus, notamment en ce qui concerne le harcèlement répété de membres de l’Union des Polonais et la violation de leurs droits de réunion et d’association ;

4.3. regrette que les autorités du Bélarus n’aient pas invité d’observateurs internationaux à suivre les élections locales d’avril 2010 ;

4.4. bien qu’accueillant avec satisfaction le renouvellement pour une année supplémentaire de l’accord sur le Point info du Conseil de l’Europe dans les locaux de l’université d’État de Minsk, regrette que, malgré les efforts continus, les autorités bélarusses n’aient pas autorisé l’implantation de l’École est-européenne d’études politiques du Conseil de l’Europe au Bélarus.

5. L’Assemblée reste prête à nouer un dialogue progressif avec les autorités bélarusses en cas d’évolutions positives. Elle souligne, toutefois, qu’il ne peut y avoir de progrès dans le dialogue sans des progrès vers les normes du Conseil de l’Europe et un engagement politique clair de la part des autorités bélarusses d’adhérer aux valeurs du Conseil de l’Europe, prouvés par des actions s’inscrivant dans ce sens.

6. Compte tenu des événements récents, l’Assemblée décide par conséquent de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre l’Assemblée et le parlement du Bélarus et/ou les autorités gouvernementales.

7. L’Assemblée continuera de suivre de près l’évolution de la situation au Bélarus.

1 Discussion par l’Assemblée le 29 avril 2010 (16e séance) (voir Doc. 12223, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : Mme Hurskainen et Doc. 12224, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Pourgourides). Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2010 (17e séance)

Annexe 2
Recommandation 1919 (2010)
Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe

1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1731 (2010) « Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe ».

2. Elle réitère l’importance qu’elle attache au renforcement de la coopération et des échanges avec les pays de la Méditerranée afin de promouvoir les principes et valeurs de démocratie, des droits de l’homme et de prééminence du droit et de contribuer ainsi à la paix, à la sécurité et à la stabilité de cette région.

3. Elle constate que l’Union européenne et tous ses États membres, ainsi que six autres États membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monaco, Monténégro, Turquie) font partie de l’Union pour la Méditerranée établie en juillet 2008 pour bâtir, ensemble avec les partenaires de la rive sud de la Méditerranée, un avenir de paix, de démocratie, de développement durable et de prospérité, fondé sur la compréhension humaine, sociale et culturelle.

4. Elle estime que le Conseil de l’Europe pourrait apporter une contribution utile au processus de partenariat euro-méditerranéen dans ses domaines de compétence.

5. Elle recommande donc au Comité des Ministres d’envisager, avec l’Union européenne, partenaire naturel du Conseil de l’Europe, la possibilité et les modalités pratiques d’une telle contribution.

6. Par ailleurs, elle recommande au Comité des Ministres d’envisager :

6.1. d’inviter l’Union européenne à adhérer au Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) ;

6.2. de promouvoir, dans les contacts avec des États du bassin de la Méditerranée, l’adhésion aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe ;

6.3. la possibilité d’ouvrir certaines conventions du Conseil de l’Europe, notamment la Convention européenne culturelle, à la signature des États non membres du Conseil de l’Europe ;

6.4. l’opportunité d’inviter les États du bassin de la Méditerranée à participer à certaines activités du Conseil de l’Europe qui pourraient présenter un intérêt commun.

1 Discussion par l’Assemblée le 30 avril 2010 (18e séance) (voir Doc. 12108, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Badré, Doc. 12135, avis de la commission des questions économiques et du développement, rapporteur: M. Kumcuoğlu, et Doc. 12139, avis de la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales, rapporteur: Mme Papadimitriou). Texte adopté par l’Assemblée le 30 avril 2010 (18e séance)

Annexe 3 
Résolution 1739 (2010)
Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe

1. La région de la Méditerranée occupe une position stratégique dans le voisinage de l’Europe. Elle a des liens historiques, culturels, économiques et humains avec le continent européen. La paix et la stabilité dans cette région revêtent une importance cruciale pour l’Europe.

2. L’Assemblée parlementaire réitère l’importance qu’elle attache au renforcement de la coopération et des échanges avec les pays de la Méditerranée, et se réfère, entre autres, à sa Résolution 1598 (2008) « Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb », ainsi qu’à ses activités visant à contribuer au processus de paix au Proche-Orient. Elle rappelle également que les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe réunis lors du Sommet de Varsovie en mai 2005 se sont engagés à encourager un nouveau dialogue interculturel et interreligieux avec les régions voisines – la rive sud de la Méditerranée, le Moyen-Orient et l’Asie centrale – fondé sur le respect des droits humains universels.

3. Dans ce contexte, l’Assemblée prend note avec satisfaction des progrès récemment accomplis par les divers organes, institutions et mécanismes dans le développement de la coopération du Conseil de l’Europe avec les États non membres de la région de la Méditerranée. Elle se félicite tout particulièrement de l’adhésion de plusieurs États non membres de cette région aux conventions et accords partiels du Conseil de l’Europe.

4. L’Assemblée note que l’Union européenne s’est engagée dans une politique visant à développer un partenariat avec les pays de la Méditerranée et à contribuer à la stabilité dans la région. Lancé en 1995 comme « Processus de Barcelone », le partenariat euro-méditerranéen a été complété par la Politique européenne de voisinage (2004) et, plus récemment, institutionnalisé par la création en 2008 de l’Union pour la Méditerranée qui englobe l’ensemble des États membres de l’Union européenne et des pays riverains de la Méditerranée.

5. L’Assemblée réitère sa conviction que la paix et la stabilité dans la région de la Méditerranée ne peuvent être garanties à long terme que sur la base de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit – comme cela a été démontré par l’évolution du processus européen, aussi bien au sein de l’Union européenne, qui est fondée sur ces principes, que dans le cadre du Conseil de l’Europe dont la mission statutaire est de promouvoir, protéger et développer ces valeurs et principes. L’Assemblée rappelle en même temps que le développement économique et social est aussi une exigence fondamentale.

6. Elle note que plusieurs pays de la Méditerranée proclament leur attachement à ces valeurs et principes et manifestent leur intérêt à bénéficier de l’expérience et de l’expertise du Conseil de l’Europe en la matière. Cependant, ces domaines ne figurent pas parmi les priorités annoncées des activités multilatérales de l’Union pour la Méditerranée, même si la Déclaration commune du Sommet de Paris pour la Méditerranée – document fondateur de l’Union pour la Méditerranée – fait référence à la démocratie. Par ailleurs, dans ses relations bilatérales avec certains États méditerranéens, l’Union européenne se réfère explicitement au Conseil de l’Europe.

7. L’Assemblée estime donc que le Conseil de l’Europe devrait approfondir la coopération bilatérale dans ses domaines d’activités avec les États méditerranéens qui le souhaitent. En même temps, il devrait s’engager dans le processus multilatéral de partenariat euro-méditerranéen et y apporter sa contribution. L’Assemblée souligne qu’il ne s’agit pas, pour le Conseil de l’Europe, de viser à concurrencer l’action de l’Union pour la Méditerranée en créant des structures parallèles, mais de la compléter en y introduisant la dimension relative à la démocratie, aux droits de l’homme et à la prééminence du droit, tout en y incluant la question transversale de l'égalité entre les sexes. L’Assemblée souligne aussi l’importance de la diplomatie parlementaire dans le Bassin méditerranéen et se félicite à cet égard de la coopération constructive qu’elle a encouragée avec l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM).

8. L’Assemblée appelle l’Union pour la Méditerranée à élargir son domaine d’activités pour y inclure la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit, et à y associer le Conseil de l’Europe. Elle appelle l’Union Européenne et ses États membres, ainsi que les États membres du Conseil de l’Europe qui participent à l’Union pour la Méditerranée, à favoriser l’association du Conseil de l’Europe aux activités de celle-ci.

9. L’Assemblée réitère son intérêt et sa disponibilité pour contribuer au développement de la dimension parlementaire des relations euro-méditerranéennes. Dans ce contexte, elle rappelle sa décision d’instituer le nouveau statut de « partenaire pour la démocratie » qui devient opérationnel en janvier 2010, et encourage vivement les parlements nationaux des États non-membres du Conseil de l’Europe participant à l’Union pour la Méditerranée à profiter des nouvelles possibilités de dialogue et de coopération qu’il ouvre. Elle propose notamment de continuer, en coopération avec le Centre Nord-Sud, à promouvoir une égale participation des femmes et des hommes en politique et à lutter contre la violence faite aux femmes.

10. L'Assemblée se félicite de l'implication de l'Union européenne dans l'action du Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud), à travers le soutien politique et financier apporté par la Commission européenne et la participation de cette dernière et du Parlement européen dans le Conseil exécutif du Centre Nord-Sud. Elle rappelle sa proposition contenue dans sa Recommandation 1893 (2009) visant à doter le Centre Nord-Sud d'un nouveau statut, et invite l'Union européenne à envisager d'adhérer au centre en tant que telle.

11. L’Assemblée invite les États non membres du Conseil de l’Europe participant à l’Union pour la Méditerranée à profiter de l’expérience du Conseil de l’Europe et à faire appel à son expertise dans tous les domaines de sa compétence, et en particulier :

11.1. à adhérer aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe ouverts aux États non membres, en particulier à ceux qui relèvent des domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit ;

11.2. à abroger, s’ils ne l’ont pas encore fait, la peine capitale ;

11.3. à adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, aux accords partiels élargis du Conseil de l’Europe tels que le Centre Nord-Sud, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), et l'Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs (EUR-OPA) ;

11.4. à adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, au Réseau méditerranéen MedNET de coopération sur les drogues et les addictions (y compris l’alcool et le tabac) ;

11.5. à promouvoir le dialogue et la coopération de leurs parlements avec l’Assemblée ;

11.6. à promouvoir la coopération des collectivités locales et régionales de leurs pays avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ;

11.7. à établir des contacts de leurs autorités compétentes avec le Conseil de l’Europe dans les domaines de la justice, le développement durable, la culture, l’éducation et l’enseignement supérieur, la jeunesse et le sport, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, la protection des droits de l’enfant ;

11.8. à étudier, notamment à travers le Centre Nord-Sud, et à utiliser, dans les activités de leurs instances nationales respectives, l’expérience des institutions veillant au respect des droits de l’homme (Cour européenne des droits de l’homme et Commissaire aux droits de l’homme), ainsi que des différents mécanismes indépendants de suivi créés dans le cadre du Conseil de l’Europe tels que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Charte sociale européenne ;

11.9. à favoriser les contacts entre des représentants de la société civile et la Conférence des OINGs du Conseil de l’Europe.

12. L’Assemblée appelle les États membres qui ne sont pas encore membres du Centre Nord-Sud, ainsi que l’Union européenne, à y adhérer.

1 Discussion par l’Assemblée le 30 avril 2010 (18e séance) (voir Doc. 12108, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Badré, Doc. 12135, avis de la commission des questions économiques et du développement, rapporteur: M. Kumcuoğlu, et Doc. 12139, avis de la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales, rapporteur: Mme Papadimitriou). Texte adopté par l’Assemblée le 30 avril 2010 (18e séance).

Annexe 4
Résolution 1726 (2010) – Mise en oeuvre effective de la Convention européenne
des droits de l'homme : le processus d'Interlaken

1. L'Assemblée parlementaire se félicite de l’initiative prise par les autorités suisses d’organiser la Conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme (la Cour), réunie à Interlaken les 18 et 19 février 2010, et de l'adoption, à cette Conférence, de la Déclaration d'Interlaken et du Plan d'action qui l’accompagne.

2. L'Assemblée s'associe à la Déclaration qui reconnaît, en particulier, la contribution extraordinaire de la Cour à la protection des droits de l’homme en Europe et la nature subsidiaire, soulignée par les participants à la Conférence, du mécanisme de contrôle institué par la Convention européenne des droits de l'homme (la Convention) et notamment le rôle fondamental que les autorités nationales, à savoir les gouvernements, les tribunaux et les parlements, doivent jouer dans la garantie et la protection des droits de l’homme au niveau national.

3. L'Assemblée a également pris note des décisions prises récemment par le Comité des Ministres en vue de maintenir l’impulsion, connue sous le nom de « Processus d'Interlaken », donnée par la Conférence. Elle entend suivre de près les décisions qui seront prises lors de la prochaine session ministérielle, le 11 mai 2010, afin d’établir une feuille de route claire pour le processus de réforme en vue de garantir l’efficacité à long terme du système de la Convention.

4. Pour garantir l’efficacité à long terme du système de la Convention, le principe de subsidiarité doit être rendu pleinement opérationnel dans l'ensemble des États parties à la Convention. En conséquence, le processus d'Interlaken devrait prendre notamment en considération divers thèmes auxquels l'Assemblée accorde une importance particulière et n’entraînant pas l’amendement de la Convention, à savoir : la nécessité de consolider la mise en œuvre des droits de la Convention au niveau national (y compris l’autorité de la chose interprétée (res interpretata) de la jurisprudence de la Cour) ; le renforcement de l'efficacité des voies de recours internes dans les pays qui connaissent des problèmes structurels majeurs, et la nécessité d'une exécution rapide et complète des arrêts de la Cour.

5. L'Assemblée souligne le rôle essentiel que les parlements nationaux peuvent jouer pour endiguer le flot de requêtes qui submergent la Cour, notamment en procédant à l’examen attentif de la compatibilité des (projet de) lois avec les exigences de la Convention, et en contribuant à garantir une mise en conformité rapide et complète des États avec les arrêts de la Cour.

6. A cet égard, l'Assemblée invite de nouveau « tous les parlements nationaux à instaurer des mécanismes et des procédures destinés à garantir un contrôle parlementaire effectif de l’exécution des arrêts de la Cour, fondé sur des rapports réguliers des ministères compétents » (paragraphe 22.1), tel que formulé dans la Résolution 1516 (2006) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour.

7. L’autorité de la Cour dépend de la stature de ses juges ainsi que de la qualité et de la cohérence de sa jurisprudence. A cet égard, il incombe à l'Assemblée d’élire à la Cour des juges du plus haut niveau à partir de listes de trois candidats désignés par les États parties. Rappelant sa Résolution 1646 (2009) sur la nomination des candidats et l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme, l'Assemblée relance son appel pour des procédures nationales de sélection rigoureuses, équitables et transparentes afin de garantir la qualité, l'efficacité et l'autorité de la Cour.

8. Enfin, l'Assemblée se félicite de la prochaine entrée en vigueur, le 1er juin 2010, du Protocole n° 14 à la Convention et, ce faisant, elle confirme sa position selon laquelle le nouveau mandat de neuf ans d'un juge élu à la Cour par l'Assemblée commence à courir à la date de la prise de ses fonctions et en tout cas pas plus de trois mois après la date de son élection. Cependant, si l’élection a lieu plus de trois mois avant que le siège du juge sortant ne devienne vacant, le mandat commencera le jour où le siège devient vacant. Si l’élection a lieu moins de trois mois avant que le siège du juge sortant ne devienne vacant, le/la juge élu(e) prendra ses fonctions dès que possible après que le siège est devenu vacant et son mandat commencera à cette date-là, et en tout cas pas plus de trois mois après son élection.

1 Discussion par l’Assemblée le 29 avril 2010 (17e séance) (voir Doc. 12221, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : Mme Bemelmans-Videc). Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2010 (17e séance)

Annexe 5
Proposition de résolution n° 12255 (2010) – Les violences psychologiques en tenir compte dans la lutte contre la violence faite aux femmes

Présentée par Mme Greff et plusieurs de ses collègues.

La présente proposition n’a pas été examinée par l’Assemblée et n’engage que ses signataires

1. Abus de pouvoir ou contrôle d'une personne sur une autre, la violence psychologique s'exprime par des mots ou des attitudes (paroles blessantes, insultes, menaces, moqueries, indifférence, ...) qui traumatisent la victime.

2. Des sentiments de peur et d'insécurité peuvent conduire à se réfugier dans le silence. Il est donc important pour la victime de parler afin que la violence psychologique ne se renforce et ne s'aggrave.

3. La violence psychologique subie par les femmes, en particulier dans la sphère domestique, doit être punie. Cette forme de violence, souvent répétée, est intériorisée par les femmes. Non seulement la violence psychologique accompagne d’autres formes de violence mais elle en constitue aussi le préalable.

4. Pourtant, comme en attestent les discussions actuelles au sein du Comité ad hoc du Conseil de l'Europe chargé de rédiger la future Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO), la définition des violences psychologiques et psychiques est encore mal établie. Cette notion semble par ailleurs poser problème dans plusieurs États membres qui hésitent à l'ériger en infraction au motif que cette violence ne peut être facilement établie.

5. L’Assemblée parlementaire considère que la violence psychologique et psychique subie par les femmes doit être reconnue comme l'une des formes de violence envers les femmes. Elle propose d'inclure, dans la future Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, la lutte contre les violences psychologiques.

Signé (voir au verso)

Signé1:

GREFF Claude, France, PPE/DC

ABLINGER Sonja, Autriche, SOC

AUSTIN John, Royaume-Uni, SOC

BLONDIN Maryvonne, France, SOC

BOSWELL Tim, Royaume-Uni, GDE

CILEVIČS Boriss, Lettonie, SOC

ČURDOVÁ Anna, République tchèque, SOC

DUNDEE Alexander, Royaume-Uni, GDE

ERR Lydie, Luxembourg, SOC

KOVÁCS Elvira, Serbie, PPE/DC

LECOQ Jean-Paul, France, GUE

MARIN Christine, France, PPE/DC

MENDES BOTA José, Portugal, PPE/DC

MIGNON Jean-Claude, France, PPE/DC

NTALARA Anna, Grèce, SOC

PAPADIMITRIOU Elsa, Grèce, PPE/DC

RIBA FONT Maria Pilar, Andorre, SOC

ROCHEBLOINE François, France, PPE/DC

STULIGROSZ Michał, Pologne, PPE/DC

STUMP Doris, Suisse, SOC

VOLOZHINSKAYA Tatiana, Fédération de Russie, GDE

VRETTOS Konstantinos, Grèce, SOC VRETTOS Konstantinos, Grèce, SOC

ZHIDKIKH Vladimir, Fédération de Russie, GDE

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